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Océanographie géologique Chapitre 1b Tectonique

Chapitre 1b - Tectonique des plaques


La dérive des continents a démontré le déplacement des continents mais la justification
des mécanismes n’est pas expliquée. Elle implique une compréhension de la structure interne
de la terre.

Structure de la terre
Au début du XXième siècle, l’étude de la propagation des ondes sismiques dans l’intérieur
de la terre a démontré la structure en couches (Fig. 1.15a, 1.15b).

Figure 1.15b – Structure de la


Terre – Lowrie et al., 1997

Figure 1.15a – Structure de la Terre - Pinet et al., 1998

Chaque couche se caractérise par des propriétés physiques déterminées par sa


composition, la pression et la température. Les limites entre les couches sont marquées par
des changements de vitesse de propagation ou des gradients de vitesse (Fig. 1.16). Les quatre
couches sont la croûte, le manteau, le noyau externe et le noyau interne. Leur composition est
résumée dans le tableau 1.1 et à la figure 1.17.
(1) La croûte est une fine couche, rigide. On distingue la croûte continentale et la croûte
océanique. La croûte continentale se caractérise par une épaisseur est variable: 30 à 40
km en moyenne mais pouvant atteindre jusqu’à 100 km sous les chaînes de montagne.
Elle est composée de matériaux peu denses, riche en silice, à composition de granite
(quartz, feldspaths). La croûte océanique présente une épaisseur plus constante (6-8
km). Sa composition est moins silicatée et plus riche en magnésium. Elle se compose
de minéraux plus denses (plagioclases, pyroxènes) et se caractérise par une
composition de basalte. Selon le principe d’isostasie, la croûte continentale plus légère
doit s’enfoncer plus profondément pour maintenir l’équilibre (Fig. 1.18).
(2) Le manteau se compose d’un matériel semi-solide, dense ; il s’étend sur 2900 km
d’épaisseur. Il est plus riche en Fe, Mg, Ca que la croûte, plus chaud et plus dense que
la croûte vu l’augmentation de la température et de la pression avec la profondeur.

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Sa limite supérieure est définie par la discontinuité sismique de Mohorovicic ou


Moho. Le manteau se subdivise en
a. un ensemble supérieur au comportement cassant, associé à la croûte il
constitue la lithosphère (100-200 km) ;
b. un ensemble médian caractérisé par un ralentissement des ondes sismiques sur
environ 150 km d’épaisseur appelé asthénosphère (350 km) ;
c. un ensemble inférieur au comportement plus plastique.
(3) Le noyau externe s’étend sur 2200 km, il est liquide et riche en Fe et en Ni, il est deux
fois plus dense que le manteau. Cette partie du noyau joue un rôle dans le champ
magnétique terrestre. La rotation de la terre aurait une influence sur le noyau liquide et
serait responsable du développement du champ magnétique terrestre.
(4) Le noyau interne (1250 km) a une composition solide.

Figure 1.16 – Structure du globe selon la propagation des ondes – Caron et al., 1989

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Table 1.1 – Composition des enveloppes terrestres – Caron et al., 1989

Figure 1.17 – Enveloppes terrestres – Caron et al., 1989

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Fig. 1.18 – Principe de l’isostasie – Pinet, 1992

Tectonique des plaques


La structure de la terre influe sur la tectoniques des plaques vu le comportement différents
des différentes enveloppes terrestres (Fig. 1.19). Le manteau supérieur est plus froid et plus
rigide que le manteau profond. Il se comporte en grande partie comme la croûte. L’ensemble
croûte-manteau supérieur constitue ce que l’on appelle la lithosphère. Il s’agit d’un ensemble
rigide susceptible de flotter sur l ’asthénosphère. L’asthénosphère constitue une couche
chaude, susceptible de fondre partiellement et de se déplacer suite à l’augmentation de
température et de pression par fluage (Principe d’isostasie, cf. Fig. 1.18).

Figure 1.19 – Plaques lithosphériques – USGS site web.


Une plaque tectonique est un ensemble de roches solides composées généralement de
lithosphère océanique et continentale (cf. Fig. 1.2). La taille varie de 100 à 1000 km de large,
l’épaisseur varie de 15 à 200 km selon l’âge. La variation d’épaisseur des plaques compense
la différence de densité entre les roches continentales et océaniques (Principe d’isostasie). La
limite entre les plaques n’est pas observable directement, cachée sous la tranche d’eau mais
elle se matérialise par une activité sismique et volcanique particulière. La configuration des

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plaques change ne fonction du temps. Une plaque peut disparaître sous une autre comme le
long des USA où plaque Juan de Fuca constitue le résidu d’une plaque plus large et sera
bientôt complètement engloutie.

Développement de la tectonique des plaques


La mise en évidence de la tectonique des plaques découle (1) des observations de la
morphologie océanique, (2) des avancées dans les analyses du magnétisme des roches et (3) la
distribution particulière des zones d’activité sismique et volcanique.
La théorie de la dérive des continents se base sur des données uniquement continentales
jusqu’en 1950. Ensuite les progrès technologiques et la théorie du paléomagnétisme ont
permis de reconstituer la géologie des fonds océaniques et de son évolution.

(1) Géologie du plancher océanique


Les navigateurs savaient que le plancher océanique n‘était pas régulier. Le développement
dans les années 50-60 des techniques de sondage acoustique a permis de cartographier les
fonds océaniques (Fig. 1.20, 1.21).

Figure 1.20b – Principe de la sismique réfraction – Pinet, 1998


Figure 1.21 – Principe de la sismique réfraction
Pinet, 1998

Figure 1.20a – Principe de la sismique réflection – Pinet, 1998


Figure 1.20 –Principe de la sismique réflexion – Pinet 1998

La compilation des données a révélé l’existence de nombreuses structures morphologiques


caractéristiques des océans dont les rides médio-océaniques avec leur vallée centrale (Fig.
1.22). Les données sismiques ont démontré que la croûte océanique a une composition
différente de la croûte continentale, sans structure plissée.
En 1960, H.Hess a proposé une théorie de l’expansion océanique basée sur les nouvelles
données sismiques et échosondeurs permettant d’expliquer le mécanisme de la dérive des
continents. H. Hess postule que le plancher océanique se sépare au niveau des rides, puis il est
mis en mouvement par des courants de convection dans le manteau et s’éloigne des rides
océaniques. L’expansion continue produirait des fractures au niveau de la vallée centrale et le
magma mantellique pourrait être injecté dans ces fractures et former une nouvelle couche
océanique. Les courants de convection transportent les continents des rides vers les fosses où
la croûte océanique descend dans le manteau entraînée par des courants de convection
descendants et est recyclée. Selon ce modèle, le plancher océanique est complètement
régénéré en 200-300 Ma. L’hypothèse de Hess a été validée grâce aux découvertes liées au
paléomagnétisme des roches.

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Figure 1.22
Figure – Topographique
1.22 Topographie au niveau
aude la
ride médio-atlantique – USGS web site
niveau de la ride médio-
atlantique – USGS site web.

(2) Paléomagnétisme
L’étude des propriétés magnétique des roches se développe dans les années 50 avec le
développement de magnétomètres sensibles. Certaines roches comme les basaltes sont riches
en Fe, lors de leur refroidissement les minéraux qui cristallisent acquièrent une faible
magnétisation liée au champ magnétique terrestre à cette époque. Selon l’âge des minéraux,
on peut donc reconstituer l’évolution du champ magnétique terrestre (Paléomagnétisme).
Le champ magnétique terrestre serait dû à la rotation du noyau externe liquide. Cette
rotation engendrerait un courant électrique et développerait le champ magnétique. La terre est
assimilable à un barreau aimanté (Fig. 1.23).

Figure 1.23 – Champ magnétique terrestre – Hamblin & Christiansen, 1995

L’étude des propriétés magnétiques de nombreux basaltes dans le monde a démontré que
le champ magnétique terrestre s’est inversé à de nombreuses reprises au cours des derniers
70-80 Ma (Fig. 1.24). Des époques de polarité normales (c-à-d lorsque le champ magnétique a
la même orientation par rapport à la période actuelle) de 1 à 3 Ma sont suivies par des
périodes de polarité inverse (pôles nord et sud inversés par rapport à la période actuelle). La
période actuelle a débuté il y a environ 700.000 ans.
La séquence des anomalies magnétiques a été datée par radiochronologie, une échelle des
inversions magnétiques a été établie pour les 4 derniers millions d’années. Par extrapolation,
une séquence de 171 inversions a été reconstituée pour les derniers 76 Ma. Cette séquence
constitue une échelle chronologique.

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Figure 1.24 – Polarité du champ magnétique


terrestre – Hamblin & Christiansen, 1995

En 1963, Vine et Matthews (et indépendamment Morley) proposent de tester la théorie


d’expansion océanique de Hess. Si l’expansion a lieu, elle devrait être enregistrée dans le
magnétisme des basaltes de la croûte océanique. Si le champ magnétique s’inverse de façon
intermittente, le basalte formé au niveau de la ride doit être magnétisé selon la polarité lors de
son refroidissement. Si le plancher océanique s’écarte au niveau des rides, une série de bandes
magnétiques symétriques avec polarité inverse et normale en alternance doit être préservée
dans la croûte de part et d’autre de la ride océanique. Ce modèle a été vérifié ultérieurement
par des datations K-Ar.
La figure 1.25 illustre l’évolution du plancher océanique depuis les derniers millions
d’années. Le plancher est représenté il y a 2.75 Ma lors de l’époque de polarité normale
Gauss. Le basalte, injecté dans les fractures au niveau de la ride, forme des dykes et
s’épanchent sous forme de laves sur le plancher océanique. Lorsqu’il refroidit, il acquiert le
magnétisme du champ magnétique selon une polarité normale et la croûte océanique
nouvellement formée conserve cette polarité. Avec l’expansion océanique, cette zone migre
loin de la ride mais reste parallèle. Vers 2.5 Ma, il se produit une inversion du champ
magnétique terrestre. La nouvelle croûte océanique acquiert une orientation inverse avec une
portion de croûte qui fossilise la polarité inverse. Lorsque la polarité change à nouveau, le
nouveau matériel est magnétisé selon polarité normale. La séquence des polarités s’enregistre
sous la forme de bandes magnétiques dans le plancher océanique. Cette séquence se retrouve
de part et d’autre de la ride mais également sur une séquence de basaltes au niveau du

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continent. La séquence au niveau de la ride se retrouve verticalement de la plus jeune vers la


plus ancienne. Ces données confirment l’hypothèse d’expansion océanique et de dérive
continentale.

Figure 1.25 – Distribution des anomalies magnétiques au niveau des rides médio-
océaniques – Hamblin & Christiansen, 1995

Taux de déplacement des plaques


Les inversions magnétiques ont été datées sur des séries continentales. La polarité actuelle
est précédée par d’autres inversions. Comme le schéma se retrouve au niveau du plancher
océanique, on peut attribuer un âge aux anomalies magnétiques observées sur le plancher
océanique par comparaison avec des séquences continentales. L’enregistrement des propriétés
magnétiques du plancher océanique a été déterminée pour une grande partie des océans. Selon
les séquences observées, un âge a été attribué aux différents segments de croûte océanique
(Fig.1.26). Ces études montrent que la majorité du plancher océanique a été formé
relativement récemment, il y a moins de 65 Ma (Cénozoïque). Il y a peu ou pas de bassins
formés avant le Jurassique. Le taux d’expansion océanique obtenu par interpolation des âges
varie de 1 à 17 cm/an.
Il existe des parties de rides exposée en 2 endroits du monde: Islande et Afar. L’Islande
représente une portion émergée de la ride médio-Atlantique et permet d’étudier directement la
structure de la croûte et les mécanismes physiques responsables de l’expansion (Fig. 1.27).
L’Islande s’est scindée suite à l’expansion de la croûte sous-jacente. Les tensions ont
provoqué des fissures parallèles à l’axe de la ride. Des éruptions volcaniques se sont
produites au niveau de ces fissures et suite aux ajouts successifs de matériel, des séries de
dykes parallèles sont injectés dans les fissures. La largeur des dykes cumulés sur 400 km
représente la totalité de l’expansion crustale depuis 65 Ma. La carte géologique de l’Islande
montre une distribution des roches particulières: les plus anciennes vers extrémités ouest et
est, les plus jeunes au centre où se produit actuellement l’activité volcanique et où existent de

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nombreuses fissures actives. De nouvelles fissures apparaissent tous les mois, visibles sur le
terrain.

Figure 1.26 – Carte des anomalies magnétiques du fond des océans – Hamblin & Christiansen, 1995

Fig. 1.27 – Distribution des anomalies magnétiques en Islande


- Hamblin & Christiansen, 1995

Des évidences de la tectonique des plaques ont été déduites de l’analyse des sédiments
marins récoltés par des forages océaniques (projets internationaux DSDP, ODP – Fig. 1.28).
Débute en 1968 avec le navire océanographique Glomar Challenger. Ce bateau conçu par une
compagnie pétrolière offre la possibilité de dérouler un câble de 6100m, de forer le plancher
océanique et de ramener les échantillons à la surface. Le projet du DSDP (Deep Sea Drilling
Program) a été financé par la fondation scientifique américaine NSF sous la direction de la
Scripps Institute. Des centaines de forages ont été réalisés. Les forages confirment les études
paléomagnétiques via la détermination de l’âge des fossiles contenus dans les sédiments
marins (Biostratigraphie). Comme prédit par la théorie, les sédiments les plus jeunes se
retrouvent au niveau de rides puis deviennent de plus en plus vieux avec les sédiments les

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plus anciens à proximité des bordures continentales. L’épaisseur cumulée des sédiments
marins constitue une preuve supplémentaire de l’expansion océanique (Fig. 1.29). Le taux
moyen d’accumulation des sédiments marins est estimé à +/- 3 mm/103 ans. Si les bassins
océaniques actuels existaient depuis le Cambrien (500 Ma), les sédiments s’accumuleraient
sur près de 1500 m. Cependant l’épaisseur moyenne des sédiments marins profonds n’est que
de 300 m. Ceci implique que les bassins océaniques sont des structures jeunes. Les plus vieux
sédiments marins ont 200 Ma, à opposer aux 3.8 milliards d’années de roches
métamorphiques continentales.

Fig. 1.28. – Expéditions océanographiques:


Navires DSDP, ODP - Pinet et al., 1998

Fig. 1.29. - Preuve sédimentologique de l’expansion des fonds océaniques


– Hamblin & Christiansen, 1995

Non seulement l’épaisseur et l’âge des sédiments sont en accord avec la tectonique des
plaques mais aussi la nature des sédiments. Par exemple, des forages ont mis en évidence des
dépôts de craies au nord de l’équateur actuel. Les organismes planctoniques carbonatés (i.e.,
coccolithes) qui se retrouvent dans la craie vivent actuellement dans les eaux chaudes
équatoriales du Pacifique. Après leur mort, l’accumulation des tests forme un sédiment
biogène. Ces dépôts ne s’accumulent qu’au niveau de la ceinture équatoriale où se produisent
des apports d’eau froide riche en nutriments. La seule explication est que le plancher
océanique a migré vers le nord depuis au moins 100 Ma.

La compilation des données sédimentologiques et des anomalies magnétiques a permis


d’établir une carte de l’âge des océans (cf. Fig.1.26 ). Actuellement la théorie de la tectonique
des plaques est bien établie et acceptée comme une théorie fondamentale de la dynamique
terrestre. De nombreuses observations sur les continents sont réexaminées dans le cadre de la
tectonique des plaques.

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3. Répartition des séismes


Dès 1920, les scientifiques ont constaté que les séismes sont concentrés dans certaines
régions. Dans les années 60, la distribution des séismes dans l’ensemble du monde confirmera
les premières observations. Il existe une connexion étroite entre la distribution des séismes et
les limites des plaques. Cette distribution particulière confirme l’hypothèse d’expansion
océanique de Hess en soulignant les zones où Hess avait prédit soit la formation de la croûte
océanique (ride), soit son recyclage (fosse). Vu le caractère rigide de la lithosphère, elle a un
comportement cassant lorsqu’elle est soumise à un stress et va se fracturer. La rupture
provoque un séisme qui permet une libération violente de l’énergie élastique suite au
déplacement soudain u niveau des plans de failles.

Figure 1.30. – Carte de distribution des séismes – Lowrie, 1995


La distribution des séismes est associée à une activité volcanique intense, regroupés en
zones étroites aux extrémités du Pacifique (i.e., Ceinture de feu du Pacifique), une ceinture
sinueuse des Açores vers Afrique nord jusqu’en Asie du sud-est via les Alpes, les Dinarides et
l’Himalaya, le système des rides médio-océaniques. Dans les zones de subduction, les séismes
qui se produisent à différentes profondeurs sont alignés selon un plan incliné de 40 à 60° (i.e.,
plan de Benioff). La majorité de l’activité sismique et volcanique se produit au niveau de
limites de plaques.

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Les points chauds, les îles Hawaï par exemple, constituent une exception (Fig. 1.31).
L’observation d’une région volcanique active pour une longue période suggère une source +/-
permanente d’énergie appelée point chaud. Il y a une remontée du magma et formation d’un
édifice volcanique sous-marin qui finit par émerger (seamounts). Suite au déplacement de la
plaque, le volcan n’est plus alimenté et un autre édifice se forme à l’aplomb du point chaud.
La figure montre une carte de distribution des points chauds. Il s’agit de volcanisme
intraplaque ou parallèles à la ride médio-Atlantique (Islande, Açores, Galapagos). Dans le
Pacifique, les points chauds s’alignent sur 6000 km le long des chaînes d’Hawaï et Empereur.

Figure 1.31 – Mécanismes de fonctionnement des points


chauds – Hamblin & Christiansen, 1997.

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