Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
com
André Voisin
ProductivitE
dE
de l’hErbE
herbe
Édition originale de 1957
« De l’équilibre du sol dépend
la santé de l’animal et de l’homme »
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Biographie
André Marcel Voisin est né le 7 janvier 1903 à Dieppe, de parents paysans. Après une pre-
mière partie de scolarité à Dieppe, il est inscrit au collège Louis-le-Grand à Paris. Il effectue
son service national dans la Marine nationale en 1923 et le termine avec le grade d’en-
seigne de vaisseau. Il obtient, en 1924, un diplôme de biochimie à l’École supérieure de
physique et de chimie industrielles de la ville de Paris. Voisin commence sa carrière profes-
sionnelle comme ingénieur dans l’industrie du caoutchouc. Ses facilités avec la langue alle-
mande l’amènent à l’université de Heidelberg en 1936, où il soutient une thèse intitulée
« Goethe et la France » ; il est fait citoyen d’honneur de la ville de Heidelberg.
À la déclaration de guerre en 1939, Voisin quitte l’industrie et rejoint les forces navales
françaises en Algérie. Au cours d’une mission en Méditerranée, il est sérieusement blessé
et passera sept mois à l’hôpital du Val de Grâce à Paris. Remis de ses blessures, il participe
à plusieurs engagements armés, dont la campagne de Narvik en Norvège. Après l’armistice
de 1940, il est évacué vers l’Angleterre depuis Cherbourg. Il y rencontre l’amiral Thierry
d’Argenlieu et devient l’attaché de l’amiral Émile Muselier, chef des Forces navales fran-
çaises libres.
En octobre 1940, de retour en France, il rejoint la ferme familiale qu’il commence à admi-
nistrer. De 1941 à 1944, il participe à la Résistance en assurant des approvisionnements
mais réalisant également des traductions. En mars 1943, il se fait l’avocat d’un fermier
menacé du peloton d’exécution.
Il épouse Marthe Rosine Fernagu à Paris courant 1943. Après la libération de Paris en
août 1944, il laisse la ferme du Talou aux soins de son épouse et rempile comme Lieutenant
dans un régiment des Troupes de Marine et vivra la bataille des Vosges. Il est de nouveau
blessé en Alsace à Benfeld.
V
Retrouver ce titre sur Numilog.com
En 1946, André Voisin publie ses mémoires de guerre : Un seul pied sur la terre (Mirambeau
et Cie ; janvier 1946 — épuisé).
Après avoir fait son devoir, Voisin retourne sur sa ferme à Gruchet en 1945. Il y observera
longuement les vaches pâturer les prairies. Ces observations le mèneront à poser les lois
du pâturage et sera à la base de ses nombreux travaux de ce qu’il appellera « la rencontre
de la vache et de l’herbe ».
À partir des années cinquante, ses recherches attirent l’attention. Il reçoit de nombreuses
visites sur sa ferme et est invité dans le monde entier pour en parler : aux États-Unis en
1951, en Grande-Bretagne, en Irlande et en Allemagne. En 1956, il est fait professeur associé
de l’École vétérinaire de Maisons-Alfort et devient membre de l’Académie d’Agriculture.
C’est durant cette période qu’il publie Productivité de l’herbe (1957), La vache et l’herbe
(1958), Sol, herbe et cancer (1959), Dynamique des herbages (1960), Le pâturage rationnel
(1962), Tétanie de l’herbe (1963) et enfin Le sol, la plante et l’animal (1964).
Alors qu’il réalise une série de conférences à Cuba en décembre 1964, il décède des suites
d’un infarctus le 21 décembre : Fidel Castro annonce sa mort à la télévision le soir même
et André Voisin aura des funérailles nationales. Son corps est toujours enterré à Cuba. Son
épouse Martha l’y rejoindra en 2006 à l’âge de 105 ans.
Héritage
Si les travaux d’André Voisin ont très tôt connu un fort succès à Cuba, il faudra attendre
les années 1980 pour que les Anglo-Saxons le redécouvrent, avec des agronomes tels que
Allan Nation, Allan Savory ou Joël Salatin. Ce n’est que très récemment que l’agriculture
française a redécouvert l’œuvre de l’un des siens. Ses travaux sont aujourd’hui considérés
comme ayant fortement contribué à l’établissement des principes de la permaculture, de
l’agroécologie, de la gestion holistique ou encore du mouvement du « retour à l’herbe ».
VI
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Avant-propos
Les éditions France Agricole rééditent aujourd’hui les ouvrages d’André Voisin, agronome
atypique et écologue avant l’heure qui avait compris le lien étroit qui unit le sol, la plante,
l’animal et la civilisation.
Encensé en son temps, André Voisin fera des émules tout d’abord dans le Cuba boycotté
des années 1960, puis sera découvert avec le renouveau agronomique anglo-saxon des
années 1980-1990. Nul n’étant prophète en son pays, il faudra attendre l’engouement
français pour l’agroécologie de ces dernières années pour que les éleveurs et les agronomes
français redécouvrent les travaux de ce Normand à la fois paysan enraciné et scientifique
de renom.
L’ouvrage que vous tenez entre les mains est le texte original de 1957. Il pose les bases de
l’œuvre agronomique d’André Voisin, qu’il développera plus spécifiquement dans une série
de textes ultérieurs publiés entre 1958 et 1964, parmi lesquels on peut citer Dynamique
des herbages (1960) que nous rééditons également.
Je vous souhaite une lecture enrichissante de ce qui reste une bible pour tout agronome
qui veut approfondir sa compréhension des relations intimes qu’entretiennent le sol, les
plantes et les animaux.
Matthieu Archambeaud
Directeur de collection
VII
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Préface
Lorsque j’étais enfant, l’image des gigantesques troupeaux de bisons parcourant l’immen-
sité de la prairie nord-américaine me fascinait.
Je voyais onduler à perte de vue les grandes herbes sous le vent. Je croyais entendre le
grondement sourd et impressionnant des sabots.
J’essayais d’imaginer la vie des tribus indiennes tirant leur nourriture et leurs vêtements
de cet animal précieux, qu’elles chassaient judicieusement sans mettre son existence en
péril. Contrairement à ce que firent par la suite les immigrants européens.
La nature nous offre là en effet un exemple passionnant de pâturage rationnel. Ceci sur-
prend car qui dit « rationnel » suppose intervention de la raison et donc méthodes « arti-
ficielles ». Effectivement, le pâturage rationnel que l’homme fait pratiquer aux animaux
domestiques est bel et bien artificiel.
En réalité, nous devrions plutôt parler, dans le cas de l’animal sauvage, de pâturage « rai-
sonnable » ou instinctif, c’est-à-dire adapté spontanément à ses besoins physiologiques.
Le zèbre, le chevreuil, le buffle, le cerf ou le bison ne pâturent pas n’importe quoi, n’im-
porte où, n’importe quand. Leur instinct les guide vers telle ou telle plante qui leur appor-
tera les éléments nutritifs les meilleurs pour leur santé, leur fécondité, leur production
laitière. En un mot comme en cent : les meilleures chances d’équilibre et de vie, car tout
dans la nature, est tension vers la vie la plus intense et la plus belle possible compte tenu
des conditions limitantes du milieu.
En production agricole, nous pouvons de la même façon tendre vers un équilibre optimum
quantité/qualité mais n’oublions pas que l’homme n’est guère capable de déterminer ce
meilleur équilibre par sa « science ». Tout au plus peut-il en cerner modestement quelques
composantes.
Revenons à nos bisons américains. Avant que les immigrés européens ne les massacrent
stupidement, ces animaux parcouraient par millions les grandes étendues herbeuses de la
« prairie ».
Au printemps, période où naissaient leurs petits, ils consommaient, vers le sud, une herbe
riche donnant aux mères un lait de haute valeur nutritive. Puis ils remontaient peu à peu
vers le nord au fur et à mesure du développement de la végétation, pâturant ainsi constam-
ment une herbe assez jeune mais pas trop, toujours au meilleur stade quant à sa valeur
nutritive. Du fait de leur migration, ils ne la cisaillaient pas une seconde fois avant qu’elle
ait repoussé. À la fin de l’été, ils redescendaient vers le sud en broutant les pousses
d’arrière-saison.
IX
Retrouver ce titre sur Numilog.com
L’herbivore sauvage pâture donc de façon à tirer le meilleur parti possible de sa nourriture
mais également en respectant l’herbe qui repousse et lui fournit, si tout se passe bien, une
alimentation constante en quantité et en qualité.
Voilà exactement ce qu’on doit rechercher dans le pâturage rationnel : fournir en perma-
nence aux animaux une herbe de grande valeur grâce aux rotations de parcelles permet-
tant la consommation d’une herbe au meilleur stade.
Le pâturage rationnel est artificiel en lui-même, mais doit s’efforcer d’imiter le mieux pos-
sible ce qui se passe dans la nature.
Par rapport à cette idée, la prairie permanente occupe une place particulière en agricul-
ture : elle est la seule culture qui n’est pas installée de façon « forcée » par l’homme (tra-
vail du sol, semis, etc.). Elle résulte en effet de l’interaction entre le sol, le climat et l’herbivore
plus que de l’intervention directe de l’homme (fauche, fumure, etc.). Sur ce plan, elle pré-
sente un caractère plus « naturel » que les autres cultures.
L’idée d’un pâturage rationnel est ancienne, sans doute aussi ancienne que l’élevage des
herbivores. Mais André Voisin a probablement été celui qui l’a exprimée le mieux.
Avec un demi-siècle de recul, la base des remarquables réflexions de Voisin n’a pas vieilli.
Bien plus : elle est d’une actualité brûlante à un moment où l’on remet enfin en cause,
avec plus ou moins de succès, le modèle agricole productiviste, absurde à tous points de
vue.
Je suis trop jeune pour avoir connu André Voisin, mais je pense que s’il était encore parmi
nous aujourd’hui il défendrait avec talent les pratiques agricoles « écologiques » et pour-
fendrait le recours excessif au maïs fourrage. Autant dire qu’il n’en aurait pas fini, avec les
lobbies…
Il nous montre ensuite comment mener concrètement le pâturage en évitant des erreurs
graves telles que l’accélération à contretemps conduisant à une chute spectaculaire de la
production herbagère.
Il insiste sur la remarquable productivité des prairies naturelles bien exploitées et n’oublie
pas de souligner l’enchantement qu’elles apportent au regard.
X
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Préface
Certes, quelques pratiques évoquées par Voisin comme le pâturage au tière ou le fanage
sur fil ne sont plus pratiquées actuellement, cependant leur évocation n’est pas inutile car
elle alimente notre réflexion.
Je regrette une seule chose : qu’il n’ait pas évoqué la question de la lutte contre les para-
sites et ne l’ait pas prise en compte dans la technique de pâturage qu’il préconise.
Néanmoins, malgré cette lacune qui mériterait d’être comblée, Productivité de l’herbe
reste un ouvrage exceptionnel, unique même. Il va certainement contribuer à promouvoir
les bonnes pratiques agricoles dont nous avons tant besoin de nos jours face aux difficultés
diverses provoquées par l’agriculture industrielle. Je suis reconnaissant aux Éditions Agri
décisions d’assurer sa réédition.
XI
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Sommaire
Biographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V
Une carrière militaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V
Le retour à la terre et l’œuvre scientifique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V
Héritage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . IX
Introduction : la rencontre de la vache et de l’herbe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XXXIII
Qu’est-ce que pâturer ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XXXIII
L’étude des plantes des pâturages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XXXIII
La vache agit sur le pâturage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XXXIV
L’alimentation de la vache à l’étable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XXXIV
Botanistes et zootechniciens doivent se rapprocher . . . . . . . . . . . . . . . XXXV
Les exigences de l’herbe et de la vache . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XXXV
PARTIE I – L’HERBE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
XIII
Retrouver ce titre sur Numilog.com
XIV
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Sommaire
XV
Retrouver ce titre sur Numilog.com
9 La composition de l’herbe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
Données succinctes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
Limites de l’analyse chimique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
Les analyses d’herbe doivent tenir compte du mode d’exploitation . . . . 60
Composition de l’herbe coupée à différents intervalles de temps
constants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
Les soi-disant protéines de l’herbe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Une brute, qui mérite bien son nom. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
L’opinion d’un prix Nobel de chimie sur la valeur pratique des analyses
d’aliments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
« Nous devons d’abord mieux connaître la fraction azotée de l’herbe ». 63
Trop de problèmes de l’alimentation des animaux ont été obscurcis
par une formule mathématique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
Un pourcentage élevé d’azote non protéique dans l’herbe peut mettre
en danger la santé de l’animal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
Composition approximative de l’herbe au cours de l’avancement du
broutage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
PARTIE II – LA VACHE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
XVI
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Sommaire
XVII
Retrouver ce titre sur Numilog.com
XVIII
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Sommaire
XIX
Retrouver ce titre sur Numilog.com
XX
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Sommaire
XXI
Retrouver ce titre sur Numilog.com
XXII
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Sommaire
Considérations sur les quatre schémas simplifiés (I, II, III et IV) avec un
seul groupe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
XXIII
Retrouver ce titre sur Numilog.com
XXIV
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Sommaire
XXV
Retrouver ce titre sur Numilog.com
XXVI
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Sommaire
XXVII
Retrouver ce titre sur Numilog.com
XXVIII
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Sommaire
XXIX
Retrouver ce titre sur Numilog.com
XXX
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Sommaire
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 422
Liste des tableaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 432
Liste des figures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 436
Liste des photos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 438
XXXI
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Introduction :
la rencontre de la vache
et de l’herbe
Qu’est-ce que pâturer ?
Souvent, de simples questions font mieux comprendre les problèmes. Et, au début de cet
ouvrage, je crois indispensable de poser une question en apparence extrêmement simple :
« Qu’est-ce que faire pâturer ? »
La réponse est généralement la suivante : « C’est faire manger de l’herbe par un animal. »
C’est exact ! Mais en voici une autre, plus réaliste, à mon idée : « C’est faire rencontrer
l’animal et l’herbe. »
Comme, dans cet ouvrage, il s’agira presque exclusivement du pâturage par les bovins, je
propose au lecteur, en lui demandant de bien s’en pénétrer, la définition suivante : le pâtu-
rage est la rencontre de la vache et de l’herbe.
Bien entendu, on n’a pas oublié que ces herbes servaient à nourrir les vaches, et on en a
fait de multiples analyses chimiques ; mais celles-ci ne nous donnent réellement qu’une
idée très approximative de la valeur animale réelle de la plante. Est-ce que l’analyse chimique
nous donnera la plus petite idée du goût de la plante ? Une plante, trouvée admirable au
laboratoire, ne sera pas toujours mangée avec la même admiration par la vache.
L’analyse chimique n’a pas encore été en mesure de nous révéler les éléments qui font
gonfler les bêtes. Or, il y a eu et il y a encore des catastrophes avec une certaine sélection
de trèfle blanc qui donnait des rendements meilleurs que notre vieux trèfle blanc ordinaire,
XXXIII
Retrouver ce titre sur Numilog.com
mais qui, hélas ! a une forte tendance à faire gonfler les vaches. L’un de mes voisins sema
une pâture avec un mélange contenant cette sélection de trèfle blanc. Un soir, revenant
du marché, il trouva sur sa pâture douze bœufs gonflés et crevés !
Récemment, au cours d’une tournée dans le Finistère et les Côtes-du-Nord, j’ai pu constater
les ravages causés par le gonflement dans le cas de prairies ressemées avec de nouvelles
sélections de trèfle blanc.
Nous devons donc ne jamais oublier l’animal quand nous étudions l’herbe.
Nous allâmes ensuite dans un autre centre américain où on expérimentait également les
deux variétés A et B de trèfle blanc. Cette fois, il ne s’agissait plus d’un essai botanique sur
petites parcelles, mais d’un essai réel avec pâturage par les vaches. Le professeur nous
expliqua que la variété B était inexistante à côté de la variété A, qui donnait des rende-
ments en lait bien supérieurs : « Mais, dîmes-nous, n’avez-vous donc pas de cicadelles dans
votre région ? » « Nous en sommes infestés », fut-il répondu.
On comprend donc à quelles erreurs peut mener l’essai botanique en lui-même, en oubliant
les rapports de la plante et de la vache.
XXXIV
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Introduction : la rencontre de la vache et de l’herbe
Prenez un traité quelconque d’alimentation des animaux ou un ouvrage sur les herbages,
et voyez combien de pages sont consacrées au comportement de l’animal qui pâture.
D. E. Tribe (111)1 considère l’ouvrage de H. I. Moore (76) Grassland Husbandry comme l’un
des meilleurs concernant les herbages. Toutefois, ajoute-t-il : « Sur les 126 pages de l’ou-
vrage, il y en a à peine 6 qui concernent ce qu’on peut appeler l’aspect animal de l’herbe
(what may be called animal aspects of grass). »
Il y a l’herbe en soi, et la vache en soi ; mais il y a surtout la vache qui pâture l’herbe, et
elle fait même cela pendant huit mois de l’année.
Nous n’étudierons pas séparément l’herbe et la vache. Nous les considérerons toujours en
même temps et ensemble, de manière à satisfaire au mieux les exigences de l’une et de
l’autre.
Quand nous penserons à la vache, nous n’oublierons jamais les exigences de l’herbe.
Quand nous examinerons l’herbe, nous aurons toujours en vue les exigences de la vache.
C’est en satisfaisant au mieux les exigences des deux parties que nous obtiendrons un
pâturage rationnel, qui nous fournira la productivité maximum de l’herbe, en permettant
en même temps à la vache de fournir des performances optima.
XXXV
Retrouver ce titre sur Numilog.com
I
L’herbe
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Qu’est-ce qu’une 1
plante d’herbage ?
Coupes et repousses successives
Une plante de pâturage doit être en mesure de repousser après qu’elle a été coupée par
la dent de l’animal ou la lame de la faucheuse.
Quand cette plante est coupée, il ne lui reste que très peu et même quelquefois presque
pas de partie verte aérienne, capable, par photosynthèse, de créer les éléments nécessaires
pour la formation de nouvelles cellules végétales, c’est-à-dire pour la nouvelle repousse
initiale de la plante.
Il est donc indispensable que l’herbe, au moment de sa coupe, possède dans ses racines ou
les bases de ses tiges des réserves suffisantes qui permettront la formation d’une certaine
partie verte, laquelle, par photosynthèse, permettra alors la croissance normale de la plante.
Toute nouvelle croissance, à savoir toute repousse de nos plantes d’herbages, se produit
toujours aux dépens des substances organiques élaborées précédemment (avant la coupe)
en plus de celles nécessaires pour le maintien et la croissance de la plante. Ces substances
ont été stockées dans les racines et les parties aériennes basses. Si on coupe la plante avant
que les racines et la partie non coupée aient emmagasiné suffisamment de réserves, la
repousse sera difficile et peut même ne pas se faire du tout.
3
Retrouver ce titre sur Numilog.com
4
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Qu’est-ce qu’une plante d’herbage ?
des graines. Ce sera surtout le cas après la coupe ou le pâturage, quand l’herbe aura à
recréer les surfaces vertes fournissant les produits d’assimilation…
Le physiologiste qui étudie les plantes d’herbage éprouve une grande surprise, quand il
constate que l’élimination répétée des feuilles et les dommages renouvelés aux délicats
points de croissance de la plante exercent une action aussi faible sur le comportement
physiologique de la plante et sur son développement…
Il ne paraît donc point déplacé de faire quelques hypothèses : ne se peut-il pas, quand une
plante vient en graine tous les ans ou tous les deux ans, que toute (ou presque toute)
l’hormone de croissance (ou de repousse) passe dans la graine ? Il ne resterait plus alors du
tout d’hormone pour revivifier l’activité méristématique à la base et permettre la formation
de nouvelles pousses. Ne se peut-il pas que, dans une plante d’herbage, il n’y ait qu’une
partie de l’hormone qui passe dans la partie coupée, et qu’il en reste suffisamment à la base
pour couvrir les besoins de la nouvelle pousse ? Plus est élevée cette concentration de
l’hormone restante, et plus est active la croissance nouvelle de l’herbe… (voir également
Söding, 98).
5
Retrouver ce titre sur Numilog.com
11 Les quantités
d’herbe récoltées
par la vache
Méthodes pour mesurer ces quantités
Les méthodes pour mesurer les quantités d’herbe récoltées par la vache représentent un
sujet technique et très spécial que je laisserai de côté.
Comme la méthode de la cage isolante a été employée par Johnstone-Wallace, dont les
travaux éclairent grandement nos idées, je dirai brièvement en quoi consiste cette méthode.
Avant de mettre les animaux sur un herbage, on isole différentes parties par des cages
isolantes de même surface. Puis on coupe l’herbe sous une ou plusieurs cages ; on en déduit
la quantité d’herbe à l’hectare mise à la disposition des animaux.
À la fin du pâturage, on coupera une aire broutée non isolée de surface égale à celle de
la cage. La différence entre les quantités d’herbe sur l’aire broutée et sur l’aire isolée
indique la quantité mangée par les animaux. L’analyse de l’herbe de l’aire broutée et de
l’aire isolée permettra également de connaître la quantité de substances nutritives absorbée
par les animaux (de nombreuses formules ont été indiquées pour améliorer les calculs ;
voir Brown, 10).
J’ai reproduit dans la photo 2 (p. 11) une photographie (que j’ai prise à l’Université de
Nottingham) des cages isolantes du Professeur Ivins, qui a fortement contribué au progrès
de nos méthodes d’exploitation des herbages (voir aussi photos 3 et 4, p. 12).
80
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Les quantités d’herbe récoltées par la vache
■■ Kellner : 11 à 17 kg ;
■■ Morrison : 13 kg ;
■■ Armsby : 10 à 15 kg.
Cependant, même à l’auge, un bovin de 550 kg absorbe des quantités de matière sèche
fort différentes des 13 kg moyens supposés. C’est déjà ce qu’avait montré il y a quinze ans
l’étude de Fissmer, dont j’ai publié une traduction dans les Annales de l’Institut de la
recherche agronomique (22) et dont les travaux avaient semblé fort peu attirer
l’attention.
Mais, en étudiant les travaux du Professeur Johnstone-Wallace, dont nous avons parlé
ci-dessus, je devais aboutir à certaines conclusions fondamentales concernant les quantités
d’herbe récoltées par la vache ; ces conclusions allaient me permettre d’ébranler l’idole
des 13 kg de matière sèche rassasiant une vache de 500 kg, et qui régnait jusqu’à cette
époque sur les ouvrages et tables d’alimentation (Voisin, 118).
Voyons d’abord les chiffres obtenus à Cornell (États-Unis), en 1942, par Johnstone-Wallace
et Kennedy (51, 53 et 54).
Les résultats
du Professeur Johnstone-Wallace
Le Professeur Johnstone-Wallace, avec son collaborateur Kennedy, mesura au moyen de la
méthode des cages isolantes les quantités d’herbe récoltées par les vaches.
Le Professeur mit les vaches dans un herbage où l’herbe avait une hauteur moyenne de
10 cm considérée comme la hauteur optimum.
Au cours des trois premiers jours, les vaches récoltèrent en moyenne par jour 68 kg d’herbe
fraîche verte contenant environ 14,5 kg de matière sèche (tableau 11.1).
Au cours des 3 jours qui suivirent, les vaches ne récoltèrent sur cet herbage déjà dénudé
que 41 kg d’herbe fraîche verte contenant environ 9 kg de matière sèche.
Enfin, au cours des trois derniers jours de pâturage sur ce même herbage fortement gratté,
les vaches ne récoltèrent par jour que 20 kg d’herbe fraîche verte contenant environ 4,5 kg
de matière sèche (nous voilà donc loin des 13 kg de matière sèche soi-disant indispensables
pour rassasier une vache).
On mit également ces vaches sur un herbage où on avait laissé croître l’herbe jusqu’à une
hauteur de 25 cm. Les vaches récoltèrent par jour 32 kg d’herbe fraîche verte contenant
environ 7,6 kg de matière sèche.
On mesura les quantités d’herbe verte de matière sèche à l’hectare qui étaient à la dispo-
sition des vaches. Il est intéressant de faire sur le tableau 7.1 (p. 51) les remarques suivantes :
quand l’herbage a une hauteur de 25 cm, la quantité d’herbe fraîche présente à l’hectare
est de 5 550 kg contre 5 000 kg pour une hauteur de 10 cm. Autrement dit, quand l’herbe
81
Retrouver ce titre sur Numilog.com
trois premiers
5 000 1 165 21,3 68 14,5
Herbe de jours de pâturage
10 cm de
trois jours suivants
hauteur 2 440 535 21,9 41 9,0
de pâturage
au début
du pâturage trois derniers jours
1 220 275 22,5 20 4,5
de pâturage
Moyenne 43 9,3
Source : d’après Johnstone-Wallace et Kennedy (51).
a une hauteur deux fois et demie plus forte (c’est-à-dire passe de 10 à 25 cm), la quantité
d’herbe fraîche à l’hectare augmente de 11 % (5 550 kg contre 5 000 kg) et la quantité de
matière sèche à l’hectare augmente de 13 % (1 320 kg contre 1 165 kg).
Nous avons vu plus haut qu’une herbe de 15 cm de hauteur moyenne (dans le cas d’une
pâture permanente) devait représenter suivant les cas de 4 000 à 10 000 kg/ha d’herbe
consommable. Les chiffres de Johnstone-Wallace se trouvent donc dans ces zones, quoique
la quantité de masse verte présente pour une herbe de 25 cm de hauteur paraît bien faible
à moins qu’il ne s’agisse d’une jeune pâture récemment resemée.
Nous voyons ainsi à nouveau combien les quantités d’herbe récoltables peuvent varier dans
de larges proportions pour une même hauteur ou des hauteurs voisines.
Quoi qu’il en soit, avec une quantité d’herbe présente de 11 % plus élevée à l’hectare, la
vache n’a récolté par jour avec cette herbe de 25 cm que 32 kg d’herbe contre 68 kg dans
le cas d’une herbe de 10 cm. Nous avons dit plus haut comment le mécanisme de broutage
expliquait cette différence.
Autrement dit, ce n’est point avec une hauteur très élevée d’herbe que la vache récolte
la quantité maxima d’herbe ; mais pour une hauteur moyenne qui permet à la vache le
travail le plus efficient de récolte.
82
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Les quantités d’herbe récoltées par la vache
83
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Dans une étude très récente de l’Institut de Hohenheim, Mehner et Grabisch (74) nous
indiquent que des vaches d’environ 400 kg de poids vif ont récolté environ 40 kg d’herbe
verte.
Nous nous trouvons aux environs des chiffres de Johnstone-Wallace, et on peut dire : en
moyenne, quand un animal de 500 kg de poids vif pâture un herbage d’une hauteur
84
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Les quantités d’herbe récoltées par la vache
XX Photo 11 : Le tracteur
transporte le quadripode
sur sa fourche arrière.
Domaine d’Elveden de Lord
Iveagh, Norfolk
(Angleterre).
Source : © Voisin.
85
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Schémas simplifiés 26
de pâturage rationnel
avec un seul groupe
Schémas à la fois semi-théoriques
et semi-réels
Dans les schémas théoriques, dans les articles ou les ouvrages, le déplacement des groupes
se fait régulièrement et toujours suivant le numérotage des parcelles, c’est-à-dire dans le
même ordre : une parcelle est toujours pâturée après une parcelle adjacente (à gauche ou
en arrière) et celle qui est pâturée ensuite lui est adjacente (à droite ou en avant).
Or, dans la réalité, il n’en est pas ainsi, et c’est ce que nous allons montrer.
Nous avons renoncé à publier les schémas réels, d’une lecture un peu difficile. Il nous a
cependant paru indispensable de donner ces quelques schémas, surtout pour aider les
conseillers agricoles.
Aussi, le lecteur peut-il, lors d’une première lecture, sauter ces deux chapitres 26 et 27 de
la Partie V, sans que cela puisse le gêner pour la compréhension du reste de l’ouvrage.
Simplification et allégement
de ces schémas
Nous avons prévu dans les quatre schémas qui suivent un temps de séjour de base de
4 jours. Ce temps ne satisfait que très partiellement les exigences de la quatrième loi uni-
verselle. Mais pour notre description des déplacements du troupeau, cela n’a pas
d’importance.
De même, pour des étés moyens, un peu prolongés et très secs, nous avons respectivement
prévu 10, 12 et 16 parcelles. Sur les schémas, on peut ainsi bien voir la conduite du pâtu-
rage rationnel ; dans la pratique, la conduite avec un nombre aussi faible de parcelles sera
difficile, et, pour peu que les conditions climatiques soient contraires aux prévisions
moyennes normales, la conduite du pâturage risque de devenir presque impossible.
215
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Enfin, dans le présent chapitre, nous verrons d’abord uniquement des schémas avec un
seul groupe et un temps de séjour de 4 jours (qui, dans ce cas, s’identifie avec le temps
d’occupation). Au chapitre suivant (chapitre 27), nous verrons simplement quelques extraits
de conduite de pâturage avec deux et trois groupes.
■■ nombre de parcelles = 10 ;
Pour simplifier le plus possible ce premier schéma, nous n’y parlerons pas des apports d’en-
grais azotés.
216
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Schémas simplifiés de pâturage rationnel avec un seul groupe
TABLEAU 26.1 : SCHÉMA I AVEC ÉTÉ DE SÉCHERESSE MOYENNE. TEMPS D’OCCUPATION FIXE ET
CHARGE GLOBALE FIXE (SANS TENIR COMPTE DES APPORTS D’ENGRAIS AZOTÉS) (10 PARCELLES)
Parcelle 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
16.4-19.4 20.4-23.4 24.4-27.4 28.4-1.5 2.5-5.5 6.5-9.5 10.5-13.5 Coupe Coupe Coupe
O=4 O=4 O=4 O=4 O=4 O=4 O=4 le 15.5 le 20.5 le 25.5
Rotation R = 16 R = 16 R = 16 R = 16 R = 16 Bonne à Bonne à Bonne à
n° 1 pâturer pâturer pâturer
le 10.6 le 20.6 le 30.6
Coupe Coupe
le 16.6 le 18.6 14.5-17.5 18.5-21.5 22.5-25.5 26.5-29.5 30.5-2.6
Bonne à Bonne à O=4 O=4 O=4 O=4 O=4
Rotation
pâturer pâturer R = 16 R = 16 R = 20 R = 20 R = 24
n° 2
le 1.8 le 8.8
3.6-6.6 7.6-10.6
O=4 O=4
R = 28 R = 28
11.6-14.6
O=4
R = 28
15.6-18.6 19.6-22.6
O=4 O=4
Rotation R = 28 R = 28
n° 3
23.6-26.6
O=4
R = 28
27.6-30.6
O=4
R = 28
1.7-4.7
O=4
R = 32
5.7-8.7 9.7-12.7
O=4 O=4
R = 36 R = 36
13.7-16.7
O=4
R = 36
17.7-20.7 21.7-24.7
O=4 O=4
R = 36 R = 36
25.7-28.7
O=4
Rotation R = 36
n° 4
29.7-1.8
O=4
R = 36
2.8-5.8
O=4
R = 36
6.8-9.8
O=4
R = 36
10.8-15.8
O=4
R = 36
217
Retrouver ce titre sur Numilog.com
14.8-17.8 18.8-21.8
O=4 O=4
R = 36 R = 36
22.8-25.8
O=4
R = 36
26.8-29.8 30.8-2.9
O=4 O=4
R = 36 R = 36
3.9-6.9
O=4
Rotation R = 36
n° 5 7.9-10.9
O=4
R = 36
11.9-14.9
O=4
R = 36
15.9-18.9
O=4
R = 36
19.9-22.9
O=4
R = 36
23.9-26.9 27.9-30.9
O=4 O=4
1.10-4.10
O=4
5.10-8.10 9.10-12.10
O=4 O=4
13.10-16.10
O=4
Rotation
n° 6 17.10-20.10
O=4
21.10-24.10
O=4
25.10-28.10
O=4
29.10-1.11
O=4
Parcelle 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Nous commençons notre rotation le 16 avril par la parcelle n° 1, et nous continuerons dans
l’ordre croissant des numéros de parcelles. Dans un but de clarté, nous avons prévu que ce
seraient les trois dernières parcelles (nos 8, 9 et 10) qui seraient fauchées.
218
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Schémas simplifiés de pâturage rationnel avec un seul groupe
La première rotation est donc parfaitement harmonieuse comme dans les schémas théo-
riques de la littérature.
La deuxième rotation se fait également dans un ordre parfait, les parcelles nos 1 et 2 ayant
été prévues fauchées après avoir subi une première passe de pâturage. Les parcelles conti-
nuent à être pâturées dans l’ordre croissant des numéros (3, 4, 5, 6 et 7).
Pour répartir les travaux de fanage et étaler les dates de rembrayage, on a fauché les par-
celles nos 8, 9 et 10 respectivement aux 15, 20 et 25 mai.
Nous admettons que, quarante-huit heures après fauchage, l’herbe coupée ne repose plus
sur le gazon (ensilage, ou fanage sur huttes) (voir figure 21.1, p. 185, et photos 8, 9 p. 65,
10 p. 66 et 11 p. 85). Dans ces conditions, nous supposons que les parcelles nos 8, 9 et 10
seront bonnes à pâturer respectivement les 10, 20 et 30 juin.
Les parcelles nos 1 et 2, après une première rotation de pâturage, ont été bonnes à faucher
les 16 et 18 juin, et étaient bonnes à pâturer les 1er et 8 août (avec les mêmes hypothèses
que ci-dessus).
Remarquons que nous sommes obligés de faucher de l’herbe relativement jeune pour ne
pas trop retarder la date de remise en pâturage. Une herbe aussi jeune est difficile à faner ;
aussi, est-il souvent préférable de l’ensiler, avec les avantages et les inconvénients de ce
mode de conservation.
Notons, en passant, que j’admets, comme on le constate souvent dans la réalité, que le
décalage de 5 jours de la date de coupe en mai amène un écart d’environ 8 à 10 jours des
dates auxquelles l’herbe est bonne à pâturer ; et un décalage de 2 à 3 jours des dates de
coupe en juin amène un écart de 7 jours de la date de remise en pâturage de l’herbe. Bien
entendu, ces indications sont valables pour des conditions climatiques moyennes, et peuvent
être différentes suivant l’année et la région. Mais ce qui me paraîtrait intéressant, c’est
que les stations d’herbage des différentes régions déterminent ces chiffres moyens, si
importants pour l’établissement et la conduite du pâturage.
Voyons, sur ces bases, comment la rotation va se développer après les deux premières passes
harmonieusement ordonnancées.
La troisième rotation commence par les parcelles nos 3 et 4, respectivement occupées les
(3/6-6/6) et (7/6-10/6). Or, au 10 juin, la parcelle n° 8 (fauchée le 15 mai) est bonne à pâturer.
Nous passons donc à la parcelle n° 8, puis ramenons le troupeau aux nos 5 et 6.
À ce moment (22/6), la parcelle n° 9 (fauchée le 20/5) est bonne à pâturer. On passe donc
de la n° 6 à la n° 9, et on revient à la n° 7. Au 30/6, la parcelle n° 10 (fauchée le 25/5) est
bonne à pâturer, ce qui est fait du 1/7 au 4/7.
On voit que, grâce à ce « rembrayage » des parcelles nos 8, 9 et 10, fauchées à la mi-mai,
le temps de repos est porté de 16 à 28 jours, ce qui était indispensable.
La troisième passe de pâturage est ainsi terminée, et nous commençons la quatrième en
suivant le même ordre que dans la troisième, à savoir : 3, 4, 8, 5, 6, 9, 7.
Quand la parcelle n° 7 est finie de pâturer, nous sommes au 1er août. Or, à ce moment, la
parcelle n° 1 (fauchée le 16/6) est bonne à pâturer. Le troupeau mange donc la n° 1, puis
retourne à la n° 10. Au 9/8, quand on a fini de faire pâturer la n° 10, la parcelle n° 2 (fau-
chée le 18/6) est bonne à pâturer, ce que l’on fait du 10/8 au 13/8. Cet embrayage des deux
parcelles nos 1 et 2 va permettre de porter le temps de repos à 9 × 4 = 36 jours, ce qui est
le temps supposé convenable pour cette époque.
219
Retrouver ce titre sur Numilog.com
La cinquième rotation commence, et l’on se déplacera sur les parcelles, exactement dans
le même ordre que lors de la quatrième passe, c’est-à-dire : 3, 4, 8, 5, 6, 9, 7, 1, 10, 2.
Nous voyons donc que la belle harmonie n’est plus respectée, ce qui nous permet de satis-
faire les exigences de l’herbe.
Nous avons supposé, pour simplifier, que cette cinquième et cette sixième rotation se
feraient exactement dans le même ordre que la quatrième rotation. Nous avons déjà dit
que, pratiquement, il y avait peu de chances que cela se réalise, car les vigueurs de repousse
ne suivent pas un ordre aussi bien établi.
Nous avons admis dans le schéma I que les temps d’occupation (se confondant avec les
temps de séjour) restaient toujours rigoureusement les mêmes. Or, ceci ne se produit pas
dans la réalité, où l’on est obligé de :
■■ prolonger le temps d’occupation parce que la parcelle n’est point suffisamment
« grattée » ;
■■ ou, au contraire, de réduire ce temps d’occupation pour éviter que l’herbe soit rasée de
trop près et le sol trop dénudé.
Nous ferons les hypothèses suivantes (tableau 26.2) :
■■ groupe = un seul ;
■■ nombre de parcelles = 12 ;
■■ temps de séjour = temps d’occupation = 4 jours (variables) ;
■■ temps de repos = 16 jours au printemps, puis 44 jours en été ;
■■ charge globale du troupeau : reste fixe.
En outre, pour donner un aspect pratique encore plus poussé à ce schéma, nous avons
indiqué les quantités d’azote (nitrate de chaux) apportées, après fauchage ou pâturage,
aux différentes parcelles.
J’admets qu’on avait apporté en février ou mars aux parcelles nos 1, 2, 3, 4, 9 et 10 les doses
de nitrate de chaux (ou l’équivalent en cyanamide un peu plus tôt) qui sont indiquées à
la première ligne.
Nous supposons qu’il s’agit d’une région où la proportion de labours dans les fermes est
faible, sinon même nulle comme dans le Pays de Bray en Normandie, ou la Triérache dans
le nord-est.
Dans ce cas, quand les fluctuations climatiques saisonnières ne sont pas exagérées, il faut
réaliser l’équilibre de la cinquième rotation, c’est-à-dire en plein mois d’août, en rembrayant
des parcelles successivement au cours de la troisième, puis de la quatrième et enfin de la
cinquième rotation.
220
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Pâturage rationné 35
où les animaux
disposent d’une
surface déjà pâturée
(avec un seul groupe)
Surface fraîche d’herbe
et surface déjà pâturée
La figure 35.1 nous montre la méthode de base de déplacement des deux fils électriques
pour allouer simultanément au troupeau une surface fraîche d’herbe et une surface déjà
pâturée.
Barrage
fixe
Herbe
1/2 Herbe non broutée
Herbe broutée
broutée
A
Position de B Position de A
la veille la veille
Cloture électrique mobile
▲▲ Figure 35.1 : Parcelle du pâturage rationné (avec addition d’une surface déjà
broutée), au moment où l’on vient d’avancer les fils électriques A et B.
289
Retrouver ce titre sur Numilog.com
▲▲ Photo 27 : Steelway
Farms. État de Kentucky
(États-Unis). Un point d’eau
sert pour deux bacs et pour
deux parcelles.
En même temps, on a
installé un petit abri, ce qui
permet aux bêtes de trouver
à la fois ombre et
abreuvement.
Source : © Voisin.
290
291
Retrouver ce titre sur Numilog.com
▲▲ Photo 29 : Photographie aérienne de la première partie des herbages de M. Jacques Fabulet-Lainé (une fraction est plantée de pommiers)
(voir Voisin, 1953).
Source : © Voisin-Normandie.
Pâturage rationné où les animaux disposent d’une surface déjà pâturée (avec un seul groupe)
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Le second point est parfaitement exact, et nous avons dit que si on avance les fils plusieurs
fois par jour, ce « détassement » du troupeau est absolument indispensable.
Mais, en ce qui concerne le premier point, le résultat est exactement le même quand on
oblige les animaux à « gratter » jusqu’au bout la surface d’herbe qui leur est allouée. J’ai
l’impression qu’on a beaucoup oublié cette considération.
Position de la
J+8 clôture électrique
F9 le jour :
J+7
F8
J+6
F7
J+5
F6
J+4
F5
J+3
F4
J+2
F3
J+1
F2
J WW Figure 35.2 : Avancement
F1 d’un seul fil électrique avant
dans une grande parcelle de
Hauteur suivant laquelle peut se déplacer le troupeau manière à ce que les animaux
Clôture fixe puissent revenir s’abreuver au
Clôture électrique mobile
point d’eau.
292
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Mémento 45
des principes
généraux
Ayant ainsi étudié les aspects théoriques et pratiques du pâturage rationnel, je crois bon
de résumer en un petit mémento ce que j’appelle les idées-forces du système, de manière
à faciliter le travail de l’agriculteur.
Importance fondamentale
des temps de repos de l’herbe
Il faut avant tout laisser à l’herbe des temps de repos suffisants entre deux rotations de
pâturage, pour lui permettre d’atteindre une hauteur moyenne de 15 cm et plus, au moment
où on la met à la disposition des animaux.
Ces temps de repos peuvent s’abaisser à 16 jours en mai-juin et atteindre 100-150 jours en
hiver.
Il y a lieu de prévoir, en été, 36 à 40 jours de repos dans le nord-ouest de l’Europe, ces
temps augmentant en allant vers le sud.
L’observation de ces temps de repos permet à l’herbe de reconstituer ses réserves, de
manière à pouvoir repousser avec vigueur et produire une repousse quotidienne élevée
(c’est-à-dire sa « flambée de croissance »).
Dans le pâturage en continu, certaines herbes sont cisaillées par la dent de l’animal vingt
fois au cours de l’année.
369
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Dans un pâturage rationnel, l’herbe ne sera cisaillée qu’environ six fois au cours de l’année
(ce chiffre variant suivant les conditions régionales).
On obtiendrait des rendements misérables avec une luzerne qu’on couperait dix fois par
an au lieu de trois fois. On obtient également des rendements misérables d’un pâturage
qu’on fait cisailler vingt fois par an au lieu de six fois (voir tableau 9.1).
Une luzerne, coupée dix fois annuellement, se dégrade et est envahie par d’autres plantes.
De même, un pâturage, cisaillé vingt fois par an, a sa flore qui se dégrade.
Une mauvaise flore d’herbage est aussi incapable qu’un moteur ovalisé de fournir un bon
rendement.
Division en groupes
Il n’est point absolument indispensable de diviser le troupeau en groupes. Mais si on a des
vaches laitières, il est recommandé au moins d’avoir deux groupes, ce qui permet au pre-
mier groupe de récolter des pleines bouchées d’herbe de meilleure qualité, qu’il choisit.
Le deuxième groupe, ayant des exigences moindres, pourra se contenter de récolter des
quantités d’herbe plus faibles, d’une moins bonne qualité.
370
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Mémento des principes généraux
Si dans le cas d’un seul groupe, on veut atteindre par exemple un temps de repos de
36 jours, avec un temps de séjour d’une journée, il faudra 36 + 1 = 37 parcelles. Si, au
36
contraire, on accepte un temps de séjour de 2 jours, il faudra + 1 = 19 parcelles.
2
Avec 3 jours de temps de séjour, il suffira de
36
+ 1 = 13 parcelles et avec un temps de séjour de 4 jours,
3
36
on aura + 1 = 10 parcelles.
4
Si on divise le troupeau en deux ou trois groupes, il faudra ajouter respectivement une ou
deux parcelles à ces chiffres.
Il faudra toujours se rappeler qu’il ne s’agit pas d’avoir une certaine surface de parcelle
pour un certain nombre d’animaux.
Il s’agit d’avoir le nombre nécessaire de parcelles pour observer les temps de repos voulus
avec les temps de séjour qu’on prévoit.
Plus les temps de séjour et d’occupation seront courts, mieux seront satisfaites les exigences
de l’animal et de l’herbe. Mais plus devra être grand le nombre de parcelles.
Malgré tout, il semble pratiquement compliqué d’abaisser le temps de séjour à moins d’un
jour. Le plus souvent, du reste, avec un temps de séjour d’un jour, il faudra obligatoirement
diviser le troupeau en deux groupes pour éviter un tassement exagéré des animaux.
371
Retrouver ce titre sur Numilog.com
■■ par l’apport judicieux et bien réparti de l’engrais azoté pour renforcer la repousse lors
de la période où elle faiblit.
On fait varier le nombre de parcelles en « débrayant », au cours des mois de mai-juin, un
certain nombre de parcelles qu’on met en fauche.
Il faut veiller, par une conduite adroite de ces débrayages et par les apports voulus d’azote,
à ce que l’on puisse « rembrayer » suffisamment tôt ces parcelles dans le cycle du pâturage.
Ce « débrayage » et ce « rembrayage » des parcelles mises en fauche est l’un des problèmes
les plus délicats du pâturage rationnel. Il arrive souvent, et même très souvent, que l’on
ne puisse remettre en pâture que beaucoup trop tard (par exemple en août) les parcelles
fauchées. On risque alors de manquer d’herbe en été.
Il est recommandé d’alterner chaque année les parcelles mises en fauche.
L’emploi judicieux des engrais azotés doit permettre non seulement de faire pâturer plus
tôt et plus tard, mais également de réduire les fluctuations de croissance de l’herbe.
Jusqu’à plus ample informé, il semble préférable d’employer des engrais azotés alcalins,
en particulier du nitrate de chaux à action ultrarapide, qui agit même avec de très faibles
quantités de pluie.
Si l’emploi de ces engrais azotés est fait judicieusement, et que la rotation est bien menée,
on aura des pâtures très riches en trèfle blanc et avec des fluctuations saisonnières de crois-
sance réduite.
372
ProductivitE dE l’hErbE
Quand André Voisin rédige cet ouvrage, il ne peut imaginer que plus
d’un demi-siècle plus tard, il serait le livre à penser de centaines
d’éleveurs, d’universitaires et de scientifiques à travers le monde :
États-Unis, Amérique latine, Canada, Brésil et même Argentine. En
France, si l’ouvrage est connu de certains spécialistes, sa diffusion
reste confidentielle.
Aujourd’hui, les professionnels se l’approprient plus largement. C’est
pourquoi nous avons décidé de le mettre à nouveau à disposition des
éleveurs sous sa forme originelle, celle de 1957.
Le pâturage rationnel consiste à intervenir dans l’identification des
composants du sol, dans la croissance de l’herbe et à guider l’animal
qui la pâture. André Voisin énonce donc et développe, au fil de son
ouvrage, dix règles fondamentales, qui constituent la trame de la
conduite des herbages pour les éleveurs soucieux de qualité et de
sécurité alimentaire. Il est le précurseur de l’agriculture biologique,
mais aussi d’une philosophie humanitaire et universelle. Il aimait
souvent répéter à ses interlocuteurs : « De l’équilibre du sol dépend de
la santé de l’animal et de l’homme ».
Au moment où certains excès de la productivité ont généré les problèmes
que l’on connaît, il était temps de réhabiliter les travaux de ce chercheur
qui avait déjà « tout compris » il y a plus de 50 ans.