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Océanographie géologique Chapitre 2b Evolution bassins océaniques

Comparaison de bassins océaniques


A. Les grands bassins océaniques
Les grands bassins océaniques sont tous générés par l’expansion océanique. Cependant les
trois grands bassins (i.e., Atlantique, Pacifique et Indien) sont différents en terme de taille, de
forme, de topographie du fond et d’âge (Tab. 2.1). Par contre les petits bassins dans l’ouest
Pacifique, la Mer Rouge, les Caraïbes et la Méditerranée sont formés par différents processus,
e.g., lié à la croissance d’arc insulaire, au rifting initial ou à la convergence de plaques
continentales.

Table 2.2 – Comparaison des différents bassins océaniques – Butcher et al., 1994

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L’Océan Atlantique présente une structure et une topographie assez simples, reflétant les
principales phases d’ouverture de ce bassin (Fig. 2.15). Il existe une remarquable symétrie
dans la distribution des caractères morphologiques. Le caractère principal est la présence de la
ride médio-Atlantique : une forme de « S » qui sépare l’Atlantique en deux sous-bassins
parallèles alignés nord-sud, caractérisés par de nombreuses plaines abyssales. Des reliefs
abyssaux existent au niveau de la ride ou dans les plaines abyssales. La symétrie des bassins
atlantiques s’étend aussi aux marges continentales. Les contours de l’Afrique et de l’Europe
s’accordent avec ceux de l’Amérique du nord et du sud.

Fig. 2.15 – Morphologie de l’Atlantique – Vanney, 1981

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L’Océan Arctique consiste en une extension de l’Atlantique mais présente certaines


particularités (Fig. 2.16). Il s’agit d’un bassin fermé par des masses continentales, alimenté
par un unique tributaire, i.e., la Lena entre le Spitsberg et le Groenland. La plateforme
continentale nord sibérienne est la plus large du monde (1100 km), avec des profondeurs
généralement supérieures à 200 km (rarement > 600 km). L’Océan arctique comprend deux
rides sous-marines vers 140°E de longitude qui individualisent trois sous-bassins.

Fig. 2.16 – Morphologie de l’Arctique – Vanney, 1981

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L’Océan Indien est le plus petit des grands bassins (Fig. 2.17). Il est connecté à
l’Atlantique et au Pacifique. Sa caractéristique morphologique principale est la ride médio-
océanique qui prolonge la ride médio-Atlantique le long de l’Afrique du sud puis se divise en
un « Y » au centre de l’Océan Indien. La branche nord s’étend jusqu’au Golfe d’Aden, semble
connecté avec le Rift africain et la Mer Rouge. Les rides divisent l’océan en trois sous-
bassins. La topographie dominée par des blocs dispersés et des plateaux linéaires ou micro-
continents orientés.

Figure 2.17 – Morphologie de l’Océan Indien – Vanney, 1991.

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L’Océan Pacifique ne comporte une ride océanique qu’au niveau de sa marge est (Fig.
2.18). La ride se prolonge depuis l’Océan Indien vers l’Est entre la Nouvelle-Zélande et
l’Antarctique puis tourne vers le nord le long des côtes américaines. Le Pacifique couvre la
moitié du globe et consiste en la plus large croûte océanique. Il s’agit du bassin océanique le
plus vieux. Il est asymétrique. Le plancher comporte de nombreux reliefs : seamounts, guyots
et atolls. De nombreux seamounts sont alignés sur de longues distances. Les marges du
Pacifique sont bordées par un alignement de fosses profondes. A l’Est, les marges centre
américaine et sud américaine comportent des fosses parallèles aux Andes et aux Rocheuses. Il
existe une différence d’altitude de 14.500 m entre les fosses et les Andes ! A l’ouest, les
fosses étendues du Golfe d’Alaska vers les Aléoutiennes, le Japon, les Philippines et la
Nouvelle-Zélande.

Figure 2.18 – Morphologie de l’Océan Pacifique

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B. Les petits bassins océaniques


Il existe de nombreux petits bassins quasi isolés par rapport aux plaques océaniques
majeures, bordés de continents et reliés aux océans par des passages étroits (e.g., Mer du
Japon, Méditerranée, Mer Rouge…Il s’agit de structures temporaires, formées suite (1) à la
croissance d’arc insulaire, (2) le rifting initial de plaques continentales et (3) la convergence
de plaques continentales et la destruction de bassins océaniques plus larges.
(1) Le développement d’arcs insulaires dans le Pacifique le long de zone de
subduction est responsable de l’isolement de petits bassins (e.g., Mer du
Japon). Les arcs insulaires n’étant pas adjacents au continent, un segment de
croûte océanique est isolé. Ces bassins sont généralement peu profonds car ils
sont rapidement comblés par des apports sédimentaires.
(2) La Mer Rouge ou le Golfe de Californie, par exemple, sont liés à la séparation
des continents au début de leur migration. Le remplissage du bassin par des
basaltes et l’apport de sédiments érodés maintiennent une faible profondeur
dans le bassin. Si l’expansion est rapide, un bassin étroit se développe. Ce type
de bassin se caractérise par des circulations d’eau dans la croûte encore chaude
avec le développement de cheminées hydrothermales. Ensuite au fur et à
mesure de l’expansion, le bassin océanique acquiert les caractéristiques
morphologiques (i.e., ride, plaine abyssale, plateau continental..). L’Océan
Arctique serait dans une étape intermédiaire de développement.
(3) La Méditerranée et la Mer Noire résultent de la fermeture de bassins
océaniques suite à la convergence des continents africain et asiatique. Ces deux
mers sont en fait les résidus d’un vaste océan qui s’étendait est-ouest entre la
Laurasie et le Gondwana : la Thétys, il y a 200 Ma. Vu le déplacement vers le
nord de l’Afrique et de l’Inde, la Thétys se referme graduellement même si un
contact avec les océans atlantique et indien depuis des millions d’années. La
compression provoque la surrection himalayenne et alpine qui sont composés
de sédiments marins profonds surélevés et plissés. Si le déplacement se
poursuit, la Méditerranée sera éventuellement complètement fermée et
l’Afrique entrera en collision avec les Alpes.

Evolution des bassins océaniques


Modèle de Wilson
Les bassins océaniques connaissent différents stades de développement depuis leur
ouverture jusqu’à leur disparition. Le cycle idéal, décrit par Wilson (Fig. 2.19), comporte six
étapes :
(1) Le stade initial consiste en la fragmentation de la croûte continentale et la
formation d’un rift (e.g., Rift Est Africain) avec un épanchement de basaltes le
long des fractures.
(2) Le stade juvénile débute lorsque les continents sont séparés en deux masses
indépendantes, une croûte océanique basaltique se forme au niveau de la ride
(e.g ;, Mer Rouge).
(3) Le stade mature se caractérise par le développement d’un large bassin
océanique à partir d’une mer étroite (e.g ., Océan Atlantique).
(4) Le stade de déclin voit l’élargissement se poursuivre, des instabilités se créent
suite à la masse de sédiments accumulés au niveau de la marge et au
vieillissement de la croûte. Ce stade se produit au niveau des marges
continentales (e.g., Ride Est Pacifique).

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(5) Le stade terminal consiste en la fermeture du bassin océanique par


compression (e.g., Mer Méditerranée).
(6) Le stade final correspond à la collision de deux masses continentales, à leur
fusion puis leur suture. Ce stade conduit à la surrection des chaînes de
montagne (e.g., Himalayas).

Figure 2.19– Cycle de Wilson – Pinet, 1998

Evolution des bassins océaniques depuis 200 Ma


Les processus liés à la tectonique des plaques ont probablement été actifs pendant la
majorité de l’histoire de la terre. De nombreuses données pour les derniers millions d’années
permettent de reconstruire l’évolution des continents et des océans avec une bonne fiabilité
(Fig. 2.20). Les données géologiques qui ont permis de démontrer l’hypothèse de dérive des
continents suggèrent que les masses continentales étaient rassemblées en un supercontinent il
y a plus de 200 Ma. Cette masse continentale ou Pangée a commencé à se fragmenter il y a
200 Ma jusqu’à actuellement. Il existe de nombreuses cartes donnant la position relative des
continents à différentes périodes. Les reconstructions cartographiques sont assistées par
ordinateur, intégrant les données géologiques, paléomagnétiques et l’âge des sédiments

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marins. Le stade initial, avec injection de large volume de basaltes le long du rift initial, se
retrouve actuellement dans des bassins trias de l’Est des Etats-Unis, au SW de l’Afrique, à
l’W de l’Inde et à l’Est du Brésil. La Pangée se sépare en deux ensembles N-S la Laurasie et
le Gondwana. Ensuite la dislocation se poursuit avec la migration vers le nord du Gondwana,
l’Inde se sépare de l’Antarctique et migre vers le nord. La plaque africaine se déplace vers
l’Europe avec formation d’une zone de subduction au niveau de la Thétys. Vers 65 Ma (fin
Crétacé), la séparation de l’Afrique et l’Amérique du Sud est complète, l’Atlantique Sud a
une largeur de 3000 km. Toutes les masses continentales sont séparées mis à part la
persistance de connections entre l’Europe et le Groenland, entre l’Australie et l’Antarctique.
Madagascar se sépare de l’Afrique et l’Inde poursuit sa dérive vers le Nord. Un système de
fosse devait exister dans le Pacifique avec subduction des plaques nord et sud américaines qui
se déplacent rapidement vers l’ouest. Une fosse probable le long de l’Amérique du Nord au
Jurassique disparaît suite au mouvement vers l’ouest de l’Amérique du Nord et formation des
Rocheuses. Au même moment, une fosse se développe le long de l’Amérique du sud avec
développement en conséquence des Andes. Au cours du Cénozoïque, la ride médio-Atlantique
s’étend jusqu’en Arctique avec la séparation de l’Europe et du Groenland. Parallèlement la
jonction entre l’Amérique du Nord et du Sud se réalise via l’Isthme de Panama, formé par
l’activité volcanique au niveau de la zone de subduction. L’Inde entre en collision avec l’Asie
et provoque la surrection de l’Himalaya. L’Australie se déplace vers le nord, se détache de
l’Antarctique. Finalement, le rift indien sépare l’Arabie de l’Afrique, créant ainsi le Golfe
d’Aden et la Mer Rouge ; le rift africain se développe ; les Caraïbes se ferment partiellement ;
l’Atlantique s’élargit.

La figure 2.21 présente une extrapolation du déplacement des plaques lithosphériques au


cours des 50 millions d’années prochains. Voici en résumé les principaux changements :
- l’Atlantique et l’Océan Indien continueront à se développer au détriment du
Pacifique ;
- l’Australie se déplacera vers le nord, avec une probable collision avec l’Asie ;
- l’Est de l’Afrique se détachera du reste du continent africain ;
- l’Afrique du nord se déplacera vers le Nord et provoquera la fermeture
probable de la Méditerranée ;
- la compression se poursuivra au niveau des Caraïbes. Finalement la Californie
se séparera de l’Amérique et se déplacera vers le Nord.

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Figure 2.20 – Evolution des océans depuis 200 millions d’années – Hamblin & Christiansen, 1997.

Figure 2.21 – Evolution des océans durant les prochains 50 millions d’années –
Hamblin & Christiansen, 1995

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Histoire de quelques bassins océaniques


Evolution de l’Océan Atlantique (Fig. 2.22)
(a) 165 Ma - L’histoire de l’Atlantique a débuté il y a 165 Ma. Les observations
géologiques et les données sismiques ont permis de reconstituer son évolution
suite à la séparation de la Laurasie et du Gondwana.
(b) 125 Ma – La profondeur du bassin atteint 4000m. Les eaux ne pouvaient
s’écouler ni vers le Nord (terres soudées entre Terre-Neuve et Gibraltar), ni
vers la Thétys (le détroit entre l’Espagne et l’Afrique est trop peu profond).
Les récifs des Bahamas gênaient la circulation entre l’Atlantique et le
Pacifique car certaines régions de l’Amérique Centrale étaient encore
émergées. L’Amérique du Sud et l’Afrique comment à se séparer. L’Afrique et
l’Espagne s’écartent. L’Amérique du Nord et du Sud se rapprochent et
compriment la région des Caraïbes. Ce mouvement provoque la disparition par
subduction de la plaque nord vénézuelienne sous la plaque sud américaine.
(c) 80 Ma – L’Atlantique montre des profondeurs supérieurs à 5000m. Un
écoulement des eaux est possible vers les autres océans via les Caraïbes et le
détroit entre l’Espagne et Gibraltar. La séparation entre le Groenland et
Amérique du Nord commence. L’Atlantique Sud n’a pas encore atteint le stade
de maturité avec les dorsales de Walvis et du Rio Grande qui isolent les
bassins nord et sud.
(d) 36 Ma – L’Atlantique a sa configuration proche de la configuration actuelle.
La circulation vers le Sud est rendue possible suite à l’enfoncement es dorsales
de Walvis et du Rio Grande. Le détroit de Gibraltar était plus large
qu’actuellement. Depuis l’Afrique et l’Europe se sont rapprochées en fermant
presque complètement le passage entre l’Atlantique et la Thétys.

Figure 2.22a – Histoire de l’Atlantique:


L’Actuel – Pour la science, 1984.

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Figure 2.22b – l’Atlantique il y a 165


millions d’années – Pour la science, Figure 2.22c – L’Atlantique il y a 125 millions
1984 d’années – Pour la science, 1984.

Fig. 2.22d – L’Atlantique il y a 80 Fig. 2.22e- L’Atlantique il y a 36 millions


millions d’années – Pour la d’années – Pour la science, 1984.
science, 1984

Evolution de l’Océan Pacifique


Le suivi des directions probables du déplacement de la plaque Pacifique est mis en
évidence grâce à deux chaînes de montagnes sous-marines, la dorsale de Hawaï et les Monts
Empereur. Il s’agit de guyots formés en quelques millions d’années à l’aplomb d’un point
chaud situé sous la lithosphère. Ces alignements constituent l’enregistrement fossile du
mouvement de la plaque pacifique au-dessus du point chaud pendant quelques 10 millions
d’années (Fig. 2.23). L’âge des guyots évolue: le plus ancien situé au nord a été submergé il y
a 70 Ma, l’île de Midway a 20 Ma et le volcan Kilauea sur l’île d’Hawaï est encore en

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activité. L’âge des guyots augmente donc vers le NW. Le déplacement s’est effectué du Sud
vers le Nord puis s’effectue parallèlement à la dorsale de Hawaï vers le W-N-W.

Figure 2.23 – Evolution du Pacifique : Reconstruction du mouvement des plaques selon l’alignements des
guyots – Caron et al., 1989 ; Lowrie et al., 1997.

Evolution de la Mer Rouge


La Mer Rouge est un bassin allongé sur 1900 km, 300 km de large avec une profondeur
moyenne de 490m (max. 2850 m). Le centre du bassin est occupé par un couloir étroit où est
injecté du basalte (Fig. 2.24). La Mer Rouge constitue un stade de bassin océanique juvénile.
Sa formation remonte à 20-30 Ma. La couverture sédimentaire comprend des dépôts de sels,
témoins d’un assèchement périodique du bassin. De plus, l’eau qui circule à travers les
fissures de la croûte basaltique est légèrement salée, chaude (50-60°C) et riche en métaux
dissous issus du lessivage des basaltes. Ces métaux précipitent sous forme de sulfures à
proximité.

Figure 2.24 – Evolution de la Mer Rouge – Pinet, 1998.

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Evolution de la Méditerranée
Le mot « Méditerranée » est d’origine romaine, signifie le milieu de la terre. La
Méditerranée est entourée de l’Afrique, l’Europe et l’Asie, connectée à l’Atlantique via une
passe étroite au niveau de Gibraltar. L’activité sismique et volcanique importante ainsi que les
régions continentales montagneuses à l’arrière suggèrent la présence d’une zone de
subduction. L’Afrique se déplace lentement vers le Nord et entre en collision avec l’Europe,
les Alpes en sont la conséquence directe.
En 1972, des forages océaniques dans le cadre des DSDP ont mis en évidence des dépôts
sédimentaires particuliers d’âge miocène (5-25 Ma), composés d’anhydrite (CaSO4) et de
stromatolites. L’anhydrite est un dépôt formé par évaporation dans les régions chaudes et
arides. Les Stromatolites sont des constructions algaires formées dans des eaux très peu
profondes. Ces dépôts sont recouverts de dépôts typiquement marins. Il existe deux modèles:
soit un uplift régional, une vidange via Gibraltar puis remplissage suite à la subsidence, soit
un assèchement par évaporation puis un remplissage via Gibraltar (Fig. 2.25). Un
assèchement complet implique deux conditions :
(1) un blocage des apports via Gibraltar,
(2) un climat aride nécessaire à l’évaporation.
Les observations géologiques sont en accord avec ce type de conditions climatiques. Hsü
estime que mille ans sont nécessaires pour évaporer le volume d’eau si les deux conditions
sont remplies. La Méditerranée serait ainsi transformée en un désert avec des lacs salés isolés,
similaires aux grands lacs salés aux USA actuellement. Il se produirait un remplissage brutal
par cascade d’eau via l’Atlantique dès que la connexion avec Gibraltar est fonctionnelle à
nouveau. La quantité d’eau déversée correspondrait à 1000 fois le débit des chutes du
Niagara, ce qui permet un remplissage en 100 ans. Notons qu’il existe d’autres explications
moins catastrophiques que celle proposée par Hsü.

Figure 2.25 – Evolution de la Méditerranée – Pinet, 1998.

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