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Ma foi

d Africain
Le mensuel de formation chrétienne de Prions en Église Afrique

MAI 2023

Sanctuaire de Namugongo/ Ouganda : Cf. https://secam.org/fr/secam-golden-jubilee/


Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

Ma foi
d Africain
Le mensuel de formation chrétienne de Prions en Église Afrique

SOMMAIRE Mai 2023 – N°004

Édito..............................................................................................................................3
Vie de l’Église-Famille : « Nous avons perdu nos villages, pas la foi»..............4-6
Ma foi d’Africain : Le synode de l’Esprit ........................................................7-9
Question de foi Africaine:Bible et esclavage...................................................10-14
Le saint du mois: Saint Athanase.........................................................................15-16
Sagesse africaine et Parole de Dieu : le proverbe du mois.............................17
Les Évêques d’Afrique parlent: Les pratiques culturelles traditionnelles
africaines.....................................................................................................................18

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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

ÉDITO
L’écartèlement !

D ’après le théologien Fabien Eboussi Boulaga, aux yeux des


Occidentaux,« Le converti noir est encore païen et quelque peu
enfant, malgré son baptême, et l’Occidental blanc est encore chrétien, un
être raisonnable et rationnel, malgré ses dénégations et ses errements. Le
christianisme du premier est un vernis, un accident ; celui du second un
substrat, une substance ». C’est un fait historique : l’Afrique a rencontré le
Christianisme depuis longtemps. L’écartèlement né de cette rencontre,
s’exprime sous la forme de questionnements: la rencontre apparaît-elle
comme une lutte entre les deux partenaires? S’agit-t-il au contraire, d’un
accomplissement complémentaire et d’un dépassement historique?
L’Afrique, en devenant chrétienne, prolonge-t-elle son expérience
religieuse, pour son accomplissement historique et son propre
dépassement ? Le christianisme, en devenant africain, continue-t-il aussi
sa propre expérience religieuse, pour son accomplissement historique
et son propre dépassement ? Ces questions ne sont pas banales quand
on sait que dans beaucoup de situations la christianisation a souvent
culminé en occidentalisation, avec obligation faite aux convertis de
porter des noms européens, de s’habiller comme les blancs, de pratiquer
la monogamie, la médecine et l’hygiène européennes. Bref, de changer
non seulement de peau, mais aussi de cœur, de mentalité et d’esprit.
Au demeurant, c’est contre cette dépersonnalisation que le mouvement
de la négritude (Césaire, Senghor, Damas, Alioune Diop) s’est battu.
Entre authenticité et retour aux sources, il fallait faire des choix. Faut-il se
replier sur soi-même pour pouvoir être soi-même ou bien faut-il s’ouvrir
inconditionnellement aux autres au risque de rester dépersonnalisé?
Par fidélité à l’Afrique, par souci de récupérer notre personnalité, faut-il
saper les religions dites importées ou bien la nécessité de notre insertion
dans le monde moderne nous conduit-elle vers une autre solution?
Une chose est sûre : Le Christ est venu, non pas pour abolir, mais pour
accomplir. Les peuples africains, aujourd’hui encore, veulent maitriser
leur destin historique pour leur accomplissement. Le christianisme doit
continuer à dialoguer avec les Religions traditionnelles africaines.
Père Jean-Paul Sagadou
Rédacteur en Chef

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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

VIE DE L’ÉGLISE-FAMILLE
« Vie de l’Église-Famille » est un espace de partage culturel et spirituel
entre les chrétiens de l’Église-famille de Dieu en Afrique avec le désir
de créer un trait d’union et de communion entre les communautés
chrétiennes et les Églises locales en Afrique. Dans les lignes qui
suivent, Ma Foi d’Africain reprend un reportage réalité par Kamboissoa
Samboé, et publié dans les colonnes de La Croix Africa, le site de
l’actualité religieuse. (Cf. https://africa.la-croix.com).
https://africa.la-croix.com/avec-les-deplaces-du-burkina-nous-avons-
perdu-nos-villages-pas-la-foi/. Il y est question du quotidien des
déplacés internes du Burkina Faso.

« Nous avons perdu nos villages, pas la foi»

Image d’archive de distribution de vivres aux personnes déplacés internes dans le diocèse de Banfora
(région des Cascades/carême 2022 /Diocèse de Banfora /04 avril 2022/Image d’archives de Kamboissoa Sambo LCA

« Nous mettons nos souffrances dans la croix du Christ ».


À la paroisse Saint-Paul de Guiloungou, dans la région
du plateau central du Burkina, ils sont nombreux ce
vendredi 31 mars à participer, sous un soleil de plomb,
au Chemin de croix de la mi-journée, organisé par le
centre spirituel Notre-Dame des pauvres. C’est un rendez-
vous spirituel que ne voulait pas manquer Herbertine
Bamogo, originaire de la paroisse de Dablo (province
de Sanmatenga, dans le centre nord). Âgée de 22 ans

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aujourd’hui, elle a été témoin de l’attaque terroriste de sa


paroisse le 12 mai 2019 qui a fait 6 morts : un prêtre et
cinq fidèles.
Désormais installée à Zitenga, une commune située
à 80 km de Ouagadougou, elle a gardé la pratique de
sa foi catholique. « Depuis quatre ans, loin de chez moi,
j’ai gardé mon cheminement spirituel, explique-t-elle.
Pendant le temps de Carême, je suis assidue à mes
exercices spirituels et je fais des récollections pour me
guérir intérieurement. »
Herbertine qui travaille depuis 3 mois, n’est pas venue
seule à ce Chemin de croix, mais avec un membre de sa
famille, Daniel Kaboré. Chassé de son village, deux ans
avant qu’il ne devienne policier, ce jeune catholique a
cessé d’aller à l’Église. « Je lui ai dit de venir dans ce centre
faire le Chemin de croix et vivre une récollection pour se
reconstruire ; ce n’est pas parce que nous avons perdu nos
villages que nous allons perdre la foi», confie-t-elle.

« Nous mettons nos souffrances


dans la croix du Christ »
Dans la vie des nombreux déplacés internes du
Burkina Faso soutenus par l’Église, la foi occupe une
place primordiale au cœur des difficultés. C’est le cas
d’Émilienne Nikiema, 17 ans, qui vit dans une famille
d’accueil dans la zone I, au centre de Ouagadougou.
Avec les huit membres de sa famille et une cinquantaine
d’autres personnes, ils sont venus de Gorom-Gorom,
dans le diocèse de Dori. « Depuis notre arrivée, nous
sommes soutenus par la paroisse, et nous prenons part
aux cultes, mais nous n’avons pas encore de travail »,
explique la jeune fille.
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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

Sur leurs différents sites, ces catholiques confient prier en


groupe en récitant le chapelet et en partageant les repas.
Ils prennent aussi part aux activités dans les communautés
chrétiennes de bases. « Vu les difficultés, on se débrouille,
je vends les cailloux et je me promène avec mes sœurs
pour laver les habits. Notre foi chrétienne, nous dit
d’espérer et de travailler, nos souffrances nous les mettons
dans la croix du Christ en ce temps de Carême », explique
Brigitte Badini, déplacée du diocèse de Ouahigouya.

« Ils ont besoin de notre présence »


Au centre Notre-Dame des pauvres, le père Blaise
Bicaba, le directeur spirituel exhorte les autres fidèles
et les personnes de bonne volonté à les « aider, écouter
soutenir ». « Ces déplacés n’ont pas demandé à être dans
de telles situations, insiste-t-il. La seule chose dont ils ont
besoin, c’est notre présence. Le carême nous demande de
partager, et c’est avec eux, qu’il faut partager ce que nous
avons ».
Avec les efforts de Carême collectés dans certaines
paroisses, les déplacés espèrent célébrer Pâques en
liesse. À la paroisse Jean-XXIII (centre de Ouagadougou),
les religieuses et les laïques collectent habits, vivres et
autres en leur faveur. D’autres, notamment les membres
des communautés Sant Egidio et de Vilaregia, préfèrent
se rendre directement dans les sites de déplacés pour
apporter leur soutien.
Kamboissoa Samboé
(Ouagadougou)

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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

MA FOI D’AFRICAIN

« Ma foi d’Africain » manifeste le désir de « Prions en Église Afrique »


d’éclairer la vie de foi des chrétiens africains et de répondre à leur désir
d’être authentiquement africain et authentiquement chrétien. Chaque
mois, depuis de nombreuses années, le théologien Paulin Poucouta
accompagne nos lecteurs dans cette démarche. Dans ce numéro,
il nous propose de réfléchir, à partir de l’Afrique, sur le synode comme
cheminement de foi.

Le synode de l’Esprit
Le président du SCEAM, le cardinal Fridolin
Ambogo l’avait rappelé dans son discours
d’ouverture : la célébration continentale
du processus synodal est la suite des deux
synodes africains. Le premier était placé
sous le signe de la résurrection, le second
synode lui était celui de la Pentecôte.
Père Paulin Sébastien
POUCOUTA

1. Le testament spirituel de Benoît XVI


Depuis Pâque, l’Église tout entière est entrée dans l’attente
de l’Esprit. Les groupes du renouveau nous le rappellent de
manière particulière. Et en ce mois de mai où nous fêtons la
Pentecôte. Comment ne pas faire mémoire de l’assemblée
spéciale sur la réconciliation en Afrique ?
De même, comment ne pas évoquer le Pape Benoît qui
nous a quittés à la fin de l’année dernière ? Il fut l’artisan de
ce deuxième synode. L’exhortation post-synodale Africae
Munus est le testament spirituel de Benoît XVI à l’Afrique. La
réalisation véritable et durable de la réconciliation, la justice
et la paix n’est possible qu’avec la force de l’Esprit-Saint.
C’est pourquoi, dans son discours d’adieux, Jésus l’avait

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promis aux disciples pour la réalisation de son testament.


Cette promesse se réalise le jour de la Pentecôte. Dès
lors, c’est l’Esprit qui mène la vie et la mission de l’Église.
Progressivement, grâce à Lui, toutes les personnes,
quelles que soient leurs origines peuvent se comprendre
parce qu’elles parlent alors le langage de l’amour, de la
fraternité, de la paix.

2. L’Esprit de témoignage
Africae Munus est une exhortation éthique d’une
grande audace. Déjà Ecclesia in Africa reposait sur
le témoignage que donne l’Esprit. Africae Munus
radicalise ce témoignage et insiste sur sa concrétisation
au quotidien par des chrétiens sel de la terre et lumière
du monde. C’est l’Esprit qui fait de nous ces témoins
exigeants.
Souvenons-nous que les apôtres étaient enfermés de
peur dans le cénacle. L’Esprit-Saint les surprend et les
secoue de leur torpeur. Il leur donne la force de sortir
d’eux-mêmes pour dire et vivre en public leur foi au
Ressuscité. Pour Israël, la fête de la Pentecôte était la
célébration de l’Alliance scellée au Sinaï entre Dieu et le
peuple élu par l’intermédiaire de Moïse. C’était la fête du
peuple rassemblé autour de l’Alliance. Avec la venue de
l’Esprit, c’est la naissance d’une communauté autre, qui
rassemble les hommes et les femmes de toutes langues,
de toutes tribus, de toutes cultures. C’est la signification
du miracle qui se produit. L’Esprit vient supprimer toutes
les barrières. C’est là le grand miracle qu’il réalise et
dont l’Église est le témoin.

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3. Le témoignage de Matthias
Le 14 mai, nous fêterons saint Matthias. Lors du tout
premier conclave, Matthias est élu pour remplacer Judas
dans le groupe des Douze. Quelle responsabilité !
Pourtant, l’apôtre Matthias est peu connu. D’après le
livre des Actes des apôtres, il faisait partie des disciples
qui avaient suivi Jésus « depuis le baptême de Jean
jusqu’à l’ascension ». C’est pour cela qu’il a été choisi
pour compléter le groupe des apôtres.
Mais, nous ne savons pas grand-chose de son apostolat.
Il n’a pas non plus laissé d’écrit. Son admission tardive
dans le groupe des douze peut expliquer cette
discrétion. Pourtant, Matthias est apôtre comme les
autres. Il est lui aussi témoin de la vie, de la mort et de
la résurrection de Jésus. Il recevra également l’Esprit le
jour de la Pentecôte.

4. Le synode au quotidien
Ainsi, la fête de la Pentecôte nous ramène au synode de
l’Esprit et à ses exigences de témoignage du quotidien,
souvent discret. Matthias l’a vécu à sa manière. Selon
certaines traditions de l’Eglise, il mourra martyr,
témoignant jusqu’au bout de Jésus, fils de Dieu et de
son message d’amour.

Père Paulin Sébastien POUCOUTA


Diocèse de Pointe-Noire/Congo Brazzaville
Docteur en théologie biblique et en histoire des religions

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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

QUESTION DE FOI AFRICAINE


Le christianisme interroge les religions traditionnelles africaines.
L’Afrique, à son tour, interroge le christianisme. N’oublions pas que
dès 1956 paraissait le collectif « Des prêtres noirs s’interrogent ».
« Question de foi africaine » veut prendre en charge les questions qui
sont au cœur de la rencontre entre le christianisme et les religions/
cultures africaines. Dans ce numéro, le P. Jean-Paul Sagadou discute
des rapports entre la Bible et l’esclavage.

La Bible a-t-elle été au service de l’esclavage ou de la


libération ?

Ce qu’il convient de
souligner d’abord, c’est que
Dieu se dit dans une histoire
de libération. Dans la Bible,
Dieu se révèle comme celui
qui prend le parti de ceux
qui sont réduits à la pauvreté
et à l’humiliation. Il les sauve
même de l’oppression.

La dialectique du maître et de l’esclave


Le problème, c’est que le christianisme antique, mais
aussi moderne, s’est laissé enfermer dans l’univers
aristotélicien de l’esclavage. A Rome et en Grèce où
les premières communautés chrétiennes s’implantent,
l’esclave, qui est un bien parmi d’autres - tel un objet ou
un animal - est livré à la cruauté et aux humeurs de son
propriétaire. Dans cet univers où le travail est une corvée
réservée qui justifie l’esclavage, le philosophe Aristote
définit le gouvernement despotique comme « le pouvoir

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du maître sur l’esclave ». Pour lui, « l’usage des esclaves


et des bêtes est à peu près le même et l’on en tire les
mêmes services pour les biens de la vie ». Par ailleurs, « il y
a des hommes pour la liberté et d’autres pour la servitude,
auxquels, et par justice et par intérêt, il convient de servir».
Donc, pour Aristote, dans l’espèce humaine, il y a des
créatures qui sont nées pour servir. Ainsi, « l’esclavage
est un moyen naturel pour accroître les richesses, il fait
partie de l’économie domestique ». Aborder la question
des rapports entre la Bible et l’esclavage, c’est avoir en
tête ces propos d’Aristote pour mieux situer les enjeux
de l’Évangile dans les situations historiques où s’est
développée la formulation de la foi chrétienne. Il ne s’agit
pas de dédouaner Saint Paul et Saint Pierre, encore moins
les méandres du discours ecclésiastique sur l’esclavage
au cours de l’histoire. Il s’agit d’indiquer que l’obéissance
et la soumission de l’esclave à son maître sont un héritage
des cultures des sociétés qui font du travail manuel une
corvée et une marque de la servitude.

Le discours « sombre » de Paul et Pierre, les deux


piliers de l’Église

Alors même qu’il a


développé une des
synthèses les plus
remarquables sur la foi
chrétienne dans l’Église
primitive, on peut
noter que saint Paul n’a
pas eu une approche
« chrétienne» du
problème du maître et
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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

de l’esclave. « Que chacun demeure dans la condition où


il se trouvait quand il a été appelé. Étais-tu esclave…mets
à profit ta condition d’esclave » dira-t-il aux Corinthiens.
Saint Pierre de son côté enseignera : « Serviteurs, soyez
soumis avec une profonde crainte à vos maîtres, non
seulement aux bons et aux doux, mais aussi aux acariâtres.
Car c’est une grâce de supporter par respect pour Dieu des
peines que l’on souffre injustement » (1P 2, 18). Avec donc
une telle religion les maîtres peuvent dormir en paix. En
même temps - et c’est un peu le paradoxe - c’est le même
Paul qui écrira que la Croix du Christ a aboli toutes les
frontières et toutes les divisions, car dans l’état du monde
inauguré par la résurrection, il n’y a plus « ni esclaves ni
hommes libres » (Gal 10, 12, Col 13, 11). Mais une difficulté
demeure : Pierre et Paul n’ont pas cherché à s’attaquer
au droit de l’Empire romain qui fondait l’esclavage dans
le monde hellénistique. Les pères de l’Église (Cyrille de
Jérusalem, Jean Chrysostome, Grégoire de Nysse etc…),
vont eux aussi se conformer à l’ordre social qui fait des
maîtres ceux qui commandent et des esclaves ceux
qui obéissent. L’esclavage des Noirs va se greffer dans
cette vision des choses. Dans les lieux d’Église investis
par l’économie de la traite à l’heure où la civilisation de
l’Atlantique jette les bases de l’expansion du capitalisme
à l’échelle de la planète.

La Bible capturée par les forces du mal


La Bible va être capturée par
les forces de la mort et mise
au service de l’esclavage. Les
citations bibliques voleront
au secours des esclavagistes.

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Dans l’Ancien Testament, on s’appuie sur Genèse 9, 18-


27. Vade-mecum du propriétaire d’esclaves, ce texte est
l’épisode de la malédiction de Cham par Noé son père.
Cham maudit serait l’ancêtre des Noirs d’Afrique, ce qui
expliquerait et légitimerait la misère qui s’abat sur eux. La
malédiction de Noé se reporte sur tous les descendants
du peuple noir. Celui-ci sera toujours esclave. C’est
donc Dieu, selon cette lecture, qui, le premier, a instauré
l’esclavage.

Nécessaire réévaluation de la rencontre entre


l’Évangile et l’homme africain
Que faire ? Il nous faut affronter la mémoire du continent
africain pour promouvoir une autre intelligence de la
Révélation biblique et assumer l’aspiration à la libération
qui travaille en profondeur des millions d’Africains
depuis des générations. De ce point de vue, le rapport
entretenu par les Noirs américains avec la Bible est
intéressant. De fait, aussi incroyable que cela puisse
paraître, la communauté noire va faire sienne la religion
du maître et faire du christianisme la manifestation
d’une identité nouvelle, indépendante, et critique. Les
Noirs vont recomposer, de l’intérieur le mouvement
d’une expérience croyante et la cohérence d’une vision
religieuse qui s’enracine dans le passé africain, se forge au
feu de la situation d’esclavage et se manifestera dans les
Réveils religieux des 18ème et 19ème siècles. Aux yeux
de beaucoup, le christianisme européen n’a pas su révéler
aux Africains le véritable visage du Dieu de l’Evangile.
Pourquoi donc ne pas réévaluer la rencontre entre
l’Évangile et l’homme africain en faisant la distinction
entre le christianisme et l’usage que les hommes en ont
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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

fait ? Comme le dit Jean Marc Ela, si Jésus-Christ n’est


pas un Dieu pervers, nous avons besoin de trouver un art
de raconter l’évènement fondateur du christianisme en
nous rappelant que le Verbe incarné a, sur la croix, fait
d’un instrument d’humiliation un moyen de lutte pour
la vie de l’homme. Le christianisme négrier a promis
aux esclaves le bonheur de l’au-delà en organisant leur
propre bonheur sur la terre, laissant de côté la capacité
de protestation évangélique dont le christianisme est
porteur. Mais dans la Bible, Dieu intervient en faveur de
l’être humain dans les situations d’esclavage (Ex 28, 2; Mi
6, 4), de persécution ou d’oppression (2 S 22, 8 ; Ps 10-,
10), d’exil (Jr 50, 19s, Os 11 ? 8-11), de détresse et de
pauvreté, de maladie (Mc 5, 28).

Un Dieu libérateur

Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu


libérateur. Combattre l’esclavage
est une exigence du message
évangélique dont le dynamisme
ébranle les compromis historiques
dans lesquels le christianisme
occidental s’est perverti en
conditionnant les générations d’esclaves à chercher le salut
dans la perte de leur liberté et de leurs droits. Finalement,
la tradition d’indignité qui a marqué le destin de millions
d’Africains dans l’histoire est un défi à la foi chrétienne.
Il faut continuer à travailler à libérer l’Évangile de la captivité
des forces de morts pour ouvrir des chemins d’espérance
aux hommes et aux femmes du continent noir.
Père Jean-Paul Sagadou
Rédacteur en Chef

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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

LE SAINT DU MOIS

Comparant leur vie «à un catéchisme en image», le Pape François


considère que les «Les saints sont des perles précieuses. Ils sont
toujours vivants et actuels, ils ne perdent jamais leur valeur, parce
qu’ils représentent un commentaire fascinant de l’Évangile». Chaque
mois, Prions en Église Afrique vous propose une figure de sainteté
inspirante pour les chrétiens d’Afrique.

Saint Athanase (295-373)


Athanase évêque, docteur et père de
l’Église est l’une des figures africaines
qui a marqué le christianisme dans
l’antiquité. En effet, le patriarche
d’Alexandrie est connu comme le
fervent défenseur de la divinité de
Jésus contre l’arianisme.

A thanase naquit probablement vers l’an 295 à


Alexandrie, une ville portuaire située en Égypte
sur la méditerranée. Il est issu d’une famille chrétienne,
et il a reçu dès son jeune âge une éducation classique.
En effet, il avait une connaissance remarquable de
l’Écriture Sainte. Aspirant à la perfection, il se rendit
au désert de la Thébaïde, où, auprès de Saint Antoine
pour se faire ermite. Mais à l’appel d’Alexandre, évêque
d’Alexandrie, il va quitter le désert pour sa ville natale,
où il fut ordonné diacre par Alexandre et, peu après,
il devient d’abord son secrétaire au Concile de Nicée
en 325. Puis, quand Alexandre mourra, il va le succéder
sur le siège épiscopal de la ville d’Alexandrie vers l’an
328. Son jeune âge va lui attirer quelques contestations,
car il n’avait pas encore franchi l’âge légal de 30 ans

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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

quand il fut choisi comme évêque d’Alexandrie.


En dépit de ces griefs à son égard, il va assumer sa
charge épiscopale pendant 40 ans.
En tant qu’évêque, Athanase va mener son combat au
service de la vérité contre ses adversaires, les ariens, et
l’autorité civile qui soutenait souvent les ariens. Durant
son mandat comme évêque, il connaîtra cinq exils qui
dureront 17 ans. En dépit de ces exils répétés, son
activité pastorale fut prolifique, et son activité littéraire
sans précédent. Athanase s’est déployé en grande
partie dans la controverse arienne pour affirmer avec
force et opiniâtreté ses convictions théologiques issues
de la foi nicéenne.
En effet, son abondante littérature compte plusieurs
genres littéraires, entre autres : les œuvres apologétiques
et dogmatiques comme le Discours contre les païens,
le discours contre les Ariens ; Les lettres ainsi que les
œuvres historiques et dogmatico-polémiques, qu’il a
écrites pour détourner des attaques d’adversaires ou
pour attaquer lui-même les hérétiques. Athanase a
écrit aussi des œuvres exégétiques et ascétiques. Vers
la fin de sa vie, il a tout de même connu une période
de tranquillité dans son diocèse, avant de tirer sa
révérence à la vie le 2 mai 373 à la tête de son évêché.
La fête liturgique de saint Athanase est fixée le 2 mai de
chaque année. Par son intercession, prions le Seigneur
de nous donner la force de défendre nos convictions
religieuses comme l’avait jadis saint Athanase.

Frère Augustin Yamba


Assomptionniste Kinshasa (RDC)

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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

SAGESSE AFRICAINE ET PAROLE DE DIEU

Le continent africain est bien connu pour sa sagesse


proverbiale. Cette sagesse exprime bien souvent des pensées
pleines de sens qui peuvent aider les chrétiens à entrer dans
une intelligence plus grande de leur foi.

« Si quelqu’un te promet un pantalon,


examine sa ceinture»
(Proverbe Mossi du Burkina Faso)

Nul ne peut donner que ce qu’il possède. La promesse


est une dette qui peut se réclamer en temps opportun.
Jésus -Christ s’engage à nous donner le royaume car
il le possède en plénitude; il est venu du ciel et y est
retourné. Il sait de quoi il parle, il peut donner ce qu’il
promet. Notre foi en lui se fonde sur ce pouvoir qu’il a et
en cette certitude qu’il le réalisera.

Abbé Michel BELEMGOUABGA,


Vicaire Général
Archiprêtre
Cathédrale Saint François Xavier
TENKODOGO (Burkina Faso)

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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

LES ÉVÊQUES D’AFRIQUE PARLENT…

La mission des évêques


d’Afrique est d’être au
service de la Parole de Dieu
et « d’insister à temps et à
contretemps » (2 Tm 4, 2),
pour que la vérité soit connue
par tous les hommes. A travers
des homélies, des causeries
de circonstance, des discours élaborés ou des interventions
individuelles et collectives, les évêques africains ne cessent
de se prononcer sur divers sujets dans le but d’éclairer la
conscience du peuple de Dieu et de la guider sur le chemin
du salut. Pour vous aider à découvrir la pensée des évêques
africains, Ma Foi d’Africain propose chaque mois, une citation.

Les pratiques culturelles traditionnelles


africaines

« Les pratiques culturelles traditionnelles


africaines étaient et sont toujours porteuses
de valeurs, que l’on retrouve dans l’Évangile,
par exemple l’hospitalité, l’ubuntu, le sens
de la communauté et la coresponsabilité
pour la famille, le traitement des personnes
comme frère et sœur… »
Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar,
Document de Kampala, n°141, Bayard Africa, 2019

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Prions en Église en Afrique -Ma foi d’Africain -Mai 2023

Directeur de Publication : Cédric Bloquet


Rédacteur en chef : Père Jean-Paul Sagadou
Secrétaire de rédaction : Marie Chantal Bouda
Maquette : Hally Pascal Sylla
Renseignements : Prions en Église Afrique
Bayard Afrique - Abidjan Riviera 3
E-mail : prions@bayard-afrique.com
Tel. : +225 25 22 02 11 11 / +225 05 54 02 11 11

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