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Mers et Océans
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source principale :
Anne Lefèvre-Balleydier, Petit atlas des mers et océans, Petite Encyclopédie Larousse, Paris, 2009, 128
pages
7. Perspectives et débats
Océans et mers sont au coeur des préoccupations d'une grande partie de l'humanité : sur
notre planète, la moitié de la population vit à moins de 150 kilomètres du littoral, et
plus de 200 millions d'hommes tirent leur subsistance de la mer. Pendant longtemps, ces
grandes masses d'eau ont avant tout inspiré un mélange de crainte respectueuse et de
fascination. Mais aujourd'hui, les grands mécanismes qui régissent leur mécanique sont
mieux connus : on a pu saisir leur extraordinaire impact sur le climat et sur la
répartition de la vie sur Terre.
La vie est apparue dans les océans il y a plus de trois milliards d'années. Et les océans
contribuent, dans une très large mesure, à la maintenir aujourd'hui. Constituant tout à
la fois la principale source d'oxygène de l'atmosphère, une formidable pompe à gaz
carbonique et un réservoir d'eau universel (ils contiennent 99% de toute l'eau présente à
la surface du globe), les océans interviennent de façon prépondérante sur le devenir de
toutes les espèces, et par conséquent, sur le nôtre. Capables d'emmagasiner mille fois
plus de chaleur que l'atmosphère, ils jouent un rôle essentiel sur la régulation des
climats. L'étude du phénomène El Nino a montré à quel point l'équilibre des interactions
entre l'atmosphère et les océans était fragile. Que les vents faiblissent au large du
Pérou, les courants marins changent de sens, et c'est toute la météorologie mondiale qui
s'en trouve perturbée ! En outre, la richesse que portent en eux les océans n'est pas
inépuisable : un bon quart des stocks mondiaux de pêche sont désormais surexploités, et
incapables de se rétablir d'eux-mêmes. La pollution croissante des océans et le
réchauffement des eaux océaniques, corrélé à celui de l'atmosphère, constituent deux
autres problèmes majeurs. Il y a urgence à préserver les richesses de la mer, et
nécessité absolue de le faire. En premier lieu parce que le poids économique de
l'ensemble des ressources et des activités humaines liées à la mer est colossal : 70
milliards de dollars par an. Mais, surtout, parce que c'est l'avenir de la biosphère dans
son ensemble, y compris celui de l'humanité, qui est en jeu.
1. La structure des océans
Les océans forment une gigantesque couche d'eau liquide qui repose sur un plancher
formé de plaques tectoniques en mouvement. Chaque année, des milliards de tonnes de
sédiments tombent au fond des océans et s'accumulent sur ce plancher.
À l'échelle des temps géologiques, la forme, les dimensions et les reliefs des océans
évoluent. Des océans s'ouvrent tandis que d'autres se referment. De même, le niveau des
océans n'est pas constant. Depuis un siècle, il s'élève lentement mais sûrement. Simple
oscillation passagère ou conséquence du réchauffement de la planète ?
Ce n'est pas par hasard que la Terre a été baptisée “la planète bleue”. Les océans et les
mers recouvrent en effet 71% de sa surface, sur environ 361 millions de kilomètres
carrés.
Sur notre globe, les stocks d'eau sont très inégalement répartis. L'hémisphère Sud
est plus marin que l'hémisphère Nord : 81% des mers et 19% de terres émergées
contre 61% et 39% respectivement dans le second.
Cette disparité est d'autant plus évidente qu'on regarde la Terre en se plaçant tour
à tour à la verticale de la France, puis à celle de la Nouvelle-Zélande.
La plupart des mers sont rattachées à ces océans et communiquent avec eux,
directement comme la mer du Nord (500'000 km2) ou la mer Méditerranée (2,5
millions de km2), ou indirectement comme la mer Baltique (350'000 km2) ou la mer
Noire (400'000 km2). D'autres n'ont aucun contact : c'est le cas de la mer d'Aral
(60'000 km2). Quant aux masses d'eau situées aux pôles, elle jouent un rôle si
fondamental dans la circulation océanique qu'on les a également baptisées océans,
bien qu'elles ne répondent par strictement à leur définition : l'océan Arctique
partie polaire de l'Atlantique, couvre 14 millions de km2, quand l'Antarctique, point
de ralliement de tous les océans, représente quelque 77 millions de km2.
Les trois grands océans ont schématiquement le même profil. En partant des
rivages pour aller vers le large, on y trouve d'abord une zone prolongeant le
continent : c'est le plateau continental, dont la profondeur ne dépasse
généralement pas 200 mètres, pour une largeur moyenne de 500 kilomètres. Puis la
pente se creuse, pour plonger jusqu'à 2'000-3'000 mètres : ce talus continental
marque la transition entre la croûte propre aux continents et celle des océans.
Vient ensuite la zone des grands-fonds, qui s'apparente à une vaste cuvette dont le
milieu s'enfonce jusqu'à 6'000-7'000 mètres. Le fond de cette cuvette, entaillé par
des fosses encore plus profondes, comme le long du Pérou ou des îles
indonésiennes, comporte également de longues chaînes volcaniques, formant des
renflements baptisés dorsales : c'est à leur niveau que le magma provenant du
manteau terrestre forme en permanence, en s'épanchant sur le fond et en
refroidissant, la nouvelle croûte océanique.
1.2. Les variations du niveau de la mer
Le niveau de la mer, plan de référence des géographes, n'est pas constant. Sous le jeu
de la tectonique, de la sédimentation et des glaciations, il change régulièrement au fil
des siècles.
À l'échelle de la vie d'un homme, le niveau général des océans paraît immuable.
Pour preuve, on l'utilise comme plan de référence afin de déterminer les altitudes
terrestres. C'est là où la marée est la moins forte que l'on a choisi le niveau zéro.
En France, il se situe à Marseille. Un marégraphe, constitué d'un flotteur maintenu
à l'abri des vagues et de la houle, mesure en permanence ses variations. Car en
pratique ce zéro varie. Tout comme celui des autres marégraphes du monde entier.
Sur un siècle, tous indiquent une élévation du niveau moyen des mers de l'ordre du
millimètre par an.
Cette variation est connue de tous les océanographes. De même que ses causes.
L'une tiendrait à la tectonique des plaques, une autre à la sédimentation, et la
dernière, la plus importante, à la dynamique des immenses glaciers continentaux.
Les effets combinés de ces trois phénomènes provoquent, à l'échelle de plusieurs
dizaines de milliers d'années, de vastes avancées de la mer (appelées
transgressions) sur des terres jusqu'alors émergées ou au contraire des reculs
prononcés (appelés régressions), concernant parfois des millions de km2.
Aujourd'hui, ces inlandsis sont confinés aux pôles. Ils ne représentent plus qu'un
volume de 24 millions de km3. Mais il n'en fut pas toujours ainsi. Sous le jeu des
changements climatiques, plus ou moins d'eau s'est en effet retrouvée piégée.
Durant les périodes froides, les calottes glaciaires se sont étendues. Il y avait donc
moins d'eau dans les océans, et leur niveau a baissé. Les fonds allégés de la masse
d'eau qui leur avait été soustraite, eurent tendance à se relever, réduisant
l'ampleur de la baisse.
Au plus fort de la dernière glaciation, il y a 18'000 ans, l'inlandsis concentrait
quelque 50 millions de km3 d'eau. L'Amérique du Nord et l'Eurasie étaient
recouverts de montagnes de glaces hautes de plusieurs kilomètres, alors qu'une
grande partie de l'Alaska et de la Sibérie en était dépourvue. L'homme
préhistorique pouvait alors de rendre à pied sec de la France à l'Angleterre : le
niveau moyen de la mer était inférieur de 120 mètres à ce qu'il est maintenant.
Tout autre était la situation 100 millions d'années plus tôt. Les températures sur la
Terre étaient à la hausse, les glaces accumulées lors des périodes froides
antérieures avaient fondu, et l'eau envahissait graduellement les terres. Son niveau
était de 200 mètres supérieur à celui d'aujourd'hui. Le continent européen
s'apparentait alors à une succession d'îles, de même que l'Australie, tandis qu'une
partie de l'Afrique et tout l'ouest de l'Amérique étaient sous les eaux.
Certains fossiles sont là pour témoigner de ce passé mouvementé. Ceux des récifs
coralliens renseignent par exemple sur l'ancienne limite de la marée basse, zone
dans laquelle ils peuvent se
développer. De même, les
restes fossilisés de certains
types d'huîtres, de bigorneaux
ou d'algues calcaires
correspondent à des niveaux
précis. La présence dans le sol
de dépôts riches en chlorures
et en sulfates alcalin, comme
le gypse ou le sel gemme, est
également riche
d'enseignements. Ceux que l'on
trouve au fond de la
Méditerranée, par exemple,
signent l'acte de naissance de
la forme actuelle de cette mer,
il y a 5 millions d'années.
De façon paradoxale, on
connaît beaucoup moins bien
les variations du niveau de la
mer sur des temps plus courts.
On sait notamment que depuis
7'000 ans le niveau marin est remonté par à-coups en Bretagne et en Vendée. Mais
on n'en connaît pas encore de façon claire et précise la chronologie. La mer aurait
lentement monté entre -5'900 et -4'800, et le mouvement se serait ensuite accéléré
jusque vers -4'200. Puis elle aurait légèrement reculé, ou serait restée stable
jusqu'en -3'500, avant de recommencer à envahir les terre pour atteindre un niveau
proche de celui que nous connaissons aujourd'hui.
Ce niveau continue de s'élever. En partie du fait de la fonte des glaciers
continentaux et de la dilatation thermique de l'eau engendrées par le
réchauffement climatique. Reste à savoir dans quelle mesure ces deux phénomènes
sont impliqués, et à quel rythme le niveau de la mer va continuer de s'élever. Les
modèles actuels parient sur une élévation moyenne de 10 à 30 centimètres par
siècle. Mais à l'avenir, ce n'est pas tant le niveau moyen que les surcotes et les
inondations engendrées par les tempêtes qui risquent de poser problème.
Fosses qui atteignent jusqu'à 10'000 mètres de profondeur, volcans qui s'élèvent depuis
le fond pour émerger au-dessus du niveau de la mer : les océans sont loin d'être de
vastes étendues à fond plat.
À eux seuls, ces fonds abyssaux représentent plus des trois quarts de la superficie
des océans. Séparées par des cols et des chenaux, les plaines abyssales y
représentent les zones les plus planes du globe : leur pente ne dépasse pas les
0,1%. Elles sont disposées en chapelet à l'avant des continents, ou autour des
archipels du large et leur longueur n'excède pas quelques kilomètres, pour une
largeur moitié moindre. Des fosses les remplacent dans les zones où le plancher
océanique plonge sous les continents : elles y sont quelquefois présentes tout au
fond, mais en dimensions réduites. Vers le large, ces plaines laissent la place à un
relief moutonné mêlant collines, plateaux, monts et volcans sous-marins. Ces
volcans émergent parfois au-dessus du niveau de la mer, et des récifs ont alors pu
se construire sur leurs flancs. Mais la majeure partie des reliefs se situe sous l'eau :
le système des dorsales océaniques, dont la largeur moyenne est de 1'500
kilomètres pour une hauteur de 1'000 à 3'000 mètres., forme une chaîne continue
de plus de 65'000 kilomètres de long. C'est au sein de leurs dépressions, appelées
rifts, que se form à partir du magma, le plancher de nos océans actuels et futurs.
Souvent nés de la séparation de deux continents, les océans finissent par disparaître
sous terre, en laissant montagnes et volcans témoigner de leur existence passée.
1.5.1. Vie et mort des océans
Le processus par lequel le plancher d'un océan plonge sour un continent s'appelle la
subduction. Ses effets sur le continent concerné sont multiples : en le compressant,
elle le déforme, le plisse, le cisaille et transforme parfois les piles de sédiments
charriées par le plancher océanique en véritables chaînes de montagnes ; en le
frottant, elle provoque des tremblements de terre, superficiels mais aussi
profonds ; enfin, en laissant remonter en surface des poches de magma arrachées à
la croûte océanique, elle donne naissance à des volcans. L'impact sur l'océan est
tout aussi considérable. Car la vitesse avec laquelle le plancher disparaît sous terre
peut être supérieure à celle de la formation d'un nouveau plancher. L'océan va
alors se rétrécir et se refermer : un tel phénomène est aujourd'hui à l'oeuvre en
Méditerranée. Celle-ci constitue le dernier vestige de Téthys, un vaste océan
aujourd'hui disparu qui séparait l'Eurasie et l'Afrique durant l'ère secondaire (il y a
240 à 65 millions d'années)
2. La chimie des océans
L'eau de mer contient de nombreux composés chimiques en solution, parmi lesquels les
chlorures, notamment le chlorure de sodium – le sel de cuisine -, et les sulfates sont
particulièrement abondants.
La teneur globale en tous ces éléments détermine la salinité. Celle-ci varie peu dans les
océans, étant en moyenne de 35 pour mille (35 grammes par kilogramme d'eau).
À l'inverse, la température peu aller, de la surface vers le fond et des tropiques aux
pôles, de 28-30°C à moins de 0°C. Ensemble, température et salinité déterminent la
densité de l'eau et contrôlent en partie sa circulation.
L'eau de mer est un mélange complexe de sels et de gaz en solution. Certains éléments y
sont plus abondants que d'autres, et déterminent sa salinité.
D'un océan à l'autre, et de la surface aux grands fonds, la salinité varie peu. Elle n'est
également que peu affectée par le rythme des saisons.
La variation de température de la surface au fond est du même ordre que celle qui
sépare hautes et basses latitudes : elle peut aller de 28-30°C jusqu'à -1°C. Faible à
nulle près des pôles, elle s'accentue lorsqu'on se rapproche des régions chaudes.
Elle n'est toutefois pas régulière au sein de la colonne d'eau. La température est en
effet stable dans la couche la plus superficielle de l'océan, sur quelques mètres à
quelques dizaines de mètres, là où l'eau est brassée par le vent. Pôles exceptés,
elle diminue ensuite partout très rapidement jusque vers 500 à 1'000 mètres de
profondeur : dans cette zone, appelée thermocline, la température ne dépasse
jamais 12°C. Sa valeur devient minimale vers -4'000 mètres (environ 2°C), mais
remonte si l'on continue de s'enfoncer. Car la pression augmentant avec la
profondeur, la température de l'eau s'élève. Peu : 0,15°C tous les 1'000 mètres.
Mais suffisamment pour que l'effet se fasse ressentir près des très grands fonds.
D'une saison à l'autre, la température en surface ne change pas beaucoup dans les
océans des régions polaires et équatoriales : 2°C de différence, tout au plus. Mais il
en va autrement dans les zones tempérées, où les variations peuvent être de
l'ordre de 8°C, voire même 10° à 20°C dans certaines mers intérieures comme la
Méditerranée. Ces variations s'amenuisent néanmoins lorsque la profondeur
augmente, disparaissant totalement vers -200 à -300 mètres. Elles y sont par
ailleurs décalées dans le temps. Lorsque les eaux superficielles se réchauffent en
été, elles voient en effet leur densité diminuer, se différenciant donc encore
davantage des eaux plus profondes. Résultat : la thermocline remonte, et seules
les eaux mélangées dans les 25 premiers mètres d'épaisseur par l'agitation des
vagues bénéficient d'une élévation de température. Il faudra attendre l'automne,
période où la thermocline s'efface, pour que les eaux plus profondes se
réchauffent.
L'hiver venu, les couches superficielles vont se refroidir, et devenir plus denses.
Alourdies, elles vont être entraînées vers les profondeurs dans de vastes
mouvements de convection. Leur instabilité favorise alors la turbulence, qui
conduit l'océan à donner à l'atmosphère un peu de sa chaleur. La baisse de
température va ainsi s'accentuer rapidement, en profondeur comme en surface. La
mer se refroidit donc vite et bien, alors qu'elle se réchauffe lentement et mal. Ceci
tient pour partie aux caractéristiques physiques de l'eau, pour une autre à la
turbulence, mais aussi et surtout au fait que les deux tiers de la chaleur apportée
par le rayonnement solaire servent à évaporer l'eau. L'atmosphère est ainsi
redevable à l'océan, qui est lui-même tributaire des caprices de l'air.
Les glaces marines ont un rôle beaucoup plus important vis-à-vis de l'océan. Elles
prennent naissance lorsque l'eau se refroidit en hiver jusqu'à son point de
congélation, soit -1,9°C pour une eau salée à 35 pour mille. Cette congélation
s'accompagne d'une dilatation, qui rend la glace plus légère que l'eau. Aux premiers
cristaux de glace (le nilas), succèdent des aiguilles (le frasil) qui, de plus en plus
nombreuses, donnent à l'océan l'apparence d'un gigantesque sorbet.
La congélation de l'eau de mer a également pour effet de séparer eau pure et sels.
Au fur et à mesure que se forment les cristaux de glace d'eau pure, la salinité des
eaux sous-jacentes augmente. Devenant plus denses, donc plus lourdes, ces eaux
finissent par s'enfoncer. Des eaux moins salées et plus chaudes les remplacent en
surface, et subissent à leur tour le même phénomène.
Les plongées d'eau se font progressivement sur des profondeurs de plus en plus
importantes. La couche de glace s'épaissit jusqu'au moment où l'épaisseur de la
banquise et telle qu'elle forme une isolant thermique. Les aléas du climat et
l'agitation de la mer pourront la faire fondre lorsque, en été, elle sera entraînée
vers le large. Elle libérera alors une eau bien moins salée que celle qui lui a donné
naissance. Mais elle pourra aussi persister pendant plusieurs années et se couvrir de
neige. La banquise de l'océan Arctique s'étend au maximum sur 15 millions de km2
en hiver, et au minimum sur la moitié en été.
3. La dynamique des océans
Les masses d'eau de l'océan sont animées de mouvements permanents. Sous l'attraction
conjuguée du Soleil et de la Lune, la surface océanique se déforme en bourrelets qui se
propagent à sa surface : ce sont les marées.
Les vents irréguliers de forte puissance génèrent les vagues et la houle.
En revanche, les vents réguliers poussent les eaux de surface et induisent les courants
marins.
Globalement, la circulation de surface s'établit selon de grandes boucles dans chaque
hémisphère. Celle du fond a une cheminement plus complexe, régi par les différences
de température et de salinité.
Attirée par le Soleil et la Lune, la Terre résiste. Mais elle ne peut empêcher que l'eau, à
sa surface, forme un bourrelet en deux points du globe diamétralement opposés : c'est
ainsi que se créent les marées.
Tous les océans du monde voient leur niveau d'eau monter puis redescendre au
moins une fois par jour. C'est ce qui fait le charme des longues plages de sable, où
l'on peut entre les moments de pleine mer et de basse mer, à l'estran, construire
les châteaux de nos rêves.
Et c'est l'attraction conjuguée de la Lune et du Soleil sur la Terre en mouvement
qui le permet.
Dans notre système solaire, en effet, toutes les planètes sont attirées par le Soleil
autour duquel elles gravitent. Mais cette loi d'attraction est universelle, et
concerne tous les astres. Les forces qu'ils exercent les uns sur les autres dépendent
de leur masse et de la distance qui les sépare. Ainsi, plus en astre est grand, moins
il est éloigné de la Terre, et plus il l'attire. Or la Lune, bien qu'infiniment plus
petite que le Soleil, est très proche de notre planète. Son influence est en fin de
compte 2,2 fois plus importante.
L'amplitude des marées est plus forte quand la Lune et le Soleil sont alignés, au
moment de la pleine lune et de la nouvelle lune (vives eaux), et plus faible quand
les 2 astres forment un angle droit, lors du premier et du dernier quartier lunaire
(mortes eaux).
Elle est maximale aux équinoxes pour les marées semi-diurnes, et aux solstices
pour les marées diurnes.
Agitée par le vent, la surface d'un océan se déforme et se creuse. Les vagues qui s'y
forment peuvent se propager sur de grandes distances en ondes régulières, qui portent
le nom de houles.
Lancez une pierre dans l'eau. Vous verrez sa surface de déformer et se couvrir de
rides concentriques. Si vous y jetez juste après un bouchon de liège, vous pourrez
constater que celui-ci se soulève et s'abaisse au rythme de ces rides, sans pour
autant se déplacer à l'horizontale. C'est grossièrement l'effet qu'a le vent sur les
océans. S'il souffle pendant un temps suffisamment long, dans une même direction,
et de façon assez intense, il crée un train de vagues régulières, c'est-à-dire une
houle. Elle sera plus ou moins marquée selon la force, la durée et l'étendue du
vent. Mais, à l'inverse de la marée, elle ne déplacera pas l'eau et ne créera donc
aucun courant. Techniquement parlant, la houle se caractérise par son amplitude,
c'est-à-dire la dénivellation entre les crêtes et les creux de ses vagues, par sa
longueur d'onde (la distance entre deux vagues successives) et par sa période
(temps nécessaire à une vague pour franchir la distance équivalente à la longueur
d'onde).
On obtient la vitesse de la houle en divisant la longueur d'onde par la période. Si
cette vitesse est trop rapide, les vagues déferleront pour former ce qu'on appelle
en mer des “moutons”. Mais si la vitesse est proche de celle du vent, la houle
pourra alors entamer un long voyage à travers l'océan, entretenue par le flux d'air.
Les houles formées dans les grosses dépressions de l'Antarctique peuvent traverser
tout l'Atlantique, sur des milliers de kilomètres, et mêler en bout de route leurs
effets à ceux des tempêtes sévissant au large de l'Irlande. Et partout les houles
interfèrent, ici additionnant leurs vagues, là retranchant les unes aux autres. C'est
ce qui fait, pour tous les océans, la personnalité de chacune de leurs régions.
Elle est le reflet d'une situation météorologique. Les vents créés par l'anticyclone
des Açores donneront ainsi naissance à de fortes houles, dont les vagues hautes de
plus de six mètres frapperont directement les côtes occidentales de l'Espagne et du
Portugal. En progressant vers le Nord, elles vont s'affaiblir. Mais l'absence
d'anticyclone laissant la place aux dépressions et donc aux tempêtes, des houles
moins durables mais plus violentes viendront s'y ajouter.
Au bilan, l'état de la mer sera le reflet d'une situation complexe, alliant houles aux
origines diverses et clapots locaux.
3.3. Les courants marins
Poussées par les vents, les couches d'eau superficielles de l'océan se déplacent en
tourbillonnant. Ces courants de surface transportent l'eau chaude vers les zones froides
et l'eau froide vers les régions chaudes.
Les effets de l'atmosphère (et donc des mouvements d'air) sur les océans
disparaissent rapidement avec la profondeur. Les courants marins se forment donc
surtout en surface, sous l'impulsion du vent. Leurs caractéristiques sont très
semblables dans l'Atlantique, le Pacifique et l'océan Indien.
Avec des nuances : en raison d'une météorologie particulière, ou du fait des
contours qu'imposent les continents.
Sur notre globe, les vents doivent leur répartition au fait qu'ils s'écoulent des zones
de hautes pressions vers les zones de basses pressions. Mais, comme tout
mouvement de grande échelle, ils sont déviés par les forces qu'engendre la rotation
terrestre, vers la droite dans l'hémisphère Nord, et vers la gauche dans
l'hémisphère Sud. Ces déviations, dites de Coriolis, sont d'autant plus grandes que
l'on s'éloigne de l'équateur jusqu'aux pôles, des alizés, puis des westerlies, et enfin
des vents d'ouest.
Si le régime des vents est en partie à l'origine des boucles et des tourbillons formés
par les courants, il n'agit pas seul : la topographie de l'océan est également
impliquée. Prenons le cas de l'hémisphère Nord. Sous le jeu des déviations de
Coriolis, les vents de secteur sud-ouest (westerlies) poussent d'énormes masses
d'eau vers le sud, pendant que les alizés en transportent de grandes quantités vers
le nord. Résultat : l'eau s'empile au centre des gyres anticycloniques, y créant des
“bosses” qui peuvent dépasser 1 mètre de haut. Inversement, les vents d'est des
hautes latitudes emmènent l'eau vers le nord, quand les westerlies l'emportent au
sud : tiraillée entre nord et sud, l'eau se creuse ainsi au sein des boucles
cycloniques. Or, de façon naturelle, l'eau s'écoule toujours du haut vers le bas. Son
trajet étant dévié par les forces de Coriolis, elle va donc circuler de façon
perpendiculaire à la pente et tourner en rond.
En pratique, l'amplitude de ces creux et bosses n'est pas uniquement due aux vents
et à la rotation terrestre. Elle est également liée à la densité de l'eau, laquelle
dépend de la température et de la salinité. Moins cette densité est forte, plus l'eau
est dilatée, ce qui fait monter son niveau : l'eau est par exemple plus haute en mer
des Sargasses qu'au nord du Gulf Stream, et plus basse en Méditerranée que dans
l'Atlantique.
Le niveau de l'eau est aussi plus élevé sur les bords ouest des océans, pour deux
raisons. La première tient à l'affaiblissement des déviations de Coriolis près de
l'équateur : l'eau est donc poussée dans le sens du vent, c'est-à-dire vers l'ouest. Or
le rayonnement solaire est maximal à cette latitude : l'eau est fortement
réchauffée et donc dilatée. Lorsque l'eau, après son long voyage vers l'ouest, bute
sur un continent, elle s'accumule contre ses côtes, jusqu'à atteindre un niveau de
50 cm supérieur à son niveau de l'autre côtés du bassin océanique. Ce faisant, une
partie de l'eau va alimenter les courants qui remontent vers les hautes latitudes.
Une autre partie suit le sens de la pente et forme à faible profondeur des courants
de retour vers l'est : les sous-courants équatoriaux.
Sous l'effet de l'évaporation et de la baisse des températures, l'eau devient plus dense,
donc plus lourde. Elle plonge vers les grandes profondeurs aux hautes latitudes, pour
faire ensuite le tour du monde.
Quand les vents hivernaux la font s'évaporer, ou lorsque le froid la fait geler, le
mer voit sa salinité augmenter et sa température baisser. Or ces deux paramètres
contrôlent la densité de l'eau. L'eau de surface, devenue plus dense, tend alors à
s'enfoncer vers les grandes profondeurs. Ce phénomène est d'autant plus important
que la salinité est élevée. Il donne naissance dans les régions polaires aux eaux que
l'on trouve au fond de tous les océans. La circulation de ces eaux profondes, liée
aux conditions de température et de salinité, a été qualifiée de circulation
thermohaline.
On l'observe sporadiquement dans l'Atlantique nord, principalement en mer de
Norvège, mais aussi dans les mers du Groenland et du Labrador : à chaque fois, des
eaux de salinité élevée (35,25 pour mille), remontées des Caraïbes par le Gulf
Stream, voient leur température baisser de façon brutale, ce qui augmente leur
densité et les fait plonger. Elles s'accumulent ainsi dans les fonds du bassin de
Norvège, jusqu'à le remplir suffisamment pour franchir le col faisant obstacle à leur
passage dans l'Atlantique. Elles y pénètrent par à-coups, puis font cap vers le sud
jusqu'à l'océan Antarctique. Elles vont y rencontrer d'autres eaux profondes.
Du continent Antarctique jusque vers 60° de latitude sud, les glaces de mer
s'accumulent. Pendant l'automne et l'hiver austral (avril-octobre), ces glaces
prennent à la mer son eau douce, et rendent celle-ci plus salée qu'aux alentours.
Les très faibles températures sévissant à ces latitudes vont alors précipiter cette
eau salée vers le fond. En mer de Weddel, et dans une moindre mesure en mer de
Ross, les eaux s'enfoncent ainsi jusqu'à -4'000 mètres et constituent les eaux
antarctiques de fond. L'eau antarctique intermédiaire glisse en revanche sous des
eaux plus chaudes, mais reste au-dessus des eaux denses issues de l'Atlantique.
Pour arriver jusqu'en ces contrées, il aura fallu à ces dernières pas loin de 500 ans,
leur vitesse moyenne étant de l'ordre du millimètre par seconde. Elles vont en
partie remonter à proximité du continent antarctique, là où des courants de
surface dirigés dans des sens opposés créent un appel d'eau. Mais elles vont aussi
s'enrichir lentement des eaux de fond antarctiques, riches en sels nutritifs et en
oxygène. Et leur périple est loin d'être terminé : elles vont en effet faire route vers
l'océan Indient et le Pacifique, voire même entamer un grand tour du monde pour
remonter finalement vers l'Atlantique nord.
L'océan stocke efficacement la chaleur, mais peut aussi la redistribuer par le biais de ses
courants. Il joue ainsi un rôle fondamental sur l'équilibre thermique, et donc sur les
climats de la la Terre.
L'océan est capable d'absorber dans les dix premiers centimètres de sa surface tous
les rayons infrarouges que lui envoie le Soleil, et de les transformer en chaleur.
Résultat : la température annuelle de surface des océans est en moyenne de
17,5°C, contre un peu plus de 14°C pour l'air. Qui plus est, solides, liquides et gaz
ne réagissent pas de la même manière face au rayonnement solaire. Une couche
d'eau de mer de 2,60 mètres de hauteur emmagasine autant de chaleur que la
totalité de la colonne d'air qui la surplombe ! Or les océans ont une profondeur de
plus de 3'000 mètres. Au final, la température de l'eau à la surface de la mer ne
varie jamais de plus de 5°C au rythme des saisons, alors qu'elle peut accuser des
écarts de 40°C sur les continents. L'océan joue donc un rôle régulateur
fondamental : on pourrait le comparer à une gigantesque machine thermique qui,
selon les besoins, dissipe ou accumule de la chaleur.
Globalement, le bilan thermique de la Terre est à peu près constant, car elle reçoit
chaque année autant de chaleur qu'elle en perd. Cet équilibre fait néanmoins
défaut dans plusieurs régions du globe : aux basses latitudes, où les pertes
l'emportent. Cela implique qu'il existe un transfert de chaleur entre basses et
hautes latitudes. Les océans y participent pour 30 à 50%.
Avec ses 1'350 millions de km3, l'océan mondial renferme plus de 97% de l'eau de la
planète, ce qui en fait de loin le plus grand réservoir. Sous le jeu de l'évaporation,
intense dans les zones tropicales où la température de l'eau de mer atteint en
surface les 30°C, il fournit à l'atmosphère cinq fois plus d'eau que ne le font
l'évaporation et la transpiration des plantes terrestres.
L'atmosphère la lui rend en partie par ses précipitations. Le reste lui est restitué
par l'écoulement des cours d'eau et des nappes phréatiques. Reste qu'une petite
partie de l'eau (25 millions de m3 environ) est piégée sous forme de glaces : c'est la
raison pour laquelle, dès que celles-ci prennent du volume, l'océan en perd, alors
que la fonte des glaces engendre inversement une augmentation du volume
océanique. Ce phénomène est l'un de ceux dont on craint les retombées, en raison
de l'effet de serre et du réchauffement climatique qu'il induit.
Or l'océan joue précisément à ce titre un autre rôle : il est en effet un véritable
piège à dioxyde de carbone (CO2).
Comme les plantes sur la terre ferme, c'est grâce à la lumière que les algues
fabriquent leurs sucres, par photosynthèse. Ces végétaux sont consommés par des
animaux, lesquels constituent à leur tour le repas d'organismes carnivores, et ainsi
de suite via la chaîne alimentaire. Mais, alors que sur terre la lumière ne manque
pas, ses rayons sont très vites absorbés dans l'eau. Au-delà d'une certaine
profondeur, dite de compensation, il y a ainsi autant de sucres fabriqués par
photosynthèse qu'il y en a d'utilisés par les organismes pour leur respiration. Cette
profondeur, qui détermine l'épaisseur d'une couche qualifiée d'euphotique, varie en
fonction du moment de la journée, de la saison et de la transparence de l'eau : elle
ne dépasse pas les 40 mètres dans les eaux côtières des milieux tempérés, mais
peut descendre à plus de 100 mètres dans les eaux claires des tropiques. Les
animaux peuvent se développer et croître plus bas ; les végétaux, non.
Paradoxalement, les eaux les plus chaudes, bien que dotées d'espèces plus variées,
sont celles où les populations sont le moins abondantes. On compte seulement 0,5
kg de matière vivante par mètre carré dans la zone intertropicale, tandis que cette
matière peut atteindre 2 kg par mètre carré dans les latitudes moyennes à hautes.
En outre, le grand large a généralement l'apparence d'un véritable désert, car la
vie se concentre dans la zone du plateau continental (entre 0 et 200 mètres de
profondeur, sur le bord des continents).
Des organismes dit pélagiques vivent en pleine eau, tandis que d'autres, dits
benthiques, lui préfèrent les fonds. La frontière entre ces deux mondes n'est pas
nette. Nombre de vers, mollusques, crustacés et poissons passent en effet leur vie
larvaire à naviguer entre deux eaux, avant d'aller à l'âge adulte se fixer sur le
substrat de leur choix.
La vie marine s'organise entre mangeurs et mangés. Les algues, premiers maillons,
permettent la croissance et le développement d'une longue chaîne d'animaux, tout à
tour producteurs et consommateurs.
Vivre en pleine eau a ses avantages, et ses inconvénients. Il y a certes bien plus de
lumière que sur les fonds, mais les courants sont plus intenses. Certains se laissent
porter, d'autres résistent en nageant activement.
Les organismes pélagiques, c'est-à-dire ceux qui vivent en pleine mer, doivent
s'adapter aux courants. Certains s'en affranchissent en nageant (c'est le necton),
d'autres se laissent dériver au gré des courants. C'est cette option qu'a prise le
plancton. Pour ne pas couler vers les profondeurs obscures et glacées, les
organismes du plancton, souvent de très petite taille (inférieure au millimètre),
possèdent un squelette allégé et de véritables flotteurs. Des flagelles, des cils voire
des ailerons complètent leur attirail.
Solitaires ou vivant en colonies, ces organismes sont généralement transparents.
Mais ils peuvent aussi se parer d'un bleu intense, qui les rend indiscernables des
eaux où ils évoluent, ou encore se fondre dans les couleurs des grandes
profondeurs, optant alors pour un brun teinté de rouge. Rassemblant 90% des
organismes vivant dans les océans, ils sont répartis en deux grandes catégories : le
plancton végétal, ou phytoplancton, et le plancton animal, ou zooplancton.
À l'inverse du plancton, plus ou moins passif vis-à-vis des courants, le necton est
adapté à une nage rapide et soutenue. On y trouve des crevettes, des poulpes et
des calmars, des poissons de taille variable, mais aussi des tortues de mer et des
mammifères marins. Les plus petits se nourrissent de plancton animal, comme le
font les anchois, les sprats ou les sardines. Ils sont la proie de poissons plus grands
(maqueraux, chinchards, etc.), qui font, eux, le bonheur des grands prédateurs
marins – thons, requins, phoques, dauphins, cachalots, orques... Tous ont un fort
instinct grégaire, qui les pousse à se rassembler en bancs pendant la période de
reproduction. Des bancs qui se font aussi vite qu'ils se défont, et les amènent
parfois à circuler d'un bout à l'autre d'un océan, lors de grandes migrations.
Nombre d'organismes marins évoluent près du fond ou y vivent fixés. Plus abondants à
proximité des côtes qu'au large, ils doivent alors faire face à l'agitation de la houle et
des marées.
Après avoir été des larves portées par l'eau, nombre d'organismes adultes
choisissent de vivre sur les fonds ou à leur voisinage. Ces espèces, dont l'ensemble
forme le benthos, sont soumises à diverses contraintes : si elles s'éloignent trop des
côtes, la nourriture manque, et, si elles y restent, il leur faut s'adapter aux
conditions locales d'éclairement, de salinité, de température et, de façon plus
large, au milieu (rocheux, sableux...).
Et ce, tout en supportant la marée qui transforme un champs de galets immobiles
en un fond aussi instable que le sable. La nature du fond marin, selon qu'il est
meuble (galets, sables, vase) ou solide (roches, substrat artificiels, épaves, coques
de navires) est déterminante. La plupart des grandes algues adhèrent ainsi aux
roches par des crampons, tandis que les plantes plus évoluées, comme les
posidonies ou les zostère, enfoncent leurs racines dans le sable ou la vase.
Des même, les animaux fixés (anémones de mer, lis de mer, moules, etc.)
prèfèrent les fonds durs, tandis que ceux qui aiment à s'enfouir (vers, coques,
poissons plats, etc.) optent plutôt pour les sols meubles. En définitive, le benthos
se répartit en deux types : les organismes vivant à la surface du fond (vie épigée) et
ceux qui se logent dans le fond (vie endogée).
Sur le fond, plusieurs options s'offrent aux habitants. Les organismes dits sessiles
vivent fixés à demeure (lis de mer, mollusques bivalves, éponges, ascidies). Pour
résister à l'assaut des vagues, ils s'accrochent : c'est la raison d'être des filaments
sécrétés par les moules, des solides crampons développés des algues, ou encore de
l'effet de ventouse que produit la patelle en adhérant à son support.
D'autres organismes rampent sur le fond ou marchent, sans jamais parcourir de
longues distances : on les considèrent comme sédentaires. Sur les fonds durs aux
eaux agitées, les formes sédentaires, à l'instar des bigorneaux, des oursins ou des
étoiles de mer, rampent littéralement collées au sol. Sur le sable ou au-dessus de la
vase, elles cèdent souvent la place à de bons marcheurs comme le crabe ou le
homard. Une troisième catégorie d'organismes (comprenant surtout les poulpes, des
crustacés comme la langouste et des poissons) se déplacent plus vite et parcourent
des distances plus grandes : ils sont dits vagiles.
Marcheurs ou nageurs, ils peuvent effectuer de véritables migrations : c'est ce que
font nombre de crustacés chez lesquels les femelles parcourent jusqu'à 200
kilomètres pour aller pondre leurs oeufs près des côtes, avant de retourner voir
leurs sédentaires mâles dans les eaux plus profondes.
Reste qu'ainsi disposées elles ont un comportement imposé, tant dans leur
alimentation que dans leur reproduction. Immobiles, elles ne pourront se perpétuer
que par l'intermédiaire de cellules sexuelles évacuées dans l'eau : leur rencontre
donnera naissance à des larves planctoniques qui devront trouver le substrat propre
à leur fixation. Pour s'alimenter, les organismes fixés ont recours à différentes
stratégies. Les mollusques bivalves utilisent leurs branchies pour filtrer l'eau, tandis
que les vers tubicoles déploient des panaches ramifiés pour retenir les particules
nutritives. Certains capturent les proies minuscules qui s'aventurent dans leurs
parages grâce à des tentacules mobiles (anémones de mer). Rien de comparable,
toutefois, à tout l'éventail qu'offre la mobilité : ceux qui rampent , marchent ou
nagent peuvent à leur guise chasser, piéger, brouter voire dévorer les cadavres qui
d'autres ont laissés.
Nombreux sont les poissons de pleine eau qui, pour se reproduire ou pour
s'alimenter , se déplacent en bancs sur des dizaines à des milliers de kilomètres.
Chez certains, c'est un rituel saisonnier. Pour d'autres, le périple s'étale sur toute
une vie, l'individu ne revenant à sont point de départ que pour donner naissance à
sa progéniture, avant de mourir. Ces migrations peuvent mener des poissons à
quitter l'eau marine pour l'eau douce, ou inversement. Mais elles peuvent aussi se
dérouler toute entières au sein de l'océan. Ainsi, les harengs demeurent-ils toujours
dans des eaux de salinité comparable. Ceux qui se reproduisent d'août à septembre
au large de l'Ecosse font ensuite cap vers le sud-ouest de la Norvège, d'autres
pondent de novembre à janvier au large des côtes françaises avant de passer l'été
dans le centre et le nord de la mer du Nord. De même, les morues des mers
arctiques descendent en hiver jusqu'au large de la Norvège, avant de remonter au
nord au printemps. Les thons vivent de plus grands changements : le thon blanc et
le thon rouge quittent au début de l'été leurs eaux chaudes natales (Açores et
Méditerranée) pour rejoindre le Grand Nord où les proies abondent. Ils ne feront
marche arrière que l'hiver venu.
Le changement est encore plus radical pour le saumon et l'anguille. Vivant en mer,
dans les eaux froides des hautes latitudes, les saumons rejoignent les côtes pour
aller pondre leurs oeufs dans les torrents de montagne. Ils doivent donc s'adapter à
de fortes modification de salinité, et s'avérer capables de remonter le courant.
Leurs alevins se laissent ensuite porter jusqu'à la mer, avant de rejoindre pour trois
ans les populations asiatiques et américaines de saumons. À leur maturité, ils
rejoignent leur rivière natale pour s'y reproduire. Les anguilles font l'inverse : elles
quittent les cours d'eau vers l'âge de 10-15 ans pour prendre la direction de la mer
des Sargasses. Là, leurs oeufs donnent naissance à de jeunes larves aplaties et
transparentes. Portées par les courants, elles se métamorphosent pour s'amassent
par millions à l'embouchure des fleuves.
Outre les poissons, des vers, des crustacés, des tortues marines et des mammifères
marins se déplacent par vagues de migrations. Celles des baleines ont été
abondamment étudiées. Passant l'été dans les eaux froides de l'Arctique ou de
l'Antarctique, elles y ingurgitent des tonnes de crevettes. Le ventre plein, et les
glaces menaçant de s'étendre, elles prennent en hiver la direction des eaux chaudes
(océan Indien, mers d'Indonésie, nord-ouest de l'Afrique, golfe d'Aden, golfe du
Bengale).