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Océanographie géologique Chapitre 1a Introduction

Chapitre 1. Dérive des continents et tectonique des plaques


Introduction
La terre est un système dynamique, subissant des changements perpétuels internes et externes (Fig.
1.1). Sa surface est continuellement modifiée par des processus endogènes (tectonique, volcanisme) et
exogènes (érosion, sédimentation). Ces processus sont actifs tout au long de l’histoire de la terre.
Certains processus sont spectaculaires, d’autres le sont moins car imperceptibles à l’échelle humaine
comme par exemple le déplacement relatif des continents de quelques centimètres par an ou les
mouvements dans le manteau. L’ensemble ces observations ont été rassemblées dans une théorie
introduite dans les années 60. Cette théorie, appelée Tectonique des plaques, a révolutionné notre
compréhension de la terre à l’échelle globale.

Figure 1.1.- Carte bathymétri que des océans. Caron et al., 1989.

La tectonique des plaques conçoit que la surface terrestre est fragmentée en une douzaine de
plaques (Fig. 1.2). Il s’agit de fragments rigides de roches à l’état solide, de tailles variables et qui se
déplacent les unes par rapport aux autres. Cette théorie a été précédée par la notion de Dérive des
continents, théorie introduite dès 1912 mais qui a connu de nombreux détracteurs. La dérive des
continents suppose que les continents actuels sont des pièces d’une masse continentale pré-existante
ou Supercontinent (Fig. 1.3).

Figure 1.3 – Déri ve des plaques : noti on de supercontinent.


Reconstruction de Wegener en 1912. Repris de Pinet, 1992.

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Figure 1.2 - Carte des plaques tectoni ques. US GS web site.

Historique
Les géologues et scientifiques sont conscients depuis longtemps du dynamisme de la terre. De
nombreuses hypothèses ont été proposées. Par exemple, la forme complémentaire des côtes de part et
d’autre de l’Océan Atlantique a frappé les cartographes.
En 1596, A. Orhelius suggère déjà que les continents ne sont pas fixes et que les vestiges de ces
déplacements sont visibles si l’on observe la complémentarité des côtes. En 1620, F. Bacon attire
également l’attention sur la similitude des contours continentaux mais il ne va pas jusqu’à suggérer
que les continents étaient réunis en une seule masse continentale. Jusqu’à la moitié du XIXème siècle,
de nombreuses thèses expliquent la complémentarité des côtes par des changements soudains causés
par des événements catastrophiques (théorie du catastrophisme). En 1858, A. Snidder-Pellegrini est le
premier à suggérer le déplacement des continents mais il attribue la cause du déplacements au déluge
(Fig. 1.4).

Figure 1.4 – Complémentarité des côtes : Reconstruction de A. Sni dder en 1858


– Pinet et al., 1998.

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A la fin du XIXème siècle, le principe de l’Uniformitarisme, théorie développée par J. Hutton en


1758, commence à être acceptée. Le principe de base « le présent est la clé du passé » permet
d’envisager que des changements graduels sur de longues périodes peuvent expliquer les observations.
Suess introduit le concept de Supercontinent ou Gondwana. L’ensemble des observations seront
synthétisées dans la théorie de la dérive des continents par un météorologue allemand, A. Wegener en
1912 (Fig. 1.5). Il est le premier à proposer la fragmentation d’un supercontinent ou Pangée (Fig. 1.3)
vers 200 millions d’années en un ensemble septentrional (Laurasie) et méridional (Gondwana),
processus qui s’est poursuivi jusqu’à la situation actuelle (Fig. 1.6).

Figure 1.5 (à droite) – Portrait de A. Wegener. Repris de Pour la science, 1984.


Figure 1.6 (à gauche) – Frag mentation du Supercontinent Pangée: Evoluti on du Permien à l’Actuel. US GS
site web.

La théorie de Wegener s’est heurtée aux théories traditionnelles (Fig. 1.7a) selon lesquelles les
continents étaient latéralement immobiles, avec des déplacements verticaux possibles entraînant le
naufrage des continents. Cette théorie est en désaccord avec le principe d’isostasie qui prédit un
équilibre entre les continents légers sur un substrat plus dense. Selon Wegener (Fig. 1.7b), les
continents se déplacent à travers la couche inférieure qui agit comme un fluide visqueux ; les
déplacements sont liés à la rotation de la terre. Selon la théorie moderne (Fig. 1.7c), les continents sont
transportés par les plaques.

Figure 1.7 – Théories fixiste et mobiliste. Pour l a science, 1984.

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Les preuves de la dérive des continents


De nombreuses observations sur les continents ont permis à Wegener d’étayer sa théorie.
Les arguments paléoclimatiques reposent sur l’analyse de la distribution des types de dépôts
sédimentaires dans les séries anciennes. Par exemple, des dépôts glaciaires permo-carbonifères (250-
300Ma) sont observés dans différents continents actuellement tous situés dans l’hémisphère sud (sauf
l’Inde), i.e. Antarctique, Amérique du sud, Afrique du sud, Australie (Fig. 1.8). Ces dépôts constituent
un ensemble unique cohérent si on suppose un supercontinent présent dans l ‘hémisphère sud. De
même, des dépôts de charbons carbonifères contenant une flore typique des régions tropicales ont été
observés en Chine et aux Etats-Unis.

Preuves de l a déri ve des continents (Hamblin et Christiansen, 1995):


Figure 1.8 (à gauche) : Argument basé sur la distri bution des glaciations
Figure 1.9 (à droite) : Argument paléocli mati que.

La liaison entre la nature du dépôt et une bande climatique latitudinale renforce également l’idée
que l’équateur ne se trouvait pas au même endroit qu’actuellement et que les continents devaient être
rassemblés (Fig. 1.9). Des déductions similaires découlent de l’observation de la distribution de dunes
sableuses d’origine éolienne caractéristiques des climats désertiques ou de dépôts évaporitiques en
climat aride. Toutes ces observations s’expliquent si l’on considère l’existence d’un supercontinent.

Il existe également des arguments liés aux stries observées sur des dépôts glaciaires, stries qui
permettent de reconstituer le mouvement des glaces. A l’exception de l’Antarctique, tous les
continents dans l’hémisphère sud se trouvent à proximité de l’équateur. Par contre, il n’y a aucune
trace de glaciation au Paléozoique dans l’hémisphère nord. Etant donné que les bandes climatiques
sont contrôlées par la latitude, l’hypothèse des continents fixes est improbable. De plus l’ étude des
stries suggère une origine du mouvement commune.

Un certain nombre d’ensembles structuraux s’interrompent brutalement au niveau de la côte


africaine et réapparaissent au niveau de la côte américaine La continuité des ensembles structuraux est
nette au niveau au niveau de l’Atlantique sud entre les boucliers précambriens (2 milliards d’années)
et les croûtes plus jeunes panafricaines (600 Ma - Fig. 1.10). La similitude de part et d’autre de
l’Atlantique Nord existe mais elle est moins évidente (Fig. 1.11) Par exemple, les Appalaches
s’étendent vers le NE au USA et à travers Terre-Neuve puis se retrouvent le long des côtes irlandaises
et britanniques.

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Figure 1.10 et 1 .11 - Preuve de la déri ve des continents : arguments structuraux. Pour la science, 1984.

Enfin des arguments paléontologiques ont également été avancés. En effet les mêmes espèces de
plantes fossiles et de reptiles se retrouvent sur des continents actuellement séparés, i.e. en Amérique
du sud, Afrique, Madagascar, aux Indes, en Australie et en Antarctique (Fig. 1.12). Par exemple, le
Mésosaurus, un reptile permien, se retrouve au Brésil et an Afrique du sud. Lystosaurus, un reptile du
Trias vivant uniquement en milieu continental, est observé an Afrique du sud, Australie, aux Indes et
en Antarctique. Il ne peut avoir nagé sur des milliers de kilomètres pour rejoindre une autre masse
continentale. Cynognathus, un autre reptile du Trias, a été observé en Argentine et en Afrique du sud.
Glossopteris, une fougère, a été répertoriée sur tous les continents (Amérique, Afrique, Inde,
Antarctique, Australie). La graine ne peut avoir été dispersée par les vents à travers les océans. Cette
distribution implique donc que les continents aient été rassemblés au cours du Plaéozoique et au
début du Mésozoique.

Figure 1.12 – Preuve de la dérive des continents: arguments paléontologiques – USGS web site

Reconstructions par ordinateur


Wegener a démontré qu’il n’était pas possible d’assembler les continents en utilisant les limites
des côtes actuelles car elles sont influencées par les apports sédimentaires récents via les fleuves et les
rivières et ensuite modifiées par l’érosion côtière. Wegener a donc utilisé la limite de la plateforme
continentale pour une reconstruction visuelle. En 1965, Bullard et al. ont reconstitué la position

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relative des continents par ordinateur avec l’isobathe de 900m comme référence. La reconstruction a
été obtenue via une procédure itérative d’ajustements progressifs jusqu’à atteindre un optimum (Fig.
1.13 ). L’optimum reste imparfait avec certains recouvrements ou lacunes.

Figure 1.13 – Agencement des côtes atlantiques par ordinateur


– Lowrie et al., 1997

Smith et Hallam en 1970 ont également reconstitué par ordinateur la position relative des
continents constitutifs du Gondwana (Fig. 1.14). Cette reconstitution est très proche de la
reconstruction visuelle de du Toit en 1937.

Figure 1.14 – Reconstruction du Gondwana par ordinateur – Lowrie et al., 1997

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