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Chapitre 3: L’Initiation et le développement de la subduction

Les zones de subduction océaniques sont définies par la présence d’une fosse océanique
profonde d’environ 5000 m à 11 000m et d’un plan de sismicité plus ou moins incliné (le plan
de Wadati-Bénioff) depuis la surface jusqu’à plusieurs centaine de kilomètre de profondeur.
On estime que 80% de l’énergie sismique actuelle est relâchée dans les zones de subduction.
Associées aux plans de sismicité profonde, des chaînes volcaniques s’alignent parallèlement
à la fosse. Ces volcans sont posés sur la bordure continentale (sur la côte Ouest de
l’Amérique du Sud, par exemple) ou bien ils forment un arc insulaire dans l’océan (l’arc des
Marianes, par exemple).

I- Structure et dynamique des zones de subduction


Sous les zones de subduction, les analyses sismologiques et gravimétriques ont
permis de mettre en évidence la présence d’une structure particulière :
- La vitesse des ondes P et S augmente fortement sur une épaisseur de 100 km.
Les écarts de vitesse sont de l’ordre de 5 à 10%. Les zones d’anomalies présentes le plus
souvent une géométrie oblique qui part de la fosse et s’enfonce dans le manteau.
- Les anomalies gravimétriques à l’air libre ont la forme d’un double pic positif-
négatif séparé par environ 150 km avec de fortes amplitudes (100 à 300 mgal). Le pic négatif
est, en général, situé sur la fosse et le pic positif sur l’arc volcanique.
Sous les zones de subduction, on interprète les fortes anomalies gravimétriques
positives comme résultant de la présence de panneaux de roches de forte masse volumique
dans l’asthénosphère. Sous la zone des Mariannes par exemple, l’étude des vitesses
sismiques, l’étude des ondes P et S permet de suivre précisément le plongement de la
lithosphère océanique Pacifique depuis la surface jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres de
profondeur (Figure 3.1).
La fosse et l’île du Japon présente le même dispositif topographique (Figure 3.2).
L’anomalie à l’air libre a la forme caractéristique liée à la fosse océanique et au plongement
de la lithosphère océanique pacifique. La répartition de la sismicité indique le sens de
plongement vers l’Ouest. Les valeurs de la vitesse des ondes P montrent que la croûte est de
nature continentale avec une épaisseur de 35 km sous l’île du Japon. Comme aux Mariannes,
on trouve une croûte de faible épaisseur présentant une vitesse sismique typique de la
croûte océanique en arrière de l’arc volcanoique.
La subduction de la lithosphère océanique est caractérisée par de nombreux
tremblements de terre superficiels et profonds de forte magnitude. Ils sont principalement
dus aux frottements le long de la zone interplaque et à la déformation interne de la plaque
plongeante et de la plaque chevauchante. Les séismes localisés dans la plaque plongeante
présentent des mécanismes soit compressifs, soit extensifs. Souvent, ces mécanismes se
répartissent suivant la profondeur (Figure 3.3). Cette répartition est en relation avec la
facilité de pénétration de la plaque dans le milieu asthénosphérique.

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On peut suivre le plongement de la lithosphère océanique dans l’asthénosphère en
observant la géométrie du plan de Wadati-Bénioff. Les pendages sont variables, depuis un
minimum de 20° (fosse de Chili) jusqu’à un maximum de 90° (fosse des Mariannes). Dans les
zones de subduction, la convergence des plaques est absorbée par le passage d’une plaque
sous l’autre. Le glissement des plaques, l’une contre l’autre, s’exprime par des déformations
très variées dans les fosses océaniques.

II- La subduction de la lithosphère océanique


L’évolution thermique de la lithosphère océanique la conduit à s’épaissir et à
devenir plus dense que l’asthénosphère au fur et à mesure qu’elle s’écarte de la dorsale. A
partir d’un certain poids, donc d’un certain âge, la lithosphère océanique a tendance à
s’enfoncer dans l’asthénosphère : c’est la croûte océanique moins dense que
l’asthénosphère, qui force la lithosphère à rester en surface et c’est l’épaississement
progressif du manteau lithosphérique qui est à l’origine de la subsidence.
On peut calculer simplement un ordre de grandeur de l’épaisseur de lithosphère
nécessaire à l’initiation de la subduction à partir de la condition de flotabilité : le poids d’une
colonne de lithosphère doit être égal au poids d’une colonne d’asthénosphère. Pour une
lithosphère. Pour une lithosphère d’épaisseur hL avec une épaisseur de croûte océanique hco,
l’équilibre s’exprime par : ( ) ( ) ( ) dont on peut déduire le
rapport
Avec les quantités ρco = 2,9.103 kg.m-3, ρa = 3,35.103 kg.m-3, ρm = 3,41.103 kg.m-3,
on trouve
Par conséquent, si la croûte océanique a une épaisseur supérieure à 12% de la lithosphère,
celle-ci a tendance à flotter. En l’absence de force aux limites des plaques, la subduction ne
peut donc s’initier que si la croûte représente au maximum 12% de la lithosphère. Pour une
croûte océanique de 6 km il faut que l’épaisseur totale de lithosphère atteigne au moins 50
km. L’épaisseur de la croûte océanique étant fonction de son âge et sa vitesse d’éloignement
de la dorsale, e moyenne l’épaisseur critique permettant l’initiation de la subduction est
atteinte pour une lithosphère océanique d’environ 50 Ma. Dans tous les cas, la tendance à la
subduction augmente avec l’âge de la lithosphère puisqu’elle s’épaissit avec le temps.

III- Structure thermique et devenir de la plaque plongeante


Dans les fosses de subduction, le flux de chaleur est faible, de l’ordre de 50 mW.m-2,
contrairement au front volcanique où l’on mesure plus de 100 mW.m -2 au-dessus de l’arc
volcanique et du bassin arrière arc (cf. Fig. 3.3). Ce fort flux de chaleur correspond à une
source magmatique proche de la surface qui alimente les arcs volcaniques (volcanisme de
nature calco-alcalin dû à la déstabilisation thermique et chimique du manteau dans lequel
plonge la lithosphère). Sous le bassin arrière arc, le flux de chaleur élevé est relatif à la
diminution d’épaisseur de la lithosphère et à la présence éventuelle d’une dorsale océanique
active.

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Une des conséquences de la subduction est l’introduction des matériaux froid (la
lithosphère) dans un milieu chaud (l’asthénosphère). En effet, la rigidité, la forte masse
volumique et le comportement sismogène de la lithosphère océanique dans les zones de
subduction résulte de sa faible température par rapport aux matériaux asthénosphériques.
La subduction provoque donc un déséquilibre thermique qui a été imagé en modélisant la
forme prise par les isothermes autour de la plaque plongeante (figure 3.4). Le
réchauffement des matériaux lithosphériques se produit par conduction jusqu’à l’obtention
d’une température homogène. Du fait de la mauvaise conductivité thermique des roches, la
lithosphère plongeante ne se réchauffe que très lentement. Cette inertie thermique permet
le maintien des caractéristiques rhéologiques de la lithosphère qui conserve un
comportement cassant jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres de profondeur, attesté par
la présence de séisme à très grande profondeur.
Le modèle thermique suggère que l’équilibre entre l’asthénosphère et la plaque
plongeante n’est pas encore réalisée à 800 km de profondeur car on observe toujours un
contraste de température supérieur à 700°C (Cf. figure 3.4). Mais le réchauffement est alors
suffisant pour que les matériaux de la lithosphère plongeante adoptent un comportement
ductile et qu’il n’y ait plus de sismicité au-delà de 700 km de profondeur. La longueur du
panneau sismogène serait principalement fonction de la vitesse de subduction et de
l’épaisseur de la lithosphère océanique. Ainsi, les fortes variations de vitesse de convergence
et d’âge de la lithosphère océanique permettraient d’expliquer les différences de longueur
des plans de sismicité d’une zone de subduction à l’autre.

IV Deux types de subduction océanique


Le régime de déformation observé dans la plaque supérieure est souvent fonction de l’angle
de plongement de la plaque inférieure. D’une manière générale, les subductions de type
Mariannes (le plus souvent caractérisés par une forte inclinaison du plan de Bénioff)
présentent un arc volcanique séparé des continents par un petit bassin océanique qualifié de
bassin marginal ou arrière-arc (Figure 3.5). Bien que les plaques soient en convergence, ce
dispositif ne peut s’expliquer que par un régime tectonique en extension dans la plaque
inférieure. Par contre les marges de type Chili (Plan de Bénioff à faible inclinaison) sont
caractérisé par un arc volcanique posé sur une croûte continentale où se développe une
chaîne de montagne (la cordillère des Andes par exemple). On y observe des séismes
progressifs de forte magnitude supérieure à 7,5. Dans ce cas, la plaque supérieure est en
régime tectonique compressif. Ces deux types extrêmes de subduction résulteraient de
l’influence conjointe de deux paramètres :
- L’âge de la lithosphère océanique plongeante : L’analyse des différentes zones de
subduction montre une corrélation entre l’âge de la lithosphère en subduction et son
inclinaison dans l’asthénosphère. Ex : 150 Ma pour la lithosphère Pacifique dans la fosse des
Mariannes et 40 Ma pour la plaque Nazca dans la fosse du Chili. On suppose ainsi qu’une
lithosphère jeune en raison d’une masse trop faible, résiste à la subduction et reste au
contact, juste sous la plaque supérieure, tandis qu’une lithosphère âgée, plus épaisse donc
plus lourde, plonge plus facilement dans l’asthénosphère. Dans le cas de la fosse du Chili, il
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existe une grande zone de couplage mécanique entre les plaques : les contraintes
compressives dues à la convergence sont efficacement transmises à la plaque supérieure.
Dans le cas de la fosse des Mariannes, par contre, la surface de couplage mécanique entre
les plaques est plus faible et peut même aboutir au retrait de la fosse et de l’arc vers la
plaque plongeante entrainant la plaque supérieure dans un régime tectonique extensif
favorisant le développement d’un bassin marginal en arrière de la subduction (Cf fig. 3.5).
- Le sens du fluage asthénosphérique : l’asthénosphère est brassée par de grands courants
de convection. Suivant le sens de transport de matière, ces courants auront tendance à
augmenter ou diminuer le pendage de la lithosphère plongeante.

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Figure 3.1 : Structure superficielle de la zone de subduction des Mariannes (vers 17°N). Ce schéma a été établi
à partir des données de vitesse des ondes P et des relevées bathymétriques. Les numéros associés à
une flèche correspondent aux puits de forage du leg DSDP-60.

Figure 3.2 : Données géophysique le long d’une coupe transversale à la zone de subduction du Japon vers 40°N.
(a) Topographie, (b) structure crustale déduite de la vitesse des ondes P, (c) Anomalie à l’air libre, (d)
mesure du flux de chaleur, (e) foyer des principaux tremblements de terre (la zone hachurée
correspond à la position possible du contact interplaque) (f) Carte des isobathes du toit de la plaque
pacifique plongeant sous le Japon, les flèches indiquent la direction de convergence de la plaque
pacifique et de la plaque Mer des philippines par rapport au Japon fixe, les triangles représentent les
chaînes calco-alcalines et les traits gras les frontières de plaques.

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Figure 3.3 : Modèle de distribution des contraintes dans une plaque océanique passant en subduction. . Les
profondeurs sont indicatives et peuvent varier suivant les zones. (a) la résistance et la forte densité de la
lithosphère océanique sont à l’origine de l’initiation d’une zone de subduction qui se caractérise par des
séisme en extension au niveau de la zone de flexure et dans les premières centaines de kilomètres de
l’asthénosphère (la plaque a tendance à plonger dans l’asthénosphère sous son propre poids) et par des
séisme en compression dans la zone de friction interplaque. (b) et (c) à partir d’une certaine profondeur
le contraste de densité entre les matériaux lithosphérique et asthénosphérique devient moins important
et l’enfoncement de plus en plus difficile de la plaque se manifeste par une sismicité en compression qui
remonte le long du panneau plongeant (effet de blocage). (d) Dans certains cas, une rupture du panneau
plongeant pourrait expliquer les lacunes de sismicités observées en profondeur dans certaines zones de
subduction.

Figure 3.5 : Les deux types de subduction océanique (type Mariannes et type Chili) sont caractérisés par le
pendage de la lithosphère océanique plongeante et le degré de couplage mécanique entre la plaque
inférieure et la plaque supérieure. Le couplage est faible dans le cas des Mariannes, la plaque
supérieure est en régime extensif et la tendance est à l’ouverture d’un bassin arrière-arc. Le
couplage est fort dans le cas du Chili, la plaque supérieure est en régime compressif.

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Figure 3.4 : Modèle de structure thermique pour une lithosphère océanique en subduction. La variation de
température avec l’enfoncement du panneau plongeant est calculée à partir des équations de
conduction de la chaleur d’un milieu chaud 8l’asthénosphère) vers un milieu froid (la lithosphère)
pour une plaque plongeant d’épaisseur 125 km, avec une inclinaison de 45°C, une vitesse de
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convergence de 80 mm.an et un dégagement de chaleur par friction dans la zone interplaque. En
dehors de la zone de subduction, les plaques supérieure (continental) et inférieure (océanique) sont
soumises à un géotherme moyen. L’invagination des isothermes qui suivent la forme de la plaque
plongeante est caractéristique de l’introduction de matériaux froids dans l’asthénosphère. Les
isothermes des transitions de phases olivine/spinelle et spinelle/oxyde des minéraux du manteau
supérieur ont été figurées à 1600°C et 1700°C.

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Les zones de subduction de type Mariannes (convergence océan-océan)

 Une fosse profonde (jusqu’à 11 km de profondeur) qui subducte de la croûte


Jurassique, vieille et froide.
 Un plan de Wadati-Benioff très incliné.
 Des grabens dans la zone de flexure.
 Extension et accrétion arrière-arc.
 Davantage de tremblements de terre dans la plaque plongeante que dans la
plaque chevauchante.
 Le volcanisme est rarement explosif.
 Le volcanisme extensif arrière-arc est généralement basaltique, avec peu de
sites andésitiques.
 Peu ou pas de prisme d’accrétion au niveau de la fosse.

Les zones de subduction de type Chili (convergence océan-continent)

 Fosse moins profonde (jusqu’à 6 km) qui subducte de la croûte plus jeune et
donc plus chaude.
 Un plan de Wadati-Benioff présentant un pendage faible jusqu’à des
profondeurs de 200 km, puis un pendage plus incliné dans la partie plus
profonde du manteau sous le gap sismique.
 Présence de nombreux chevauchements dans la plaque supérieure.
 Pas de zone arrière-arc en extension (compression dominante).
 Des tremblements de terre plus fréquents et de plus forte énergie dans la
plaque chevauchante que dans la plaque plongeante.
 Le plutonisme est dominant par rapport au volcanisme.
 Le volcanisme est généralement andésitique-dacite-rhyolitique, les basaltes
sont beaucoup plus rares. Des éruptions volcaniques violentes, présentant des
laves de forte viscosité avec cônes d'éjection de grande taille.
 La croûte continentale est épaisse (environ 70 km), et diminue peu à peu vers
la fosse pour atteindre environ 10 km

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