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L’Espace Politique
Revue en ligne de géographie politique et de géopolitique

3 | 2007-3
Démocratie, territoires, élections

Le mauvais usage de la
démocratie en Côte d’Ivoire
The Misuse of Democracy in Côte d'Ivoire

Christian Bouquet
https://doi.org/10.4000/espacepolitique.894

Abstracts
Français English
Comme tous les autres pays du Sud, la Côte d’Ivoire a été invitée à s’engager, au début des
années 1990, dans un processus visant à faire évoluer son mode de gouvernance vers un
modèle que les pays du Nord considèrent comme universel : la démocratie à l’occidentale.
En même temps, elle devait construire une forme d’identité nationale à l’intérieur de
frontières héritées de la colonisation. L’exercice s’est avéré si compliqué que le pays a
implosé. L’analyse des malentendus et des incompréhensions, réels ou feints, qui ont
entouré la mise en place du processus démocratique en Côte d’Ivoire nous conduit à nous
interroger sur le bien fondé d’une greffe qui a du mal à prendre, et à suggérer qu’on aille
relire l’histoire précoloniale – fût-elle issue de la tradition orale pour tenter de

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comprendre les causes de ce rejet en explorant d’autres modes de gouvernement des
hommes, tout en nous déprenant de notre ethnocentrisme.

As all the other countries in the South, the Ivory Coast was invited to engage, in the early

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90s, in a process meant to restructure its mode of governance to bring it closer to what

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countries in the North regard as a universal model : western-style democracy. At the same
time, the Ivory Coast had to build a form of national identity within borders inherited
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from colonization. The task proved so arduous that it led to the country’s implosion. The
analysis of the misunderstandings and incomprehensions, both actual and feigned, which
surrounded the setting up of the democratic process in the Ivory Coast raises the issue of

OK, accept all


the relevance of the transplant and suggests a re-reading of precolonial history – including
✓derived from the oral tradition – in an attempt to understand the causes of the
that
rejection by exploring other modes of human government while keeping our

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ethnocentrism at bay.

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Mots-clés policy politique, Afrique, Côte d’Ivoire, processus démocratique,
: géographie
ethnocentrisme
Keywords: political geography, Africa, Ivory Coast, democratic process, ethnocentrism

Full text
1 Si l’on reprend le postulat de Raymond Aron1 – selon lequel l’espace est
considéré comme cadre par la géographie politique, comme enjeu par la
géopolitique, et comme théâtre par la géostratégie – la Côte d’Ivoire apparaît
comme un véritable cas d’école. En effet, son territoire a été découpé par la
puissance coloniale à l’intérieur d’un espace ouest-africain dépourvu de
frontières, puis redécoupé pour permettre au « trop-plein » de la population
sahélienne de venir pallier les manques de main d’œuvre des zones côtières et
forestières (carte 1 : la Haute-Côte), puis définitivement circonscrit par des
frontières à l’intérieur desquelles on attend que se construise une identité
nationale. A l’évidence, la géographie a pesé lourd dans l’histoire de ce pays,
notamment par la distribution zonale du climat, des sols, et des « modèles
économiques » que l’on observe en Afrique de l’Ouest, ainsi que par le poids de
l’enclavement des pays sahéliens. Ces données basiques, que la géographie
contemporaine a tendance à minimiser, ont été réactivées à la faveur de la
dernière étape en date des transferts de modèles du Nord vers le Sud : le
processus démocratique. Nous proposons ici de relire l’histoire récente de la Côte
d’Ivoire en soulignant, sur fond de sous-développement économique, quelques
incompréhensions majeures sur le sens du vote et du suffrage universel, sur le
multipartisme, sur la liberté d’expression et sur l’Etat de droit

Carte 1 : La Haute Côte

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L’injonction démocratique
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2 C’est ainsi que, comme les autres ex-colonies françaises d’Afrique
subsaharienne, la Côte d’Ivoire a été invitée, le 20 juin 1990 à La Baule, à
s’engager dans un processus démocratique2, dont le président Mitterrand a eu le
bon goût de ne pas rappeler qu’il avait jadis existé. En effet, à la suite de la loi-
cadre de Gaston Deferre (1956), les « indigènes » étaient peu à peu devenus des
électeurs bénéficiant des mêmes prérogatives que les citoyens français, et ils
avaient été amenés, à plusieurs reprises, à désigner au suffrage universel des
représentants affichant sinon des programmes divergents du moins des
étiquettes politiques contrastées. A cette époque, le Parti communiste français et
la SFIO symbolisaient une « opposition » qui ratissait des voix probablement
intraduisibles en termes idéologiques, mais significatives d’une certaine forme de
multipartisme. Il est étrange de constater que peu d’historiens ou de politologues
se sont penchés sur cette période allant de 1956 à 1962 au cours de laquelle le
modèle politique occidental a été plaqué à l’identique sur les Etats nouvellement
indépendants. Et il serait surtout très intéressant de suivre les mécanismes qui
ont conduit tous les nouveaux présidents africains à rompre très rapidement
avec cette forme de démocratie et à se transformer – pour plus de trente ans en
dictateurs appuyés sur des partis uniques, sans que les anciennes puissances
coloniales ne s’en offusquent, et pendant que la plupart des chercheurs restaient
curieusement muets sur le sujet3.
3 Ainsi, en Côte d’Ivoire, les consultations électorales de 1957-58, organisées de
manière libre et transparente (comme on n’en verrait plus de sitôt), tournèrent à
l’avantage du PDCIRDA4, le parti de Félix Houphouët-Boigny. C’est alors que les
autres formations politiques se sabordèrent. Pourquoi et dans quelles
conditions ? Il est peu probable que l’Histoire nous fournisse un jour des
explications satisfaisantes. Puis, après un ultime sursaut de quelques leaders d’
« opposition » en 1959, tout le monde se coula dans le moule du PDCI. Il est vrai
que le RDA fédérateur était à géométrie variable, puisque Félix Houphouët-
Boigny avait été très proche du Parti communiste français au début des années
1950, avant de devenir au moment des indépendances l’un des seuls adeptes du
libéralisme économique en Afrique, sans que ses pairs ne s’en émeuvent.
Toujours est-il que le pays s’engagea alors dans un demi-siècle de contournement
et de falsification de la démocratie, dont il semble avoir beaucoup de mal à sortir.

Le poids des habitudes


4 Les mémoires des témoins de l’époque ne rapportent guère d’informations sur
les réactions du « Vieux » lorsque son homologue français entreprit de lui donner
des leçons de démocratie, au seuil des années 1990. Nul doute qu’il promit de se
plier aux nouvelles règles, qui étaient d’ailleurs présentées comme des
« conditionnalités » incontournables pour ceux qui souhaitaient pouvoir encore
bénéficier de la générosité des bailleurs de fonds. Mais le vieux planteur roué
qu’il avait toujours été ce qui lui avait valu d’être distingué dans un
gouvernement du général de Gaulle – était assez habile pour contourner les
obstacles et pour intégrer les nouvelles règles dans son mode de fonctionnement
habituel.
5 Coutumier, pourrait-on dire. Car Félix Houphouët-Boigny avait assis son

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pouvoir sur une forme de régulation de nature socio-politique (et/ou ethno-
politique) probablement héritée de ses anciennes pratiques de chef traditionnel.
De même qu’aucune opposition n’était admise lors des élections présidentielles,
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la liste des candidats aux élections législatives était établie au sein du parti
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unique, avec le souci de maintenir les équilibres entre des groupes de population
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qui avaient été rassemblés arbitrairement à l’intérieur de frontières artificielles.
Les heureux « élus » bénéficiaient alors des retombées de la générosité
présidentielle, largement alimentée par la Caisse de stabilisation du café et du
cacao (Caistab)5 , ce qui aidait grandement à obtenir un large consensus lorsque
leur avis était sollicité.
6 Le président n’eut donc guère de difficulté à s’adapter à la nouvelle donne
fermement suggérée par le discours de La Baule : chronologiquement, il s’offrit
même le luxe d’anticiper puisqu’il instaura « le multipartisme au sein du parti
unique » dès le 5 mai 1990, ce qui revenait à simplement toiletter le système
antérieur. En refusant d’organiser une Conférence nationale, comme le lui
demandait notamment le Parti ivoirien des travailleurs (PIT), fraîchement créé, il
montrait clairement qu’il n’avait pas l’intention d’épouser l’air du temps. Et
pourtant, le principe des Conférences nationales, appliqué par bon nombre de
« nouvelles démocraties » africaines, présentait bien des avantages. D’une part il
permettait à toutes les sensibilités de s’exprimer, et cette forme de catharsis était
nécessaire après trente ans sans liberté d’expression. Et d’autre part les
Conférences nationales avaient souvent joué le rôle d’assemblées constituantes.
A l’évidence, une telle instance aurait pu, dès 1990, débattre de manière moins
passionnelle des conditions d’éligibilité à la présidence de la République de Côte
d’Ivoire, et éviter la spirale du chaos qui allait s’enclencher dès l’élection de 1995.
7 En ces temps de réactivation du passé colonial et néocolonial de la France, il
serait bon de s’interroger sur la position adoptée par l’ancienne métropole lors
de ces deux moments-clés de l’histoire ivoirienne : 1960 et le basculement dans
l’autocratie d’une part, 1990 et le contournement (détournement ?) de la
démocratie d’autre part. Sur le premier, les inventeurs du concept de
« Françafrique »6 ont donné des réponses qui sont parfois un peu courtes. Sur le
second, on aimerait savoir pourquoi le Quai d’Orsay et la cellule africaine de
l’Elysée ont observé à l’endroit du pouvoir ivoirien – on pourrait dire à l’endroit
des pouvoirs successifs – une passivité coupable face à des dérives qui auraient
été jugées inacceptables partout ailleurs.

L’usage biaisé du suffrage universel


8 Comme nous l’avons vu, les électeurs ivoiriens avaient l’habitude d’être
sollicités non pas pour choisir leur président ou leurs députés mais plutôt pour
confirmer des candidats qui avaient été préalablement désignés. Il s’agissait donc
d’une falsification du suffrage universel, selon un principe qui n’avait rien
d’exceptionnel sur le continent africain, ce qui accentuait encore le discrédit dont
pouvait souffrir l’application de ce droit élémentaire. Ainsi l’avènement d’un
« vrai » processus démocratique dans les années 1990 est-il intervenu dans un
contexte où le geste de déposer un bulletin dans une urne n’avait pas tout à fait le
sens escompté. Malheureusement la classe politique ivoirienne n’a pas saisi ce
moment pour moraliser le système. Au contraire, le pouvoir en place s’est adossé
au suffrage universel pour introduire, sous couvert de démocratie, des mesures
qui allaient plonger le pays dans des turbulences dont l’autocratie de Félix
Houphouët-Boigny l’avait protégé jusque-là. Ce constat est délicat dans la mesure
où il induit l’idée que certains pays du Sud ne sont pas « mûrs » – le terme est
sans doute mal choisi – pour un système politique exogène, fût-il considéré
comme celui qui doit prévaloir sur toute la planète.

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9 C’est pourtant en Côte d’Ivoire que l’idée de laisser s’exprimer toutes les
sensibilités politiques, et donc de prendre le risque d’une alternance, a conduit
l’ex-parti unique non pas à se donner les moyens de continuer à gagner les
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élections, mais à s’acharner à faire perdre les autres. Et, pour ce faire, on a joué
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sur les deux piliers de la démocratie représentative : les électeurs et les éligibles.
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Les deux démarches ont même été simultanées lors de l’adoption du nouveau
code électoral préparant l’élection présidentielle de 1995, puisque le droit de vote
fut retiré aux résidents africains non ivoiriens, tandis que l’article 49 stipulait
que, pour être éligible à la présidence de la République, il fallait être né de père
et de mère eux-mêmes ivoiriens de naissance. L’article 77 élargissait cette
disposition à l’éligibilité des députés.
10 A première vue, de telles modalités n’étaient pas scandaleuses. Pourtant, elles
sont à l’origine de la crise ivoirienne. En effet, la Côte d’Ivoire accueille sur son
territoire une proportion de l’ordre de 25% de ressortissants étrangers,
essentiellement en raison de la politique coloniale qui avait, dès les années 1930,
organisé un transfert massif de main d’œuvre entre le Mali et l’ex-Haute-Volta
d’une part et la Basse-Côte d’autre part. Il s’agissait d’abord d’exploiter la forêt et
de construire le chemin de fer Abidjan-Niger, puis de développer les plantations
de café et de cacao. Depuis 1945, ces étrangers avaient toujours été autorisés à
voter car ils étaient souvent installés dans le pays depuis longtemps, et ils
constituaient un vivier de voix intéressant pour le parti unique (qui n’en avait
d’ailleurs pas besoin). Revenir sur cette pratique était donc relativement logique,
mais aussi dangereux dans la mesure où la question de la « nationalité
ivoirienne » allait se poser, aussi bien en termes de « droit du sol / droit du sang »
pour les immigrés de longue date, qu’en termes d’ « ivoirité » d’origine pour les
Ivoiriens vivant dans le Nord du pays sans être forcément nés d’un père ET d’une
mère « ivoiriens de naissance », du fait notamment de la proximité et de la
flexibilité des frontières dans le temps7.

Ecarter les candidats…


11 Les hommes politiques ivoiriens avaient-ils à ce point si peu confiance dans la
sanction des urnes ? Toujours est-il qu’ils préférèrent d’abord écarter
préventivement certains candidats plutôt que de laisser le peuple exprimer
librement son choix. Dès la première élection présidentielle « libre » (1995),
l’opposant du Nord et leader du Rassemblement des Républicains (RDR) Alassane
Ouattara ne fut pas autorisé à se présenter en vertu du fameux article 498. Et
pourtant, il avait été pendant trois ans le Premier ministre de Félix Houphouët-
Boigny…
12 La Constitution de juillet 2000, dont on avait pu espérer au moment du putsch
du général Robert Gueï qu’elle solderait définitivement le problème des Ivoiriens
dont l’origine n’était pas «multiséculaire»9 , réintégra cette clause d’exclusion
quelques jours avant le référendum organisé pour la faire approuver10.
Remplaçant l’article 49, l’article 35 exigea de nouveau que le père ET la mère du
candidat soient ivoiriens de naissance, alors que, pendant plusieurs mois, les
rédacteurs s’en étaient tenus à la formule « né de père OU de mère ivoiriens de
naissance »11. Mais cette Constitution contenait également d’autres bonnes
raisons de mettre hors-jeu bon nombre de candidats à l’élection présidentielle
d’octobre 2000 : outre Alassane Ouattara, victime « ethnique », plusieurs furent
écartés pour ne pas être en règle avec l’administration fiscale, un autre
(appartenant à l’ex-parti unique) pour ne pouvoir faire état « d’une bonne
moralité et d’une grande probité », un autre candidat PDCI, et non des moindres
(Konan Bédié, ex-Chef de l’Etat), pour « ne pas avoir fait constater son état
complet de bien-être physique et mental par un collège de médecins assermentés

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exerçant en CIV »12, tandis que quelques autres furent écartés pour « dossier
incomplet ».
13 A l’issue de cette « sélection », la Cour Suprême avait écarté 12 des 17

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prétendants à la magistrature suprême, et n’avait finalement retenu que deux

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vrais candidats. En dehors du général putschiste Robert Gueï, sans étiquette

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puisque le PDCI lui avait refusé l’investiture, Laurent Gbagbo représentait le seul
parti politique appelé à participer au scrutin, le Front populaire ivoirien. Les
deux autres (PDCI et RDR) avaient été mis hors jeu.

… et écarter les électeurs.


14 Mais lorsqu’il ne fut plus possible de censurer par avance les candidatures, on
s’en prit aux listes électorales. A vrai dire, le ver était dans le fruit depuis 1994,
d’une part en raison de l’article de la Constitution retirant le droit de vote aux
résidents africains non ivoiriens, et d’autre part parce que Henri Konan Bédié
s’était imprudemment engagé dans l’élaboration de la doctrine de « l’ivoirité ».
Or, dans cette croisade anti-« étrangers », il bénéficiait du soutien de Laurent
Gbagbo qui avait constamment stigmatisé le « vote étranger » du temps de Félix
Houphouët-Boigny.
15 Ce qui n’était que suspicion devint accusation claire au lendemain des élections
municipales de mars 2001. Pour la première fois, après la présidentielle
tronquée, et après les législatives boycottées par le RDR (voir plus bas), toutes les
forces politiques en présence avaient pu participer à un scrutin, certes partiel,
mais couvrant tout de même les 2/3 du corps électoral ivoirien. Et cette fois-ci
l’opposition RDR arriva en tête, à la fois pour les suffrages exprimés et pour les
municipalités remportées13

Carte 2 : Municipales du 25-03-2001

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Dès le lendemain du scrutin, la presse du FPI (Notre Voie) montrait du doigt la
« faille du système », c’est-à-dire le « vote étranger ». Pour le pouvoir en place, il
semblait évident que le RDR ne pouvait gagner sans avoir recours au traditionnel
vivier des électeurs non ivoiriens, notamment burkinabè. Il allait donc falloir
nettoyer les listes électorales et l’on s’y employa pour préparer le rendez-vous
électoral suivant : les élections départementales de juillet 2002. Pour ce faire, des
cartes d’électeur dites « sécurisées » devaient être distribuées aux seuls Ivoiriens,
et elles le furent avec parcimonie, sur des critères contestables de patronyme ou
de faciès. Car l’une des clés majeures de la crise ivoirienne se situe précisément
dans cet amalgame dangereux introduit par la croisade pour l’ « ivoirité » : on
amena une partie des Ivoiriens à penser que tous les Dioula étaient des
étrangers, et on distilla dans les esprits le poison de la xénophobie à l’encontre de
ceux qui n’apparaissaient pas clairement comme des « Ivoiriens de souche ». La
réaction des régions septentrionales du pays au moment des législatives était
emblématique de cette situation (voir infra).
17 Et ce que l’on pouvait craindre se produisit: quelques jours avant les élections
départementales, le RDR (parti majoritaire chez les « Dioula ») estimait que 1,2
millions d’électeurs étaient privés de ces nouvelles cartes, et le Ministre de
l’Intérieur lui même admettait que 800 000 électeurs ne seraient pas en mesure
de voter.

Carte 3 : Partition de septembre 2002

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18 givesOnyousaitcontrol overadvint
ce qu’il whatdans les semaines qui suivirent : le pays fut coupé en
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deux (carte3to :activate
Partition de septembre 2002) et, même si l’affaire des cartes
d’électeur n’était pas la seule cause du mécontentement des sécessionnistes, elle
était symbolique de la discrimination qui s’était peu à peu installée à l’encontre
des ressortissants ivoiriens vivant dans le Nord du pays ou originaires des
régions septentrionales. On avait sans doute oublié ce que le leader du RDR
déclarait en 1995 : « C’est le nouveau Code électoral qui a tribalisé le débat.
L’origine des uns et des autres n’était pas une préoccupation en Côte d’Ivoire. […]
je condamne une loi électorale qui met l’accent sur l’identité des parents, sur
l’origine lointaine de tel ou tel, et qui incite les populations à penser politique en
termes ethniques ou régionaux. Cela devient un point de fixation. C’est mauvais
pour la démocratie et c’est mauvais pour l’unité nationale. » (Interview à Jeune
Afrique, 28/09/1995).
19 Malheureusement, le problème de l’identification des Ivoiriens, et donc des
électeurs, est toujours au cœur de la crise puisque, malgré les accords signés par
toutes les parties et qui confient cette tâche à la CEI (Commission électorale
indépendante), le pouvoir en place s’obstine à vouloir contrôler le processus par
le canal de l’INS (Institut national de la statistique) à la tête duquel ont été fort
opportunément placés des caciques du FPI. Pire : le parti du président, qui s’était
opposé frontalement au système des « audiences foraines » devant précisément
servir à identifier les populations vivant sur le sol ivoirien, et qui avait été mis en
place non sans mal en 2006 par le précédent Premier ministre Charles Konan
Banny, continue de traîner les pieds sous le mandat du nouveau Premier ministre
Guillaume Soro. Les audiences foraines constituent pourtant un mode
incontestable de reconnaissance de la nationalité ivoirienne et donc de
délivrance des cartes d’identité et d’électeurs.

Les malentendus sur le sens du vote


20 Alassane Ouattara n’était pas pour autant un bon élève de la démocratie.
Comme les autres, il lui était arrivé de « jouer » avec les nouvelles règles lorsque
celles-ci lui étaient défavorables. C’est ainsi qu’il appela à voter « oui » au
référendum de juillet 2000 destiné à faire adopter la nouvelle Constitution, alors
que celle-ci contenait le fameux article 35 invalidant imparablement son
éventuelle candidature à l’élection présidentielle. Certes, on murmure qu’il avait
demandé, en sous-main, à ses partisans14 de voter « non », mais, pour éviter de
voir son étoile pâlir à cause d’une défaite au référendum, il préférait faire mine
de s’associer au consensus national au risque de se retrouver plus tard piégé par
une mesure qu’il avait approuvée. Ce qui fut effectivement le cas, mais alors
qu’espérait-il à cette époque-là ? Avait-il bien compris les mécanismes du
processus qui se mettait en place, et les enseignements qu’il fallait en tirer ?
21 Il y avait là comme une méconnaissance de l’essence même de l’expression
démocratique. Mais la classe politique dans son ensemble paraissait engluée
dans cette incompréhension, réelle ou affectée. Ainsi l’élection présidentielle
d’octobre 2000, déjà discréditée par la mise à l’écart de la plupart des candidats,
donna-t-elle lieu à des tentatives de trucage de la part du général Gueï, qui
prétendit avoir gagné alors que les comptages le donnaient perdant. La
proclamation officielle des résultats ne rassura pas pour autant, dans la mesure
où les chiffres communiqués ne visaient qu’à calmer la rue alors qu’il eût

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probablement fallu organiser un second tour. En outre, dans leurs analyses, les
militants du parti vainqueur (le FPI) négligèrent deux informations importantes :
l’abstention avait été de 63%, et Laurent Gbagbo n’avait rassemblé sur son nom
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que 19% du corps électoral.
22 gives you control over what
A l’occasion des élections législatives qui suivirent (décembre 2000), on pouvait
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penser que toutes les sensibilités pourraient s’exprimer, comme le réclamait la
communauté internationale, inquiète de voir le mécontentement populaire
croître et s’amplifier, notamment dans le Nord du pays. C’était compter sans la
Cour suprême, institution aux ordres du pouvoir, déjà responsable de l’
« hécatombe » des candidats à la présidentielle, et qui invalida – contre l’avis de
la Commission nationale électorale – la candidature d’Alassane Ouattara dans
son fief de Kong. « Trop c’est trop » titrait le quotidien Le Patriote dans son
édition du 4 décembre 2000, qui affichait de façon prémonitoire une carte de la
Côte d’Ivoire coupée en deux. De fait, une partie du pays entama une forme de
sécession en chassant les fonctionnaires, estimant que, si Alassane Ouattara
n’était pas considéré comme Ivoirien, toutes les régions septentrionales
n’appartenaient pas à la Côte d’Ivoire.
23 Mais le parti de Ouattara (le RDR) commit, lui aussi, une faute politique en
préconisant le boycott des législatives, confirmant à cette occasion que les uns et
les autres, en Côte d’Ivoire comme dans de nombreux pays africains, n’avaient
pas bien saisi le sens d’un vote démocratique. Car nul n’attacha d’importance au
nombre des abstentionnistes (près de 70%), ni au fait que certains députés du
Nord furent élus avec seulement quelques centaines de voix ; on ne retint que
l’absence du RDR à l’Assemblée nationale, alors qu’il aurait pu y être
numériquement majoritaire15 . Les jeunes démocraties africaines ne semblent
pas avoir compris que l’arme du boycott n’a aucun sens car son effet de
protestation ne dure pas dans le temps, alors qu’elle peut réduire au silence, de
manière tout à fait démocratique, le parti concerné pendant plusieurs années.
24 Ce « malentendu » persistant autour de la mise en place du processus
démocratique en Côte d’Ivoire s’est de nouveau illustré en octobre 2005 lorsque
s’acheva le mandat de Laurent Gbagbo à la tête de l’Etat, et en décembre de la
même année lorsque se termina la mandature des députés. Les débats qui
agitèrent la classe politique et qui mobilisèrent plusieurs médiations
internationales ont montré, hélas, que la question de la légitimité d’un élu par
rapport à la délégation que lui ont donné les électeurs était fort mal comprise.
Certes, la Constitution ivoirienne n’est pas un modèle de rigueur16 et n’avait été
écrite que pour son article 35, mais la classe politique aurait dû unanimement
faire prévaloir l’orthodoxie en la matière. De telle sorte que le pays est
actuellement dirigé par un chef d’Etat maintenu artificiellement à ce poste par
une première décision de la communauté internationale (la résolution 1633 des
Nations unies d’octobre 2005), puis par une seconde (la résolution 1721 de
novembre 2006), mais qui n’est plus réellement le président des Ivoiriens ; pas
davantage que les députés ne sont, à ce jour, les représentants du peuple. On a
d’ailleurs assisté au spectacle affligeant d’élus insistant pour continuer à siéger
dans une Chambre illégitime simplement pour percevoir les émoluments
attachés à leur (ancienne) fonction17. Une nouvelle session parlementaire s’est
même ouverte en octobre 2007, soit près de deux ans après la fin du mandat de
ces parlementaires.

Quel multipartisme ?
25 Dans l’esprit des occidentaux, le multipartisme fait partie intégrante du
processus démocratique. Il a un sens qui s’est construit au fil de l’histoire : il

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s’agit de permettre l’expression souvent contradictoire – voire antagoniste – de
courants d’idées qui recouvrent des choix de société. Après trente ans de culture
de parti unique, les pays africains ont éprouvé des difficultés à intégrer la notion
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de multipartisme, et la synthèse qu’avait proposée Félix Houphouët-Boigny (le
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multipartisme au sein du parti unique) n’aurait peut-être pas dû faire sourire,

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car il amorçait ainsi calmement une évolution qui avait besoin de temps.
Mais les opposants (et les bailleurs de fonds) étaient pressés. Un ou plusieurs
maillons de la chaîne ont donc sauté dans l’urgence et les nombreux partis nés à
la faveur de la vague démocratique des années 1990 se sont construits autour des
hommes qui les avaient fondés, avec comme base militante leurs proches, puis
leurs familles élargies au groupe ethno-linguistique dont elles étaient issues.
Nulle part en Afrique on n’a retrouvé les dynamiques nationalistes militantes des
années 1960, et notamment les fondements idéologiques véhiculés, entre autres,
par la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France) au seuil des
indépendances18.
27 Ce déficit idéologique est un handicap supplémentaire dans le processus
démocratique, et la Côte d’Ivoire ne fait pas exception. Si l’on cherche à connaître
la « couleur » politique de chacun des trois grands partis actuellement en lutte
pour le pouvoir – du moins à l’aide de notre grille de lecture habituelle – on est
bien en peine de distinguer une « gauche » d’une « droite ». Certes, le FPI de
Laurent Gbagbo s’affiche comme « socialiste » car il est membre de
l’Internationale socialiste. Mais on a peine à le croire quand on entend ou quand
on lit le discours néo-libéral de Mamadou Koulibaly, président de l’ex-Assemblée
nationale et idéologue du parti. Par ailleurs, les nombreuses atteintes aux droits
de l’homme perpétrées par le régime en place auraient dû, à l’évidence, valoir au
FPI son exclusion de l’IS.
28 Pour les deux autres (le PDCI et son ancien rejeton le RDR), la catégorisation se
fait par rattachement virtuel à un courant politique français : de même qu’on
disait Laurent Gbagbo « proche des socialistes », on considère que Henri Konan
Bédié est « proche de Chirac », et l’on entend parfois affirmer que Alassane
Ouattara est « proche de Sarkozy ». Entendons-nous bien : il ne s’agit pas d’en
déduire les grandes lignes d’un quelconque programme politique, mais plutôt de
donner des indications sur les soutiens que les uns et les autres peuvent espérer
le moment venu.
29 Car il n’y a pas de programme. Depuis près de dix ans, la « démocratie »
ivoirienne s’est cristallisée sur la nationalité de son ancien Premier ministre et,
par extension, sur l’identité d’une partie des habitants du pays. Il est vrai que le
développement économique et social est, depuis une vingtaine d’années, entre
les mains des institutions de Bretton Woods et que les hommes politiques n’ont
guère de prise sur ce secteur. Mais on aurait pu espérer qu’un certain nombre de
thèmes majeurs soient débattus, ne serait-ce que pour sensibiliser une
population encore largement analphabète à la marche générale du monde.
30 Au lieu de cela, on continue à fonctionner à la manière des anciens chefs
traditionnels, avec les vieilles pratiques de courtisanerie, le clientélisme, les
alliances tactiques contre nature, la prévalence des intérêts familiaux ou
lignagers sur l’intérêt de la collectivité. « On nous a oubliés ! » se plaignaient les
militants du FPI après un an de pouvoir de Laurent Gbagbo, exigeant « des
laissez-passer pour les militants, notamment pour faciliter l’accès aux cadres qui
se trouvent dans l’administration. Car les militants du parti au pouvoir ne
doivent pas être logés à la même enseigne que les autres citoyens. »19.
31 Quelques mois auparavant, quelques députés du PDCI exprimaient à peu près
la même chose en déclarant qu’ils « n’avaient pas la culture »20 d’opposition .
Ainsi apparaît-il de plus en plus nettement que la greffe de la démocratie
occidentale (et du multipartisme) n’a pas parfaitement pris en Côte d’Ivoire. On

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hésite à rapprocher le multipartisme du multiethnisme car le concept d’ethnie
n’a pas bonne presse ces temps-ci – mais les cartes électorales dressées à
l’occasion des deux derniers scrutins organisés en Côte d’Ivoire (carte 2, et carte

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4 : Départementales du 07-07-02) méritent d’être comparées à celle des grandes
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familles linguistiques en Afrique de l’Ouest (carte 5 : les grandes familles
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linguistiques).

Carte 4 : La scission de la Côte d’Ivoire


Carte 5 : Les grandes familles linguistiques

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Les ratés de la liberté d’expression


32 Deux autres marches semblent avoir été manquées par la Côte d’Ivoire dans
son passage à la démocratie : la liberté d’expression et l’Etat de droit. Après trois
décennies de presse officielle et étroitement contrôlée, la libération de la parole
dans les journaux, les radios et les télévisions a donné lieu à un retour de
balancier excessif. Autrefois chroniquement flagorneurs, les journalistes dont
beaucoup étaient autoproclamés profitèrent du vent nouveau pour exercer leur
métier autrement, souvent à distance éloignée des règles élémentaires de la
déontologie. En raison de la crise économique et de la faiblesse de leurs revenus,
beaucoup vendirent leur plume aux plus offrants et finirent par croire qu’il
s’agissait là du fonctionnement normal d’une presse démocratique. Il s’ensuivit
de nombreuses dérives que l’OLPED21 ne parvint pas à juguler.
33 Mais l’incompréhension et le malentendu touchèrent surtout la presse
étrangère, que la classe politique ivoirienne, bien relayée par les médias locaux,
fustigeait chaque fois qu’elle prenait une position défavorable à la Côte d’Ivoire
ou au parti au pouvoir. L’assassinat de Jean Hélène en octobre 2003 et la
disparition de Guy-André Kieffer en avril 2004 illustrèrent tragiquement cet état
d’esprit. Plus généralement, le gouvernement ivoirien réduisit systématiquement
au silence les médias étrangers à chaque montée de tension : après les
événements de septembre 2002, la BBC, RFI, Africa n° 1, TV5 et Radio Nostalgie
furent interdits pour plusieurs mois, et leurs journalistes souvent menacés. Le
ministre de l’Information avait d’ailleurs déclaré à ce sujet : « La garantie de
sécurité des journalistes, c’est la qualité de leur information. » On ne saurait
mieux dire…
34 C’est surtout RFI qui fit les frais de cette forme de xénophobie médiatique,
parce qu’on la soupçonnait de donner trop complaisamment la parole aux
opposants ou aux rebelles. C’està-dire de traiter l’information comme cela doit
être fait en pays démocratique. Il est intéressant de noter que la « radio
mondiale » se heurte souvent à ce genre de critique dans un certain nombre de
pays africains22, alors qu’elle fonctionne sans aucun problème dans le reste du
monde, et que ses journalistes passent pour des professionnels de grande qualité.
En fait, c’est la crise de la presse ivoirienne qui est profonde. Les négociateurs de
Marcoussis ne s’y étaient pas trompés en exigeant « dans un délai d’un an, le
renforcement des autorités de régulation de la presse ». On était en janvier 2003.
Ils avaient sans doute en tête, entre autres débordements, l’éditorial diffusé par
la RTI (Radio-Télévision ivoirienne) sur l’ensemble du pays au soir du 6 octobre
2002 dans lequel le chroniqueur appelait « à chasser les Burkinabè de Côte
d’Ivoire, au moins 500 000 Burkinabè, pour commencer à être tranquille. » Et
pourtant, rien n’a été fait depuis, ainsi que le soulignait « Reporters sans
frontières » dans un rapport de mai 2005 intitulé « Il est temps de désarmer les

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esprits, les plumes et les micros ». On a même assisté, en janvier 2006, à une
agression physique par les partisans de Laurent Gbagbo de la ministre de la
Communication, venue demander au siège de la RTI d’Abidjan que le point de

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vue du Premier ministre soit diffusé…
35 gives you control over what
Il existe donc, là encore, une forme de malentendu par rapport au pluralisme
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et à la liberté de l’information, qui sont des piliers d’une démocratie bien
comprise. Or, à Abidjan peut-être plus qu’ailleurs – car les journaux sont
nombreux – c’est la presse qui fait l’opinion, dont la réactivité est immédiate, que
ce soit de la part des « titrologues » qui commentent chaque matin en
s’échauffant les titres des quotidiens étalés sur les trottoirs, ou des imprécateurs
de la « Sorbonne » qui attisent les haines au quartier du Plateau, ou encore et
surtout des Jeunes Patriotes, en réalité les miliciens du pouvoir, qui se sont
signalés à plusieurs reprises en incendiant les échoppes de presse. Une
exploration systématique du quotidien du FPI Notre Voie permettait de pointer,
rien que pour l’année 2000, plus de 50 articles qui auraient été, dans la plupart
des pays démocratiques, passibles des tribunaux pour incitation à la haine
raciale. De même que plusieurs de ses confrères, ce quotidien a continué à
narguer la loi en toute impunité.

Un Etat de non droit


36 Car, last but not least, le mauvais ménage de la Côte d’Ivoire avec la démocratie
est également illustré par une véritable culture de l’impunité, entretenue par la
corruption (au sens de corrosion) à peu près totale de la justice. On murmure que
le seul vrai procès qui s’est tenu à Abidjan depuis l’avènement de Laurent
Gbagbo fut celui de l’assassin du journaliste Jean Hélène. Encore fallut-il que
Paris exerçât de vives pressions sur le pouvoir ivoirien, ce qui soulignait au
passage que la justice ne disposait d’aucune indépendance par rapport au
pouvoir exécutif.
37 Il y eut bien une parodie de procès pour juger les présumés coupables du
charnier de Yopougon23, mais « l’événement », qui aurait été l’occasion pour le
pays de prendre de bonnes habitudes, s’acheva par un non-lieu. Par la suite, les
quelques manifestations organisées par l’opposition dégénérèrent
systématiquement, faisant à chaque fois de très nombreuses victimes souvent
abattues ou « braisées » par des civils, qui ne furent jamais inquiétés. C’est ainsi
que la marche du 25 mars 2004, qualifiée de « tuerie indiscriminée de civils
innocents » par le rapport d’enquête des Nations unies, se solda par plus de 500
morts victimes pour la plupart « d’éléments civils irrégulièrement armés et en
uniforme [qui] auraient pris part à ces agissements aux côtés des forces de
défense et de sécurité. ». Ce n’était pas la première fois que l’organisation
internationale pointait ainsi du doigt les débordements des supplétifs du pouvoir
en place. Quelques mois plus tôt, elle avait appelé l’attention sur l’impunité dont
jouissaient les fameux « escadrons de la mort », qui avaient effectivement réduit
au silence un certain nombre d’opposants, de journalistes et même d’artistes
suspectés de désapprouver la politique conduite par le FPI. Mais il faudra sans
doute attendre encore longtemps avant que justice ne soit rendue.
38 Dans un tel contexte, il serait angélique de croire que la partie septentrionale
du pays pouvait donner une meilleure image. Dans son rapport n° 4 publié en
février 2006, la Division des Droits de l’homme des Nations unies dénonçait à
nouveau une multitude d’exactions commises pendant les six derniers mois de
l’année 2005. Elle concluait invariablement : « Les violations des droits de
l’homme sus-mentionnés n’ont pas été suivies des enquêtes sérieuses menées par
les autorités compétentes d’une zone comme de l’autre afin d’identifier les
auteurs de ces actes et les soumettre à la rigueur de la loi. Ce qui met en relief la

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persistance de l’impunité en Côte d’Ivoire. Pour juguler ce fléau, il faut que des
mesures diligentes et appropriées soient prises en vue du fonctionnement
normal de la justice sur l’ensemble du territoire national. »24.
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Il a été particulièrement intéressant de noter que, lorsque la justice française a
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sanctionné le général Poncet, soupçonné d’avoir couvert le meurtre d’un suspect
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dans l’Ouest du pays, les réactions ivoiriennes ont été quasiment inaudibles.
Comme si ce silence était à la fois approbateur (voilà ce qu’il faudrait faire) et
impuissant (mais nous n’en sommes pas là avec notre justice…).

Point d’orgue : un exécutif de « sortie de


crise » dirigé par deux acteurs
illégitimes
40 Depuis la grande fracture ivoirienne de septembre 2002, c’est la communauté
internationale – échaudée par le génocide du Rwanda en 1994 – qui a pris en
charge la sortie de crise. Au grand mécontentement de Laurent Gbagbo et de son
parti (le FPI) qui ne voyaient pas d’un bon œil les agissements de l’Union
africaine, des Nations unies (ou de la France), visant à organiser dans les
meilleures conditions la nouvelle élection présidentielle prévue pour octobre
2005. De telle sorte que tous les accords, de Marcoussis à Pretoria II en passant
par Acra I, II et III et Pretoria I, et toutes les résolutions de l’ONU – une bonne
vingtaine en quatre ans – ont été systématiquement contournés par le pouvoir en
place, au vertueux motif que les dispositions préconisées étaient imposées de
l’extérieur.
41 Aussi est-ce sans surprise qu’au lendemain de la dernière en date des
résolutions du Conseil de Sécurité (la 1721 de novembre 2006) on vit Laurent
Gbagbo déclarer qu’il préparait de son côté une initiative ivoiro-ivoirienne pour
mettre fin à la crise : le « dialogue direct », sous-entendu entre le gouvernement
et l’ex-rébellion. Et, après de nombreuses et longues tractations facilitées ironie
de l’histoire – par le chef de l’Etat burkinabè Blaise Compaoré, longtemps accusé
d’être à l’origine de la déstabilisation, cette démarche aboutit à l’accord de
Ouagadougou du 4 mars 2007.
42 Certes, les avancées annoncées étaient spectaculaires : mise en extinction de la
ZDC (zone de confiance), c’est-à-dire fin de la partition du pays, donc départ
progressif des troupes étrangères (plus de 8 000 casques bleus de l’ONUCI et 3 500
soldats de la force française Licorne) ; désarmement des supplétifs du Nord et
des miliciens du Sud ; mise en place d’un commandement militaire intégré ;
identification des Ivoiriens ; rétablissement des listes électorales ; et organisation
des élections dans un délai de 10 mois. En matière de respect des accords
internationaux, on était dans un cas d’école, car le nouveau texte faisait semblant
d’oublier que Laurent Gbagbo n’était maintenu au poste de Chef de l’Etat par la
résolution 1721 que jusqu’en octobre 2007 (« au plus tard »). De même faisait-on
peu de cas des sanctions prévues par les Nations unies contre ceux qui s’étaient
livrés à des exactions (notamment dans le cadre des Escadrons de la Mort) : une
loi d’amnistie allait régler le problème. Enfin, on en appelait à la levée de
l’embargo sur les armes, au cas où…
43 Mais le comble du paradoxe s’est situé au cœur même du concept de
démocratie. En effet, les signataires (et principaux bénéficiaires) de l’accord de
Ouagadougou sont les acteurs les moins légitimes du paysage politique ivoirien :
l’un a achevé son mandat régulier de président de la République depuis octobre
2005, et n’est artificiellement prolongé comme Chef de l’Etat que par une décision
de la communauté internationale ; et l’autre est un chef rebelle qui, après avoir

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tenté un coup d’Etat contre le précédent en septembre 2003, est largement
responsable de la partition du pays qui a suivi le putsch manqué. A contrario,
l’opposition légale, notamment les deux grands partis PDCI et RDR, celle qui

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dispose d’une certaine forme de délégation de pouvoirs par les électeurs, n’a pas
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participé aux négociations de Ouagadougou, et n’a donc pas signé l’accord. Si la
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Côte d’Ivoire – ce que l’on ne peut qu’espérer – parvenait néanmoins à sortir de
la crise qui la déchire depuis 1999, on pourrait être amené à s’interroger sur le
bien fondé d’un processus démocratique dont le contrepoint s’avère nettement
plus efficace…

Conclusion
44 S’il est vrai que la Côte d’Ivoire fait un mauvais usage de la démocratie, et si le
tableau finit par être accablant, on peut lui accorder des circonstances
atténuantes. Outre le fait qu’elle n’est ni le seul pays africain dans ce cas ni le
pire, elle dispose peut-être de bonnes raisons pour résister à ce transfert de
modèle et pour afficher aussi ostensiblement des signes de rejet d’une greffe
occidentale qu’on lui a imposée sans doute un peu trop rapidement.
45 Là encore – et sans trop flirter avec le culturalisme dont le tabou est toujours
puissant il conviendrait d’interroger (ou de réinterroger) les historiens et les
anthropologues. Quel était le mode de gouvernement des hommes dans les
espaces où fut artificiellement dessiné l’actuel territoire de la Côte d’Ivoire ? Sur
quels critères les chefs étaient-ils désignés ? Comment s’y prenaient-ils pour
asseoir leur pouvoir ? Sous quelle forme pouvait s’exprimer une éventuelle
opposition ? Celle-ci reposait-elle sur une véritable idéologie alternative ?
Pouvait-on imaginer une forme de multipartisme qui serait autre chose qu’un
reclassement multiethnique ? En cas de prise de décision concertée, appliquait-
on la logique arithmétique du vote majoritaire ? De quelle manière la justice
était-elle rendue, et que reste-t-il aujourd’hui des règles coutumières ?
46 On pourrait ainsi multiplier les questions. Nul doute que l’accumulation des
réponses finirait par dessiner un cadre de pensée qui « nous » semblerait trop
éloigné de « nos » paramètres, donc trop rigide pour se couler dans le moule.
Mais il existe aussi des invariants, et lorsque Montesquieu estimait que «la
démocratie ne peut fonctionner que si les êtres sont vertueux», il n’avait pas
prévu d’exception pour la classe politique ivoirienne.

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DOI : 10.3917/afco.206.0057

Notes
1 1984, Paix et guerre entre les nations, 8ème éd. depuis 1962, Calmann-Lévy.
2 On pourra se reporter à : Bouquet C., « Du mauvais usage de la démocratie en Afrique »,
Géopolitique Africaine n° 14, printemps 2004, p. 237-254.
3 Non pas sur les dictatures établies, mais sur le processus de dérive (1956-1962) qui les a
précédées.
4 Parti démocratique de Côte d’Ivoire, affilié au Rassemblement démocratique africain.
5 Outre l’aide internationale, d’autres caisses étaient également ponctionnées à cet effet :
la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), constamment asséchée au détriment des
salariés, et la Caisse autonome d’amortissement (CAA). Sur le sujet, on pourra lire Bouquet
(C.), 2005, Géopolitique de la Côte d’Ivoire, A. Colin, et Gombeaud (J.-L.), Moutout (C.) et
Smith (S.), 1990, La guerre du cacao, Calmann-Lévy.
6 Voir notamment VERSCHAVE (F.-X.), 2000, Noir silence, Les Arènes.
7 On rappellera que les deux tiers de l’actuel Burkina Faso firent partie de la Côte d’Ivoire
entre 1933 et 1947 (cf. carte 1).
8 Il respecta d’ailleurs la règle du jeu : « Le nouveau code électoral ne me permet pas
d’être candidat. Et comme je suis attaché à la légalité, il ne m’est pas possible de faire acte
de candidature. Je ne veux pas violer la loi. » (Interview dans Jeune Afrique du 28/09/1995)
9 Selon la définition donnée, sans humour, par le professeur Aimé Kipré, historien et
promoteur, parmi d’autres universitaires, de la théorie de l’ivoirité.
10 Du fait de la publication tardive du texte final de la Constitution, le référendum aurait
été invalidé dans n’importe quel pays démocratique. Cette idée n’a jamais été évoquée en

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Côte d’Ivoire.
11 On avait pu croire que le général Robert Gueï avait pris conscience de la montée des
périls lorsqu’il avait déclaré aux députés, peu après le Coup d’Etat : « Vous avez semé le

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vent, vous récoltez la tempête. » Mais il se ravisa in extremis.

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12 En exil à Paris après le coup d’Etat de décembre 1999, Henri Konan Bédié n’était pas

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autorisé à rentrer dans son pays. Il ne pouvait donc pas se soumettre à l’examen de
« médecins assermentés exerçant en Côte d’Ivoire ».
13 Le RDR remporta en particulier le fief du FPI (Gagnoa) et le bastion du PDCI (Bouaké).
14 Ils se retrouvent en partie dans les 35% d’abstentionnistes et les 14% de « non ».
15 Des projections établies à partir des résultats des élections municipales, corrigées en
fonction de la spécificité de ce scrutin (surtout urbain) et des cas de figure ayant pu
brouiller l’analyse (triangulaires, voire quadrangulaires) dessinaient une Assemblée
nationale virtuelle (mais probablement peu éloignée de ce qu’auraient donné des
élections libres et transparentes) où le RDR aurait disposé de 75 à 80 sièges, le PDCI de 65 à
70, le FPI de 55 à 60 et l’UDPCI de 5 à 10. Voir à ce sujet : Bouquet C., « Elections des
conseils généraux en Côte d’Ivoire : une géographie politique encore brouillée », Cahiers
d’Outre-Mer n° 219, juillet-sept. 2002, p. 345-350.
16 Ainsi ne prévoit-elle pas la dissolution de l’Assemblée nationale…
17 Lire à ce sujet : Bouquet (C.), « Côte d’Ivoire : le bout du tunnel ? », Géopolitique
Africaine, n° 22, avril 2006, p. 151-164
18 La récupération du thème nationaliste par les partisans de Laurent Gbagbo relève
davantage de l’opportunisme politique (et de la théorie du complot) que du combat
idéologique. Lire à ce sujet : Bouquet (C.), « Côte d’Ivoire: guerre coloniale ou guerre
civile ? », Géopolitique Africaine n° 17, hiver 2005, p. 9-22.
19 Notre Voie, 22/07/2001.
20 Au moment de l’élection présidentielle, certains cadres du PDCI avaient ainsi rallié le
camp du général Robert Gueï, anticipant (à tort) sur un résultat qu’ils croyaient acquis.
Après la victoire de Laurent Gbagbo, la plupart des députés de l’ancien parti unique
choisirent de s’allier au FPI afin de glaner quelques portefeuilles ministériels. A l’évidence,
ils manquaient de « culture d’opposition ».
21 Créé en 1995 à l’initiative de plusieurs journalistes chevronnés, l’OLPED (Observatoire
de la Liberté de la Presse, de l’Ethique et de la Déontologie) se réunissait chaque semaine
et prononçait des mises en garde sur la base d’une grille de lecture en 9 points (injure,
incitation à la révolte et à la violence, incitation au tribalisme et à la xénophobie,
incitation au fanatisme religieux, non-respect de l’équilibre dans le traitement de
l’information, non-respect de l’esprit de confraternité, incitation à la débauche, atteinte
aux bonnes mœurs et à la morale, atteinte à la dignité humaine). Il y eut ainsi 3 200
avertissements en 5 ans…
22 On rappellera que la chaîne internationale a également connu, depuis 2000, des
périodes de censure par coupure de l’émetteur FM au Sénégal, en Mauritanie, au Togo et à
Djibouti (où elle est toujours fermée). En Côte d’Ivoire, après six mois de silence
(septembre 2002 – mars 2003), RFI a de nouveau été coupée pendant 10 mois à la suite du
compte-rendu du passage à tabac (mortel) d’un officier ivoirien qui sortait d’un dîner à
l’ambassade de France (juillet 2005). Ce réflexe récurrent révèle une conception étrange
de la liberté de l’information.
23 Outre les 57 cadavres découverts le 27 octobre 2000 dans ce quartier périphérique de la
capitale, les affrontements (qui avaient surtout pris la forme d’une gigantesque « chasse
aux Dioula ») de ces journées d’émeutes firent officiellement 155 morts, 316 blessés et 50
disparus. Aucune enquête n’a été ouverte pour déterminer les responsabilités de ces
tueries.
24 Ce rapport est disponible sur le site des Nations Unies. URL : www.un.org et
www.un.org/french/peace/cu_mission/onuci

List of illustrations
Title Carte 1 : La Haute Côte
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Title Carte 2 : Municipales du 25-03-2001

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Title Carte 3 : Partition de septembre 2002
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Title Carte 4 : La scission de la Côte d’Ivoire

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Title Carte 5 : Les grandes familles linguistiques

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References
Electronic reference
Christian Bouquet, “Le mauvais usage de la démocratie en Côte d’Ivoire”, L’Espace Politique
[Online], 3 | 2007-3, Online since 22 December 2007, connection on 14 January 2024. URL:
http://journals.openedition.org/espacepolitique/894; DOI:
https://doi.org/10.4000/espacepolitique.894

This article is cited by


Piccolino, Giulia. (2013) Ultranationalism, Democracy and the Law: Insights
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Bouquet, Christian. Kassi-Djodjo, Irène. (2014) Les élections locales 2013 en


Côte d’Ivoire : des malentendus subsistent sur l’exercice de la démocratie.
EchoGéo. DOI: 10.4000/echogeo.13697

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Christian Bouquet
Professeur de géographie politique à l’université de Bordeaux 3
bouquet@u-bordeaux3.fr
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« Déguerpir » pour reconquérir l’espace public à Abidjan. [Full text]
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Space, Territory, Place, Through the Siege of Political Geography. The Emergence of the
State in Djibouti
Published in L’Espace Politique, 7 | 2009-1

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