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A. BEKKOUCHE
Département de Génie Civil, FSI, Université Aboubakr Belkaïd-Tlemcen, Algérie
A. DJEDID
Département de Génie Civil, FSI, Université Aboubakr Belkaïd-Tlemcen, Algérie
S. M. AISSA MAMOUNE
Département de Génie Civil, FSI, Université Aboubakr Belkaïd-Tlemcen, Algérie
RESUME: Pour les praticiens, comprendre le mécanisme fondamental qui provoque le gonflement des argiles est se-
condaire, par contre, soupçonner au préalable le caractère gonflant d’une formation et pouvoir ensuite obtenir rapi-
dement des estimations de la pression et de l’amplitude de gonflement serait d’un grand intérêt économique puis-
qu’elles permettent de mieux orienter les reconnaissances et informent les concepteurs sur le type de fondation à
adopter. Le présent travail s’inscrit dans le cadre de l’identification tant qualitative que quantitative des paramètres de
gonflement des argiles. On se penchera essentiellement sur la mise en place d’outils pratiques, facilement utilisables
par le concepteur, lesquels seront ensuite testés et appliqués pour le cas des argiles du groupement de Tlemcen. La
mise en place de ces outils est basée sur une multitude de procédures tels que les essais au laboratoire, traitement de
l’information et le Système d’Information Géographique. Les résultats obtenus sont très révélateurs quand à l’aspect
gonflant des argiles du groupement de Tlemcen. En effet, les outils d’identification et d’estimation présentés sous
forme d’abaques ou de carte thématique permettent d’une part d’identifier l’aspect gonflant des argiles et d’autre part
de donner au concepteur les moyens pour une réelle prise en compte de ce phénomène.
Les monts de Tlemcen (sud du groupement) sont Pour atteindre cet objectif, l’approche adoptée ne
constitués de terrains principalement carbonatés d’âge s’est pas limitée à une description qualitative du milieu
jurassique supérieur. Ces derniers sont en contact avec dans ces différents aspects (géomorphologie, géologie,
des sédiments marneux à passages gréseux d’âge mio- climatologie, géotechnique, etc.). En effet, un certain
cène au niveau du bassin versant de Tlemcen. Cette nombre d’informations telles que les cartes géologi-
région est caractérisée par une tectonique cassante ques et les coupes de sondage et puits ont été recueil-
dont les terrains rigides d’âge jurassique qui se subdi- lies auprès du Laboratoire des Travaux Publiques de
visent en diverses formations selon leurs nomenclatu- l’Ouest (LTPO-Unité de Tlemcen) et ce en plus des
res : travaux universitaires. Nous avons constitué une ban-
que de données géotechniques (345 points
− Les grés de Sidi Boumediene.
− Les dolomies de Tlemcen. d’information) qui concernent essentiellement les for-
− Les marnes de Raouri. mations meubles qui entourent l’ancienne ville de
− Les calcaires de Lala Setti. Tlemcen (de Chetouane à Mansourah passant par El
− Les dolomies de Terni. Kiffane et Imama, Voir Fig. 1).
On distingue aussi des terrains tertiaires qui se compo-
sent d’une alternance de marnes dominantes et de ni-
veaux gréseux plus ou moins épais attribués au mio-
Tableau 1. Résultats de l’analyse statistique effectuée sur les paramètres géotechniques du groupement.
Prof. D50 D60 Dmax %<2µm %<80µm IP WL
(m) (mm) (mm) (mm) (%) (%)
Observations 344 344 344 344 344 344 344 344
Minimum 0 0 0 0 20 0 4 20
Maximum 16 40 50 80 100 100 61 100
Moyenne 6,044 0,477 0,84 16,015 87,677 67,061 20,34 45,265
Ecart type 3,787 3,052 4,276 12,547 15,084 18,673 10,065 13,824
Figure 1 : Carte géotechnique du groupement Tlemcen-Mansourah-Chetouane
tance ni de tassements. Seulement, les travaux de ter-
Le tableau ci-dessus (Tab. 1) regroupe les principaux
rassement et de viabilisation sont très pénibles et re-
paramètres pris en compte pour l’élaboration de cette
viennent chers. En plus l’utilisation de moyens
carte ainsi que quelques éléments de l’analyse statisti-
mécaniques lourds peut déranger les structures déjà
que.
réalisées.
D’après la banque de données, et par recoupement de 2.3 Caractéristiques des marnes de Tlemcen
l’information avec la carte géologique, six catégories
de sol sont mises en évidence : La carte géotechnique laisse clairement apparaître que
la ville de Tlemcen est construite sur des formations
Catégorie 1 : La première catégorie de sol mis en évi- hétérogènes entourées par des formations marneuses.
dence sont les formations marneuses dont la profon- Or, ce sont sur ces dernières formations que la ville
deur dépasse souvent les 30 mètres. Pour ces forma- s’est étendue ces dernières années. Cette extension a
tions, il y a lieu de s’attendre à ce qu’il y ait : été réalisée sans qu’aucune étude n’ait été menée au
− des tassements instantanés et par consolidation, préalable pour comprendre le comportement de ces
− des tassements par modification de la structure du marnes; ce qui explique en partie les désordres consta-
sol, tés sur certaines structures. Ces marnes, principales
− du retrait et du gonflement liés à l’aspect expansif formations de toute la région de Tlemcen, ont été à
des marnes, l’origine de certains désordres constatés en des en-
− des glissements pour les terrains en pente.
droits et des localités plus ou moins éloignés du grou-
Catégorie 2 : La deuxième formation principale mise pement : La route nationale 7A à Bab El Assa (78
en évidence est constituée d’alluvions dissoutes des- km), bâtiments d’habitation à Sidi Abdelli (35km),
quelles s’étend une formation marneuse ou gréseuse. A école à Oum El Allou (Nédroma, 60 km), etc.
cause de la bande très hétérogène de ces formations,
les fondations doivent être ancrées au-delà des cou- Dans la zone du groupement, les marnes se trouvent en
ches alluvionnaires. contact avec les grés et entre les deux se crée un ré-
gime d’écoulement souterrain qui engendre une disso-
Catégorie 3 : Les éboulis constituent la troisième for- lution du calcaire des formations rocheuses et son dé-
mation. Sachant que ces derniers sont sujets à des tas- pôt dans les marnes. Ceci a conduit à la formation
sements importants s’ils sont chargés, il faudra donc d’une zone très hétérogène pour laquelle les lois et
ancrer les fondations là aussi au-delà de cette couche. modèles de la mécanique des sols sont difficilement
applicables. Cette zone concerne toute la bande reliant
Catégorie 4 : Des formations de grés tortoniens ont été la zone industrielle au champ de tir (quartier El Kif-
aussi mis en évidence. Ces formations ne posent pas fane). D’ailleurs les désordres survenus dans ce quar-
de problème de portance ou de tassement, mais tier ont tous été attribués à l’hétérogénéité du sol.
contiennent localement des poches de marnes dont il
faudrait identifier le régime hydrogéologique. Dans ce qui suit, on s’intéresse à l’étude du caractère
gonflant de ces marnes, à leurs localisations et enfin au
Catégorie 5 : Les données ainsi que les observations traitement de l’information pour l’analyse de la variabi-
visuelles ont permis de déceler la présence de talwegs lité spatiale des paramètres de gonflement.
dont certains tronçons sont enfouies sous des cons-
tructions. Les talwegs sont remplis d’alluvions et ser-
vent donc de drains naturels. Ils sont le siège d’une
3 ANALYSE STATISTIQUE DES DONNEES
convergence des écoulements. Ceci peut conduire à GEOTECHNIQUES
une érosion régressive entraînant les fines particules et
il y aura donc risque de modification de la structure du Une étude statistique est appliquée aux données des
sol. Pour cela et pour certains projets, des drains filtres sols étudiés. En premier lieu, les paramètres statisti-
sont à prévoir. ques de la série de données sont déterminés. Cette
étape nous permet de définir et d’élaborer les modèles
Catégorie 6 : La géologie de la région fait que le grou- des lois de probabilités pour chaque variable. Afin de
pement contient aussi des formations rocheuses. Ces compléter l’analyse statistique des données, une ana-
familles de sol ne présentent ni des problèmes de por- lyse en composante principale est effectuée et ce dans
le but de tester la fiabilité des observations pour Enfin, un examen détaillé de ces résultats montre que la
l’estimation de la pression et l’amplitude de gonfle- majorité des variables présente des coefficients de va-
ment. (Aissa Mamoune, 2002) riation compris entre 0.055 pour le degré de saturation
et 1.207 pour l’amplitude. Ce résultat est en conformi-
Un certain nombre de paramètres statistiques a été dé- té avec les facteurs provoquant des erreurs de mesures
terminé afin de tester la représentativité par variable. par type d’essais au laboratoire. A titre d’exemple, on
Les résultats obtenus sont regroupés dans le tableau 2. remarque que le coefficient de variance relatif au pour-
En examinant la moyenne des variables, on remarque centage des fines (0.34) est nettement inférieur à celui
que la présence des minéraux argileux est importante de l’indice de plasticité (0.646), qui confirme la diffi-
du fait que la moyenne des éléments inférieurs à 2µm culté de la détermination des limites d’Atterberg par
est supérieure à 50% (53.083%) et la moyenne de la rapport à l’analyse granulométrique. De plus, on re-
valeur du bleu est supérieure à 2 (6.415) avec des marque la difficulté de la mesure de l’amplitude de
coefficients de variation très faible de l’ordre de 0.3 gonflement par rapport à la mesure de la pression par
(0.34 et 0.295 respectivement). Par ailleurs, l’examen le fait que le coefficient de variance de l’amplitude
des coefficients d’aplatissement montre que la majorité (1.207) est supérieur à celui obtenu pour la pression
des variables présentent des nuages non étendus sauf (0.713), ce qui nous ramène à adopter des modèles
pour la limite de liquidité et l’amplitude. De plus, on prévisionnels semi-logarithmiques afin de réduire le
remarque que le coefficient d’asymétrie est négatif coefficient de variance (de 1.207 à 1.044 pour
pour 7 variables et positif pour les autres. On ne peut l’amplitude). (Aissa Mamoune, 2002).
se prononcer sur une tendance générale quant à la po-
sition du pic (plus haute fréquence) par rapport à la
moyenne.
Toujours sur la base des résultats des 270 essais de Pour l’amplitude du gonflement, les modèles retenus
gonflement cités auparavant, Vijayvergiya et Ghazzaly sont:
proposent les corrélations suivantes :
log Sp= - 0,008 Z + 0,27 A – 0,02 TCa + 0,016 Sr –
0,16
log S p = 1 ( 0,096 WL −0,12 Wn + 2,10)
12
log Sp= – 0,1 Z + 1,06 A + 0,22 γd – 0,04 Wn + 0,82
log S p = 1 ( 0,877 γ d +0,117 WL −0,253)
19,5 Pour la pression du gonflement, les modèles retenus
sont:
où γd est en pcf, WL et Wn sont en décimale et Sp en
%. log ps = 0,01 Ip+ 1,26 γd – 0,008 Wn – 0,1 M –
2,179
Le gonflement libre, obtenu à partir des modèles ci-
dessus, peut être réduit dans le cas où le sol serait log ps = – 0,001 Wn Ip + 0,024 WL + 0,1 M –
0,713
log ps = 0,006 Ip + 1,21 γd – 0,013 WR + 0,11 M – d’Information Géographique (SIG). Cette technique,
1,97 largement utilisée dans le traitement et la visualisation
des informations de paramètres physiques, permet de
Dans les relations ci-dessus, A, C, Z, Wn, WR, WL, mettre en place sur un support graphique les outils
γd, Ip et TCa représentent respectivement l’activité, la d’appréciation nécessaires à l’urbaniste.
teneur en argile (en %), la profondeur (en m), la teneur
en eau naturelle (en %), la limite de retrait (en %), la A partir du recoupement des cartes géologique et géo-
limite de liquidité (en %), le poids volumique sec (en technique (Fig. 1), nous avons localisé la présence des
kN/m3), l’indice de plasticité et la teneur en carbonate sols expansifs au niveau du groupement (voir Fig. 2).
de calcium (en %). Le paramètre M est un facteur qui
caractérise le poids de la procédure utilisée pour me- Pour une meilleure appréciation de la variabilité de la
surer le paramètre en question (Balu, 1987). Ce para- pression et l’amplitude de gonflement au niveau du
mètre est égal à 1 pour la procédure du gonflement li- groupement, nous avons utilisé les mesures des para-
bre, à 2 pour la procédure du gonflement à volume mètres effectuées au niveau des différents sondages.
constant (DTU 11.1), à 3 pour la procédure du gon- L’analyse de ces données par le biais d’un logiciel de
flement sous contrainte constante (AFNOR), à 4 pour SIG (MapInfo) nous a permis de dresser les cartes de
la procédure du gonflement à volume constant (LCPC) variations de la pression (Fig. 3) et l’amplitude (Fig. 4)
et à 5 pour la procédure avec variation de volume de gonflement au niveau des couches localisées.
(LCPC).
L’analyse de ces deux cartes montre que la pression
Pour la pression de gonflement, les modèles proposés de gonflement varie entre 4 et 8,5 bars alors que
semblent être représentatifs puisque les valeurs obte- l’amplitude varie de 8 à 14 %. Ces deux résultats
nues sont assez voisines de celles mesurées directe- confirment l’analyse qualitative présentée ci-dessus
ment. Ils peuvent donc servir pour obtenir des valeurs dans le sens où les différentes marnes du groupement
approchées de la pression de gonflement de sites dont sont fortement gonflantes. A titre d’exemple, le site de
les propriétés physiques sont comparables. Mansourah présente une pression allant de 6 à 8 bars
avec une amplitude de 11% ce qui induit un risque as-
Pour l’amplitude du gonflement, les résultats des mo- sez important pour les constructions existantes et pro-
dèles restent discutables à cause des écarts constatés jetées.
entre les mesures directes et les calculs. Ces écarts
peuvent avoir comme origine le type de chargement Par ailleurs, un examen détaillé de ces deux cartes
(soit le piston seul, soit le piston et le poids des terres). montre que l’extrême Nord du groupement présente
une pression de gonflement de 4 bars et une amplitude
moyenne de 13 %. Cette même amplitude a été obte-
5 LOCALISATION ET VARIATION DES nue à l’Est du groupement mais avec une pression
PARAMETRES DE GONFLEMENT AU moyenne de 6 bars. Cette différence peut être expli-
NIVEAU DU GROUPEMENT quée par :
− La faible variation de l’amplitude au niveau du
L’élaboration d’une carte de localisation des sols ex- groupement,
pansifs au niveau du groupement a un grand ni térêt − L’influence de la procédure utilisée pour la mesure
dans la compréhension des nombreux dommages en- de la pression de gonflement.
registrés et la projection de nouveaux projets. A cet
effet, nous avons utilisé la technique de Système
Figure 2 : Localisation des sols gonflants au niveau du groupement
7 BIBLIOGRAPHIE