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I) Introduction : les théories tectoniques du début du XXème siècle:

La science se base sur le principe de théorie. L’intérêt étant qu’elles évoluent par des observations et
expériences plus contemporaines. Généralement plus une science est récente et plus les théories évoluent.
Ce fonctionnement n’échappe pas à la géologie. A la fin du XIXème siècle les scientifiques s’efforcent de
comprendre le fonctionnement de l’écorce de la Terre pour expliquer l’existence des chaines de montagne. Au
début du XXème siècle, il existe deux théories différentes se basant sur l’idée du refroidissement de la Terre :
Aux Etats-Unis c’est la théorie permanentiste de Dana qui domine : pour celle-ci il existe deux domaines
distincts : le continental et l’océanique et ils ont toujours été là où ils se trouvent aujourd’hui. C’est en se
contractant préférentiellement que les continents ont formé les reliefs actuels.
En Europe la théorie est celle de la contraction portée par Suess : la Terre n’était composée en surface que
d’un seul domaine continental qui en se ridant lors du refroidissement aurait créé des effondrements (comblés
par des océans) et des chaines de montagne.
La théorie de Suess évoluera ensuite en 1907 en la théorie des pont continentaux pour prendre en compte les
dernières découvertes paléontologiques suggérant l’existence, par le passé, de liens entre l’Europe et l’Amérique,
dont certain relativement peu anciens. Ces ponts auraient permis le passage des espèces d’un continent à l’autre.
Ils sont de constitution identique aux continents et se seraient ensuite effondrés par contraction.
La théorie américaine évoluera aussi en 1931 pour inclure des ponts continentaux, mais de matériel océanique.
Ces théories ont un point commun : les dynamiques de la surface de la terre sont verticales.
II) L’émergence de la théorie de Wegener :
Au début du XXème siècle Wegener est frappé par le « parallélisme des cotes » : concordance des cotes des
continents (comme Pickering, Frank Bursley Taylor ou Greene avant lui, mais eux ne l’avaient pas interprété).
Il préfèrera attendre les conclusions d’enquêtes paléontologiques et géologiques qui conforteront l’existence
d’un lien entre l’Afrique et l’Amérique du sud pour présenter sa théorie de dérive des continents.
Il présente le 6 janvier 1912, lors d’une réunion de l’union géologique allemande, sa théorie expliquant les
accidents de la croute terrestre. Il évoque son idée de translation horizontale des continents les uns par rapport
aux autres après l’éclatement d’un super continent : la Pangée. Il retranscrira cela dans un ouvrage.
Il définit par ailleurs des couches terrestres en s’inspirant sur le travail antérieur de Suess : le Sial (continents),
le Sima (surface au fond des océans) et le Nife (noyau).
Dans une volonté de faire accepter sa théorie il la présentera également comme un parfait compromis vis-à-
vis des deux théories de l’époques : (citation diapo)
Mais il critique aussi la thèse du refroidissement en utilisant les recherches de John Joly selon lesquelles la
chaleur produite par la radioactivité compenserait actuellement la perte de chaleur initiale. Ceci allant à
l’encontre de l’idée d’un refroidissement important et constant ayant fait s’effondrer les ponts continentaux.
Il proposera par ailleurs différents moteurs ayant pu se cumuler pour faire dériver les continents.
 La force de marée, celle-ci aurait déplacé les continents en formant des marées de Sial.
 La force d’Eötvös. La Terre n’étant pas parfaitement sphérique les points d’application sur les continents
de la pesanteur et de la poussée d’Archimède (isostasie) ne sont pas exactement confondus. Or comme
ces deux forces sont radiales, elles ne s’annulent pas et créent au contraire une force résultante entrainant
un déplacement vers l’équateur.
Ces forces sont faibles mais Wegener estime qu’appliquées sur une grande durée elles pourraient avoir
déplacé les continents. Pour expliquer la formation des chaines de montagne, il ajoute que d’autres forces plus
puissantes auraient occasionnellement pu s’ajouter à celles-ci.
C’est Elie Gagnebin qui fera connaitre sa théorie dans un article de la revue générale des sciences, par ailleurs
c’est Emile Argand (géologue inspiré des idées de Wegener) qui définira les termes de fixistes et de mobilistes.
III) Des débats :
- Londres, janvier 1923, congrès à la « Royal geographical society », la théorie est grandement critiquée par
de nombreux intellectuels de l’époque dont sir Harold Jeffreys. Il déclare que la Terre est aussi rigide que l’acier
et que par conséquent les forces de marée ne sauraient induire un quelconque déplacement des continents.
- Paris, avril 1923, congrès de la société géologique de France en réaction à la théorie de Wegener. Il est
consacré à un exposé de Léonce Joleaud ardent défenseur des ponts continentaux.
- New-York, 1926, congrès de l’American Association of Petroleum Geologists. Il illustre parfaitement le
clivage de l’époque. Wegener est représenté par Taylor. Bien que la majorité des géologue critique la théorie, il
existera quelques géologues qui la défendront ou qui resteront plus ou moins neutres :
 A) Les fixistes :
Bailey Willis : pour lui :
 Soit le Sial est plus résistant que le Sima, auquel cas le Sial n’aurait pas de raison de se déformer et de
former des chaines de montagnes.
 Soit il est moins résistant que le sima (c’est l’hypothèse admise à l’époque), mais cela nécessite que le
Sial fende le Sima. Or : « on ne coupe pas de l’acier (Sima) avec des ciseaux de plomb (Sial) » selon lui.
Longwell de Yale : le Sial ne peut fendre le Sima jugé résistant (citation diapo)
Pierre Termier : Pourquoi la déformation ne se ferai pas au niveau du Sima qui est plus rigide ? (Citation diapo)
Henri Bouasse : les moteurs de Wegener sont trop peu puissants (citation diapo)
Pour d’autres, les raccordements géologiques et paléontologiques ne sont pas exacts ou peuvent être dûs au
hasard. Pour la concordance des cotes : certains proposent des arrangements de continents différents de ceux de
Wegener. Pour les moraines en Inde, on reproche aux dérivistes de chercher à expliquer un phénomène
climatique par des arrangements de continents.
 B) les dérivistes :
Eux pointent du doigt des incohérences dans la théorie contractionniste : La contraction devrait
statistiquement induire que toutes les chaines de montagne aient le même âge (or ça n’est pas le cas), aussi l’idée
d’effondrement de ponts continentaux faits de Sial dans un Sima plus dense est incohérent vis-à-vis de l’isostasie.
La répartition des escargots de jardin étudiée par Von Ubisch est aussi utilisée comme exemple : il serait très
peu probable que cette espèce se soit propagée sur une si grande distance à travers plusieurs climats en utilisant
les ponts continentaux. Il y aurait plus de chance que leur extension se soit terminée au milieu de l’Atlantique
sur le pont continental. En effet même au sein d’un même continent, avec un climat identique, on ne trouve pas
une répartition homogène des espèces (ex : Eurasie avec l’Asie orientale)
 C) les autres :
Le président de séance van Watershoot der Gracht ne s’opposera pas à la théorie de Wegener en déclarant
qu’il existe une différence entre rigidité et force (exemple de la poix et de la cire d’abeille). Il est également
favorable à l’empirisme car pour lui la théorie explique relativement bien de nombreux phénomènes constatés.
John Joly déclarera qu’au-delà de 31km de profondeur la croute ne pourrait évacuer la chaleur produite par
radioactivité ce qui entrainerai la liquéfaction du basalte et pourrait faire glisser les couches sus jacentes. Joly
restera cependant neutre dans le débat et il ne fera donc pas de lien avec la théorie de Wegener
IV) Les ajustements de Wegener :
1) La terre est aussi rigide que l’acier par conséquent le déplacement des continents est impossible
Il déclarera qu’effectivement les mesures sismologiques approchent la rigidité de la Terre à celle de l’acier.
Mais pour lui le facteur important n’est pas la rigidité mais la viscosité (frottements intérieurs) dont on ne
connait pas la valeur. C’est cette donnée qui importe face à des forces de longue durée (exemple diapo). Par
ailleurs l’isostasie postule déjà la viscosité.
2) Les forces invoquées sont insuffisantes
Wegener soumettra, à l’aide d’études récentes, des forces supplémentaires (qu’il ne liera pas entre elles) :
 Les mouvements dans le sima. Il y a des anomalies entre le géoïde et l’ellipsoïde de référence qui sont
interprétées par des différences de densité induisant des déplacements de matière. Il émet l’hypothèse
que cette force aurait pu être bien plus importante par le passé pour faire dériver les continents.
 La convection. (à l’aide des études de Schwinner, Kirsh et de Joly). Sous les continents, le Sima est à
haute température (car en profondeur) alors qu’en domaine océanique il se refroidit. Il se formerait
donc un cycle du sima (il remonterait sous les continents et plongerait dans les océans). Pour Wegener
le sima frotterait la base du sial lors de ces convections et pourrait ainsi le briser et en déplacer des
morceaux. Pour Jeffreys les conditions nécessaires font que cela est presque impossible (citation diapo)
Wegener, conscient que d’autres forces pourraient expliquer sa théorie, déclarera qu’elle n’a peut-être pas
encore trouvé son Newton (la personne qui expliquera les causes du déplacement)
En 1930 Wegener décède lors d’une expédition au Groenland, ses idées seront portées par d’autres géologues
comme Du Toit ou Holmes (qui approfondira l’idée de la convection)
V) Conclusion :
La théorie de la dérive des continents est donc un exemple de la difficulté en science de changer de théorie.
Elle a été responsable d’un clivage au sein de la communauté scientifique, ses partisans s’appuyant
majoritairement sur ce qu’elle pourrait expliquer (ses conséquences). Tandis que les opposants appuyant sur ce
qui pourrait l’expliquer (ses causes). Les arguments contre la théorie fixiste n’étaient généralement pas entendus
faute d’alternative jugée viable. Cependant avec l’avènement de nouvelles technologies et de nouvelles études
ce sera la thèse mobiliste qui prendra le dessus, sous une forme nouvelle : la tectonique des plaques.

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