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T3 – Histoire et mémoires/Intro générale

ACTIVITÉS – HISTOIRE ET MÉMOIRES, HISTOIRE ET JUSTICE

ACTIVITÉ N°1 – « HISTOIRE ET MÉMOIRES »


Objectifs :
- Comprendre que l’histoire et la mémoire sont deux choses différentes mais qu’elles sont les deux
voies d’accès au passé
- Comprendre les enjeux politiques de la transmission de l’histoire et de la mémoire

Support et démarche : travail à partir du corpus documentaire p. 192-193


1. Lecture et compréhension des documents
2. Tableau à compléter
Histoire Mémoire

Définition

Acteurs

Comment se
fabriquent
l’histoire et la
mémoire

Quels sont les


rapports entre la
mémoire et
l’histoire ?

Quelle est la place Faites des recherches sur les lois mémorielles en
occupée par la France (lesquelles, dates, pourquoi et dans quel
but ?)
mémoire dans
l’espace social et
politique des
sociétés
contemporaines ?
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ACTIVITÉ N°2 – « HISTOIRE ET JUSTICE : LES NOTIONS DE CRIMES CONTRE
L’HUMANITÉ ET DE GÉNOCIDE, ET LE CONTEXTE DE LEUR ÉLABORATION »

Objectifs : comprendre dans quel contexte se construisent les notions de crime contre l’humanité et de
génocide et quelles sont leurs significations.

Support et démarche : à partir du dossier documentaire p. 196-197, réaliser une carte mentale.

ACTIVITÉ N°3 – MISE EN PRATIQUE : « L’AFFAIRE OLIVIER GRENOUILLEAU »


Objectif : comprendre les rapports entre l’histoire, la mémoire et la justice à travers un exemple.

Support et démarche : à partir d’un article de presse (Le Monde) et d’un entretien, montrez les enjeux de
l’affaire Olivier Grenouilleau (qui est-il ? sur quoi travaille-t-il ? de quoi a-t-il été accusé et par qui ? quels
sont les enjeux politiques et mémoriels ? qui l’a défendu et pourquoi ?)

« Olivier Grenouilleau, l’artisan historien », par Julie Clarini, Le Monde, 29 juin 2014 [en ligne :
https://www.lemonde.fr/livres/article/2014/07/03/olivier-grenouilleau-l-artisan-
historien_4449659_3260.html]

Ce chercheur entend écrire l’histoire de l’esclavage, sa spécialité, « honnêtement et sérieusement ». Même si son
objet, très politique, lui a valu de se trouver, à son corps défendant, au centre de violentes polémiques.

Il aime regarder les arbres en travaillant. C’est, peu ou prou, tout ce qu’on saura de personnel sur lui. Le plus
important est son œuvre d’historien. Elle l’a propulsé en esprit bien loin des « paysages vallonnés et des ciels
nuancés » du pays nantais qu’il affectionne depuis son enfance et où il a passé une partie de sa vie. En s’intéressant
à l’histoire de l’esclavage, Olivier Grenouilleau a brassé, à 52 ans et une quinzaine de livres, des cultures et des
régions plus vastes que ce dont pouvait rêver l’écolier avide d’exotisme qu’il était : l’Inde des Moghols, la Chine
des Han, la Russie du XIXe siècle ou la Sparte antique… Ce matériau gigantesque, il s’en est saisi avec application,
acquis à l’idée que les choses ne prennent sens que mises en relation les unes avec les autres, comparées les unes
aux autres.

Avec son nouveau livre, Qu’est-ce que l’esclavage ?, il est encore question de ça, de « parvenir à lier le global et le
singulier » en tentant de répondre à une question toujours escamotée, bien que très ancienne : comment définir la
condition d’esclave ? Est-ce une vie de labeur, une vie sacrifiée, l’homme réduit, tel Spartacus, à faire la bête, de
somme ou de foire ? Ou est-ce la simple privation de liberté, mais alors de quelle liberté ? Pas si évident… Certains
esclavagistes américains affirmaient que leurs possessions vivaient mieux que les prolétaires européens de la
révolution industrielle. Peut-être pas sans raison. Faut-il s’appuyer sur la stricte alternative liberté ou servitude ?
Mais comment distinguer cette forme d’aliénation de la condition du serf ? Ou même du domestique – un état qui
paraissait si proche de l’esclavage aux Montagnards que, en 1793, ils décidèrent de l’abolir ? L’historien en vient à
dresser, dans son ouvrage, un tableau sophistiqué de tous les modes d’exploitation du travail. Les siècles ont vu en
effet s’instaurer des formes de dépendance extrêmement diverses, du péonage (paysan employé à demeure sur une
terre) au clientélisme, en passant par le travail forcé et le salariat, « sans doute le mode d’exploitation le plus
souple ».

Cette approche exhaustive est le cœur de la méthode d’Olivier Grenouilleau, lui qui se revendique de « l’histoire
globale », définie comme la volonté d’étudier un phénomène dans l’espace et la durée, sous « toutes ses coutures
». L’objet se dévoile dans l’exercice de la comparaison, exercice délicat que les historiens manient avec prudence,
mais qu’il assume pleinement : « Il n’y a pas d’histoire sans comparaison, qu’elle soit explicite ou non et, par
définition, on ne compare que des objets par nature différents. Aussi, lorsque j’ai intégré dans un même ouvrage
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les traites négrières internes, orientales et occidentales, c’était parce qu’elles étaient historiquement liées, afin de
mesurer leurs points communs, mais aussi leurs différences ; absolument pas pour les réduire à l’identique. » Ce
sera la seule allusion de sa part à la polémique dont il fut la cible après la parution de son ouvrage, en 2005, Les
Traites négrières (Gallimard) : certains le soupçonnèrent de vouloir dédouaner l’Europe de son rôle moteur dans le
commerce négrier. Lors d’un entretien de presse écrite, paru au lendemain de la remise du Prix du livre d’histoire
du Sénat, il avait, par ailleurs, précisé que, selon lui, les traites négrières n’étaient pas « des génocides », que « le
génocide juif et la traite négrière étaient des processus différents ». Accusé, cette fois, de « racisme » et de «
révisionnisme », violemment pris à partie sur les blogs et autres réseaux sociaux, il fut assigné en justice par le
Collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais (dont l’avocat était Me Gilbert Collard), au nom de la loi Taubira
du 21 mai 2001 reconnaissant l’esclavage et la traite comme crime contre l’humanité. Si les plaintes furent
finalement retirées, de nombreux historiens, heurtés par ces attaques contre l’autonomie de la recherche, lancèrent
l’appel « Liberté pour l’histoire ». Signée par dix-neuf historiens, dont Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Pierre
Vernant, Pierre Vidal-Naquet, cette pétition qui demandait, de manière radicale, non seulement l’abrogation de la
loi Taubira, mais également celle de la loi Gayssot, (tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe),
ainsi que les lois qualifiées de « mémorielles », provoqua des débats sans fin dans la communauté historienne.

Des traces qu’a laissées la bourrasque juridico-médiatique sur cet homme qui aime les doux vallons de l’Ouest et
ses cieux sereins, on ne saura pas grand-chose. Toujours la même réserve. Pour lui, l’histoire et la politique sont
deux champs distincts, qui ne devraient pas se mêler. « L’engagement, pour moi, c’est combattre les a priori,
rechercher la vérité. C’est faire son métier, honnêtement et sérieusement, comme le ferait un bon artisan. » Même
refus de commenter les demandes de réparation émanant de certaines associations : ce n’est pas le rôle de l’historien
de désigner les coupables. On devine qu’il a traversé la tempête en s’accrochant à une certitude, celle d’avoir rempli
sa mission.

Ce sens du devoir accompli n’est pas pour lui de petite importance. S’il est une chose que lui ont léguée ses parents,
dit-il – père facteur, mère ouvrière –, c’est le goût du travail bien fait. Pour le reste, il s’est construit tout seul,
s’achetant l’Encyclopedia universalis avec son premier salaire d’été. « Des lectures plutôt que des contacts », voilà
ce dont a disposé l’étudiant. A l’époque, il se passionnait, à la faculté de Nantes, pour les cours de Serge Daget, le
grand spécialiste de la traite atlantique. Il choisit comme sujet de thèse les familles négrières nantaises. Un sujet peu
porteur à l’époque : « C’était un peu comme s’enterrer. » Il décide, de surcroît, d’étudier cette bourgeoisie
négociante dans la longue durée, sur les traces de Fernand Braudel, quand la mode est alors à la micro-histoire.
Autant dire que ce n’est pas l’ambition académique qui porte le jeune homme. Il décrit la suite de ses recherches
comme des cercles qui ne cessent de s’élargir : partant des familles de négociants-armateurs, il s’intéresse au
capitalisme négrier ; du trafic des êtres humains à l’esclavage ; enfin, de la condition d’esclave aux abolitionnistes.

Lui qui semblait sur la réserve, sinon sur ses gardes, se libère quand il veut convaincre de l’incroyable rupture
culturelle contenue dans l’idée d’abolir l’esclavage. Une vraie révolution, en réalité, des mentalités et des
sensibilités – et le sujet d’un livre à venir. Il s’anime soudain, lui qui affirme aimer faire comprendre autant que
comprendre. « La vraie tâche de l’intellectuel, c’est de rendre accessibles des choses complexes », insiste-t-il.
Amoureux de pédagogie, ancien professeur de lycée, il est devenu prof de fac à Lorient après sa thèse, puis à
Sciences Po à Paris ; il est aujourd’hui inspecteur général de l’Education nationale. Sans avoir abandonné la
recherche.

Visiblement, l’ancien étudiant atypique n’est pas devenu, avec le temps et la reconnaissance, un homme avide de
pouvoirs. Régner sur le département d’une grande faculté parisienne ne le fait pas rêver. Olivier Grenouilleau,
anciennement Pétré-Grenouilleau – il a ôté ce premier patronyme à la suite d’un divorce –, habite maintenant près
d’Angers. Finalement, rien ne prédisait que cet historien aurait tant d’histoires, lui qui semble si peu les aimer et
qui n’a d’ambition, on l’aura compris, que pour la grande. La preuve, son prochain livre : une histoire mondiale des
esclavages.

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