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1.

1 - La Dérive des Continents

La dérive des continents est une théorie proposée au début du siècle par le
physicien-météorologue Alfred Wegener, pour tenter d'expliquer, entre autres, la
similitude dans le tracé des côtes de part et d'autre de l'Atlantique, une observation
qui en avait intrigué d'autres avant lui.

L'avant Wegener

Wegener était un scientifique de son siècle, possédant une large gamme de


connaissances en géologie, géophysique, astronomie et météorologie.

Wegener l'homme

Il possédait, en outre, le courage, la fièvre de connaître, l'indépendance, la rigueur


intellectuelle, la logique et une bonne dose d'intuition. Armé de tout ce bagage, il a
pu formuler une hypothèse sur le déplacement des continents. Il avait observé la
complémentarité des lignes cotières entre l'Amérique du Sud et l'Afrique; il y
conçut l'idée qu'autrefois l'Afrique et l'Amérique n'avaient été qu'un seul et même
bloc qui se serait fragmenté en deux parties lesquelles se seraient ensuite éloignées
l'une de l'autre. C'est la théorie de la dérive des continents.

Wegener avançait des "preuves" pour appuyer sa théorie. Il serait plus juste de dire
qu'il apportait des faits d'observation qui pouvaient être expliqués par une dérive
des continents.

1. Le parallélisme des côtes de l'Atlantique.

On observe en effet un certain parallélisme des lignes côtières entre d'une part les
Amériques et d'autre part l'Europe - Afrique.
Cela suggère que ces deux ensembles constituaient deux morceaux d'un même
bloc.

Ce qui amena Wegener à concevoir que dans un passé lointain toutes les masses
continentales étaient réunies en un seul mégacontinent, la Pangée. Aujourd'hui,
grâce à notre connaissance de la tectonique des plaques, on utilise une
reconstitution plus juste de cette Pangée, celle de Bullard et coll.

2. La répartition de certains fossiles.

On retrouve, de part et d'autre de l'Atlantique, sur les continents actuels, les fossiles
de plantes et d'animaux terrestres datant de 240 à 260 Ma.
Comment des organismes terrestres n'ayant pas la capacité de traverser un si large
océan ont-ils pu coloniser des aires continentales si éloignées les unes des autres?.
La réponse de Wegener est simple: autrefois, tous ces continents n'en formaient
qu'un seul, la Pangée, présentant ainsi des aires de répartition cohérentes.

A noter qu'on a utilisé ici la reconstitution de Bullard et coll.

3. Les traces d'anciennes glaciations.

On observe, sur certaines portions des continents actuels, des marques de glaciation
datant d'il y a 250 millions d'années, indiquant que ces portions de continents ont
été recouvertes par une calotte glaciaire. Il est plus qu'improbable qu'il ait pu y
avoir glaciation sur des continents se trouvant dans la zone tropicale (sud de
l'Afrique, Inde). De plus, il est anormal que l'écoulement des glaces, dont le sens
est indiqué par les flèches, se fasse vers l'intérieur d'un continent (des points bas
vers les points hauts; cas de l'Amérique du Sud, de l'Afrique, de l'Inde et
l'Australie). Cette répartition actuelle des zones glaciées n'est donc pas cohérente.

Le rassemblement des masses continentales à la Wegener donne un sens à la


répartition de dépôts glaciaires datant d'il y a 250 Ma, ainsi qu'aux directions
d'écoulement de la glace, relevées sur plusieurs portions de continents. La
répartition sur la Pangée montre que le pôle Sud était recouvert d'une calotte
glaciaire et que l'écoulement de la glace se faisait en périphérie de la calotte,
comme il se doit.

4. La correspondance des structures géologiques.


Cela n'est pas tout que les pièces d'un puzzle s'emboîtent bien, encore faut-il obtenir
une image cohérente. Dans le cas du puzzle des continents, non seulement y a-t-il
une concordance entre les côtes, mais il y a aussi une concordance entre les
structures géologiques à l'intérieur des continents, un argument lourd en faveur de
l'existence du mégacontinent Pangée.

La correspondance des structures géologiques entre l'Afrique et l'Amérique du Sud


appuie l'argument de Wegener. La carte ci-dessous montre la répartition des blocs
continentaux (boucliers) plus vieux que 2 Ga (milliards d'années)selon la
géographique actuelle.

Autour de ces boucliers, les chaînes de montagnes plus récentes ont des âges allant
de 450 à 650 Ma. Les traits indiquent le "grain" tectonique de ces chaînes. À
remarquer, dans les régions de São Luis et de Salvador au Brésil, la présence de
petits morceaux de boucliers.

Le rapprochement des deux continents (carte ci-dessous) montre qu'en fait les deux
petits morceaux des zones de São Luis et de Salvador se rattachent respectivement
aux boucliers ouest-africain et angolais, et qu'il y a aussi une certaine continuité
dans le grain tectonique des chaînes plus récentes qui viennent se mouler sur les
boucliers. L'image du puzzle est cohérente.
La correspondance des structures géologiques entre l'Amérique du Nord et l'Europe
confirme aussi l'idée de Wegener. Les trois chaînes de montagnes, Appalaches (Est
de l'Amérique du Nord), Mauritanides (nord-est de l'Afrique) et Calédonides (Iles
Britanniques, Scandinavie), aujourd'hui séparées par l'Océan Atlantique, ne forment
qu'une seule chaîne continue si on rapproche les continents à la manière de
Wegener. Les géologues savent depuis longtemps qu'effectivement ces trois
chaînes ont des structures géologiques identiques et qu'elles se sont formées en
même temps entre 470 et 350 Ma.
Le géophysicien Wegener était bien au fait que la croûte continentale était plus
épaisse sous les chaînes de montagnes que sous les plaines, et que cette situation
répondait au principe de l'isostasie qui veut qu'il y ait un équilibre entre les divers
compartiments de l'écorce terrestre dû aux différences de densité. Il en conçut l'idée
que les continents "flottaient" sur un médium mal défini et qu'ainsi ils pouvaient
dériver les uns par rapport aux autres.

Auriez-vous été convaincu par les arguments de Wegener qu'un jour un grand bloc
continental s'est fragmenté et que ses parties ont dérivé les unes par rapport aux
autres? Les contemporains de Wegener n'ont pas été convaincus de cette
proposition révolutionnaire de la dérive des continents; l'opposition fut vive. En
fait, Wegener a démontré de façon assez convaincante, qu'un jour, les continents
actuels ne formaient qu'un seul mégacontinent, mais il ne démontrait pas que ceux-
ci avaient dérivé lentement depuis les derniers 250 Ma. À la limite, on pourrait tout
aussi bien invoquer certains scénarios des catastrophistes pour expliquer les
constatations de Wegener. Le problème majeur, c'est qu'il ne proposait aucun
mécanisme pour expliquer la dérive. Il démontrait bien que la répartition actuelle
de certains fossiles, de traces d'anciennes glaciations ou de certaines structures
géologiques soulevaient des questions importantes auxquelles il fallait trouver des
explications. Mais ces constatations ne sont pas suffisantes pour démontrer que les
continents ont dérivé. Notons, qu'à l'inverse, si les continents ont dérivé, il est
nécessaire qu'il y ait un appariement entre les structures géologiques et la
répartition des fossiles.

Il faut signaler que l'hypothèse de Wegener était une hypothèse génératrice de


science, parce que les questions soulevées sont suffisamment sérieuses et fondées
sur des faits réels pour qu'on s'attaque à y répondre. Mais il aura fallu attendre plus
de quarante ans pour que les idées de Wegener refassent surface et qu'on se mette à
la recherche du mécanisme de dérive qui lui manquait. Entre autres, il avait manqué
à Wegener les données fondamentales sur la structure interne de la Terre.

L'avant-Wegener

Les Anciens avaient une conception toute fixiste de la surface de la Terre: océans et
continents ont toujours occupé une position fixe durant toute l'histoire de la planète.
Depuis Aristote, on croyait que la Terre s'était formée par une série de grandes
catastrophes, en un laps de temps très court, et qu'elle avait ainsi acquis la
physionomie qu'on lui connaît aujourd'hui. Les océans et les continents avaient été
dessinés une fois pour toutes! Qui n'a pas entendu parler des six jours de la
Création! Nous appelons cette vision de la formation de la terre par une série de
grandes catastrophes, le catastrophisme, une théorie qui, avec une théorie satellite,
le créationisme, va dominer les esprits jusqu'au 19e siècle ... et même encore de nos
jours!

Bien qu'au 19e siècle, les géologues James Hutton et Charles Lyell ont tenté de
montrer qu'en fait les processus géologiques sont beaucoup plus lents que ne le
propose le catastrophisme et qu'ils se font de façon beaucoup plus uniforme
(théorie de l'uniformitarisme), les hommes de science continuaient à croire ferme
à la perennité des mers et des continents.

Mais ..., au 17e siècle, les cartes géographiques de l'Atlantique étaient suffisamment
précises pour que les esprits curieux et éveillés à la découverte remarquent un
certain parallélisme dans le tracé des côtes de part et d'autre de l'Atlantique et
tentent d'en trouver l'explication.

François Placet (1668).

C'est dans un mémoire intitulé "La corruption du grand et du petit monde, où il est
montré qu'avant le déluge, l'Amérique n'était point séparée des autres parties du
monde", que Placet propose qu'avant le déluge il n'y avait qu'un seul bloc
continental et que c'est par effondrement au centre de ce bloc que l'Atlantique a été
créé et qu'il en est résulté deux blocs séparés. Il n'en fallait pas plus pour faire
revivre la légende de l'Atlantide, ce continent qui, selon le philosophe et poète grec
Platon, se serait abîmé dans l'Océan Atlantique au large de Gibraltar. Aujourd'hui
encore, on trouve de "savants traités", se présentant comme répondant à la
démarche scientifique, venant à la défense de cette légende!

Antonio Snider-Pelligrini (1858).

Deux siècles après Placet, le catastrophisme garde toujours ses droits. Snider-
Pelligrini parle de séparation et de dérive dans son livre intitulé "La création et ses
mystères dévoilés". Selon lui, les continents se sont formés avant le déluge
(l'archétype de la catastrophe!), en un seul bloc, du même côté de la terre, à partir
d'un bloc de roche en fusion. Le déluge a mis fin à l'état d'instabilité de ce bloc en
le refroidissant. Une gigantesque rupture s'est alors produite, entraînant la
séparation des Amériques et du Vieux-Monde.

George Darwin (1879).

Le second fils de Charles Darwin parle lui aussi de mobilité des continents. À une
époque très reculée, la lune a été arrachée à la Terre, y laissant la gigantesque
cicatrice du Pacifique. Ce grand vide a alors entraîné une fragmentation de la croûte
granitique refroidie et un glissement latéral des masses continentales. On peut
difficilement être plus catastrophiste!

Frank B. Taylor (1910).

Bien qu'on attribue la paternité du concept de la dérive des continents à Alfred


Wegener, Frank Taylor fut le premier, en 1910, 5 ans avant Wegener, à formuler
l'hypothèse que l'Atlantique a été formé par la séparation de deux masses
continentales qui ont dérivé lentement l'une par rapport à l'autre. Taylor fondait son
hypothèse sur la similitude du tracé des côtes de part et d'autre de l'Atlantique, mais
aussi sur le fait qu'on retrouve des chaînes de montagnes sur les marges
continentales opposées aux marges atlantiques, comme par exemples les Rocheuses
en Amérique du Nord et les Andes en Amérique du Sud. Ces chaînes se seraient
formées par un effet de "bulldozage" causé par la dérive des continents. Mais la
démonstration de Taylor est apparue trop compliquée et n'a pas réussi à convaincre
ses contemporains.

Cinq années plus tard, en 1915, Alfred Wegener énonça, sans connaître semble-t-il
les travaux de Taylor, l'hypothèse de la dérive des continents.

Alfred Wegener (1880-1930) - Notes biographiques.

Alfred Wegener est né à Berlin en 1880. Fils de pasteur protestant, il fait ses études
aux universités d'Heidelberg, d'Innsbruck et de Berlin et obtient un doctorat en
astronomie. En même temps, il est fasciné par une nouvelle science, la
météorologie. Il apprend le maniement des cerfs-volants et des ballons utilisés pour
l'étude des conditions climatiques. Il s'adonne à un conditionnement physique
rigoureux par de longues marches, le patin et le ski. En 1906, il bat le record du
monde d'endurance avec un vol de 52 heures. Au cours de la même année, son rêve
se réalise; il participe à une expédition danoise en recherche météorologique dans le
nord-est du Groenland. Il sera par la suite professeur-assistant de météorologie à
l'université de Marburg et publie un traité sur la thermodynamique de
l'athmosphère. Une deuxième expédition au Groenland a lieu en 1912. Il part avec
J.P. Koch, un danois, pour entreprendre et réussir la plus longue traversée de la
calotte glaciaire. Au retour, il devient directeur du Département des Recherches
Météorologiques de l'observatoire de la Marine de Hambourg. C'est en 1915 qu'il
publie sa théorie de la dérive des continents qui rencontre beaucoup d'opposition.
En 1924, on lui offre la chaire de météorologie et de géophysique de l'université de
Graz, en Autriche, où ses idées y sont mieux accueillies qu'à Hambourg. Il meurt au
cours d'une troisième expédition au Groenland en 1930.

Le puzzle des continents

Wegener avait exécuté sa reconstitution de la Pangée en utilisant les lignes des


rivages actuels autour de l'Atlantique. Mais la concordance s'avérait par endroits
plutôt boîteuse. Il n'avait pas compris qu'il fallait faire la reconstitution avec les
marges des masses continentales, puisque ces marges correspondent aux lignes de
fragmentation du mégacontinent Pangée. Aujourd'hui, on sait que le relief des
océans est en grande partie contrôlé par la nature de la croûte terrestre: croûte
continentale épaisse et croûte océanique plus mince.

Au début des années 60, Edward Bullard, J. Everett et A. Smith, tous de


Cambridge, ont démontré qu'on obtenait un emboîtement beaucoup plus cohérent si
on faisait le rapprochement des masses continentales actuelles en utilisant le
contact entre croûte continentale et croûte océanique plutôt qu'avec les lignes de
rivages. La reconstitution a été réalisée en utilisant l'isobathe (courbe d'égale
profondeur) de 500 brasses (915 mètres; au quart du talus continental plutôt qu'à sa
base pour tenir compte de l'étirement de la croûte continentale lors de l'ouverture de
l'Atlantique). La figure qui suit présente la reconstitution de la Pangée par Bullard
et ses collègues. Les zones en bleu clair représentent la surface des continents se
situant entre la ligne de rivage (profondeur 0) et la profondeur de 500 brasses; en
noir, les régions où il y a recouvrement des masses continentales et, en blanc, les
prismes sédimentaires importants.

La structure interne de la Terre

L'intérieur de la Terre est constitué d'une succession de couches de propriétés


physiques différentes: au centre, le noyau, qui forme 17% du volume terrestre et
qui se divise en noyau interne solide et noyau externe liquide; puis, le manteau, qui
constitue le gros du volume terrestre, 81%, et qui se divise en manteau inférieur
solide et manteau supérieur principalement plastique, mais dont la partie tout à fait
supérieure est solide; finalement, la croûte (ou écorce), qui compte pour moins de
2% en volume et qui est solide.

Deux discontinuités importantes séparent croûte, manteau et noyau: la discontinuité


de Mohorovicic (MOHO) qui marque un contraste de densité entre la croûte
terrestre et le manteau, et la discontinuité de Gutenberg qui marque aussi un
contraste important de densité entre le manteau et le noyau. Une troisième
discontinuité sépare noyau interne et noyau externe, la discontinuité de Lehmann.
La couche plastique du manteau supérieur est appelée asthénosphère, alors
qu'ensemble, les deux couches solides qui la surmontent, soit la couche solide de la
partie supérieure du manteau supérieur et la croûte terrestre, forment la lithosphère.
On reconnaît deux types de croûte terrestre: la croûte océanique, celle qui en gros
se situe sous les océans, qui est formée de roches basaltiques de densité 3,2 et qu'on
nomme aussi SIMA (silicium-magnésium); et la croûte continentale, celle qui se
situe au niveau des continents, qui est plus épaisse à cause de sa plus faible densité
(roches granitiques à intermédiaires de densité 2,7 à 3) et qu'on nomme SIAL
(silicium-aluminium). La couverture sédimentaire est une mince pellicule de
sédiments produits et redistribués à la surface de la croûte par les divers agents
d'érosion (eau, vent, glace) et qui compte pour très peu en volume.
L'intérieur de la Terre est donc constitué d'un certain nombre de couches
superposées, qui se distinguent par leur état solide, liquide ou plastique, ainsi que
par leur densité. Comment savons-nous cela? C'est par une sorte d'échographie de
l'intérieur de la Terre qui a été établie à partir du comportement des ondes
sismiques lors des tremblements de terre. Les sismologues Mohorovicic, Gutenberg
et Lehmann ont réussi à déterminer l'état et la densité des couches par l'étude du
comportement de ces ondes sismiques. La vitesse de propagation des ondes
sismiques est fonction de l'état et de la densité de la matière. Certains types d'ondes
se propagent autant dans les liquides, les solides et les gaz, alors que d'autres types
ne se propagent que dans les solides. Lorsque qu'il se produit un tremblement de
terre à la surface du globe, il y a émission d'ondes dans toutes les directions. Il
existe deux grands domaines de propagations des ondes: les ondes de surface,
celles qui se propagent à la surface du globe, dans la croûte terrestre, et qui causent
tous ces dommages associés aux tremblements de terre, et les ondes de volume,
celles qui se propagent à l'intérieur de la terre et qui peuvent être enregistrées en
plusieurs points du globe. Chez les ondes de volume, on reconnaît deux grands
types: les ondes de cisaillement ou ondes S, et les ondes de compression ou ondes
P.

Les ondes sismiques de volume.

L'onde P se déplace créant successivement des zones de dilatation et des zones de


compression. Les particules se déplacent selon un mouvement avant-arrière dans la
direction de la propagation de l'onde, à la manière d'un "slinky". Ce type d'onde est
assimilable à une onde sonore. Dans le cas des ondes S, les particules oscillent dans
un plan vertical, à angle droit par rapport au sens de propagation de l'onde.

La structure interne de la Terre, ainsi que l'état et la densité de la matière, ont été
déduits de l'analyse du comportement des ondes sismiques. Les ondes P se
propagent dans les solides, les liquides et les gaz, alors que les ondes S ne se
propagent que dans les solides. On sait aussi que la vitesse de propagation des
ondes sismiques est proportionnelle à la densité du matériel dans lequel elles se
propagent.
La brusque interruption de propagation des ondes S à la limite entre le manteau et
le noyau indique qu'on passe d'un solide (manteau inférieur) à un liquide (noyau
externe). L'augmentation progressive de la vitesse des ondes P et S dans le manteau
indique une augmentation de densité du matériel à mesure qu'on s'enfonce dans ce
manteau. La chute subite de la vitesse des ondes P au contact manteau-noyau est
reliée au changement d'état de la matière (de solide à liquide), mais les vitesses
relatives continuent d'augmenter, indiquant une augmentation des densités. Plus en
détail, au contact lithosphère-asthénosphère, on note une légère chute des vitesses
de propagation des ondes P et S correspondant au passage d'un matériel solide
(lithosphère) à un matériel plastique (asthénosphère).

La composition de la croûte terrestre est assez bien connue par l'étude des roches
qui forment la surface terrestre et aussi par de nombreux forages. Notre
connaissance du manteau et du noyau est, cependant, plus limitée. Malgré tous les
efforts déployés à cet effet, aucun forage n'a encore traversé le MOHO.

A la Recherche du MOHO

Depuis la fin des années 60, on cherche, par des forages profonds, à mieux
connaître et comprendre la nature et la composition de la croûte continentale, et à
atteindre et traverser la discontinuité de MOHO dans l'espoir de prélever des
échantillons du manteau. Plusieurs projets de collaboration internationale ont été
mis sur pieds.

 Le MOHOLE (Moho hole), en 1967-68: un projet américain de forage de la


croûte océanique près d'Hawaï, à partir d'une plate-forme, sous 4500 mètres
d'eau. On visait un trou de 25 cm de diamètre, sur une profondeur de 5 km. On a
rencontré de nombreuses difficultés techniques et les coûts furent élevés. On n'a
pas atteint le Moho.

 Le projet JOIDES (Joint Oceanic Institution for Deep Earth Sampling). Un projet
initié en août 1968 et financé par la NSF (National Science Foundation, USA). Il
s'agissait d'un forage dans le golfe du Mexique, sous 3580 m d'eau, à partir du
Glomar Challenger, un bateau équipé pour forer dans 6000 m d'eau. Ici encore, on
n'a pas atteint le Moho.

 Le DSDP (Deep Sea Drilling Projet), un projet initié en 1970, qui ne cherche pas
à rejoindre le Moho, mais qui vise à réaliser plusieurs forages peu profonds, dans
tous les océans, pour bien connaître la croûte océanique et sa couverture
sédimentaire.

 Le projet IPOD (International Phase of Ocean Drilling), puis ODP (Ocean Drilling
Project), depuis 1979 et toujours actif: c'est la suite du DSDP, mais à l'échelle
internationale; plusieurs forages à +/- 2000 m dans la croûte océanique, sur des
centaines de sites dans tous les océans, bénéficiant d'une grande amélioration des
techniques.

 Les Russes furent les premiers à forer à partir du continent pour tenter
d'atteindre le Moho, donc à traverser la croûte continentale plutôt que la croûte
océanique. Le forage a été implanté dans la péninsule de Kola (cercle arctique
russe), en bordure d'une masse continentale, où on considère que le Moho se
trouve à 10 ou 15 km de profondeur.

1977: début du forage; cible 15 km,

1982: on atteint 8 km,

1989: on atteint 12 km sans être encore au Moho.

Acquisition inestimable de connaissances sur la croûte continentale. A toutes


fins pratiques, un forage arrêté aujourd'hui, faute de moyens financiers.
 L'Allemagne planifie de compléter un forage de 15 km en Bavière (donc à
travers la croûte continentale) pour 1996. Travaux toujours en cours qui, ici aussi,
ont permis d'apprendre énormément sur la croûte continentale. Le Moho n'a pas
encore été atteint.

 A l'été de 1996, l'ODP projette de reprendre un forage (i.e. entrer dans le


même trou) dans l'océan Atlantique, forage qui est déjà à 2000 m de profondeur
et sous lequel on pense pouvoir atteindre le Moho.

A ce jour, la discontinuité de Moho n'a toujours pas été atteinte (1996) et nous ne
possédons toujours pas d'échantillons du manteau, ... sauf ce qui nous vient des
volcans.

1.2 Une Théorie planétaire: la Tectonique des Plaques

Cette section présente comment se sont développés les concepts de la théorie de la


tectonique des plaques et surtout en quoi consiste cette théorie qui fournit
aujourd'hui un modèle unificateur expliquant les grands phénomènes géologiques
qui affectent notre planète.

Quelques jalons historiques

Pour bien comprendre le développement des idées qui ont conduit à la formulation
de la théorie de la tectonique des plaques, il est essentiel d'avoir quelques notions
de base sur le magnétisme terrestre.

Le magnétisme terrestre

Un point de vocabulaire d'abord. La tectonique est cette partie de la géologie qui


étudie la nature et les causes des déformations des ensembles rocheux, plus
spécifiquement dans ce cas-ci, les déformations, à grande échelle, de la lithosphère
terrestre. Une plaque est un volume rigide, peu épais par rapport à sa surface.
La tectonique des plaques est une théorie scientifique planétaire unificatrice qui
propose que les déformations de la lithosphère sont reliées aux forces internes de la
terre et que ces déformations se traduisent par le découpage de la lithosphère en un
certain nombre de plaques rigides (14) qui bougent les unes par rapport aux autres
en glissant sur l'asthénosphère.
Ces mouvements définissent trois types de frontières entre les plaques: 1) les
frontières divergentes, là où les plaques s'éloignent les unes des autres et où il y a
production de nouvelle croûte océanique; ici, entre les plaques A et B, et D et E; 2)
les frontières convergentes, là où les plaques entrent en collision, conséquence de
la divergence; ici, entre les plaques B et C, et D et C; 3) les
frontières transformantes, lorsque les plaques glissent latéralement les unes contre
les autres le long de failles; ce type de limites permet d'accomoder des différences
de vitesses dans le déplacement de plaques les unes par rapport aux autres, comme
ici entre A et E, et entre B et D, ou même des inversions du sens du déplacement,
comme ici entre les plaques B et E.

1.2.1 - Les frontières divergentes

Nous savons qu'il existe un flux de chaleur qui va du centre vers l'extérieur de la
terre, un flux causé par la désintégration radioactive de certains éléments chimiques
dans le manteau et qui engendre des cellules de convection dans le manteau
plastique (asthénosphère). A cause de cette convection, il y a concentration de
chaleur en une zone où le matériel chauffé se dilate, ce qui explique le soulèvement
correspondant à la dorsale océanique. La concentration de chaleur conduit à une
fusion partielle du manteau qui produit du magma. La convection produit, dans la
partie rigide de l'enveloppe de la terre (lithosphère), des forces de tension qui font
que deux plaques divergent; elle est le moteur du tapis roulant, entraînant la
lithosphère océanique de part et d'autre de la dorsale. Entre ces deux plaques
divergentes, la venue de magma crée de la nouvelle croûte océanique.
Le schéma suivant est un gros plan de la zone de divergence.

L'étalement des fonds océaniques crée dans la zone de dorsale, des tensions qui se
traduisent par des failles d'effondrement et des fractures ouvertes, ce qui forme au
milieu de la dorsale, un fossé d'effondrement qu'on appelle un rift océanique. Le
magma produit par la fusion partielle du manteau s'introduit dans les failles et les
fractures du rift. Une partie de ce magma cristallise dans la lithosphère, alors qu'une
autre est expulsée sur le fond océanique sous forme de lave et forme des volcans
sous-marins. C'est ce magma cristallisé qui forme de la nouvelle croûte océanique à
mesure de l'étalement des fonds.
C'est donc ainsi qu'il se crée perpétuellement de la nouvelle lithosphère océanique
aux niveau des frontières divergentes, c'est-à-dire aux dorsales médio-océaniques.
Ce sont ces processus qui expliquent comment s'est formé un océan comme
l'Atlantique, ... une question chère à Wegener.

Les schémas qui suivent illustrent les quatre étapes de la formation d'un océan.

L'accumulation de chaleur sous une plaque continentale cause une dilatation de la


matière qui conduit à un bombement de la lithosphère. Il s'ensuit des forces de
tension qui fracturent la lithosphère et amorcent le mouvement de divergence
conduit par l'action combinée de la convection mantellique et la gravité. Le magma
viendra s'infiltrer dans les fissures, ce qui causera par endroits du volcanisme
continental; les laves formeront des volcans ou s'écouleront le long des fissures. Un
exemple de ce premier stade précurseur de la formation d'un océan est la vallée du
Rio Grande aux USA.

La poursuite des tensions produit un étirement de la lithosphère; il y aura alors


effondrement en escalier, ce qui produit une vallée appelée un rift continental. Il y
aura des volcans et des épanchements de laves le long des fractures. Le Grand Rift
africain en Afrique orientale en est un bon exemple.

Avec la poursuite de l'étirement, le rift s'enfonce sous le niveau de la mer et les


eaux marines envahissent la vallée. Deux morceaux de lithosphère continentale se
séparent et s'éloignent progressivement l'un de l'autre. Le volcanisme sous-marin
forme un premier plancher océanique basaltique (croûte océanique) de part et
d'autre d'une dorsale embryonnaire; c'est le stade de mer linéaire, comme par
exemple la Mer Rouge.

L'élargissement de la mer linéaire par l'étalement des fonds océaniques conduit à la


formation d'un océan de type Atlantique, avec sa dorsale bien individualisée, ses
plaines abyssales et ses plateaux continentaux correspondant à la marge de la croûte
continentale.

Les dorsales océaniques constituent des zones importantes de dissipation de la


chaleur interne de la Terre.

1.2.2 - Les frontières convergentes

Aujourd'hui, physiciens et astro-physiciens sont assez d'accord pour dire que la


terre n'est pas en expansion comme le proposait Carey. Si la surface de la terre est
un espace fini, le fait que les plaques grandissent aux frontières divergentes
implique qu'il faudra détruire de la lithosphère ailleurs pour maintenir constante la
surface terrestre. Cette destruction se fait aux frontières convergentes qui, comme
le nom l'indique, marquent le contact entre deux plaques lithosphériques qui
convergent l'une vers l'autre. La destruction de plaque se fait par l'enfoncement
dans l'asthénosphère d'une plaque sous l'autre plaque, et par la digestion de la
portion de plaque enfoncée dans l'asthénosphère. Les résultats (séismes, volcans,
chaînes de montagnes, déformations; voir à la section 1.3) diffèrent selon la nature
des plaques (océaniques ou continentales) qui entrent en collision.

Un premier type de collision résulte de la convergence entre deux plaques


océaniques. Dans ce genre de collision, une des deux plaques (la plus dense,
généralement la plus vieille) s'enfonce sous l'autre pour former une zone de
subduction (littéralement: conduire en-dessous).

On enfonce du matériel moins dense (d~3,2) dans du matériel plus dense (d~3,3),
du matériel moins chaud dans du matériel plus chaud. L'asthénosphère "digère" peu
à peu la plaque lithosphérique. Il se produit un phénomène de fusion partielle de la
plaque engloutie. Le magma résultant (liquide), moins dense que le milieu ambiant,
monte vers la surface. Une grande partie de ce magma reste emprisonnée dans la
lithosphère, mais une partie est expulsée à la surface, produisant des volcans sous la
forme d'une série d'îles volcaniques (arc insulaire volcanique) sur le plancher
océanique. De bons exemples de cette situation se retrouvent dans le Pacifique-
Ouest, avec les grandes fosses des Mariannes, de Tonga, des Kouriles et des
Aléoutiennes, chacune possédant leur arc insulaire volcanique, ainsi que la fosse de
Puerto Rico ayant donné naissance à l'arc des Antilles bordant la mer des
CaraïbesAtlantique.

Un second type de collision est le résultat de la convergence entre une plaque


océanique et une plaque continentale. Dans ce type de collision, la plaque
océanique plus dense s'enfonce sous la plaque continentale.
Les basaltes de la plaque océanique et les sédiments du plancher océanique
s'enfoncent dans du matériel de plus en plus dense. Rendue à une profondeur
excédant les 100 km, la plaque est partiellement fondue. Comme dans le cas
précédent, la plus grande partie du magma restera emprisonnée dans la lithosphère
(ici continentale); le magma qui aura réussi à se frayer un chemin jusqu'à la surface
formera une chaîne de volcans sur les continents (arc volcanique continental). De
bons exemples de cette situation se retrouvent à la marge du Pacifique-Est, comme
les volcans de la Chaîne des Cascades (Cascade Range) aux USA (incluant le Mont
St. Helens) résultat de la subduction dans la fosse de Juan de Fuca et ceux de
la Cordillères des Andes en Amérique du Sud reliés à la fosse du Pérou-Chili. Dans
une phase avancée de la collision, le matériel sédimentaire qui se trouve sur les
fonds océaniques et qui est transporté par le tapis roulant vient se concentrer au
niveau de la zone de subduction pour former un prisme d'accrétion.

Un troisième type de collision implique la convergence de deux plaques


continentales. L'espace océanique se refermant au fur et à mesure du
rapprochement de deux plaques continentales, le matériel sédimentaire du plancher
océanique, plus abondant près des continents, et celui du prisme d'accrétion se
concentrent de plus en plus; le prisme croît.
Lorsque les deux plaques entrent en collision, le mécanisme se coïnce: le moteur du
déplacement (la convection dans le manteau supérieur et la gravité) n'est pas assez
fort pour enfoncer une des deux plaques dans l'asthénosphère à cause de la trop
faible densité de la lithosphère continentale par rapport à celle de l'asthénosphère.
Tout le matériel sédimentaire est comprimé et se soulève pour former une chaîne de
montagnes où les roches sont plissées et faillées. Des lambeaux de la croûte
océanique peuvent même être coïncés dans des failles. C'est la soudure entre deux
plaques continentales pour n'en former qu'une seule.
Toute les grandes chaînes de montagnes plissées ont été formées par ce mécanisme.
Un bon exemple récent de cette situation, c'est la soudure de l'Inde au continent
asiatique, il y a à peine quelques millions d'années, avec la formation
de l'Himalaya.

1.2.3 - Les frontières transformantes

Les frontières transformantes correspondent à de grandes fractures qui affectent


toute l'épaisseur de la lithosphère; on utilise plus souvent le terme de failles
transformantes. Elles se trouvent le plus souvent, mais pas exclusivement, dans la
lithosphère océanique. Ces failles permettent d'accomoder des différences dans les
vitesses de déplacement ou même des mouvements opposés entre les plaques, ou de
faire le relais entre des limites divergentes et convergentes (ces failles transforment
le mouvement entre divergence et convergence, de là leur nom de failles
transformantes).

La fameuse faille de San Andreas en Californie est un bon exemple de cette


situation: elle assure le relais du mouvement entre la limite divergente de la dorsale
du Pacifique-Est, la limite convergente des plaques Juan de Fuca-Amérique du
Nord et la limite divergente de la dorsale de Juan de Fuca.
Elle affecte à la fois la lithosphère océanique et la lithosphère continentale. Elle
constitue la limite entre trois plaques: plaque de Juan de Fuca, plaque de
l'Amérique du Nord et plaque du Pacifique. Elle présente aussi l'inconvénient de
traverser la ville de San Francisco! Au rythme actuel du déplacement (~ 5,5 cm/an),
la ville de Los Angeles sera au droit de San Francisco dans 10 Ma.

A quel rythme se font ces mouvements de divergence et de convergence?

Les taux de divergence et de convergence ne sont pas identiques partout. La


divergence varie de 1,8 à 4,1 cm/an dans l'Atlantique et de 7,7 à plus de 18 cm/an
dans le Pacifique. La convergence se fait à raison de 3,7 à 5,5 cm/an dans le
Pacifique. À noter le taux de déplacement latéral relatif le long de la faille de San
Andreas en Californie (~ 5,5 cm/an).

En résumé ...

La terre est un système où toutes les pièces, tous les éléments, forment une grande
machine mue par la thermodynamique.
Le moteur est constitué par l'action combinée de la gravité terrestre et des grandes
cellules de convection dans le manteau résultant du flux de chaleur qui va du centre
vers l'extérieur de la terre, un flux de chaleur qui est relié à la décomposition des
éléments radioactifs contenus dans les minéraux constitutifs du manteau. Ces
cellules concentrent de la chaleur dans leur partie ascendante, ce qui cause une
fusion partielle du manteau tout à fait supérieur et une expansion des matériaux.
C'est cette expansion qui produit une dorsale médio-océanique linéaire*.
L'écoulement de l'asthénosphère sous la lithosphère rigide entraîne cette dernière; il
en découle des tensions au niveau de la dorsale, causant la divergence et le
magmatisme associé. Ainsi, il y a formation continuelle de nouvelle lithosphère
océanique au niveau de la dorsale et élargissement progressif de l'océan. En
contrepartie, puisque le globe terrestre n'est pas en expansion, il faut détruire de la
lithosphère, ce qui se fait par enfoncement de lithosphère océanique dans les zones
de subduction qui correspondent aux fosses océaniques profondes pouvant atteindre
les 11 km (fosse des Marianes). Les dorsales sont disséquées par des failles dites
transformantes pour accomoder des différences de vitesses de divergence.

* A noter que l'iconographie de la tectonique des plaques présente toujours les


dorsales comme des droites sur un plan. En fait, il faut bien comprendre que, la
terre étant une sphère, le parcours de la dorsale est linéaire sur la surface de cette
sphère. On représente aussi les cellules de convection en deux dimensions; il faut
faire un effort d'abstraction pour se les représenter en trois dimensions, à l'intérieur
de la sphère.
Pour aider à mieux voir la mécanique des plaques et leurs interactions.

Les plaques tectoniques à l'équateur.


Faites une coupe du globe terrestre, au niveau de l'équateur, montrant la
position des dorsales océaniques et des zones de subduction, ainsi que la
position des croûtes océaniques et continentales. Utilisez la figure 1.17 du
cahier d'accompagnement ou la carte des plaques tectoniques.

D'Arthur Holmes à aujourd'hui

Arthur Holmes (1945).

Holmes, professeur de géologie à l'Université d'Edimbourgh, proposa un modèle


prémonitoire au concept moderne de l'étalement des fonds océaniques et de la
tectonique des plaques.

Ceci est le schéma original de Holmes. (A) Holmes propose que l'existence de
courants de convection dans le manteau, sous un grand bloc continental (comme la
Pangée, par exemple), crée dans la croûte continentale des forces de tension. Ces
forces de tension vont contribuer à fracturer la croûte continentale, avec, dans les
fractures ouvertes, des venues de magma provenant du manteau. (B) La
cristallisation de ce magma va créer de la croûte océanique composée de basalte.
Toujours sous l'influence de la convection, la nouvelle croûte océanique va elle
aussi se fracturer et être infiltrée par le magma. Il va donc se former ainsi
continuellement de la nouvelle croûte océanique, un processus qui fera en sorte que
les masses continentales vont s'éloigner l'une de l'autre, comme repoussées par cette
formation de nouvelle croûte océanique. Pour Holmes, la surface terrestre est un
espace fini, ce qui implique que s'il y a tension dans certaines zones, il doit y avoir
compression ailleurs, ou encore, s'il y a formation de nouvelle croûte terrestre par
endroits, il faut qu'il y ait destruction ailleurs. Cette destruction se fait dans les
zones de compression où la croûte s'enfoncera dans le manteau, donnant naissance
à des fosses océaniques profondes. Les chaînes de montagnes vont se construire
dans ces zones de compression.

Ce modèle est conceptuel, car Holmes n'avait pas les données pour l'appuyer. Sa
proposition se heurta à la communauté des géophysiciens, avec, en tête, Sir Harold
Jeffreys, scientifique britannique omnipuissant à l'époque. "On avait démontré que
l'idée de Wegener était fausse: inutile d'y revenir!" En rétrospective, le modèle de
Holmes constituait l'embryon de la théorie de la tectonique des plaques, mais il
faudra attendre une bonne vingtaine d'années avant qu'on rassemble les données qui
viendront conforter ce modèle.

Warren Carey (1953).

Huit ans après la proposition de Holmes, Carey est sensiblement d'accord avec
l'idée des courants de convection et de la formation de nouvelle croûte océanique
qui amène la séparation des continents. Mais pour lui, il n'est pas nécessaire de
détruire ailleurs de la croûte océanique. Dans sa conception de la dynamique
planétaire, la terre est en expansion, elle se dilate. Puisque les continents sont des
masses rigides, les océans grandissent à mesure de cette expansion du globe, un peu
à la manière d'un ballon qu'on aurait recouvert d'une couche épaisse de peinture
qui, une fois séchée, se fendillerait à mesure qu'on gonflerait le ballon et formerait
des plaques s'éloignant les unes des autres. On sait que par la suite cette proposition
faillira à expliquer un certain nombre de phénomènes importants; elle ne réussira
pas le test du modèle.

L'exploration des fonds océaniques.

Cette exploration a véritablement pris son essor durant la seconde grande guerre,
pour des raisons stratégiques. Les connaissances acquises de cette exploration
constituent un jalon important dans le questionnement qui a mené au
développement des idées sur la dynamique des fonds océaniques. Grâce au sonar,
on a obtenu une image assez réaliste du relief des fonds océaniques
(Atlantique; Pacifique). Ces observations venaient interpeler les scientifiques. A
quoi correspondent ces dorsales médio-océaniques? Ces fosses profondes autour du
Pacifique? Ces pics sous-marins pouvant s'ériger jusqu'à la surface des mers dans
les plaines abyssales? L'analyse des relevés géophysiques et l'études des nombreux
échantillons recueillis lors des diverses campagnes de forage ont permis de
comprendre et de conforter l'hypothèse de l'étalement des fonds océaniques
proposée par Harry Hesse.

Harry Hess (1962).

Hess était professeur de géologie à l'Université de Princeton. Durant la Seconde


Guerre mondiale, il servit dans la marine américaine et commanda un vaiseau qui
croisait dans le Pacifique-Sud. Parallèlement à des missions d'ordre militaire, il
levait la carte bathymétrique, ce qui l'amena à se questionner sur la signification
des reliefs comme les dorsales, les fosses et les pics sous-marins. Alliant ses
connaissances géologiques et ses observations, il en vint, en 1962, à proposer
l'hypothèse du tapis roulant des fonds océaniques (sea floor spreading).

Hesse cherchait à expliquer la topographie des fonds océaniques. Il concevait que


le manteau terrestre était affecté par de larges courants de convection (voir Holmes,
plus haut) et que les parties ascendantes sont la cause des dorsales médio-
océaniques, alors que les parties descendantes se trouvent au niveau des grandes
fosses comme au pourtour du Pacifique. Le plancher océanique se forme
perpétuellement au niveau des dorsales; il dérive de part et d'autre de ces dernières
et vient s'engloutir dans le manteau au niveau des fosses.

Comme son prédécesseur Holmes, Harry Hesse rencontra énormément de


scepticisme de la part des géophysiciens.

Les Programmes de forage DSDP et ODP.

Les résultats issus de deux programmes de forages, DSDP (Deep Sea Drilling
Project, initié en 1970) et ODP (Ocean Drilling Project, depuis 1979), sont venus
appuyer l'idée de l'étalement des fonds océaniques. Tous ces forages ont permis de
bien connaître la composition de la croûte et des sédiments qui la recouvrent et
d'acquérir un volume important de données sur les âges des roches et des sédiments
concernés. Ainsi, on a pu démontrer que l'âge des basaltes du plancher océanique et
des sédiments qui les recouvrent sont de plus en plus vieux à mesure qu'on
s'éloigne d'une dorsale. Le schéma suivant illustre ces observations.
Prenons comme exemple une carotte de forage provenant d'un site près de la
dorsale (Atlantique ou Pacifique, peu importe) et ayant traversé toute la couche
sédimentaire jusqu'aux basaltes de la croûte océanique à cet endroit. Supposons
qu'on ait obtenu un âge de 5 Ma pour les basaltes; il en sera ainsi pour les
sédiments qui se trouvent immédiatement au-dessus des basaltes puisqu'ils se sont
déposés immédiatement après la formation des basaltes. Au fur et à mesure qu'on
datera les sédiments vers le sommet de la carotte, on obtiendra des âges de plus en
plus jeunes, jusqu'à des âges récents. Prenons la carotte d'un deuxième forage situé
cette fois un peu plus loin de la dorsale; les basaltes y seront plus vieux, ainsi que
les sédiments immédiatement sur les basaltes, par exemple, 50 Ma. L'âge des
sédiments s'étalera de 50 Ma à récent. Dans un troisième forage, plus près du
continent que de la dorsale, l'âge des basaltes pourrait être de 110 Ma; l'âge des
sédiments variera de -110 Ma à récent. Cette répartition des âges de la croûte
océanique et des sédiments, de plus en plus vieux en s'éloignant de la dorsale, se
vérifie dans les centaines de forage, à la grandeur des océans, et vient appuyer la
thèse de l'étalement des fonds océaniques.

Tuzo Wilson.

Wilson, un géophysicien de l'Université de Toronto, fut l'un des seuls à épouser


l'hypothèse de Hesse. De plus, il y apporta un argument nouveau: l'âge des îles
océaniques croît avec leur distance par rapport à la dorsale. Plus elle sont éloignées
de la dorsale, plus elles sont vieilles, la preuve qu'une fois formées sur le plancher
océanique elles ont dérivé avec le tapis roulant des fonds océaniques. Wilson était
un communicateur extraordinaire et a été un promoteur certain de l'acceptation par
la communauté scientifique de la théorie de l'étalement des fonds océaniques.

Vine, Matthews & Morley.

Au début des années 60, Fred Vine et Drummond Matthews de Cambridge, ainsi
que Larry Morley de la Commission géologique du Canada (de façon indépendante
des deux premiers), ont eu l'idée de faire le rapprochement entre trois choses:
1) les conclusions de Matuyama sur l'inversion de la polarité du
magnétisme terrestre à travers les temps géologiques (voir le magnétisme
terrestre);

2) les bandes d'anomalies de l'intensité du champ magnétique sur les fonds


océaniques (voir aussi le magnétisme terrestre);

3) l'hypothèse de Harry Hess à l'effet que les fonds océaniques s'étalaient de


part et d'autre des dorsales.

Ces chercheurs ont proposé que les anomalies de l'intensité magnétique sur les
fonds océaniques étaient dues aux inversions de polarité magnétique. S'il y a
alternance de bandes normales et inverses, c'est qu'il se génère continuellement de
la nouvelle croûte à la dorsale et que le plancher océanique se déplace latéralement
sous l'effet d'une convection sous-jacente, à la manière d'un tapis roulant
(hypothèse de Hesse). Les sédiments qui recouvrent la croûte océanique sont aussi
transportés sur ce tapis roulant. L'hypothèse de Hess reçoit donc sa légitimité avec
cette découverte des bandes d'inversion magnétique.

Morgan, MacKenzie & Parker

Aussi importante que soit la contribution des Holmes, Hess, Wilson, Vines,
Matthews et Morley, qui en définitive ont bien assis la théorie de l'étalement des
fonds océaniques, ceux-ci ne sont pas responsables d'avoir réalisé qu'en fait la
lithosphère se divise en un certain nombre de plaques qui bougent les unes par
rapport aux autres en glissant sur l'asthénosphère (théorie de la tectonique des
plaques). Il est difficile de cerner à qui appartient la paternité de cette idée, mais
disons que la première formulation est venue d'un jeune professeur de l'Université
Princeton, Jason Morgan, qui a exposé ses idées dans une réunion scientifique de
l'American Geophysical Union en 1967. Il y a présenté un exposé clairvoyant
montrant que la surface terrestre est divisée en plaques rigides et que les
mouvements d'étalement des fonds océaniques mis en évidence par ses
prédécesseurs pouvaient être décrits à l'aide des règles mathématiques de la
géométrie sur la sphère. Mais son exposé qui a eu lieu à l'heure du lunch est passé
plutôt inaperçu et il a fallu presqu'une année avant qu'une version publiée de sa
théorie ne paraisse. Entretemps, les chercheurs anglais Dan McKenzie et Robert
Parker, ignorant la proposition de Morgan, publièrent, dans la prestigieuse
revueNature, une théorie pratiquement identique, mais fondée sur des arguments
tout à fait différents, principalement d'ordre séismologique.

Il semble donc que cette idée de la tectonique des plaques ait germé dans des
cerveaux différents, à peu près en même temps, et de façon indépendante. Ceci est
un bon exemple qui montre que lorsqu'une idée scientifique est mûre, sa
formulation devient quasi inévitable.
Le magnétisme terrestre

La compréhension du magnétisme terrestre a constitué un pas très important dans la


formulation de la théorie de la tectonique des plaques. Deux aspects du magnétisme
retiennent l'attention: le paléomagnétisme et les inversions du magnétisme terrestre.
La découverte de bandes d'anomalies magnétiques sur les planchers océaniques
parallèles aux dorsales est venue cautionner la théorie de l'étalement des fonds
océaniques de Hesse.

1 - Le Paléomagnétisme

Bien que les Chinois aient découvert les premiers le magnétisme terrestre dès l'an
1040, il revient à William Gilbert, physicien et médecin de la reine Elisabeth I
d'Angleterre au 16esiècle, d'avoir réalisé que si l'aiguille aimantée d'une boussole
pointe invariablement vers le Nord, c'est qu'il y a quelque chose, une sorte d'aimant
placé au centre de la terre, et qu'il devient possible de calculer la direction et
l'intensité du champ magnétique en tout point de la surface du globe.

La terre agit comme un dipôle magnétique, ou encore comme un aimant. Les lignes
de forces magnétiques établissent tout autour de la planète un champ magnétique
terrestre. C'est la raison pour laquelle l'aiguille d'une boussole s'aligne
automatiquement selon les lignes de force, dans une direction nord-sud.

Il aura fallu attendre près de deux siècles, soit vers la fin du 19e siècle, pour qu'on
développe le magnétomètre, un appareil capable de mesurer l'intensité du champ
magnétique, ouvrant la porte à l'exploration quantitative du champ magnétique
terrestre. On se rend compte alors qu'il y a des anomalies, i.e. des différences entre
les intensités mesurées en un lieu donné et les intensités théoriques calculées selon
l'hypothèse de Gilbert: anomalie positive (champ réel > champ théorique) et
anomalie négative (champ réel < champ théorique).

Le physicien napolitain Macedonio Melloni (1853) découvre que chaque roche


volcanique possède sa propre aimantation. Il formule l'hypothèse que cette
aimantation a été acquise lors du refroidissement de la lave qui enregistre le champ
magnétique terrestre de l'époque. Les laves possèdent donc une "mémoire
magnétique". Deux chercheurs français, Brunhes(1906) et Mercanton (1910 à
1930), confortent la découverte de Melloni en y apportant les fondements
théoriques. Il a cependant fallu attendre l'après-guerre pour voir une utilisation
intensive de cette "mémoire magnétique".

C'est une percée technologique qui a lancé toute l'histoire. En 1952, le physicien
anglais Patrick Blackett, prix Nobel en 1948, invente, au cours de recherches sur
les relations entre le magnétisme terrestre et la rotation de la terre, le magnétomètre
astatique, capable de mesurer des champs magnétiques extrêmement faibles. En
1959, avec ses collaborateurs KeithRuncorn et Ted Irving, il utilise l'appareil pour
mesurer la mémoire magnétique des roches; c'est la naissance d'une discipline
qu'on appelle aujourd'hui le paléomagnétisme. On se rend compte que grâce à
cette mémoire, on peut déterminer la position des pôles magnétiques pour diverses
périodes géologiques à partir de roches dont l'âge est connu. Runcorn propose de
définir, époque par époque, la position d'un paléo-pôle magnétique pour diverses
régions, un travail minutieux qui consiste d'abord à définir pour l'Europe, une
trajectoire de la "promenade des pôles" (polar wandering) à travers les temps
géologiques, puis ensuite de faire le même exercice pour l'Amérique.

La carte ci-dessous présente une vue de l'hémisphère Nord centrée sur le pôle Nord
magnétique, selon la géographie actuelle. Le trait rouge indique la trajectoire
apparente du pôle nord magnétique terrestre établie à partir de plusieurs mesures du
paléomagnétisme sur des échantillons datant de l'Éocène au Cambrien, prélevés sur
le continent européen. En trait bleu, c'est la trajectoire établie à partir d'échantillons
datant de l'Éocène au Silurien, prélevés sur le continent nord-américain. En trait
vert, c'est la trajectoire établie à partir d'échantillons datant de l'Éocène au
Jurassique, prélevés en Inde. E=Éocène (50 Ma); J=Jurassique (175 Ma); T=Trias
(225 Ma); P=Permien (260 Ma); Ca=Carbonifère (320 Ma); S=Silurien (420 Ma);
Cb=Cambrien (530 Ma). Les âges absolus (entre parenthèses) correspondent au
milieu de la période mentionnée.
Deux choses apparaissent anormales ici: 1) les trois trajectoires ne coïncident pas;
il devrait pourtant n'y avoir qu'une seule trajectoire puisqu'il n'y a qu'un seul pôle
nord magnétique terrestre; 2) plus on recule dans le temps, plus le pôle magnétique
s'éloigne du pôle géographique; on sait aujourd'hui que même si le pôle magnétique
terrestre se déplace par rapport au pôle géographique, ce déplacement est minime;
les trajectoires représentées ici sont donc beaucoup trop longues pour être réalistes.
Durant l'intervalle entre la découverte du paléomagnétisme et la formulation de la
théorie de la tectonique des plaques, on a cru à cette hypothèse du "polar
wandering". Aujourd'hui, on comprend bien que la seule façon de résoudre ce
problème de l'apparente promenade des pôles à travers les temps géologiques et de
leur manque de concordance selon que les données viennent d'un continent ou
l'autre est de déplacer les masses continentales les unes par rapport aux autres. C'est
d'ailleurs ainsi qu'on parvient à reconstituer la position relative des continents pour
chaque époque géologique. La théorie de Wegener refait surface!

Wegener avait supposé que la Pangée avait existé depuis l'origine de la terre et
qu'elle n'avait commencé à se disloquer qu'autour des 200 Ma. La dérive des
continents étaient pour lui un phénomène irréversible: morcellement d'un
mégacontinent originel en parties de plus en plus petites. Mais les
paléomagnéticiens (certains disent les paléomagiciens!) ne se sont pas arrêtés aux
derniers 200 Ma. Ils ont reculé jusqu'au début du Paléozoïque pour se rendre
compte qu'il y a eu des dérives continentales plus anciennes, antérieures à 300 Ma.
Mais, toutes ces reconstitutions laissèrent sceptique la communauté scientifique des
années 50-début 60; de nombreuses objections seront soulevées. Le tout-puissant
physicien Harold Jeffreys, adversaire irréductible de tout mobilisme, ira jusqu'à
écrire que le marteau utilisé pour le prélèvement des échantillons est responsable de
l'aimantation!
On sait aujourd'hui, grâce à la théorie de la tectonique des plaques, que les
continents ont bougé tout au long de l'histoire géologique, et le paléomagnétisme
est utilisé comme outil de base pour reconstituer la position des continents aux
diverses époques géologiques (voir section 4: Histoire de la Planète).

2 - Les Inversions du Magnétisme terrestre

En 1906, Brunhes découvre que non seulement les laves ont une mémoire
magnétique, mais aussi que certaines montrent des inversions du magnétisme; en
d'autres termes, que le dipôle Nord-Sud aurait été à certaines époques Sud-Nord. A
la même époque, le japonais Matuyama ajoute une notion temporelle à ces
inversions. Il date diverses coulées de laves et conclut à l'existence d'inversions
multiples à travers les temps géologiques. Les conclusions de Matuyama tombent
dans l'indifférence et l'oubli pour une période de près de 50 ans, jusqu'à ce que les
américains qui prenaient beaucoup leurs distances par rapport à l'application du
paléomagnétisme aux dérives continentales se passionnent pour les inversions de
polarité magnétique.

Le physicien américain J. Graham (1950) a été en quelque sorte l'étincelle dans le


renouveau d'intérêt pour les inversions. Il avait émis l'idée que les inversions de
polarité magnétique ne sont pas dues à une inversion du champ magnétique
terrestre comme l'avait proposé Matuyama, mais à un phénomène bien connu en
physique des solides, l'auto-inversion, qui interviendrait lors de la cristallisation de
certains minéraux. Bien que fausse, cette proposition a eu le mérite d'avoir amorcé
un débat qui remit à l'ordre du jour le paléomagnétisme.

En 1960, John Reynolds du département de physique de Berkeley (Californie) et


John Verhoogen du département de géologie de la même université unissent leurs
efforts pour étudier des basaltes: l'un met au point une méthode de datation
isotopique permettant d'avoir des âges précis, l'autre s'applique à obtenir des
mesures fiables d'orientation du paléomagnétisme sur les mêmes échantillons. Ils
démontrent rapidement le bien-fondé des conclusions de Matuyama.
Walter Elsasser de l'Université Princeton et Ted Bullard
1.3 - Le Pouvoir unificateur de la Théorie

Avant la formulation de la théorie de la tectonique des plaques, plusieurs grands


phénomènes géologiques défiaient toutes explications logiques et rigoureuses. Par
exemple, on savait bien que la lave des volcans provenait du manteau, mais on ne
savait expliquer pourquoi il y avait magmatisme et pourquoi les volcans se
répartissaient de façon non aléatoire à la surface du globe. Il en était ainsi en ce qui
concerne l'origine et la distribution des séismes. Même interrogation aussi pour les
chaînes de montagnes; on saisissait bien en observant la géométrie des couches
géologiques qu'il fallait des forces de compression latérales pour plisser et failler
ces couches et pour soulever une aussi grande quantité de matériel qui à l'origine
s'était déposé dans un bassin marin, mais on n'arrivait pas à identifier ce qui causait
ces forces.

Avec la théorie de la tectonique des plaques tout devient clair. La tectonique des
plaques est devenue un modèle de la mécanique planétaire terrestre qui permet de
comprendre d'une façon unifiée les grands phénomènes géologiques. Mais tout
modèle demande à être testé, et ce n'est qu'après avoir réussi le test qu'il peut être
considéré comme valide. Le pouvoir unificateur d'un modèle qui se veut planétaire
est le meilleur test qu'on puisse faire subir au modèle. Ce test, il se fonde bien
évidemment sur la validité des observations et la rigueur des interprétations, mais
aussi obligatoirement sur le pouvoir unificateur des phénomènes observés. Bien
que l'on pourrait tester le modèle sur plusieurs phénomènes géologiques, petits et
grands, nous nous limitons à quatre grands phénomènes dans cette section: les
séismes, les volcans, la déformation des roches, et la formation des chaînes de
montagnes

1.3.1 - Les séismes

Les séismes ou tremblements de terre constituent un phénomène géologique qui de


tout temps a terrorisé les populations qui vivent dans certaines zones du globe.

Origine des tremblements de terre?

Lorsqu'un matériau rigide est soumis à des contraintes de cisaillement, il va d'abord


se déformer de manière élastique, puis, lorsqu'il aura atteint sa limite d'élasticité, il
va se rupturer, en dégageant de façon instantanée toute l'énergie qu'il a accumulé
durant la déformation élastique. C'est ce qui se passe lorsque la lithosphère est
soumise à des contraintes. Sous l'effet des contraintes causées le plus souvent par le
mouvement des plaques tectoniques, la lithosphère accumule l'énergie. Lorsqu'en
certains endroits, la limite d'élasticité est atteinte, il se produit une ou des ruptures
qui se traduisent par des failles. L'énergie brusquement dégagée le long de ces
failles causent des séismes (tremblements de terre). Si les contraintes se
poursuivent dans cette même région, l'énergie va à nouveau s'accumuler et la
rupture conséquente se fera dans les plans de faille déjà existants. A cause des
forces de friction entre les deux parois d'une faille, les déplacements le long de
cette faille ne se font pas de manière continue et uniforme, mais par coups
successifs, dégageant à chaque fois un séisme. Dans une région donnée, des
séismes se produiront à plusieurs reprises le long d'une même faille, puisque cette
dernière constitue un plan de faiblesse dans la lithosphère. A noter que les séismes
ne se produisent que dans du matériel rigide. Par conséquent, les séismes se
produiront toujours dans la lithosphère, jamais dans l'asthénosphère qui est
plastique.
Lorsqu'un séisme est déclenché, un front d'ondes sismiques se propage dans la
croûte terrestre. On nomme foyer le lieu dans le plan de faille où se produit
réellement le séisme, alors que l'épicentre désigne le point à la surface terrestre à la
verticale du foyer.

On distingue deux grands types d'ondes émises par un séisme: les ondes de fond,
celles qui se propagent à l'intérieur de la terre et qui comprennent les ondes S et les
ondes P, et les ondes de surface, celles qui ne se propagent qu'en surface et qui
comprennent les ondes de Love et de Rayleigh.
Les ondes P sont des ondes de compression assimilables aux ondes sonores et qui
se propagent dans tous les états de la matière. Les particules se déplacent selon un
mouvement avant-arrière dans la direction de la propagation de l'onde. Les ondes
S sont des ondes de cisaillement qui ne se propagent que dans les solides. Les
particules oscillent dans un plan vertical, à angle droit par rapport à la direction de
propagation de l'onde. Les ondes de Love ou ondes L sont des ondes de
cisaillement, comme les ondes S, mais qui oscillent dans un plan horizontal. Elles
impriment au sol un mouvement de vibration latéral. Les ondes de Rayleigh sont
assimilables à une vague; les particules du sol se déplacent selon une ellipse, créant
une véritable vague qui affecte le sol lors des grands tremblements de terre.

Mesure d'un tremblement de terre?


Nous disposons de deux échelles pour évaluer les tremblements de terre: l'échelle
de Mercalli et l'échelle de Richter. Aujourd'hui, nous n'utilisons que celle de
Richter, mais les séismes du passé ne peuvent être évalués que selon celle de
Mercalli.

L'échelle de Mercalli a été développée en 1902 et modifiée en 1931. Elle indique


l'intensité d'un séisme sur une échelle de I à XII. Cette intensité est déterminée par
deux choses: l'ampleur des dégâts causés par un séisme et la perception qu'a eu la
population du séisme. Il s'agit d'une évaluation qui fait appel à une bonne dose de
subjectivité. De plus, la perception de la population et l'ampleur des dégâts vont
varier en fonction de la distance à l'épicentre. On a donc avec cette échelle, une
échelle variable géographiquement. Mais, à l'époque, on ne possédait pas les
moyens d'établir une échelle objective.
L'échelle de Richter a été instaurée en 1935. Elle nous fournit ce qu'on appelle la
magnitude d'un séisme, calculée à partir de la quantité d'énergie dégagée au foyer.
Elle se mesure sur une échelle logarithmique ouverte; à ce jour, le plus fort séisme
a atteint 9,5 sur l'échelle de Richter (Chili). Cette fois, il s'agit d'une valeur qu'on
peut qualifier d'objective: il n'y a qu'une seule valeur pour un séisme donné.
Aujourd'hui, on utilise un calcul modifié du calcul originel de Richter, en faisant
intervenir la dimension du segment de faille le long duquel s'est produit le séisme.
Le graphique qui suit met en relation, la magnitude des séismes, sur échelle
arithmétique, et l'énergie dégagée au foyer, sur échelle logarithmique; il présente
aussi une comparaison entre quelques séismes les plus connus.

Un des grands séismes du Québec est celui de la Malbaie, en 1925. On le place ici
avec une magnitude de l'ordre de 7, au même niveau que celui de San Francisco en
1989, mais il faut voir qu'en 1925, l'échelle de Richter n'était pas connue et qu'on
ne possédait pas les instruments pour enregistrer l'énergie dégagée au foyer. C'est
uniquement par comparaison avec son intensité évaluée à 11 sur l'échelle de
Mercalli qu'on suppose que sa magnitude était de cet ordre. Cette courbe nous
montre, qu'avec une progression arithmétique de la magnitude, l'énergie dégagée au
foyer croît de manière exponentielle. En clair cela signifie qu'un séisme de
magnitude 8, comme celui de Mexico en 1985 n'est pas 25% plus fort qu'un séisme
de magnitude 6 comme celui de Saguenay en 1988, mais 1000 fois plus fort.

Localisation d'un tremblement de terre à la surface de la planète?

En moins d'une heure après un tremblement de terre, on nous annonce son


épicentre. Comment arrive-t-on à localiser aussi rapidement et avec autant de
précision un séisme?

Les ondes P se propagent plus rapidement que les ondes S; c'est cette propriété qui
permet de localiser un séisme. Les ondes sismiques sont enregistrées en plusieurs
endroits du globe par des appareils qu'on nomme sismographes. En gros, il s'agit
d'un appareil capable de "sentir" les vibrations du roc; ces vibrations sont
transmises à une aiguille qui les inscrit sur un cylindre qui tourne à une vitesse
constante. On obtient un enregistrement du type de celui-ci.

En un lieu donné, comme les ondes P arrivent en premier, il y aura sur


l'enregistrement sismographique un décalage entre le début d'enregistrement des
deux types d'ondes; ici par exemple, il y a un retard de 6 minutes des ondes S par
rapport aux ondes P.

Les vitesses de propagation des deux types d'ondes dans la croûte terrestre ont été
établies et on possède par conséquent des courbes étalonnées, comme celle-ci.
Ce graphique nous dit, par exemple, que pour franchir une distance de 2000
kilomètres, l'onde P mettra 4,5 minutes, alors que l'onde S mettra 7,5 minutes pour
parcourir la même distance; il y a un décalage de 3 minutes. Pour un séisme donné,
il s'agit de trouver à quelle distance sur ce graphique correspond le décalage obtenu
sur l'enregistrement sismographique; on obtient alors la distance entre le séisme et
le point d'enregistrement. Dans notre exemple, la distance qui correspond à un
décalage de 6 minutes est de 5000 km. Ceci ne nous donne cependant pas le lieu du
séisme à la surface du globe. Pour connaître ce point, il nous faut au moins trois
enregistrements.

Dans cet exemple, considérons les enregistrements d'un séisme en trois points:
Halifax, Vancouver et Miami. Les enregistrements indiquent que le séisme se situe
dans un rayon de 560 km d'Halifax, un rayon de 3900 km de Vancouver et un rayon
de 2500 km de Miami. On situe donc le séisme au point d'intersection des trois
cercles, soit à La Malbaie. En pratique, on utilise évidemment plus que trois points.

Tsunami et raz de marée: catastrophe consécutive à un séisme.

Le tsunami (nom tiré du japonais) engendre un phénomène particulièrement


destructeur consécutif à un mouvement du fond sous-marin généré par un séisme,
une éruption volcanique ou un glissement de terrain. Il est en quelque sorte
sournois parce qu'il peut survenir plusieurs heures après l'événement. Ce schéma
illustre la nature d'un tsunami engendré par un soulèvement du fond marin causé
par un séisme.

(A) Le soulèvement du fond marin engendre un gonflement de la masse d'eau. Ce


gonflement donne lieu à une vague qui en surface de l'océan est à peine perceptible
(de quelques centimètres à moins d'un mètre d'amplitude en général), mais qui
s'enfle en eau peu profonde pour atteindre des amplitudes pouvant aller jusqu'à 30
m. La vitesse de propagation de ces vagues est de 500 à 800 km/heure en eau
profonde (milliers de mètres), diminuant à quelques dizaines de km/heure en eau
peu profonde (moins de 100 m). La périodicité des vagues est de l'ordre de 15 à 60
minutes. Ainsi, un tsunami initié par un mouvement du fond marin à la suite d'un
séisme qui se sera produit à 1000 km des côtes viendra frapper ces dernières
environ 2 heures plus tard. On peut aisément imaginer l'effet destructeur de telles
vagues déferlantes sur les côtes habitées et les populations. Le phénomène de la
vague déferlante qui balaie tout sur son passage est appelée raz de marée.
(B) À l'approche de la première vague de tsunami, il se produit d'abord un retrait de
la mer (ce qui est de nature à attirer les curieux!).
(C) Vient ensuite la première vague.
(D) Celle-ci peut être suivie d'un second retrait, puis d'une autre vague, et ainsi de
suite. On compte normalement quelques vagues seulement qui en général
diminuent progressivement en amplitude.

Le 26 décembre 2004, l'île de Sumatra (Indonésie) a connu un des plus grands


séismes jamais enregistrés (M = 9,0). Ce dernier a engendré un puissant tsunami
qui s'est propagé dans tout le golfe du Bengale et dans l'océan indien, causant une
destruction indescriptible. Vous trouverez un résumé de ce triste événement en
cliquant ici.

http://www.prh.noaa.gov/itic/. Pour en savoir plus sur le phénomène tsunami,


visitez le site de l'ITIC (International Tsunami Information Center) de l'UNESCO.
Je vous invite à y consulter en particulier le
document http://www.prh.noaa.gov/itic/fr/library/pubs/great_waves/grandes_vague
s_fr.pdf, en français, qui présente un excellent résumé.

Les tremblements de terre et la tectonique des plaques.

Les séisme n'ont pas une répartition aléatoire à la surface de la planète, mais sont
répartis selon un patron bien défini. Cette répartition ordonnée vient appuyer la
théorie de la tectonique des plaques, particulièrement, en ce qui concerne
l'existence de zones de subduction. On retrouve les séismes surtout aux frontières
des plaques lithosphériques. De plus, on distingue trois classes de séismes, en
fonction de la profondeur où ils se produisent: les séismes superficiels qui se
produisent en faible profondeur, soit dans les premières dizaines de kilomètres, et
qui se retrouvent autant aux frontières divergentes, c'est à dire le long des dorsales
médio-océaniques qu'aux frontières convergentes au voisinage des fosses
océaniques; les séismes intermédiaires qui se produisent entre quelques dizaines
et quelques centaines de kilomètres de profondeur et se concentrent uniquement au
voisinage des limites convergentes; les séismes profonds qui se produisent à des
profondeurs pouvant atteindre les 700 km, soit en pratique la base de
l'asthénosphère, et qui se trouvent exclusivement au voisinage de limites
convergentes.
A la convergence de plaques, les trois classes de séismes se distribuent selon un
patron défini. Prenons comme exemple la zone de convergence Kouriles-Japon
dans le nord-ouest du Pacifique.

On y voit que les trois classes de séismes se répartissent selon des bandes parallèles
aux fosses océaniques: d'est en ouest, séismes superficiels, séismes intermédiaires
et séismes profonds. Pour comprendre cette répartition, faisons une coupe (A-B) à
la hauteur des Kouriles.
Cette coupe montre que la plaque du Pacifique, à droite, vient s'enfoncer sous la
plaque eurasienne, à gauche, provoquant le volcanisme qui forme l'arc insulaire des
Kouriles. Là où les deux plaques lithospériques rigides entrent en collision et se
courbent, les fractures dans la lithosphère produisent des séismes de faible
profondeur. L'enfoncement d'une plaque rigide dans l'asthénosphère plastique ne se
fait pas sans ruptures et fractures dans cette plaque, ce qui déclenche des séismes
intermédiaires et des séismes profonds. Puisque les séismes ne peuvent être initiés
que dans du matériel rigide, cassant, on a ici une belle démonstration qu'il y a bel et
bien enfoncement de plaque lithosphérique rigide dans l'asthénosphère, sinon il n'y
aurait pas de séismes intermédiaires et profonds. C'est la raison pour laquelle les
séismes intermédiaires et profonds sont confinés aux frontières convergentes. La
répartition des foyers des trois classes de séismes dans cette plaque qui s'enfonce
explique la répartition des épicentres en surface.

Voici une bonne illustration de ce qui vient d'être dit. Cette carte présente
l'historique des séismes au El Salvador. Elle est tirée du
site http://neic.usgs.gov/ qui donne beaucoup d'information sur ce séisme du 12
janvier 2001 et que vous êtes invités à visiter. Elle montre la répartition des séismes
en fonction de leur profondeur
Pouvez-vous identifier les plaques tectoniques impliquées (il y en a trois,
délimitées par les traits jaunes)?

Cette autre carte, tirée du même site internet, présente l'historique des séismes dans
le sud du Pérou. La région d'Arequipa, à quelques 750 km au sud-est de Lima, la
capitale a connu, le 23 juin 2001, un séisme qui se classe parmi les plus grands
(magnitude de 8,1 sur l'échelle de Richter). Sa localisation est indiquée par l'étoile.

La carte présente les séismes en fonction de leur profondeur. Comme pour la carte
précédente, pouvez-vous identifier les plaques tectoniques impliquées et le contexte
tectonique? Pouvez-vous expliquer cette distribution des épicentres des séismes?

A la divergence de plaques, la lithosphère océanique dépasse rarement les 10-15


km, ce qui fait qu'il ne peut y avoir que des séismes superficiels. Les mouvements
qui se produisent sous la lithosphère (convection) se font dans une asthénosphère
plastique et par conséquent ne peuvent engendrer de ruptures.
Même si la grande majorité des séismes se situe aux frontières de plaques, il n'en
demeure pas moins qu'on connaît de l'activité sismique intraplaque, c'est à dire à
l'intérieur même des plaques lithosphériques. Par exemple, les séismes associés aux
volcans de points chauds sur les plaques océaniques sont communs (voir au point
1.3.2). Il y a aussi des séismes intraplaques continentales, plus difficile à expliquer.
Un cas près de nous est la séismicité de la région de Charlevoix, au Québec.

Pourquoi la terre tremble-t-elle dans Charlevoix?

Voici un exercice susceptible de vous faire mieux comprendre les relations entre la
répartition des foyers des séismes et la tectonique des plaques.

http://www.ggl.ulaval.ca/seismographe.html Le tracé des 12 dernières heures du


séismographe de l'Université Laval (Pavillon Pouliot).

http://www.cjonquiere.qc.ca/sismo/ Un site du Cegep de Jonquière, au Québec, très


bien construit, traitant essentiellement des tremblements de terre.

http://www.geophys.washington.edu/seismosurfing.html Le point de départ pour


les "surfers" sur les séismes.

http://neic.usgs.gov/ Un site qui vous renseigne sur la séismicité à la grandeur de la


Planète.
http://www.seismo.unr.edu/ftp/pub/louie/class/100/magnitude.html Pour celui ou
celle qui veut savoir comment on calcule la magnitude de Richter.

http://www.seismo.unr.edu/ftp/pub/louie/class/100/effects-kobe.html Informations
complètes sur le tremblement de terre de Kobe au Japon, le 17 janvier 1995.

http://quake.wr.usgs.gov/study/turkey/ Un exellent point de départ pour


comprendre le séisme d'Izmit en Turquie (17 août 1999, M=7.4).

http://perso.wanadoo.fr/zorweb/seisme/index.htm L'Algérie a connu, le 21 mai


2003, un terrible séisme qui a fait plus de 2000 morts et des milliers de blessés et
de sans-abri. Vous trouverez sur ce site, plusieurs excellentes photos qui illustrent
bien l'ampleur de la destruction reliée à ce séisme.

Toute la côte nord de l'Algérie se situe dans une zone tectonique des plus propices
aux tremblements de terre. On se souviendra du grand séisme dévastateur d'Al
Asnam en 1980 qui a fait 3500 morts. La côte nord de l'Algérie est traversée par
une limite de plaques lithosphériques continentales convergentes: la plaque
eurasienne, au nord, chevauche la plaque africaine au sud. C'est dans cette faille de
chevauchement que se déclenchent les séismes de la région.
Pour placer la côte algérienne dans le contexte des plaques tectoniques,
cliquez plaques.
Pour les détails, consultez http://neic.usgs.gov/ d'où est tirée la carte ci-dessous qui
présente l'histoire sismique de la région depuis 1990. Vous remarquerez que tous
les séismes (points orangés) sont superficiels, dans la zone entre 0 et 33 km de
profondeur.

Le grand séisme de Sumatra (Indonésie) et le tsunami engendré

Le 26 décembre 2004, à 07h58 (heure locale à l'épicentre, soit le 25 décembre à


19h53 heure du Québec), le nord-ouest de Sumatra a été ébranlé par un fort séisme
d'une magnitude de 9,0 sur l'échelle ouverte de Richter. Ce séisme se classe au
quatrième rang des plus puissants séismes enregistrés depuis 1900. Le tableau ci-
dessous présente le classement des dix plus importants.
Source: http://neic.usgs.gov/neis/eqlists/10maps_world.html

Contexte tectonique

La carte des plaques tectoniques qui vous est présentée sur ce site est une
généralisation. On y voit que l'Indonésie est bordée au sud - sud-ouest par une zone
de subduction engendrée par la collision des plaques australienne et eurasienne.
Dans le détail, les choses sont un peu plus complexes pour la région qui intéresse
ici. Plusieurs considèrent aujourd'hui qu'il y a une petite plaque, coincée entre les
plaques australienne, africaine, arabique et eurasienne: la plaque indienne, comme
le montre la carte ci-dessous.
Source: http://pubs.usgs.gov/publications/text/slabs.html

Quand on y regarde de plus près, le jeu tectonique est encore plus complexe. Sur la
carte suivante, les traits rouges délimitent les plaques et micro-plaques de la région.
On reconnaît deux micro-plaques à la marge de la grande plaque eurasienne dont la
limite occidentale est marquée par la fosse de subduction de la Sonde (Sunda
Trench).
Source: http://earthquake.usgs.gov/eqinthenews/2004/usslav/

La carte qui suit présente l'assemblage des plaques et micro-plaques tectoniques


avec leurs frontières (on se souviendra que trois types de frontières peuvent
délimiter une plaque tectonique: divergentes, convergentes, et/ou transformantes),
ainsi que le détail des forces tectoniques en action. On peut aisément y voir qu'il
s'agit ici d'une région où la croûte terrestre est soumise à des contraintes
importantes de compression et de tension.

Source: http://earthquake.usgs.gov/eqinthenews/2004/usslav/
C'est la subduction de la plaque indienne sous la micro-plaque birmane qui est
responsable du séisme du 26 décembre. La convergence entre ces deux plaques est
de 6 cm/an. Le séisme a eu lieu dans la zone de décollement où la plaque birmane
chevauche la plaque indienne, à une profondeur de 30 km. Le mouvement qui a
donné lieu au séisme s'est fait sur une distance évaluée à plus de 100 km
parallèlement à la zone de subduction de la Sonde, et le déplacement latéral serait
de 15 mètres, dans une direction légèrement oblique à la zone de subduction.
La carte montre que toutes les répliques (aftershocks) qui ont suivi le séisme
majeur se situent le long d'une ligne parallèle à la fosse de la Sonde, sous la plaque
birmane, et que par conséquent, il y a eu mouvement sur une distance de 1200 km.
Ces répliques ont été relativement importantes comme le montre le graphique
suivant:

Source: http://commons.wikimedia.org/wiki/2004_Indian_Ocean_earthquake
Le tsunami

Un puissant tsunami a été engendré par le soulèvement local du fond marin qui
pour le moment est évalué à plusieurs mètres. Il a touché les rives de plusieurs pays
côtiers comme le montre la carte suivante et a fait dévaler des masses d'eau
imposantes.

Source: http://commons.wikimedia.org/wiki/2004_Indian_Ocean_earthquake

La vague s'est propagée sur des distances allant jusqu'à près de 3000 km (Maldives,
Bangladesh). Le tsunami a été ressenti jusque sur les côtes de la Somalie (6000
km). Ci-dessous, quatre étapes dans la propagation du tsunami: 10 minutes, 50
minutes, 1 heure 40 et 3 heures après le séisme.
Pour une animation de cette propagation,
voir http://staff.aist.go.jp/kenji.satake/animation.gif, une animation créée par Kenji
Satake (National Institute of Advanced Industrial Science and Technology, Japon),
de laquel sont tirées les quatres images ci-dessus.

Vous pouvez trouver une autre excellente animation qui montre le tsunami frappant
les côtes de la Somalie à http://www.noaanews.noaa.gov/video/tsunami-
indonesia2004.mov

Le tsunami a causé des raz de marée qui on atteint par endroits une hauteur de 10
mètres, causant une destruction cauchemardesque. À ce jour, le bilan des morts
s'élève à plus de 150 000, sans compter les milliers de disparus. Il est difficile de
faire la part des choses entre les morts reliées à la destruction par le séisme et celles
reliées au tsunami, mais il semble bien que ce soit de loin le tsunami qui a été le
plus mortel.

http://earthquake.usgs.gov/eqinthenews/2004/usslav/ Le plus complet, surtout en ce


qui concerne le séisme et son contexte tectonique. Intéressantes aussi sont les
rubriques sur l'historique des grands et moins grands séismes (Past and Historical
Earthquakes, à gauche dans le menu).
http://www.geohazards.no/projects/tsunami261204.htm Site qui traite uniquement
du tsunami, avec d'intéressantes animation.

1.3.2 - Les volcans

Comme les séismes, les volcans ne se répartissent pas de façon aléatoire à la


surface de la planète. Plusieurs se situent aux frontières de plaques (volcanisme de
dorsale et de zone de subduction), mais aussi à l'intérieur des plaques (volcanisme
intraplaque, comme par exemple le volcanisme de point chaud).

Le volcanisme de dorsale. - Nous savons, pour l'avoir observé directement grâce à


l'exploration sous-marine par submersibles, qu'il y a des volcans sous-marins tout le
long des dorsales, particulièrement dans le rift central, là où il se forme de la
nouvelle lithosphère océanique. La composition de la lave de ces volcans indique
qu'on est tout près de la zone où se fait la fusion partielle du manteau (voir la
section 2.2.2 au sujet de la composition des laves et de la fusion partielle). S'il n'y
avait pas de tensions dans cette zone de dorsale, il n'y aurait pas de fractures qui
permettent justement au magma produit par la fusion partielle de s'insinuer dans la
lithosphère et de former des volcans. Ce volcanisme nous est connu par
l'exploration des fonds océaniques, mais aussi par un cas particulier, celui
de l'Islande, carrément assise sur la dorsale de l'Atlantique-Nord et qui est formée
uniquement de volcans. Dans ce cas, le volcanisme de la dorsale a réussi à s'élever
au-dessus du niveau marin pour former une île volcanique qui constitue un
laboratoire naturel pour l'étude du volcanisme de frontières divergentes. Certaines
hypothèses récentes proposent, qu'en plus, il y aurait un point chaud sous l'Islande,
donc aussi du volcanisme de point chaud (voir plus bas).

Le volcanisme de zone de subduction. - Le volcanisme relié à l'enfoncement


d'une plaque sous l'autre va former des chaînons de volcans. La fameuse Ceinture
de feu autour du Pacifique est l'expression de ce volcanisme de convergence, mais
selon qu'il s'agisse d'une collision entre deux portions de lithosphère océanique, ou
entre une portion de lithosphère océanique et une portion de lithosphère
continentale, la nature du volcanisme diffère. Dans le cas où il y a convergence
entre deux portions de lithosphère océanique, il y aura formation d'un chaînon de
volcans qui s'élèvent au-dessus de la surface des océans pour constituer un arc
insulaire. Par exemple, toute la portion de la Ceinture de feu qui se situe dans le
Pacifique-Ouest et le Pacifique-Nord est associée à ce type de collision. Dans le cas
de la convergence entre une portion de lithosphère océanique et une portion de
lithosphère continentale, les volcans se trouvent sur la marge du continent et
forment un arc continental. Un bon exemple de cette dernière situation est la
Chaîne des Cascades (Cascades Range), dans l'ouest du continent nord américain.
Ce diagramme montre les relations entre les trois plaques lithosphériques du
Pacifique, de Juan de Fuca et Nord-américaine. Au niveau de la zone de
subduction, la plaque de Juan de Fuca plonge sous la plaque nord-américaine,
donnant ainsi naissance aux volcans de la Chaîne des Cascades. Cette chaîne
volcanique fait partie de la partie orientale de la Ceinture de feu du Pacifique. Elle
s'étend du Mont Garibaldi au nord de Vancouver jusqu'à Lassen Peak dans le nord
de la Californie. C'est dans cette chaîne volcanique que se trouvent, entre autre, le
volcan actif du Mont St. Helens, le Mont Rainier qui forme le plus haut sommet de
la chaîne, ainsi que le magnifique Crater Lake, un lac qui occupe le cratère de
l'ancien volcan Mazama dont la chambre magmatique a été littéralement vidée lors
d'une éruption extraordinaire il y a seulement 7700 ans.

Il est à noter que la composition des laves des volcans des deux types de
convergence est caractéristique de chacun des environnements (voir section 2.2.2).

Le volcanisme de point chaud. - Le volcanisme de point chaud est un volcanisme


intraplaque, qu'on retrouve principalement, mais pas exclusivement, sur la
lithosphère océanique. Les chaînons volcaniques de points chauds viennent
appuyer la théorie de l'étalement des planchers océaniques. Pour des raisons que
l'on comprend encore mal, il se fait en certains points à la base du manteau
supérieur, une concentration locale de chaleur qui amène une fusion partielle du
matériel. C'est ce qu'on appelle un point chaud.
Le matériel fondu au niveau du point chaud est moins dense que le matériel
ambiant; de ce fait il remonte vers la surface et vient percer la lithosphère pour
former un volcan. Ces volcans de point chaud sont très abondants à l'intérieur des
plaques lithosphériques, surtout sur les portions océaniques des plaques. Les fonds
océaniques du Pacifique en constituent un bon exemple où on a une multitude de
ces volcans, dont la plupart sont sous-marins (guyots), mais dont un bon nombre
percent la surface des océans pour former des archipels comme les Carolines, les
Marshall ou les îles Hawaii. Les points chauds sont stationnaires et peuvent
fonctionner pendant plusieurs millions d'années, jusqu'à 100 Ma même.

Les deux schémas qui suivent illustrent la formation d'un chaînon de volcans de
points chaud.
Si une plaque lithosphérique se déplace au-dessus d'un point chaud qui fonctionne
sporadiquement, il se construit un chaînon de volcans. Les volcans les plus vieux se
situent à l'extrémité du chaînon qui est la plus éloignée du point chaud, alors que
les plus jeunes se situent à proximité du point chaud. On retrouve plusieurs de ces
chaînons de volcans de point chaud sur les plaques océaniques, comme par
exemple, le chaînon qui va des îles Hawaii jusqu'aux fosses Aléoutiennes-Kouriles
(Chaînon Hawaï-Empereur) dans le Pacifique-Nord.

Ce chapelet de volcans est un bon exemple de la marque laissée sur le plancher


océanique par le déplacement d'une plaque au-dessus d'un point chaud. Il a été
établi que les volcans d'Hawaii, à l'extrémité sud du chaînon, sont tout à fait
récents; ils sont plus jeunes que 1 Ma. L'âge des volcans le long du chaînon est de
plus en plus vieux à mesure qu'on s'éloigne d'Hawaii. Le plancher océanique au
niveau de la fosse de subduction des Aléoutiennes date de 80 Ma. C'est dire qu'il a
fallu 80 Ma pour former le chaînon en entier. Ce dernier s'est formé par le
déplacement de la plaque du Pacifique au-dessus d'un point chaud situé sous les îles
Hawaii.

Le tracé et les âges du chaînon Hawaii-Empereur nous renseignent sur deux choses:
1) la direction du déplacement s'est brusquement modifiée durant le déplacement de
la plaque, il y a 40 Ma; durant la période entre -80 et -40 Ma, la plaque s'est
déplacée selon le sens et la direction de la flèche rouge, donnant naissance au
chaînon Empereur, alors que depuis 40 Ma, le déplacement se fait selon le sens et
la direction de la flèche bleue, avec comme résultat le chaînon d'Hawaii; 2)
connaissant la distance du déplacement entre deux volcans d'âge connu, on peut
calculer la vitesse moyenne du déplacement de la plaque entre ces deux points, ici
par exemple, une vitesse moyenne de 6,7 cm/année entre Hawaii et le point de
changement de direction du déplacement de la plaque (soit à Kimmei, une distance
de 2700 km entre les deux points). On ne sait pas vraiment depuis combien de
temps fonctionne ce point chaud puisque, si des volcans ont été formés il y a plus
de 80 Ma, ils ont été engloutis en même temps que la plaque du Pacifique dans la
zone de subduction des Aléoutiennes-Kouriles et digérés avec elle dans
l'asthénosphère.

http://volcano.und.nodak.edu/vw.html Tout ... ou presque sur les volcans. La


rubrique Volcano listing vous permet d'obtenir de l'information sur presque tous
les volcans du monde!

http://perso.club-internet.fr/decobed/ Un très beau site en français sur les volcans,


bien documenté et bien illustré. Vous voulez savoir comment Aristote, Buffon,
Victor Hugo, Pline le Jeune considéraient les volcans? Allez-y voir à la rubrique
«Des textes littéraires ou de l'histoire de la volcanologie». Des informations sur un
grand nombre de volcans à la rubrique «Des volcans à découvrir». Des liens, des
idées de lectures, des cartes, etc.

http://www.jpl.nasa.gov/sircxsar/volcanoes.html Des volcans vus par satellites.

http://volcano.ipgp.jussieu.fr:8080/ Une excellente documentation, avec photos, des


volcans français actifs: Guadeloupe, Comores, Martinique, La Réunion.
1.3.3 - La déformation des roches

Lorsqu'elle est soumise à des contraintes, la croûte terrestre se déforme. On peut


définir simplement la contrainte comme étant une force appliquée à une certaine
unité de volume. Tout solide possède une force qui lui est propre pour résister à la
contrainte. Lorsque la contrainte dépasse la résistance du matériel, l'objet est
déformé et il s'ensuit un changement dans la forme et/ou le volume. Il existe des
cas où la déformation n'est cependant pas perceptible à l'oeil nu mais détectée
seulement par des appareils sensibles, et c'est le cas de la déformation du matériel
solide lors d'un tremblement de terre avant qu'il y ait bris.

Les contraintes peuvent déformer tout aussi bien un volume de pâte à modeler que
tout un segment de la croûte terrestre. La déformation peut être permanente ou non.
Le bris d'un vase qu'on échappe par terre est permanent, alors que la déformation
d'une balle de tennis due à l'impact sur la raquette est éphémère. On reconnaît trois
principaux types de déformations qui affectent la croûte terrestre: élastique,
plastique et cassante (un quatrième type n'est pas discuté ici, la déformation
visqueuse qui s'applique aux liquides). Le schéma qui suit montre la relation
générale entre contrainte et déformation.
La première réponse d'un matériau à la contrainte est la déformation élastique.
Quand la contrainte est relachée, le matériau reprend sa forme et son volume initial,
comme la bande élastique que l'on étire ou la balle de tennis frappée par la raquette.
L'énergie emmagasinée par le matériau durant la déformation est dissipée lorsque la
contrainte est relachée; cette énergie est transformée, par exemple, en mouvement
dans le cas de la balle de tennis. Sur le schéma, la relation contrainte-déformation
est linéaire dans le cas de la déformation élastique. À un point donné durant la
déformation élastique, la relation contrainte-déformation devient non linéaire: le
matériau a atteint sa limite d'élasticité. Si la contrainte dépasse cette limite, le
matériau est déformé de façon permanente; il en résulte une déformation
plastique (l'écrasement d'une balle de pâte à modeler par exemple) ou
une déformation cassante (le verre qui se brise). Dans le cas de la déformation
plastique, toute l'énergie est utilisée pour déformer le matériau. Avec une
augmentation de la contrainte, le matériau atteint un second seuil, son point de
rupture, et il casse; c'est la déformation cassante. Lorsqu'un matériau est soumis à
des taux de contraintes très rapides, la déformation plastique est minime ou même
inexistante.

Trois paramètres importants doivent être considérés lorsqu'on applique les concepts
de contrainte-déformation aux matériaux de la croûte terrestre: la température, la
pression et le temps. Température et pression augmentent avec la profondeur
dans la croûte terrestre et modifient le comportement des matériaux. D'une manière
très générale, on aura la relation suivante:
La ligne rouge délimite deux champs: le champ de la déformation cassante (qu'on
dit aussi fragile) et celui de la déformation plastique (qu'on dit aussi ductile). La
ligne fléchée bleue symbolise une augmentation progressive des conditions de
température et de pression à mesure que l'on s'enfonce dans la croûte terrestre.
Cette relation nous indique que, de manière générale, les roches de surface seront
déformées de façon cassante, alors que les roches en profondeur le seront de façon
plastique. C'est dire que pour un type de roche donné, celui-ci peut se retrouver
sous un état fragile ou ductile, selon la profondeur à laquelle il se trouve dans la
croûte terrestre.

Le temps est aussi un facteur très important lorsqu'on discute de déformation. Si on


étire brusquement (temps court) un cylindre de pâte à modeler, il casse; si on y va
plutôt lentement (temps long), il se déforme de façon plastique. En ce qui concerne
la déformation des roches, le facteur temps, qui se mesure ici en millions d'années,
se doit d'être considéré. Il est difficile d'imaginer qu'on puisse plier des couches de
roches dures, ... à moins qu'on y mette le temps géologique.

Un autre paramètre à ne pas négliger est la composition de la roche. Certaines


roches sont cassantes de nature (comme les calcaires, les grès, les granites), d'autres
plutôt plastiques (comme les roches argileuses).

Les roches sédimentaires sont à l'origine disposées en couches à peu près


horizontales puisqu'elles proviennent de la transformation de sédiments qui se sont
déposés à l'horizontale. Mais on les retrouve souvent inclinées, déformées,
affectées par des plis et des failles, particulièrement dans les chaînes de montagnes.
Les contraintes responsables de la déformation des roches de la croûte terrestre ont
des sources multiples. Les déformations résultent le plus souvent des mouvements
des plaques lithosphériques qui se traduisent par des contraintes qui modifient la
forme des roches, leur volume et, dans certains cas, leur composition chimique et
minéralogique.
Il y a fondamentalement deux types de contraintes qui déforment les roches: les
contraintes de compression et celles de tension. Dans la compression, les forces
convergent; elles peuvent être coaxiales ou non. La déformation d'un jeu de carte
sous contraintes de compression illustre la différence. Dans le cas d'une contrainte
de compression coaxiale, les cartes vont s'arquer, comme illustré ici:

Si les contraintes ne sont pas coaxiales, il va se développer du cisaillement; le jeu


de carte se déforme par le glissement des cartes les unes sur les autres:

Dans la tension, les contraintes divergent et ont pour effet d'étirer le matériel.

Les schémas qui suivent illustrent la déformation des couches de roches sous des
régimes de contraintes en compression et en tension. Prenons comme volume de
départ, un empilement de couches de roches non déformées à l'horizontal.

Les plis constituent la manifestation d'un comportement plastique (ductile) des


roches sous l'effet de contraintes de compression.
Pour décrire les plis, on utilise les termes d'anticlinal quand le pli se ferme vers le
haut et de synclinal lorsqu'il se ferme vers le bas. Les plis sont dits droits lorsque le
plan axial est vertical. A l'autre extrême (non illustré ici), il y a les plis couchés,
lorsque le plan axial est horizontal. Entre les deux, il y a les plis déjetés et les plis
déversés. Les plis droits résultent de contraintes de compression coaxiales, les plis
déjetés et déversés de contraintes qui ne sont pas coaxiales.

La déformation cassante se traduit par des plans de cassures, les failles.


Par convention, on nomme toit le compartiment qui se situe au-dessus du plan de
faille, et mur celui qui est au-dessous. Le rejet est le déplacement net des deux
compartiments. Les contraintes de compression produisent des failles inverses
(plan de faille abrupte) ou de chevauchement (plan de faille près de l'horizontale).
Dans ces deux cas, le toit monte par rapport au mur. Les contraintes de tension
produisent des failles normales et listriques; le toit descend par rapport au mur. Les
failles de décrochement (ou de coulissage) constituent un cas particulier; elles se
produisent par le déplacement de deux compartiments l'un par rapport à l'autre dans
un plan horizontal. On les retrouve en régimes compressifs ou extensifs.

Une application très importante de tout cela, c'est qu'en étudiant la géométrie des
terrains déformés, le géologue est en mesure de définir la nature des contraintes qui
ont produit une géométrie donnée et d'en déduire l'histoire de la dynamique d'une
région.

Couches ordoviciennes horizontales non déformées, Île Anticosti, Québec.


Province géologique de la Plate-forme du St-Laurent.
Couches inclinées à environ 45 degrés, Rocheuses canadiennes, Alberta.

Couches ordoviciennes plissées dans les falaises côtières de Terre-Neuve. Province


géologique des Appalaches.
Pli droit dans couches ordoviciennes, côte nord de la Gaspésie, Québec. Province
géologique des Appalaches.

Pli droit plongeant vers la personne. Couches cambriennes, Saint-Jean-Port-Joli,


Bas St-Laurent, Québec. Province géologique des Appalaches.
Pli déjeté (le flanc droit à la verticale) dans des couches ordoviciennes, côte nord de
la Gaspésie, Québec. Province géologique des Appalaches.
Autre pli déjeté (le flanc droit à la verticale), avec pli parasite, dans des couches
ordoviciennes, côte nord de la Gaspésie, Québec. Province géologique des
Appalaches.

Pli couché dans des couches ordoviciennes de Terre-Neuve. Province géologique


des Appalaches.
Certains terrains peuvent paraître plissés à première vue. Il n'en est rien ici. Il s'agit
de couches pratiquement non déformée, avec une très faible pente vers le coin
inférieur gauche de la photo. L'apparence de plis est due à l'érosion qui produit un
effet topographique. Dévonien de l'Anti-Atlas marocain.

Faille qui met en contact deux ensembles de roches de composition différente dans
des couches ordoviciennes, côte nord de la Gaspésie, Québec. Province géologique
des Appalaches.
Certaines fractures peuvent apparaître comme des failles. La grande cassure qui
traverse la partie gauche de la photo n'est pas une faille car, malgré les apparences,
il n'y a pas eu de déplacement le long de celle-ci. Il s'agit d'une grande diaclase,
c'est-à-dire une cassure souvent ouverte, sans déplacement relatif des deux
compartiments de part et d'autre de la cassure. Rocheuses canadiennes, Alberta.

1.3.4 - La formation des chaînes de montagnes

S'il est une question qui a longtemps embarassé les géologues, c'est bien la
formation des grandes chaînes de montagnes, comme les Rocheuses, les Alpes, les
Himalayas ou les Appalaches. Tout modèle explicatif de la formation d'une chaîne
de montagnes se doit d'expliquer, puis d'intégrer, chacun des principaux attributs
qui caractérisent toutes les grandes chaînes.

1) Les roches sédimentaires, c'est-à-dire ces roches qui proviennent de la


transformation de sédiments comme les sables et les boues, sont très abondantes
dans les chaînes de montagnes et contiennent des fossiles d'organismes marins, ce
qui implique que les sédiments dont elles sont dérivées se sont déposés dans un
milieu marin; de plus, leur composition montre qu'une grande partie de ces
sédiments se sont déposés dans un bassin océanique. Première conclusion: avant de
se retrouver dans une chaîne de montagnes, tout le matériel sédimentaire se trouvait
dans un océan.

2) Il y a aussi des roches métamorphiques dans les chaînes de montagnes, ces


roches qui sont d'anciennes roches sédimentaires ou ignées transformées sous l'effet
de températures et de pressions très élevées. Ces roches métamorphiques occupent
une portion bien définie de la chaîne de montagnes. Il faut savoir que le lieu dans la
croûte terrestre où il existe à la fois des températures et des pressions très élevées,
c'est en profondeur, à au moins quelques kilomètres sous la surface. Seconde
conclusion: les roches métamorphiques résultent de la transformation des roches
sédimentaires et ignées de la chaîne de montagnes, en profondeur, dans la croûte
terrestre.

3) Un autre attribut important des chaînes de montagnes, c'est qu'elles contiennent


souvent des lambeaux de croûte océanique (basaltes) coincés dans des failles.
Troisième conclusion: non seulement, les sédiments qui forment la chaîne de
montagnes se sont-ils déposés dans un bassin marin, mais aussi, sur de la croûte
océanique basaltique.

4) S'il est une caractéristique commune à toutes les grandes chaînes de montagnes,
c'est bien le fait que les roches y sont déformées à des degrés divers. Depuis
longtemps, les géologues qui étudiaient la géométrie de la déformation dans les
chaînes de montagnes savaient bien qu'il fallait des forces de compression latérales
pour produire une telle géométrie. Il leur fallait donc trouver un mécanisme
responsable de ces compressions. Il leur fallait aussi trouver un mécanisme
responsable du soulèvement de tout ce matériel déposé dans un bassin océanique
qui compose la chaîne.

5) Le plus souvent, il y a une zone de roches sédimentaires non déformées qui


jouxte la chaîne déformée proprement dite. Ces roches sédimentaires sont de même
âge que celles de la chaîne et représentent habituellement d'anciens sédiments
déposés sur les plateaux continentaux.

Avant la théorie de la tectonique des plaques, il y avait un superbe débat entre les
"horizontalistes" pour qui la formation d'une chaîne de montagnes se faisait sous
l'action de forces de compresssion latérales, et les "verticalistes" qui eux
évidemment invoquaient de grandes forces verticales. A cette époque le
mouvement des plaques était inconnu, ce qui laissait passablement de place à
l'imagination!

La théorie de la tectonique des plaques vient réconcilier horizontalistes et


verticalistes en proposant un modèle qui tient compte des compressions latérales et
du soulèvement d'une énorme masse de matériel et en identifiant le moteur
responsable des forces nécessaires à la formation d'une chaîne de montagnes
déformée.

Les schémas qui suivent illustrent les grandes étapes de la formation d'une chaîne
de montagnes. Partons de ce qu'on appelle une marge continentale passive (c'est-
à-dire une marge où il n'y a pas de mouvements tectoniques significatifs, où il y a
absence d'une zone de subduction), comme par exemple celle de l'Atlantique
actuelle, où s'accumule sur le plateau continental et à la marge du continent un
prisme de sédiments provenant de l'érosion du continent.
En s'éloignant de plus en plus de la zone de divergence (non illustrée sur ce
schéma), la lithosphère devient de plus en plus dense, simplement parce qu'elle
refroidit de plus en plus. Vient un moment où sous la poussée du tapis roulant et
l'augmentation de densité, cette lithosphère se fracture et l'une des lèvres s'enfonce
sous l'autre, créant une zone de subduction. Le mouvement de translation latérale
d'une seule plaque (schéma ci-dessus) se transforme alors en un système de
collision entre deux plaques (schéma ci-dessous), une plaque continentale et une
plaque océanique. On est passé d'une situation de marge passive à une situation
de marge continentale active. Au large du continent, il se forme un arc volcanique
insulaire.

Le chevauchement progressif de la plaque océanique sur ce qui reste de plaque


océanique du côté continental concentre le matériel qui se trouve sur les fonds
océaniques pour former un prisme d'accrétion qui croît à mesure de la fermeture
entre l'arc volcanique et le continent. La zone de subduction se transforme en zone
d'obduction: la collision entre l'arc volcanique et le continent crée un
chevauchement important de tout le matériel du prisme d'accrétion sur la marge
continentale. L'activité ignée cesse et de grandes masses de roches ignées (en
rouge) peuvent rester coincées dans la lithosphère.
Finalement, la poursuite du mouvement concentre encore plus de matériel et forme
une chaîne déformée que l'on qualifie de chaîne de montagnes immature, en ce
sens que la dynamique n'est pas terminée. La marge de cette chaîne immature peut
se transformer en une nouvelle zone active (subduction), ce qui permet à la
collision de se poursuivre et instaure du volcanisme d'arc continental sur la
nouvelle chaîne.

Un bel exemple de cette dernière situation est la Cordillère des Andes, reliée à la
collision de la plaque océanique de Nazca et la partie continentale de la plaque de
l'Amérique du Sud.

Mais la véritable chaîne de montagnes mature est celle qui sera formée par la
collision entre deux plaques continentales. Dans cette situation, à mesure que se
referme l'étau constitué par le rapprochement des deux plaques, il se construit,
comme dans le cas précédent, un prisme d'accrétion qui croît progressivement par
la concentration du matériel dans un espace de plus en plus restreint, et la chaîne de
montagnes s'érige peu à peu.
Avec la collision des deux plaques et la cessation du mouvement, la chaîne a atteint
sa hauteur maximum et acquis ses caractéristiques.

Il y aura une zone de roches non déformées jouxtant les roches déformées de la
chaîne, parfois de façon symétrique de part et d'autre de la chaîne. Il y aura aussi
des roches métamorphiques très déformées aux racines de la chaîne, car ces
dernières se forment sous des températures et des pressions très élevées. On
trouvera aussi des lambeaux de croûte océanique basaltique coïncés dans des
failles. Dans les Appalaches du Québec par exemple, on a de ces vestiges de croûte
océanique dans la région de Thetford Mines. De grandes masses de roches ignées
(batholithes et plutons) resteront coincées dans la lithosphère continentale. Un des
beaux exemples de chaîne de montagnes formée par la collision entre deux plaques
continentales, c'est l'Himalaya qui a été formé par la collision récente, il y a à peine
10 Ma, d'une plaque dont la portion continentale constitue aujourd'hui l'Inde et une
grande masse continentale, l'Asie. La chaîne n'est d'ailleurs pas encore réellement
stabilisée puisqu'elle se soulève encore.

Ces dernières années, on s'est rendu compte que dans plusieurs chaînes de
montagnes, la situation n'est pas aussi simple. Ces chaînes sont souvent composites,
c'est à dire qu'elles sont formées d'un collage de plusieurs morceaux qui possèdent
chacun leurs caractéristiques propres. Ces morceaux correspondent à des petites
masses continentales, des microcontinents, qu'on appelle d'un affreux terme,
les terranes, une transposition du terme anglais "terranes".

Prenons comme exemple le cas de la Cordillère de l'Ouest nord-américain qui est


formée de plusieurs éléments accolés les uns aux autres. On a nommé ce
mécanisme de construction d'une chaîne de montagnes par collages successifs,
l'accrétion des terranes. Des microcontinents (terranes) d'origines variées
(agglomérats d'îles volcaniques, fragments de plaques continentales) sont
transportés par le tapis roulant des fonds océaniques.

Lorsqu'ils arrivent en collision avec une grande plaque continentale, ces terranes
sont arrachés à la plaque qui les transporte et collés à la marge de la grande plaque
continentale, car leur densité est trop faible pour qu'ils puissent être enfoncés dans
l'asthénosphère. Il peut s'accumuler ainsi plusieurs de ces morceaux "exotiques".
On a souvent tendance à considérer que les reliefs de l'Ouest de l'Amérique du
Nord correspondent aux Rocheuses. En fait, les Rocheuses ne constituent qu'une
chaîne linéaire immature; sa limite géologique orientale est soulignée par la ligne
barbelée rouge sur cette carte.
A l'ouest de la chaîne, on retrouve plusieurs entités physiographiques, dont la Sierra
Nevada, la Sierra Madre, la chaîne des Cascades, la chaîne côtière, le Grand Bassin,
le plateau de Colombia, etc. Sur une carte géologique, on découvre qu'en fait toute
cette portion occidentale de la plaque continentale nord-américaine est formée d'un
collage de terranes, chacun représenté ici par des couleurs différentes, et qui se sont
additionnés depuis 200 Ma (consulter un atlas géographique pour faire la
correspondance entre les entités physiographiques énumérées et les terranes de
cette carte).

Les grandes chaînes de montagnes se forment donc par convergence de plaques


lithosphériques. On retrouve aujourd'hui des chaînes matures à l'intérieur de
plaques lithosphériques continentales (exemples: l'Himalaya, les Ourals, les
Pyrénées, etc.), et c'est tout à fait normal puisqu'elles sont issues de la soudure de
deux plaques continentales. Seul le cadre de la tectonique des plaques peut
expliquer cette situation. Ainsi, la théorie de l'expansion de la terre (Carey, 1953)
ne peut rendre compte de cette présence intraplaque de chaînes plissées contenant
des lambeaux de croûte océanique.

En conclusion ...

Tout ce qui précède tend à démontrer que la théorie de la tectonique des plaques est
unificatrice et qu'elle rend compte des grands phénomènes géologiques de la
planète. Est-ce à dire que nous avons tout compris? Certainement pas. Nous avons
compris le cadre général unificateur, mais il reste encore des inconnues, la
principale étant les processus du manteau reliés particulièrement aux cellules de
convection qu'on tient pour le moteur de la tectonique des plaques.

Pour en savoir plus au sujet de la tectonique des plaques ...

 De bons livres:

ALLEGRE, C. 1983. L'écume de la Terre. Editions Fayard, Collection Pluriel, 338


p.

ALLEGRE, C. 1992. Introduction à une Histoire naturelle: du big bang à la


disparition de l'Homme. Fayard, Paris, 410 p.
HALLAM, A. 1976. Une révolution dans les Sciences de la Terre (de la dérive des
continents à la tectonique des plaques). Editions du Seuil, collection Points,
Sciences, 186 p.

POUR LA SCIENCE. 1979. La Dérive des Continents. Belin, 215 p.

REBEYROL, Y. 1990. La Terre toujours recommencée: trente ans de progrès dans


les sciences de la Terre. La Découverte/Le Monde, 424 p.

 Plus spécifiquement, des articles ou extraits intéressants:

GOULD, S.J. 1988. Noé dans les glaces, p. 109-119, dans Le sourire du flamand
rose, Seuil, 439 p.

Ce court texte s'insère dans l'introduction du cours et souligne plusieurs


aspects de la méthodologie de la science. La science a été et continue d'être
faite par des hommes qui ont subi et subissent l'influence de leur temps et
de leurs croyances personnelles. Si dans le passé l'observation de la nature
a été menée souvent de façon rigoureuse et correcte, les conclusions qu'on
en tirait étaient fréquemment colorées par les croyances. S.J. Gould en
donne un bon exemple ici.

Il est fait mention ici du créationnisme scientifique (un créationnisme servi à


la sauce moderne qu'on devrait plus justement qualifier de pseudo-
scientifique). Le président Reagan a remis à l'ordre du jour l'enseignement
du créationnisme dans les écoles de plusieurs états américains et, en 1995,
on apprend qu'en Alberta, une école enseigne dans les cours de sciences le
créationnisme comme équivalent des sciences exactes!

ALLEGRE C. 1992. Les premiers jours de la Terre, p. 159-177, dans Introduction à


une histoire naturelle, Fayard, Paris, 410 p.

Cette lecture vient compléter la partie du cours qui traite de la structure


interne et de la composition de la Terre. Dans le livre d'où est extrait ce
texte, C. Allègre relate l'histoire de la Terre, "du big bang à la disparition de
l'Homme". Cet extrait porte sur les premiers moments, la formation de la
Terre comme entité individualisée, il y a 4,45 milliards d'années. L'auteur
explique comment se sont différenciées les diverses couches de la Terre et
en quoi les météorites nous sont d'une grande utilité pour connaître sa
composition interne.

REBEYROL Y. 1990. Puits de science, p. 87-131. dans La terre toujours


recommencée, trente ans de progrès dans les sciences de la terre. Éditions
LaDécouverte/le Monde, Paris, 424 p.

C'est un lieu commun que de dire que l'avancement des sciences est
tributaire des progrès technologiques. Sans les forages océaniques et les
quelques forages profonds, notre connaissance de la croûte terrestre serait
encore à l'Age de Pierre! Cet extrait d'un livre écrit par une journaliste
scientifique du quotidien - Le Monde - (Paris) présente un bon résumé de la
petite histoire des forages et constitue une excellente introduction à la
théorie de la tectonique des plaques.

LABEYRIE, J. 1988. Un moyen fiable de prévoir les séismes? La Recherche No


203, volume 19, octobre 1988, p. 1236-1240.

La prévision de catastrophes naturelles demeure un soucis constant de


l'humanité. Si la théorie de la tectonique des plaques nous explique l'origine
des séismes, elle ne nous renseigne pas sur leur prévision. La méthode VAN
de prévision des séismes est une méthode controversée qui semble offrir
de bons espoirs. Et quand nous saurons prévoir les séismes, il nous faudra
apprendre à gérer un autre type de problèmes, d'ordre social celui-là:
qu'adviendra-t-il d'une ville où on prévoit un séisme d'importance à une
date donnée?

MATTAUER, M. 1995. La tectonique des plaques et les montagnes. Pour la


Science, Dossier: l'écorce terrestre, juin 1995, p. 56-62.

Aucun doute que la tectonique des plaques est responsable de la formation


des chaînes de montagnes. Est-ce à dire que nous avons tout compris? M.
Mattauer nous montre ici que l'étude des chaînes actuelles et anciennes
nous force à revoir les détails de la grande mécanique. Il expose des
hypothèses qui sont présentement à l'étude et qui démontrent que la
recherche scientifique en ce domaine est encore bien jeune. L'auteur se
réfère ici au concept d'obduction, un concept différent de la subduction.
Dans la subduction, une plaque océanique s'enfonce sous une autre plaque
océanique ou sous une plaque continentale; dans l'obduction, la plaque
océanique vient chevaucher une plaque continentale plutôt que de
s'enfoncer sous cette dernière.

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