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Université de Maroua

The University of Maroua

Faculté des Arts, Lettres et Faculty of Arts, Letters


Sciences Humaines and Social Sciences
**** ****
Département de Langue et Department of French
Littérature Françaises Language and Literature
**** ****

ANALYSE ÉNONCIATIVE DU DISCOURS


CONFLICTUEL DANS WALAANDÉ, L’ART DE
PARTAGER UN MARI DE DJAILI AMADOU AMAL

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de Master en


Langue française

Option : Stylistique
Par

LORANT AHMADOU
Licence ès Lettres
Matricule :13D0339FL

Sous la direction de :

Mme Pauline Lydienne EBEHEDI KING


Maître de Conférences

Année académique :2019-2020


DÉDICACE

À mon père VONDOU AISSO et ma mère DOUMLE Fanta

i
REMERCIEMENTS

Ce mémoire n'est pas une réalisation individuelle. Sa rédaction repose sur la


rencontre de plusieurs personnes, ayant mêlé leur voix à la mienne. Nous tenons par
cette occasion à présenter nos vifs remerciements à tous ceux qui ont contribué, de près
ou de loin, à la réalisation de ce modeste travail.

Nous remercions, en premier lieu le Professeur EBEHEDI KING Pauline Lydienne


qui a bien voulu diriger cette recherche, pour ses soins exceptionnels, son orientation,
sa documentation, pour le suivi sérieux de mon travail et ses conseils judicieux. Sa
direction m'a offert une bonne formation : elle m'a appris, la persévérance et l’humilité.

Nous tenons aussi à remercier tous les enseignants du Département de Langue et


Littérature Françaises pour la qualité de formation qu’ils nous ont offert. J’exprime toute
ma gratitude à ceux qui m’ont marqué l’esprit et qui ont toujours cru en mes capacités,
en particulier Dr WARAYANSA MAOUNE et Dr NGUEMO KENGMO Joseph pour
leurs relectures, leurs conseils et la documentation dont Dr WARAYANSA MAOUNE
m’a fait bénéficier ; mon frère M. TOUMBA TODOU pour sa relecture et son appui
financier.

Pendant tout mon parcours universitaire et surtout les années de la réalisation de


ce travail, j’ai eu le soutien de MOUNA YANI, de ma grande mère DOUDOU AÎSSO,
de ma tante et mon oncle notamment NERRAKA AISSO et SALI AISSO, de ma sœur
ADAROU HAMAN. Je profite également de l’occasion pour remercier mes camarades
de promotion qui n’ont jamais cessé de me donner des conseils et de m’encourager dans
les moments difficiles, en l’occurrence RAMADANE DJIMADJIBE, BADJAM
Aimée, ASTA Pauline.

ii
RÉSUMÉ

Ce travail met en évidence la valeur de la modalisation dans l’analyse énonciative


du discours pour identifier le discours du conflit dans Walaandé, l’art de partager un
mari de Djaïli Amadou Amal. À l’aide de la théorie énonciative et de la méthode
stylistique, nous identifions et analysons les éléments linguistiques qui révèlent la
relation conflictuelle entre les personnages du discours de ce texte et nous déterminons
les différentes portées des discours énonciatifs dans ce texte, il convient d’affirmer que
la modalisation expose plus facilement la relation qu’entretiennent les personnages du
discours et le thème d’un énoncé ou discours ; car elle manifeste le sentiment de
l’énonciateur vis-à-vis de son énonciataire et de son énonciation.

Mots-clés : Modalisation, identification, discours, conflit, énonciateur.

ABSTRACT

This work highlights the value of globalization in the enunciative analysis of


discourse of the conflict in Walaandé, the art of sharing the husband of Djaïli Amadou
Amal. Using the enunciative theory and the stylistic method, we have identified and
analyzed the linguistic elements which betray the conflictual relationship between the
characters of the speech of this text and we have determined the different scopes of the
enunciative speeches in this text. It should be affirmed that the modeling exposed more
easily the relation that it maintains the characters of the speech and the topic of a
statement or discourse, because it manifests the feeling of the speaker with respect to
his speaker and his statement

Keywords : Modalisation, identification, discourse, conflict, enunciator

iii
LISTE DES ABRÉVIATIONS

1- DEA : Diplôme d’Étude Approfondie


2- DIPES II : Diplôme de professeur d’enseignement secondaire deuxième grade.
3- ENS : École Normale Supérieure
4- Idem : de même auteur, même chose. Cette abréviation renvoie à un auteur qui vient
d’être cité plus haut.
5- INS : Institut national de Statistique.
6- MINEPAT : Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du
territoire
7- P- Page
8- PDV : Point de vue
9- ScaPoLine : Polyphonie linguistique Scandinavienne
10- Vol. : Volume
11- WAPM : Walaandé, Art de Partager un Mari

iv
SOMMAIRE
DÉDICACE ...............................................................................................................................................
REMERCIEMENTS ................................................................................................................................ii
RÉSUMÉ .................................................................................................................................................iii
ABSTRACT ............................................................................................................................................iii
LISTE DES ABRÉVIATIONS ............................................................................................................... iv
SOMMAIRE ............................................................................................................................................v
INTRODUCTION GÉNÉRALE ............................................................................................................. 1
CHAPITRE 1 : PROLÉGOMÈNES À L’ANALYSE ÉNONCIATIVE DU DISCOURS
CONFLICTUEL .................................................................................................................................... 12
1.1- L’énonciation......................................................................................................................... 12
1.2- Le discours ................................................................................................................................. 27
CHAPITRE 2 : L’ANALYSE STRUCTURALE DU DISCOURS CONFLICTUEL .......................... 42
2.1- Les modalités d’énonciation et le codage du conflit .................................................................. 42
2.2- Les modalités d’énoncé et expression du trouble émotionnel des personnages......................... 52
2.3- Les subjectivèmes du conflit dans Walaandé, art de partager un mari ...................................... 56
CHAPITRE 3 : LES MARQUEURS POLYPHONIQUES ET LES IMAGES ................................ 70
3.1- Les implicites ............................................................................................................................. 71
3.2- Les figures de style .................................................................................................................... 79
3.3- Le discours rapporté ................................................................................................................... 86
CHAPITRE 4 : LES PORTÉES DU DISCOURS CONFLICTUEL .................................................... 92
4.1- La portée sociale du conflit ........................................................................................................ 93
4.2- La portée religieuse .................................................................................................................. 112
4.3- La portée culturelle .................................................................................................................. 118
CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................................. 128
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................. 134

v
INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le terme conflit est défini par le Dictionnaire encyclopédique Petit Larousse


illustré (1984 : 234) comme : « une violente opposition matérielle ou morale ». Dans un
texte ou une œuvre littéraire, c’est une thématique qui se manifeste à travers la
contestation, la polémique ou alors la contradiction, la contre-indication et
d’incompatibilité d’opinion des personnages ou des interlocuteurs. Le conflit au sens
profond du terme signifie l’affrontement de deux ou plusieurs volontés individuelles ou
collectives qui manifestent les unes à l’égard des autres une intention hostile et une
volonté d’agression, dans le but de défendre leur droit ou de le maintenir. Nous
constatons alors que les éléments linguistiques à l’exemple la modalisation identifient
le discours du conflit dans le texte. Ce constat s’est prolongé dans l’œuvre Walaandé,
art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal qui exprime le conflit à travers divers
éléments linguistiques. C’est ce qui nous a inspiré le sujet : « Analyse énonciative du
discours conflictuel dans Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou
Amal ».

L’énonciation est l’acte individuel de production, d’utilisation de la langue dans un


contexte déterminé, ayant pour résultat l’énoncé. Benveniste E. (1980 : 80) définit
l’énonciation comme « cette mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel
d’utilisation ». L’énoncé produit par l’énonciateur reflète une part de la subjectivé qui
se manifeste à travers les éléments linguistiques. L’analyse énonciative du discours du
conflit consiste donc à étudier les éléments linguistiques comme la modalisation qui
trahit l’idée du conflit dans le texte de Djaïli Amadou Amal. Ceci revient à dire que la
modalisation est liée au processus d’énonciation. Elle traduit les différents moyens par
lesquels le sujet exprime son attitude, son opinion vis-à-vis de son destinataire et de son
énoncé. Maingueneau (1991 :108) affirmait que :

la présence du sujet énonciateur traduit aussi dans ses marques de modalisation. Dire,
c’est aussi se situer par rapport à son propre dire. Le texte est ainsi constamment habité
par la présence d’un sujet qui situe son dire par rapport au certain, au possible,
vraisemblance… (modalités logiques), ou qui porte de jugements de valeur (modalités
appréciatives).

1
Il est clair alors que le sujet manifeste un positionnement contraire dans son
énoncé à travers son attitude et son jugement. Ces comportements conflictuels sont plus
visibles à travers des éléments linguistiques.

Le choix du sujet portant sur l’analyse énonciative du discours qui expriment le


conflit dans Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal n’est pas un
fait du hasard. Plusieurs raisons nous ont poussé à porter la réflexion sur ce thème.
Comme nous l’avons dit haut, la modalisation consiste à faire introduire les marques de
sentiment et de l’attitude de l’énonciateur dans son énoncé ou dans son discours.
L’auditoire ou le co-énonciateur devra prêter attention aux différentes modalités de
l’énonciation afin de repérer avec rapidité le message du discours ou de l’énoncé
véhiculé par les voix énonciatives. Si on ne tient pas compte des différentes marques
de la subjectivité de l’énoncé, on risque ne pas comprendre effectivement l’intention de
l’énonciateur. Alors, le choix de ce sujet est motivé par le souci de :

- montrer à travers les éléments énonciatifs, l’expression du conflit dans Walaandé,


l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal et montrer son rôle et son apport
dans l’analyse de texte ou discours ;
- montrer que la modalisation est un élément facilitateur de transmission et d’analyse
de message dans l’énoncé;
- montrer comment les modalisateurs explicitent les idées cognitives des personnages
et de l’auteur de l’énoncé ou du discours.
- montrer la portée du discours de conflit dans Walaandé, l’art de partager un mari;
- en dernier ressort, ce sujet nous aide à participer et à joindre nos voix à la réflexion
sur un thème scientifique et à la construction de la recherche scientifique en mettant en
valeur les éléments linguistiques énonciatifs dans l’analyse du discours ou énoncé et
mettre en valeur l’art de l’écrivaine sahélienne et surtout la critique du féminisme.

Notre sujet portant sur l’analyse énonciative du discours de conflit pose le


problème de l’identification du discours conflictuel dans le texte de Djaïli Amadou
Amal. Autrement dit, le corpus manifeste les idées conflictuelles, mais comment les
identifier ? L’interprétation et l’orientation de l’intention des personnages dans un
énoncé dépend des éléments de la modalisation ; ceci revient à dire que la modalisation

2
a un rôle incontournable dans les énoncés. Quels sont les éléments énonciatifs qui
permettent d’identifier le discours du conflit dans le texte de Djaïli Amadou Amal ?
Comment repérer le discours du conflit dans le texte de Djaïli ? Quelle peut être la portée
du conflit dans l’œuvre WAPM? Telles sont les questions qui guideront notre
investigation tout au long de ce travail.

Le conflit exprime une opposition morale entre plusieurs parties. L’analyse


énonciative de l’œuvre WAPM permettra d’identifier le discours du conflit dans le texte.
De cette hypothèse principale, découlent les hypothèses secondaires, à savoir :

- la modalisation comporte une dimension subjective qui trahit le discours du conflit ;


- les marqueurs polyphoniques présentent les différentes opinions qui relèveront du
discours du conflit dans le texte de Djaïli ;

- les faits socioculturels et religieux pourraient être les portées du discours de conflit
du texte Walaandé, l’art de partager un mari. C’est dire que l’analyse de ces
différentes approches révèleront le projet idéologique cachée de l’auteur.

La principale mission qui nous anime dans ce sujet est celle d’analyser les
différents éléments énonciatifs. Pour mieux les comprendre, il sera judicieux d’abord de
savoir la définition de la modalisation et celle de conflit ; les composantes de la
modalisation, ensuite de déterminer leur message sur l’expression du conflit.
Le présent travail s’inscrit dans le cadre théorique de l’énonciation. Benveniste
(1966) définit l'énonciation comme la mise en fonctionnement de la langue par un acte
individuel d'utilisation. Il accompagne cette définition par une théorie générale des
indicateurs linguistiques par l'intermédiaire desquels le locuteur s'inscrit dans l'énoncé.
Selon Benveniste (1966 :251), des ‹‹ actes discrets et chaque fois uniques par lesquels
la langue est actualisée par un locuteur ››. Le problème théorique posé par le modèle
énonciatif de Benveniste a permis à certains chercheurs de reformuler la notion même
d'énonciation et d’affiner le paradigme des indicateurs linguistiques.
A la suite de Benveniste, Culioli (2000) soutient que : « énoncer, c'est construire
un espace et un temps, orienter, déterminer, établir un réseau de valeurs référentielles,
bref un système de repérage par rapport à un énonciateur, à un co-énonciateur, à un
temps d'énonciation et à un lieu d'énonciation ». Il y a d'abord les énoncés (réalisation
3
de l'activité langagière) qui sont construits à partir d’un système de règles (grammaire),
sur lesquels porte l'analyse linguistique. Ensuite la construction de ces énoncés s'effectue
dans le cadre d'une situation d'énonciation, entre un énonciateur et un co-énonciateur
(énonciateur potentiel), par lesquels il y a transmission d'un contenu.
Après cette présentation de l'approche énonciative, on constate que la théorie de
l'énonciation est assez vaste. Si l’on part de l'attention de Benveniste portée aux
déictiques, à la conception de Austin sur les énoncés performatifs ; des notions
d'implicite et de présupposition chez DUCROT, aux subjectivèmes dans la théorie de
Kerbrat Orecchioni (1980) et enfin à la théorie de Culioli, la linguistique de l'énonciation
recouvre un parterre assez large de faits linguistiques. Avec l'approche énonciative
s’amorce la conciliation entre la linguistique immanente qui envisageait les énoncés
comme des entités abstraites et la linguistique du discours où l'étude des énoncés
nécessite la prise en compte des réalités déterminées par leurs conditions contextuelles
de production. L'énonciation tend aussi à se constituer en discipline explicative de la
production du discours. En même temps que le social se réinvestit dans la parole, le sujet
parlant se réinstalle au cœur des énoncés. L'analyste fait appel au concept d’énonciation
présenté soit comme le surgissement du sujet dans l'énoncé, soit comme la relation que
le locuteur entretient par le discours avec l'interlocuteur, soit enfin comme l'attitude du
sujet à l'égard de son énoncé pour observer selon quelles règles s’établissent les rapports
énonciateur/énonciataire. La théorie de l’énonciation ainsi décrite dans ses grandes
lignes fournit les bases théoriques nécessaires, qui vont servir de référence pour
l’analyse de la relation entre les protagonistes de la communication dans le corpus que
nous avons choisi pour notre travail.
Comme on aurait pu s’y attendre, nous ne sommes pas le premier à réfléchir sur
l’analyse énonciative ni sur les modalités et moins encore le conflit dans le texte.
Plusieurs chercheurs ont travaillé sur l’analyse énonciative, à l’exemple de l’article
Longhi Julien (2012), l’ouvrage de Benveniste Emile (1966), l’ouvrage de Kerbrat
Orecchioni Catherine (1980), l’article de Monte Michèle (2011), le mémoire de master
de AOUADI Lemya (2015), l’article de Rabatel Alain (2007) et le mémoire de DIPES
II de Mocktar Sali et Maïmouna Dahirou (2015)

4
Julien longhi (2012), dans son article dégage les caractéristiques de l’apparition
du sujet énonciateur et d’énonciation dans le discours. Cet auteur se base sur les travaux
récents de Benveniste sur l’énonciation. L’expression sujet énonciateur chez Benveniste
concerne le champ de la psychologie, et « désigne l’individu dans un procès de locution.
[…] Son être-sujet (ego) transcende les procès dans lesquels il est engagé, et n’est pas,
en tout cas, dépendant de l’activité de parole » Benveniste (1966). Il estime que le sujet
d’énonciation est le sujet qui se constitue dans et par l’énonciation de son discours sont
différents. Son objectif est de discerner ces apparitions selon que la voix véhiculée
relève davantage d’un sujet individué ou socialisé, d’un contenu conceptuel ou
sémiotique, d’un locuteur qui investit son discours ou d’un énonciateur construit par
l’énonciation. Pour atteindre cet objectif, il propose dans un premier temps un « état des
lieux » de deux types d’approches, à partir de la distinction entre énonciation et énoncé.
Il aborde l’énonciation par son coté psychologique ou cognitif, comme : « processus de
mise en œuvre de la parole ». À cet égard, il distingue trois modalités distinctes qui
peuvent participer au processus de mise en œuvre de l’activité signifiante : « du côté du
sujet avec le paradigme de l’enaction (ou cognition incarnée), le préconstruit (dans le
cadre de l’analyse du discours), et l’énonciation (la prise en compte du sujet, à partir
des travaux de Benveniste) » (Longhi J., 2012). Quant à l’énoncé, il le considère non
plus comme processus, mais comme manifestation de l’énonciation.

Nous constatons que Julien Longhi s’intéresse plus à la description de l’énoncé


et de l’énonciation ainsi qu’à la distinction entre le sujet énonciateur et le sujet
d’énonciation, tout en faisant ressortir leur différence. Alors que nous nous occupons de
la modalisation dans l’énonciation qui exprime le conflit.

Benveniste (1966) s’occupe de l’analyse du système des pronoms et des


déictiques en général, ainsi que la subjectivité dans le langage exprimé par des verbes
en tant qu’unités lexicales, grâce à leur sens, et fait la différence entre le discours et récit.

Il constate que la définition des pronoms pose problème au langage, ainsi qu’à la
langue. Certains pronoms constituent la syntaxe d’une langue, d’autres caractérisent les
« instances de discours » lorsqu’ils sont actualisés en parole par un locuteur. Certains
pronoms sont personnels (comme je et tu), d’autres ne le sont pas (comme il). Autrement

5
dit, les pronoms du français ont trois formes : la première personne je / nous, la deuxième
personne tu/vous et la non personne il / ils, elle / elles, car il abolit la notion de personne.
Cette analyse exprime la notion des déictiques de personne.

Il chute sur les formes verbales en les présentant comme marques de


l’énonciation. Benveniste, par l’analyse des temps verbaux, tire la conclusion qu’il
existe deux temps verbaux : le temps de discours et le temps de récit. Il finit par faire la
différence entre le discours et le récit tout en donnant leurs caractéristiques. Il présente
le discours comme tout ce qui n’est pas histoire et se caractérise par des marques
grammaticales spécifiques comme les déictiques, temps verbaux ancrés dans
l’énonciation directe. Alors que l’énoncé historique ou le récit se caractérise par
l’absence de personne (ou la non-personne). Il ne comprend aucun indice ou aucune
marque de l’intervention du locuteur.

Certes, Benveniste s’occupe de la subjectivité dans l’énonciation, mais il ne l’a


pas canalisé sur une signification spécifique. Il présente la subjectivité du langage dans
l’énoncé, à travers les déictiques et bien dans le discours.

Kerbrat-Orecchioni (1980) rejoint Benveniste sur l'idée que le langage est


caractérisé par la subjectivité du sujet-parlant. Ces deux termes, subjectivité et langage,
sont indissociables. La subjectivité dans le langage se réalise à travers les déictiques qui
renvoient à la situation d’énonciation, mais aussi à travers ce que Kerbrat-Orecchioni
appelle « subjectivème », qui est défini comme étant un « énonciatème » qui marque la
présence et l’implication du locuteur-scripteur dans son discours.

Kerbrat-Orecchioni complète cette brève présentation de la subjectivité dans le


langage par la notion de modalité. Les modalités expriment l’attitude du locuteur par
rapport à son énoncé, elles peuvent exprimer une nécessité ou une possibilité. Elle
distingue deux types des modalités : les modalités d’énonciation qui marquent l’attitude
énonciative du locuteur par rapport à son allocutaire et les modalités d’énoncé qui
marquent l’attitude du sujet de l’énonciation vis-à-vis du contenu de son énoncé (elles
réalisent la fonction expressive de Jakobson). Selon Kerbrat-Orecchioni (1980 : 120),
on distingue deux aspects de la subjectivité : l’affectif (expression d’un sentiment du
locuteur) et l’évaluatif (un jugement ou une évaluation du locuteur).
6
L’un des grands soucis de Kerbrat-Orecchioni est aussi de faire la différence
entre l’objectivité et la subjectivité. La subjectivité du locuteur est omniprésente
puisqu’il s’engage dans son discours en faisant ses choix linguistiques.

Certes, Kerbrat-Orecchioni semble toucher les côtés de la modalisation à travers


les différents subjectivèmes qu’elle présente dans cet ouvrage mais à la différence de
notre travail, elle fait une présentation théorique. Par contre, nous faisons une analyse
pratique à base d’un corpus bien déterminé.

Monte Michèle (2011) dans son article exprime l’ambigüité entre la modalité et
la modalisation. Selon lui, la notion de modalité paraît à la fois indispensable et chargée
d’ambigüité. Son étude n’a pas d’autre ambition que d’essayer de réfléchir aux raisons
qui rendent problématique l’analyse et le classement des modalités. Il soutient que
l’usage actuel le plus courant du couple modalité et modalisation consiste à utiliser le
terme « modalisation » pour désigner le processus d’inscription du point de vue du
locuteur dans l’énoncé et le terme « modalité » pour désigner les marques de ce
processus dans l’énoncé, encore qu’il y ait concurrence entre « modalités » et
« modalisateurs » pour désigner les marqueurs de point de vue.

Monte Michèle s’occupe plus à faire la différence entre la modalité et


modalisation. Pourtant nous nous prenons ces modalités et modalisations exprimant le
conflit dans le texte de Djaïli comme des moyens cruciaux d’identifier et d’interpréter
le discours du conflit.

Aouadi Lemya dans son mémoire de Master (2015) soutient aussi que tout
discours porte de la subjectivité. L’expression de la subjectivité marque la spécificité du
langage comme instrument de communication et de transmission du savoir par un
locuteur. Pour le confirmer, il s’appuie sur un corpus composé de douze mémoires de
master réalisés dans différentes universités, considérés comme des écrits scientifiques,
caractérisés par le souci de l’objectivité, de la précision, de la méthode et de la rigueur
intellectuelle. Il affirme alors que chaque auteur en rédigeant un écrit scientifique tente
d’être objectif or, la mise en évidence du caractère subjectif du discours scientifique est
marquée par le fait que le rédacteur suit une stratégie qui marque sa présence dans ce

7
discours. Selon lui, le discours scientifique devrait être un pur produit de l’objectivité
mais son analyse montre que les auteurs de ces discours impriment leur marque.

Nous constatons alors Aouadi s’occupe juste de l’implication du rédacteur du


discours scientifique dans un discours qui semble être un produit de l’objectivité. Par
contre, nous nous prenons ces éléments subjectifs dans le texte de Djaïli Amadou Amal
comme les moyens qui expriment clairement le conflit.

Rabatel (2007) dans son article présente brièvement la manière de l’analyse


énonciative du point de vue (PDV), qui est en rupture avec la typologie des focalisations
de Genette, ce qui peut renouveler partiellement la narratologie. Pour ce faire, il propose
de considérer un certain nombre d’outils (schéma actantiel, schéma quinaire du récit,
isotopie etc.) non plus seulement comme des organisateurs de la diégèse, mais aussi
comme des indicateurs de points de vue sur l’histoire comme sur sa narration, et donc
comme des moyens de connaissance par lesquels scripteur et lecteur construisent leur
être au monde à travers leur rapport au monde, dans une posture réflexive qui sait faire
leur place aux émotions comme aux sensations esthétiques.

Pour le faire, Rabatel aborde d’abord l’approche énonciative, en appui des


théories de Ducrot, et, sur cette base, propose diverses modalités de PDV (représenté,
raconté, asserté) qui donnent corps au point de vue des personnages ou du narrateur en
modifiant sensiblement les analyses de Genette. Ensuite, l’article envisage le rôle des
PDV dans la narration, notamment dans la réévaluation des dimensions cognitive et
pragmatique de la mimésis, puis dans les mécanismes inférentiels-interprétatifs, enfin,
dans la revalorisation du rôle du narrateur ; puisque ce dernier se construit dans le même
temps qu’il construit ses personnages. Rabatel se préoccupe de la notion de PDV dans
le texte qui découle de la différenciation du narrateur du locuteur.

Mockatr Sali et Maïmouna Dahirou (2015) ont porté une attention au conflit dans
État d’urgence d’André Brink. Un état de conflit basé sur le narrateur-héro qui est pris
au piège dans un dilemme entre la prise de conscience d’un univers Sud-africain qui
sombre dans les violences de tout genre et une réelle envie de se libérer du manuscrit
qui lui a été envoyé par le personnage de Jane Ferguson.

8
Le conflit présenté par Mocktar et Maïmouna est de la manière physique. Ils
considèrent la poétisation du conflit comme une présentation physique du conflit qui se
manifeste bien évidemment à travers le crime, l’opposition, la privation de liberté
d’expression et des libertés les plus naturelles comme l’amour en tant qu’union entre
deux genres opposés, et en tant qu’expression de la fraternité humaine.

Mocktar et Maïmouna se basent sur les différentes stratégies argumentatives,


narratives et sociales pour présenter le conflit dans État d’urgence d’André Brink, alors
que notre analyse se base sur les éléments linguistiques et énonciatifs qui expriment le
conflit dans le texte de Djaïli.

Ces auteurs ont focalisé leurs préoccupations sur l’énonciation dans son sens
large. Parce que nous estimons que ce cas est théorique et générique, car faire une
description juste ne garantit pas la compréhension du discours énonciatif. En réalité, ils
ne se sont pas focalisés sur le message porté par les modalisateurs ou à travers les
« énonciatèmes » comme les désigne Kerbrat Orecchioni. Nous pensons que la prise en
compte du message qu’expriment les modalités comme celui du conflit que souligne
notre sujet nous permettra d’être plus pratique sur la valeur et le rôle de la modalisation
dans le texte.

En clair, nous voudrions à partir de notre corpus, montrer que la modalisation


peut exprimer et faciliter la compréhension d’un message comme celui du conflit dans
les énoncés ou dans un discours.

L’approche méthodologique pour mener à bien notre travail sera la théorie


stylistique de l’expression de Charles Bally. Nous pensons qu’elle est la principale
méthode que nous convoquerons, mais elle aura l’appui des méthodes telles que la
méthode énonciative de Kerbrat Orecchioni et la méthode pragmatique d’Austin.

La stylistique est l’étude scientifique du style, elle consiste en un inventaire de


potentialités stylistiques de la langue. La stylistique a pour mission de réaliser la
rencontre entre la littérature et la linguistique. Dans cette théorie, nous nous baserons
sur le courant stylistique discursif de Charles Bally qui part de la distinction faite en
psychologie entre les aspects intellectuels et les aspects affectifs de la pensée (Bally,

9
1909 : 259). Par conséquent, la syntaxe est logique et affective, comme la pensée qu’elle
véhicule sous forme d’une phrase. Bally analyse les valeurs stylistiques dans trois étapes
: délimitation, identification des faits d’expression et observation des valeurs affectives
d’un fait d’expression. On délimite un fait d’expression à partir du sens. Une fois le fait
d’expression délimité, on passe à l’opération de l’identification de son contenu
intellectuel par la recherche de l’unité qui peut se substituer au point de vue logique au
fait d’expression. La comparaison du fait d’expression avec son terme identificateur
conduit à le déterminer dans ses caractères affectifs, c’est-à-dire dans sa nature
stylistique.

La stylistique linguistique étudie la valeur affective des faits expressifs « qui


concourent à former le système des moyens d'expression d'une langue » (Bally, 1936 :
1). Ces faits expressifs de langue sont susceptibles de déclencher différentes valeurs
affectives. L’affectivité est la manifestation naturelle et spontanée de notre pensée. La
stylistique linguistique est donc censée rechercher des choix expressifs potentiels au sein
de la langue elle-même. Son approche est dialogale, car il s'agit d’étudier l'usage du
langage qui implique un choix réalisé par le sujet parlant afin d'exprimer son attitude à
l'égard de ce dont il parle et de celui à qui il s'adresse. Nous constatons que Bally brosse
une partie de la théorie de l’énonciation de Kerbrat Orecchioni qui d’ailleurs nous ferons
part aussi dans notre travail.

La théorie énonciative se force de tenir compte de la position de l’énonciateur


dans la production d’un énoncé donné. Cette théorie accorde une place essentielle à la
réflexivité de l’action verbale et en particulier aux éléments qu’implique chaque acte
d’énonciation. Elle nous aidera à bien mener notre travail en ce sens qu’elle se penche
sur l’étude les énoncés et se base sur l’analyse des marques subjectives de l’énoncé.
Nous adopterons la théorie énonciative de Kerbrat-Orecchioni qui a procédé à une
identification et à une analyse des subjectivèmes, les marques concrètes, au niveau de
l’énoncé, de l’activité subjective de l’énonciateur.

Enfin, la théorie pragmatique. C'est avec Austin que l'idée d'acte de langage a été
introduite dans les recherches linguistiques. Et c'est avec Grice que la pragmatique a
commencé à s'occuper non seulement des aspects linguistiques et inférentiels de

10
l'encodage conceptuel et procédural, mais aussi de tous les aspects pertinents pour
l'interprétation complète des énoncés en contexte, qu'ils soient liés ou non au code
linguistique. La théorie pragmatique nous aidera à inférer certains énoncés pour
comprendre le conflit entre les énonciateurs. Nous adopterons la méthode de Grice basée
sur l’inférence conversationnelle. Cette méthode est pragmatique et elle ressemble à
l’inférence logique parce qu’elle produit une conclusion sur la base des prémisses. Nous
nous proposons de partir par l’analyse des différents énoncés du corpus et puis
déterminer leur signification.

Pour mener à bien notre travail, nous l’avons structuré en quatre chapitres. Dans
le premier chapitre, nous présenterons et expliquerons les concepts de notre sujet ; en
l’occurrence, l’énonciation, le discours et le discours conflictuel. Dans le deuxième
chapitre, nous allons étudier la structure du conflit en analysant ses éléments énonciatifs
que sont : les modalités d’énonciation et l’encodage du conflit, la modalité d’énoncé et
expression du trouble émotionnel des personnages, les subjectivèmes. Le chapitre trois
nous permettra d’étudier les marques de la polyphonie qui permettent d’identifier le
conflit dans un texte. Le chapitre quatre quant à lui consiste à étudier la portée du conflit.
Dans ce dernier chapitre, nous allons étudier la portée sur les plans social, religieux,
culturel ou alors il s’agira pour nous de révéler le projet idéologie cachée de l’auteur

11
CHAPITRE 1 : PROLÉGOMÈNES À L’ANALYSE ÉNONCIATIVE DU
DISCOURS CONFLICTUEL

Dans ce chapitre inaugural, la notion de prolégomènes est une notion qui renvoie
aux principes préliminaires à l’étude d’une question. Notre travail consiste à faire
l’analyse énonciative du discours conflictuel. Cette présentation de façon générale pose
déjà l’énonciation dans sa finalité, comme un moyen visant l’analyse. Elle sert à détailler
le contenu d’un énoncé ou d’un discours produit. Le terme prolégomènes se penche sur
la manière et la qualité du discours donné. Dans ce travail, l’énonciation, le discours et
le conflit sont des mots clés qui auront besoin d’un éclaircissement. Pour d’autres
chercheurs, énonciation et discours semblent être des synonymes. Selon eux
l’énonciation est une manifestation de l’énoncé et le discours est l’énonciation, c’est-à-
dire l’acte de produire un énoncé. Pour certains, ces deux notions présentent une grande
différence dans différents domaines notamment celui de la didactique des langues
comme l’a dit Castellotti, (2001 :22) : « sa polysémie originelle jointe aux différentes
significations que lui accordent les chercheurs, selon leur rattachement disciplinaire,
en font un concept polymorphe, que certains récusent du fait même de cette
hétérogénéité ». Dès que l’on délaisse les dictionnaires généraux et que l’on entre dans
le champ d’étude énonciative, et surtout dans une analyse comme la nôtre qui explore
un corpus issu du domaine énonciatif, l’énonciation nous tend la main. Les objectifs
initiaux de cette discipline énonçaient, notamment pour le discours conflictuel, les
ingrédients qui devaient composer le discours, les énoncés, le texte, la phrase et même
le discours du conflit. Au fil de notre analyse, dans cette partie, nous tenterons de donner
la conception des chercheurs sur les termes énonciation et discours ; nous allons
présenter la disparité entre quelques notions de discours comme énoncé/ discours,
discours / texte, énoncé / phras et enfin présenter le discours de conflit en mettant en
exergue les aspects de l’énonciation en s’appuyant sur la subjectivité du langage.

1.1- L’énonciation

Ducrot (1972 :405) considère l’énonciation comme : « une suite de phrases,


identifiée sans référence à telle apparition particulière de ces phrases ; soit comme un

12
acte au cours duquel ces phrases s'actualisent, assumées par un locuteur particulier,
dans des circonstances spatiales et temporelles précises ». On considère donc que,
dans le processus d'énonciation, un sujet produit un énoncé dans un temps et un lieu
donné et à destination d'un récepteur donné. Autrement dit, la phrase peut être produite
ou énoncée selon un besoin déterminé d’un énonciateur sans prendre en considération
les conditions de production de cette phrase ainsi que les théoriciens en linguistique
énonciative parlent d’énoncé chaque fois qu’il s’agit de l’actualisation de la phrase
dans une situation de communication. Aouadi soutient alors que :
On peut étudier l’énonciation à travers les allusions qu’un énoncé fait à l’énonciation,
allusions qui font partie du sens même de cet énoncé et qui peuvent être décrites par des
structures linguistiques. Ces marques de l’énonciation dans l’énoncé sont multiples, les
échelles argumentatives des énoncés, la délocutivité, les présuppositions et les sous-
entendus, les connecteurs pragmatiques, les délimitations entre actes de langage
(notamment l’indirection), la métaphorisation, les modalisations floues et ambigües.
(Aouadi Lemya 2015 : 20).

Toutes ces marques renvoient à l’énonciation en tant qu’inscrite dans la langue.

1.1.1- Les différentes conceptions de l’énonciation


1.1.1.1- La conception de Benveniste

Selon Benveniste (1966 :80), énonciation est : « la mise en fonctionnement de la


langue par un acte individuel d’utilisation ». L’énonciation est considérée ici par la
prise en charge par un énonciateur, dans un lieu et moment donné, et il est destiné à un
co-énonciateur. Dans l’énonciation, Benveniste considère successivement l'acte même,
les situations où il se réalise, les instruments de l'accomplissement. L'acte individuel par
lequel on utilise la langue introduit d'abord le locuteur comme paramètre dans les
conditions nécessaires à l’énonciation. La langue est effectuée en une instance de
discours, qui émane d'un locuteur, forme sonore qui atteint un auditeur et qui suscite une
autre énonciation en retour (Benveniste, 1966). En tant que réalisation individuelle,
l’énonciation est considérée par Benveniste, par rapport à la langue, comme un procès
d'appropriation. Le locuteur s'approprie l'appareil formel de la langue et il énonce sa
position de locuteur par des indices spécifiques, d'une part, et au moyen de procédés
accessoires, de l'autre. Toute énonciation est, explicite ou implicite, une allocution, elle
postule un allocutaire. Enfin, dans l’énonciation, la langue se trouve employée à
l'expression d'un certain rapport au monde. La condition même de cette mobilisation et
13
de cette appropriation de la langue est, chez le locuteur, le besoin de référer par le
discours, et, chez l'autre, la possibilité de co-référer identiquement, dans le consensus
pragmatique qui fait de chaque locuteur un co-locuteur. À la suite de Benveniste,
l’énonciation est l’acte et non le produit de cet acte (langue). Cet acte est dirigé par le
locuteur et, pour le produire, il prend la langue comme instrument. En s’appropriant
l’appareil formel de la langue, il énonce son rôle de locuteur. « Mais immédiatement,
dès qu’il se déclare locuteur et assume la langue, il implante l’autre en face de lui, quel
que soit le degré de présence qu’il attribue à cet autre » (Benveniste 1966 : 82). Selon
Benveniste, c’est à travers l’énonciation que l’individu devient sujet. Le locuteur a
besoin de l’autre car c’est une nécessité du caractère social du langage.

Comme l’a souligné Benveniste ci haut, ce processus de l’énonciation renvoie


au sujet énonciateur, liée à l’activité de parole, et se distingue du sujet d’énonciation (le
sujet qui se constitue dans et par l’énonciation de son discours), qui renvoie à l’énoncé
dont affirme Benveniste :

[L’énonciation] est cette mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel


d’utilisation. […] dans l’énonciation, la langue se trouve employée à l’expression d’un
certain rapport au monde. La condition même de cette mobilisation et de cette
appropriation de la langue, est chez le locuteur, le besoin de référer par le discours, et,
chez l’autre, la possibilité de co-référer identiquement, dans le consensus pragmatique
qui fait de chaque locuteur un co-locuteur. La référence est partie intégrante de
l’énonciation. (Benveniste, 1970 :12-14).

Cette acception de l’énonciation, on le voit, insiste et repose sur la


réappropriation individuelle de la parole par le locuteur, sujet nécessaire à l’élaboration
du discours. Autrement dit, l’énonciation n’est que le résultat ou le produit même d’une
manifestation individuelle qui se justifie par des éléments indiciels capables de rendre
compte de la subjectivité du locuteur.

Benveniste relève une question difficile et encore peu étudiée : comment le sens se
forme en mots, étant donné que l’énonciation suppose la conversion individuelle de la
langue en discours. L’étude de l’énonciation va donc se développer à travers cette
conversion individuelle de la langue en discours qui sera le point fondamental de la
réflexion de l’auteur. Son étude se développe, de cette façon, à deux niveaux : la
première porte sur une théorie du langage où l’énonciation est la condition pour la
constitution du sujet dans le discours ; le deuxième sur les formes linguistiques qui
14
construisent les marques de subjectivité dans la langue. Pour le linguiste français en
effet, l’acte énonciatif se fait à partir de la présence effective du locuteur d’une part, de
l’interaction ou du dialogue entre ce dernier et son co-locuteur plus ou moins explicite
dans le texte d’autre part et enfin de la relation évidente de l’élément de référence qui
n’est autre que l’expression du langage à travers sa réalité extradiscursive. On retient
ainsi que pour lui, la mise en discours de la langue s’institue dans la chaîne énonciative
à travers le rapport des pronoms personnels de la première et de la deuxième personne
« je » qui s’adresse à un « tu », d’une source vers sa cible, d’un locuteur vers son
allocutaire, d’un énonciateur vers son co-énonciateur ou d’un auteur vers son lecteur. À
écouter Benveniste B., l’énonciation est donc un discours orienté vers un interlocuteur.

1.1.1.2- La conception de Kerbrat-Orechioni

Kerbrat Orecchioni a consacré un livre à l’énonciation dans lequel elle essaye de


définir et de circonscrire ce concept qui a déjà été abordé par plusieurs auteurs, comme
Benveniste, Maingueneau et bien d’autres. Et pour autant, le sujet de l’énonciation ne
s’épuise pas facilement : « Du point de vue de leur fonctionnement énonciatif et
idéologique, les énoncés sont des poupées-gigognes dont l’exploration jamais ne
s’achève, et qui, de ce fait exercer sur la linguistique contemporaine une sorte de
fascination perverse : la fascination de l’abîme ». (Kerbrat Orecchioni 1980 : 247)

Kerbrat Orecchioni montre à partir de cette citation des exemples concrets, les
vestiges de l’inscription du sujet parlant dans l’énoncé. L’auteur commence par soulever
quelques considérations sémantiques sur le mot « énonciation ». En ce qui concerne la
définition des linguistes, tous s’accordent sur le sens propre qu’il convient d’attribuer à
ce terme. Pour Anscombre et Ducrot (1983), « l’énonciation sera l’activité langagière
exercée par celui qui parle au moment où il parle ». Kerbrat Orechioni (1980 : 32)
s’énonce aussi en disant que l’énonciation, « c’est en principe l’ensemble des
phénomènes observables lorsqu’on se met en branle, lors d’un acte communicationnel
particulier », ou encore : C’est la recherche des procédés linguistiques (shifter,
modalisateurs, termes évaluatifs, etc.) par lesquels le locuteur imprime sa marque à
l’énoncé, s’inscrit dans le message (implicitement ou explicitement) et se situe par
rapport à lui problème de la « distance énonciative ». (Kerbrat, 1980 : 36)

15
Encore à propos des considérations sémantiques sur l’énonciation, elle parlera de
« glissement sémantique », c’est-à-dire d’une déviation de sa valeur originale. Ce «
glissement sémantique », qui est d’ordre métonymique, s’explique par la difficulté
méthodologique d’aborder l’énonciation par la motivation de son signifiant. Or, « -
tion » est un suffixe qui dénote à la fois l’acte et le produit de l’acte.

Elle considère aussi la binarité de l’énonciation : à la fois restreinte et étendue.


L’énonciation étendue a pour but de décrire les relations entre l’énoncé et les divers
éléments du cadre énonciatif (l’émetteur, le destinataire, la situation de communication,
les circonstances spatio-temporelles, le contexte, etc.). L’énonciation restreinte ne
s’intéresse qu’au locuteur et aux « traces linguistiques de la présence du locuteur au
sein de son énoncé, les lieux d’inscription et les modalités d’existence de ce qu’avec
Benveniste nous appellerons “la subjectivité dans le langage” », (Kerbrat Orecchioni,
2009 : 36).

Le travail de Kerbrat sur l’énonciation se présente alors comme un


approfondissement des pistes tracées par Benveniste, mais assimilées à un projet unique
de description linguistique du plan de l’énonciation, conçue comme le lieu d’inscription
de la subjectivité dans le langage. La subjectivité est en effet ici retraduite par la notion
de « subjectivèmes », c’est-à-dire les unités minimales par lesquelles le locuteur ou
scripteur laisse une trace de son énoncé.

En se fondant sur l’idée de Benveniste, Kerbrat-Orecchioni s’occupe aussi des


déictiques qui font partie des marques d’énonciation, tout en accordant une importante
place aux pronoms et aux indicateurs spatio-temporels dans la communication. C'est la
raison pour laquelle elle définit les déictiques comme :

les unités linguistiques dont le fonctionnement sémantico-référentiel [ ... ] implique une


prise en considération de certains des éléments constitutifs de la situation de
communication, à savoir : le rôle que tiennent dans le procès d'énonciation les actants
de l'énonce ; la situation spatio-temporelle du locuteur et éventuellement de l'allocutaire.
[„.] les déictiques sont à considérer [...] comme ce qui rend possible l'activité discursive
elle-même. (Kerbrat, 1980)

Étant donné que les déictiques forment la condition incontournable de production


de l’énonciation, l’idée de Kerbrat laisse entendre de manière implicite qu’il y a

16
énonciation si les déictiques sont mis en place, c’est-à-dire il y a la présence des marques
de locuteur, de récepteur, de l’espace et de temps.

1.1.1.3- La conception de Maingueneau

Selon Maingueneau (2001 : 01), l’énonciation « suppose un énonciateur et un


destinataire, un moment et un lieu particulier. Cet ensemble d’éléments définit la
situation d’énonciation ». L’énonciation est donc selon Maingueneau « une situation
d’énonciation » (idem) où il y a un émetteur et un récepteur qui se trouvent dans une
place, dans le temps à un moment bien déterminé. En effet, la théorie de l’énonciation
de Maingueneau introduit les conditions de production et d'utilisation des messages ainsi
que la relation entre les signes et leurs utilisateurs. Elle permet d’articuler langue,
discours et subjectivité, et même intersubjectivité : la parole de l’énonciateur interagit
non seulement avec l’énonciataire mais avec d’autres voix qu’elle ne peut manquer de
rencontrer et qui le feuillettent énonciativement.

La définition de l’énonciation selon Maingueneau laisse comprendre que


l’énonciation doit être de façon orale et présentielle. Étant donné que le texte littéraire
peut aussi contenir ces éléments de la situation d’énonciation, Maingueneau rectifie sa
position envers la notion d’énonciation en disant :

Certes, la notion de « situation d'énonciation » ne présente pas un visage aussi évident


lorsqu'il s'agit de textes littéraires que lorsqu'on a affaire à des échanges linguistiques
ordinaires (ou les interlocuteurs dialoguent au même endroit), mais l'énonciation
littéraire, en tant précisément qu'elle est une énonciation, n'échappe pas à la règle
commune. Il convient surtout d’être attentif à la manière dont le discours littéraire joue
avec un contrainte que, par définition, il ne peut annuler : la figure de l’« auteur » par
exemple, n’est pas réductible à celle d’un locuteur ordinaire, mais elle ne peut pas non
plus en être totalement dissociée. » (Maingueneau, 1986 :9).

Alors, la problématique de l’énonciation est devenue incontournable dans


l’analyse d’une phrase ou d’un texte dans la mesure où on ne peut plus l’analyser sans
prendre en compte l’événement énonciatif qui le rend possible, dès lors la langue
s’organise à partir des sujets qui la prennent en charge. L’énonciation fait bonne place
dans les grammaires actuelles. Maingueneau approuve largement cette réorientation de
l’enseignement de la langue vers le discours. Une réorientation qui réside dans la
recherche des procédés linguistiques par lesquels le locuteur imprime sa marque à

17
l’énoncé, s’inscrit dans le message (explicitement ou implicitement) et se situe par
rapport à lui.

Dans la définition de l’énonciation, nombre des théoriciens comme Benveniste,


Maingueneau et bien d’autre insistent sur la notion « l’acte individuel d’utilisation de
la langue », qui traduit la personne qui émet l’énoncé ou le message. On voit alors que
l’énonciation est question de délivrer un énoncé, ce qui suppose au moins un acte
individuel du recours à la langue par l’un de ses usagers. Un « je » qui est une instance
d’énonciation est à la source de la fabrication d’énonciation. Le rôle du producteur de
l’énoncé qui contient le message apparaît en effet comme un élément primordial dans
sa constitution. On peut simplement supposer que ce producteur, qu’il s’agisse d’un
énonciateur, d’un locuteur ou encore d’un sujet parlant, laisse son empreinte dans son
produit. Il y a tout de même une certaine manière d’annoncer une information, de
proposer un point de vue, d’avancer un argument, de reprendre plus ou moins à son
compte des paroles ou des pensées d’autrui.

1.1.2- L’énonciation et la subjectivité

Le mot subjectivité vient de l’adjectif « subjectif » qui signifie selon le


dictionnaire Petit Larousse illustré (1980 : 961) : « qui varie avec le jugement, les
sentiments, les habitudes, etc, de chacun : critique subjective ». Dans le cadre de la
philosophie, le terme subjectif renvoie au Caractère de ce qui appartient au sujet seul (à
l’individu ou à plusieurs). État d’une personne qui considère les choses d’une manière
subjective en donnant la primauté à ses états de conscience.

Une définition de la subjectivité en tant que concept général devrait renvoyer


à la notion de sujet, ayant trait à ses jugements et sentiments, se rapportant toujours au
moi, à la conscience individuelle. Sur le plan linguistique, la subjectivité renvoie à
l’attitude de l’énonciateur face à son propre dire, à son propos, repose linguistiquement
sur divers procédés et des différents moyens d’exprimer une relation à des contenus
symboliques, de pensée à transmettre. Les dictionnaires de langue française
mentionnent au moins deux acceptions pour le terme subjectivité, sans l’associer quand

18
même au domaine de la linguistique. L’application du concept de subjectivité au
langage s’est faite en plusieurs temps et à des niveaux différents

1.1.2.1- La notion de subjectivité selon Benveniste

Benveniste E. (1966) définit la subjectivité comme la capacité de l’être humain


de se construire en tant qu’individu. Elle n’est pas donnée, mais construite par le langage
et par l’aptitude du locuteur à se construire comme sujet. Cette aptitude apparaît dans
une propriété fondamentale de la langue : la catégorie de personne. Le « je » et le « tu »
se complètent mutuellement. « Le « je » est à la fois la personne qui parle (qui a un rôle
actif) et la personne de qui il est parlé (qui a donc un rôle passif) ; le « tu » est la
personne qui écoute et peut prendre la parole à son tour (rôle actif) et la personne de
qui il est parlé (rôle passif) » (Cervoni 1989 : 30). Ils sont toujours dans une relation de
transcendance et pas de symétrie. Les pronoms « je » et « tu » ne nous renvoient à aucun
individu. Tout dépendra de l’acte de parole et du contexte. « Chaque je a sa référence
propre, et correspond chaque fois à un être unique, posé comme tel » Benveniste E.
(1966 : 252). À propos des pronoms dits « personnels », Benveniste identifie deux
catégories. La première et deuxième personne constitue la catégorie de personne et la
troisième personne la catégorie de non-personne. Cette dernière fait référence à la réalité
externe.

On doit considérer d’abord la situation des pronoms personnels. Il ne suffit pas de les
distinguer des autres pronoms par une dénomination qui les en sépare. Il faut voir la
définition ordinaire des pronoms personnels comme contenant les trois termes je, tu,
il, y abolir justement la notion de « personne ». Celle-ci est propre seulement à je / tu,
et fait défaut dans il. Cette différence foncière ressortira de l’analyse de je.
(Benveniste 1966 : 251)
Il considère la subjectivité langagière comme une particularité définitoire du
langage, celle même qui permet au locuteur de devenir sujet et d’utiliser la langue c’est
pourquoi il dit : « le langage n’est possible que parce que chaque locuteur se pose
comme sujet, en renvoyant à lui-même comme « je » dans son discours », (Benveniste,
1966 : 260). Pour Benveniste, la subjectivité est omniprésente dans le langage. Elle se
définit comme la capacité du locuteur à se poser comme sujet, constituant en fait une
caractéristique intrinsèque et essentielle du langage, marquée sous diverses formes
dans toutes les langues : « Une langue sans expression de la personne ne se conçoit
19
pas. […] Le langage est marqué si profondément par l’expression de la subjectivité
qu’on se demande si, autrement construit, il pourrait fonctionner et s’appeler
langage » (Benveniste, 1966 : 259). Définie de cette manière, la subjectivité devient
une condition indispensable de l’existence même du langage, car le langage n’est
possible que parce que chaque locuteur se pose comme sujet, en renvoyant à lui-même
comme je dans son discours (Benveniste, 1966 : 260).
Benveniste considère le langage comme lieu de la subjectivité. S’il soutient que
le langage existe grâce à ce sujet qui s’en empare et l’imprègne de sa subjectivité, ce
n’est qu’au niveau du discours, en tant qu’exercice du langage et qu’il faut chercher
les marques linguistiques de la subjectivité. C’est dans le discours qu’on trouve
actualisé ce qui n’est que possibilité en langue. Le langage est la possibilité de la
subjectivité, du fait qu’il contient toujours les formes linguistiques appropriées à son
expression, et le discours provoque l’émergence de la subjectivité, du fait qu’il consiste
en instances discrètes (Benveniste, 1966 : 263). Le langage est dans la nature de
l’homme. Le langage est donc essentiellement subjectif, mais également
communicatif.
La référence renvoie aux éléments linguistiques qui permettent d’identifier
l’expression de la subjectivité dans le langage. La présence du locuteur dans son
énonciation fait que chaque instance de discours constitue un centre de référence interne.
Cette situation va se manifester par un jeu de formes spécifiques dont la fonction est de
mettre le locuteur en relation constante avec son énonciation. Cette description un peu
abstraite s'applique à un phénomène linguistique familier dans l'usage, mais dont
l'analyse théorique commence seulement. C'est d'abord l'émergence des indices de
personne (le rapport je-tu) qui ne se produit que dans et par l’énonciation : le terme « je »
dénotant l'individu qui profère l’énonciation, le terme « tu », l'individu- qui y est présent
comme allocutaire. De même nature et se rapportant à la même structure d'énonciation
sont les indices temporels du type (ce, ici, etc.), termes qui impliquent un geste désignant
l'objet en même temps qu'est prononcée l'instance du terme. Les formes appelées
traditionnellement « pronoms personnels », « démonstratifs » nous apparaissent
maintenant comme une classe d'« individus linguistiques », de formes qui renvoient
toujours et seulement à des « individus », qu'il s'agisse de personnes, de moments, de

20
lieux, par opposition aux termes nominaux qui renvoient toujours et seulement à des
concepts. Or le statut de ces « individus linguistiques » tient au fait qu'ils naissent d'une
énonciation, qu'ils sont produits par cet événement individuel.

L’auteur critique l’universalité et l’homogénéité données aux pronoms, qui


existent dans toutes les langues et se rapportent aux mêmes catégories (pronoms
personnels, démonstratifs, définis, indéfinis, interrogatifs, etc.). Pour lui, les pronoms
sont loin de constituer une classe unitaire, mais des types différents selon de mode de
langage dont ils sont les signes. Quelques-uns appartiennent à la syntaxe de la langue,
d’autres sont dans le domaine des « instances du discours », c’est-à-dire « des actes
discrets et chaque fois uniques par lesquels la langue est actualisée en parole par un
locuteur » (Benveniste, 1966 : 251).

Le « je » et le « tu » se réfèrent à une réalité de discours, que Benveniste appelle


« très singulière ». « Je » par exemple, désigne la personne porteuse de la parole dans la
présente instance de discours contenant « je ». Cette instance ne peut être valable que
dans son unicité. Si on est en face de deux instances successives de discours contenant
« je », énoncées par la même personne, on ne peut pas être certain que l’une d’entre elles
ne soit pas un discours rapporté, une citation ou le produit d’une intégration
conceptuelle. « Il faut donc souligner ce point : « je » ne peut être identifié que par
l’instance de discours qui le contient et par là seulement. Il ne vaut que dans l’instance
où il est produit » (Benveniste, 1966 : 252).

La subjectivité se manifeste aussi à travers les morphèmes indicateurs de deixis,


à travers la deixis, les démonstratifs, les adverbes. La subjectivité atteint également la
catégorie de temps. Pour Benveniste (1966 : 83), la temporalité « est produite en réalité
dans et par l’énonciation ». À partir de cette prémisse, il crée une théorie du temps
linguistique, qui est différent du temps physique et chronique. Le temps de Benveniste
se définit et prend sa place en fonction du discours.

De cette façon, le présent est constitué comme point de référence de la


temporalité du discours, à partir duquel s’organisent le passé et le futur. Il est l’instant
où le « je » transforme la langue en discours, à travers l’énonciation. À propos de la
temporalité, Benveniste affirme :
21
De l’énonciation procède l’instauration de la catégorie du présent, et de la catégorie du
présent naît la catégorie du temps. Le présent est proprement la source du temps. Il est
cette présence au monde que l’acte de l’énonciation rend seul possible, car, qu’on
veuille bien y réfléchir, l’homme ne dispose d’aucun autre moyen de vivre le «
maintenant » et de le faire actuel que de le réaliser par l’insertion du discours dans le
monde. (Benveniste 1966 : 83)

Benveniste observe que les énoncés du type (« je » + verbe au présent de


l’indicatif) ont comme objectif réaliser un fait et pas le décrire. Par exemple, « je promets
» réalise l’action de promettre. Si le « je » est suivi du passé composé, l’objectif changera
: « J’ai promis » ne réalise plus une action, mais décrit une action.

Dans l’énonciation, l’auteur considère successivement l’acte lui-même, les


situations où il a lieu et les instruments de sa réalisation. L’acte individuel à travers
lequel on utilise la langue introduit premièrement le locuteur comme paramètre dans les
conditions essentielles de l’énonciation. « Avant l’énonciation, la langue n’est que la
possibilité de la langue. Après l’énonciation, la langue est effectuée en une instance de
discours, qui émane d’un locuteur, forme sonore qui atteint un auditeur et qui suscite
une autre énonciation en retour » (Benveniste, 1966 : 82).

Il affirme que l’énonciation est responsable de certaines classes de signes, dont


elle a donné existence, parce qu’ils ne pourraient pas exister dans l’usage cognitif de la
langue. Ces entités qui émanent de l’énonciation, n’existent que dans le réseau
d’individus, que l’énonciation crée et par rapport à « l’ici-maintenant » du locuteur. Le
« je », « ici », « maintenant », « demain », « cela » « de la description grammaticale ne
sont que les « noms » métalinguistiques produits dans l’énonciation » (Benveniste, 1966
: 84). Le « je » dépend de qui le prononce, le « demain » dépend du jour où l’énonciateur
parle, etc.

1.1.2.2- La notion de subjectivité chez Kerbrat

Kerbrat Orechioni s’oppose à l’idée de Benveniste en ce qui concerne le


fonctionnement sémantico-référentiel des déictiques qui sont selon lui des standards
marques de la subjectivité de l’émetteur et du récepteur. Kerbrat-Orecchioni se
distinguera de lui en suggérant qu'une description impersonnelle :

peut dévoiler un certain subjectivisme et un récit énoncé par un énonciateur je,


adopte un point de vue universaliste : La subjectivité peut emprunter les voies du 'il'

22
et l'objectivité celles du 'je' [„.] puisque l'on peut concurremment appeler subjective:
(i) l'attitude qui consiste à parler ouvertement de soi; (ii) celle qui consiste à parler
d'autre chose, mais en termes médiatisés par une vision interprétative personnelle.
(Kerbrat-OrecchionI, 1980 :153).
Et bien avant elle a dit :« [„.] on peut fort bien parler de soi en s'abstenant de la surface
textuelle [„.] et parler d'un autre en disant « je ». Kerbrat (1980 :152).

Concernant la subjectivité langagière, il serait inimaginable de l’aborder sans


prendre en compte des « unités linguistiques dont l’observation est à l’origine de la
réflexion énonciative et que l’on appelle “déictiques” ou “shifters” » (Kerbrat 2009 :
39). Les déictiques sont complètement dépendants du contexte et de certains paramètres
constitutifs de la situation d’énonciation, comme :

- Le rôle que tiennent dans le procès d’énonciation les actants de l’énoncé ;

- La situation spatio-temporelle du locuteur et éventuellement, de l’allocutaire.

Nous constatons qu’à travers ce deux citations, il nous apparait une véritable
nuance d’idée de la part de Kerbrat. Pour envisager cette nuance dans l’identification de
la subjectivité dans l’énonciation, Kerbrat découvre et considère d'autres lieux aussi
considérables dans le cadre de la subjectivité dans un énoncé.

Kerbrat ne s’arrête pas sur les déictiques comme marques de la subjectivité dans
le langage ou dans l’énoncé, elle découvre encore d’autres lieux de la subjectivité à
savoir les subjectivèmes affectifs et évaluatifs, la modalisation et les modalisateurs etc.
Ces domaines doivent être perçus, a l'instar des catégories syntaxiques de Benveniste,
comme une tentative d'étendre la problématique de la deixis. C'est que ces éléments
viennent en quelque sorte compléter le premier système d'ordre grammatical, « la
subjectivité déictique » (Kerbrat Orecchioni 1980 :149) en engendrant un second
ensemble d'unités duquel peut émerger une subjectivité émotionnelle.

Kerbrat insiste sur un point dont elle juge essentiel. Pour elle, ce qui varie avec
la situation, c’est le référent déictique et non son sens. D’après l’auteur, les déictiques
ne sont pas des formes vides, qui ne peuvent pas être attachées ni à un objet, ni à un
concept, comme l’a dit Benveniste, au contraire, elle croit que les déictiques sont remplis
de sens. Pour elle, le pronom « je », par exemple, fournit toujours la même information

23
: « la personne à laquelle renvoie le signifiant, c’est le sujet de l’énonciation » (Kerbrat-
Orecchioni, 2009 : 41).

Selon Kerbrat 2009, le sujet utilise trois types de mécanismes référentiels pour
encoder ou décoder un message. Ce sont :

- La référence absolue

- La référence relative au contexte linguistique

- La référence relative à la situation de communication (déictique)

Pour démontrer cette distinction, voici les possibilités de dénomination d’un objet
extralinguistique X. Considérons ce même X, comme une personne :

1) Référence Absolue - « Un garçon grand ». Il suffit de prendre en considération cet


objet X, sans rapport d’aucune information annexe.

2) Référence contextuelle - « le père de Louise ». Le locuteur envisage en plus de X lui-


même, une personne Y, prise comme élément de référence.

3) Référence déictique « je, tu, il ». Le choix de l’unité signifiante et l’interprétation


référentielle dépendent du rôle de X dans le processus d’allocution.

Sur les expressions contextuelles, deux cas sont à distinguer : les termes
relationnels et les représentants. Dans le premier cas, X et Y ont une relation étroite,
mais n’ont pas le même contenu référentiel. Par exemple, dans « le père de Louise »,
père est un terme relationnel car il possède un sens propre et un référent autonome
pourtant ce mot ne peut être déterminé que par rapport à « Louise ». Alors que les
représentants sont les anaphores, c’est-à-dire des expressions qui reçoivent leur
signification d’autres termes contenus dans le même texte. Les relationnels sont
indépendants concernant leurs sens et ont un dénoté différent de Y, alors que les
représentants empruntent leur contenu sémantique à son antécédent. Exemple
anaphorique : « J’ai vu la directrice. Elle m’a parlé de toi ».

Concernant les pronoms personnels (et aussi les possessifs), Kerbrat Orecchioni
atteste qu’ils sont les déictiques les plus évidents et les mieux connus. Elle classe le « je

24
» et le « tu » comme des purs déictiques et le « il » et « elle » comme des éléments qui
se présentent à la fois comme déictiques et représentants (car ils exigent un antécédent
linguistique). Elle relève le problème des pronoms personnels pluriels. Il est dangereux
de considérer le « nous » comme un « je » pluriel car c’est seulement dans des situations
très marginales comme la récitation ou la rédaction collectives qu’il aura cette définition.
Voyons comme l’auteur a défini le contenu du « nous »

Nous = je + non -je, Je + tu (singulier ou pluriel) : « nous inclusif » Je + il(s) : « nous


exclusif » Je + tu + il (s)

La même réflexion a été faite pour le pronom « vous » :

Vous = tu + non-je Tu pluriel : déictique pur Tu + il(s) = déictique + cotextuel. (Kerbrat-


Orecchioni 2009 : 46).

Dans cette tentative de repérer et de décrire les lieux d'ancrage du sujet


d'énonciation, Kerbrat-Orecchioni (1980 : 156) conclut non seulement que « toutes les
phrases sont en un sens marquées subjectivement », mais que la marque de l'énonciateur
s'inscrit « selon des modes et des degrés divers » Kerbrat (1980 : 157). Pour aller dans
le même ordre d’idée que Kerbrat-Orecchioni, nous dirons que la subjectivité est
susceptible de se manifester par de nombreux procèdes qui impliquent tous le sujet
énonciateur à des degrés divers. Dans la mesure où les indicateurs de la deixis (pronoms,
marques spatio-temporelles, adverbes de temps et de lieu) sont disposés à préciser les
protagonistes ainsi que le cadre spatio-temporel de l'énonciation, ils doivent être perçus
comme les lieux les plus prononcés et les plus exploités de la manifestation textuelle de
la subjectivité.

Pour identifier la subjectivité dans un énoncé ou discours, Kerbrat-Orecchioni,


préfère passer par « les subjectivèmes » ; terme qui définit les unités linguistiques dites
subjectives. Il s’agit d’une catégorie assez hétérogène, vu qu’elle inclut des éléments
aussi divers que les déictiques, les adjectifs et substantifs axiologiques (c’est-à-dire
portant le trait affectif et évaluatif), les verbes modaux et semi-modaux. Elle
approfondie son analyse sur les subjectivèmes en les typifiant : subjectivèmes déictiques

25
et subjectivèmes affectifs et évaluatifs. On a affaire là encore à des marques, des indices
ou alors des éléments linguistiques qui renvoient dans chaque classe des subjectivèmes.

En conclusion sur les déictiques, Kerbrat (2009 : 62) affirme :

parler c’est signifier, mais c’est en même temps référer : c’est fournir des informations
spécifiques à propos d’objets spécifiques du monde extralinguistique, lesquels ne
peuvent être identifiés que par rapport à certains points de référence à l’intérieur d’un
certain système de repérage.

Ce « système de repérage » n’est pas le seul que les langues puissent utiliser,
mais il est sans doute, le plus important.

1.1.3- Le lien entre l’énonciation et la subjectivité

Toute énonciation implique une certaine attitude de l'énonciateur par rapport à


son propre énoncé. On appelle marques de la subjectivité toutes les traces que laisse
celui qui parle dans son énoncé. Parmi les indices d'énonciation, on appelle
modalisations les éléments qui expriment une appréciation portée sur le contenu de
l'énoncé (véracité : L’énonciateur prend plus ou moins en charge les propos qu'il tient,
se porte plus ou moins garant de leur validité : vrai / faux. Certitude : L'énonciateur situe
son attitude par rapport à la réalisation d'un événement, il situe son dire par rapport au
certain, au possible, au vraisemblable, à la véracité de l'énoncé) ou sur l'objet dont on
parle (évaluation : L'énonciateur porte des jugements de valeur : bien/ mal ; bon /
mauvais... Vocabulaire évaluatif, sentiment).

Le sujet qui assume la communication laisse dans ses énoncés des marques
susceptibles de montrer sa subjectivé. Cela arrive qu’il le veuille ou non, de façon
volontaire ou involontaire. Quoi qu’il en soit, ces marques peuvent amener un
interlocuteur avisé à découvrir des pistes qui le mèneront vers la subjectivité du sujet
parlant. Ce sujet sera toujours vu comme quelqu’un qui réalise des mises en scène
(Charaudeau, 1983, 1992, 2008), en tant qu’acteur dans un monde régi par différents
discours.

Benveniste (1966 : 259) postule que la subjectivité est la capacité du locuteur à


se poser comme sujet. Être sujet, selon lui, c’est avoir la possibilité de dire « je ». Par
cette affirmation de fait, la subjectivité se révèle être un phénomène qui dépend

26
exclusivement du langage. C’est dans et par le langage que l’homme se constitue comme
sujet.

Benveniste (1966 : 77) considère l'énonciation comme : « la mise en


fonctionnement de la langue par un acte individuel ». De plus ajoute Maingueneau que
cet acte énonciatif est un événement unique produit dans des circonstances particuliers
« L’acte d’énonciation est un événement unique, réalisé dans des circonstances unique
», (Maingueneau D., 1993 :55). Donc l’énonciation est un acte de langage par lequel un
locuteur (celui qui parle) adresse un énoncé à un destinataire régit de la subjectivité.

On comprend avec Day Claudine (2008) que : « (...), le discours est conçu comme
la langue en tant qu'assumée par l'homme qui parle, et dans la condition
d'intersubjectivité qui seule rend possible la communication linguistique ».
L’énonciation et la subjectivité vont de pair du fait qu’on ne peut pas poser un acte
énonciatif sans manifester sa subjectivité. La mise en fonctionnement de la langue
renvoie déjà à la subjectivité du sujet parlant. Donc l’énonciation et la subjectivité sont
inséparables.

1.2- Le discours

La notion de discours a longtemps circulé sous quelques acceptions couramment


acceptées l’avènement de l’intérêt de la linguistique pour le procès communicationnel
et pour sa matérialisation a fait jaillir bon nombre de définitions du discours, plus ou
moins différentes, en fonction des orientations théoriques et des buts de l’analyse. Or,
pour aboutir à l’analyse de discours ou d’un texte quelconque, il fallait définir son objet
d’étude, le discours. Mais il semble qu’il n’y ait pas de mot plus polysémique dans le
champ de la linguistique. Cette polysémie des termes oblige à une définition claire de la
part de chaque chercheur ou équipe. Selon les acceptions différentes du terme dans les
études théoriques, le discours est défini soit d’une manière autonome (Coseriu, Vignaux,
1981 : 56) soit en relation avec d’autres notions telles que langue, texte ou récit ou texte
et contexte.

27
1.2.1- Le discours : un terme polysémique
1.2.1.1- Selon Benveniste

Benveniste E. (1966 : 130) définit la notion de discours dans un sens large,


comme « la manifestation de la langue dans la communication vivante » ou ailleurs
comme « toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur, et chez le premier
l’intention d’influencer l’autre en quelque manière ».

Le discours, est donc selon cet auteur, cette manifestation de l’énonciation chaque
fois que quelqu’un parle. Cette définition de Benveniste E. semble entretenir un lien
avec celle que Adam J–M., (1989) énonce : « (…) un discours est un énoncé
caractérisable certes par les propriétés textuelles mais surtout comme un acte de
discours accompli dans une situation (participants, institutions, lieu, temps) ».
Benveniste E. considère le discours comme le mode de fonctionnement de l’énonciation
définie comme : l’acte individuel par lequel un locuteur met en fonctionnement le
système de la langue ; (la conversion de la langue en discours.).

Coseriu E., (1981), avance l’idée que le langage est une activité qui s’exerce à
trois niveaux : universel, historique et individuel auxquels on peut assigner des formes
de compétence : compétence élocutoire, linguistique et, respectivement, d’expression.
Si la compétence élocutoire est présupposée comme innée et développée par les
interactions verbales, les deux autres représentent des acquis. On s’accorde à l’heure
actuelle à dire que le rapport entre le discours et le texte recouvre celui entre l’acte et le
produit. Coseriu E. (1981 :132) définit le discours comme « un niveau autonome du
langage, en- deçà de toutes les différenciations en langue », le texte n’étant qu’un simple
vecteur matériel, tout comme le tableau ou la statue ne sont que le vecteur d’un acte
artistique créateur, (Coseriu E., 1981 : 114). Le meilleur exemple que le discours, dans
cette acception, dépasse les cadres d’une langue ce sont les textes truffés de phrases ou
d’expressions en langue étrangère ou la possibilité de paraphrase interlangue.

1.2.1.2- Selon Sarfati

Selon Sarfati G. E. (SARFATI, 2005 :16), le discours est un « objet de


connaissance de l’analyse du discours, désigne l’ensemble des textes considérés en
relation avec leurs conditions historiques (sociales, idéologiques) de production.

28
Ainsi : le discours féministe, le discours syndical, etc. Un discours inclut les genres à
partir desquels des textes sont produits ».
Au sens propre, le discours selon Sarfati est une condition obligatoire qui
régissent la production d’un ensemble illimité d’énoncés à partir d’une certaine
position sociale ou idéologique (par exemple, le « discours féministe »). Cette
acception est caractéristique de celle qu’admet l’Ecole française d’analyse du discours.
Discours est donc la suite de phrases rapportées à ses conditions de production, se
définit par opposition à « énoncé », qui exclut de telles conditions. Il se conçoit comme
un énoncé considéré du point de vue du mécanisme discursif. L'étude linguistique des
conditions de production en fait un discours. Cette acception est la plus courante en
analyse du discours.
Sarfati définit le discours selon son rôle dans l’analyse de discours en disant :
« de manière spécifique, le mot discours désigne la conversation. Cette acception
concerne de manière générale l’analyse conversationnelle, ainsi qu’une théorie du
langage en prise directe sur la microsociologie. » Sarfati, (2005 :14). Le discours est
considéré ici comme un objet de la théorie de l’analyse du discours ; aussi, montre la
position de sa prise en compte, c’est-à-dire le discours se distingue de l’hétérogénéité
de sa composition du point de vue de son interprétation et du sens qui s’en dégage.
Selon Sarfati, le discours n’est donc qu’un objet d’analyse.

1.2.1.3- Selon Maingueneau

Maingueneau D. définit le discours en faisant sa comparaison avec le récit :

Appartiennent au discours les énoncés oraux ou écrits référés à l’instance


d’énonciation, c’est-à-dire comportant des embrayeurs. Appartiennent en
revanche au récit les énoncés, presque toujours écrits, qui ne contiennent
aucune référence à l’instance d’énonciation, sont dépourvus d’embrayeurs
(je, tu, le présent, etc.): ils ne sont donc compatibles qu’avec la non-
personne». (Maingueneau D., 1981 : 51)

Ici, le discours apparait comme un texte ou énoncé constitué des embrayeurs et


de temps présent. L’absence de ces éléments dans un texte signifie que le texte est non
discours.

29
Une autre différence essentielle entre les deux serait, selon Maingueneau D. (1981 :
51) la prise en charge de l’énoncé par l’énonciateur à travers la modalisation ou alors à
travers le pronom personnel de la première personne du singulier « je » :

le discours et le récit ne s’opposent pas seulement par la présence et


l’absence d’embrayeurs mais aussi par la modalisation, la manière dont le
sujet prend en charge son énoncé : le je présent dans le discours c’est le je
qui prend en charge l’énoncé ; ce type d’énonciation se caractérisera donc
par l’abondance des traces de cette prise en charge (modalités affectives,
exclamations, etc.). (idem).

Autrement dit, il y a discours que quand le sujet énonciateur ou le sujet parlant


assume ses propos. C’est toujours Maingueneau D. qui affirme plus tard que « le
discours c’est un énoncé ou un ensemble d’énoncés en situation de communication. »
(Maingueneau D., 1990 : 101)

Selon Maingueneau D., le discours, qui suppose une organisation


transphrastique, est orienté : il est lié à la visée du locuteur et, en tant que forme d’action,
il se développe dans le temps. Il est interactif et contextualisé, tout en contribuant à
définir son contexte qui peut se modifier en cours d’énonciation. Il est régi par des
normes, et enfin il est pris dans un interdiscours en relation avec son actualisation dans
des actes et des situations de communication spécifiques. L’étude du discours est
indissociable de l’analyse des facteurs suivants : l’énonciateur, son énonciataire
(destinataire ou allocutaire), l’espace et le temps de la communication, l’intention
communicative de l’énonciateur, le thème du discours et un savoir commun partagé par
l’énonciateur et son destinataire, se rapportant aux données référentielles, culturelles,
etc.

1.2.1.4- Selon Vignaux

Pour Vignaux G. le discours est « l’opération globale d’un sujet construisant


une représentation » ou un « ensemble de stratégies d’un sujet dont le produit sera une
construction caractérisée par des acteurs, des objets, des propriétés, des événements »,
Vignaux (1976 :232). Le discours est donc « plus et autre chose que la juxtaposition
d’énoncés successifs » (Vignaux, G., 1988). Le noyau dur de la relation entre le discours
et le texte est le sens, qui correspond selon Coseriu E. au niveau textuel et discursif.
Aussi bien dans la construction du sens que dans l’interprétation, les ouvrages qui

30
prennent en discussion le problème soulignent le caractère volontaire et dynamique qui
instaure la « dimension herméneutique du sens. » Vlad C. (2000 :45-46).

Vigneaux soutient aussi que le discours est caractérisé par des séquences. La
notion des séquences comme articulations de discours est avancée par Vignaux qui
caractérise le discours comme « un tout décomposable en unités qui ont des rapports
d’intégration à l’ensemble pour en assurer la cohérence, mais qui sont aussi isolables
comme blocs de signification successivement alignés » Vigneaux (1976 :176),
correspondant chacune à des situations narratives, à des moments de l’argumentation ou
à des actes descriptifs. Comme le dit Adam, (1990) et reprise par Bronckart, (1996),
l’approche de Vigneaux consiste à désigner des modes de planification du contenu
thématique du texte qui se déploient à l’intérieur du plan général du texte. Ainsi la notion
de séquence est en relation dialectique avec la planification du discours. Elles
s’impliquent réciproquement : un plan orienté vers une certaine finalité suppose la
décomposition du problème en parties. Ainsi Bronckart, (1996) établit une distinction
entre « séquence monogérée », gérée consciemment par un locuteur et « séquence
polygérée » dans l’échange conversationnel. L’approche de la construction séquentielle
du discours aide à expliquer la dynamique de l’élaboration du sens et la possibilité du
choix pour maintenir une certaine direction argumentative.

On a vu que le concept de discours reçoit les définitions les plus diverses.


Toutefois, parmi ces différentes acceptions, on peut trouver aussi des points communs.
Ces auteurs mentionnés admettent tous, d’une manière ou d’une autre, que la production
/ réception d’un discours (écrit ou oral) a besoin de trois instances coparticipantes à la
construction de la signification : le sujet producteur, le sujet interlocuteur et un «
message » qui change en quelque sorte l’état initial de son destinataire.

De toutes ces différentes définitions des auteurs, nous dirons que le discours que
nous faisons mention c'est lorsque l'auteur, ou l'instance d'énonciation (le narrateur ou
locuteur), se font sentir : lorsqu'on perçoit ses intentions, ses parties prises. À chaque
fois que le récit propose un sens autre en plus du sens narratif, cela relève du discours,
par exemple le discours le conflit, de discours féministe.

31
1.2.2- La disparité entre certaines notions de discours

Ici il s’agit de faire la différence entre les notions de la linguistique énonciatives


comme texte/discours, phrase/discours, énoncé/phrase, énoncé/discours.
1.2.2.1- La disparité entre texte et discours

La dissemblance entre les notions de discours et texte semble complexe. D'après


Charaudeau (1988 : 69), le texte est :
un objet qui représente la matérialisation de la mise en scène de l'autre langage. Il est
un résultat toujours singulier d'un processus qui dépend d'un sujet parlant particulier et
de circonstances de production particulières. Chaque texte se trouve donc traversé par
plusieurs discours qui s'attachent, chacun, à des genres ou à des situations différentes.
Par exemple, le genre politique peut-être traversé par un discours didactique ou par un
discours humoristique.

À comprendre le raisonnement de Charaudeau, la confusion entre discours et genres


est ici évidente. Et le texte apparait comme un matériel de construction ou
d’actualisation du discours ou genre. Pour être plus claire, selon lui, le texte est
« l’objet » du discours. Il apparait comme le socle, ou le point de départ du discours.
Quoi qu'il en soit, l'opposition discours et texte reste aujourd'hui souvent affirmée
par certains auteurs comme Adam, J-M. (1990) :
nous admettrons, avec les tenants de l'école française d'analyse du discours qu'un
discours est une production linguistique formant avec ses conditions de production
socioidéologiques un tout accessible à la description. Nous admettrons en outre à la
suite des théoriciens de la linguistique textuelle qu'il convient de distinguer le discours
(entendu avec l'acception précédente) du texte (objet empirique et tout à la fois objet
de la réception).

Le discours apparait ici comme un produit social et idéologique. La différence


entre le discours et le texte selon Adam est faite donc à travers leurs acceptions. Le
discours est considéré comme un produit social et idéologique, alors que le texte est
considéré comme objet de la réception.
La distinction entre le discours et texte est, d'ailleurs reprise par Greimas et
Courtes (1979 : 389) :
Considéré en tant qu'énoncé, le texte s'oppose au discours, d'après la substance de
l'expression - graphique ou phonique - utilisée pour la manifestation du procès
linguistique. Le texte serait alors un énoncé qui peut s'actualiser en discours. Autrement
dit, le texte pourrait être considéré comme un produit, une substance (du côté de la
langue) et non comme un processus.

32
On comprend avec Greimas et Courtes que le texte se diffère du discours par sa
forme graphique. C’est son actualisation qui renvoie au discours. Le texte pourrait
alors préexister à l'énonciation qui va le transformer en discours, alors même qu'il se
trouve défini comme expression et produit de la langue. Par conséquent, le discours
implique un acte langagier d’où émergent un texte, un contexte et une intention. Le
discours est donc une entité complexe ayant une dimension linguistique (en tant que
texte), une dimension sociologique (en tant que production en contexte), et une
dimension communicationnelle (en tant qu’interaction finalisée).

1.2.2.2- La disparité entre phrase et discours

La phrase apparaît comme une entité théorique, un ensemble d’unités combinées


selon les règles de la syntaxe, prises hors de toute situation de discours ; ce que produit
le locuteur, ce qu’entend un auditeur ce n’est pas une phrase, mais un énoncé particulier
d’une phrase (Ducrot O., 1980). Harris, dans une procédure appelée « analyse du
discours », étendra le domaine de la linguistique à l’au-delà de la phrase ; mais
l’analyse reste purement formelle : en vertu du principe de l’immanence, les règles de
la langue sont étudiées sans référence au sens, au locuteur ou à la situation. Il s’agit
tout simplement de relever l’interdépendance syntagmatique des unités à partir d’un
corpus considéré comme représentatif de la langue. Cette approche sera développée
dans une autre direction par Chomsky qui, se démarquant de Saussure (1966), va
affirmer la suprématie de la syntaxe. La langue n’est plus conçue comme un système
de signes mais comme un ensemble de phrases.
Barthes R., dans sa « théorie du texte », distingue entre phrase et discours pour
marquer le processus de construction discursive qui, en partant des unités de dimension
inférieure à la phrase, (les mots) arrive à élaborer un ensemble, dont le nombre des
mots est plus élevé par rapport à une phrase. Il annonce donc que : « Tout ce qui au-
delà de la phrase appartient au discours. »

1.2.2.3- La disparité entre énoncé et phrase

Ducrot O. opère une distinction entre phrase, énoncé et énonciation en disant :


J’entendrai par phrase …une entité linguistique abstraite, purement théorique, en
l’occurrence un ensemble de mots combinés selon des règles de la syntaxe, ensemble
pris hors de toute situation de discours ; ce que produit le locuteur, ce qu’entend un

33
auditeur, ce n’est donc pas une phrase mais un énoncé particulier d’une phrase.
(Ducrot, O. 1980 :7).

L’énoncé est le produit d’une énonciation, qui est un acte plus abstrait. L’énoncé
peut être constitué d’une ou plusieurs phrases et il est la phrase au-delà de sa forme
phonétique et morphologique, puisque la phrase seule, restreinte à sa structure ne nous
donne pas un énoncé. À ce propos, Ducrot (1984 :95)) dit :

La phrase considérée comme un être linguistique abstrait, et l’énoncé qui est


l’occurrence particulière, la réalisation hic et nunc de la phrase. En outre il faut
distinguer l’énoncé, qui est l’objet produit par le locuteur ayant choisi d’employer une
phrase, et l’énonciation, entendue comme l’action qui consiste à produire un énoncé,
c’est-à-dire à donner à une phrase une réalisation concrète.

Plus loin dans le cadre de la polyphonie, Ducrot insiste à nouveau sur la


distinction rigoureuse entre énoncé et phrase :

Ce que j’appelle « phrase », c’est un objet théorique, entendant par là qu’il n’appartient
pas, pour le linguiste, au domaine de l’observable, mais constitue une invention de
cette science particulière qu’est la grammaire. Ce que le linguiste peut prendre pour
observable, c’est l’énoncé, considéré comme la manifestation particulière, comme
l’occurrence hic et nunc d’une phrase. Supposons que deux personnes différentes
disent « il fait beau » ou qu’une même personne le dise à deux moments différents :
on se trouve en présence de deux énoncés différents, de deux observables différents.
(Ducrot O., 1984 : 174)
Selon Ducrot, la phrase est un être linguistique qui n’est pas concret ; il est
naturellement théorique. Par contre, l’énoncé renvoie à une réalisation sonore, une
réalisation déjà manifestée.

De cette façon, le processus d’interprétation d’un énoncé serait composé de deux


étapes successives : la première va de la phrase à la signification et la seconde de la
signification au sens. C’est seulement la seconde étape qui prendrait en compte les
circonstances de la parole, c’est-à-dire, le contexte.

L’énoncé n’est pas du même domaine que la phrase, qui est une unité analysée, abstraite,
au moyen de laquelle le linguiste rend compte des relations distributionnelles. Les
énoncés sont comme dit Lyons J. (1970) des « échantillons de parole ».

34
1.2.2.4- La disparité entre énoncé et discours

D’après Benveniste (1966 : 242), le discours est défini comme « toute


énonciation supposant un locuteur et un auditeur et chez le premier l’intention
d’influencer l’autre en quelque manière ». D’après le père de la linguistique
énonciative, le discours est considéré comme une énonciation. Pour lui, il y a discours
s’il y a la présence de deux personnes à savoir le locuteur et l’auditeur et en plus s’il y
a encore l’influence de locuteur sur l’auditeur. Cette opinion ressemble à celle de
Jaubert, A. (1990 : 22) :« c’est du langage en situation ».
Selon Widdowson (1984 : 10), le discours est « l’utilisation d’énoncés en
combinaison pour l’accomplissement d’actes sociaux ». Ici, Widdowson pense que la
combinaison de plusieurs énoncés renvoie à un discours. C’est dire qu’un énoncé ne
peut jamais être considéré pour un discours et un discours n’est pas un énoncé. Mais
plutôt, un discours renvoie à plusieurs énoncés ayant un but social. Compte tenu des
déterminations sociales que met en œuvre le discours, Guespin L, (1971) considère
l’énoncé comme : «la suite de phrases émises entre deux blancs sémantiques, entre
deux arrêts de la communication, le discours c’est l’énoncé considéré du point de vue
du mécanisme discursif qui le conditionne. (Cité par Robin R. 1973 :21). Guespin
rattache l’énoncé aux phrases qui sont émises qui portes un sens ou alors
sémantiquement reconnu. Le discours est compris ici comme la manifestation
discursive de l’énoncé. Pour bien comprendre l’idée de GUESPIN, nous présentons le
schéma bien connu présenté par Maingueneau (1976 : 12) et qui entre dans la même
logique :
ÉNONCÉ + situation de communication = DISCOURS
Dans l'Analyse du discours, le discours est en partie liée avec l'énonciation et le
texte avec l'énoncé, si bien que le texte peut se définir comme du discours
décontextualisé, le travail du linguiste consistant alors à remonter du texte vers le
discours, et ultimement à ses conditions de production en s'appuyant notamment sur
les prétendues marques de l'énonciation, que l'on croit localisables.

35
1.2.3- Les caractéristiques et les fonctions du discours

Étant donné que le discours fait l’objet de l’analyse, nous constatons qu’il est
aussi un objet régi des caractéristiques et des fonctions.

1.2.3.1- Les caractéristique du discours

Selon SARFATI, trois critères caractérisent un discours à savoir :

sa situation sociologique relativement à un groupe social (positionnement), la qualité


de son support médiatique (inscription), enfin, le régime des relations qui règlent les
rapports que les textes qui en procèdent entretiennent entre eux ou avec d’autres textes
d’un autre type de discours ( intertextualité). (Sarfati, 2005 :16).

Le discours considéré comme l’objet d’analyse par Sarfati, se caractérise par trois
critères à savoir : d’abord sa situation sociologique qui considère le discours comme un
fait social renvoyant à un groupe spécifique ; ensuite la qualité de son support qui n’est
d’autre que le texte ou l’oralité ; enfin son intertextualité, c’est-à-dire sa spécificité dans
le texte. Ici, on le repère facilement dans d’autres textes. Il s’agit de considérer ici que
chaque discours est autonome et ne pourrait être homogène dans d’autre texte ou
discours.

Adam J.–M. (1990 : 10) considère à juste titre qu’« un discours réel se
caractérise par sa dominante (argumentative, par exemple) et par le mélange de
séquences de types différents (pas de narration sans description, une argumentation
recourt souvent au récit, à l’explication et à la description, etc.). ». Pour ADAM, le
discours est caractérisé par son architecture, c’est-à-dire organisé de façon
argumentative et séquentielle.

Dans la vision de Jaubert A., (1990 : 9), le discours se caractérise par la présence
des actants de la communication (présence plus ou moins accentuée), « où ”je” et ”vous
/tu” construisent dans leur relation réciproque le cadre figuratif de l’énonciation. ». Ce
qui intéresse au premier le chef l’analyse du discours est, d’« avoir la parole ou de ne
pas l’avoir, ou plus exactement, dans le discours, signifier ou non qu’on l’a » (idem).

Le discours se caractérise par la prise de parole par un locuteur, s’adressant à un


interlocuteur. On peut donc ajouter que le discours suppose l’usage de la subjectivité

36
langagière, son degré de présence, les configurations syntaxiques, en bref, le mode
d’énonciation.

1.2.3.2- Les fonctions du discours

Sandina-Iulia Vasile (2005 :68) soutient que :

les fonctions assignées au discours découlent de la représentation complexe de la


notion : Intention+Action+effet sur l’autre. Des fonctions spécifiques peuvent être
assignées au discours selon la composante conceptuelle prise en considération.
L’intentionnalité mise en relation avec l’effet nous renvoient aux fonctions du
message établi par Jakobson, mais aussi à des critères plus pragmatiques tels que :
fonction informative, argumentative, explicative, persuasive. Les frontières ne sont
donc pas rigides, de sorte qu’un texte relevant du discours descriptif a clairement une
fonction référentielle du point de vue de la théorie de Jakobson ou une fonction
informative du point de vue de la théorie de l’argumentation, qui oppose informativité
à argumentativité.

Toujours est-il qu’une autre intention peut régir une schématisation différente de
la même information de base, afin de faire correspondre le texte ou la séquence à une
fonction argumentative ou persuasive. C’est donc par et à travers le discours que
l’homme organise ses représentations et donne corps à la parole, c’est aussi par le
discours qu’on manifeste ses attitudes vis-à-vis de ce qu’on perçoit (ou de ce qu’on
imagine) ou du destinataire.

De tout ce que nous venons d’énoncer on peut déduire l’importance du discours


en tant qu’action individuelle mais aussi sociale, relationnelle. Cela entraîne l’analyse
du discours à chercher à mettre en lumière la manière dans laquelle se réalisent les
fonctions du discours en général et la fonction de diverses manifestations du discours en
particulier.

1.2.4- Le discours conflictuel


1.2.4.1- La définition de terme « conflit »

D’après Naprous Ida (2011 : 3), le mot conflit vient : « du latin « conflictus » =
choc : lutte, combat, guerre, terrorisme… qui infligent des pertes aux deux
adversaires. [C’est la] rencontre de sentiments ou de besoins, d’intérêts opposés :
querelles, désaccords, lutte de pouvoir…si cette opposition d’intérêt non traitée,

37
conflit ouvert ». Au sens commun, le conflit est défini par Petit Robert
comme :« Rencontre d’éléments, de sentiments contraires ou qui s’opposent ».
En sociologie, la question des conflits a fait l’objet d’un éliminativisme de
principe pendant quarante ou cinquante ans. Selon la définition de March J., Simon H.,
(1958) qui reste la plus simple et la plus communément admise, « il y a conflit
lorsqu’une décision ne peut être prise par les procédures habituelles ». Thomas K.
(1976 :889-935) considère deux types de conflits : le conflit intra individuel qui
correspond à la tendance d’un individu à fournir des réponses incompatibles entre elles,
et le conflit “dyadique”, entre deux entités (deux groupes, deux personnes...), qui selon
l’auteur doit être vu comme un processus qui englobe la perception, les émotions,
l’humeur des deux parties. Le conflit se déclenche lorsqu’une des deux entités perçoit
un état de frustration chez l’autre ou si elle se sent elle-même en état de frustration vis-
à-vis de l’autre entité. Coombs C., Avrunin G., (1988) élaborent un formalisme pour les
conflits, et insistent sur le fait qu’un conflit intra ou inter-individuel se caractérise par
une opposition entre deux réponses comportementales. Putnam L., (1987 :549-599)
donne une définition assez large qui embrasse les caractéristiques générales des conflits
: « un conflit correspond à l’interaction de personnes interdépendantes qui perçoivent
des oppositions de buts... et qui voient l’autre partie comme interférant dans la
réalisation de leurs buts ». Dans le même esprit, pour Castelfranchi C., (2000), la notion
de conflit présuppose l’existence de deux buts au moins.
Le conflit serait alors comme l’a dit Seydou Kamissoko, (2008 :4), le fruit des
inégalités sociales et le rapport de force ». Il affirme :
Dans cette « dynamique » de la société, tout le monde n’est pas sur le même pied.
Les objectifs ou les intérêts de certains groupes sociaux sont privilégiés au détriment
de ceux d’autres groupes qui sont plus ou moins marginalisés ou même exclus à
cause soit de leur nouveauté de résidence, de leurs moyens économiques, de leur
appartenance à une ethnie ou leur degré d’instruction etc. (Seydou Kamissoko,
2008 :4).

Dans le domaine de la psychologie cognitive, la notion de conflit a été étudiée


par Festinger L., (1957) dans sa théorie de la dissonance cognitive. D’après lui, un
individu se trouve dans un état de dissonance cognitive lorsqu’il est dans des situations
non cohérentes, comme par exemple réagir contrairement à son point de vue (paradigme
de la soumission forcée), tenir des propos racistes au sein d’un groupe, en n’étant pas

38
xénophobe, ou encore être dans une situation contraire à ses attentes (attente non
confirmée). L’auteur postule qu’un individu cherche toujours à être cohérent (état
d’harmonie) dans son interaction avec son environnement et opinions.
Selon Naprous I., (2011 :4), il existe quatre (04) types de conflit à savoir :
- Le conflit déclaré qui est mis à jour par les protagonistes qui le souhaitent même
parfois clairement par intérêt.
- Le conflit latent ou larvé qui est un conflit « étouffé » (peur du regard des autres, peur
du conflit déclaré, peur de ne pas être à la hauteur…). Traductions : non-dits pesants,
stress, retards, absentéisme, non-qualité du travail…
- Le conflit refoulé qui renvoie à un ancien conflit sans solution acceptable pour l’un
ou l’autre et qui risque donc de devenir un conflit déclaré.
- Le malentendu qui est une incompréhension, interprétation erronée de l’action de son
interlocuteur à travers ses propres craintes : expression de sa vulnérabilité. Ne pas
connaître le point de vue de l’autre nous permet d’attribuer des significations négatives
à son comportement.
On peut comprendre alors que le mot conflit a plusieurs définitions. Nous retiendrons
qu’il faut seulement s’assurer de l’existence des notions clés sans lesquels toute
définition peut s’avérer incomplète. Ces notions sont entre autres :
-Une divergence de points de vue, d’idées, de position etc.
- Le conflit se passe entre deux entités aux points de vue divergents
-Le conflit a un objet (il se passe autour de quelque chose)
- Le conflit à une dimension spatio-temporelle (il se passe en en lieu et dans un temps
donné). (Seydou Kamissoko, 2008 :3)
Nous pouvons donc dire qu’un conflit survient entre deux entités (individus,
groupes, organisations, classes sociales, nations, etc.) à cause d’un objet précis lorsque
les buts, les actions ou les comportements de l’une sont incompatibles avec ceux de
l’autre à un moment précis et dans un lieu précis.

39
1.2.4.2- La notion du discours de conflit

D’après Seydou Kamissoko, (2008 :3) :

Une société sans conflit n’existe pas… et n’existera jamais. En effet, aucune société
n’est un ensemble homogène, uniforme ou définitif. A partir du moment où deux ou
plusieurs entités cohabitent, elles peuvent avoir des points de vue divergents ce qui
est déjà un premier pas vers le conflit qui peut avoir plusieurs dimensions variant de
simples échanges verbaux à la violence physique.

À travers cet extrait, il est clair que toute société est constituée de groupes sociaux
dont les valeurs, les intérêts et les objectifs ne coïncident généralement pas les uns avec
les autres. De ces faits, le conflit a une dimension socioculturelle, économique et
linguistique. La dimension linguistique fait apparaître le discours qui véhicule le conflit.
C’est cette dimension qui actualise le conflit proprement dit. Nous confirmons avec
Faouzia Bendjelid qui dit que « le discours peut en effet médiatiser l’action ou la
réaliser […], la préfigurer […] ou la reconfigurer […], [ou encore] en construire des
représentations. », en même temps qu’il peut « accompagner l’action, la commenter,
voire même s’en autonomiser à des degrés divers. » [En ligne], 14-15 | 2001, mis en
ligne le 31 janvier 2012, consulté le 04 janvier 2020. URL :
http://insaniyat.revues.org/9650;DOI:10.4000/insaniyat.9650.

Le discours du conflit renvoie donc aux énoncés ou alors à toute manifestation


qui exprime le conflit. Dans ce travail, nous considérons tout énoncé exprimant le
conflit comme un discours conflictuel. Il semble intéressant dans le contexte social
actuel d’en cerner les contours linguistiques et sociolinguistiques. Qu’il soit
interpersonnel, institutionnel ou familial, le discours de conflit parce qu’il alimente
conflits, tensions et incompréhensions, va à l’encontre d’un fonctionnement coopératif
des interactions. Le conflit serait alors une forme de rupture dans les rituels
conversationnels.

Notre objectif est d’appréhender le discours de conflit d’un point de vue


descriptif, pragmatique, dans le texte et même en actes de parole caractérisés et
reconnus, de proposer une analyse des effets de rupture dans les interactions et des
montées en tension et d’identifier les idées conflictuelles dans un texte. L’étude du
processus langagier s’inscrivant dans une dynamique se rejouant sans cesse dans les

40
éléments linguistiques, les analyses des contextes d’énonciation, des rites d’interaction
en jeu, des interférences entre rapports langagiers, rapports sociaux et rapports
institutionnels seront plus particulièrement privilégiées. Ainsi, le discours de conflit peut
être appréhendé dans ses aspects interactionnels et à travers les éléments qui la
constituent en tant qu’actes du langage, injure, insulte, impolitesse, incivilité ou tout acte
menaçant. Mais plus encore elle pourra être saisie dans toute sa dimension
sociolinguistique et symbolique, parce qu’elle est un signe de transgression des normes
sociales et dérèglement de l’ordre légitime.

Au terme de ce premier chapitre, il était question d’étudier les prolégomènes à


l’analyse énonciative du discours. Nous avons pris par prolégomènes comme les
principes préliminaires à l’étude d’un concept donné. Cette étude renvoie en clair au
cadre théorique. Il ressort de ce chapitre que l’énonciation est un terme connu et défini
par plusieurs auteurs comme Benveniste Emile, Kerbrat Orecchioni, Maingueneau. De
leurs différentes définitions il en ressort que l’énonciation n’est qu’un acte de production
des énoncés, comme l’affirmé Benveniste E. (1966). Quant au discours, il fait aussi
l’objet de plusieurs définitions par des différents auteurs. Après l’analyse des différentes
définitions proposées par Benveniste, Sarfati, Maingueneau et Vignaux, le discours est
perçu sous différents angles. Toutefois, parmi les différentes acceptions, on comprend
que le discours apparait aussi comme la manifestation du langage. Le discours c'est donc
lorsque l'auteur ou l'instance d'énonciation (le narrateur ou locuteur), se font sentir :
lorsqu'on perçoit ses intentions, ses parties prises de façon orale ou écrite. C’est la raison
pour laquelle on s’est basé sur le discours du conflit, qui était juste la manifestation de
l’énoncé de conflit.

41
CHAPITRE 2 : L’ANALYSE STRUCTURALE DU DISCOURS
CONFLICTUEL

Toute énonciation implique une certaine attitude de l'énonciateur par rapport à


son propre énoncé. On appelle marques de la subjectivité toutes les traces que laisse
celui qui parle dans son énoncé. Parmi les indices d'énonciation, nous avons la
modalisation qui, pour aller dans le même sens que Charaudeau, est le pivot dans
l’énonciation. On appelle modalisations les éléments qui expriment une appréciation
portée sur le contenu de l'énoncé, qui dans le cadre de la modalisation est composé de
modalité interrogative, modalité injonctive, modalité exclamative et la modalité
assertive, ou sur l'objet dont on parle (évaluation, sentiment) ; ce que Kerbrat (1980)
appelle « les subjectivèmes » matérialisés par les modalisateurs. On appelle
modalisateurs les mots ou expressions signalant le degré d'adhésion de l'énonciateur aux
idées formulées. On distingue donc deux aspects de la subjectivité : l'évaluatif et
l'affectif. Dans notre travail, nous ne nous basons pas juste sur l’analyse de la
modalisation dans le texte de Djaïli Amadou Amal, mais nous identifions et analysons
à la fois la modalisation qui expriment le conflit. L’identification et l’analyse consistent
à étudier les éléments de la modalisation exprimant le conflit ; étudier les éléments des
modalités d’énonciation et les modalités d’énoncé exprimant le conflit. L’expression de
conflit lui-même est pour nous, tout expression ou mots qui exprime la polémique,
l’opposition, la mésentente, le désaccord, la révolte et bien d’autres éléments traduisant
ou tendant vers le conflit entre les personnages ou alors les énonciateurs et leurs co-
énonciateurs. Pour ce faire, nous allons commencer par l’analyse de la modalité
d’énonciation, ensuite la modalité d’énoncé, et puis par les subjectivèmes, enfin la
polyphonie identifiant le conflit.

2.1- Les modalités d’énonciation et le codage du conflit

Les modalités d’énonciation « renvoient à la marque du lien entre le sujet


énonciateur et un autre sujet » (Le Querler, 1996 :63). Pour Nølke (1993 : 85) les
modalités d’énonciation désignent : « Les éléments linguistiques qui portent sur le dire,
pour reprendre une expression chère à beaucoup de linguistes. Ce sont les regards que

42
le locuteur jette sur son activité énonciative [...] les modalités qui portent sur le dire du
sujet parlant. »
Elles sont consacrées au comportement du locuteur dans son lien interpersonnel
avec son allocutaire. Elles renvoient « au sujet de l’énonciation en marquant l’attitude
énonciative dans son rapport à son interlocuteur » (Riegel et Al. 1994 : 580). Elles se
traduisent par des choix de types de phrases, selon que le sujet veut affirmer quelque
chose, interroger ou donner un ordre. Si l’acte de langage est direct, on emploi un type
de phrase pour l’action à laquelle il est associé. Par exemple, on utilisera une phrase
interrogative pour poser une question.
Mais nous nous basons plus sur les modalités d’énonciation qui expriment le conflit
dans Walaande, l’art de partager un mari. Une analyse qui se base sur les types de
modalités d’énonciation qu’on appelle aussi en grammaire aussi les types de phrases
qui, dans le texte expriment le conflit. Ici, il n’est pas question d’identifier la qualité du
conflit, mais juste identifier les expressions qui tendent vers la mésentente entre les
locuteurs et les récepteurs du discours. Il s’agit en claire d’identifier et d’interpréter les
énoncés qui traduisent le conflit ou l’opposition d’idée des personnages du dit discours.
Comme nous l’avons souligné ci haut, étudier la modalité d’énonciation exprimant le
conflit se basera sur la modalité exclamative, la modalité impérative ou injonctive, la
modalité assertive et enfin la modalité interrogative. Toutes ces modalités sont des
possibilités que pourra choisir le locuteur ou énonciateur pour exprimer son attitude vis-
à-vis de son interlocuteur ou de son discours.

2.1.1- La modalité exclamative

La modalité exclamative porte plus de signification à l’orale ; elle se base sur le


sentiment du locuteur et l’extériorisation de la langue. Pour Moeschler et Reboul (1994 :
52), les exclamations « représentent les attitudes ou les désirs du locuteur dont elles
sont censées être l’expression spontanée ». L’exclamation renvoie à un sentiment positif
ou négatif. Elle porte une valeur intentionnelle. L’énonciateur l’utilise soit pour
exprimer son accord avec le co-énonciateur soit son désaccord en face de son co-
énonciateur. Elle est matérialisée par l’usage de point d’exclamation à la fin de
l’énonciation. Cette marque de ponctuation exprime le degré d’émotion qui affecte

43
l’énonciateur. L’émotion exprimée joue un très grand rôle sur le co-énonciateur : soit
elle est utilisée pour influencer son interlocuteur, soit pour attirer son attention afin de
gagner son adhésion à son opinion. Notre préoccupation dans cette partie est portée sur
l’analyse des énoncés portant la modalité exclamative qui expriment le conflit dans
l’œuvre Walaande, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal. Plusieurs énoncés
exclamatifs de ce texte marquent des idées conflictuelles. C’est donc le cas des énoncés
suivants exprimant le conflit à travers les modalités exclamatives :

(1) : Non Baaba ! je ne l’aime pas Baaba ! p. 87


(2) : Je préfère mourir que de l’épouser ! Je préfère mourir ! p. 88
(3) : Ne m’interrompe pas ! p. 87
(4) : Vous devez vous battre ! p. 77
(5) : Nous ne voulons pas être commerçants ! p. 77
(6) : Me marier ! en plus avec ma cousine ! p. 70
(7) : Je ne te demande pas de me parler ! p. 14
(8) : C’est moi qui commande ! p. 42

Ces énoncés exclamatifs produits par un locuteur manifestent son attitude


conflictuelle vis-à-vis de son interlocuteur. Les différents conflits qui sont exprimés à
travers ces modalités exclamatives ont majoritairement la forme négative et sont
l’expression du conflit. La négation exprimée par l’adverbe de négation dans l’énoncé
(1) : « ne…pas » suivit d’une exclamation renvoie directement à une opposition et
désaccord d’idée du locuteur (Amadou) : « Nous ne voulons pas être commerçants ! ».
Cet extrait marque le conflit qui lie les enfants (Amadou, Moustafa, Fayza…) et leur
oncle (Daouda) sur l’idée du mariage forcé.

Expression de refus catégorique de l’énonciateur dans l’énoncé (2) : « Non


Baaba ! je ne l’aime pas Baaba ! ». Ces doubles énoncés exclamatifs caractérisés par le
point d’exclamation associé avec la forme négative montre le degré de refus de Fayza
vis-à-vis de l’idée de mariage forcé qu’inflige son père à son égard. En effet, le conflit
s’installe quand le père de la famille (Alhadji) oblige sa fille (Fayza) à se marier avec
son cousin (Amadou) contre son gré, et cette dernière pour exprimer son

44
désintéressement recours à un discours exclamatif de forme négative qui laisse
comprendre un conflit d’idée entre ces deux personnages (Alhadji et Fayza).

Il en va de même pour les énoncés exclamatifs (3), (4), (5), (6), (7) et (8). Les
locuteurs agissent soit de manière oppositionnelle dans l’énoncé (3) : « Ne
m’interrompe pas ! » P. 87 qui exprime l’opposition d’Alhadji à la réaction de son fils
Moustapha qui prend la parole avant que son père ne finisse la sienne. Une opposition
manifestée par le sentiment oppositionnel marquée par l’exclamation, soit de manière
agressive pour influencer et manifester leur mésentente, à l’exemple de l’énoncé
(8) :« C’est moi qui commande ! » p. 42. Ici, c’est Alhadji qui s’adresse de façon
conflictuelle et irritée à son épouse Aïssatou. L’exclamation portée à la fin de cet énoncé
montre que Alhadji soulève le ton sur son épouse ; une manière de la menacer.

Nous constatons alors que les énoncés exclamatifs sont les moyens qui permette
d’identifier ou de déceler le conflit dans un discours ou dans un texte.

2.1.2- La modalité injonctive

Dans le cadre général, la modalité impérative ou injonctive exprime l’ordre, le


conseil, une imposition. Le locuteur agit sur l’interlocuteur pour influencer et même
changer les comportements de celui-ci. Comme nous l’avons dit précédemment, la
phrase injonctive peut manifester diverses nuances : ordre strict, conseil, souhait, prière,
demande polie d’où l’affirmation de (Riegel et al., 2009 : 665) :

Le type impératif ou injonctif est associé habituellement à un acte d’intimation ou


d’injonction (“ordonner quelque chose à quelqu’un”, au sens large, de la prière à
l’ordre vif, en passant par le conseil). Il se caractérise par l’absence de sujet du
verbe quand celui-ci est au mode impératif (Sortez !).

Si elle est exprimée pour donner des ordres, pour influencer ou imposer, on dira que
cette modalité exprime le conflit entre les personnages du texte corpus. En réalité, dans
un énoncé impératif ou injonctif, l’énonciateur exprime état de dictateur, son influence,
son désaccord, son imposition, sa colère vis-à-vis de son co-énonciateur. Nous
déduirons alors que ces énoncés de modalité injonctive peuvent être considérés comme
le discours du conflit. Voici quelques exemples d’énoncés exprimant la modalité
injonctive du conflit dans WAPM :

45
(9) : Va-t’en ! sors ! et surtout que je ne te revois plus chez moi avant de
t’avoir convoquée. p. 89
(10) : Ne m’adresse plus jamais la parole, espèce de traitre ! p. 34
(11) : Viens immédiatement balayer mon salon ! p. 26
(12) : Tais- toi Djaïli ! p. 14
(13) : Arrête de te vanter et de donner des leçons parce que tu as fait un
peu d’étude. p. 14
(14) : Donne-moi la télécommande tout de suite Nasser ! p. 54
(15) : Arrête de me contredire toi aussi. p. 67

Nous confirmons d’abord que les énoncés ci-dessus sont des modalités injonctives
et elles expriment le conflit entre les énonciateurs des différents discours du texte. Ces
énonciateurs manifestent leur conflit à travers les modalités injonctives, au sein du
quelles se manifeste une imposition colérique comme le montre bien l’énoncé :

(10) : Ne m’adresse plus jamais la parole, espèce de traitre !

Cette impérative énoncé par Yasmine pour donner un ordre, une imposition et
surtout un avertissement à Nafi de ne plus jamais l’adresser la parole laisse entendre que
Yasmine à un problème avec Nafi. Cette modalité sous-entend que Nafi avait posé un
acte négatif qui déplait Yasmine et par conséquent, engendre le conflit entre ces deux
jeunes filles ; d’où son avertissement très actif et irréversible à travers la modalité
impérative.

Un conflit se manifeste encore de manière claire et nette à travers l’attitude de


l’énonciateur face à son co-énonciateur quand Alhadji chasse, ordonne et avertit
Sakina à travers l’énoncé :

(9) : Va-t’en ! sors ! et surtout que je ne te revois plus chez moi avant de t’avoir
convoquée

Ici la réaction de l’énonciateur vis-à-vis de son co-énonciateur est très vive à


travers le temps verbal très actif : impératif de l’impératif « va-t’en ! sors » qui traduit
son état d’âme, une émotion exprimant l’agressivité. Cette modalité injonctive montre
que l’énonciateur est en état de colère et ordonne de manière conflictuelle et surtout avec
une grande pression son co-énonciateur.

46
La modalité impérative exprime d’une manière ou d’une autre le conflit entre les
personnes de l’énoncé. Car à travers l’ordre, l’imposition, la dictature, la colère, le
locuteur marque son désaccord envers son interlocuteur. Nous l’avons compris à travers
les différents énoncés impératifs exprimant le conflit qui existe entre les personnages de
l’œuvre WAPMDAA que cet éléments linguistique (modalité impérative ou injonctive)
permet aussi à son identification dans un discours.

2.1.3- La modalité assertive à valeur négative

La modalité du type assertif ou déclaratif présente, comme le dit Riegel et al.,


(2009 : 388), la « structure de la phrase canonique groupe nominal groupe verbal ». Il
sert à dire et ou affirmer un fait et contient de multiples moyens pour l’expression.
L’assertion « pose un état de choses comme vrai ou faux. D’un point de vue syntaxique,
il s’agit d’énoncés qui comportent un sujet exprimé et dont le verbe porte des marqueurs
de personne et de temps » Maingueneau D., (1999 : 46). Étant donné que l’assertion
exprime juste à l’affirmation d’un fait, nous nous baserons sur les énoncés qui portent
la modalité assertive qui renvoient simplement à l’expression du conflit. Pour le faire,
nous posons une logique possible qui montre dans l’assertion deux pôles à savoir :
l’énoncé à la forme positive et l’énoncé à la forme négative. Si nous entrons dans la
sémantique de l’énoncé à la forme négative, nous constatons qu’à travers les contours
de l’énoncé, une polémique, une opposition à une idée donnée, bref qu’il y a un conflit
qui lie les protagonistes de l’énoncé. Dans le corpus, nous voyons que l’assertion est
plus basée sur la négation. Les exemples suivants montrent que des énoncés assertifs
exprimant également le conflit dans le texte :

(16) : Djaïli, personne ne t’a parlé. p. 14


(17) : Toi, je ne t’ai pas branchée madame « je sais tout » ce n’est pas ma
faute si tes parents ne t’ont pas aussi envoyé à l’école. p. 14
(18) : Mon père n’est pas un païen, lui, pour mettre une fille à l’école. p.
14
(19) : Alhadji tu m’as menti. p. 21
(20) : Franchement c’est honteux. p. 14
(21) : C’est la télécommande de ma mère, tu n’as qu’à aller commander
chez ta mère. C’est moi le garçon, donc c’est moi qui commande. p. 54
(22) : Mais le pater est finalement devenu fou. p. 70

47
(23) : Je ne suis pas ta fiancée. p. 71
(24) : Je ne veux pas t’épouser non plus petite peste impolie. p. 71
(25) : Mais je ne veux pas me marier et même si je devrais le faire un jour,
ça ne sera pas avec Moubarak. p. 78

La modalité assertive telle que conçue par l’énonciateur constitue un rapport


d’opposition entre l’énonciateur et le co-énonciateur. Dans le corpus, elle exprime une
déclaration sous forme d’interdiction faite par le locuteur à son interlocuteur comme
dans l’énoncé (16) : « Djaïli, personne ne t’a parlé ». Ou alors une correction à l’idée
de l’interlocuteur dans les énoncés (17) : « Toi, je ne t’ai pas branchée madame « je
sais tout » ce n’est pas ma faute si tes parents ne t’ont pas aussi envoyé à l’école », et
l’énoncé (18) « Mon père n’est pas un païen, lui, pour mettre une fille à l’école.
La modalité assertive exprime d’une manière pacifique le mécontentement et le
désaccord de l’énonciateur vis-à-vis de son co-énonciateur, c’est le cas des énoncés
(19) : « Alhadji tu m’as menti », et l’énoncé (20) « Franchement c’est honteux ».

Il convient de dire alors que la modalité assertive à valeur négative trahie


l’intention conflictuelle du locuteur ou de l’énonciateur. Elle est certes une assertion
mais sa forme et sa valeur négative laisse comprendre l’opposition du locuteur envers
son interlocuteur. La modalité assertive reste un moyen d’identification du conflit dans
le texte de Djaïli.

2.1.4- La modalité interrogative

Dans le cadre général, la modalité interrogative est une modalité qui exprime
l’inquiétude de l’énonciateur, son état de doute, d’insatisfaction. La modalité
interrogative est la phase où le locuteur exprime une demande ou une question.
Maingueneau (1999 : 48) définit l’interrogation en mettant plus d’accent sur le
répondant en disant : « interroger quelqu’un, c’est se placer dans l’alternative de
répondre ou de ne pas répondre. C’est aussi lui imposer le cadre dans lequel il doit
inscrire sa réplique ». La définition de l’interrogation donnée par Maingueneau se
présente comme un moyen qui influence sur l’interlocuteur tout en le mettant dans une
alternative de répondre à la question posée ou de ne pas répondre et enfin elle oblige
l’interlocuteur ou co-énonciateur à répondre à l’idée ou alors elle oblige l’interlocuteurs

48
à répondre au besoin du locuteur. C’est dire que lorsqu’on questionne son interlocuteur,
on impose au répondant une réponse satisfaisante, une réponse dans le cadre qu’on
s’attendait et le répondant doit impérativement répondre selon le cadre imposé.
L’interrogation se réalise par l’emploi des variantes syntaxiques qui s’exercent sur
l’interlocuteur. L’interrogation est utilisée pour traduire les idées d’influencer et
d’avertir l’interlocuteur ou co-énonciateur et elle arrive souvent à traduit une expression
du conflit du locuteur. C’est-à-dire qu’à travers la question, le locuteur cherche à
manifester son mécontentement.

La modalité interrogative est différenciée des autres à travers le point


d’interrogation qui traduit la demande du locuteur ou énonciateur et qui attend la réponse
s’il est utilisé dans le cadre de la question directe et sans réponse s’il s’agit de la question
rhétorique. De cette dernière déclaration, l’énonciateur s’adresse à lui-même et la
réponse reviendra de lui et non de l’interlocuteur. Il exprime souvent l’inquiétude, et le
dépassement de celui qui parle ou qui émet l’énoncé sur un fait donné. Dans le corpus,
nous avons les énoncés interrogatifs qui expriment le conflit entre les différents
personnages du texte. Nous avons par exemple les fragments de texte de Djaïli
renvoyant à la modalité interrogative qui exprime le conflit des personnages. Voici
quelques exemples de énoncés renvoyant aux modalités interrogatives et qui expriment
le conflit dans l’œuvre Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal :

(26) : C’est clair ? Je repose la question : est-ce que c’est clair ? p. 42


(27) : Djaïli, pourquoi est-ce que tu aimes autant les problèmes ? p. 14
(28) : Tu n’as pas appris à cuisiner dans la maison de ton père ? Sriafata tu as
compris ce que je viens de dire ou quoi ? p. 26
(29) : Qui te permet de poser des questions ? p. 41
(30) : Tu penses que je vais épouser un sale type comme toi ? p. 71
(31) : C’est à moi que tu t’adresses ainsi petit voyou ? p. 77
(32) : Tu voulais quoi ? Leur faire vivre la vie de débauchée que tu menais avant
que je ne t’épouse ? Ainsi tu crois que tu vas amener mes enfants à me
désobéir ? p. 89
(33) : mais c’est quoi cette histoire ?

49
À travers ces différentes interrogations, on constate qu’il y a des
locuteurs/énonciateurs qui cherchent à influencer leurs interlocuteurs / co-énonciateurs
tout en exprimant leurs positions qui ne sont pas du tout partagées par leurs co-
énonciateurs. Ils expriment leurs oppositions et leurs influences sur les interlocuteurs à
travers les questions qui traduisent la polémique qui les lie.

Le conflit est manifesté à travers plusieurs modes. Si nous prenons l’énoncé (26)
nous voyons une oppression du locuteur sur l’interlocuteur à travers la double
interrogation successive. Qui sans doute si c’était produit oralement, devais avoir une
voix montante et agressive du locuteur. En effet, si nous rentrons dans le contexte, il
s’agit d’une opposition d’idée entre Nafi (deuxième épouse d’Alhadji) et Alhadji lui-
même sur sa décision d’épouser une troisième femme. Une décision qui n’est pas du
tout partagée par Nafi et qui les met en désaccord. Cet énoncé nous laisse d’abord
entendre que le co-énonciateur (Nafi) a posé un acte qui a suscité la colère de
l’énonciateur (Alhadji). L’énonciateur cherche à comprendre si le co-énonciateur à
compris la logique tout en l’imposant à lui faire comprendre qu’elle doit forcément
comprendre ; c’est-à-dire le locuteur (Alhadji) impose à son interlocuteur (Nafi)
d’accepter et de confirmer qu’elle a compris et qu’elle doit accepter son idée. Cette
modalité imprime l’influence de l’émetteur qui oblige le récepteur à produire à son tour
une réponse.

La modalité interrogative exprimant le conflit est visible dans l’énoncé à travers


le contexte de l’énonciation d’abord et en plus quand on analyse l’attitude de
l’énonciateur vis-à-vis de son co-énonciateur de manière cognitive. À travers son
interrogation, on voit son imposition comme dans l’énoncé (26) :

C’est clair ? Je repose la question : est-ce que c’est clair ?

Cette modalité peut à travers un énoncé interrogatif traduit une imposition faite par
Alhadji sur Nafi de comprendre et de confirmer sa part d’idée.

La modalité interrogative exprime encore l’influence du locuteur comme dans


l’énoncé (29) : « Qui te permet de poser des questions ? »

50
Toujours le conflit entre Alhadji et Nafi par l’opposition de Nafi face à Alhadji sur son
idée d’amener encore une autre coépouse. Pour se faire, Alhadji par son statut de père
de la maison cherche à influencer Nafi en l’interdisant de poser une question en
introduisant sa part de question.

L’interrogation peut exprimer la colère du locuteur comme dans les énoncés (30)
et (31) :

(30) : C’est à moi que tu t’adresses ainsi petit voyou ?


(31) : Tu penses que je vais épouser un sale type comme toi ?

Ces deux modalités interrogatives expriment des questions basées sur la révolte,
la colère des différents locuteurs. D’abord le premier énoncé interrogatif exprime la
colère d’Alhadji Daouda face à la réaction d’Amadou qui rétorque son oncle (Alhadji
Daouda) sur l’idée du mariage forcé et les faire devenir contre leur gré des grands
commerçants. Et le second énoncé exprime une interrogation colérique de Fayza à
Amadou qui est d’ailleurs sa cousine.

Une interrogation rhétorique de colère d’Amadou qui consiste à poser à lui-même


la question et qui n’a pas de réponse dans l’énoncé (33) : Mais c’est quoi cette histoire ?
Fit ce dernier en entrant dans la chambre. Mais ! Mais ! voilà mon adorable fiancée,
ajout a-t-il en apercevant Fayza qui le foudroya du regard.

La modalité interrogative énonce le mécontentement de locuteur ou énonciateur


vis-à-vis de l’acte de son interlocuteur ou alors son co-énonciateur dans l’énoncé (32) :
Tu voulais quoi ? Leur faire vivre la vie de débauchée que tu menais avant que je ne
t’épouse ? Ainsi tu crois que tu vas amener mes enfants à me désobéir ?

Ici, ces énoncés expriment un désaccord et mécontentement et même


l’incompréhension d’acte déplorable. Dans le corpus, ces énoncés sont d’Alhadji face à
Sakina qui en réalité n’est pas du tout content de l’acte posé par Sakina et qui d’après
lui est une manière d’exciter ses enfants à la révolte contre leur père. En d’autres termes
c’est un acte de rébellion qu’elle enseigne à ses enfants.

La modalité interrogative énonce enfin dans ce texte la remise en cause de l’acte


de son interlocuteur tout en lui posant des questions choquantes ; sous forme de la
51
moquerie qui sans doute suscitera une réaction conflictuelle de son interlocuteur dans
l’énoncé (28) : Tu n’as pas appris à cuisiner dans la maison de ton père ?

Cette question traduit clairement une attaque et le mépris de locuteur à l’égard de son
interlocuteur.

La modalité interrogative laisse beaucoup de message lorsqu’elle est actualisée.


C’est-à-dire lorsqu’elle est analysée selon son contexte. Nous constatons alors que la
modalité interrogative exprime le conflit et qu’à travers cette même modalité, nous
décelons qu’il existe un conflit entre les énonciateurs et les co-énonciateurs dans l’œuvre
Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal.

2.2- Les modalités d’énoncé et expression du trouble émotionnel des


personnages

Les modalités d'énoncé caractérisent la manière dont le locuteur situe la


proposition de base de son discours par rapport à la vérité, la nécessité, l'obligation, au
savoir, au possible, au permis et à leurs contraires. On distingue trois types de modalités
d'énoncé : l'aléthique, l'épistémique et le déontique. Il est question dans cette partie de
voir comment ces modalités d'énoncé permettent d’identifier le conflit dans le texte de
Djaïli Amadou Amal. Cela étant, nous allons tour à tour analyser les modalités
déontiques, épistémiques et aléthiques.

2.2.1- La modalité déontique

Selon Mounga Bauvarie (2007), le mot déontique dérive du grec « ta deonta »


qui veut dire ce qu'il faut. La modalité déontique concerne le devoir et le droit en termes
d'obligation et de permission. Pour Laurendeau (2004 :5) : « le déontique correspond à
ce que je crois être nécessaire en sachant que ce n'est pas, et que ce n'est même peut-
être pas désirable ». Cette définition de Laurendeau (2004) met surtout l'accent sur
l'obligation morale, alors que le déontique ne saurait se réduire à cet unique aspect. C'est
pourquoi, nous préférons la définition de Cresti (2002 :2) pour qui, à travers la modalité
déontique, « une situation est évaluée comme permise ou interdite, suivant une logique
d'obligation ; cette modalité informe si la réalisation d'un état de choses est requise,
permise ou interdite, ou dans un sens plus large désirée ou poursuivie ». C'est dire que

52
la modalité déontique fait essentiellement appel aux notions d'obligation, de permission,
d'interdit.

En fonction du contexte, l’énonciateur présente l’action comme obligatoire ou


permise en se servant des outils linguistiques comme : devoir, il faut que,
nécessairement, forcément, obligatoirement, (il est) obligatoire, nécessaire, interdit,
permis. Dans le texte de Djaïli Amadou Amal, cette modalité traduit à travers les
énoncés ou discours une expression du conflit. Nous prenons quelques exemples
suivants :

(34) : arrête de me contredire toi aussi. p. 67


(35) : tu ne poses plus jamais de question et ne fais pas de remarques. p. 42,
(36) : il faudrait que tu arrêtes de t’habiller de cette manière. p. 76
(37) : il faut que vous changiez toutes les deux. p. 77
(38) : vous devez vous battre ! Vos pères et moi, nous n’avons pas attendu
l’héritage de nos pères. p. 77.

Ces énoncés à valeur injonctive, expriment le conflit entre les personnages de


l’œuvre WAPM. L’expression du conflit est matérialisée par le temps verbal comme
l’impératif dans l’énoncé (34) : arrête de me contredire toi aussi. p. 67

Cet impératif traduit une interdiction, un devoir, qui sans doute conduit au conflit.

La modalité déontique se présente dans les énoncés (36), (37) et (38) à travers les
lexiques impératifs « il faudrait que », « il faut que », « vous devez » suivants :

(36) il faudrait que tu arrêtes de t’habiller de cette manière. p. 76


(37) il faut que vous changiez toutes les deux. p. 77
(38) vous devez vous battre ! Vos pères et moi, nous n’avons pas attendu
l’héritage de nos pères. p. 77.
(39) Il faudrait qu’elle se méfie. Comme disent les peuls, chaque chose retourne
à sa source. p. 27

Ces modalités déontiques sont les matériels linguistiques qui expriment le conflit
dans le texte de Djaili Amadou Amal.

2.2.2- La modalité épistémique

Du grec « épistémè » (connaissance), la modalité épistémique renvoie au savoir


du support modal. Pour Laurendeau (2004 :4), « elle exprime le marquage de la

53
fluctuation de la connaissance que le sujet a du monde ». L'épistémique concerne donc
les différentes connaissances que nous avons du monde. Dans notre corpus, ces
connaissances se manifestent à l'intérieur d'un énoncé pour désigner la présence du
conflit. Ces conflits se caractérisent par le fait qu'ils modifient explicitement la valeur
de vérité d'un contenu propositionnel et qu'ils se situent à une échelle allant de
l'incertitude la plus absolue à la certitude totale.

La modalité épistémique renvoie alors à la connaissance du monde du locuteur


qui se manifeste à travers divers éléments linguistiques comme : il est certain que, nous
savons que, il est inévitable que, bien entendu, certainement, sûrement, sans aucun
doute, indéniablement...

Nous prenons les exemples suivants :

(40) C’est sûrement du mauvais œil qu’il souffre. p. 13


(41) C’est sûr que ton lait a tourné. C’est pour cela qu’il vomit et qu’il a la
diarrhée. p. 14

Dans l’énoncé (40), on se rend compte que Sakina la troisième femme d’Alhadji, la
femme la plus instruite de ses femmes exprime sa certitude sur la cause de la maladie
dont elle parle. Cette certitude vient à l’encontre du doute des autres sur cette maladie à
travers le lexique « sûrement ». Elle renvoie à l’expression du conflit, un conflit de
manière oppositionnelle.

Quant à l’énoncé :

(42) En vérité, tout ce que les hommes nous racontent sur l’Islam est faux. Page 55

Sakina exprime la connaissance générale sur la pratique islamique à travers le lexique


« en vérité ». Elle défie l’idée qu’ont les hommes sur l’islam. Elle a une connaissance
sur le bon sens de l’islam.

(43) je ne vais certainement pas épouser cet idiot d’Amadou et aller vivre dans la
concession de l’oncle Daouda. p 70

Ici Fayza manifeste son opposition vis-à-vis de l’idée de mariage à travers son
évidence. Elle est ferme sur sa décision qu’elle ne pourra pas épouser Amadou. Et cette

54
modalité épistémique marque une opposition de la jeune Fayza vis-à-vis d’un mariage
forcé à travers le modalisateur « certainement ».

Il faut noter par ailleurs que les modalités logiques peuvent acquérir des valeurs
modales différentes selon le contexte. Elles peuvent aussi partager l’espace d’un même
sens, tout comme dans le cas des verbes « pouvoir » et « devoir » pouvant signaler la
modalité déontique, la modalité aléthique et la modalité épistémique en fonction du
contexte.

2.2.3- La modalité aléthique

Le terme vient du mot « aléthéia » du grec et signifie « la vérité ». C'est dans ce


sens que Cresti (2002 :2) explique : « une situation est évaluée sur la base qu'elle est
nécessairement ou probablement vraie selon l'opposition nécessaire vs contingent ».
C’est donc une proposition ou une modalité qui ne concerne que le vrai, le faux et
l’indéterminé. Il correspond aussi à l’expression de la capacité intellectuelle du locuteur
et de l’éventualité des événements. La modalité aléthique porte sur la valeur de vérité
d'un énoncé sur les plans du possible, de l'impossible, du nécessaire et du contingent par
les unités linguistiques comme : pouvoir, devoir, falloir, paraître, sembler ; il est
nécessaire, il est possible, il est impossible ; sans doute, probablement, apparemment,
vraisemblablement, inévitablement, nécessairement, immanquablement,
inéluctablement, infailliblement… Plus concrètement, la modalité aléthique permet
d'évaluer les chances de réalisation d'un énoncé.

Nous avons quelques exemples suivants :

(44) non mais, c’est inadmissible ! je n’accepterai jamais !

Cet énoncé exprime une vérité au sens universel à travers l’adverbe « inadmissible ».
Cet élément linguistique exprime le faux, l’inacceptabilité d’un fait quelconque. Il
exprime la vérité sur une fausse conception d’où on le considère de discours de conflit.

(45) vous êtes des filles, vous devriez vous marier un jour ou l’autre… p. 75

Dans cette modalité aléthique, le locuteur exprime une vérité d’ordre logique et
général. La fille reste et demeure toujours un être qui est censée être en mariage. Selon

55
cette modalité, les filles ne devaient pas opposer aux mariages qu’on leur a proposés. Le
locuteur exprime son opposition à travers cette modalité aléthique.

(46) la concession qu’Alhadji avait construite était incontestablement belle. p. 21

Cette modalité aléthique, se distingue à travers l’éléments linguistique


« incontestablement ». Il marque une vérité incontestable, une vérité sans réserve de la
beauté de la concession d’Alhadji. Une manifestation qui s’oppose à une laide
concession.

2.3- Les subjectivèmes du conflit dans Walaandé, art de partager un mari

Les subjectivèmes sont les marques de la subjectivité dans le langage. Kerbrat


(1980 : 79) confirme : « toute unité lexicale est, en un sens, subjective, puisque les mots
de la langue ne sont jamais que des symboles substitutifs et interprétatifs des choses. ».
Elle renvoie alors à tous les éléments linguistiques qui traduisent la subjectivité de
l’énonciateur.

La subjectivité peut s’exercer sur le plan affectif, lorsque le sujet de l’énonciation


exprime un sentiment comme le montre bien l’exemple suivant :

(47) Sakina ! Quels tendres moments n’avions-nous pas partagés. p. 62.

Une subjectivité peut s’exercer également sur le plan évaluatif, lorsque le sujet
de l’énonciation exprime un commentaire ou un jugement par rapport aux valeurs
axiologiques comme le bien et le mal, le beau et le laid, ou aux savoirs épistémiques
pour considérer leur degré de vérité, de fausseté, de certitude.

Bally, C. (1932 : 167) lui se base sur l’idée des caractères intellectuels qui permet
de distinguer les caractères affectifs naturels et les effets par évocation des faits de
langage. Les caractères affectifs naturels sont « inhérents aux faits d'expression eux-
mêmes », l'effet vient de «la forme qui est donnée à la chose exprimée, de l'angle sous
lequel la fait voir l'expression qui en est le symbole » Ces moyens d'expression éveillent
en nous le sentiment d'agréable ou de désagréable, de beau ou de laid sans que la
réflexion fasse rien ajouter d'essentiel à l'impression première. Les effets par évocation

56
découlent de l'évocation du contexte et du milieu dans lesquels l'emploi des faits
d'expression est le plus fréquent.

La subjectivité du locuteur est omniprésente puisqu’il s’engage dans son discours en


faisant ses choix linguistiques. Expression de la subjectivité se présente à travers
diverses formes linguistiques comme : les noms affectifs et évaluatifs, les adjectifs, les
verbes, les adverbes, les interjections, les temps du verbe, l’intonation.

2.3.1- Les adjectifs

L'adjectif qualificatif est une catégorie de mot qui s'adjoint au nom pour exprimer
une qualité ou une quantité. Baylon C. et alii (1978 : 44-45) pensent que « du point de
vue sémantique, l’adjectif exprime une qualité ou une relation (…). Il apporte une
détermination plus ou moins grande… ». L’adjectif est donc une classe grammaticale
qui permet de matérialiser la subjectivité dans un énoncé ou discours. L’œuvre
Walaandé, l’art de partager un mari présente le conflit à travers le discours ; les
différents adjectifs à valeur péjorative ont permis à la réalisation des idées conflictuelles
dans les énoncés des personnages de l’œuvre. Nous constatons que les énonciateurs pour
manifester leur désaccord, recourent aux modalisateurs portants sur les adjectifs
qualificatifs à valeur péjorative ou alors non méliorative. Pour adhérer à l’idée de
Kerbrat (1980) sur la considération de certains modalisateurs comme des subjectivèmes,
nous allons analyser les énoncés manifestant le conflit à travers les adjectifs qualificatifs
à valeur affective et péjorative et les adjectifs qualificatifs évaluatifs à valeur péjorative
de quelques énoncés de l’œuvre corpus de Djaïli ci-dessous :

(48) Franchement c’est honteux. p. 74


(49) : Mais comment as-tu pu être aussi mesquine Nafi ? Ne m’adresse
plus la parole espèce de traitre ! p. 30
(50) : Elle ne prenait pas soin d’elle et je déteste les femmes négligées
(51) : Depuis quelques temps, Moustapha avait des ambitions bizarres. p.
68
(52 ) : Fou de rage, Moustapha fit tomber brutalement la petite table dans
sa chambre, mais la vue de ses livres éparpillés au sol ne lui procura qu’une
mine consolation.
(53) : le pater est finalement devenu fou. p. 70
(54) : Aïssatou les yeux tristes poussa un soupir. – Depuis ce matin, dans la
concession, régnait un climat tendu. – Elle narrait cette situation brulante.
p. 75

57
Comme nous l’avons dit ci haut, les adjectifs de ces énoncés portent sur deux
grandes valeurs adjectivales à savoir les adjectifs à valeur affective et péjorative et les
adjectifs à valeur évaluative et péjorative. La valeur affective et péjorative des adjectifs
renvoie au sentiment dépréciatif renvoyant à l’opposition de locuteur. De même pour
les adjectifs évaluatifs à valeurs péjoratives exprime une évaluation dépréciative
traduisant une opposition.

➢ Les adjectifs affectifs à valeur axiologique


Selon Kerbrat Orecchioni (1980 :95) :

les adjectifs affectifs énoncent, en même temps qu'une propriété de l'objet qu'ils
déterminent, une réaction émotionnelle du sujet parlant en face de cet objet. Dans
la mesure où ils impliquent un engagement affectif de l’énonciateur, où ils
manifestent sa présence au sein de l’énoncé, ils sont énonciatifs.

Les adjectifs affectifs sont des adjectifs qui montrent une expression
émotionnelle ou alors une manifestation affective de l'auteur d'un énoncé. L’emploi de
ce vocabulaire montre que l'énonciateur cherche à susciter les mêmes émotions chez son
interlocuteur. C’est le cas de l’énoncé (50) : « Elle ne prenait pas soin d’elle et je déteste
les femmes négligées ». Ici l’adjectif « négligées » de cet énoncé détermine le nom
« femmes ». Cet adjectif exprime le dégout face aux femmes qui se négligent qu’on peut
qualifier d’une opposition de l’énonciateur à la classe des femmes négligées. Cet adjectif
détermine l’expression du conflit du fait que le sujet énonciateur exprime la qualité des
femmes qu’il n’aime pas. Si on entre dans le détail de cet énoncé, on se rend compte que
l’énonciateur (Alhadji) à répudier ses femmes parce qu’elles se négligeaient. Cet adjectif
épithète « négligées », au nom « femmes » qualifie alors la femme à travers son
comportement non excusé par l’énonciateur (Alhadji) qui aboutit très souvent à leur
répudiation.

Il en est de même pour l’énoncé (54) : « Aissatou les yeux tristes poussa un soupir ».
Mais ici l’adjectif « tristes » ne renvoie pas à l’énonciateur mais à son objet d’énoncé.
Il utilise l’adjectif péjoratif « tristes » pour montrer d’abord l’état d’âme d’Aissatou et
en plus la personnalité d’Aissatou qui est influencée. Le conflit se manifeste par le
désaccord des personnages de cet énoncé et exprimé à travers cet adjectif affectif à

58
valeur péjorative. La tristesse est ici la source de la mésentente, le désaccord, et surtout
le conflit entre Aissatou et Alhadji qui se dégage à travers cet adjectif affectif « tristes ».

➢ Les adjectifs à valeur évaluative


Les adjectifs évaluatifs sont des mots impliquant un jugement de valeur de celui
qui s'exprime. Dans ce stade l’énonciateur cherche à faire partager les valeurs avec son
co-énonciateur et lui fait admettre son point de vue. Les adjectifs évaluatifs appliquent
une évaluation qualitative ou quantitative de l'objet par le substantif qu'ils déterminent.
Kerbrat (1980 :97) pense que :

l’usage d’un adjectif évaluatif est relatif à l’idée que le locuteur se fait de la norme
d’évaluation pour une catégorie d’objets donnée. C’est-à-dire qu’une phrase telle
que « cette maison est grande » doit être paraphrasée en : « cette maison est plus
grande que la norme de grandeur pour une maison d’après l’idée que je m’en faits
(elle-même fondée sur mon expérience personnelle des maisons) ».

L’adjectif évaluatif se divise selon Kerbrat en deux catégories à savoir : adjectif


évaluatif axiologique et adjectif évaluatif non axiologique. Il est vrai que les termes qui
gravitent l’adjectif subjectif abrite de l’ambigüité terminologique comme l’affirme
Kerbrat (1980 : 94) dans ses notifications :

Notons le flou qui entoure les termes utilisés pour désigner les différentes
catégories d’adjectifs « subjectifs » ( et corrélativement, le découpage lui-même de
ces catégories) : certains restreignent l’emploi d’« évaluation » aux seuls
axiologiques (Pupier 1998), d’autres appellent « Appréciatif » ce que nous
appelons « évaluatif », ( Rivara 1977 et 1984 ).

Nous nous alignons derrière la thèse de Kerbrat pour classifier les catégories des
adjectifs. Si nous prenons l’énoncé (51) : Depuis quelques temps, Moustapha avait des
ambitions bizarres. P. 68, l’adjectif « bizarres » est l’évaluation péjorative des
ambitions de Moustapha

➢ Les adjectifs évaluatifs non axiologiques


Cette classe d’adjectif est spécifiée par la mise en évidence des certains critères tels
que leur caractère graduable (comparaison, couleur), leur possibilité d’être employés en
structure exclamative. Selon Kerbrat (1980 :96-97) :
cette classe comprend tous les adjectifs qui, sans énoncer de jugement de valeur,
ni d’engagement affectif du locuteur (du moins au regard de leur stricte définition
lexicale : en contexte, ils peuvent bien entendu se colorer affectivement ou
axiologiquement), impliquent une évaluation qualitative ou quantitative de l’objet

59
dénoté par le substantif qu’il déterminent, et dont l’utilisation se fonde à ce titre sur
une double norme :
(1) Interne à l’objet support de la qualité ;
(2) Spécifique du locuteur- et c’est dans cette mesure qu’ils peuvent être considérés
comme « subjectifs » »

L’adjectif évaluatif non axiologique consiste à évaluer la quantité et la qualité de


l’objet qu’il détermine. Il n’admet pas à priori l’affection du locuteur, ni un jugement de
valeur. C’est dans son contexte qu’il devient affectif ou axiologique.

➢ Les adjectifs évaluatifs axiologiques à valeur péjorative

Tout comme l’adjectif non axiologique, l’adjectif axiologique est spécifié par la
mise en évidence des certains critères. Mais sa différence est qu’il détermine un
jugement sur la valeur négative ou positive. Kerbrat (1980 :102) avait bien établi cette
comparaison en disant : « à la différence des précédents (les adjectifs non axiologiques),
les évaluatifs axiologiques portent sur l’objet dénoté par le substantif qu’ils déterminent
un jugement de valeur, positif ou négatif »

Les adjectifs axiologiques consistent donc à porter un jugement de valeur sur l’objet
selon qu’il soit positif ou négatif.

Dans l’œuvre WAPM les énoncés évaluatifs dont les sujets de l’énonciation
expriment le conflit, sont souvent marqués par l’usage des adjectifs évaluatifs
axiologiques à valeur péjorative comme dans les énoncés (49), (51), (52) et (53) :

(49) : Mais comment as-tu pu être aussi mesquine Nafi ? Ne m’adresse plus la
parole espèce de traitre ! p. 30,
(51) : « Depuis quelques temps, Moustapha avait des ambitions bizarres. p. 68,
(52) : Fou de rage, Moustapha fit tomber brutalement la petite table dans sa
chambre, mais la vue de ses livres éparpillés au sol ne lui procura qu’une mine
consolation.,

(53) : le pater est finalement devenu fou. p.70

Dans ces énoncés, nous remarquons que tous les adjectifs renvoient aux
jugements ou alors à l’évaluation dépréciative soit de son co-énonciateur soit sur
l’énoncé proprement dit. À travers ces adjectifs, le locuteur ou énonciateur cherche soit
à évaluer, soit à juger son interlocuteur ou l’objet à qualifier. Si nous prenons l’adjectif
60
« mesquine » de l’énoncé (49), on se rend compte que cet adjectif qualifie Nafi de
personne médiocre, qui manque de générosité, sans valeur. Cet adjectif est à valeur
péjorative, il détermine un jugement de valeur négative.

Contextuellement, cet adjectif a servi au locuteur (Mounira) de déterminer et de


juger négativement Nafi pour avoir accepté de devenir la coépouse de la mère de sa
meilleure amie. Si nous entrons dans la profondeur du contexte, nous constatons qu’en
réalité l’adjectif « mesquine » nous permet de comprendre plus facilement et
simplement qu’il s’agit du conflit entre Mounira et Nafi. Du simple fait que cet adjectif
exprime un désaccord de Mounira vis-à-vis du comportement déplorable de Nafi, un
comportement non apprécié par Mounira.

Dans l’énoncé (51), L’adjectif qui explicite le discours du conflit est l’adjectif
évaluatif axiologique à valeur péjorative « bizarres ». L’énonciateur exprime son esprit
conflictuel à travers l’adjectif évaluatif axiologique « bizarres ». Le locuteur ici est le
père de Moustapha c’est-à-dire Alhadji qui exprime son désaccord à l’ambition de
Moustapha qui est celle de devenir pilote au lieu de se marier et devenir commerçant.
L’adjectif « bizarres » ici évalue les ambitions des jeunes en particulier celle de
Moustapha de devenir pilote, d’où son accord au pluriel (bizarres).

Quant aux énoncé (52) et (53), l’expression du conflit se manifeste d’abord à


travers l’adjectif mise en apposition « fou de rage » qui exprime l’attitude de Moustapha
face à la décision de son père. Cet adjectif est produit par l’énonciateur pour évaluer le
comportement conflictuel de Moustapha face à la décision de son père. Et l’adjectif
« fou » exprimé par l’énonciateur (Moustapha lui-même) qualifie maintenant son propre
père. Alors tous ces adjectifs nous facilitent la compréhension plus aisée du discours du
conflit dans l’œuvre Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal.

Les adjectifs affectifs et évaluatifs révèlent une présence discrète et manifeste de


problème dans cet œuvre. Ces opérateurs énonciatifs (les adjectifs affectifs et évaluatifs)
mobilisent l’ensemble sous-jacent d’une technique implicite de l’instance énonciative
dans l’œuvre Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli. Ils démontrent un
engagement expressif plus ou moins explicite qui renvoie concrètement à la présence du
conflit.
61
2.3.2- Les adverbes

La présence de l’énonciateur dans son énoncé se manifeste à travers les adverbes


de subjectivités. L’adverbe est un mot invariable, une catégorie grammaticale qui
portent sur un nom, un adjectif, une préposition, un autre adverbe, un verbe. Les
adverbes de modalisation peuvent être une modalité appréciative ou dépréciative
subjective ou bien une modalité épistémique c’est-à-dire portée sur le savoir. Les
adverbes de modalité nous renseignent sur l’énonciation et l’attitude du locuteur par
rapport à son propre énoncé et ceci grâce aux modalisateurs de l’énoncé. Dans notre
corpus, nous allons analyser les différents énoncés qui de portent des adverbes qui
modélisant la compréhension du discours de conflit. C’est dire que certains adverbes à
travers le contexte utilisé déclinent leurs messages vers un objectif clair en l’occurrence
celui du conflit qui est présent dans l’œuvre Walaandé, l’art de partager un mari de
Djaïli Amadou Amal. Faure Laurent l’a bien précisé en disant : « Ce qui caractérise
l’énoncé c’est précisément l’intentionnalité énonciative plus que la dimension formelle
: un énoncé doit être dit ou écrit pour communiquer ». Évidemment, un énoncé a
toujours une intention communicative, une idée de signifier quelque chose, et ceci grâce
aux modalisateurs comme les adverbes. Alors ces adverbes loin d’être un art poétique
c’est-à-dire juste pour le beau du langage, ils dégagent l’idée et l’intention de
l’énonciateur. Nous avons quelques énoncés qui relèvent les adverbes qui expriment le
conflit :

(55) : Sriafata ! viens immédiatement balayer mon salon ! p. 26


(56) : Ne m’adresse plus jamais la parole, espèce de traitre ! p. 30
(57) : Ne t’amuse plus jamais à me parler sur ce ton. p. 42
(58) : Donne-moi la télécommande tout de suite Nasser ! p. 54
(59) : Franchement je ne sais plus à quoi pensent les jeunes d’aujourd’hui. p. 66
(60) : Je ne vais certainement pas épouser cet idiot d’Amadou et aller vivre dans la
concession de l’oncle Daouda… Non mais c’est inadmissible ! Je n’accepterai
jamais ! p. 70
(61) : Les mariages sont des affaires d’hommes, fit Alhadji sévèrement. p. 67

L'adverbe « immédiatement » de l’Énoncé (55) est un adverbe de manière. Comme


l’affirme Maingueneau (2001 :40) : « l’adverbe de manière porte sur le seul syntagme

62
verbal ». L’adverbe « immédiatement » désigne la manière d’être rapide, une imposition
faite vis-à-vis de son interlocuteur. L’adverbe laisse entendre que les personnages de
l’énoncé ont un problème idéologique. Si on entre dans le contexte, l’adverbe
« immédiatement » est produit dans le texte par Djaïli qui ordonne à Sriafata d’obéir à
son ordre et pourtant cette dernière est sollicitée à ménager ailleurs. Pour montrer son
opposition et son influence sur Sriafata, Djaïli recours à l’adverbe de manière
« immédiatement » dans son discours. Cet adverbe joue un grand rôle dans la
compréhension du message du conflit. Le locuteur (Djaïli) oblige son interlocuteur
(Sriafata) de venir très rapidement, un appel contre son gré à travers une pression sans
pardon, une imposition qui n’admettra pas de retard.

Il en va de même pour les énoncés (56), (57) et (58), respectivement :

- Ne m’adresse plus jamais la parole, espèce de traitre ! p 30

-Ne t’amuse plus jamais à me parler sur ce ton. p 42

-Donne-moi la télécommande tout de suite Nasser ! p 54

Dans ces énoncés, il s’agit des locutions adverbiales : « plus jamais » et « tout de
suite ». Ces locutions expriment comme l’adverbe « immédiatement » le temps et
l’imposition des lois à l’interlocuteur. Elles traduisent une dictature, une imposition et
bien évidemment le conflit.

L’adverbe de vérité « franchement » dans l’énoncé (59) : « Franchement je ne


sais plus à quoi pensent les jeunes d’aujourd’hui », l’adverbe de certitude
« certainement » dans l’énoncé (60) : « Je ne vais certainement pas épouser cet idiot
d’Amadou et aller vivre dans la concession de l’oncle Daouda… Non mais c’est
inadmissible ! Je n’accepterai jamais ! », portent chacun une idée de conflit. Tout
d’abord, le modalisateur « franchement » renvoie à ferme conviction et certitude sur le
mauvais choix des jeunes, qui renvoie à l’opposition d’Alhadji envers la mentalité des
jeunes d’aujourd’hui.

Pour nous faire comprendre bien le rôle de l’adverbe, Maingueneau (2001 : 40)
fait la différence entre les adverbes dit « de phrase » ou « modalisateurs » et les
« adverbes de manière ». Pour lui : « les adverbes de phrase portent sur l’ensemble de
63
l’énoncé alors que les adverbes de manière sur le seul syntagme verbal. Les uns
permettent de l’évaluer du point de vue de sa vérité (peut-être, sans doute,
certainement), d’autres sont appréciatifs (heureusement, par chance …) ». Ensuite de
ces termes qui portent sur l’énoncé, il y en a qui portent sur l’énonciation elle-même.
C’est le cas de l’énoncé (59) : « franchement, je ne sais plus à quoi pensent les jeunes
d’aujourd’hui ». L’adverbe « franchement » qualifie l’acte même de dire « je ne sais
plus à quoi pensent les jeunes d’aujourd’hui », l’image qu’entend en donner
l’énonciateur. Dans cet énoncé, l’énonciateur exprime son désaccord vis-à-vis de la
réflexion des jeunes actuels. Cet adverbe exprime de manière implicite le conflit, parce
que si on s’en tient au contexte de l’énoncé (59), Alhadji exprime sa position qu’il
considère pour modèle, celle qui n’est pas appréciée par les jeunes d’aujourd’hui et qui
est controversée par son fils Moustapha. L’adverbe « franchement » est donc une
opposition nette à l’idée des jeunes et de Moustapha en particulier.

2.3.3- Les verbes modalisateurs

Quant aux verbes, l’énonciateur se pose comme centre d'évaluation et source de


subjectivité. Le dictionnaire Encyclopédique Petit Larousse illustré (1984 : 1058) le
définit comme : « mot dans une proposition, exprime l’action ou l’état du sujet et porte
des désinences de temps et de mode ». Le verbe pourrait être donc le lieu d’identifier la
position de l’énonciateur ou le sujet parlant selon son énoncé. On pourra identifier son
intention à travers les verbes de modalisation qui sont d’ailleurs des excellents
modalisateurs de la subjectivité aussi.

La modalisation elle-même peut être considérée comme le fait de produire un


énoncé qui détermine une énonciation positive ou négative par le choix des verbes de
jugement, sentiment et d'opinion. L’œuvre Walaandé, l’art de partager un mari de
Djaïli décrit le conflit entre les personnages, et ce conflit est exprimé de manière claire
à travers les différents modalisateurs en l’occurrence les verbes de modalisation. Le
texte comporte plusieurs énoncés au sein desquels se trouvent des verbes de
modalisation, mais nous avons relevé juste quelques fragments ci-dessous :

(62) : Mais comment un homme que j’ai aimé, qui semblait si cultivé et si moderne
a-t-il pu changer aussi subitement et aussi complètement en quelques années ? p.
14

64
(63) : Je t’en prie Djaïli, laisse Sriafata m’aider. p. 26
(64) : Mouni je te jure. p. 27
(65) : C’est ma maison si tu désires encore y vivre, c’est tant mieux. p. 42
(66) : J’ai cru que j’allais mourir. p. 52
(67) : La cinquième n’a pas supporté que j’épouse Djaïli. Et j’avoue que ça m’a
arrangé. p. 61
(68) : Elle ne prenait pas soin d’elle et je déteste une femme négligée. p. 61
(69) : Elles devraient deviner que je regrette toutes ces erreurs. p. 63
(70) Alors choisis sur le champ celui que tu préfères. - Je n’aime aucun d’eux… p.
88
(71) : Je préfère mourir que de l’épouser. p. 88

Dans ces énoncés, nous allons prendre quelques verbes qui expriment la
subjectivité du locuteur dans son discours du conflit, et nous allons donner des détails
possibles.

Les verbes de modalisation indiquent l’engagement de l’énonciateur comme l’a


dit Maingueneau (1991 : 115) : « des « préfixes » verbaux qui indiquent l’engagement
de l’énonciateur à l’égard de son énoncé : estimer, croire, être d’avis… leur valeur
crucialement du sujet auxquels ils sont associés (il suffit de comparer « certains estiment
que… » et « j’affirme que… » (…) ». Les verbes de modalisation expriment la position
exacte de l’énonciateur vis-à-vis de son énoncé. C’est la raison pour laquelle nous
confirmons que certains verbes de modalisation de l’œuvre Walaandé, l’art de partager
un mari de Djaïli Amadou Amal marquent la présence du conflit dans les différents
discours produits ; un conflit qui désigne la confrontation psychologique et verbale des
personnages et des énonciateurs.

D’abord le verbe « détester » dans l’énoncé (68) renvoie au sentiment de haine


de l’énonciateur (Alhadji). Ce verbe traduit alors le conflit sentimental entre deux ou
plusieurs personnes. Le verbe « détester » s’oppose directement au verbe « aimer » qui
quant à lui marque l’amour et la conciliation entre deux ou plusieurs personnes. Dans
les différents énoncés relevés dans le corpus, nous avons les verbes sembler « semblait »
de l’énoncé (62) renvoie à l'anormalité, qui renvoie à l’état pessimiste du locuteur ; le
verbe prier « en prie » de l’énoncé (63) exprime la demande d’indulgence du locuteur,

65
bien entendu sous le coup de la menace ; le verbe désirer « désires » de l’énoncé (65)
exprime le gout du choix de l’énonciateur; le verbe croire « j’ai cru » de l’énoncé (66)
renvoie à la croyance conjuguée au passé composé de l’indicatif marquant une
opposition entre un fait passé et présent, une idée incertaine à la réalité vécue ; le verbe
avouer « j’avoue » de l’énoncé (67) est un verbe qui exprime la certitude du locuteur ;
le verbe devoir « devraient » de l’énoncé (69) est un verbe qui exprime une opposition
à la norme d’idée, elle indique l’exemple à suivre; le verbe aimer « je n’aime » de
l’énoncé (70) exprime le dégout du locuteur envers l’offre proposée à son égard, l’ajout
de l’adverbe « ne… pas » le rende synonymique au verbe « détester »; le verbe préférer
« préfère » de l’énoncé (71) exprime le choix du locuteur vis-à-vis de la proposition.

Si nous entrons dans le contexte de ces verbes, nous voyons que l'emploi de verbe de
sentiment «je déteste » conjugué au présent de l’indicatif et à la première personne du
singulier montre que l’énonciateur a été affecté négativement par le comportement de
son co-énonciateur. Ces genres de verbes marquent la présence de l'énonciateur au sein
de son énoncé. Le verbe « déteste » exprime son état d’âme et son sentiment tout en
cherchant à démontrer le conflit qui y règne entre lui et son interlocuteur (ex-épouse qui
s’est négligée). Une opposition qui exprime certainement le conflit. D’ailleurs son
opposition est exprimée à travers le verbe de sentiment à valeur péjorative « déteste »,
et qui dit opposition dit conflit car on s’oppose à une personne qui défend une idée et
ces idées forment deux camps qui chacun défend le tient avec énergie, par conséquent
exprime le conflit.

Si nous prêtons bien attention à ces verbes, nous constatons qu’ils décrivent en
grande majorité des faits oppositionnels soit face à un interlocuteur, soit face à l’objet
mis en scène. Ils expriment toujours des idées négatives. Vue alors leur valeur tendant
vers une description de la négation, nous dirons que ces modalisateurs verbaux renvoient
à l’expression du conflit dans le texte WAPM.

2.3.4- Les noms de qualité

Les substantifs ou encore comme Maingueneau (2001 : 38) les appelle « les noms
de qualité » ont leur existence dans les actes d’énonciation. En réalité, leur référence
n’est que dans l’énonciation. C’est une qualification ou encore une attribution de nom à

66
un personnage prétendu interlocuteur ou co-énonciateur. En dehors de l’énonciation, le
nom attribué à cette personne n’existe pas ; Maingueneau (2001 :39) le démontre en
disant :

les noms de qualité n’ont de référent que par les actes d’énonciation des sujets. « Le
perfide ! » désigne une personne que je traite de « perfide » et qui n’est perfide que
par mon énonciation. En dehors d’une énonciation particulière, il n’existe pas une
classe d’êtres perfides, imbéciles, benêts… qu’on puisse délimiter à priori.

Le nom de qualité n’est exclusivement que dans un énoncé et sa présence exprime


une subjectivité comme l’affirme encore Maingueneau (2001 :39) : « Il suffit
qu’apparaisse ce type de nom pour qu’il faille restituer cette subjectivité, source de
l’appréciation ».

C’est dire que l’attribution d’un nom à une personne ou à un personnage de


l’énoncé passe par une justification de lien sémantique entre cet individu et le prédicat
qui lui est affecté ou alors par une attitude conflictuelle qui existe entre l’énonciateur et
le co-énonciateur. On attribut pas de nom de qualité à valeur péjorative dans le vide de
sens, il y a toujours une raison quelconque, une sémantique à la base. Dans le texte de
Djaïli Amadou Amal, l’attribution de nom de qualité exprime le conflit qui existe entre
les personnages d’interlocution.

Pour identifier les noms de qualité, Maingueneau propose deux méthodes à


savoir : la méthode syntaxique et la méthode sémantique que nous appliquerons dans
notre œuvre corpus. Mais à la différence, nous nous baserons sur les noms exprimant le
conflit.

Du point de vue de la syntaxique, Maingueneau les identifie grâce à la propriété


qu’ils ont de pouvoir figurer dans deux propositions singulières. Maingueneau (2001 :
39) démontre les structures basées de la manière : « celle + Nom de qualité + de + Nom
(ce perfide de compte), et en incise à différents endroits de la phrase (il lisait, en riant,
le perfide !) ».

La proposition sur la description syntaxique des noms de qualité selon


Maingueneau semble raisonnable à travers l’exemple de l’énoncé extrait de Walaandé,
l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal :

67
(72) : « … cet idiot d’Amadou… ». p. 70

Si nous comparons à la règle syntaxique des noms de qualité que propose


Maingueneau, il est claire que : « cet » = « celle » + « idiot » = « Nom de qualité » +
« d’» = « de » + « Amadou » = « Nom ».

Du point de vue sémantique, les noms de qualité sont différents des noms ordinaires.
Du fait que ces derniers ont de signification stable et non pas une dépendance de
l’énoncé. C’est toujours Maingueneau (2001 : 39) qui affirme :

À Ces particularités syntaxiques sont associées des particularités sémantiques qui


les séparent des noms ordinaires. Alors que ces derniers possèdent un signifié
relativement stable, indépendant de telle ou telle énonciation singulière et qui
permet de leur attribuer une classe de référents virtuels.

Les noms de qualité apparaissent sous diverses formes de subjectivité telles que
le jugement, l’appréciation, la qualification, et même les injures. Leur apparition dans
un énoncé ou discours explicite le message selon qu’ils soient positifs ou négatifs. C’est
le cas des différents noms de qualité dans les énoncés extraits de l’œuvre Walaandé,
l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal :

(73) : Je ne vais certainement pas épouser cet idiot d’Amadou et aller vivre dans la
concession de l’oncle Daouda. p. 70
(74) : Je ne veux pas épouser Moubarak. C’est un voyou. – Tu penses que je vais
épouser un sale type comme toi. – Je ne veux pas t’épouser non plus, petite peste
impolie. p. 71
(75) : Ne me parle pas de lui, coupa Djaïli. Ce n’est qu’un traitre. p. 40
(76) : Elle était restée une villageoise malgré nos années en ville. p. 60
(77) : C’est à moi que tu t’adresses ainsi petit voyou ? p. 77

Dans ces énoncés, nous avons les noms de qualité « un idiot », « un voyou », «
une petite peste », « un sale type », « petit voyou » qui sont en réalité les qualificatifs
des personnes physiques. En dehors de cet énoncé, ces personnes ne sont ni idiot, ni
voyou, ni sale, encore moins une peste.

La manifestation simple de ces noms traduit clairement une expression du conflit.


Le contexte de ces différents énoncés nous en dit plus sur leur fonction d’exprimer le
conflit.

68
Prenons l’exemple de l’énoncé (73), on voit que le substantif « cet idiot » donne
une mauvaise image d’Amadou, une qualification négative trahissant l’esprit conflictuel
du locuteur (Fayza) envers son interlocuteur sur l’idée de leur mariage forcé. Cet attitude
ne plait pas du tout à Fayza, cette dernière s’enflamme sur son cousin Amadou en le
qualifiant d’« idiot ». Pourtant nous savons que son cousin Amadou est un homme qui
répond au nom de Amadou et non comme l’a-t-elle baptisé d’« idiot ».

L’énoncé (74) en fait pareille à travers les injures partagées entre Fayza et
Amadou à travers les substantifs : « sale type, petite peste, voyou ». La sémantique de
ces substantifs trahit l’esprit conflictuel des interlocuteurs. Chacun sort des
qualifications et donne à chacun d’entre eux des noms autres que les leurs.

Quant à l’énoncé (76), il renvoie au discours d’Alhadji Daouda à son


interlocuteur Amadou. Le substantif « petit voyou » qualifie Amadou. Le locuteur le
manifeste dans l’intention conflictuelle suite au refus d’Amadou d’épouser sa cousine
Fayza.

Nous confirmons alors que les noms de qualité ou les substantifs à valeur
péjorative expriment la subjectivité dans l’énonciation. Il suffit qu’apparaissent ce type
des noms dans un énoncé pour qu’il faille savoir cette subjectivité renvoyant au discours
de conflit. Et sans doute ces noms de qualité expriment soit une appréciation positive
soit une appréciation négative. Dans le cadre de notre corpus nous avons relevé quelques
substantifs en qualité d’appréciation négative qui expriment le conflit. Et ces noms de
qualité sont les moyens qui nous permettent des savoir la présence du conflit ou alors
l’expression de conflit dans les discours ou énoncés du corpus. Ils traduisent soit le
mépris soit l’attaque conflictuelle du co-énonciateur.

69
CHAPITRE 3 : LES MARQUEURS POLYPHONIQUES ET LES IMAGES

Dans cette partie, nous identifierons les différentes voix qui manifestent le conflit
dans un discours. Dans le cadre général, la polyphonie a vu ses jours par les travaux
littéraires de Bakhtine M. (1970 ). L’objectif de la polyphonie de Bakhtine est de décrire
la mise en scène de la parole dans le roman. Plus tard que Ducrot s’est inspiré de la
polyphonie de Bakhtine et dans le développement de l’idée de la polyphonie linguistique
que Oswald Ducrot (cf. 1980, 1984) s’est laissé inspirer des travaux littéraires. Par sa
propre théorie de la polyphonie, Ducrot vise à construire un cadre qui représente « une
extension (très libre) à la linguistique des recherches de Bakhtine sur la littérature »
Ducrot ( 1984 : 173). Dans la construction de ce cadre, il s’inspire également de J.
Authier (1978) et de M. Plénat (1979) sur le discours indirect libre (Ducrot 1984 : 173).
Son objectif déclaré est la contestation de « l’unicité du sujet parlant », une position qui
constitue un préalable implicite de « la linguistique moderne » Ducrot (1984 : 171). Il
distingue alors le sujet parlant (individu empirique), le locuteur (responsable de ses
énoncés) et l’énonciateur (instance de parole représenté, « mis en scène » par le
locuteur). Les cas de discours rapporté ou d’implicite sont des cas emblématiques de la
polyphonie. Carel et Ducrot (2009 : 33-43) identifient deux conceptions opposées
auxquelles se rattachent le plus souvent les partisans actuels de la polyphonie : celle
qu’ils nomment « attitudinale » consiste à soutenir que le locuteur, dans la plupart des
énoncés, présente plusieurs contenus et prend vis-à-vis d’eux des attitudes diverses ; une
autre conception, appelée « musicale », consiste à comprendre la polyphonie comme la
co-existence de plusieurs paroles à l’intérieur d’un seul énoncé, ce qui « correspond à
une interprétation presque littérale du mot « voix » ».

La polyphonie est donc la mise au point de deux ou plusieurs voix dans un énoncé
donné. En réalité, la principale préoccupation de la polyphonie est d’identifier le sujet
énonciateur. En plus de cet objectif que pose la polyphonie, nous trouvons encore
nécessaire d’ajouter un autre objectif ; celui d’indiquer le conflit entre les voix présentes
dans l’œuvre Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal. La
polyphonie linguistique, telle qu’introduite par Ducrot, doit se comprendre dans ce cadre
de travail, comme un phénomène relevant des instructions posées par la signification.

70
La polyphonie associée au conflit ne peut être qu’une fonction purement des signes
énonciatifs et même pragmatiques. La voix entant que force locutoire qui s’y rapporte,
fonctionne pour une part comme un symptôme conventionnel entre la voix qui s’y
apparait et le point de vue de cette voie (énonciateur). Et cette convention est effective
grâces aux indices ou alors les modalisateurs appropriés du conflit dans le texte corpus.
Pour identifier dont le discours de conflit dans le texte de Djaïli Amadou Amal, nous
commencerons par l’analyse de l’implicite des énoncés ensuite l’analyse des figures de
style et enfin l’analyse du discours rapporté.

3.1- Les implicites

L’implicite renvoie à ce qui n’est pas dit dans un énoncé en terme clair et que
l’interlocuteur doit comprendre par lui-même. Les locuteurs du discours ou énoncé
décident souvent de passer sous silence certaines informations d’opposition, de nuire,
de choquer, de raillerie, bref une information conflictuelle. Ils n’expriment pas
formellement leur pensée, il faudra déduire, deviner, pour comprendre une information
à partir d’un terme ou d’un contexte. L’étude de l’implicite consiste à l’analyse des
présupposés et de sous-entendus dans un discours ou énoncé.

3.1.1- La présupposition
La présupposition est un acte de parole surajouté à l'acte posé. Il s’agit d’une
analyse qui prend son élan de l’acte posé. La présupposition est liée à la sémantique des
mots ou des verbes ; elle est produite par le message linguistique donné et bien
évidemment inscrit dans la langue. Kerbrat, (1986 :25) entend par la notion de
présupposé « toutes les informations qui, sans être ouvertement posées, sont cependant
automatiquement entrainées par la formulation de l’énoncé dans lequel elles se trouvent
intrinsèquement inscrites ». C’est dire que dans un énoncé implicite présupposé, il existe
des informations qui explicitent les différentes voix manifestant le conflit qui est
possible à travers une analyse de l’énoncé ou de discours.

Pour Ducrot (1984), l’analyse de la présupposition se base souvent d’une part sur
les verbes factifs comme cesser ou regretter et d'autre par le connecteur puisque. En

71
fait, les verbes factifs ont un sens tel qu'il y a nécessairement une présupposition sur
laquelle porte la prédication, parce que l'un des arguments sémantiques de cette
prédication est un contenu propositionnel plutôt qu'un individu.

À travers ces éléments linguistiques traduisant une multiple voix, ou alors, à


travers le présupposé, nous identifions dans l’œuvre Walaandé, l’art de partager un
mari, une expression du conflit. Une manifestation de conflit à travers les voix
conflictuelles qui s’identifient dans les présupposés du discours. Il s’agit de
l’interprétation que ce dernier donne à un énoncé ou discours du locuteur. Déjà à travers
une interprétation, nous envisageons de pluralité des voix dans l’énoncé interprété.
Nølke H. (2008) en se basant sur la théorie Polyphonie linguistique Scandinavienne
précise que si l’objet de recherche de la ScaPoLine est la langue et le potentiel
polyphonique qui s’y trouve en vertu de ses instructions, la polyphonie doit tout de
même être considérée comme un phénomène d’interprétation. « La polyphonie fait
partie du sens que l’allocutaire attribue au texte qu’il entend ou lit. Il arrive qu’un texte
qui est polyphonique pour tel interlocuteur ne le soit pas pour tel autre » Nølke (2008 :
129). La voix collective à qui est attribué ce point de vue est le produit des instructions
interprétatives. Il n’est pourtant pas sûr que le sujet parlant fournisse un tel indice. Par
contre, si nous basons notre analyse sur les éléments linguistiques et contextuels à la
fois nous verrons que le référent exprimé par les voix de l’énoncé ne sera pas redoutable
comme l’affirme Nølke. Prenons l’exemple de l’énoncé exprimé par Alhadji s’adressant
à Djaïli ci-dessous :

(78) : Ne t’amuse plus jamais à me parler sur ce ton. P. 42

Présupposition : elle lui parlait avec un mauvais ton.

On voie une présentation de deux protagonistes : une femme qui a parlé avec un
mauvais ton à un homme et un homme qui avertit. Si on entre dans le contexte de ce
discours isolé, il s’agit de discussion entre le père de famille (Alhadji) et sa deuxième
épouse (Djaïli) sur le sujet de la nouvelle décision d’Alhadji d’épouser une nouvelle
femme (Nafissa). Décision non concevable par sa deuxième femme pour qui son mari
ne devait pas ajouter une femme sur elles, synonyme de la jalousie et qu’il ne devait pas
épouser une femme qui travail et encore qui exige vivre hors de la grande maison. Le
72
présupposé tel que manifesté exprime la voix cachée grâce à laquelle le locuteur réagit.
À travers ce présupposé, les voix apparaissent et de même le conflit qui tire son sens
selon la sémantique de l’énoncé présupposé.

Selon Ducrot (1972), trois critères principaux permettent d’identifier la fonction


des présupposés : d’abord, leur conservation dans le jeu de questions et de réponses,
ensuite leur redondance dans le discours (dont ils assurent la cohésion), enfin
l’extériorité qu’ils gardent par rapport à l’enchaînement des énoncés (auxquels ils
fournissent seulement un cadre). L’information présupposée est difficile à contester ;
elle est présentée comme une information qui va de soi, « un déjà dit » qui se réactualise
dans une nouvelle énonciation. Selon la conception de Ducrot, la présupposition est
constituée de deux actes d’énonciations hiérarchisés. La présupposition permet ainsi de
« dire sans dire ». C’est-à-dire, dire c’est qui est déjà dit mais d’une autre manière et
aussi au temps passé.

Les énoncés possèdent bien évidemment, en plus de leur contenu asserté, un ou


plusieurs contenus implicites qui viennent s’attacher à l’explicite. Notre point de vue
part du fait qu’on formule bien souvent des énoncés comme celui du texte WAPM ; au
sein duquel apparaissent certaines informations comme les voix des différents
énonciateurs et l’expression du conflit à travers ces mêmes voix. L’interprétation d’un
énoncé ne devait donc pas seulement rendre compte au sens de Kerbrat Orecchioni
(1986), du sens explicite littéral de celui-ci, mais des différents sens implicites que
masque l’énoncé. En d’autres termes, il s’agit des informations implicites (les voix en
conflit) retenues au sein de l’énoncé sans y être formellement exposées. L’étude de
l’implicite présupposé dans le texte de Djaïli nous permet de dévoiler la présence des
voix en conflit. En claire il s’agit de montrer que les voix implicites de certains énoncés
dans l’œuvre Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal expriment
le conflit. C’est le cas de l’énoncé de Nafissa qui s’adresse à Sakina :

(79) : Arrête de te venter et de donner des leçons parce que tu as fait un peu d’étude.
p. 14

Présuppose : elle se vantait et donnait des leçons aux autres parce qu’elle est instruite.

73
Cet exemple nous fait manifester deux voix au sein de l’énoncé de Nafissa.
D’abord la voix du locuteur physique (Nafissa) ensuite celle qui est implicite, qui a posé
son acte bien avant et reconnu grâce au présupposé (Sakina). Le présupposé de cet
énoncé exprime la voix de celle qui cherche à dominer les autres femmes (coépouses).
La voix qui est détectée à travers le présupposé de l’énoncé vient nous confirmer la
présence de conflit entre ces interlocuteurs.

Nous avançons dans notre analyse avec l’exemplification ; mais bien avant ces
éventuels exemples tirés de l’œuvre WAPM, nous allons d’abord présenter quelques
éléments linguistiques qui nous facilitent l’identification des présupposés qui indiquent
la polyphonie conflictuelle dans les énoncés. Comme nous le constatons, Ducrot se base
sur la polyphonie linguistique et c’est aussi raison pour laquelle on fixera aussi notre
analyse sur le présupposé sémantique.

La présupposition sémantique se base sur les découvertes de la logique et de la


philosophie du langage mise au point par les linguistes dans le but de l'inventaire des
relations sémantiques. Pour mieux adopter les notions philosophiques à la description
du langage, ils ont introduit de petites modifications à la théorie de Strawson qui est
mise sur pieds bien avant, basée sur la présupposition. Cette première méthode
permettant d’identifier le présupposé dans un énoncé stipule que : Une assertion A
présuppose une autre assertion B si et seulement si, A est vraie, alors B est vraie et
encore si A est fausse, alors B est vraie. C’est une façon de dire qu’une assertion A
présuppose sémantiquement une autre phrase B si : dans toutes les situations dans
lesquelles A est vraie, B est vraie et si encore dans toutes les situations dans lesquelles
A est fausse, B est vraie. Nous prenons l’exemple ci-dessous :

(80) : Arrête de me contredire toi aussi. p. 67

Présupposés (80-1) : elle l’a contredite

Présupposés (80-2) : Elle ne l’a pas contredite

Nous constatons dans cet exemple alors que le présupposé (80-1) de l’énoncé est
vrai alors que le présupposé (80-2) de l’énoncé n’est pas vrai.

74
Nous le rappelons encore que le but de l’analyse des présupposés des énoncés
dans ce travail est de détecter les voix qui, à travers lesquelles décline l’expression du
conflit dans le texte ou dans l’énoncé de l’œuvre WAPM

La deuxième méthode qui nous permet d’identifier les présupposés des énoncés
qui reflètent les voix exprimant le conflit dans le texte est de certains linguistes comme
Frege, Fillmore et bien d’autres appellent les activeurs des présupposés. Les activeurs
sont des éléments linguistiques grâce auxquels on admet une présupposition d’un
énoncé. Ils nous permettent d’identifier avec aisance et rapidité le présupposé d’un
énoncé donné. Ces éléments dans le cadre de la polyphonie permettent aussi d’identifier
les voix mises en œuvre et surtout de savoir la qualité de la relation qu’elles administrent
dans l’énoncé donné. Karttunen, (1973 :169-193) a synthétisé les présuppositions
décrites par divers auteurs tout en recueillant plusieurs types d'activeurs de la
présupposition. Nous avons ici quelques exemples des activeurs de présupposé
traduisant la multiplicité des voix qui expriment le conflit :

D’abord, l’activeur de présupposition des descriptions définies de Strawson :


(81) : d’accord ! tu es répudiée ! gronda – t- il furieux. p. 127

Présuppose : il existe un homme qui est furieux et qui gronde.

Disons que cet exemple montre le rôle incontournable de la description définie


dans le processus de détection de voix et de référent dans un énoncé. Certes elle permet
de définir et de donner une direction à la présupposition mais sa sémantique nous laisse
exprimer les voix et la nature de leur relation. À travers cet exemple, nous identifions la
présence de deux voix en conflit.

D’abord la voix grondée, une voix qui est soumise qui n’est manifestée qu’à
travers la voix qui est contre elle ou alors c’est une voix qui est influencée par une autre
voix, ensuite la voix qui gronde et furieuse, une voix qui est manifestée à travers
l’énoncé descriptif. Cette description nous permet d’identifier dans cet énoncé une
présupposition qui manifeste deux voix opposées exprimant une tension.

75
Ensuite, les verbes vecteurs des présupposés qui peuvent être de plusieurs sorte :
verbes faitifs, Verbes implicatifs, Verbes de changement d'état, Verbes de jugement,
itératifs etc. De tous ces verbes nous présentons juste quelques-uns :

Les verbes de changement d'état (Sellers, Karttunen). Ce sont les verbes qui, à travers
leur présence dans un énoncé, permettent de montrer un changement d’action ou d’état
du réfèrent et même des personnes d’énonciation. On les appelle verbes de changement
d’état parce qu’ils indiquent dans un énoncé que telle ou telle personne était telle
précédemment mais maintenant elle ne l’est plus. Nous prenons les exemples ci-
dessous :

(82) : il faudrait que tu arrêtes de t’habiller de cette manière. p. 76

Présupposé 1 : il s’habillait de la mauvaise manière

(83) : il faut que vous changiez toutes les deux. p. 77

Présupposé 2 : elles avaient un mauvais comportement

(84) : il faut que vous commenciez chacun à chercher une boutique au marché. p. 77

Présupposé : ils n’avaient pas de boutique au marché

Tous ces verbes expriment le changement d’état dans le présupposé de l’énoncé. Il


existe plusieurs verbes qui expriment le changement d’état et qui peuvent décliner le
référent de l’énoncé vers la présence des voix en conflit qui sont : arrêter, cesser,
changer, continuer, commencer etc. dans un énoncé, ces verbes exposent les voix
présentes dans un énoncé implicite et expriment la qualité de la relation qui les lie.

Nous dirons qu’en plus de verbes de changement d’état, nous avons dans un
énoncé implicite les verbes de jugement :( accusé, critiquer, condamner, excuser,
acquitter, etc.), verbes faitifs : (savoir, être fier de, être content du fait que, être triste
pour/ parce que, etc.), les verbes itératifs :( encore une fois, remonter, retourner,
répéter, parfois etc.) et les verbes implicatifs. À côté des verbes activeurs de
présupposition, nous avons encore comme activeurs de présupposition dans l’énoncé,
les Propositions temporelles qui s’occupe des syntagmes introduits par des prépositions
temporelles, comme avant, pendant, quand, depuis, etc. ; les phrases scindées : ce

76
procédé s'appelle en français mise en relief, les comparaisons et divergences ; enfin les
interrogatives (Katz 1972, Lyons 1977), les phrases interrogatives partagent certaines
présuppositions avec leurs homologues affirmatives, mais elles introduisent de
nouvelles présuppositions, d'un type assez particulier.

Les présupposés apparaissent comme un excellent moyen d’identifier le conflit dans


un discours. Cependant, nous pensons qu’il serait de même pour les sous-entendus.

3.1.2- Le sous-entendu renvoyant au conflit

Les sous-entendus sont considérés comme des figures interactives. Dans le cadre
pragmatique, on peut les qualifier comme des implicatures comme le font bien Ducrot
1972 et Kerbrat-Orecchioni 1986 qui considèrent les sous-entendus comme des résultats
d’un raisonnement interprétatif. C’est un processus durant lequel on nécessite la
mobilisation des connaissances encyclopédiques. Les sous-entendus expriment à travers
une interprétation une polyphonie linguistique. Et dans le cadre de notre travail, nous
confirmons que certains sous-entendus indiquent la polyphonie tout en exprimant aussi
le conflit. Un conflit qui est manifesté par l’interprétation des voix des différents sous-
entendus des énoncés. Ainsi, quand Yasmine reproche à son père en disant :

(85) : je préfère mourir que de l’épouser » p. 88.

Les destinataires c’est-à-dire son père et le lecteur seront susceptibles (sous


certaines conditions contextuelles) d’inférer le sous-entendu que son père ne devrait pas
l’obligée à épouser l’homme qu’elle n’aime pas et qu’elle est contre l’avis de son père
et surtout elle est prête à tout faire que d’accepter prendre pour époux cet homme, le
prétendu mari est laid, le monsieur n’est pas son genre, elle n’est pas prête pour le
mariage... Ici, ces sous-entendus laissent entendre deux voix en conflit ou alors une
présence des voix en discussion ( celle de Yasmine qui défend son idée et celle de son
père qui impose sa loi ). Cette polyphonie conflictuelle dépend justement de la
connaissance contextuelle et linguistique. L’explicitation des voix des interlocuteurs
(Yasmine et son père) est alors l’œuvre de l’implicite sous-entendue. Les sous-entendus
dégagés de cet énoncé montrent qu’il s’agit de la réaction négative de Yasmine à un

77
point de vue d’imposition de son père. D’où né la polémique ; les voix en discussion
dans un énoncé.

On voit donc que les voix peuvent apparaître dans le processus interprétatif tout
en exprimant leur référent comme celui du conflit dans l’œuvre Walaandé, l’art de
partager un mari de Djaïli Amadou Amal. Une interprétation basée sur les éléments
linguistiques en l’occurrence la sémantique de l’implicite qui régissent dans l’énoncé de
départ. Autrement dit, les sous-entendus peuvent occasionner des interprétations qui, en
fonction des circonstances énonciatives et de la mémoire discursive, perçoivent d’autres
voix comme parties intégrantes du sens discursif exprimant le conflit.

Dans le cadre de notre travail le sous - entendu reste un moyen qui exprime une
double fonction : celle de la polyphonie et celle du conflit. D’abord, l’expression du
conflit par sa mise en interprétation et l’analyse des points de vue des personnages de
l’énoncé. La manifestation des points de vue laisse entendre qu’il existe des voix
présentes dans l’énoncé. Ensuite la manifestation des points de vue dans l’œuvre
Walaandé, l’art de partager un mari expriment le conflit. Les points de vue exprimés à
travers les voix des personnages de ces énoncés expriment le conflit. Prenons l’exemple
de l’énoncé d’Alhadji qui s’adresse à sa femme Djaïli ci - dessous :

(86) : tu ne poses plus jamais de question et ne fais pas de remarques ! p. 42

Sous – entendus : il n’aime pas ses questions ; les questions de Djaïli l’énervent ; elle
n’a pas droit aux remarques et questions ; il impose tout à sa femme ; il est un dictateur ;
il sera piégé par ses questions et remarques ; il lui a imposé quelque chose ; etc.

Ces différents sous- entendus relevés mettent en scène deux personnages qui ont
des idées opposées. C’est les points de vue de ces personnages qui traduit leurs voix qui
expriment le conflit. Il est clair que les points de vue ou les idées défendus dans un
énoncé laissent manifester les voix des personnages ainsi que les relations qui les lient.

Le sous -entendu est considéré comme une visée que porte un lecteur ou récepteur
sur un énoncé donné. Il s’agit de l’interprétation qu’on administre à un énoncé
manifesté, et dans le cadre d’expliciter les parties cachées de l’énoncé. Nous savons que
nous ne pouvons pas expliciter tout ce qu’on veut véhiculer dans un énoncé brut, il sera

78
toujours impératif de courir après les sous-entendus pour déceler le message et le
contenu de l’énoncé. C’est pourquoi l’énoncé implicite sous-entendu porte plusieurs
interprétations. C’est dire que l’énoncé implicite peut avoir un seul présupposé mais
plusieurs sous-entendus. Considérons l’exemple de l’énoncé de Mouni adressé à Nafissa
ci-dessous :

(87) : comment as-tu pu être aussi mesquine Nafi ? Dire que ma mère te considérait
comme sa propre fille et tu t’empresses d’épouser mon père. p. 30

Sous – entendus : Mouni est fâchée contre son amie Nafi ; Mouni n’aime pas que Nafi
soit la coépouse de sa mère. Nafi a fait du mal à la mère de Mouni en partageant le mari
avec sa propre mère. Il n’est pas digne que Nafi épouse le mari de la personne qui
s’occupait d’elle depuis son enfance ; Nafi n’est pas une bonne amie ; Nafi est
méchante ; Nafi doit refuser le mariage avec le père de son amie ; Mouni est contre ce
mariage ; Mouni défend l’intérêt de sa mère ; etc.

Nous avons donné plusieurs impressions que donne l’énoncé à travers ces sous-
entendus. En réalité, c’est ce que voulait dire Mouni à travers cet énoncé (87) de
départ : « comment as-tu pu être aussi mesquine Nafi ? Dire que ma mère te considérait
comme sa propre fille et tu t’empresses d’épouser mon père ». Les sous-entendus de cet
énoncé laissent entendre à la fois l’influence de Mouni sur son amie Nafi et aussi une
opposition de points de vue de ces deux interlocuteurs. C’est la raison pour laquelle on
dit que le sous-entendu dans les énoncés de Mouni laisse entendre une pluralité des voix
exprimant le conflit.

Le présupposé et le sous–entendu sont deux implicites qui d’après leur analyse


dans l’œuvre Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal laissent
manifester la polyphonie qui exprime le conflit entre les personnages de ladite œuvre.

3.2- Les figures de style

Les figures de style constituent les moyens nécessaires dans l’analyse rhétorique et
stylistique. Stolz Claire, (2006 :141) à travers Moulinié comprend par figure de style
comme : « lorsque l’effet de sens produit ne se réduit pas à celui qui est normalement
engagé par l’arrangement lexical et syntaxique occurrent », et Nicolas Laurent

79
(2OO1 :34). Pour rendre plus claire la définition de Stolz Claire comprend par figure de
style comme :

Ensemble majeur dans l’univers de la stylistique et de l’analyse de l’art


verbal. Entrant dans une stratégie de la motivation du discours, elles
suscitent l’idée d’une totalité dans laquelle sens et forme sont étroitement
solidaires. Le stylisticien aura pour tâche de repérer les occurrences et de les
organiser en étant particulièrement sensible à la manière dont chaque figure
résonne, se développe éventuellement, dans les limites du contexte.

Cet auteur considère les figures de style comme des éléments de discours ou
d’énoncé qui sont constitués de sens et forme qui ont un lien étroit. Il s’agit d’apport
stylistique des figures de style dans un texte littéraire de sens selon la forme et sens qui
les animent. Nous n’allons pas oublier le côté contextuel de ces outils linguistiques.
Chaque type de figure est apte à produire des effets particuliers. Barthes (1994) le
résume ainsi :

…par les figures nous pouvons connaître la taxinomie classique des passions […]
Par exemple : l’exclamation correspond au rapt brusque de la parole, à l’aphasie
émotive ; […] l’ellipse, à la censure de tout ce qui gêne la passion ; […] la répétition
au ressassement obsessionnel des « bons droits » ; l’hypotypose, à la scène que l’on
se représente vivement, au fantasme intérieur, au scénario mental (désir, jalousie
etc.). (Barthes 1994 : 330-331 cité dans Amossy 2012 : 245).

Elles prennent le sens selon le contexte. C’est donc pourquoi on les considère
comme des éléments linguistiques qui permettent d’identifier plus clairement le discours
ou énoncé polyphonique du conflit. Les figures telles l’ironie, aposiopèse, astéisme
qu’expriment les voix manifestant le conflit dans l’œuvre Walaandé, l’art de partager
un mari de Djaïli Amadou Amal.

3.2.1- L’ironie

Selon sa sémantique, la forme canonique de l’ironie que prévoit Mercier-Leca


(2003) correspond à la formule : « dire A pour signifier le contraire de A ». L’ironie
dans son sens générique est issue de la raillerie, elle amène une forme d’expression
souvent antiphrastique, dans laquelle le locuteur fait mine de reprendre à son compte les
propos de l’adversaire qu’il attaque, en dénonçant le scandale. Dans le cadre
polyphonique de Maingueneau D. (2001 :84), l’ironie stipule que : « un terme pris en
« mention » est autonyme, c’est-à-dire se désigne lui-même, tandis que pris « en

80
usage »il vise un référent différent de lui ». L’ironie est ici considérée comme une
« mention ». Pour mieux comprendre ce terme, Maingueneau (2001 :84) l’explique en
disant : « dire que l’ironie est une « mention », c’est considérer qu’elle n’est pas, comme
pour la rhétorique, une « figure », une antiphrase par laquelle on dirait le « contraire »
du sens littéral, mais une sorte de citation, la mention du propos d’un locuteur qui dirait
quelque chose de déplacé. ». La manifestation du discours ironique vient de ce qu’il
superpose deux voix, celle du locuteur et celle de l’énonciateur qui est raillé polyphonie,
qui met à distance le discours cité, pour en faire jaillir le mal. Étant une expression
d’assentiment et de louange, l’ironie dénonce et blâme. C’est le cas dans les énoncés
suivants :

(88) : Je pense plutôt qu’Aminou aura besoin d’une perfusion fait Sakina sceptique.
Il est déshydraté et c’est peut-être…
Djaïli qui vient de s’assoir, arrange nonchalamment sur ses jambes la magnifique
tunique brodée d’or qu’elle a revêtue, l’interrompt moqueuse.
Madame le docteur a fait son diagnostic !

Djaïli, personne ne t’a parlé, rétorque Sakina. p. 14

Dans cet extrait, Djaïli exprime son discours ironique à travers l’énoncé (89) :
« Madame le docteur a fait son diagnostic », qui, sémantiquement semble être un éloge
en la personne de Sakina, une façon de lui donner une louange à travers le titre de
« docteur », titre honorifique dans la médecine et la science en générale. Mais en réalité,
tel n’est pas le cas, il s’agit d’une expression d’assentiment, qui est pur et nette une
provocation de la part de Djaïli. Elle est une expression qui suscite en son auditeur ou
co-énonciataire une réaction conflictuelle, qui sert à une revendication de la part du co-
énonciataire. C’est pourquoi dans la suite du discours ironique de Djaïli, son
interlocuteur (Sakina) exprime sa réaction défensive (90) : « Djaïli, personne ne t’a
parlé… ».

À côté des éléments contextuels de cet énoncé ironique, nous prenons aussi
l’aspect typographique notamment sur la ponctuation comme l’affirme Stolz
Claire (2006 :62): « l’auteur peut également jouer sur la ponctuation (notamment point
d’exclamation ou points de suspension) pour marquer la distanciation ironique ». Le

81
point d’exclamation de cet énoncé donne à ce discours une idée claire de la moquerie de
la part de Djaïli.

L’ironie présentée dans ce texte nous permet d’identifier les voix en conflit dans
un discours. Ce discours ironique traduit alors le conflit qui règne entre Djaïli et Sakina.
Cette figure macrostructurale est le vecteur de la manifestation du conflit qui existe entre
ces deux personnages de l’œuvre Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou
Amal. Elle nous a servi de voir l’attaque systématique de Djaïli, de savoir la raillerie qui
existe entre Djaïli et Sakina, de savoir l’hypocrisie de Djaïli en faisant semblant de
donner les éloges à Sakina, de voir la figure du conflit à travers la figure ironique et
enfin de voir un beau discours renvoyant au conflit à travers la figure de l’ironie.

3.2.2- L’Aposiopèse

Selon Robrieux (1993 :76), l’aposiopèse est : « une interruption brusque dans un
discours destiné à marquer une hésitation, une émotion ou une menace ». Elle marque
une réticence à continuer une phrase, qui traduit une émotion, exprime une menace, ou
n’est pas besoin d’être terminée pour être comprise tout simplement. L’aposiopèse
institue une connivence entre narrateur et lecteur ou alors entre le locuteur et le
récepteur. C’est une figure d’énonciation et de dialectique qui manifeste clairement la
pluralité des voix dans un discours. Mais Robrieux estime qu’on peut la classer parmi
les figures de pensée dans la mesure où elle traduit, le plus ou moins naturellement
l’intention de ne pas formuler une partie de discours.

Nous prenons d’abord le cas des aposiopèses qui expriment les voix conflictuelles
traduisant la suite de la pensée comprise :

(91) : Tu ne poses plus jamais de question et ne fais pas de remarques !


- J’ai compris

- Ou alors je te répudie… p. 42

Dans cet exemple, il s’agit de menace faite à la personne de Djaïli par son époux
Alhadji. L’aposiopèse manifestée par Alhadji à travers l’énoncé (92) : « Ou alors je te
répudie… » marque la parfaite compréhension de la suite de cette phrase ; qui est
simplement de la refouler de la maison si elle continue de poser de question.

82
L’aposiopèse à ce niveau n’est pas violente comme dans son intégrité de violer la
douceur, mais elle exprime une douce violence qui fait quand-même mal. On parle d’une
douce violence parce qu’on admet en cette figure une violence verbale ou alors elle
manifeste un discours agressif ; par contre dans l’énoncé précédent, elle exprime juste
une opposition des idées. Puisque si on en tient au contexte de cet énoncé, Djaïli a envie
de riposter à la décision de son mari mais elle ne pourra pas le faire car elle est déjà
influencée à travers un discours de choix. L’aposiopèse manifestée dans cet extrait
exprime alors les voix de Alhaji et Djaïli dans leurs états conflictuels.

Il en va de même dans cet énoncé de Nafi qui s’adresse à Sakina :

(93) : Tu promets que tu ne diras rien à personne ? Si jamais Alhadji l’apprend…

- Je n’en parlerai pas ! je te le promets ». p. 51

Nafissa dans l’énoncé (94) : « Tu promets que tu ne diras rien à personne ? Si jamais
Alhadji l’apprend… » a interrompu son discours parce qu’elles se comprennent avec
Sakina, donc elle n’a pas besoin de finir. En réalité cette aposiopèse montre qu’il y a de
la réticence entre elles et Alhadji, c’est pour dire que Sakina sait déjà ce que voulais dire
la suite du discours non terminé de Nafissa. En même temps, cette aposiopèse montre le
caractère agressif d’Alhadji. Il parait qu’elles se méfient de lui. Cette rupture du discours
de Nafissa traduit le caractère impulsif qui n’est pas à décrire. C’est dire alors que
l’aposiopèse de cet énoncé exprime la compréhension entre Nafissa et Sakina tout en
permettant l’identification de l’idée du conflit qui est entre Alhadji et ses épouses.

Par contre dans d’autres énoncés, l’aposiopèse exprime une interruption brusque
sous la menace de l’interlocuteur. C’est le cas de l’énoncé :

(95) : Je ne pouvais pas refuser. C’est mon grand-frère. Je te charge d’annoncer à


Yasmine qu’elle est promise à Moubarak et Fayza à Amadou. D’ailleurs ce sont des
bons partis.
- Mais…
- Arrête de me contredire toi aussi. Qu’est-ce que vous avez toutes à vouloir donner
votre avis depuis un certain temps ? Les mariages sont les affaires d’hommes, fit
Alhadji sévèrement. p. 67

Dans ce dialogue, l’aposiopèse se manifeste à travers la réponse d’Aissatou (96) :


« Mais… ». Ce mot considéré déjà comme la phrase inachevée, elle est produite par

83
Aissatou. Si on avance jusqu’à la phrase (97) : « Arrête de me contredire toi aussi.
Qu’est-ce que vous avez toutes à vouloir donner votre avis depuis un certain temps ?
Les mariages sont les affaires d’hommes, fit Alhadji sévèrement », on constate qu’en
réalité, Aissatou n’a pas interrompu sa phrase volontairement, elle l’a fait parce qu’elle
a reçu la menace et l’instruction d’arrêter de continuer ce discours. Si on entre dans le
détail, il ne sait pas et ne veut même pas savoir son apport dans cette idée émise par lui.
Il s’agit ici de l’aposiopèse qui exprime le conflit entre Alhadji et Aissatou. Une
aposiopèse due à la menace d’Alhadji. Elle manifeste clairement le discours du conflit.

Il en va de même pour Sakina qui est interrompue doublement sous les nerfs par
Alhadji dans les énoncés suivants :

(98) : Ce n’était pas dans mes intentions, je voulais juste…


- Tu voulais quoi ? Leur faire vivre la vie de débauche que tu menais avant que je
ne t’épouse ?
- Ce n’est pas juste de dire…
- Va-t’en ! sors ! Et surtout, que je ne te revois plus chez moi avant de t’avoir
convoquée. p. 89

Une expression du conflit à travers ces aposiopèses des énoncés tels que :

(99) : Ce n’était pas dans mes intentions, je voulais juste…

(100) : Ce n’est pas juste de dire...

Le premier énoncé produit par Sakina pour se justifier n’a pas vue sa fin à cause
de la menace d’Alhadji, une menace faite pour empêcher Sakina d’arriver à la fin de sa
justification tout en lui donnant des directives interrogatoires qui n’ont pas de lien avec
ce qu’elle allait dire. Le deuxième énoncé produit toujours par Sakina pour donner un
jugement de la pensée d’Alhadji n’a pas vu également sa fin car à peine son début,
Alhadji l’interrompt en s’enflammant et la chasse de sa maison. Les deux aposiopèses
manifestées dans ces énoncés expriment le conflit entre Alhadji et Sakina.

Le dernier énoncé exprime aussi deux aposiopèses :

(101) : Baaba…

84
- Ne m’interromps pas ! tu iras ce matin avec Abdou visiter mes boutiques au marché et
tu choisiras celle qui te conviendra pour y installer ton bureau. p. 87

Ici tout se joue sur l’énoncé « Baaba… ». D’abord la phrase inachevée elle-même
renvoie à une réaction de Moustapha qui interrompt le discours de son père. Ici
Moustapha estime comprendre déjà la suite du discours moins intéressant de son père,
d’où son interruption « Baaba… ». Et son père à son tour interrompt son fils Moustapha
en l’interdisant de l’interrompre. Ces aposiopèses traduisent la mésentente sur un point
(mariage forcé) entre le père (Alhadji) et son fils (Moustapha). Une mésentente qui
exprime le conflit. L’aposiopèse exprimée dans cet énoncé est matérialisée par les points
de suspension. Dans cet énoncé, elle est l’expression d’un discours interrompu par son
interlocuteur, elle est donc l’élément clé qui manifeste le conflit dans cet énoncé.

3.2.3- L’astéisme

L’astéisme renvoie au procédé antiphrastique. C’est une figure de style qui


renvoie à une manière d’adresser ou d’exprimer le compliment déguisé en reproche.
Pour exprimer leur lien avec le persiflage, Robrieux (1993 :62), définit l’astéisme en
disant : « l’astéisme est, à l’inverse, une manière d’adresser un compliment déguisé en
reproche ».

En se basant sur l’idée de Robrieux (1993), nous dirons que l’astéisme exprime
dans le texte WAPMDAA les multiples voix des personnages de discours exprimant le
conflit. Nous prenons l’exemple suivant :

(102) : Mais ! Mais ! voilà mon adorable fiancée ajouta -t- il en apercevant Fayza qui
le foudroya du regard (…). p. 71.

Cet exemple est un discours d’Amadou qui s’adresse à Fayza tout en lui faisant le
compliment déguisé : « mon adorable fiancée » p. 71. Ce compliment n’est pas en
réalité dans son bon sens. Amadou le manifeste dans ce discours pour exprimer plutôt
le contraire. Contrairement au persiflage, qui est un discours agressif, l’astéisme lui reste
un discours souple et la manifestation de l’agressivité ; mais de manière ironique renvoie
à un reproche. C’est donc le cas du discours d’Amadou mentionné ci haut. Ce discours
à première vue renvoie à une expression d’amour, une qualité agréable de la jeune fille,

85
un esprit d’entente et d’admiration pour sa fiancée. Par contre Ahmadou exprime ses
mécontentements envers l’idée du mariage avec sa cousine, une fille dont il connait bien
la mentalité agressive, il commence par la provoquer à travers ce discours ironique.
Amadou veut juste exprimer le contraire de ce qu’il énonce. Ceci revient à dire qu’en
réalité, pour Amadou, Fayza n’est jamais adorable, il le dit juste pour la provoquer afin
qu’elle s’énerve. Alors nous confirmons que l’astéisme exprime le conflit dans le texte
WAPMDAA.

3.3- Le discours rapporté

Les discours rapportés direct et indirect libre sont selon Bakhtine (1977) sont les
prototypes de l'intégration du discours d'autrui et donc des énoncés polyphoniques. Avec
Roulet et al. (1985), où l'on admet implicitement qu'il s'agit bien de constituants
monologiques polyphoniques. La difficulté dans ce dernier modèle réside dans la
définition de l'intervention, qui est censée d'une part comprendre au moins un acte de
langage, accompagné éventuellement d'actes subordonnés interactivement. Ces parties
de discours identifient les expressions de conflit dans les énoncés de WAPMDAA. C’est
dire que le discours direct et le discours indirect sont l’expression de plusieurs voix en
discorde dans le texte de Djaïli.

3.3.1- Le discours direct

Le discours direct est le fait qu’un locuteur soit fidèle à l’énoncé d’autrui.
Maingueneau (2001 :95) le considère comme :

la reproduction fidèle du discours cité, le locuteur constituant ainsi une sorte de


magnétophone idéal. En réalité, le propre du discours direct c’est qu’un même
« sujet parlant » se présente comme le « locuteur » de l’énonciation X a dit : « … »
mais sans déléguer la responsabilité du propos rapporté à un second « locuteur »
celui du discours rapporté.

À travers cette définition, Maingueneau montre la reprise du discours du premier


locuteur par le second locuteur. Stolz pour rendre claire ce propos dit :

le discours direct dissocie nettement deux situations d’énonciation : celle du discours


citant (le texte narratif introducteur) et celle du discours cité. C’est pourquoi le
discours cité conserve sa propre actualisation (les personnes, les temps et de manière
générale tous les embrayeurs ainsi que sa modalité). Stolz, (2006 :117-118).

86
À entendre Maingueneau et Stolz, le discours direct est un énoncé qui renferme deux ou
plusieurs voix : un premier locuteur qui présente de manière assourdie son discours et
un second qui est responsable d’extérioriser de manière physique l’énoncé du premier
locuteur tout en restant fidèle à ses propos.

Nous constatons alors qu’à travers ce discours, les voix qui se manifestent dans le
texte de Djaïli expriment le conflit. Il est question de montrer qu’à travers ce procédé
linguistique on détecte la relation qui lie les voix manifestes de l’énoncé. Il porte au sein
de lui une certaine subjectivité langagière. Il exprime malgré la présence de la distance
une mise en scène à l’intérieur de la parole, une manière de présenter une citation, mais
en aucune façon une garantie d’objectivité, (Maingueneau, 2001 :95). Nous prenons
l’exemple ci-dessous :

(103) : Folle de rage, elle cria : tu es au courant de cette histoire de mariage ? Non
mais c’est une plaisanterie ! Il n’est pas question que je tombe dans ce panneau. Je ne
vais certainement pas épouser cet idiot d’Amadou et aller vivre dans la concession de
l’oncle Daouda. Lui qui exige que toute ses femmes et ses brus revêtent la longue robe
noire et se voilent jusqu’aux yeux. Non mais c’est inadmissible ! je n’accepterai
jamais ! mieux vaut mourir. P. 70

(104) : Ne me parle pas de lui, coupa Djaïli. P. 40


Dans ces discours, les verbes introducteurs, « elle cria » et « coupa Djaïli » nous
ont permis sur le plan sémantique d’identifier la polémique ou alors le conflit dans cet
énoncé.

Sur le plan syntaxique, les énoncés au discours direct que nous avons présenté
nous exposent deux propositions et, apparemment, de deux actes de langage.
Formellement, le second n'est pas subordonné au premier, ni syntaxiquement ni
interactivement : on ne peut donc pas le considérer comme un constituant subordonné
d'une intervention dont l'acte directeur inclurait le verbe de dire. Mais on ne peut pas
non plus considérer qu'il s'agit de deux interventions liées par une relation dialogique.
Les deux énoncés sont en fait liés, comme l'a montré Banfield, A. (1982), par une
relation anaphorique, qui ne relève ni de l'interactivité ni du dialogisme. L'énoncé
rapporté est coréférentiel d'un pronom abstrait à objet du verbe de l'énoncé introducteur,
lequel n'est donc pas une intervention complète c’est le cas de l’énoncé :

(105) : Ne me parle pas de lui, coupa Djaïli. p. 40.

87
Pour des raisons analogues, cet énoncé ne peut pas comporter deux interventions, car
« ne me parle pas de lui » remplit la position syntaxiquement obligatoire d'objet du
verbe « coupa ».

Bien qu'il n'y ait pas subordination syntaxique dans le cas du discours direct il
constitue une seule intervention mais bien entendu au sein duquel apparaissent plusieurs
voix exprimant à la fois le conflit dans les différents discours du texte.

3.3.2- Le discours indirect libre

En dernier lieu, nous avons le discours indirect libre qui différent aussi des discours
direct et indirect qui est une forme de citation plus complexe, mais plus souple qui
semble être une tentative de cumuler les deux autres discours comme l’a affirmé
Maingueneau (2001 : 103). Du point de vue de la structure du discours, un énoncé au
style indirect libre n'est pas subordonné à un constituant pourvu d'un énonciateur, bien
qu'il soit coréférentiel avec un constituant d’énoncé qui n’est pas manifesté
physiquement. Il y a introduction d'un nouveau centre de perspective, distinct de celui
de l'énonciateur principal d'un récit antérieur. Ce centre de perspective ou sujet de
conscience ne rapporte pas ou ne feint pas de rapporter une énonciation. Mais peut ne
faire que rapporter le contenu d’une pensée ou d'un sentiment : le style indirect libre est
fait de « phrases imprononçables » (unspeakable sentences), pour reprendre les termes
de Banl'icld A. C'est-à-dire d'énoncés sans énonciateur.

Notre objectif dans cette partie est celui de montrer à travers certains énoncés de
l’œuvre Walaandé, l’art de partager un mari qu’il existe de conflit entre les personnages
de cette œuvre et ceci est visible à travers les voix qui apparaissent dans le discours
indirect libre. Pour le faire, nous nous alignons d’abord derrière Maingueneau (2001 :
105) qui à son tour a pris l’appui sur des travaux de Bakhtine qui soutient que dans le
discours indirect libre il existe deux voix distinctes à savoir la voix du narrateur et la
voix du personnage : « dans le prolongement des perspectives se Bakhtine M. on a peu
à peu réalisé que dans ce type de citation. On n’était pas confronté à une véritable
énonciation mais qu’on entendait deux voix inextricablement mêlées, celle du narrateur
et celle du personnage ».

88
En s’appuyant sur cette idée, nous allons prendre un exemple de l’œuvre
Walaandé, l’art de partager un mari, qui pourrait justifier une telle thèse. Mais bien
avant cela, nous rappelons encore que dans le cadre de notre travail, il ne s’agit pas
d’identifier simplement les voix qui existent dans un discours indirect libre du texte,
mais plutôt identifier les voix qui expriment le conflit dans un discours indirect libre. En
d’autres termes, il s’agit de déterminer à travers le discours indirect libre les voix qui
manifestent le conflit.

Nous prenons les exemples ci-dessous :

(106) : mais comment allait-elle évoluer ? Pendant qu’il voyageait et rencontrait


d’autres personnes, elle était restée fidèlement à la maison. Elle ne lui avait jamais fait
un seul reproche même quand il avait épousé Mairamou. p. 60

(107) : Sakina, depuis le décès de Yasmine, n’avait pas fermé l’œil. (…) elle était si
jeune si gentille. Elle portait le nom de la plus parfumée des fleurs, elle était aussi belle
que Jasmine. p. 111

(108) : Alhadji, devant ses amis, faisait bonne figure même si au fond de son cœur, il
était triste à mourir. Il savait qu’elles avaient raison mais ne pouvait décemment
revenir en arrière et le reconnaître. p. 130

Dans ces exemples de discours indirect libre, l'énonciateur principal s'efface


complètement derrière la voix intégrée ; hors co-texte, il est impossible de repérer un
énonciateur et de fait, ce type d'énoncé polyphonique n'est attesté pratiquement que dans
des textes littéraires où peut se construire la représentation d'un monde extérieur à tout
énonciateur. Mais, dans les exemples attestés, le co-texte contient un verbe de dire ou
de pensée régissant un objet direct vide coréférentiel avec les énoncés rapportés au style
indirect libre. De ce point de vue, le style indirect libre est semblable au discours direct
et on peut aussi rapporter une expression non phrastique comme au discours direct et
contrairement au discours indirect.

Cet exemple montre également que les voix ne sont pas des véritables locuteurs.
Nous sommes d’accord que ces voix identifiées ne sont pas des véritables locuteurs ;
c’est-à-dire il ne s’agit pas des voix physiques des locuteurs mais plutôt leurs points de
vue. Maingueneau avait fait aussi mention :

si l’on adopte les termes de Ducrot (…) on dira qu’on perçoit deux « énonciateurs »
mis en scène dans la parole du narrateur, lequel s’identifie à l’une de ceux deux
« voix ». Ce ne sont pas deux véritables locuteurs, qui prendraient en charge des

89
énonciations, des paroles, mais deux « voix », deux « points de vue » auxquels on ne
peut attribuer aucun fragment délimité du discours rapporté. Le lecteur ne repère cette
dualité que par la discordance qu’il perçoit entre les deux « voix », discordance qui lui
interdit de tout rapporter à une seule distance énonciative

Si Maingueneau pense que le discours indirect libre exprime la polyphonie qui se


dégage à travers le point de vue, nous nous profitons derrière ce point de vue déterminé
dans l’énoncé pour savoir la relation ou alors le rapport qu’entretiennent ces voix ou
points de vue. C’est bien à travers cet élément qu’on perçoit la présence du conflit dans
le texte de Djaïli Amadou Amal.

Le discours direct et indirect libre permettent d'isoler le segment d'énoncé


attribué à une voix autre que celle de l'énonciateur: la proposition qui suit le verbe de
dire comme dans les énoncés du discours direct, qui a la forme d'une intervention mais
qui est coréférentielle d'un élément de l'intervention dont elle fait en réalité partie; la
subordonnée complétive comme dans le discours indirect, qui ne peut pas avoir le statut
d'intervention; et l'unique proposition de comme dans le discours indirect libre,
syntaxiquement indépendante est bien entendue pragmatiquement subordonnée, comme
l'indique le temps du verbe.

Dans ce chapitre, il était question d’identifier le conflit dans le texte de Djaïli à


travers les éléments énonciatifs. Comme toute énonciation implique une certaine attitude
de l'énonciateur par rapport à son propre énoncé ou à son co-énonciateur, nous trouvons
que l’analyse de la modalisation permet d’identifier le conflit dans le texte de Djaïli
Amadou Amal grâce aux indices énonciatifs comme la modalité exclamative, la
modalité interrogative, la modalité impérative et la modalité assertive à travers les
modalités d’énoncé ; à travers les subjectivèmes tels que les adjectifs, les verbes de
modalité, les adverbes, les noms de qualité. Ces éléments d’énonciation trahissent
l’esprit conflictuel du locuteur vis-à-vis du récepteur. La pluralité des voix (polyphonie)
dans un discours à travers les implicites, les figures de style, le discours rapporté
trahissent aussi l’esprit conflictuel du locuteur à travers les manifestations subjectives
dans le discours. C’est dire alors que dans un discours, on peut identifier l’intention ou
le rapport qu’entretient le locuteur avec son interlocuteur, ou au lecteur est visible à
travers les éléments énonciatifs comme les subjectivèmes

90
Au terme de ce chapitre, il était question d’identifier le discours de conflit à
travers les éléments de la polyphonie. Il ressort de cette analyse que les éléments
linguistiques tels que l’implicite, les figures de style et le discours rapporté identifie les
voix qui expriment le conflit entre personnages dans un discours ou énoncé. D’abord
l’implicite à travers les présuppositions et les sous-entendus dans un énoncé ou dans un
discours facilitent l’identification des voix conflictuelles dans un énoncé. Ensuite les
figures de style comme l’ironie, l’aposiopèse, l’astèisme identifient les différentes voix
dans un énoncé et le lien qui leur uni. Enfin le discours rapporté à travers le discours
direct et le discours indirect libre participent aussi à l’identification les voix qui énoncent
le discours de conflit dans un énoncé ou discours. L’étude de la polyphonie dans le texte
de Djaïli Amadou Amal consiste donc à repérer les différentes voix dans ce texte afin
de déterminer la relation conflictuelle des personnages.

91
CHAPITRE 4 : LES PORTÉES DU DISCOURS CONFLICTUEL

Dans son œuvre, Djaïli Amadou Amal milite pour l’émancipation de la femme.
Pour y arriver, elle décrit avec clarté la souffrance de la femme des régions sahéliennes.
Mais bien avant elle Fonkoua Pièrre, (2006 :8) avait déjà souligné la bataille de la femme
africaine et celle du Cameroun en particulier pour la libération en disant :

De nos jours, la femme africaine en général et la femme camerounaise en particulier,


cherchent à se faire une place aussi bien dans sa vie privée que dans sa vie publique.
Même sans y être préparées, elles sont présentes dans les grandes luttes de libération.

Pour exprimer cet intérêt, Djaïli Amadou Amal met à la disposition des lecteurs
le discours à portée sociale, religieuse, culturelle et idéologique. La notion de portée est
beaucoup discutée en linguistique. Elle est conçue comme un phénomène syntaxique
(structural) ou sémantique, ou bien les deux. En nous basant sur les travaux de
Moeschler (1982), Moeschler et Reboul (1994), nous définissons la portée comme la
propriété structurelle et sémantique de certaines unités linguistiques comme la négation,
les adverbiaux de phrase, consistant à influencer (porter sur) d’autres unités d’une
phrase.

Dans notre travail, il s’agit d’étudier les discours conflictuels qui ont une portée
dans WAPMDAA. Une portée basée sur la signification et l’importance de son discours
ou de son énoncé. Elle est donc basée sur les différents énoncés ou discours et éléments
linguistiques qui sont des mécanismes inférentiels-interprétatifs (proches du système de
sympathie de Jouve (1992 : 124-32) et Rabatel, 1997 : 228-33), ces éléments sont
intéressants parce qu’ils installent le lecteur au cœur des personnages et du drame, et
aussi au cœur de la machine narrative, en sorte que cette identification ne fait pas que
ramener le lecteur à la situation du lu (Picard, 1986) ou du lisant ; mais qu’elle lui
permette, du cœur du drame qu’il reconstruit en se mettant à la place de chacun, de jouer
un rôle de lecteur lisant et interprétant (Jouve, 1986) étant à la fois dedans et dehors,
avec tous les personnages dont il lecteur est capable de reconstruire le point de vue et
au-dessus d’eux par sa mobilité, ce qui lui permet ainsi de dégager le sens du discours

92
ou énoncé. Ces discours et éléments linguistiques seront donc comme le dit Rabatel A.
(2007 : 360-361), l’objet de l’analyse

Énonciative interactionnelle ou (pragmatique) des récits, basée sur l’approche


énonciative/référentielle des différents PDV, permet ainsi au lecteur de pénétrer au
plus près des enjeux dramatiques, des conflits éthiques et des beautés esthétiques
du discours en épousant toutes les perspectives (celles des différents personnages
comme celle du narrateur) et en étant au plus près des sources énonciatives et des
enjeux qui résultent de ces manières de sentir, de parler, d’agir ou de raconter.

Et du langage portant les idées sociales, culturelles et idéologiques. Dans ce chapitre,


les langages sont les actions des différents personnages du récit qui opèrent le point de
vue du lecteur. Selon Rabatel, (2007 : 357-358) :

Le PDV permet en tant qu’activité cognitive de concevoir le mimétisme comme une


représentation, et cette activité configurant qui rend l’énonciateur à l’origine de la
référenciation d’autant plus crédible qu’elle est globale, intégrant non seulement les
actions ou les paroles des personnages, mais encore le prisme perceptif/cognitif à
travers lequel des scènes, des pauses, des sommaires sont appréhendés.

Cette dimension pragmatique explique que le discours ou récit alimente une


dimension argumentative indirecte (Amossy, 2006), c’est-à-dire qui ne repose pas sur
l’appareil logique de la démonstration et de la logique naturelle, mais sur des topoï, des
représentations doxiques qui alimentent une stratégie inférentielle certes moins
contrainte que l’argumentation logique à base syllogistique (Grize, 1990), mais
néanmoins dirigée par les instructions du texte, notamment la référenciation, en sorte
que les représentations orientent l’interprétation du destinataire, qu’il s’agisse du
lecteur, et, en amont, des inter-actants. Ces formes d’argumentation indirectes basées
sur les inférences sont particulièrement efficaces, dans la mesure où elles reposent sur
des manières de voir l’intention du sujet de l’énoncé dans le discours à travers les
rapports interpersonnels, dans la construction d'identités individuelles et de relations de
pouvoir, ou encore dans la configuration de savoirs et d'interprétations du monde
discursif ou énonciatif.

4.1- La portée sociale du conflit

Le discours ou langage n’est pas un fait gratuit. On note avec Rastier que « la
situation de communication n’est pas neutre, et ne peut être définie abstraitement. Elle
prend toujours place dans une pratique sociale, qui définit le discours dont relève le

93
texte » Rastier F., (1989:332). Cela dit, un fait langagier prend toujours sa source au
cœur d’un système de pensée, d’une organisation sociale, d’un environnement donné, à
partir des praxis énonciatives qui lui sont spécifiques. L’énoncé ou discours s’occupe
aussi de l’effet social selon la visée de l’énonciateur ou l’orateur. Ducrot, (1972 : 8)
souligne cette dimension sociale qui est relativement contrainte de l'acte de langage :

L’acte de parole n’est, en effet, dans les formes de civilisation que nous connaissons,
ni un acte libre, ni un acte gratuit. Il n’est pas libre, en ce sens que certaines
conditions doivent être remplies pour qu’on ait le droit de parler, et de parler de telle
ou telle façon. Il n’est pas gratuit, en ce sens que toute parole doit se présenter comme
motivée, comme répondant à certains besoins ou visant à certaines fins
.
À la suite de Ducrot, on comprend alors que Djaïli Amadou Amal met en scène ses
personnages pour un but social, elle leurs donne la parole de manière succincte pour
exprimer ses différents besoins de dénoncer le mal qui gangrène la femme sahélienne
comme celui de la polygamie, de la souffrance, de la dictature, de la violence, de la sous-
scolarisation et de la liberté.

4.1.1- La dénonciation de la polygamie

La polygamie est le fait d’avoir deux ou plusieurs femmes dans un foyer. Ou alors
c’est aussi le fait qu’une femme ait une ou plusieurs coépouses. Il est vrai que certaines
coutumes et religions accordent cet état de vie conjugale, mais Djaïli expose dans son
œuvre les tyrannies de la polygamie à travers certains énoncés. Elle la considère comme
un acte dévastateur de l’organisation et des projets des femmes. C’est le cas de l’énoncé
suivant :
(109) : Sakina avait pris conscience désormais qu’elle vivait dans un ménage
polygamique. Qu’elle partageait le même homme avec plusieurs femmes qu’elle
voyait tous les jours. Des femmes avec lesquelles elle vivait, mangeait, parlait,
discutait, plaisantait de fois. Des femmes qui partageaient le même lit que l’homme
auquel elle était liée par l’amour, l’amitié, une tendresse complice. Possessive, elle
n’arrivait plus à croire en son amour. Tous ses rêves étaient désormais éteints. Elle
suivait juste le mouvement, se laissait vivre sans espoir, sans projets. p. 24

Ce discours montre le désaccord de la femme envers la polygamie à travers la figure


d’énumération renvoyant aux actes qui, supposés être en intimité deviennent des actes
de partage avec ses coépouses, des personnes avec qui elle partage le vivre et certains
divertissements. Ce discours montre que la femme est choquée du fait que la polygamie

94
a fait d’elle une femme sans droit d’avoir à elle seule un mari, elle est obligée de partager
son mari avec d’autres femmes comme elle. Cette idée est bien visible à travers les deux
énoncés énumératifs bien contraires. D’abord le premier énoncé énumératif « Des
femmes avec lesquelles elle vivait, mangeait, parlait, discutait, plaisantait de fois. »,
ensuite le deuxième énoncé énumératif « Des femmes qui partageaient le même lit que
l’homme au quel elle était liée par l’amour, l’amitié, une tendresse complice ». Ces deux
énumérations semblent être complétifs sur le plan syntaxique mais sémantiquement, ils
expriment une opposition. Une opposition en ce sens que la femme ne voudrait pas
partager l’homme à qui elle exprime sa tendresse, son amour, son amitié avec d’autres
femmes avec lesquelles elle mange, elle parle, elle discute, elle plaisante.
La polygamie tel que vu par la narratrice, est un acte qui détruit l’amour de la
femme pour son mari, car elle sait que le cœur de son mari n’est pas à elle seule, c’est
un cœur partagé avec ses coépouses. La forme négative « n’…plus » et l’adjectif
qualificatif mis en apposition laissent beaucoup des images négatives de la polygamie
dans l’énoncé (110) : « Possessive, elle n’arrivait plus à croire en son amour ». D’abord
la négation exprime le contraire du posé : « Possessive, elle arrivait à croire en son
amour ». La forme négative de cet énoncé met la femme dans le désespoir d’aimer un
mari commun. L’énonciateur s’implique à travers cet adjectif mis en apposition. Il
qualifie le caractère d’une femme dans un foyer polygamique. Ces deux éléments
linguistiques exposent les méfaits de la polygamie dans l’œuvre WAPM.
L’anaphore étant une figure de répétition nous montre que la femme vie sans
espoir, tous ses projets se dessoudent et elle suit le rythme des activités de manière
moutonnière. C’est le cas quand elle reformule ce poème anaphorique :
(111) : Elle attendait juste !
Elle attendait son walaande.
Elle attendait que son walaande s’achève.
Elle attendait elle ne sait quoi.
Mais elle attendait quand même. p. 24

Cette répétition exprime l’anaphore comme Molinié George la définit « une


répétition (qui) joue sur des reprises de mots ou de groupes de mots entiers » (Molinié
George, 1993 :131). Elle exprime dans cet énoncé une vie inerte basée sur une attente
cyclique de la femme. La polygamie oblige la femme à continuer de manière répétitive

95
l’attente, une forme de vie qui n’est pas changeable. La femme vivante dans un foyer
polygamique doit attendre son tour sur toute activité de la maison (cuisine, mari,
parole,).
La polygamie est contestée sur tout le plan dans l’œuvre WAPM. Les personnages
exposent les méfaits de la polygamie. C’est le cas du désaccord de Kaya, amie intime
de Sakina, qui la réprimande dans l’énoncé ci-dessous :
(112) : Sakina, ne me dit pas que tu vas tomber dans ce panneau et devenir sa
quatrième épouse. Crois-tu que le ménage polygamique soit simple ? Ceux qui s’y
meuvent connaissent des contraintes, des mensonges et des injustices. Qu’as-tu à
attendre de ce mariage ? p. 18.

La réponse de la jeune Kaya traduit clairement son désaccord envers la vie


polygamique. Elle tire beaucoup des problèmes que vivent les foyers polygamiques à
travers l’énumération des problèmes qui gangrènent le foyer polygamique (113)
: « Ceux qui s’y meuvent connaissent des contraintes, des mensonges et des injustices ».
Cette énumération présente le lexique de la négation. La polygamie est donc selon cette
énumération un fait négatif. D’ailleurs, la famille d’Alhadji, personnage principal de
l’œuvre WAPM reste un exemple typique de foyer polygamique qui décrit le problème
que vivent les polygames.
La polygamie telle que décrite par l’écrivaine camerounaise est source de plusieurs
problèmes comme : la jalousie entre les coépouses, la mésentente entre les enfants, le
favoritisme, la haine, l’injustice, les mensonges...

4.1.1.1- La présentation de la souffrance de la femme dans la zone sahélienne

L’exposition de la souffrance de la femme sahélienne consiste à montrer les vices


que traverse la femme sahélienne dans l’œuvre WAPM. La souffrance que subissent les
femmes dans l’œuvre WAPM est de diverses sources : la source humains, source
religieuse, et la source traditionnelle.
Nous commençons par la source humaine qui n’es autre que l’homme. L’homme
est une véritable source de la souffrance de la femme sahélienne dans WAPM du fait
que ce dernier ne laisse pas d’exploiter et de menacer la femme comme un objet. La
femme sahélienne dans WAPM est, comme l’a affirmé Fonkoua Pièrre (2006 :6) :

96
Un objet, soit de production, soit de publicité pour la production. On se base sur
certaines pratiques coutumières répressives pour légitimer la force de domination de
l'homme sur la femme. Petit à petit, elle se complaît dans la dépendance sociale,
économique et même affective. Ceci ne va pas de pair avec les exigences qu'impose
la société à la quête de la rentabilité. La femme passe petit à petit de la femme-objet
à la femme-sujet, même si elle n'est reconnue que dans les rôles secondaires.

Le texte de Djaïli s’aligne à l’idée de Fonkoua Pièrre, car elle met en scène le
personnage de la femme qui n’a pas droit au travail, elle n’a pas droit de sortir de la
maison, de parler devant un homme, de choisir son mari, mais elle doit donner naissance
à des enfants même contre sa volonté, elle doit accepter tout ce que l’homme lui fera et
lui dira. C’est ce que comme le montre le discours suivant :
(114) : Pauvre femme obligée de vivre avec des sœurs comme elle, prisonnières
d’une grande maison avec des murs aux alentours afin qu’aucun regard extérieur ne
la souille…
Pauvre épouse du sahel, qu’on répudie à son gré quand on en a marre. Pension
alimentaire ? Garde des enfants ? Pas besoin… pp. 5 - 6.

Cet extrait renvoie à la modalité affective de l’auteur (Djaïli Amadou Amal) à


travers les expressions d’affection (115) : « pauvre femme » et (116) : « pauvre épouse
du sahel » mise en apostrophe. Kerbrat les considère comme des subjectivités qui
expriment l’émotion du sujet d’énonciation. Quant à elle, ces genres de subjectivités
sont des :« expressions qui sont à considérer comme subjectives dans la mesure où elles
indiquent que le sujet d’énonciation se trouve émotionnellement impliqué dans le
contenu de son énoncé » Kerbrat-Orecchioni (1999 : 140).
Ces adjectifs exposent clairement la souffrance de la femme sahélienne. Son
complément (117) : « qu’on répudie à son gré quand on en a marre. Pension
alimentaire ? Garde des enfants », laisse comprendre que la femme sahélienne est
comme un objet. L’homme l’a rendue comme un être sans pouvoir et droit. Il la
manipule à sa guise, sans tenir compte de ses envies et souffrances. Le sujet
d’énonciation (c’est-à-dire Djalil Amadou Amal) exprime son émotion ou alors son
affection vis-à-vis de la souffrance de la femme en utilisant l’adjectif qualificatif
« Pauvre » mis en apposition et qualifie le nom « femme » qui donne alors « pauvre
femme ». Une qualification péjorative, qui renvoie à une tonalité pathétique à travers son
inversion. Cet adjectif exprime la pitié ou alors l’affection pathétique du sujet du
discours (Djaïli Amadou Amal).

97
Ensuite, la source religieuse et traditionnelle à travers les fausses lois religieuses
et traditionnelles qui fustigent seulement les femmes. Dans l’œuvre WAPM, c’est
comme si les lois religieuses et traditionnelles sont faites pour punir la femme. Elles
nuisent à l’épanouissement de la femme, la prive de l’éducation scolaire, l’envoie
forcement et précocement en mariage, la prive du choix de mari, la force à accepter un
inconnu, la prive d’amour... Le premier texte de l’œuvre c’est-à-dire le texte introductif
ou encore le prologue l’a bien introduit quand Djaïli dit :
(118) : pauvre petite fille du sahel, privée de l’éducation scolaire. D’ailleurs à quoi
servirait d’apprendre à lire ou à écrire ? On n’a pas besoin de ça pour se marier et
pour tenir son foyer.
Pauvre petite fille du sahel, privée de l’amour paternel parce qu’un père qui montre
de l’affection pour sa fille, c’est interdit par la coutume et même par la religion,
diront-ils, tant tout est lié dans leur esprit.
Pauvre petite fille, obligée d’être une femme dès l’adolescence. Obligée de baisser
les yeux, obligée de couvrir sa tête. Même si elle le rencontre, elle ne le verra pas
vraiment.
Pauvre petite femme, livrée un soir dans la chambre d’un inconnu qui a payé la dot
et qui a tout le droit sur elle. p. 5

L’influence de l’homme sur la femme sahélienne apparait à travers cette


proposition subordonnée circonstancielle causale (119) : « paternel parce qu’un père
qui montre de l’affection pour sa fille, c’est interdit par la coutume et même par la
religion, diront-ils, tant tout est lié dans leur esprit », introduite par la locution
conjonctive « parce que » qui permet de justifier les raisons qu’avance les lois
religieuses et traditionnelles.
Le sujet d’énonciation commence par la périphrase pour déterminer et préciser
les contours de la souffrance de la femme sahélienne. La périphrase pour Fontanier P.,
(1977 : 361) : « consiste à exprimer d’une manière détournée, étendue, et ordinairement
fastueuse, une pensée qui pourrait être rendue d’une manière directe et en même temps
plus simple et plus courte ». Les traits caractérisant la femme la désignent sous le
syntagme « Pauvre petite femme du sahel ». De construction nominale, le sujet « Pauvre
petite femme », composé de deux adjectifs qualificatifs antéposés « pauvre petit » et un
nom commun « femme », la préposition « du » et le complément du nom « sahel » dans
la périphrase (120) : « pauvre petite femme du sahel », dénotent des marques distinctives
de la femme du sahel. Par la dénomination (121) : « Pauvre femme du sahel », c’est
donc la corrélation inhérente de la souffrance de la femme et son milieu de vie.

98
Ce procédé stylistique de cet extrait permet encore au narrateur d’énumérer les
valeurs de chaque devoir que prévoient la tradition et la religion. Ceci dit dans l’énoncé
(122), chaque syntagme verbal commençant par l’adjectif « Obligée » est un prédicat,
une unité de sens qui peut être décomposée et constituer une seule phrase :
(122) : Pauvre petite fille, obligée d’être une femme dès l’adolescence. Obligée de
baisser les yeux,
Obligée de couvrir sa tête. Même si elle le rencontre, elle ne le verra pas vraiment. p. 6
La construction détachée, avec les différentes occurrences énoncées amplifie le
discours en faisant étalage des différents devoirs que l’homme infligent à la femme
sahélienne. Les syntagmes verbaux ainsi isolés ne perdent en rien leur essence face à la
démonstration de la tyrannie de la tradition sur la femme sahélienne. Comme le rappelle
Adam (2008 :49) : « la construction participiale détachée […], permettrait d’exprimer
l’antériorité d’un énoncé et donc l’enchaînement causal de prédicats successifs ».
Dans notre illustration, les constructions détachées viennent renseigner et révéler
les devoirs soumis par les hommes.
On constate que cet extrait nous montre que Djaïli expose la tyrannie de l’homme
sur la femme sahélienne. Celle qui n’a jamais une grande faveur dans sa religion et sa
tradition. Elles lui rendent la vie dure en l’opposant à tout ce qui lui donne de la liberté.
La marginalisation de la femme est le processus de la mise à l’écart de la femme
face aux certaines activités. La femme est un être qui subit la marginalisation dans
l’Afrique et en particulier dans la zone sahélienne. On la prive des certains postes et
activités en lui donnant un cadre de vie très restreint comme l’a dit Fonkoua Pierre
(2006 :7) : « La femme est reconnue comme objet, soit de production, soit de publicité
pour la production. On se base sur certaines pratiques coutumières répressives pour
légitimer la force de domination de l'homme sur la femme ».
L’œuvre WAPM met à son lectorat une mise en œuvre de la marginalisation de
la femme. Djaïli exprime son désaccord par la mise en scène des actants qui à travers
leur dialogue et langage, manifeste un fait social bien présent dans la zone sahélienne
du Cameroun. La marginalisation de la femme est présentée dans cette œuvre de manière
très visible. C’est donc le cas du discours de la marginalisation de la femme d’Alhadji
qui s’adresse à sa femme Aissatou dans le cadre du mariage de sa propre fille :

99
(123) : Arrête de me contredire toi aussi. Qu’est-ce que vous avez toutes à vouloir
donner votre avis depuis un certain temps ? Les mariages sont les affaires d’hommes.
p. 67.
Alhadji laisse entendre que la femme est un être qui ne doit pas s’occuper de
certaines affaires comme le mariage de sa propre fille ; elles sont spécialement destinées
aux hommes. La femme n’a pas droit de savoir et surtout de donner son point de vue sur
certaines activités. Elle n’est pas comptée dans d’autres services ou d’autres affaires.
La représentation de la marginalisation de la femme dans WAPM consiste à
contester l’idée des hommes qui considère les hommes comme maitres absolus, les seuls
capables de prendre des décisions, de juger les travaux que peut faire la femme
sahélienne. Djaïli se présente comme défenseuse des femmes marginalisées à travers
cette exposition de la mise à l’écart de la femme du sahel et surtout à travers le discours
de révolte du personnage (Aissatou) de son œuvre :
(124) : Cette fois, tu vas m’écouter car j’en ai marre de tes bêtises. J’ai toujours tout
supporter en silence. (…) Répudie moi aussi, j’en ai marre de ce mariage. p. 127.
Djaïli continue l’exposition de la marginalisation de la femme du sahel à travers le
discours autoritaire et imposant de l’homme (Alhadji) :
(125) : c’est moi qui commande ! Ne t’amuse plus jamais à me parler sur ce ton. Je vais
épouser Sakina. Et je fais exactement ce qui me plait. C’est ma maison. Si tu désires
encore y vivre, c’est tant mieux. Si ça ne te plait plus, je te répudie immédiatement. C’est
clair ? Je repose la question : est-ce que c’est clair ? p. 42,
Elle continue à présenter l’état discriminatoire de l’homme à travers le discours
d’Alhadji (126) : « qui te permet de me poser des questions ?» p. 41
Djaïli veut faire quitter les femmes comme le fait Fonkoua de « la femme-objet à la
femme-sujet », c’est-à-dire quitter de la femme marginalisée ou asservie et abusée, à la
femme déclencheur de développement, femme opératrice de la bonne marche de la
société ; et ceci grâce aux différents langages qui se dégagent de ses différents énoncés
de son œuvre Walaandé, l’art de partager un mari.

La marginalisation de la femme est alors représentée à travers les différents


discours qui la met à l’écart de plusieurs activités. Le discours de Djaïli renvoie au
discours de conscientisation de la femme sahélienne ainsi que les hommes sur la mise à

100
l’écart de la femme dans la société. Elle le fait par le biais de ses personnages comme
« Alhadji, Aïssatou, Nafi, Sakina, Djaïli, … », les espaces comme « Maroua, Salak,
Barmaré, Makabay… » et des événements qui sont typiquement du nord Cameroun.

4.1.1.2- La dénonciation de la dictature de l’homme sahelien

La dénonciation est selon Faouzia Bendjelid (1996 :175-187) : « le langage du


militantisme, de l’engagement, du discours, de la parole que choisissent les écrivains ».
Le discours de la dénonciation s’inscrit dans notre corpus à travers le discours portant
de la dictature de l’homme sahélien. Pour l’analyse d’un tel discours, nous nous
appuyons sur la définition du verbe « dénoncer » proposée par le grand dictionnaire
encyclopédique Larousse (1982) « dénoncer quelque chose (abstrait) : le révéler, le
faire connaître publiquement comme néfaste. ». Dans notre corpus, Djaïli Amadou
Amal présente la domination de l’homme sur la femme à travers son état de dictateur.
L’homme est considéré comme le chef de la maison, il est celui qui tranche tout
problème de la maison, mais, il ne doit pas se qualifier de Dieu de la maison. Par contre
ce fait est générique dans la zone sahélienne surtout chez les peuls où le père n’a pas de
devoir, il n’a que le droit. Pour dénoncer cette dictature, Djaïli passe par la mise en scène
du foyer d’Alhadji, le personnage principal de l’œuvre, au sein duquel l’homme est
considéré comme le maître suprême de la maison. Dans cette œuvre la femme et les
enfants n’ont pas droit aux suggestions de quoi que ce soit, toute décision doit être prise
par le maître c’est-à-dire l’homme. C’est le cas de l’énoncé suivant qui traduit la
manifestation de la dictature d’Alhadji sur sa femme (Djaïli) quand elle a cherché à
réclamer juste sa valeur de femme en lui faisant une remarque sur la mauvaise manière
de prendre une autre femme sans la consulter :

(127) : C’est moi qui commande ! Ne t’amuse plus jamais à me parler sur ce ton.
Je vais épouser Sakina. Et je fais exactement ce qui me plait. C’est ma maison. Si tu
désires encore y vivre, c’est tant mieux. Si ça ne te plait plus, je te répudie
immédiatement. C’est clair ? Je repose la question : est-ce que c’est clair ? p. 42

Cet extrait est constitué des phrases simples de type (sujet – verbe -
complément) comme le montrent les quatre exemples des phrases suivants :
(128) : « C’est moi qui commande ! »,
(129) : « Ne t’amuse plus jamais à me parler sur ce ton. »,
(130) : « Je vais épouser Sakina. »
101
(131) : « C’est ma maison. ».

Ces genres des phrases sont des phrases sans commentaire supplémentaire. Elles
sont brèves et claires. C’est donc une expression des idées sans contradiction ni
contestation. La présence de ce type de phrase permet à Alhadji d’exprimer sa
suprématie sur sa femme de manière agressive et sans prolongation. La modalité
exclamative (132) : « C’est moi qui commande ! » et la modalité injonctive (133) : « Ne
t’amuse plus jamais à me parler sur ce ton » manifestent l’émotion et l’ordre d’Alhadji.
Ces modalités expriment un ordre que Alhadji tient à cœur et qui est sans révoque. Sa
femme doit accepter de gré ou non sa décision, il n’y a pas de contrainte qui pourra
l’empêcher de réaliser ce qui lui semble bon. Même quand c’est une mauvaise idée, il
doit la réaliser et trouver sa conséquence à la fin. Alhadji a toujours le dernier mot dans
la maison et sa femme n’a pas droit à la remarque ni à riposter à sa décision. Il en a
beaucoup imposé des décisions à ses femmes, il les considère comme des êtres qui n’ont
rien à y voir dans les décisions. Il l’a manifesté lui-même à sa première femme Aissatou
de manière sévère :
(134) : Arrête de me contredire toi aussi. Qu’est-ce que vous avez toutes à vouloir
donner votre avis depuis un certain temps ? Les mariages sont des affaires d’hommes.
p. 67
Dans cet extrait, l’homme reste le grand dictateur de loi sur sa femme. La modalité
impérative « Arrête de me contredire toi aussi. » prive la femme de dire quoi que ce soit
sur sa vie, sur la vie de la maison et sur le mariage de sa fille.
La dictature de l’homme ne s’arrête pas sur sa femme seulement, ce dernier
l’applique même sur ses propres enfants. Surtout les filles qui n’ont aucun droit à une
décision sur la vie de la maison et même sur leur propre vie. C’est le cas de la déclaration
du narrateur lorsqu’il dit :
(135) : En réalité, la réaction de Yasmine et de Fayza ne l’inquiétait pas. C’est
toujours lui qui prend la décision des mariages de ses filles. Même par pudeur, elles
se tairont et il leur offrira de beaux cadeaux. C’est plutôt ce que dirait Moustapha qui
le contrariait un peu. p. 68

Comme nous l’avons bien dit plus haut, l’homme ne donne pas de liberté
d’expression à la femme, nous voyons à travers cet extrait que même ses propres filles

102
ne lui feront pas peur de prendre la décision sur leur mariage. L’homme impose ses
désirs de mal ou de bien à ses enfants.
Tous ces extraits exposent clairement la dictature de l’homme, chef de famille sur
sa famille (ses femmes, ses enfants et souvent sur ses parentés) dans la zone sahélienne.
Djaïli en mettant en scène les personnages, le milieu et même le climat typiquement à
ceux de la zone sahélienne veut exprimer son désaccord à une telle pratique. Il s’agit
d’un acte de dénonciation de la part de l’écrivaine sahélienne.

4.1.1.3- La narration du conflit dans le foyer polygamique

Tout d’abord, il faut comprendre que le foyer polygamique est le milieu où les
affrontements se font facilement et fréquemment. Les rivalités, les mésententes, les
oppositions et la jalousie s’intensifient à tout moment comme dans l’œuvre WAPM qui
expose plusieurs oppositions entre les coépouses en un laps de temps dans l’extrait
suivant :
(136) : je pense plutôt qu’Aminou aura besoin d’une perfusion fait Sakina
sceptique. Il est déshydraté et c’est peut - être…
Djaïli qui vient de s’asseoir, arrange nonchalamment sur ses jambes la magnifique
tunique brodée d’or qu’elle a revêtue, l’interrompt moqueuse.
- Madame le Docteur a fait son diagnostic !
- Djaïli, personne ne t’a parlé, rétorque Sakina.
- Je ne te demande pas de me parler ! Nafi quant à toi, si tu ne peux pas
t’occuper de ton bébé, tu n’as qu’à ne plus accoucher. Comment crois-tu que nous
ayons élevé nos enfants ? Moi j’ai quatre garçons et jamais aucun n’a été aussi chétif
que ton Aminou.
- Tais-toi Djaïli ! ce n’est pas sa faute si son enfant est malade.
- Toi, je ne t’ai pas branché madame « je sais tout ». Arrête de te venter et de
donner des leçons parce que tu as fait une d’étude.
- Ce n’est pas ma faute si tes parents ne t’ont pas aussi envoyée à l’école,
rétorque Sakina furieuse.
- Mon père n’est pas un païen, lui, pour mettre une fille à l’école !
- Djaïli, pourquoi est-ce que tu aimes autant les problèmes ? coupe Aissatou.
Franchement c’est honteux. On n’a même pas encore pris le petit déjeuner que vous
commencez déjà la journée en vous disputant. p. 14

Dans cet extrait nous voyons vu qu’en quelque minute de causerie, plusieurs
affrontements se sont réalisés. D’abord Djaïli contre Sakina pour sa remarque sur la
maladie du petit Aminou (fils de Nafi) qui n’est pas bien accepter par sa coépouse Djaïli.
Un conflit qui se nait par l’usage de la figure d’ironie dans le discours de Djaïli (137) :
« Madame le Docteur a fait son diagnostic ! ». Cet énoncé ironique ne laisse pas

103
indifférent Sakina. Elle à son tour interpelle Djaïli en mettant son nom en apostrophe
dans l’énoncé (138) : « Djaïli, personne ne t’a parlé ». Cette mise en apostrophe
exprime l’interpellation et le mécontentement de Sakina envers l’ironie produite par
Djaïli. Cette dernière part jusqu’à traiter le père de Sakina d’un païen du fait qu’il a
inscrit Sakina à l’école et que Sakina se vante avec les études qu’elle a faites.
Ensuite l’affrontement entre Djaïli et Nafi. Djaïli est considérée comme championne
dans les attaques aborde directement Nafi au moment où elle brossait verbalement
Sakina. Elle la traite d’une incapable de s’occuper de son enfant qui est malade.
Enfin, Aissatou qui réprimande ses coépouses (139) : « Djaïli, pourquoi est-ce que
tu aimes autant les problèmes ? coupe Aissatou. Franchement c’est honteux. On n’a
même pas encore pris le petit déjeuner que vous commencez déjà la journée en vous
disputant ».
D’abord, une exposition de comportement immoral de Djaïli envers ses coépouses.
Ensuite, la présentation du moraliste : Aissatou, la première femme d’Alhadji qui se
convertit en une mère qui réprimande à ses enfants. Elle s’adresse à tout le monde à
travers le pronom personnel, celui de la deuxième personne du pluriel « vous »,
renvoyant à toutes les femmes qui discutaient (Djaïli, Sakina et Nafi)
Nous constatons que Djaïli Amadou Amal représente dans son œuvre une leçon
expositive sur le conflit que vie le foyer polygamique. En laissant en marge les éléments
linguistiques, Djaïli en est conscient de l’existence du conflit dans le foyer polygamique,
elle exprime ouvertement l’organisation du conflit dans le foyer polygamique en disant :
(140) : En général, dans le système polygamique, une épouse en veut à celle qui,
nouvellement mariée, la chasse du piédestal de favorite. Il s’établie ainsi un équilibre
tacite entre les épouses unies deux par deux suivant l’évolution classique d’une
polygamie à quatre. La première femme s’allie à la troisième qui l’a vengée en
détrônant la deuxième qui est heureuse de voir la quatrième rendre la monnaie de sa
pièce à la troisième. p. 15

Mais dans le foyer d’Alhadji, l’ordre classique décrit par Djaïli Amadou Amal n’est
pas respecté. Car on constate que chacune en veut l’autre ; surtout Djaïli qui n’a pas de
limite pour manifester son attaque.
Le conflit ne s’arrête pas seulement entre les femmes dans le foyer polygamique, il
en va dans tous les sens. L’affrontement entre le père de la maison et ses femmes restent

104
fréquents. C’est le cas de figure que peint Djaïli dans son œuvre WAPM quand Alhadji
remarque le défaut de chacune de ses femmes et les répudie à sa guise.
La division et le conflit se naissent entre les enfants, même chez les tous petits. C’est
le cas que retrace Djalil Amadou Amal dans son œuvre WAPM, un affrontement sur la
télécommande entre Nasser et Halima, deux enfants des mères différentes :
(141) : - donne-moi la télécommande tout de suite Nasser ! cria Halima.
- C’est moi le garçon, donc c’est moi qui commande.
- C’est la télé de ma mère, tu n’as qu’à aller commander chez ta mère. p. 54
Nous voyons que Djaïli expose dans son œuvre les différents conflits dans un foyer
polygamique. Cette exposition présente le conflit entre les coépouses, entre les enfants
des mères différentes, entre le mari et ses femmes, entre le père et ses enfants. Ces
conflits expriment une division, une séparation dans une famille. Djaïli expose des faits
réels que vivent les familles sahéliennes.

4.1.1.4 – L’exposition du conflit de génération

Le conflit de génération est une opposition entre les jeunes et les anciens bien
entendu sur plusieurs points culturels. Djaïli Amadou Amal expose le conflit de
génération que vit le peuple sahélien dans son livre à travers les énoncés ou discours
linguistiques. Ce cas est fréquent dans le corpus à travers certains énoncés comme ci-
dessous :
(142) : Depuis quelques temps, Moustapha avait des ambitions bizarres. Le bon
Monsieur voulait devenir pilote ! Il éclata de rire tout seul. Pilote ! Ici à Maroua !
C’est très amusant. Les jeunes ont des goûts bizarres. Non ! Comme ses cousins, ses
oncles et son père, Moustapha deviendra commerçant. « Quand tu acceptes que tes
enfants aillent à l’école, ils croient très vite que toi le père tu ne sais rien. Ils croient
qu’ils sont plus intelligents que toi. Ils ne veulent plus suivre la tradition. Et quand
tu ne les envois pas, ils deviennent fainéants, et ne peuvent plus se débrouiller seuls.
P. 68

L’opposition entre les anciens et les nouveaux, se matérialise dans cet extrait par
l’adverbe d’opposition « non !» exprimé par Alhadji qui renvoie à un refus catégorique.
Les phrases exclamatives représentées plusieurs fois (143) : « le bon Monsieur voulait
devenir pilote ! Il éclata de rire tout seul. Pilote ! Ici à Maroua ! C’est très amusant.
Les jeunes ont des goûts bizarres. Non ! », renvoie à son étonnent face aux goûts des

105
jeunes, au degré élevé de sentiment de dégoût du choix de son fils Moustapha.
L’exclamation en elle-même exprime le sentiment du sujet d’énoncé vis-à-vis de son
énoncé. Ces extraits montrent l’opposition aux choix courants de la jeunesse en
l’occurrence celui de Moustapha de devenir pilote dans la ville de Maroua. Pour le vieux
Alhadji, les enfants doivent exercer les anciens métiers comme le commerce et non
devenir un pilote ou un médecin.
Le conflit de génération se présente aussi dans le texte à travers la comparaison dans
l’énoncé (144) : « Ils croient qu’ils sont plus intelligents que toi ». Il s’agit ici de la
comparaison de supériorité matérialisée par la locution adverbiale « plus…que ». Les
anciens jugent que les jeunes se croient plus intelligents qu’eux. C’est dire que les
anciens se croient aussi plus intelligent que les jeunes. Bref, chaque groupe de
génération se prend pour meilleur et modèle à suivre. Raison pour laquelle Alhadji
impose à Moustapha le modèle de vie de ses ainés tels que ses cousins, ses oncles et son
père lui-même qui exercent le métier de commerce. Moustapha doit devenir commerçant
comme ces derniers.
L’exposition du conflit de génération se poursuit dans l’énoncé d’Alhadji Daouda
qui dit :
(145) : Malheureusement, le monde a changé. Les coutumes, les traditions, le
Pulaaku n’existent plus. À notre époque, les enfants ne pouvaient se permettre une
réflexion devant leurs parents. Les épouses ne parlaient qu’en sourdine. Hélas ! les
temps ont changé. p. 132

Cet énoncé montre clairement le regret d’Alhadji Daouda par rapport au


changement de comportement de la jeunesse dû au temps, à l’époque. Il exprime son
opposition à la vie des jeunes d’aujourd’hui. Il présente son époque composée d’un bon
passé représenté par l’imparfait de l’indicatif (146) : « les enfants ne pouvaient », (147) :
« Les épouses ne parlaient ». L’imparfait de l’indicatif revoie au temps ancien et
représente les anciens. Le présent de l’indicatif (148) : « Les coutumes, les traditions, le
Pulaaku n’existent plus », quant à lui renvoie au temps présent, par conséquent
représente les nouveaux ou les jeunes qui semblent mal organisés et surtout mal
éduqués. Le passé composé renvoie alors au changement ou transition du temps ancien
au temps d’aujourd’hui (149) : « le monde a changé », (150) : « les temps ont changé ».

106
La présence de l’imparfait de l’indicatif et le présent de l’indicatif renvoie alors à un
conflit ou une opposition entre le passé et le présent.
L’interjection (151) : « Hélas ! » d’Alhadji Daouda traduit son dépassement envers
le comportement des jeunes aujourd’hui. C’est une interjection d’opposition ou alors de
mécontentement. Elle permet de manifester son désaccord dans un énoncé. Elle est
toujours à la forme négative.
Le modernisme étant un processus qui consiste à rechercher le moderne ou alors un
processus qui consiste à délaisser la tradition, la narratrice camerounaise l’exprime à
travers le rejet d’idée de la tradition par le personnage de Sakina. Elle croit à la médecine
moderne en ce sens qu’elle oppose l’idée de Djaïli qui propose un traitement
traditionnel :
(152) : Nafi, tu devais amener cet enfant chez l’Imam tous les matins pour qu’il lui
fasse des incantations. C’est surement du mauvais œil qu’il souffre (…). Crois-moi !
quand Fayza était petite, elle avait attrapé le mauvais œil. Cela avait failli la tuer. Il
faudrait aussi que tu cherches des écorces pour te laver les seins. C’est sûr que ton lait
a tourné. C’est pour cela qu’il vomit et qu’il a la diarrhée. PP. 13 – 14.
(153) : Je pense plutôt qu’Aminou aura besoin d’une perfusion. Il est déshydraté et
c’est peut-être… », p. 14.

Dans la dernière phrase, Sakina oppose l’idée traditionaliste du fait qu’elle a fait un
peu des études et connais surement les signes de la manifestation de la maladie que
souffre le jeune enfant Aminou. Elle sait que si l’enfant est déshydraté, il souffre de telle
maladie et il lui faut la perfusion pour le soulager.
On constate que la déclaration de Sakina n’atteint pas sa fin et c’est dû à
l’opposition inattendu et très vive de Djaïli qui considère la réaction de Sakina comme
une réaction d’attaque et lui attribue un titre ironique de Docteur en disant :
(154) : « Madame le docteur a fait son diagnostic ! », p. 14.
Djaïli expose donc à travers son œuvre le conflit qui existe entre les modernes et
les anciens ou alors on dira comme l’a-t-elle présentée, une opposition entre la médecine
et la tradition. Elle expose ce dilemme qu’on a souvent face à ce genre de groupe
oppositionnel. Elle montre à travers son œuvre des idées barbares qu’infligent les
anciens aux jeunes d’aujourd’hui, une jeunesse en tremplin de développement
scientifique et de la technologique.

107
4.1.1.5- La dénonciation de la violence faite aux femmes

La violence faite aux femmes est un trait récurent dans la zone sahélienne. Une
violation peut être morale, physique et même verbale. Dans l’œuvre de Djaïli, nous
identifions une violation physique d’Alhadji envers ses femmes. D’abord envers Sakina
à travers l’extrait suivant :
(155) : Elle n’eut pas le temps de se justifier. Il prit un pot de fleur placé sur la table
au centre du salon et le fracassa sur sa tête. La vue du sang qui coula le laissa de
marbre. Il sortit sans un mot de regret et sans un geste envers sa femme qui le regardait
médusée, le visage ensanglanté, le cœur lourd de chagrin. P. 21

Djaïli nous montre dans cet extrait le visage de Sakina qui se voit bastonner parce
qu’elle a fait une remarque de la promesse non tenue par son mari. Une causerie qui
tourne à la violence. Elle montre le visage de la femme sahélienne violée physiquement.
À travers cet extrait, Djaïli exprime son désaccord aux actes violents surtout envers les
femmes sahéliennes, une zone qui montre la fragilité des droits de la femme.
Ensuite la violence physique sur Nafi :
(156) : C’était mon tour. J’avais passé toute la journée à la cuisine et j’étais morte
de fatigue. J’ai commencé à avoir des contractions vers vingt-trois heures. Quand
Alhadji m’a appelée, je n’ai même pas pu lui dire que je ne me sentais pas bien. Il
m’a accueilli avec une gifle parce que je lui ai fait la honte devant ses amis en
oubliant de sucrer le thé. Alors, je suis tombée et j’ai commencé à saigner
abondamment. Il s’est irrité encore plus, m’accusant de vouloir tacher son tapis. J’ai
cru que j’allais mourir. Je ne pouvais pas me lever pour rentrer chez moi. p. 52

D’après cet extrait, Djaïli veut nous exposer un acte immoral de l’homme
(Alhadji). Une violation sans raison fondée. Il est bien vrai que Nafi a tort de n’avoir
pas sucré le thé mais, c’est aussi pardonnable. Car l’oublie est un acte involontaire. Et
même si Alhadji veut corriger ce comportement, il ne devait arriver jusqu’à ce niveau.
Nafi a failli perdre sa vie sous ses coups de gifle. Djaïli expose les écarts des hommes
sahéliens vis-à-vis de leurs femmes, en l’occurrence celui de la violence physique.
D’ailleurs Nafi en a reçu des multiples gifles sans raison venantes de son mari ; même
le soir de ses noces, Alhadji l’a violentée à travers une gifle parce qu’elle n’a pas entendu
la sonnerie de l’invitation dans le lit conjugal.
En plus de la violence physique, l’œuvre WAPM nous présente aussi la violence
morale faite aux femmes sahéliennes. Toujours à travers les personnages naïfs qui sont
Nafi, et Djaïli :

108
(157) : - Masse moi les pieds !
Elle s’exécute sans mot pendant qu’il zappe sur sa télécommande. Elle est fatiguée, a
mal aux poignets, est tellement stressée qu’elle a l’impression d’une boule au fond de
sa gorge. Elle veut s’étendre et dormir, regrettant déjà son appartement calme et son
lit douillet. Tout dans ce duplex la met mal à l’aise. Elle s’y sent gauche et pas à sa
place. Elle a peur d’être maladroite et de causer quelque chose. Elle a peur d’ouvrir la
bouche et de froisser par une phrase pourtant simple. Elle a peur de lui, de tout, elle
ne sait plus de quoi elle a peur, mais elle a peur quand-même. p. 33

Ici, Djaïli présente la femme stigmatisée par son mari. Nafi n’a plus confiance à son
entourage ni à elle-même et même envers les objets inertes. Elle est violée
intérieurement par son mari à travers ses multiples gestes de violence. Nafi se voit
étrangère dans sa propre maison ; elle qui est censée s’épanouir près de son mari dans
une belle et grande concession, vie plutôt le contraire de la réalité. La femme devait être
en parfaite confiance et collaboration avec son mari, mais telle n’est pas le cas pour la
femme sahélienne. L’homme devient plutôt pour elle un loue à craindre. Tout ce qu’elle
pourra faire et dire serait une faille qui pourrait tourner contre elle. Elle est violentée
dans l’esprit et cœur, elle garde sa souffrance sans l’extérioriser. Djaïli à travers son
œuvre dévoile cet acte bien présent dans notre société sahélienne.

4.1.1.6- La sous scolarisation des jeunes et de la jeune fille en particulier

La sous scolarisation des jeunes est due aux refus des parents d’envoyer leurs fils et
filles à l’école. Le refus de la scolarisation de la femme est une pratique fréquente dans
la zone sahélienne. Dans cette zone, nous savons déjà que l’homme est le maitre suprême
de la famille, et qu’il a toujours le désir de rabaisser la femme, Il prive encore l’innocente
fille de l’éducation scolaire. Cet acte est la cause des divers motifs comme l’explique
Pierre Fonkoua (2006 :14) :

Plusieurs études réalisées dans ce domaine montrent qu'il existe un grand nombre de
variables explicatives des déperditions et de la sous-scolarisation féminine dont les
plus significatives sont les grossesses précoces, les mariages précoces, l'image peu
valorisante du rôle de la femme en société, les travaux ménagers attribués aux jeunes
filles, la marginalisation du rôle de la femme dans la dynamique du développement,
l'éloignement de l'école.

De cette liste des motifs, nous constatons que la sous-scolarisation en est vraiment
le vecteur et les parents sont les responsables de cette déperdition.

109
Selon le rapport régional de progrès des objectifs du millénaire pour le
développement Région de l’Extrême-nord sous la coordination de l’Institut National de
la Statistique du Cameroun (INS) avec l’appui du PNUD en 2010 :
La région de l’Extrême Nord s’illustre au plan national par une certaine
marginalisation de la gente féminine sur le plan éducatif. En effet, la scolarisation
des jeunes filles y est restée faible, comparée à celle des garçons.
Depuis 2001, l’indice de parité filles/garçons demeure bien en dessous de la
moyenne nationale, même si on note une légère embellie dans l’ordre
d’enseignement secondaire. Cette inégalité est plus profonde chez les jeunes issus
de ménages pauvres.
Le ratio filles/garçons est resté quasi constant dans l’enseignement primaire entre
2001 et 2007, passant de 0,75 à 0,74. Les dernières statistiques du Ministère de
l’Éducation de Base font état d’une nouvelle baisse de cet indicateur qui est passé à
0,63 pour l’année 2008/2009 et à 0,69 pour la dernière année scolaire. (INS,
2010 :10).
Cet extrait nous montre non seulement la sous- scolarisation de la jeune fille mais
de la jeunesse en générale. Néanmoins, il met plus l’accent sur le cas de la jeune fille de
la région de l’Extrême-nord Cameroun.
Djaïli à son tour décrie cette situation dans son œuvre WAPM, qui voit chez les
jeunes et plus particulièrement chez les jeunes filles sahéliennes une part de la
marginalisation à leur égard sur le plan éducatif ou scolaire. Elle expose l’imposition
que font les parents à leurs enfants sur le sujet de la scolarisation. Le garçon n’a pas
droit à poursuivre ses études jusqu’à la réalisation des rêves, il doit juste faire des études
pour faire le commerce sans toutefois qu’on le dupe, et ce dernier n’a pas droit à la
revendication de son avenir ; son avenir est tracé bien avant par ses parents. C’est le cas
alors que Djaïli retrace de façon oppositionnelle à travers les idées opposées entre
Alhadji Daouda ; un dictateur qu’Amadou considère comme « le plus extrémiste de ses
oncles » et Amadou lui-même qui disent :
(158) : - Il faut que vous commenciez chacun à chercher une boutique au marché
central. Je vais en discuter avec vos pères.
- Nous ne voulons pas être commerçants ! rétorqua insolemment Amadou.
- C’est à moi que tu t’adresses ainsi petit voyou ? Vous voulez faire quoi de vos vies ?
Vous devez vous battre ! vos pères et moi, nous n’avons pas attendu l’héritage de notre
père. Nous avons travaillé pour être riche... p. 77

Ces énoncés montrent à quel point l’enfant n’a pas le choix de son orientation
scolaire. Djaïli les met à nu les idées barbares des parents face à leurs enfants. Elle

110
continue à exposer des idées non logiques des parents en vers leurs enfants sans cesse
dans son œuvre.

4.1.1.7- L’appel à la libération de la femme sahélienne

Nous savons que la femme sahélienne est un être qui est privée de sa liberté,
connaissant une grande souffrance et marginalisée de la couche sociale, Djaïli milite
pour la libération de cet être. La liberté de la femme est l’un des grands objectifs que
dégage l’œuvre WAPM de Djaïli. C’est pourquoi elle passe plus de temps à dénoncer
les maux sociaux. Nous prenons le mot « dénoncer » ici au sens de Faouzia
Bendjelid (1996) :
présuppose la notion de distance, un phénomène énonciatif fondamental dans
l’approche du discours ; dénoncer c’est, pour le locuteur, prendre une distance par
rapport aux faits, c’est y porter un regard de remise en question, de rupture ; ainsi
la dénonciation peut prendre plusieurs sens dans la classe des verbes illocutoires :
contester, remettre en cause, asserter ou révéler, douter, s’opposer, regretter, se
révolter…

Compte-tenu de tous ces présupposés, qui représentent autant d’hypothèses de


travail, il est évident que dans l’histoire du roman de Djaïli, l’action de dénoncer est un
procès énonciatif accompli et assumé par des personnages victimes d’une exclusion
sociale. La souffrance de la femme la tient à cœur. Djaïli dans son œuvre croit d’abord
à une éventuelle liberté de la femme à travers son discours suivant :
(159) : il suffit d’un amour
Pour changer sa vision,
Pour avoir de l’espoir,
Pour défendre ce que l’on a de plus cher
Sa liberté ! p. 115

Selon Djaïli, l’amour est le moyen par excellent pour défendre sa liberté. Elle
représente la malheureuse vie de la femme en présentant toutes les différentes
souffrances que l’homme lui afflige. Elle fait figure aussi de l’homme sévère et dictateur
à travers ses décisions dictées et ses divorces séquentiels. Elle présente une histoire
vraisemblable à la situation de la femme du sahel. Chaque femme ou lecteur sahélien de
cette œuvre voit sa vie à travers cette œuvre. Elle a représenté la figure de la souffrance
de la femme, et elle voulait qu’à travers cette œuvre l’homme reconnaisse la valeur de

111
la femme et que toutes les femmes militent pour leur liberté comme elle a montré à
travers l’histoire de son œuvre. Les femmes d’Alhadji l’ont fait vers la fin de l’histoire
en demandant chacune la liberté d’expression et de dire la vérité à l’homme dictateur.
En plus l’homme doit aussi corriger son comportement dictatorial envers la femme à
travers la figure d’Alhadji présentée dans WAPMDAA. Elle appelle tous les hommes
de regretter leurs actes comme l’a fait Alhadji à la fin de l’histoire de l’œuvre WAPM :
(160) : j’ai compris mes frères. J’avais agi sous la colère et je le regrette. P. 133
Alhadji à travers ce discours montre qu’il a appris la leçon et qu’il ne commettra
plus des actes horribles envers la femme.

4.2- La portée religieuse

La religion mise au pont dans le texte est la religion musulmane. Elle est plus
pratiquée par le peuple peul du Nord Cameroun qui d’ailleurs est représenté dans le texte
de Djaïli Amadou Amal.
4.2.1- Sur le plan islamique

L’islam est une religion tout comme le christianisme basé sur l’enseignement de
l’amour envers son prochain et celui de vérité. Mais certains hommes arrivent à mentir
au nom de cette religion et même sur son saint Coran juste pour avoir le contrôle de la
femme sous son autorité.
4.2.1.1- La fausses affirmations sur le coran

La fausse affirmation sur le coran renvoie à la création des lois coraniques.


Généralement, cette mauvaise affirmation a pour but de prendre le dessus sur la femme
ou de contrôler l’épanouissement de la femme. Djaïli Amadou Amal donne la parole au
personnage le plus instruit de son œuvre pour exprimer la fausse affirmation sur l’islam.
Si on parcourt toute l’histoire de cette œuvre, on se rend compte que Sakina est le
personnage le plus instruit de tous. Sakina soutient alors que les hommes s’inspirent de
leurs avantages seulement pour créer et infliger les lois fictives dans la religion
musulmane à l’égard de la femme. Ils créent une loi et la colle au Coran afin que les
femmes ne la contestent pas. C’est dont pourquoi Sakina dit :

112
(161) : En vérité tout ce que les hommes nous racontent sur l’islam est faux. Le
prophète Mohammed a été le premier défenseur des femmes et des enfants. Par
exemple ton consentement à ton mariage est obligatoire. On doit te demander ton avis.
Ensuite, ton mari n’a pas le droit de t’insulter, ou de te menacer, ou même de te battre.
Il doit te traiter avec respect et tendresse… p. 55.

Le mauvais enseignement qu’ont donné les hommes sur la religion pour avoir
la suprématie et le contrôle sur la femme est mis en exergue par Djaïli. Lorsqu’elle met
en scène le personnage aussi ignorant comme Djaïli, C’est pour nous montrer la fausse
affirmation sur la religion musulmane sur l’idée de la scolarisation de la jeune fille :
(162) : - Ce n’est pas ma faute si tes parents ne t’ont pas aussi envoyé à l’école, rétorque
Sakina furieuse.
- Mon père n’est pas un païen, lui, pour mettre une fille à l’école ! P. 14
La réponse de Djaïli est un énoncé implicite. Cet énoncé laisse la présupposition
que le père de Djaïli n’a pas inscrit sa fille à l’école. Ce présupposé laisse beaucoup des
sous-entendus à savoir :
- la religion musulmane empêche l’éducation de la jeune fille ;
- l’éducation scolaire est réservée aux païens ;
- le coran enseigne et interdit l’éducation scolaire de la femme ou de la fille ;
-Djaïli est fier de son état non-scolarisé.
L’implicite telle qu’étudiée dans cet extrait renvoie à la fausse affirmation des
hommes sur la loi religieuse islamique ou sur le Coran. L’islam n’empêche pas
l’éducation de la jeune fille. Par contre, elle l’encourage. L’islam exhorte tous les
hommes et toutes les femmes de chercher le savoir partout où il se trouve. Selon le
contexte, l’ignorante Djaïli a reçu un faux enseignement religieux, selon lequel l’islam
interdit la scolarisation de la jeune fille. Cette idée met juste la femme dans un état
d’ignorance envers sa liberté d’éducation. Les hommes créent les fausses lois
coraniques et l’inculquent aux femmes et filles pour leur besoin de domination. Djaïli
Amadou Amal l’expose pour montrer aux hommes leur servitude et aux femmes le
degré de leur ignorance et la manipulation des hommes à travers la religion.

113
4.2.1.2- L’hypocrisie vis-à-vis de la religion islamique

L’hypocrisie est l’attitude morale par laquelle l’on exprime ses sentiments, ses
opinions que l’on n’a pas ou que l’on n’approuve pas, ou plus simplement l’acte de se
mentir consciemment pour s’attirer des faveurs sociales. Dans l’œuvre WAPM, Djaïli
fait figure de ce fléau à travers le comportement du personnage principal Alhadji qui
répudie ses épouses à sa guise. Pourtant la religion n’enseigne pas le divorce
organisationnel. Elle donne juste une possibilité de divorcer au cas où la situation
dépasse l’entendement. Mais si nous prenons un exemple sur le cas de Djaïli qui se
trouve répudier juste parce qu’elle fait de remarque en donnant la raison aux enfants sur
la mauvaise décision prise par leur père pour organises des mariages forcés :
(163) : - ils ont pourtant eu raison de le faire ! Ils n’ont pas arrêté de répéter qu’ils
ne voulaient pas se marier. À cause de ça, Yasmine est morte, remarqua Djaïli
Au moment où elle faisait cette remarque, Alhadji fit son entrée dans la concession. Il
s’arrêta surpris et dévisagea d’un air peiné Djaïli. Sans contenir sa colère, il s’approcha
de la jeune femme et d’un ton froid, lui dit :
- Ramasse tes affaires et sors de ma maison. Je te répudie ! p. 126

Il est bien clair que le motif de répudiation que vient de faire Alhadji n’est pas permis
par la religion islamique. Une fois qu’on lui dit que l’homme a droit de répudier sa
femme s’ils ont de problème qui ne peut avoir la solution, il ignore certains détails et
tire le positif de son côté. Même quand l’acte ne mérite pas la répudiation, il le fait à
volonté. C’est pourquoi il poursuit son acte occulte de répudiation avec Aissatou qui se
trouve hors foyer parce qu’elle l’a juste réprimandée en lui disant ses vérités :
(164) : - Cette fois, tu vas m’écouter car j’en ai marre de tes bêtises. J’ai toujours tout
supporté en silence. Tes mariages, tes répudiations, tes ordres. Tu détruis tout sur ton
passage, tu te prends pour Allah ? Tu as poussé notre fille vers la mort, tu as fait partir
les autres. Tu répudie Djaïli parce qu’elle a dit tout haut ce que nous tous, même toi
pensons tout bas ? D’accord, répudie-moi aussi.
-Tu penses qu’étant ma première épouse, je ne pourrai pas te répudier ? Fait attention à
toi Aissatou. Maîtrise ta langue rendue amère par la douleur !
-Répudie moi aussi ! J’en ai marre de ce mariage.
- D’accord tu es répudiée ! gronda-t-il furieux. p. 127

Dans cet extrait, Alhadji exprime son hypocrisie envers la religion en ce sens qu’il
se ment ou alors il fait semblant de ne pas reconnaitre les lois coraniques de divorce.
Nous voyons que Alhadji reconnais bien que la religion n’accepte pas la répudiation de
la femme sur les inutilités et sur ses goûts mais, il le fait juste pour montrer sa suprématie
de l’homme. Il ne se prend pour fervent croyant que sur les enseignements qui donnent
114
faveur aux hommes. Il n’accepter pas les enseignements qui donnent la liberté ou la
faveur à la femme. Au contraire il s’applique avec plein d’énergie sur toutes les lois qui
lui donnent la diplomation sur la femme et ses enfants. Par exemple quand il voulait
imposer le métier du commerce à ses enfants, il s’appuie sur la religion en disant :
(165) : Toujours selon la sunna du Prophète, le commerce est le métier le plus
honorable qui soit. p. 87.
Il oublie que l’homme est libre dans le choix de son métier. Il doit choisir son métier
par vocation et non par obligation. La noblesse du commerce n’exclue pas d’autres
activités.
Djaïli représente ici la mauvaise foi des hommes envers la religion islamique. Ils
accordent de la croyance qu’à ce qui leur fait du bien.

4.2.1.3-La création de la loi islamique pour condamner la femme

L’Islam est une religion qui a ses propres principes. Mais les hommes sahéliens en
font d’elle un moyen pour condamner la femme. Ils analysent mal le coran et créent
certaines lois à l’encontre de la femme. Dans cette œuvre, l’homme peul et musulman a
tous les droits sur son épouse ou tout genre féminin. Sa contestation est visible dans le
discours de Sakina face à sa coépouse Nafissa :

(166) : Nous n’appartenons à personne. Ni à notre mari, ni à nos parents, ni à nos


enfants fit Sakina. En vérité, tout ce que les hommes nous racontent sur l’Islam est
faux. Le prophète Mohammed a été le premier défenseur des femmes et des enfants.
Par exemple, ton consentement à ton mariage est obligatoire. On doit te demander ton
avis. Ensuite, ton mari n’a pas le droit de t’insulter, ou de te menacer, ou même de te
battre. Il doit te traiter avec respect et tendresse… p. 55

Sakina oppose catégoriquement à l’idée d’appartenance totale de la femme à l’homme.


Pour elle l’homme est un beau menteur, il ment sur la religion en créant des lois
islamiques juste pour contrôler la vie de la femme. Par contre, la vraie version de la loi
coranique est celle de bien prendre soin de la femme, de la consulter avant d’exécuter
tout acte qui peut la concerner. L’Islam reconnait bien la valeur de la femme et protège
plutôt la femme et non la condamne comme le font les hommes dans cette œuvre.

4.2.1.4- La transposition des lois culturelles dans les lois islamiques

La religion occupe une grande partie dans les traditions d’une société. Souvent, c’est
la religion qui commence la tradition et c’est la religion qui forme la culture. Dans la société
115
peule, la religion est très importante et impose des règles selon lesquelles toute société doit
se comporter. Le plus souvent, on considère l’Islam comme la religion « la plus forte »
dans le sens que l’islam comprend beaucoup de règles qui se voient dans la vie quotidienne.
Par exemple la façon de s’habiller, les femmes voilées, est une carctéristique connue de l’
islam. L’islam comprend des règles qui ordonnent comment il faut vivre pour être un bon
musulman. Étant donné que les peules transposent leur culture dans la religion islamique,
L’islam est considéré comme religion où la position des femmes est inférieure à celle des
hommes. La loi religieuse n’est pas une loi contestable. Elle est faite pour l’exécution et
les hommes peuls se servent pour transposer leur gout traditionnel au sein de celle-ci pour
la maitrise de la vie de la femme. C’est donc le cas d’Alhadji Daouda qui inflige un stigmate
à l’endroit des Fayza et Yasmine pour avoir causé avec l’un de ses camarades de classe
dans la cour de l’école et pour n’avoir pas enlevé ses chaussures dans la cour de leur oncle :

(167) : Fayza, il y a un mois, tu es allée chez ton oncle Aliyou. Nous étions avec
des voisins à la cour et tu es passée à côté sans te déchausser. C’est un comportement
inadmissible. (…) Toi aussi Yasmine je t’ai aperçue vendredi à la cour de votre lycée
en conversation avec un jeune homme. _c’est juste un camarade de classe. _ Tu as
eu la chance que je sois pressé ce jour sinon, je t’aurais appris le respect et la pudeur.
p. 77
Étant donné que la société peule vit selon les normes religieuses (Islam), cet
extrait montre que la loi islamique condamne le fait qu’une fille qui parle avec un garçon
en public. La fille n’a pas droit de partager les idées avec un garçon ; quelles qu’en
soient les circonstances comme celle de l’école, la fille doit être fermée en elle-même.
En plus, la loi condamne une femme qui n’enlevé pas ses chaussures à la présence des
hommes. Ces lois semblent de la tradition peule qui est en étroite liaison avec la religion
islamique.

L’islam prévoit la loi aux femmes mariées, celle de se voiler ou de s’habiller


décemment est doit être mise au clair. Djaïli constate à travers le personnage (Fayza)
que cette loi est mise en amplification du fait qu’elle préconise que la femme doit couvrir
tout son corps, même les yeux à travers lesquels elle va voir :

(168) : Je ne vais certainement pas épouser cet idiot d’Amadou et aller vivre dans la
concession de l’oncle Daouda. Lui qui exige que toutes ses femmes et se brus revêtent
la longue robe noire et se voilent jusqu’aux yeux. p. 70

116
Considérablement, la femme n’a pas droit de voir le dehors. Pourtant l’Islam
prône le respect et la considération envers les femmes comme l’a affirmée Sakina :

(169) : le prophète Mohammed a été le premier défenseur des femmes et des enfants. »,
p. 55.

Dans cet extrait, la femme est considérée comme un objet manipulable car c’est
l’homme qui doit choisir ses désirs vestimentaires, elle ne doit pas s’habiller selon son
choix. Son habillement est standard : la femme doit s’habiller toujours en longue robe
noire et ne doit jamais se séparer de sa voile. La femme est prisonnière jusqu’à la tenue
vestimentaire, le pire encore est que même la couleur reste intacte (la couleur noire). On
constate alors qu’en apparence l’islam admet que les hommes et les femmes ont les
droits mais en pratique, il comprend des règles qui limitent la liberté de la femme.

4.2.1.5- La présentation de l’islam comme une religion de paix, l’amour et


la patience

La religion islamique n’est pas connue dans la violence, de mépris, de barbarie,


moins encore la dictature. C’est une religion de paix, d’amour envers son prochain,
homme comme femme sans distinction de genre. Raison en est que dans cette œuvre,
tout bon croyant remet tout entre les mains de Dieu. Le destin de l’homme en général
est entre les mains de Dieu. Dans cette religion, le musulman doit suivre juste son destin,
un destin que Dieu a tracé de manière individuelle. C’est pourquoi on constate que dans
toutes les circonstances, le musulman remercie Dieu (170) :« Alhamdulillah. Louange
à Allah ! » P. 108. C’est une formule qui consiste à remercier toujours Dieu même quand
ça ne va pas. Dire que c’est mieux et merci à Dieu même quand la situation s’empire.

(171) : Qu’Allah te donne la patience ! Qu’Allah l’accueille en son sein, lui pardonne
et lui accorde le paradis » p. 109. L’Islam apparait ici comme une religion qui met en
son centre « Allah » qui signifie Dieu. Il considère tout le monde au même pied
d’égalité, c’est une religion qui ne condamne pas son prochain, qui exhorte ses fidèles à
prier pour son prochain, souhaiter le bonheur à tout le monde, bref l’Islam est une
religion de paix. Par contre certains l’ont transformé selon leur désir en religion de
dictature, de favoritisme, de séparatisme et même de terrorisme.

117
4.3- La portée culturelle

La culture représente l’identité d’un peuple donné. Le texte de Djaïli Amadou Amal
représente les enjeux de la culture peule.
4.3.1- La tradition peule

Selon le dictionnaire Petit Robert, la tradition est une : « doctrine, pratique transmise
de siècle en siècle, originellement par la parole ou l’exemple », ou alors c’est
un : « ensemble de notions relatives passé, transmises de génération en génération ». Le
texte de Djaïli manifeste plusieurs valeurs traditionnelles peules.

4.3.1.1- L’explication de la tyrannie de la tradition peule

Djaïli expose la tyrannie de la tradition peule sur la femme s’appuyant sur l’orgueil
exacerbé de l’homme. La culture peule prévoit en homme un maitre suprême qui ne
s’inclinera jamais devant la femme même quand il n’a pas raison. L’homme se voit donc
humilié et rabaissé quand il reconnait ses erreurs et demande le pardon devant la femme ;
quand bien même il a tort il ne doit pas le reconnaitre. La tradition peule n’encourage
pas l’homme à demander le pardon à la femme. La femme doit juste imaginer la
culpabilité de l’homme à travers son comportement. C’est dont pourquoi l’un des
garants de la tradition (Alhadji) affirme :
(172) : il est vrai qu’un crime doit être reconnu pour pouvoir être pardonné, mais
chez nous, dans nos coutumes, les hommes ne s’abaissent pas devant leurs femmes. Ils
ne demandent pas pardon. Elles devraient deviner que je regrette toutes ces erreurs. p.
63
Ici, Alhadji est un fervent croyant et traditionaliste peul ; c’est dire alors que dans
sa tradition, la femme doit se taire devant le mal que son époux lui pose ; celui-ci ne doit
pas se peiner pour demander des excuses devant sa femme. Elle doit faire un constat de
regret de son mari.
Alhadji Souley qui est aussi un grand traditionaliste réitère la loi traditionnelle
peule d’avant qui prescrit la mort tragique à la jeune fille dès sa naissance. Djaïli la
souligne à travers le soutien de l’un des fanatiques encore (Alhadji Souley) en disant :

118
(173) : « … avant l’ère islamique, on enterrait les filles vivantes à leur naissance » p.
67.
Dans ce texte, nous voyons clairement que la tradition est restée hostile envers la
femme. Du fait qu’elle a fait d’elle un être sans droit ; même le droit à la vie, elle n’en
avait pas et si elle a une chose qu’elle mérite, c’est les devoirs. Le rapport de l’INS
(2010 : 10), en dit beaucoup de chose sur la situation féminine de la femme sahélienne
d’où sa conclusion :« En somme, les femmes restent vulnérables à l’Extrême-Nord et la
persistance des pesanteurs d’ordre culturel rendent invraisemblable l’égalité des
sexes ».
Le discours produit consiste donc à sortir les femmes de la tyrannie de la tradition
peule. Les femmes doivent désormais avoir un choix, celui de vivre dans une vie
moderne, une région qui est au cœur des mutations et des changements sociaux, une
région qui invite à ne plus subir le poids des contraintes de la communauté et de la
tradition. L’émancipation de la femme est un processus de cognition social qui doit tenir
compte de l’ensemble des progrès sociaux et scientifiques afin de l’extraire de la société
patrilinéaire où elle est un simple sujet ou objet de l’homme. La femme ne doit plus
subir des impositions. Au lieu de se déprécier comme le fait Aissatou à travers sa
soumission exacerbé envers les fausses lois traditionnelles qui n’ont pour but que de
faire souffrir la femme sahélienne. À travers ce texte, Djaïli nous montre que la femme
doit impulser le changement au sein de la société traditionnelle hostile à l’idée de statut
social qui s’impose à tous. Cette perception de Djaïli Amadou Amal de la réalité
traditionnelle semble « distiller » un espoir, une vision autre qui permettrait de sortir la
femme sahélienne et même la femme africaine en générale du carcan de
l’assujettissement de la tradition.
4.3.1.2- La soumission exagérée ou « pulaaku » de la femme sahélienne

Dans ce monde patrilinéaire, du fait de la transmission de l’héritage, de la


propriété et des noms, l’homme occupe une place prépondérante, une place de choix
contrairement au statut de la femme dans la région sahélienne du Cameroun. En effet,
la femme présente « un ensemble d’attitudes et de conduites, caractérisées par la
dépréciation de soi, le renoncement à soi, l’incapacité à être ce que l’on pourrait être

119
», (Mannoni P., 2000 :11). Dans ce système où la soumission est exagérée, la femme
sera exclue d’emblée de l’épanouissement social ou de la réalisation de soi. A l’opposé
de l’homme, elle n’aura pour rôle essentiel que la procréation, l’éducation des enfants
et les tâches ménagères. C’est dire que la femme est considérée dans cette œuvre comme
simple réceptacle pour l’homme. Dès lors, l’étude de la portée du discours de conflit
nous permet de saisir les différents matériaux langagiers autour desquels s’articule la
particularité du rôle dévolu et assigné à la femme du sahel.
La tradition peule enseigne et exige la soumission de la femme. La soumission
elle-même est signe du respect d’un inférieur à l’égard d’un supérieur pour les normes
sociales. Mais Djaïli retrace cette thématique dans son œuvre pour montrer son
exagération.
Le silence est caractéristique des femmes soumises et victimes qui ne peuvent
pas s’exprimer et dire leur opinion. Ardener (1978 :25) constate que les femmes sont
rarement les oratrices de la société ; même là où les femmes font la plupart du travail, la
supériorité du groupe est aux hommes et reçoivent le respect et la reconnaissance, tandis
que l’éloquence des femmes est rarement admirée et encouragée.
Pour Djaïli Amadou Amal, la femme est soumise au point de ne plus rien faire
dans sa vie à part attendre tout ce que l’homme lui demandera et ce qu’il lui fera. Elle
résume la vie de la femme qu’à l’attente de manière suivante :
(174) : Attendre ! S’il y’a un mot qui peut résumer à lui seul sa vie, c’est attendre.
Elle a passé sa vie à attendre. Attendre de grandir, attendre de se marier, attendre son
tour pour voir son mari, attendre pour rétorquer, attendre qu’il change, attendre
d’atteindre ses limites, attendre que ses filles grandissent, attendre pour partir,
attendre pour vivre, attendre pour mourir. p. 9

La multiplication de l’anaphore sur le mot « attendre » traduit l’insistance de


Djaïli sur la vie de la femme du sahel : celle d’attendre tout ce que l’homme lui demande
et lui fait. La femme laisse tous ses projets et activités pour obéir et manœuvrer pour
l’homme afin de lui satisfaire. La femme s’est laissée et s’est donnée à l’homme. Tout
ce que l’homme lui fera et dira, elle ne riposte pas, elle l’accepte tel quel. Cette
exposition de vie montre l’exagération de la soumission de la femme dans son œuvre
WAPM qui se manifeste plus clairement à travers le personnage d’Aissatou, la première

120
femme d’Alhadji. Djaïli expose les inconvénients de la soumission exagérée à travers le
discours d’Alhadji qui finit par la traitée de villageoise qui n’évoluera pas :
(175) : je devais me remarier. Elle n’avait pas évolué. Elle était restée une villageoise
malgré nos années en ville.
Mais comment allait- elle évoluer ? Pendant qu’il voyageait et rencontrait d’autres
personnes, elle était restée fidèlement à la maison. Elle ne lui avait jamais fait un seul
reproche même quand il avait épousé Mairamou. Aissatou avait réussi ce tour de force
d’accepter tout, supportant tout sans rien laisser transparaître de ses sentiments. Quand
il lui avait annoncé son remariage, elle était restée calme et même son visage n’avait
pas trahi ce qu’elle en avait pensé. Elle s’était contentée de répondre : « Allah fasse
que ce mariage te rende heureux ! p. 60

La soumission est un acte très favorable et aimable par celui à qui on l’adresse.
Elle est toujours un acte remercié, mais la soumission exagérée engendre le mépris
comme celui d’Alhadji envers sa tendre et douce femme Aissatou. Une soumission
exagérée est finalement vue par son mari comme un mauvais acte. Djaïli constate que
l’exagération de la soumission d’Aissatou a poussé son mari à épouser d’autres femmes
et à ne plus la respecter. Djaïli, reproche cet acte dans son œuvre à travers son exposition
de discours péjoratif portant sur la soumission exagérée.

4.3.1.3- La dramatisation et amplification de la vie de la femme sahélienne

Le statut de la femme devrait être un important élément dans la résonance de la


culture du monde traditionnel africain. Mais les personnages féminins dans Walaandé,
art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal sont confinés dans des rôles secondaires
« [apparaissent] comme les victimes d’un impitoyable destin ou d’une implacable
tragédie, broyées par des événements extérieurs. » (Mannoni P, 2000 :11). Dans cette
représentation de la femme qui n’est d’autre que celle du Nord Cameroun, est montrée
comme incapable de réagir aux règles séculaires imposées par une société phallocratique
qui la maintient dans une exclusion totale. La dramatisation et l’amplification de la vie
de la femme sahélienne renvoie à la complication et mystification de la vie de la femme.
Ici il s’agit de montrer que dans la zone sahélienne, la vie de la femme doit être très
différente de celle de l’homme et même de celle des femmes d’ailleurs. Une vie basée
majoritairement sur les interdits : absence de liberté d’expression et d’activité. L’œuvre
WAPM retrace ce phénomène à travers le discours restrictif centré sur la vie de la femme

121
peule. Nous prenons l’exemple du discours d’Alhadji qui prive sa deuxième femme
(Djaïli) de faire des remarques et questions :
(176) : tu ne poses plus jamais de question et ne fais pas de remarques ! p. 42
Dans ce discours, Djaïli veut nous montrer que la femme sahélienne est un genre
qui est différent des autres, qui n’a pas droit aux décisions dans sa maison, elle n’a pas
un mot à dire sur la décision de l’homme. Elle vit sous une interdiction de faire des
remarques. Même si elle constate le mauvais côté d’un cas qui concerne son mari, elle
doit faire la sourde d’oreille. Pire encore s’il s’agit du mariage de sa propre fille, elle ne
doit pas donner sa position négative sur le choix de l’homme qu’a fait son mari pour sa
fille. C’est le cas représenté dans WAPM, lorsque Aissatou recadre l’avis de son mari
Alhadji sur le mariage de ses enfants ce dernier répond de manière sévèrement :
(177) : Arrête de me contredire toi aussi. Qu’est-ce que vous avez toutes à vouloir
donner votre avis depuis un certain temps ? Les mariages sont des affaires d’hommes.
P. 67
En bref, la vie de la femme sahélienne est représentée dans cette œuvre comme
une vie de calvaire, car elle est privée de sortir, privée de l’éducation scolaire, privée de
s’exprimer, privée d’amour, Privée de choisir son mari, etc. Djaïli expose cette loi
coutumière pour libérer la femme de sa vie prisonnière.

4.1.4- L’exposition de l’ignorance de l’homme peul

L’ignorance renvoie à l’état d’une personne qui manque d’instruction, de savoir,


de culture générale sur quelque chose. L’exposition de l’ignorance consiste ici à
présenter la prise de conscience des hommes vis-à-vis de leurs pratiques barbares basées
sur le manque de la connaissance de la modernité.
La conscientisation renvoie à la prise de conscience vis-à-vis de quelque chose.
Chaque discours traite un quelconque problème. Djaïli présente à la fin de son œuvre
WAPM le discours de prise de conscience des hommes dictateurs inconscients,
regrettant leurs comportements atroces à l’égard de leurs femmes et leurs enfants :
D’abord l’imam qui commence :
(178) : Allah, dans le saint Coran a déclaré : « vos enfants et vos épouses sont pour
vous sur la terre une source de soucis ». En tant qu’humain, on ne peut qu’accepter les
épreuves qu’Allah nous inflige. Alhadji, c’est quand il y’a une difficulté qu’on dit à

122
une personne « supporte ». Et toujours dans le Coran, Allah dans sa sagesse infinie a
déclaré : « après une difficulté, il y aura certes une facilité ». Cette phrase est tellement
importante qu’elle fut répétée. Chez nous les peuls, nous disons : « même si ton bras
pourrit, tu ne peux pas l’arracher et le jeter par terre ». Concernant un membre de la
famille, nous disons encore : « Que l’eau ne peut nettoyer cette familiarité, de même
que le couteau ne peut la trancher ». Alhadji, incontestablement, tes épouses ont mal
agi. Elles t’ont poussé à bout. Allah, qui dans sa grande sagesse les a créées d’une
côte, les a faites aussi courbées dans leur réflexion que cette côte. Si tu essayes de la
redresser, elle se brise. Tes enfants aussi ont mal agi ! mais, pourras-tu faire en sorte
qu’ils ne soient plus tes enfants ?

Le discours de l’Imam n’est pas qu’un simple discours de l’invention et de


l’exorde. Il amène Alhadji de reconnaitre ses erreurs en lui faisant comprendre que les
torts sont partagés. L’histoire d’Alhadji a permis l’ouverture d’esprit des amis et frères
qui l’entourent. Pour que Alhadji prenne conscience, de ses erreurs et de son ignorance,
l’Imam commence par lui donner d’abord la raison en accusant ses épouses et ses
enfants, ensuite il considère la femme et l’enfant comme des êtres sensiblement
incontournable dans la vie de l’homme à travers des anecdotes et des exemples
pratiques. Pour lui l’enfant et la femme apparaissent comme des côtes de l’homme ou
alors des compagnons à vie pour l’homme ; des êtres dont on ne pourra jamais se
débarrasser d’eux. Pour l’Imam, Alhadji ignorait juste certaines lois coraniques et
culturelles. Il ne doit pas accuser ses femmes et ses enfants seulement, lui aussi il a tort.
Cet extrait est l’inauguration à la prise de conscience ; c’est pourquoi on donne d’abord
la parole à l’Imam, considéré comme le maître religieux pour débuter le conseil.
Ensuite, pour renchérir le discours de l’Imam, Alhadji Daouda continue en
connaissance les effets de l’évolution de temps :
(179) : Malheureusement, le monde a changé. Les coutumes, les traditions, le
pulaaku n’existent plus. À notre époque, les enfants ne pouvaient se permettre une
réflexion devant leurs parents. Les épouses ne parlaient qu’en sourdine. Hélas, les
temps ont changé.

Alhadji Daouda sort de l’ignorance qu’il avait sur l’évolution de temps. Il


comprend enfin que le monde évolue au fil du temps et il en est de même pour les
coutumes. Il fait comprendre à son frère Alhadji Oumarou de sortir de l’ignorance.
Alhadji Daoud reconnait maintenant qu’ils avaient tort. Il le dit sans se cacher
même comme la coutume ne soutient jamais la reconnaissance de ses erreurs
devant la femme, cette fois-ci Alhadji Daouda le dit ouvertement leurs erreurs tout
en se référant à la recommandation du prophète en disant :

123
(180) : Nous devons nous estimer heureux. Combien de jeunes aujourd’hui
prennent de l’alcool, de la drogue et passent leur temps aux cabarets ? Nos enfants
eux, n’ont voulu que continuer leurs études. Malheureusement, nous avons été
fautifs. Nous avons oublié cette recommandation du Prophète, que la paix et
bénédiction d’Allah soit sur lui, qui conseillait de : « rechercher la connaissance et
le savoir jusqu’en Chine »

Alhadji Daouda en revient à la raison en actualisant les choses. Il comprend dès


lors que leurs enfants n’ont pas pris le mauvais chemin, c’est plutôt eux les parents qui
avaient tort d’empêcher leurs enfants de continuer les études. Il s’ensuit à travers un
exemple pratique à lui-même :
(181) : L’autre jour, quand j’ai conduit ma femme à l’hôpital pour l’accouchement,
il n’y avait que des médecins hommes. Quand je me mis en colère, exigeant une femme
pour s’occuper de mon épouse, le directeur de l’hôpital en colère me posa une question
à laquelle je n’arrête pas de penser depuis et je vous jure mes frères que cela va changer
ma vie. (…)
(182) : Il m’a juste posé une question : « Et si tout le monde refuse d’envoyer ses
filles à l’école comme vous, où trouverez-vous ces médecins femmes pour s’occuper
de vos épouses ? Arrêtez de nous emmerder Alhadji.

Alhadji a pris conscience sur l’importance de l’éducation de la jeune fille. Et qu’il


a compris qu’en réalité ils ont commis beaucoup d’erreurs dans leur vie d’ignorance. Il
est conscient que lui et ses amis vivaient dans l’ignorance totale et qu’ils doivent prendre
en considération l’évolution du temps. La question du médecin était le moyen par
excellent qui a donné la réflexion à Alhadji Daouda en lui poussant vers le droit chemin
de la scolarisation de la jeune fille.
Cette explication et exemple de Daouda conscientise aussi l’esprit d’Alhadji
Oumarou qui à son tour regrette toutes ses atrocités envers ses femmes et ses enfants en
disant :
(183) : j’ai compris mes frères. J’avais agi sous la colère et je le
regrette. Cependant, dit-il en se tournant vers l’Imam, j’ai commis plus de fautes à ton
égard et je te prie de me pardonner. J’ai répudié Nafissa trois fois.
L’œuvre WAPM est la référence pour la prise de conscience ou alors de sortir de
l’ignorance que Djaïli fait bonne figure. Elle le présente aux dernières pages de son
œuvre, synonyme des derniers discours de l’histoire pour attirer plus l’attention des
lecteurs. Elle présente ce discours de manière attrayante pour donner plus de leçon aux
actes souvent incontrôlés et inconscients des hommes.

124
4.3.1.5- Le mariage forcé et précoce

Le mariage forcé et précoce est un véritable fléau qui mine la société peule ; une
société soumise à sa tradition (peule). Selon cette tradition, la jeune fille n’a pas droit au
choix de son mari, ni le choix de temps prévu pour son mariage. Elle doit attendre le
jour de son mariage ou le jour des noces pour découvrir son mari. Le choix revient à ses
parents. Djaïli étant considérée comme la narratrice de ce texte, elle expose cette
pratique à travers une explication bien précise sur le mariage de la jeune femme Nafi en
disant :
(184) : le père avait toujours choisi ses gendres sans tenir compte de l’avis des futures
mariées. p. 29
Cet énoncé de Djaïli montre le rituel du mariage selon la tradition peule. C’est un fait
reconnu et qui n’aurait plus de discussion ni de revendication. Le père doit décider à la
place de sa fille. D’après lui, il est mieux placé pour choisir le meilleur mari à ses filles.
C’est le cas dans l’extrait suivant :
(185) : Il y a quelques semaines, Moubarak m’a fait part de son désir d’épouser sa
cousine Yasmine ta fille. Alhadji Daouda m’a suggéré de donner en retour à ton fils
Moustafa la main de ma fille Rouftza. Beaucoup des prétendants l’ont sollicitée mais
si on célèbre le mariage dans nos familles ce sera mieux. pp. 65-66

La négociation se fait entre les parents sans tenir compte des concernés à moins
que tu sois garçon et que tu as le désir d’épouser une telle fille ; dans ce cas tu dois en
parler à ton père et non présenter tes vœux d’amour à la fille en question. Cette pratique
purement non logique et injuste est exposée par Djaïli dans son œuvre. Cet extrait nous
montre clairement que les jeunes filles sont partagées comme le gâteau. Normalement
la logique prévoit la consultation de l’avis des concernés (le marié et la mariée) mais
comme les parents ont une main mise sur la décision, ils les partagent à leur guise. Le
mariage forcé relève du domaine de la tradition, puisque les tractations liées au mariage
se font uniquement entre les parents des futurs mariés. Nous voyons le désaccord de la
jeune écrivaine camerounaise à travers la mise en scène des jeunes (Moustapha, Fayza,
Yasmine et Amadou) aussi hostiles à cette décision, des enfants aussi désireux de suivre
leurs études et non de se voir mariés sans amour et même sans se préparer
psychologiquement :

125
(186) : -Me marier ! en plus avec ma cousine ! Mais le pater est finalement devenu fou.
C’est quoi cette histoire ? :
- (Fayza folle de rage) Tu es au courant de cette histoire de mariage ? Non mais c’est
une plaisanterie ! Il n’est pas question que je tombe dans ce panneau. Je ne vais
certainement pas épouser cet idiot d’Amadou et aller vivre dans la maison de l’oncle
Daouda. Lui qui exige que toutes ses femmes et ses brus revêtent la longue robe noire
et se voilent jusqu’aux yeux. Non mais, c’est inadmissible ! je n’accepterai jamais !
mieux vaut mourir. Que fait-on grand frère ?
- (Moustapha les yeux brillant de colère), Non nous allons refuser ! c’est tout.
Ils ne peuvent pas nous obliger.
- Tu te rends compte ? Baaba ne sait même pas quelle classe je fais. Je ne vais pas me
marier alors que je suis en seconde. Il est toujours injuste envers les filles. Non ! je
refuse de céder c’est tout.
- Il ne sait pas non plus ce que je fais. (…).
- (Yasmine timidement), Je t’en prie, grand frère, fais quelque chose, je ne veux pas
épouser Moubarak. C’est un voyou. Il me fait peur.
- Yasmine, personne ne se mariera ici, la réconforta sa sœur. On va tous refuser.
- Il faudra qu’on fasse un bloc, qu’on se serre les coudes. À trois, nous sommes plus
forts, conseilla Moustapha. (…).
Alors qu’il tenait ce conseil de guerre, le bruit d’une moto se fit entendre. Moustapha
reconnu la voix de son cousin Amadou.
- Non mais c’est quoi cette histoire ? Fit ce dernier en entrant dans la chambre. pp. 70-
71
Cet extrait nous montre le refus de cette pratique aveuglée de leurs parents, une
formation de bloc pour combattre ce fléau qui risque ruiner leurs rêves. En réalité, ces
enfants n’ont pas encore l’esprit du mariage, ils veulent encore pousser les études afin
de réaliser leurs rêves. Malheureusement leurs parents choisissent un autre destin : le
mariage. Ils choisissent les conjoints de leurs filles et fils sans tenir compte de leur choix
et de leur temps. Djaïli pour mieux amener la lumière à cette pratique illégale choisie la
famille peule qui a envoyé ses enfants par chance faire un peu d’étude dans l’optique de
maitriser le décompte dans leur futur métier de commerce. Elle choisit un groupe
d’instruit pour opposer à cette idée malvoyante de mariage forcé.
Ainsi, renoncer au sens de Djaïli Amadou Amal, c’est penser à certains aspects
de la culture, de la tradition, de la coutume, qui avilissent la femme. C’est laisser
s’émouvoir, s’épanouir et se réaliser la femme dans la société ; c’est la laisser faire ses
propres choix. Djaïli veut nous montrer que cet acte semble dans cette société
patrilinéaire ou alors une société traditionnelle, une manière d’accepter de perdre la
domination de l’homme sur la femme, c’est accorder à la femme le droit de s’approprier
son corps, d’avoir le pouvoir de choisir un homme à sa convenance, de se marier au

126
moment qu’elle voudra, de donner sens à sa vie. Pourtant, la femme sahélienne veut
juste son épanouissement comme les autres femmes du reste du monde.
Au terme de ce chapitre, il était question d’identifier les différentes portées du
discours énonciatif de l’œuvre WAPM. Ainsi, on peut dire que le but de l’écrivaine
Sahélienne est de mettre à nu des vices qui gangrènent la vie de la femme et de
s’interroger sur l’apathie de cette société mise en exergue dans le roman et d’essayer
d’en trouver des solutions. Solutions qui importent d’analyser la déperdition des mœurs
dans la société sahélienne contemporaine du XXIème siècle. La scène d’énonciation,
lieu d’actualisation des comportements humains, nous a permis de dévoiler aussi des
rites et d’autres pratiques coutumières propres aux peuls. Selon les différents extraits
qui ont fait l’objet de l’analyse, Djaïli Amadou Amal fait dire à travers
ses personnages que la femme sahélienne mariée ou non mariée est considérée comme
un être prisonnier où elle est exposée aux différentes conditions sociales, culturelles,
religieuses. Djaïli présente dans son texte les réalités sociales du peuple peul du Nord
Cameroun. Le discours ou les énoncés avancés par l’écrivaine sahélienne renvoient au
discours de dénonciation, afin de libérer la femme de sa condition pitoyable. C’est dire
alors que ce texte nous a édifié sur la vie socio-culturelle et religieuse du peuple peul du
Nord Cameroun. Une société où la femme n’a pas le droit à la revendication de ce qui
lui revient, une société qui considère l’homme comme demi dieu de la femme. C’est lui
qui a droit sur la femme et celle-ci n’a que de devoir. La tradition qui est contre son
épanouissement, et l’ironie vis-à-vis de la religion musulmane et surtout la mauvaise
interprétation du coran jettent la femme dans un état précaire. Pour être plus
claire, en apparence l’islam dit que les hommes et les femmes ont les mêmes droits en
pratique il comprend des règles qui limitent la liberté de la femme.

127
CONCLUSION GÉNÉRALE

La présente étude, a montré que l’énonciation entendue comme activité sociale a


une visée communicative et dès lors, la romancière donne une vision du monde, une
perception de la zone septentrionale et concrètement la Région de l’Extrême-Nord
Cameroun à travers le quotidien des personnages. La principale préoccupation de ce
travail était d’analyser les faits énonciatifs qui caractérisent le conflit entre les
personnages dans l’espace romanesque de notre corpus. Notre investigation s’est attelée
à partir du processus discursif et basé sur la modalisation qui définit la relation
conflictuelle entre les personnages du texte.

Ainsi, pour y parvenir la méthode stylistique nous a paru la plus évidente pour
appréhender les opérations énonciatives qui actualisent la signification dans notre
corpus. La stylistique est une approche qui se veut éclectique et s’ouvre à plusieurs
disciplines. En ce sens l’énonciation, la rhétorique, la pragmatique, la littérature, la
sociologie, la sémiotique, la linguistique textuelle, nous ont permis d’investir le roman,
de sonder le texte, de décrypter les mots et de décrire les énoncés afin de mieux révéler
ce qu’ils renferment.

L’analyse de ce travail s’est articulée sur quatre chapitres. Le premier point sur
les prolégomènes à l’analyse énonciative du discours conflictuel avait pour but de
préciser les principes préliminaires à l’études de l’analyse énonciative du discours du
conflit. Dans ce chapitre, nous avons défini trois concepts clés à savoir l’énonciation, le
discours et le conflit. L’énonciation est un terme défini par plusieurs auteurs comme
Benveniste Emile, Kerbrat Orecchioni, Maingueneau. De leurs différentes définitions,
il reste et demeure des mots clés et communs dans la définition de l’énonciation. D’après
leurs conceptions, l’énonciation n’est qu’un phénomène de production des énoncés.
Quant au discours, il fait aussi l’objet de plusieurs définitions par des différents auteurs.
Après l’analyse des différentes définitions proposées par Benveniste, Sarfati,
Maingueneau et Vignaux, le discours est perçu sous différents angles. Toutefois, parmi
les différentes acceptions, on peut trouver aussi des points communs : ces auteurs
admettent tous que la production / réception d’un discours a besoin de trois instances
coparticipantes à la construction de la signification : le sujet producteur ou le sujet

128
interlocuteur, le sujet récepteur et un « message » qui change en quelque sorte l’état
initial de son destinataire. Le discours c'est donc lorsque l'auteur ou l'instance
d'énonciation (le narrateur ou locuteur), se fait sentir : lorsqu'on perçoit ses intentions,
ses parties prises de façon orale ou écrite.
Enfin nous avons considéré dans ce chapitre la notion de conflit comme une
opposition d’idée, une contestation, une polémique ou alors une contradiction, une
contre-indication et une incompatibilité d’opinion des personnages ou des
interlocuteurs.
Nous avons conclu ce chapitre en considérant le discours conflictuel comme les
énoncés ou encore phrases portant une idée du conflit, un discours qui véhicule le conflit,
bref un énoncé qui renvoie au conflit.
Dans le deuxième chapitre intitulé : l’Analyse structurale du discours conflictuel
dans Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal, notre analyse s’est
basée sur la modalisation ou alors les éléments énonciatifs du texte de Djaïli Amadou
Amal. Nous avons considéré le conflit comme toute expression ou mots qui exprime la
polémique, l’opposition, la mésentente, le désaccord, la révolte et bien d’autres éléments
traduisant ou tendant vers le conflit entre les personnages ou alors les énonciateurs et
leurs co-énonciateurs.
Dans ce chapitre, nous n’avons pas seulement analysé la modalisation de façon
générale dans le texte de Djaïli Amadou Amal, nous avons plutôt identifié le conflit
entre les personnages de l’œuvre grâce aux indices énonciatifs comme la modalité
exclamative, la modalité interrogative, la modalité impérative et la modalité assertive à
travers les modalités d’énoncé ; à travers les subjectivèmes tels que les adjectives, les
verbes de modalité, les adverbes, les noms de qualité. Ces éléments de modalisation
trahissent l’esprit conflictuel du locuteur vis-à-vis du récepteur dans le cas des modalités
d’énonciation comme la modalité impérative. Ils trahissent aussi l’esprit conflictuel du
locuteur c’est-à-dire l’idée d’opposition que manifeste le locuteur à travers les
manifestations subjectives dans le discours.
Le troisième chapitre intitulé : « Les marqueurs polyphoniques comme moyens
d’identification de rapport qui lie les personnages » avait pour but d’identifier la
pluralité des voix (polyphonie) dans un discours à travers les implicites, les figures de

129
style, le discours rapporté. Dans ce chapitre, nous avons identifié le discours de conflit
à travers les éléments de l’implicite comme les présupposés et les sous- entendus ; à
travers les figures de style comme l’ironie, l’asteisme, l’aposiopèse ; à travers le discours
rapporté comme le discours direct et le discours indirect libre. Dans ce chapitre, nous
avons constaté que les éléments énonciatifs de la polyphonie permettent aussi
d’identifier le message dans un discours ou dans un énoncé comme celui du conflit dans
le texte de Djaïli.
Le dernier chapitre est intitulé : « Les portées du discours conflictuel dans
Walaandé, l’art de partager un mari de Djaïli Amadou Amal » avait pour but d’étudier
les éléments langagiers en rapport avec le contexte social, religieux, culturel, littéraire
et politique de l’œuvre. Il ressort que ce roman décrit le foyer sahélien ou alors elle
renvoie à la situation réelle du peuple du Nord Cameroun en particulier celui de
l’Extrême-Nord, univers dans lesquels se déploient les personnages romanesques à
travers les noms qui sont typiquement du Nord Cameroun « Alhadji », « Aissatou »,
« Nafi », « Djaïli », « Sakina », « Moustapha » …, et le nom de la ville comme
« Maroua » et les quartiers comme « Domayo », « Salak », « Makabay ». Cette
inflexion nous révèle que les actants sont assujettis par les pratiques coutumières,
religieuses et culturelles réalisées dans les différentes scènes d’énonciation relevées
dans les chapitres précédents. Nous avons aussi démontré comment l’espace
romanesque est marqué par une mise en marge de la femme qui aboutissent à la crainte
et à l’exclusion de l’autre. Enfin, nous avons montré comment l’écriture de la
dénonciation investit le genre romanesque en considérant l’écrivaine camerounaise
Djaïli Amadou Amal comme une écrivaine engagée. La romancière s’approprie ainsi le
discours pour exprimer son positionnement dans le champ littéraire ou discursif.

Les écritures de Djaïli Amadou Amal montrent que le contexte socioculturel est
tributaire de certaines pratiques et croyances qui assujettissent l’individu.
Effectivement, le rapport des personnages avec l’affrontement, ou alors l’opposition
entre les personnages sont particuliers. Ces éléments qui participent de l’acte énonciatif
jouent un rôle important dans la société. Le refus de la scolarisation de la jeune fille et
celui d’accéder à certaines fonctions publiques, le mauvais traitement à l’égard de la
femme, la marginalisation du personnage féminin sont les thèmes phares défendus par

130
l’écrivaine sahélienne, d’où l’identification des différentes portées comme la portée
sociale, la portée religieuse, la portée culturelle.

En admettant que le discours actualise des événements dans le roman, on


reconnaît que les femmes sahéliennes sont considérées comme des êtres sans droit, elles
sont par contre des êtres qui ont beaucoup de devoirs.

Nous avons recouru en effet à la théorie énonciative qui est d’ailleurs initiée par
Benveniste E. à travers sa notion des déictiques et poursuivie par Kerbrat Orecchioni C.
qui s’est basés sur les subjectivèmes dans l’énoncé, enfin des notions d'implicite et de
présupposition selon la théorie de Ducrot Oswald .Avec l'approche énonciative nous
avons considéré les énoncés comme des entités abstraites et la linguistique du discours
ou l'étude des énoncés nécessite la prise en compte des réalités déterminées par leurs
conditions contextuelles de production. L'analyste fait appel au concept d’énonciation
présenté soit comme le surgissement du sujet dans l'énoncé, soit comme la relation que
le locuteur entretient par le discours avec l'interlocuteur, soit enfin comme l'attitude du
sujet à l'égard de son énoncé.

Pour répondre aux questions qui constituent notre problématique et confirmer les
hypothèses émises, la première hypothèse de recherche est formulée comme suit : «la
modalisation comporterait une dimension subjective qui trahirait le discours du conflit
». Elle est confirmée, la preuve en est qu’il y a dans le texte les modalités d’énonciation,
les modalités d’énoncé, les subjectivèmes et même certains éléments de l’énonciation
qui expriment la subjectivité du sujet énonciateur renvoyant directement au conflit.
Comme le cas de verbe « détester », l’adjectif « honteux », le nom de qualité « voyou »,
les figures de style comme l’ironie, aposiopèse et l’astéisme, indiquent directement la
présence du conflit dans un discours.

La deuxième hypothèse de notre recherche est la suivante : « les marqueurs


polyphoniques présenteraient les différentes opinions qui relèveront du discours du
conflit dans le texte de Djaïli ». Cette hypothèse est confirmée, la preuve en est que les
différentes voix manifestées à travers les figures de style comme l’ironie, l’aposiopèse,
l’astéisme ; à travers le discours direct et le discours indirect libre ; enfin à travers les
implicites c’est-à-dire les présupposés et les sous-entendus, exposent clairement les voix
131
en conflit. Ces éléments énonciatifs de la polyphonie jouent un double rôle dans ce
travail. D’abord celui d’identifier les voix dans le discours ensuite celui d’identifier la
relation qui les lie dans le discours. C’est l’exemple de l’énoncé polyphonique à travers
la figure de l’ironie (189) : « Madame le docteur a fait son diagnostic ! ». Cet exemple
nous a permis d’identifier deux voix que sont : celle du locuteur qui attaque
l’interlocuteur de manière ironique.

La troisième et dernière hypothèse de notre recherche est libellée comme suit : «


Les faits socioculturels et religieux pourraient être les portées du conflit du texte de
Djaïli Amadou Amal ». Cette dernière hypothèse est aussi confirmée, car il convient
d’affirmer que l’écrivaine sahélienne présente dans son texte la condition de la femme
dans le foyer polygamique qui est sans doute d’ordre social, une société basée sur la
culture peule et bien évidemment dans la religion islamique. Les différents énoncés
présentent la femme qui est domptée par la tradition, du fait que la tradition peule
conditionne la femme ; matée par la religion, parce que les hommes interprètent mal le
coran et les lois de la religion islamique. Le discours ou alors les texte de Djaïli Amadou
Amal se présente ici comme un discours de dénonciation ou alors d’exposition de la
tyrannie de l’homme sur la femme du sahel.

Nous avons pu comprendre que les éléments énonciatifs comme les


subjectivèmes, les modalités, la polyphonie permettent d’identifier non seulement
l’émotion du locuteur dans son discours ou énoncé, mais aussi d’identifier la relation
qui le lie avec son interlocuteur ou son entourage. Ces éléments apparaissent plus
pratiques dans l’analyse de l’énoncé ou discours voire d’un texte littéraire. Avec le
temps, il serait judicieux de se baser à priori sur les éléments énonciatifs afin de mieux
comprendre le discours d’un quelconque locuteur et de savoir plus facilement son
intention ou alors d’identifier la relation qu’il entretien avec son interlocuteur ou son
récepteur (relation amicale ou relation conflictuelle).

Le présent texte corpus témoignent de l’évolution de la mentalité de la femme


sahélienne. L’écrivaine sahélienne cherche la liberté de la femme, son épanouissement,
son égalité à l’homme, fustige la mauvaise foi de l’homme vis-à-vis de la femme en

132
personne et envers la religion islamique et son Saint Coran. Ce texte ou discours présente
des idées expositives de la pratique barbare de l’homme sur la femme.

Comme tout travail scientifique, nous avons constaté et vécu un problème, surtout
dans la classification des modalisateurs. Car certains modalisateurs partagent plusieurs
catégories ou classes énonciatives. Il nous passe souvent à l’esprit de faire la confusion
de les ranger selon leur classe ou alors ils reviennent à plusieurs reprises. Compte tenu
de ce problème, il devient souvent un avantage à la crédibilité et même la fiabilité des
résultats d’interprétation, car en repérant ces éléments répétitifs à plusieurs classes, on
se rend compte que notre objectif d’identifier un thème donné dans un texte ou discours
comme celui du conflit devient assertive et correcte.

133
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143
Table des matières
DÉDICACE ...............................................................................................................................................
REMERCIEMENTS ................................................................................................................................ii
RÉSUMÉ .................................................................................................................................................iii
ABSTRACT ............................................................................................................................................iii
LISTE DES ABRÉVIATIONS ............................................................................................................... iv
SOMMAIRE ............................................................................................................................................v
INTRODUCTION GÉNÉRALE ............................................................................................................. 1
CHAPITRE 1 : PROLÉGOMÈNES À L’ANALYSE ÉNONCIATIVE DU DISCOURS
CONFLICTUEL .................................................................................................................................... 12
1.1- L’énonciation......................................................................................................................... 12
1.1.1- Les différentes conceptions de l’énonciation .................................................................... 13
1.1.1.1- La conception de Benveniste ..................................................................................... 13
1.1.1.2- La conception de Kerbrat-Orechioni ......................................................................... 15
1.1.1.3- La conception de Maingueneau ................................................................................. 17
1.1.2- L’énonciation et la subjectivité.......................................................................................... 18
1.1.2.1- La notion de subjectivité selon Benveniste ...................................................................... 19
1.1.2.2- La notion de subjectivité chez Kerbrat ............................................................................. 22
1.1.3- Le lien entre l’énonciation et la subjectivité.......................................................................... 26
1.2- Le discours ................................................................................................................................. 27
1.2.1- Le discours : un terme polysémique........................................................................................ 28
1.2.1.1- Selon Benveniste .............................................................................................................. 28
1.2.1.2- Selon Sarfati ..................................................................................................................... 28
1.2.1.3- Selon Maingueneau .......................................................................................................... 29
1.2.1.4- Selon Vignaux .................................................................................................................. 30
1.2.2- La disparité entre certaines notions de discours ...................................................................... 32
1.2.2.1- La disparité entre texte et discours ................................................................................... 32
1.2.2.2- La disparité entre phrase et discours ............................................................................... 33
1.2.2.3- La disparité entre énoncé et phrase .................................................................................. 33
1.2.2.4- La disparité entre énoncé et discours ............................................................................... 35
1.2.3- Les caractéristiques et les fonctions du discours ................................................................. 36
1.2.3.1- Les caractéristique du discours ........................................................................................ 36
1.2.3.2- Les fonctions du discours ................................................................................................. 37
1.2.4- Le discours conflictuel ............................................................................................................ 37
1.2.4.1- La définition de terme « conflit » ..................................................................................... 37
1.2.4.2- La notion du discours de conflit ....................................................................................... 40

144
CHAPITRE 2 : L’ANALYSE STRUCTURALE DU DISCOURS CONFLICTUEL .......................... 42
2.1- Les modalités d’énonciation et le codage du conflit .................................................................. 42
2.1.1- La modalité exclamative ......................................................................................................... 43
2.1.2- La modalité injonctive ............................................................................................................ 45
2.1.3- La modalité assertive à valeur négative ............................................................................. 47
2.1.4- La modalité interrogative ........................................................................................................ 48
2.2- Les modalités d’énoncé et expression du trouble émotionnel des personnages......................... 52
2.2.1- La modalité déontique ............................................................................................................. 52
2.2.2- La modalité épistémique ......................................................................................................... 53
2.2.3- La modalité aléthique .............................................................................................................. 55
2.3- Les subjectivèmes du conflit dans Walaandé, art de partager un mari ...................................... 56
2.3.1- Les adjectifs ............................................................................................................................ 57
2.3.2- Les adverbes............................................................................................................................ 62
2.3.3- Les verbes modalisateurs ........................................................................................................ 64
2.3.4- Les noms de qualité................................................................................................................. 66
CHAPITRE 3 : LES MARQUEURS POLYPHONIQUES ET LES IMAGES ................................ 70
3.1- Les implicites ............................................................................................................................. 71
3.1.1- La présupposition .......................................................................................................... 71
3.1.2- Le sous-entendu renvoyant au conflit............................................................................ 77
3.2- Les figures de style .................................................................................................................... 79
3.2.1- L’ironie .......................................................................................................................... 80
3.2.2- L’Aposiopèse................................................................................................................. 82
3.2.3- L’astéisme ..................................................................................................................... 85
3.3- Le discours rapporté ................................................................................................................... 86
3.3.1- Le discours direct .......................................................................................................... 86
3.3.2- Le discours indirect libre ............................................................................................... 88
CHAPITRE 4 : LES PORTÉES DU DISCOURS CONFLICTUEL .................................................... 92
4.1- La portée sociale du conflit ........................................................................................................ 93
4.1.1- La dénonciation de la polygamie ............................................................................................ 94
4.1.1.1- La présentation de la souffrance de la femme dans la zone sahélienne ........................... 96
4.1.1.2- La dénonciation de la dictature de l’homme sahelien .................................................... 101
4.1.1.3- La narration du conflit dans le foyer polygamique ........................................................ 103
4.1.1.4 – L’exposition du conflit de génération........................................................................... 105
4.1.1.5- La dénonciation de la violence faite aux femmes .......................................................... 108
4.1.1.6- La sous scolarisation des jeunes et de la jeune fille en particulier ................................. 109
4.1.1.7- L’appel à la libération de la femme sahélienne .............................................................. 111

145
4.2- La portée religieuse .................................................................................................................. 112
4.2.1- Sur le plan islamique ............................................................................................................. 112
4.2.1.1- La fausses affirmations sur le coran ................................................................................... 112
4.2.1.2- L’hypocrisie vis-à-vis de la religion islamique .................................................................. 114
4.2.1.3-La création de la loi islamique pour condamner la femme ................................................. 115
4.2.1.4- La transposition des lois culturelles dans les lois islamiques............................................. 115
4.2.1.5- La présentation de l’islam comme une religion de paix, l’amour et la patience ................ 117
4.3- La portée culturelle .................................................................................................................. 118
4.3.1- La tradition peule .................................................................................................................. 118
4.3.1.1- L’explication de la tyrannie de la tradition peule ........................................................... 118
4.3.1.2- La soumission exagérée ou « pulaaku » de la femme sahélienne .................................. 119
4.3.1.3- La dramatisation et amplification de la vie de la femme sahélienne.............................. 121
4.1.4- L’exposition de l’ignorance de l’homme peul .................................................................. 122
4.3.1.5- Le mariage forcé et précoce ........................................................................................... 125
CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................................. 128
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................. 134

146

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