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Traité moderne de

ponctuation / par Jacques


Damourette

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Damourette, Jacques (1873-1943). Auteur du texte. Traité
moderne de ponctuation / par Jacques Damourette. 1939.

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TOUS DROITS DE REPRODUCTION,
DE TRADUCTION, D'ADAPTATION ET D'EXECUTION
RÉSERVÉS POUR TOUS PAYS.

Copyright 1939
BY AUGÉ, GILLON, ROLLIER-LAROUSSE, MOREAU ET CIe
(Librairie Larousse), Paris.
AVANT-PROPOS

Considérons ces deux passages :


Les phénomènes de nutrition qui se passent dans le
muscle sont différents suivant qu'il est en repos ou en
activité.
(P. Caustier, Anatomie et Physiologie animales
et végétales, p. 194.)
Les fonctions de la vie végétative peuvent aussi être
réparties en deux groupes : a) les fonctions de nutri-
tion, qui assurent la conservation de l'individu
(Id., ibid., p. 23.)
Dans le premier passage, les phénomènes de nutri-
tion envisagés sont, parmi d'autres phénomènes du
même genre, ceux qui se passent dans le muscle. La
proposition relative qui se passent dans le muscle con-
court à la détermination de Les phénomènes de nu-
trition.
Dans le second passage, les fonctions de nutrition
sont considérées en général, puis on ajoute un rensei-
gnement sur leur rôle. La relative ne concourt pas à
la détermination de les fonctions de nutrition.
Pourquoi pouvons-nous faire, dès le premier abord,
la distinction importante du rôle de chacune des deux
relatives dans ces phrases? C'est que, dans la première,
il n'y a pas de signe de ponctuation après nutrition,
tandis que, dans la seconde, il y a une virgule après
ce mot.
Placez une virgule avant la relative de la première
phrase, l'on comprendra aussitôt que le siège ordi-
naire des phénomènes de nutrition est le muscle. Sup-
primez, au contraire, la virgule de la seconde phrase;
il semblera qu'il s'agisse non des fonctions de nutrition
en général, mais de celles d'entre elles qui assurent
la conservation de l'individu. La présence ou l'ab-
sence d'une virgule bouleversera, dans un cas comme
dans l'autre, le sens du passage considéré.
Cette analyse sommaire montre du premier coup
d'oeil l'importance de la ponctuation, et de la bonne
ponctuation.
La mauvaise ponctuation, en effet, peut conduire à
des erreurs graves, et même à des bouffonneries.
Le Mercure de France a placé dans son Sottisier
(rr août 1937, p. 670) une phrase où une virgule
mise mal à propos donne un sens bouffon :
Un homme de quatre-vingts ans, combien plus oc-
cupé que vous, vient d'accomplir ces chefs-d'œuvre que
sont les encycliques contre l'Allemagne révoltée, con-
tre l'Eglise et contre le communisme. — Le Nouvel-
liste de Lyon, 5 juillet.
Il est évident qu'il faut lire l'Allemagne révoltée
contre l'Eglise, le saint-père n'ayant certes pas dirigé
d'encyclique contre l'Eglise, dont il est le chef visible.
Donc, un simple petit signe, mis en due place ou
omis alors qu'il est nécessaire, renseignera le lecteur
sur l'intention de l'auteur. S'il lit des yeux, pour lui
seul, il apprendra quelle est la manière dont l'auteur
a voulu que sa phrase fût débitée; s'il lit à haute
voix, pour un ou plusieurs auditeurs, il reproduira
ce débit.
Or, à côté des vocables et des formes convenables,
à côté des tours syntactiques expressifs, ce débit a
un grand rôle dans le langage. Si nous écoutons un
Français parler, nous nous rendrons compte de toutes
les ressources que lui offrent la mélodie et la cadence
de sa langue. Un texte écrit manque de toutes ces
ressources, et le rôle de la ponctuation est de sup-
pléer à ce manque en donnant des indications aussi
précises que possible, permettant de reconstituer ce
mouvement vivant de l'élocution orale.
Il ne faut pas se dissimuler, d'ailleurs, que ces
renseignements donnés par la ponctuation sont som-
maires, et même assez souvent insuffisants. C'est un
défaut que la ponctuation partage avec l'ensemble de
l'écriture, dont elle est une partie. Le groupement des
lettres, tel qu'il existe actuellement dans notre ortho-
graphe, ne nous permet que bien rarement de savoir,
en dehors de la tradition orale, quelle est la bonne
prononciation d'un mot. De même, selon l'occurrence,
tel ou tel signe de ponctuation prend telle ou telle
valeur. Il faut observer toutefois que la ponctuation
a fait, principalement au cours du XIXe et du Xxe siè-
cle, des progrès plus grands que ceux de l'orthographe.
En effet, celle-ci est loin de s'être débarrassée de toutes
les lettres factices, toujours superflues et parfois nui-
sibles pour la conservation de la bonne prononciation,
qui l'avaient envahie sous l'influence des praticiens
et des pédants; la ponctuation, au contraire, si elle
n'a pas innové, a su répartir ses ressources mieux que
par le passé.
C'est son état présent qui va être exposé dans ce
volume. Les exemples qu'on y trouvera appartien-
dront à la langue de nos jours. Prendre des exem-
ples dans des ouvrages plus anciens constitue une
imprudence. Il ne faut pas perdre de vue, comme cer-
tains l'ont fait trop souvent, que les ouvrages de l'épo-
que classique sont généralement mis sous les yeux du
public dans des éditions dont les formes graphiques
ont été plus ou moins profondément remaniées : la
ponctuation, particulièrement, y est très souvent pro-
fondément changée. C'est induire le lecteur en erreur
que de lui donner comme application d'une habitude
de ponctuation telle phrase de La Fontaine, laquelle,
dans les éditions contemporaines de notre fabuliste
classique, présentait un tout autre aspect. Il y a là
quelque chose de pénible, analogue à la fâcheuse habi-
tude de prendre pour faire faire des dictées aux enfants
des textes dont la reproduction authentique leur vau-
drait de se voir compter des « fautes » (le Pan se
plaignant à Junon, le Païsan du Danube, les Deux
Avanturiers et le"Talisman, etc.); ex. :
L'Enfant luy crie, Au secours, je peris.
(La Fontaine, Fables choisies mises en vers, I, xix ;
l'Enfant et le Maistre d'école; éd. de 1678.)
En dehors de son utilité linguistique, qui est pri-
mordiale, la - ponctuation a aussi une utilité secon-
daire : sociale.
En effet, un texte bien ponctué est beaucoup plus
facilement accessible qu'un texte qui l'est mal ou qui
ne l'est pas. Par conséquence, tel destinataire d'une
lettre importante, tel examinateur lisant une copie,
tel chef d'entreprise prenant connaissance d'un rap-
port, etc., sera mieux disposé en faveur du scripteur
dont le déchiffrement lui aura donné moins de mal;
et, de plus, l'exactitude dans cette matière est l'indice
d'un esprit attentif et soigneux. Donner de soi une
telle impression est souvent d'une application pratique
dans la vie.
On peut en dire autant d'une bonne accentuation,
et ce rapprochement suffit à expliquer que l'on ait
joint ci-dessous l'étude des accents à celle des signes
de ponctuation.
CHAPITRE PREMIER

Classification des signes de ponctuation.


1. La langue parlée a, entre autres ressources expres-
sives, comme éléments :
10 L'intensité, qui fait que certaines des voyelles sont
émises avec plus ou moins de force. C'est ce qu'on
nomme communément 1'« accent tonique ». Nous ne
nous occuperons pas pour le moment de cet élément,
auquel ne correspond pas de signe de ponctuation
proprement dit. Nous aurons à jeter un nouveau coup
d'œil sur cette question quand nous étudierons les
signes nommés accents (aigu, grave, circonflexe) [§ 42].
V. également au trait d'union (§ 35).
2° Les pauses,' qui sont des arrêts plus ou moins
prolongés de la voix dans le débit; ex. :
C'était, comme on pense, à une sorte de franc-
maçonnerie tacite entre Seldron et Taraval que cette
protection était due. Elle suffisait pour que beaucoup
d'hostilités fussent paralysées.
(P. Bourget, l'Irréparable, p. 39.)
La voix s'arrête entré était et comme, entre pense
et à, moins longtemps qu'entre due et Elle. C'est ce
qu'indiquent respectivement la virgule et le point.
3° La mélodie, qui fait qu'on prononce les diffé-
rentes voyelles sur des notes plus ou moins hautes,
ou que l'on énonce une phrase ou un membre de
phrase avec une intonation caractéristique.
Composons par exemple ces deux phrases :
Je songe à la princesse Maleine.
(Maeterlinck, la Princesse Maleine, II, vi.)
Vous connaissez la princesse Maleine?
(Id.,ibid.)
La dernière voyelle en exercice (notée ei) de Ma-
leine est dite dans la première phrase sur une note
beaucoup plus basse que dans la seconde. De plus,
dans l'une et l'autre phrase, tout concourt à ce but.
L'intonation énonciative de la première phrase est rem-
placée dans la seconde par une intonation interrogative,
que note le point d'interrogation.
Soit aussi ce passage :
Mais cet impérieux adolescent n'a qu'à paraître
pour conquérir.
« J'exige deux grâces, dit-il, l'une de servir à mes
dépens, l'autre de servir comme volontaire. »
(J. Delteil, La Fayette, IV, p. 60.)
Alors que tout ce qui précède les guillemets se
dit sur un ton posé de récit, tout ce qui est compris.
entre lesdits guillemets se dit sur un ton injonctif.
L'ouverture des guillemets indique le changement qui
s'opère dans l'élocution.
2. On peut donc classer les signes de prononciation
en deux groupes, selon leurs fonctions principales.
Le principal rôle des signes du premier groupe est
de marquer les pauses. On peut donc les appeler
signes pausaux.
Ce groupe comprend :
La virgule (,), le point (.), le point-et-virgule (;).
3. Le principal rôle des signes du second groupe
est de marquer la mélodie. On peut donc les appeler
signes mélodiques. Ce groupe comprend :
Les deux-points (:)
Le point d'interrogation (?)
Les guillemets («»)
Le point d'exclamation (!)
Les points de suspension (...)
Les parenthèses (() )
Les crochets ([])
Le tiret (—)
On y joindra le trait d'union (-) [v. § 35].
4. D'autres signes pourront aussi prendre une va-
leur d'expression : l'alinéa, l'emploi des lettres majus-
cules, l'emploi des différents œils dans les caractères
d'imprimerie, à côté du soulignage simple ou multiple
et de l'emploi dans les textes manuscrits de caractères
de différentes formes et même de différentes couleurs
(rubrique).
Mais il importe de remarquer que, quelle que soit
la commodité de notre classification pour exposer les
faits, les signes de ponctuation ont tous, en tant qu'ils
sont placés auprès des membres de phrases, une valeur
à la fois pausale et mélodique.
CHAPITRE II

Signes pausaux.
I. — LA VIRGULE
5. La virgule a deux rôles principaux :
1° Elle représente les petites pauses qui se produisent
entre des termes jouant dans le discours le même
rôle grammatical;
20 Elle représente les petites pauses qui séparent,
dans une phrase, certains compléments qui ne sont
attachés que d'une manière assez lâche aux termes
auxquels ils se rapportent.
6. Les termes jouant dans le discours le même rôle
grammatical, et que de petites pauses marquées par
des virgules séparent, peuvent être de diverses natures :
A. Un premier groupe comprend des phrases entières
juxtaposées, constituées de diverses manières :
1° Des verbes à un mode personnel, qui peuvent ou
non avoir leur cortège de compléments (propositions
coordonnées); ex. :
On m'a demandé un médecin intelligent, je vous ai
sous la main, je vous prends.
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Balesvre, III, 4, p. 158.)
Et il marchait, marchait, marchait.
(A. Giron,
les Cinq Sous dîlsaac Laquédem, I, p. 21.)
2° Des phrases sans verbe (phrases nominales) ; ex. :
Plus de larmes, plus de sanglots.
(J. et J. Tharaud,
la Vie et la Mort de Déroulède, p. 170.)
3° Des termes non verbaux, formant, accidentelle-
ment ou par essence, le centre d'une phrase (factifs),
seuls ou avec un cortège de compléments; ex. :
Pan, patatras, pan!
(L. Dauphin, l'Education musicale
de mon cousin Jean Garrigou, XV, p. 95.)
Je suis un berceau
Qu'une main balance
Au creux d'un caveau :
Silence, silence !
(Verlaine, Sagesse, III, 5; Œuvres, t. I, p. 271.)
Voici mon sang que je n'ai pas versé,
Voici ma chair indigne de souffrance,
Voici mon sang que je n'ai pas versé.
(Id., ibid., II, 1, p. 245.)
PÈRE UBU. — Est-ce bien vrai?
MÈRE UBU.
— Oui, oui!
(Alfred Jarry, Ubu roi, II, vi.)
B. Un second groupe des compléments de diverses
natures, que ces compléments soient formés de termes
simples ou de complexes.
Ces compléments sont principalement :
1° Les sujets (1) d'un verbe à un mode personnel, le
dernier membre d'un sujet complexe n'étant jamais
séparé du verbe par une virgule; ex. :
les plus braves, les plus sincères, les plus ardents,
les plus dévoués meurent nécessairement les premiers
(M. Maeterlinck, les Débris de la Guerre, p. 184.)
Michel-Ange, Titien, Léonard, Cellini, le Forum ro-
main avaient exalté le poète qu'il était.
(Ch.-H. Hirsch, Une lune de miel,
dans Une heure d'oubli, n° 58, p. 4.)

(1) Le sujet, entraîné dans l'orbe du verbe, mérite le nom de complé-


ment. C'est, comme disait l'abbé Fromant (Réflexions 8ur les fondement de
l'art de parler, XXIV, p. 606), un « régime dominant ».
Des gargouillis de tripes, des relents de poil pein-
turlurent cette scène de petite aube et de pus.
(J. Delteil, La Fayette, VI, p. 91.)
2° Les attributs du sujet, qu'ils aient une valeur
substantive ou une valeur adjective :
Je suis un Maître, un Maître, un Maître.
(F. Mauriac, le Baiser au lépreux, II, p. 47.)
Elle est née entêtée, orgueilleuse, coquette, indépen-
dante, ardente, impulsive.
(L. Delarue-Mardrus,
Sainte Thérèse de Lisieux, IV, p. 71.)
Et tout cela est terminé, décoré, meublé.
(Philippe Diolé, l'Exposition est ouverte,
dans les Nouvelles littéraires
du 29 mai 1937, p. 1, col. 1.)
Il devint l'ami préféré, l'ami intime, celui sur la tête
duquel je reportai tout l'attachement d'un cœur qui ne
tenait plus au monde que par la souffrance.
(P. Bourget,
Deuxième Amour, dans l'Irréparable, p. 192.)
3° Des attributs de l'objet du verbe; ex. :
Les encouragements du céleste trio rendaient tout
clair, facile, glorieux;
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 30.)
40 Des attributs du réfléchi; ex. :
Il se sent vivace, onduleux, marié aux choses.
(J. Delteil, La Fayette, I, p. 20.)"
5° Des compléments construits directement (c'est-
à-dire non précédés de prépositions), jouant différents
rôles; ex. :
La Fayette a la face flegmatique, un air éteint, un
air lunaire.
(Id., ibid. VII, p. 104.)
Elles nous montrent des chevaux, des jockeys aux
courses de Longchamp...
(A. Kunstler, la Vie du bois de Boulogne,
dans La Vie littéraire du 29 mai 1937, p. 3, col. 2.)
Ça sent la fougère glacée, le soleil humide, la fiente
d'oiseau.
(J. Delteil, La Fayette, I, p. 17.)
6° Des compléments indirects; ex. :
C'est l'épiscopat qui a subsisté SANS interruption,
SANS changement, SANS diminution
(A. France, l'Orme du Mail, p. 144.)

et chacun de renchérir aussitôt SUR la perte qu'on


venait de faire, SUR les vertus de Mlle Blandine, SUR sa
piété, sa charité, sa douceur dans la vie, son amour
des plus belles traditions provençales.
(E. Jaloux, la Course d'Atalante,
dans la Revue des Deux Mondes, 1er sept. 1937, p. 36.)
Les petites pauses marquées par des virgules dans
les deux exemples précédents séparent des complé-
ments indirects introduits par la même préposition
répétée. De même pour une laisse de compléments in-
directs introduits par une unique préposition (seconde
partie de l'exemple de M. Jaloux).
Au contraire, dans les phrases suivantes, où les pré-
positions sont différentes, pas de pause, donc pas de
virgule :
Il s'apparut À lui-même DANS toute son élégance de
dandy.
(A. de Chateaubriant,
Monsieur des Lourdines, II, 1, p. 96.)

J'ai des propositions très sérieuses DE LA PART DE


connaisseurs À PROPOS de quelques-uns des bibelots que
vous avez vus.
(E. Jaloux, la Course d'Atalante, loc. cit., p. 29.)
7° Des infinitifs compléments de verbes et construits
directement; ex. :
J'ai voulu entendre encore le son de votre voix, vous
regarder encore...
(P. Bourget, l'Irréparable, V, p. 53.)
Il dut visiter chaque cabane, flairer chaque pipe,
prendre un à un chaque enfant entre ses mains.
(J. Delteil, La Fayette, V, p. 75.)
8° De même, en construction indirecte :
Je vous conjure de le voir, de lui parler.
(P. Bourget, l'Irréparable, IX, p. 117.)
Le « petit gars » tenta de vêtir, d'armer, de disci-
pliner tout le monde.
(J. Delteil, La Fayette, V, p. 65.)
9° Des compléments de verbes unipersonnels, que
certains grammairiens désignent sous le nom de « sujet
réel », d'autres de « séquence » ; ex. :
Il tombe des flocons de fée, des soupirs d'oiselles
pâmées, toute une neige d'oubli.
(Id., ibid., V, p. 81.)
De même avec y avoir :
Il y a des fourmis le long d'une taupinière, des allées
et venues de coléoptères sur la terre craquante, des en-
vols de geais dans les sassafras, un écureuil à la pointe
de l'œil, tout un peuple de terre et de vérité.
(Id., ibid., I, p. 23.)
Les compléments résomptifs qui suivent respective-
ment toute et tout dans les deux exemples précédents
ressortissent au §8 B.
10° Des adjectifs en rapport étroit avec un verbe
(coalescents) ; ex. :
Il fait chaud, laiteux, humide.
(Id., ibid., XI, p. 160.)
11° Des compléments de substantifs; ex. :
Il avait envie d'une minute de silence, de solitude.
(J. Delteil, La Fayette, XII, p. 170.)
12° Des compléments d'adjectifs nominaux ou ver-
baux; ex. :
le comptoir en bois chargé de tasses, de verres
grands ou petits, de bouteilles, de carafons.
(P. Bourget,
Jean Maquenem, dans r/rreparaMe, p. 273.)
13° Des épithètes antérieures :
Non, ce n'était pas le père de sa femme qui avait
conseillé le dur, l'affreux départ de celle-ci.
(Verlaine, Pierre Duchatelet; Œuvres, t. IV, p. 145.)
14° Des épithètes postérieures; ex. :
Ce fut pour lui une impression singulière, indéfinie,
mêlée de plaisir et de peine.
(P. Bourget.
Jean Maquenem, dans l'Irréparable, p. 263.)
C'était à cette époque un grand jeune homme roux,
timide, gauche, maladroit.
(J. Delteil, La Fayette, II, p. 33.)
15° Des adverbes; ex. :
Ici, il fallait répondre précisément, nettement, quel-
quefois dans les plus infinis détails.
(Verlaine, Confessions, I, 11; Œuvres, t. V, p. 68.)
Les bourgeois ne sont pas régulièrement, invaria-
blement rossés, et il y a des commis-voyageurs et des
clercs d'huissier pour qui Forain est un grand artiste.
(Léon Bloy, Exégèse des lieux communs, LV, p. 110.)
7. Dans les différents cas cités ci-dessus, il peut
arriver que la conjonction et soit placée entre deux
des termes jouant le même rôle grammatical. Quand
ces termes sont au nombre de deux, la virgule dispa-
raît, la conjonction remplissant la place de la pause;
ex. :
Fréquemment M. Anthelme ET son préposé sortaient
avec le vautrait.
(P. Devenat, Monsieur Anthelme,
dans le Mercure de France du 15 août 1937, p. 94.)
Quand il y a plus de deux termes, et ne s'ajoute
qu'entre les deux derniers, avec suppression de la vir-
gule, et les virgules subsistent ailleurs; ex. :
il s'élança, poussa violemment Maquenem par les
deux épaules ET se mit à courir dans la direction du
T réport
(P. Bourget,
Jean Maquenem, dans l'Irréparable, p. 281.)
Alors le chevalier Malheur s'est rapproché,
Il a mis pied à terre et sa main m'a touché.
(Verlaine, Sagesse, I, 1; t. I, p. 195.)
Au chevet de d'Elbée se tenaient sa femme, son beau.
frère Duhoux d'Hauterive, son ami de Boisy ET l'abbé
Durand.
(G. Lenotre, Monsieur de Charette, II, p. 85.)

Jeanne redevenait une inquiète bergère, surprise


d'être différente des siens ET trop humble pour com-
penser d'un délice d'orgueil une prédilection si acca-
blante...
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 31.)
Jeanne entendait les cris de la plèbe souffrante,
le râle des blessés, l'appel des orphelins ET la sup-
plication éparse de ceux qui imploraient du Ciel un
prodige de Paix.
(Id., ibid., p. 30.)
Carnalogie le comble d'haleines, d'oreillers ET de
......
pendants d'oreilles.
(J. Delteil, La Fayette, II, p. 31.)
J'allais au Collège de France, par cette étroite, mons-
trueuse, raboteuse, sale ET vénérable rue Saint-Jac-
ques
(A. France, la Vie littéraire, IV, p. 61.)
Ô mon amour unique, immuable et vainqueur
(Ph. Chabaneix, Amour,
dans le Mercure de France du 15 août 1937, p. 41.)
La présence de et dans cette position rend les termes
de la laisse dans laquelle cette conjonction figure par-
ticulièrement serrés entre eux. C'est ce qui ressort en-
core davantage dans les passages où plusieurs termes
sont unis ensemble par et, et où l'ensemble ainsi formé
est séparé par une pause virgulaire d'un autre ensemble
semblable; ex. :
Elle semblait à la fois intimidée ET distante, distin-
guée ET désireuse de s'effacer.
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Baslèvre, I, 3, p. 37.)
Mais on trouve aussi des exemples où et est précédé
d'une virgule :
a) Dans une phrase ne comportant que deux termes
ou groupes jouant le même rôle grammatical :
laissez-moi seulement tenir votre main une se-
conde, ET vous voir ainsi...
(P. Bourget, l'Irréparable, p. 53.)
La virgule marque ici une pause nette entre seconde
et et.
De même :
C'est bientôt le 20 juin, ET ses scènes de carnaval.
(J. Delteil, La Fayette, VI, p. 97.)
Quand une telle pause virgulaire apparaît entre des
coordonnées, c'est qu'il n'y a pas correspondance exacte
entre elles; c'est le cas, par exemple, quand la personne
du sujet ou le temps du verbe employé à un mode
personnel change; ex. :
Il fraternisait avec Malâtre, ET on pensa qu'il res-
semblait à tant d'autres...
(P. Bourget,
Jean Maquenem, dans l'Irréparable, p. 278.)
De même, quand et, quoique unissant grammaticale-
ment deux phrases, les présente avec un sens adver-
satif; ex. :
Elle ne pouvait plus s'intéresser qu'à l'amour, ET
elle sentait l'amour lui échapper.
(Id., l'Irréparable, p. 18.)
b) Dans des phrases contenant un plus grand nom-
bre de termes ou groupes, dont les premiers sont nor-
malement séparés par des virgules :
L'ombre éteignit mes yeux, un cri vint à ma bouche,
Et mon vieux cœur est mort dans un frisson farouche.
(Verlaine, Sagesse, I, 1; t. I, p. 195.)
Cet exemple de Verlaine est parallèle au premier
des deux exemples de Bourget qui viennent d'être cités.
la comtesse avait une splendeur un peu massive,
un visage pâle et mat, des cheveux presque trop noirs,
des sourcils qui faisaient barre sous un front bas, ET
une ombre de duvet dans le coin des lèvres.
(P. Bourget, l'Irréparable, p. 9.)
Elles sont fort jolies, fort simples, ET d'une propreté
charmante.
(J. Delteil, La Fayette, VII, p. 105.)
Une bousculade, un afflux de nerfs, ET le grand petit
cri sacré.
(Id., ibid, p. 110.)
Il représentait une fillette avec les cheveux tirés sur
le front, deux nattes sur les épaules, une robe enflée
comme un ballon, ET un livre à la main.
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Baslèvre, I, 4, p. 43.)
Je ne possède légalement que des valises, de quoi me
vêtir, ET quelques livres.
(Denis de Rougemont,
N'habitez pas les villes, dans la
Nouvelle Revue française du 1er juillet 1937, p. 64.)
Les pauses (marquées par des virgules dans les
exemples ci-dessus) qui précèdent les et donnent aux
termes qui suivent ces et une couleur particulière,
spécialement nette dans les deux exemples de M. Del-
teil. Mais, en même temps, il se produit une sorte de
desserrement entre les autres termes séparés par des
virgules. Nous sommes ici à la limite de la complé-
mentation ordinaire et à celle d'une complémentation
plus lâche, qui sera étudiée aux § § 8 sqq.
L'absence ou la présence de pause virgulaire avant
les conjonctions de coordination ou ou ni marque
des nuances analogues à ce qui se passe pour et. Ex. :
a) ou.
Il faudra travailler ou bien tu n'auras rien...
(A. Jarry, Ubu roi, IV, v.)
Chacune d'elles avait son visage de paix, d'aménité,
d'allégresse innocente OU de recueillement.
(Maeterlinck, les Débris de la Guerre, p. 25.)
Ainsi finissait, ou ainsi recommençait le roman de
la Nouvelle Héloïse.
(Gonzague Truc,
Amour et âme romantiques,
dans le Mercure de France du 15 août 1937, p. 5.)

un même principe, OU une même absence de


principe est à l'origine de ces conséquences qui s'en-
phaînent...
(Id., ibid.)
b) NI.
L'homme d'affaires ne connaît NI père, NI mère, NI
oncle, NI tante, NI femme, NI enfant, Ni eau, NI Mtû!,
Ni propre, NI sale, NI chaud, NI froid, Ni Dieu, Ni démon.
(Léon BLOY,
Exégèse des lieux communs, XII, p. 34.)
sans que personne y monte NI en descende et
sans qu'on ait jamais pu savoir pourquoi.
(Id., ibid., XXI, p. 56.)
Mais cela n'entrait dans l'esprit Ni de l'auteur, Ni des
acteurs, Ni des spectateurs.
(G. Truc, Amour et âmes romantiques, p. 6.)
On ne mariait plus les filles par force, NI on ne
les contraignait d'entrer au couvent.
(Id., ibid., p. 9.)
8. Il existe en français toute une série de complé-
ments qui se caractérisent par l'attache très lâche du
régime au régent. Nous avons proposé pour ces com-
pléments le nom de compléments ambiants (1). Ils figu-
rent dans le discours comme marquant une circons-
tance accessoire dont l'omission ne modifierait essen-
tiellement ni le rôle du régent dans la phrase, ni le sens
général de celle-ci. La plupart de ces compléments
ambiants se distinguent, dans la trame du discours, par
une petite pause, et c'est un des rôles principaux de la
virgule d'indiquer cette pause.
Nous allons montrer par une série d'exemples le
mécanisme de cette construction.
A. Les compléments ambiants peuvent être pla-
cés en tête de la phrase, qu'ils soient des termes simples
ou des complexes.
En voici les principaux types :
1" Vocatifs :
MADAME, je ne reviens jamais sur ce que j'ai dit.
(Ao Jarry, Ubu roi, II, i.)

(1) J. Damourette et Ed. Pichon, E8sai de grammaire de la langue


française, S 110.
Vous QUI PLEUREZ, venez à ce Dieu
(V. Hugo, les Contemplations, III, 4; t. I, p. 225.)

2° Adverbes ou équivalents :
SOUDAIN, je le vis tirer sa montre.
(Ed. Estaunié,
l'Infirme aux mains de lumière, II, p. 53.)
EN NOUS SÉPARANT, nous avions l'air de gens qui
achèvent une promenade accoutumée.
(Id., ibid., III, p. 57.)
QUAND VINT ENFIN L'HEURE DU DÉPART, Théodat
parut trouver toute naturelle mon escorte.
(Id., ibid.)
MON REPAS ACHEVÉ, Théodat se leva.
(Id., ibid., VII, p. 162.)
DE FOIS le coup de sifflet du pasteur éclata.
A AUTRE,
(F. Duhourcau,
la Demi-Morte, dans la Revue des Deux Mondes
du 1er septembre 1924, p. 43.)
MACHINALEMENT, la main de la reine se pose sur le
mâle poignet.
(J. Delteil, La Fayette, II, p. 43.)

3° Des substantifs compléments indirects :


DANS MA CHAMBRETTE DE LA RUE BRÉA, je reçus un
jour la visite de France et de Racot.
(L. Barracand, Souvenirs d'un homme de lettres,
dans la Revue des Deux Mondes
du 1er septembre 1937, p. 127.)
APRÈS L'ENVOI DE MON VOLUME, je laissai passer un
temps normal qui lui permit de me lire, et ne me pré-
sentai l'après-midi qu'à l'heure où il pouvait me rece-
voir.
(Id., ibid., p. 144.)
A CETTE GÉNÉREUSE FÉE, les Irlandais doivent une
vertu charmante et capricieuse
(L. Paul-Dubois,
la Littérature irlandaise contemporaine,
ibid., p. 188.)
AVEC le Pot d'or ET Demi-dieux, M. Stephens s'em-
pare du merveilleux pour l'intégrer dans le réel.
(Id., ibid., p. 190.)
A LA DISPARUE, Stuart Mill rendit ce qu'on peut
appeler un véritable culte
(Jules Véran, le Souvenir
de Stuart Mill à Avignon, ibid., p. 213.)

4° Des adjectifs ou équivalents :


DEBOUT AU MILIEU DES TOMBES, l'église paroissiale
enveloppait vivants et morts dans la même promesse
paisible
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 13.)
GRAVE, le crucifix qu'un modeste tailleur d'images
a tiré au XIIe siècle d'un morceau de poirier ouvre tou-
jours les bras au-dessus de la Vierge Mère
(Id., ibid., p. 21.)
AUSSITÔT DÉCIDÉ, il se retourna et dit au concierge
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Baslèvre, I, 1, p. 9.)
PROMU DIRECTEUR, il n'attendait plus rien.
(Id., ibid., p. 10.)
AYANT TRAVERSÉ LE PONT DE SOLFÉRINO, ils péné-
traient enfin sous les ombrages.
(Id., ibid., 1, 2, p. 22.)
MÉDECINS TOUS LES DEUX, ils avaient étudié en-
semble
......
(P. Bourget, Céline Lacoste, I, p. 211.)
5° Des substantifs ou équivalents serapportant à
l'un des compléments du verbe de la phrase qui suit :
Et LA BELLE AVEUGLE, où est-elle?
(Maeterlinck, les Aveugles, p. 80.)
CETTE BLANCHE FEMME, il lui lisse les joues
(J. Delteil, La Fayette, IV, p. 67.)

QUE D'UNE BOUCHE CHARMANTE DÉPENDE LE SORT


DU MONDE, c'est cela qui n'est point grec
(A. France, la Vie littéraire, t. IV, p. 121.)
CE QU'IL ÉTAIT, je m'en souviens avec stupeur.
(Ed. Estaunié,
n l'Ascension de M. Baslèvre, II, 5, p. 101.)
DÉCOUVRIR L'AMÉRIQUE, c'est ouvrir les yeux
(J. Delteil, La Fayette, III, p. 52.)
6° Des compléments très proches des précédents, et
qui n'en diffèrent que parce que le substantif n'est pas
précédé d'un article et n'a, partant, pas une véritable
valeur substantive :
Or, D'ARTILLERIE, les royalistes n'en possédaient pas
si Von excepte quelques pièces enterrées çà et là et une
dizaine de pierriers traînés sur des charrettes parmi les
bagages.
(G. Lenotre, Monsieur de Charette, IV, p. 160.) [1]
B. Les compléments ambiants peuvent être pla-
cés, dans les mêmes conditions, à la fin des phrases;
eh voici des exemples :
1° Vocatifs :
Lancez des pierres, MES AMIS.
(A. Jarry, Ubu roi, IV, Il.)

(1) Quoique d'artillerie soit précédé de la conjonction or suivie d'une vir-


gule, nous considérons cependant ce substantif comme placé au début de
la phrase. Or, en effet, est lui-même un ambiant, et tous les compléments
8
ambiants que nous citerons plus loin (§ 0) comme étant insérés dans le
cours des phrases en séparent des éléments normalement joints.
Fermez le bec, VORACES!
(M. Zamacoïs, les Bouffons, I, vi.)
Et n'ai-je pas sué la sueur de tes nuits,
Lamentable ami qui me cherches où je suis?
(Verlaine, Sagesse, II, 4; t. I, p. 251.)
2° Adverbes ou équivalents :
Celle-là vous irait mieux, PEUT-ÊTRE?
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Baslèvre, III, 1, p. 130.)
Marie-Antoinette s'essuie les joues, LENTEMENT.
(J. Delteil, La Fayette, VII, p. 114.)
Je me sentais las et surexcité, À LA FOIS.
(Jean-Paul Sartre, le Mur,
dans la Nouvelle Revue française
du 1" juillet 1927, p. 51.)
3° Des substantifs compléments indirects :
Ils affament l'âme, AU LIEU DE LA NOURRIR.
(J. Delteil, La Fayette, I, p. 17.)
Ils fouillent le lit encore chaud, le lardent de coups
de piques, AVEC DES RIRES D'ENTRAILLES.
(Id., ibid., VI, p. 92.)
La Fayette tremble, sous L'HALLUCINANTE NUIT BRA.
BANÇONNE.
(Id., ibid., VII, p. 116.)
4° Des adjectifs ou équivalents :
Cet intermède occupa l'attente, QUI FUT LONGUE;
(G. Lenotre, Monsieur de Charette, III, p. 113.)
Les lames arrivaient du large, ÉNORMES
(P. Bourget,
Jean Maquenem, dans l'Irréparable, p. 269.)
Mais la plupart des nobles l'avaient refusé, ACCEP-
TANT FIÈREMENT LA MISÈRE ET LA CONFISCATION POUR
DEMEURER FRANÇAIS
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 24.)
Renvoie-la à ses parents, BIEN SOUFFLETÉE.
(Id., ibid., p. 45.)
Il leva les yeux vers elle, SURPRIS DE CE QU'IL ENTEN-
DAIT.
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Baslèvre, III, 1, p. 133.)
Des chiens filent entre les jambes, QUEUE AU VENT.
(J. Delteil, La Fayette, VII, p. 113.)
Il se lève enfin, FURIEUX.
(Id., ibid., II, p. 41.)
5° Des substantifs ou équivalents se rapportant à un
substantif du contexte :
Le voici en mer, CE JEUNE HOMME DE DIX-NEUF ANS
(J. Delteil, La Fayette, III, p. 50.)
Ils sont dans les choux, LES ANGLAIS.
(Id., ibid., IV, p. 70.)
Vous me ferez couper la conduite, vous?
(Courteline, Invite Monsieur à dîner,
Œuvres, t. III, p. 14.)
.Lui en ai-je pris, DE LA FINANCE. Lui en ai-je volé,
DES RIXDALES, lui en ai-je tiré, DES CAROTTES.
(A. Jarry, Ubu roi, V, I.)
Je reconnus Garcia, LE BOULANGER.
(Jean-Paul Sartre, le Mur, p. 61.)
6° Plus fréquemment qu'en début de phrase, des
compléments se rapprochant de ceux de la laisse pré-
cédente (voy. spécialement le dernier cité d'Alfred
Jarry) et constitués par un substantif sans article
(voy. sous A, 6°, un exemple de G. Lenotre où un tel
complément figure en début de phrase) :
tu en es une fière, D'ANDOUILLE.
......
(A. Jarry, Ubu roi, I, v.)
Eh bien, que j'en trouve encore une, DE MONTRE.
(Courteline, le Commissaire est bon enfant, sc. iv.)

7° Des incises :

— Merci, FIT M. sèchement.


BASLÈVRE
(Ed. Estaunié,
rAscension de M. Baslèvre, III, 1, p. 129.)
Cela tombe à merveille, ME DIT MME GRANGIER.
(R. Radiguet, le Diable au corps, p. 45.)

C. Enfin, les compléments ambiants peuvent être


placés dans l'intérieur des phrases. Mais là, ils sont
isolés non par une seule pause, mais par deux : l'une
avant, l'autre après. C'est donc entre deux virgules
qu'ils figurent; ex.. :
1° Vocatifs :

vous allez, MON CHER BARON, me faire le récit de


votre exécrable forfait.
(Courteline, le Gendarme est sans pitié, se. il.)
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse.
(Verlaine, Sagesse, III, 6; t. I, p. 272.)
Permettez-moi de vous dire, CAPITAINE, que je ne
comprends rien à vos paroles.
(Alain Sirwy, les Médecins imaginaires,
dans le Mercure de France du 1er août 1937, p. 566.)
2° Adverbes ou équivalents :
Ils eussent, sans nul doute, escaladé les nues...
(V. Hugo, les Châtiments, II, 7, p. 64.)

Je me laissai, TOUT DOUCEMENT, aller à mon inno-


cente manie d'observation.
(Villiers de l'Isle-Adam, Contes cruels, p. 105.)
Qu'a-t-on besoin, LÀ-HAUT, de cette cousine de Mme de
Damoiselet.
(Ed. Jaloux, la Course cl'Atalante,
dans la Revue des Deux Mondes
du 1er septembre 1937, p. 8.)
Je n'entends pas, QUAND TU SERAS RUINÉ, t'avoir à ma
charge et devoir te nourrir parce que tu auras gaspillé
ta fortune sans nécessité.
(Id., ibid., p. 32.)
Otton III, CEPENDANT, ne prenait pas la robe monas-
tique.
(Emile Mâle, Sur les églises romaines du Xe siècle,
ibid., p. 60.)
La Fayette, NATURELLEMENT, avait rejoint l'armée
américaine.
(J. Delteil, La Fayette, IV, p. 69.)
3° Des substantifs compléments indirects :
Ils dirigeaient Rome, AVEC UNE RARE INCONSTANCE,
dans la voie même où s'était perdue Carthage.
(C. Jullian, Histoire de la Gaule, t. VIII, p. 361.)
Le chef du cabinet au ministère de la Justice se
désole, EN SON FOR INTÉRIEUR, d'avoir donné le jour à
cet esprit critique.
(A. Flament, la Vie de Manet, II, p. 68.)
Ils dansent, et bientôt l'un d'eux, D'UNE VOIX PÉNÉ-
TRÉE, attaque le chant de l'Espèce.
(J. Delteil, La Fayette, V, p. 74.)
Janine était présentée, MALGRÉ ELLE, en ennemie de
Joseph de Fortia.
(E. Jaloux, la Course d'Atalante,
dans la Revue des Deux Mondes
du 1er septembre 1937, p. 10.)
le Duce attache un haut prix à la reconnaissance,
PAR L'ANGLETERRE ET LA FRANCE, de la disparition du
négus.
(René Pinon, Revue de la quinzaine, ibid., p. 240.)
4° Des adjectifs ou équivalents :
les petits rougets, POSÉS À PLAT, montraient leur
ventre blanc et leur dos d'un rose vif ;
(P. Bourget,
Jean Maquenem, dans l'irréparable, p. 269.)
Chevalier, SILENCIEUX, attachait son regard au cadre
pendu contre la muraille.
(Anatole France, Histoire comique, p. 42.)
L'arrivée des brigands, QU'ILS N'ONT JAMAIS VUS,
cause aux gens de Moûtiers une surprise désagréa-
ble;
(G. Lenotre, Monsieur de Charette, IV, p. 146.)
Des femmes, EN SABOTS ET LE NEZ ROUGE, criaient
leur étalage.
(P. Hamp, Marée fraîche, p. 60.)
Son père, NATIF DE CEFFONDS EN CHAMPAGNE, s'était
fixé à Domremy après son mariage
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 11.)
Appartenant à cette race, NOBLE PAR ESSENCE, du
paysan qui vit avec les siens sur un lopin de terre bien
à lui
(Id.,ibid.)
Baudricourt, LA TENANT CETTE FOIS POUR COMPLÈ-
TEMENT FOLLE, la retint à la citadelle pour en amuser
ses soldats.
(Id., ibid., p. 35.)
5° Des substantifs en relation avec d'autres substan-
tifs ou des pronoms du contexte :
qui ne comprendraient point qu'il hésitât, LUI,
quand ils ont donné, EUX, toute leur vie.
(S. Gayet, Laurent-Vibert,
dans Guirlande à la Maison de France, p. 74.)
Vermine, L'ENFANT D'HOSPICE, s'asseyait sur la
marche fraîche.
(P. Hamp, Vin de Champagne, p. 110.)
Domremy, CE SAINT DES SAINTS DE LA PATRIE FRAN-
ÇAISE, reste un village brun
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 7.)
Son premier roman, MARY SEMBLANT, est l'histoire
d'une pauvre veuve
(L. Paul-Dubois,
la Littérature irlandaise contemporaine, p. 189.)
6° Des incises ou des phrases analogues avec ou
sans inversion :
Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses.
(Verlaine, Romances sans paroles, IV, p. 157.)
Je crains bien qu'un jour Hélène,
Je le dis tout bas,
Ne me fasse de la peine.
(Meilhac et Halévy, la Belle Hélène, I, xi.)
Grand Dieu! qu'allons-nous devenir? lé père Ubu
est un affreux sagouin .et sa famille est, DIT-ON, abomi-
nable.
(A. Jarry, Ubu roi,
III, m.)
J'ai peur, BALBUTIA-T-IL, que vous me jugiez meilleur
que je ne suis.
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Baslèvre, III, 1, p. 133.)
Le mien, REPARTIT Mlle FOUILLE, s'est débattu dans
le mensonge.
(Id., ibid., Epilogue, .p.
205.)
Je ne vois pas pourquoi, DISAIT-ELLE, tu t'intéresses
à ce point à des gens si ennuyeux.
(E. Jaloux, la Course (TAtalante, p. 21.)
M. dé Brignoles, M'A-T-ELLE DIT, m'a promis de le
faire accrocher dans le salon d'en bas...
(Id., ibid., p. 42.)
Je devrais, LUI DIS-JE, écrire à Sarcey;
(L. Barracand,
Souvenirs d'un hommè. de lettres, p. 143).
Qu'est-ce, LUI DEMANDA L'EXAMINATEUR, qu'une usu-
capion?
(Id., ibid., p. 149.)
Que le lecteur veuille bien maintenant examiner un
à un les exemples où les compléments ambiants sont
placés dans l'intérieur des phrases. Il pourra voir que,
dans tous ceux allégués sous C, lesdits compléments
coupent une phrase qui, sans leur intervention, serait
prononcée sans pause : Vous allez me faire le récit. —
Qu'as-tu fait de ta jeunesse. — Permettez-moi de vous
dire que je ne comprends rien. — Ils eussent escaladé
les nues. — Je me laissai aller à mon innocente manie.
— Qu'a-t-on besoin de cette cousine. — Je n'entends
pas t'avoir à ma charge. — Otton ne prenait pas la
robe. — La Fayette avait rejoint l'armée. — Ils diri-
geaient Rome dans la voie. — Se désole d'avoir donné
le jour. — L'un d'eux attaque le chant. — Janine était
présentée en ennemie. — La reconnaissance de la dispa-
rition. — Les petits rougets montraient leur ventre. —
Chevalier attachait son regard. — L'arrivée des bri-
gands cause une surprise. — Des femmes criaient. —
Son. père s'était fixé à Domremy. — Cette race du
paysan. — Baudricourt la retint. — Ils ont donné toute
leur vie. — Vermine s'asseyait. — Domremy reste un
village. — Son premier roman est l'histoire. — Il faut
nous pardonner. — Je crains qu'Hélène ne me fasse
de la peine. — Sa famille est abominable. — J'ai peur
que vous me jugiez. — Le mien s'est débattu. — Je ne
vois pas pourquoi tu t'intéresses. — Brignoles m'a
promis. — Je devrais écrire. — Qu'est-ce qu'une usu-
capion?
Comme il a été indiqué déjà, les compléments am-
biants sont en cette position isolés par deux pauses
virgulaires. C'est donc une règle importante de la ponc-
tuation française qu'aucun complément non ambiant
placé auprès du terme auquel il se rapporte ne doit en
être séparé par une virgule. Il peut l'être par deux :
celles qui isolent le complément ambiant; en ce cas la
première virgule peut être considérée comme une vir-
gule ouvrante, la seconde comme une virgule fermante,
d'une manière comparable à ce qui se passe pour les
parenthèses (v. § 32).
Les exemples que le lecteur vient d'avoir sous les
yeux lui ont montré comme tombant sous cette règle :
les sujets, l'objet simple ou complexe, les compléments
indirects, le participe suivant son auxiliaire, le complé-
ment de substantif, la séquence de verbe unipersonnel,
l'attribut, la subordonnée suivant le terme qui l'intro-
duit.
9. Les pauses virgulaires séparant des termes ayant
le même rôle grammatical peuvent apparaître dans le
discours, à côté de celles isolant des compléments
ambiants.
En premier lieu, les compléments ambiants, quand il
en paraît plusieurs de suite ayant le même rôle, sont,
comme tous les autres compléments, séparés par des
pauses virgulaires.
En voici quelques exemples :
1° Vocatifs et épithètes vocatives :
Cotice, Pile, répondez-moi...
(A. Jarry, Ubu roi, V, i.)
BOUGRELAS (le frappant). — Tiens, lâche, gueux,
sacripant, mécréant, musulman!
PÈRE UBU (ripostant).
— Tiens, polognard, soûlard,
bâtard, hussard, tartare, calard, cafard, mouchard,
savoyard, communard!
MÈRE UBU (le battant aussi). Tiens, capon, co-

chon, félon, histrion, fripon, souillon, polochon!
(Id.,ibid., V, II.)
Adieu, métier charmant, métier soporifère,
Travail qui consistait à ne jamais rien faire.
(M. Zamacoïs, les Bouffons, IV, i.)
La virgule qui suit Pile, celles qui suivent Tiens,
celle qui suit Adieu jouent le rôle décrit au § 8 A,
toutes les autres le rôle décrit au § 6 B.
2° Adverbes :
Le grand trait un peu mémorable de cette journée
qui commence consiste EN, DE-CI DE-LÀ, d'assez longs
monômes de gens bien mis.
(Verlaine, Confessions, I, 5; t. V, p. 35.)
et lentement, bellement, RELIGIEUSEMENT, il lui
baisa la main...
(J. Delteil, La Fayette, VI, p. 92.)
La virgule qui suit en et celle qui suit de-là, la vir-
gule qui suit religieusement -jouent le rôle décrit au
§ 8 C, les autres le rôle décrit au § 6 B.

3° Compléments indirects :
A quoi songe-t-il, SUR ce pont de vaisseau, entre cœur
et ciel?
(J. Delteil, La Fayette, III, p. 51.)
A huit heures, selon le RITE, il mande près de lui les
chefs principaux de l'armée
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 97.)
De Domremy, de Greux, de VAUCOULEURS, tous
ceux qui ont eu le moyen de faire trente lieues sont arri-
vés dans la ville du sacre et gîtent à l'auberge où sont
descendus les parents de Jeanne.
(Id., ibid, p. 105.)
La virgule qui précède sur, celles qui suivent respec-
tivement rite et Vaucouleurs ressortissent au § 8 A; les
autres au § 6 B.
4° Adjectifs :
Brune, grasse, vive, fraîche, saint Pacôme lui-même
l'eût aimée.
(Anatole France,
la Rôtisserie de la reine Pédauque, p. 27.)
Il y a aussi toute une morale, pratique, nette d'illu-
sions.
(H. Pourrat, la Grande Cabale,
dans la Nouvelle Revue française
du 1er septembre 1937, p. 464.)
Le sens de la sève serait le sens de ce concret, tout
verdissant, tout vivant, tout vif et riant, et le sens du
mystère :
(Id., ibid., p. 467.)
Ressortissent aux §§ 8 A et 8 B les virgules qui sui-
vent respectivement fraîche, morale, concret et riant;
les autres ressortissent au § 6 B.
Mais les groupes séparés par les pauses virgulaires
ne se montrent pas toujours d'une manière aussi simple.
Soit des passages comme :
— Je suis Henry, du moins, Reine, je suis son âme,
Qui, par sa volonté, plus forte que l'enfer,
Ayant su transgresser toute porte de fer
Et de flamme, et braver leur impure cohorte,
Hélas ! vient pour te dire avec cette voix morte
Qu'il est d'autres amours encor que ceux d'ici.
(Verlaine, Jadis et Naguère, la Grâce, 1.1, p. 400.)
Du moins est un ambiant isolé entre deux pauses vir-
gulaires; Reine est un autre ambiant, mais d'une nature
différente, car c'est un vocatif au lieu d'une locution
adverbiale comme du moins; la virgule située entre
moins et Reine ressortit donc au § 8 B et non au § 6 B.
La pause virgulaire qui suit âme a pour but de rendre
ambiante la proposition relative introduite par qui et
d'empêcher cette proposition de collaborer à la déter-
mination de âme, déjà déterminé suffisamment par
son Cette relative ambiante ne sera close que par
le point qui termine le passage cité; mais elle contient
dans- son sein .plusieurs compléments que caractérisent
des pauses virgulaires : le groupe qui commence après
qui et se termine après cohorte est le principal; ce
groupe contient lui-même un complément complexe
ambiant (épithète ambiante) ayant su transgresser toute
porte de fer et de flamme, et braver leur impure cohorte,
lequel complexe embrasse de plus les compléments qui
le précèdent : 1° par sa volonté, complément indirect
ambiant de transgresser; 2° plus forte que l'enfer, com-
plément particulier de volonté (épithète ambiante).
La dernière partie dudit complexe est précédée d'une
pause virgulaire que suit et, analogue à celles qui sont
décrites au § 7. De sorte que nous voyons ici des com-
pléments ambiants qui s'emboîtent les uns dans les
autres avec une succession de virgules ouvrantes et fer-
mantes : la virgule ouvrante qui suit qui n'a sa corré-
lative fermante qu'après cohorte, celle qui suit volonté
l'a dès après enfer.
De même :
C'était sa fortune domestique et son génie tutélaire,
cette Pauline qui, de son activité et de son courage, sou-
tenait la lourde maison pauvre et fastueuse, et qui, chez
elle, lingère, cuisinière, couturière, chambrière, institu-
trice, pharmacienne, modiste même avec un goût naïve-
ment tapageur, montrait dans les grands dîners et les
réceptions un imperturbable bon ton, un profil impé-
rieux et des épaules encore belles.
(Anatole France, l'Orme du Mail, pp. 86-87.)
le proposition principale s'arrête à tutélaire; à la
virgule qui suit ce terme, commence une première
subordonnée qui se termine après fastueuse, et qui est
suivie d'une seconde subordonnée qui ne se termine
qu'au point final. La première subordonnée a dans son
sein un complément ambiant (de son activité et de son
courage) ; la seconde en compte plusieurs : un premier,
locution adverbiale (chez elle), un second, groupe d'ap-
positions débutant par lingère et finissant par tapageur,
muni intérieurement de virgules du type § 6 B; la der-
nière subordonnée se termine par des compléments
directs, séparés par une virgule du type § 7.
Ce n'est pas d'hier que les philosophes chagrins ont
remarqué la facilité avec laquelle les femmes se sou-
mettent à la loi, en- apparence si dure, de la vie sociale,
qui les force à revoir ceux qu'elles ont aimés, quand
elles ne les aiment plus, avec le même sourire, la même
poignée de main et la même intimité.
(P. Bourget, l'Irréparable, p. 60.)
Virgule ouvrante après loi, virgule fermante après
dure, l'une et l'autre encadrant le complément en appa-
rence si dure, épithète ambiante de loi. Virgule
ouvrante après sociale pour isoler la relative ambiante
qui se prolonge jusqu'au point final. Cette relative
renferme elle-même une subordonnée ambiante mar-
quée par la virgule ouvrante qui suit aimés et par la
virgule fermante qui suit plus. La virgule qui suit sou-
rire ressortit au § 7.
Devant lui, dans une pénombre où flottaient des
odeurs de pharmacie et encore le relent fade que sème
la fièvre, les fenêtres fussent-elles ouvertes, un lit se
détachait très blanc, paré pour la visite.
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Baslèvre, III, 4, p. 155.)
La virgule qui suit lui est une virgule type §8 A sépa-
rant deux compléments ambiants : 1° devant lui; 2° le
complexe commençant par dans et se terminant par
ouvertes. Ce complexe ambiant englobe un autre com-
plexe ambiant les fenêtres fussent-elles ouvertes
qu'ouvre la virgule suivant fièvre et que ferme la vir-
gule suivant ouvertes. Mais cette dernière virgule ferme
aussi le complexe entier; d'où il résulte qu'elle a une
double valeur fermante et qu'une logique poussée dans
une abusive extrêmité pourrait conduire à prétendre
qu'il faudrait là deux virgules. Pour rester dans le
domaine de la réalité, la pause qui suit ouvertes n'est
pas plus longue que la précédente, et c'est légitimement
qu'on la représente par une seule virgule. Il faut remar-
quer toutefois que la langue parlée différencie ces pas-
sages par la mélodie. (V. § 15 la signification mélodique
de la virgule.)
Même remarque pour la virgule qui suit royaume
dans l'exemple suivant :
Sitôt qu'elle aperçoit le Dauphin Charles, à qui elle
apporte les clés de son royaume, Jeanne se jette à
genoux.
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 88.)
L'exemple suivant est particulièrement intéressant
par les virgules multiples qui séparent de son verbe le
sujet, celui de tous les compléments qui souffre le
moins d'en être séparé par autre chose que par virgules
ouvrantes et virgules fermantes en nombre égal :
Les deux bêtes, en proie à la chaleur, à l'épouvante, à
la faim, la nature en elles vidant à cette heure tout le
fond de son sac, toute malice bue, toutes voiles dehors,
mènent dans les cailloux craquants, dans l'herbe
fondue, fols et fumants, un train d'enfer.
(J. Delteil, La Fayette, I, p. 25.)
D'après ce qui vient d'être dit à l'occasion des exem-
ples précédents, l'interprétation de ce dernier est aisée :
il y a une ouverture générale de tous les compléments
ambiants marquée par la virgule ouvrante qui suit
bêtes, et il y a une clôture générale desdits compléments
marquée par la virgule fermante qui précède mènent;
les autres virgules précédant cette dernière ressortissent
au § 6 B, de sorte que la condition requise se trouve
réalisée.
L'exemple suivant ne fait pas non plus difficulté :
Cet ukase, rédigé, volontairement ou non, en termes
peu précis, prêtait à interprétation;
(G. Lenotre, Monsieur de Charette, IV, p. 167.)
En effet, entre le sujet cet ukase et le verbe prêtait,
il y a une épithète ambiante : rédigé en termes peu
précis, à l'intérieur de laquelle il y a un groupe adver-
bial ambiant : volontairement ou non; les pauses sont
marquées par des virgules ouvrantes et fermantes qui
s'annulent respectivement.
On voit donc, dans tous les exemples précédents,
l'application du système qui a été décrit. Il faut noter
toutefois qu'un complément ambiant débutant par une
voyelle et suivant que ou une locution conjonctive ter.
minée par que ne reçoit pas, après l'apostrophe que
prend que en cette position, la virgule ouvrante; ex. :
Une fois de plus il chercha des yeux sa chaloupe et
constata avec plaisir QU'AYANT laissé l'éperon rocheux
derrière elle, elle était de nouveau en vue.
(H. Melville, Benito Cereno,
dans la Nouvelle Revue française
d'octobre 1937, p. 621.)
Le complément ayant laissé l'éperon rocheux derrière
elle n'en est pas moins un ambiant, et la virgule qui
sépare les deux elle doit être interprétée comme une
virgule fermante.
10. Nous avons vu, § 8 A, que le sujet d'un verbe à
un mode personnel, lorsqu'il était séparé de ce verbe
par une virgule ne rentrant pas dans les cas décrits au
paragraphe précédent, était un sujet ambiant. En voici
un exemple :
Le menton et la lèvre supérieure d'Edmée tremblaient
convulsivement. LUDOVISE, n'arrivait pas à comprendre.
(Comte de Cpmminges, les Blérancourt, II, 2, p. 184.)
La pause qui suit le sujet ambiant est d'une nature
autre que celle dont nous nous sommes occupés jus-
qu'ici. Elle est d'une durée notablement moindre. C'est
ce dont on peut s'apercevoir facilement en examinant
des exemples où apparaissent côte à côte plusieurs
sujets ambiants :
Quatre cents tableaux, trois cents dessins, repré-
sentent l'ensemble de la peinture française depuis le
temps des Valois.
(L. Gillet, Chefs-d'œuvre de fart français, Revue
des Deux Mondes du 15 septembre 1937, p. 277.)
La pause qui suit dessins et qui marque la nature
ambiante du groupe des sujets est plus brève que celle
qui suit tableaux, laquelle ressortit au § 6 B. On peut,
pour la différencier, lui donner le nom de pausette.
Il serait naturel que la pause décrite dans les para-
graphes précédents et la pausette eussent des signes
graphiques différents pour les représenter. Notre écri-
ture ne comportant pas de signe spécial pour la pau-
sette, on se trouve obligé soit d'y employer aussi la
virgule, ce qui a pour inconvénient de faire représenter
de la même manière deux arrêts d'inégale durée, soit
de ne pas marquer la pausette, ce qui a l'inconvénient
de risquer de faire prendre le sujet ambiant pour un
sujet ordinaire.
Pareille confusion n'est toutefois pas possible quand
les substantifs sujets ambiants sont des pronoms singu-
liers de la première et de la seconde personne ou des
pronoms des deux nombres de la troisième personne
masculine. Ces pronoms ont en effet des formes diffé-
rentes : moi, toi, lui, eux, employés pour les sujets
ambiants, au regard de je, tu, il, ils, employés pour les
sujets intimement unis à leurs verbes; ex. :
il est allé leur montrer la croix de guerre qu'il
avait, lui, et qu'eux n'avaient pas.
(Capitaine Z..., l'Armée de la guerre, p. 196.)
Ma chérie, vous ne l'aimez peut-être pas, mais LUI
vous aime.
(A. Maurois, Climats, 1, 9, p. 73.)
Mettre une virgule après ces pronoms est superflu,
bien qu'on la trouve souvent dans les textes; ex. :
elle fit un pas vers la porte. Lui, bondit.
(G. Courteline, les Linottes, II, p. 49.)
Mais le même inconvénient du manque d'un signe
spécial pour la pausette se fait sentir après les pronoms
des première et seconde personnes du pluriel et après
les pronoms des deux nombres de la troisième personne

féminine, où les formes ne sont pas écrites différem-
ment : nous, vous, elle, elles. Aussi trouvons-nous la
même hésitation que pour les sujets nominaux; ex. :
Non, c'est sa belle-sœur qui est une Malichecq...
ELLE est une Martin.
(F. Mauriac, le Désert de l'amour, X, p. 198.)
La pausette ici exigée par le sens n'est point marquée
dans l'écriture.
Elle, est délicieuse dans sa robe blanche et légère.
(G. d'Houville, le Séducteur, p. 125.)

Il y a ici une virgule quoiqu'il n'y ait qu'une pau-


sette.
La virgule est également superflue quand une suite
de sujets nominaux précédent moi, toi, lui ou eux, ces
formes pronominales communiquant leur ambiance à
tout le groupe ; ex. :
LA TANTE et MOI arrivions à l'église quand la 'troi-
sième sonnerie des cloches prenait fin.
(Ch. Appell, Souvenirs d'un Alsacien, IV, p. 55.)
MAMAN et MOI avons été victimes d'un accident de
voiture.
(Daniel Riche, le Prétexte, I, n.)
Je me hâte de vous envoyer M. de Milanges pour
vous prévenir que LA DAUPHINE, VOS ENFANTS et MOI
allons à votre rencontre à Leoben.
(Comte de Montbel, Journal,
dans la Revue des Deux Mondes
du 1er novembre 1923, p. 150.)
Cette ambiance, conférée au groupe des sujets par
leur association avec un pronom de cette espèce se
manifeste aussi quand la forme pronominale en ques-
tion, au lieu de précéder immédiatement le verbe, pré-
cède les autres sujets ou est au sein du groupe qu'ils
forment; ex. :
Peu après, Ricard fondait l'Art, où écrivaient Charles
Joliet, Edmond Le pelletier, Victor Poupin, le regretté
Adolphe Racot, MOI, d'autres encore.
(Verlaine, les Hommes (Taujourd'hui,
Louis-Xavier de Ricard ; Œuvres, t. V, p. 413.)
C'est d'ailleurs avec les pronoms de cette espèce que
peuvent faire groupe des sujets nominaux ou com-
plexes. Si l'on tient, pour des raisons de sens, à ce que
figure avant le verbe un pronom de la série je, tu, il, ils,
on n'en insère pas moins dans la laisse l'un des pro-
noms de la série moi, toi, lui, eux, que l'on met alors
en apposition avec le pronom de la personne et du
nombre correspondant; ex. :
Sauf que M. Fitou et MOI-MÊME, nous nous réjouis-
sons de votre décision.
(Jean de la Hire, le Maître de la vie,
dans le Matin du 11 janvier 1939, p. 8, col. 1.)
C'est le même tour qu'avec un pronom seul ; ex. :
Lui, il rit, dis-je, il rigole dans le sens de cette
lumière pleine de savoir et de pièges.
(J. Delteil, La Fayette, VII, p. 106).
Mais ici, c'est une pause virgulaire, et non une pau-
sette, qui précède le pronom sujet; la virgule est donc
tout à fait à sa place, bien qu'il soit facile de trouver
des exemples où elle ne figure pas. Ainsi :
Bientôt, ma corde et MOI nous referons notre entrée
sur la scène.
(Armand Lunel, l'Imagerie du cordier, II, 2, p. 105.)
Il. Il y a également incertitude au sujet de la ma-
nière de marquer la pausette qui apparaît dans les
constructions qu'on appelle en grammaire zeugmes,
constructions où un terme implicite n'est pas répété
après avoir figuré dans le contexte antérieur.
Très souvent, cette pausette ne reçoit pas de signe
graphique; ex. :
La pente était roide maintenant, l'abîme à dix pieds
à peine.
(P. Bourget, Isaac Maquenem, p. 282.)
Il y a dans le débit une pausette après abîme, là où
figurerait le terme implicite était si la phrase ne formait
pas un zeugme.
De même :
Les faibles nomment ça modestiè, moi supériorité.
(J. Delteil, La Fayette, IV, p. 62.)
Pausette entre moi et supériorité, là où figureraient,
dans une phrase pleine, les termes implicites je
.
nomme ça.
Mais, en l'absence de signe spécial, on trouve aussi
dans les zeugmes la pausette représentée par une vir-
gule; ex. :
Aux deux extrémités de la ligne, se trouvaient ainsi,
d'un côté un homme appuyé contre une paroi de cabine,
et bouleversé parce qu'il mettait l'insurmontable entre
le bonheur et lui, de l'autre, un personnage socratique,
confortablement établi dans son fauteuil...
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Baslèvre, III, 1, p. 128.)
La virgule qui suit l'autre marque la pausette à l'en-
droit où figurerait le terme implicite côté. Mais cette
virgule se trouve dans une phrase où sont aussi d'autres
virgules marquant des pauses plus longues.
12. L'absence de signe pour la pausette peut aussi
amener une confusion entre le rôle épithétique et le rôle
attributif d'un adjectif. Soit ce passage :
Jamais, mêmè aux pires heures, on n'a senti la Mort
présente comme aujourd'hui.
(R. Dorgelès, les Croix de bois, IX, p. 179.)
S'il n'y a pas pausette entre mort et présente, cet
adjectif est l'épithète de la mort; le sens peut être :
« Cette mort présente toujours autour de nous, on la
sent particulièrement aujourd'hui. » Si, au contraire et
conformément aux intentions de l'auteur, le lecteur en
introduit une à ladite place, présente devient attribut
du complément d'objet la mort et le sens est : « La mort
est particulièrement présente aujourd'hui. » Que si,
pour bien indiquer que c'est à cette dernière significa-
tion que l'on a affaire, on écrivait une virgule après
mort, on n'atteindrait pas le but cherché, car on ferait
de présente un complément ambiant et le sens devien-
drait : « Jamais on n'a senti la mort, pourtant présente
comme elle l'est aujourd'hui. » Il faudrait donc là, pour
la netteté du texte écrit, un signe spécial. Nous verrons
au § 14 comment certains scripteurs cherchent à donner
plus de précision à leurs textes; mais nous verrons
aussi qu'il s'agit là d'expédients, et que ce qu'il fau-
drait, c'est un signe de ponctuation exprès, tel qu'un
point en haut (') ou une virgule tracée en sens in-
verse (ç ), à la manière dont l'accent grave se distingue
de l'accent aigu.

II. — LE POINT
13. Comme signe pausal, le point s'emploie là où il
y a dans la parole une grande pause terminant une
phrase.
Le rôle du point est moins varié que celui de la vir-
gule; en effet, séparant des groupes grammaticalement
indépendants les uns des autres, les pauses qu'il repré-
sente ne donnent pas lieu aux mêmes finesses que les
pauses virgulaires.
La grande pause est l'aboutissement normal d'une
période parfois longue; ex. :
Dans les diverses transactions parlées auxquelles il
me faut me livrer en vue de la commande et du paie-
ment dudit déjeuner portatif, comme d'ailleurs dans la
phrase ci-dessus, de ce douanier glabre, je retrouve
après quelque dix-sept ans, le belge, je veux dire le lan-
gage belge, étrange français, trop, beaucoup trop
moqué chez nous seuls, parisiens, parmi les français,
notons le fait en passant.
(Verlaine, Quinze jours en Hollande, II ; t. V, p. 205.)
Elle était sombre, austère, rigide, hargneuse, presque
ascétique, ennemie de tout ce qui excuse la présence de
l'homme sur cette terre, ravageuse, pillarde, incendiaire,
dévastatrice, nid de guêpes à côté d'une ruche d'abeilles,
menace et danger perpétuels pour tout ce qui l'envi-
ronnait, aussi dure à elle-même qu'à autrui, et possé-
dant un idéal qui peut paraître haut, si l'idéal de
l'homme est d'être malheureux et l'esclave satisfait
d'une discipline impitoyable.
(Maeterlinck, les Débris de la guerre, p. 118.)
Elle ferait avec sa fille un dernier tour dans Cher-
bourg et aux environs, afin d'emporter dans les yeux
une vision suprême de ce pays où elle avait connu le
bonheur, et même elle déjeunerait avec elle à cette
auberge Millet où le docteur l'emmenait, au début de
leur mariage, quand il était content de ses opérations
et de ses succès.
(H. Bordeaux, l'Intruse, p. 33.)

Il galopa ainsi pendant neuf cents milles, la poitrine


lavée par le vent, les yeux lavés par le soleil, le cœur
lavé par l'espace, traversant des monts chauds comme
des seins, des îles d'oiseaux, des fourmilières comme la
tour Eiffel, des vols de mouches cramoisies, des déserts
de chiques, de beaux ravins tout resplendissants d'arai-
gnées à queues bleues, des sous-bois luisants de sources,
des éboulis de cristal.
(J. Delteil, La Fayette, III, p. 56.)

L'archevêque de Reims qui s'est assis au bas de


l'autel, ayant les pairs ecclésiastiques à sa droite et les
pairs laies à sa gauche, demande à pleine voix aux
représentants de la noblesse et du clergé s'ils trouvent
bon qu'il fasse chercher, pour l'oindre et sacrer roi, le
Dauphin de France, fils de Charles VI défunt et d'Ysa-
beau sa légitime épouse.
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 98.)
En de brèves secondes, bouclant son court circuit,
jusqu'aux confins de mon individu rapetissé, amaigri,
diminué sous toutes les dimensions, et sous toutes leurs
coutures, mon sang avait, dans son char de feu et sa
pourpre mouvante, roulé le dieu liquide, le dieu dissous
et tout-puissant, son ordre impérieux, sa paix empoi-
sonnée, et prisonnier délivré pour une heure, et qui,
poursuivi par un reste d'horreur, cherche encore, sans
y croire, son mal à son côté comme une bête tapie aux
replis de ma chair, comme une mauvaise hôte qui
s'efface au fond d'un horizon, j'écoute, au lointain de
moi-même, ma douleur peu à peu disparaître et se taire
comme le chant fiévreux de sa plainte assoupie.
(J. Marion, Voyage nocturne et sédentaire,
dans le Mercure de France
du 1er août 1937, pp. 462-463.)
Les périodes comprises entre les grandes pauses que
représentent les points peuvent, d'autre part, se réduire
à être extrêmement courtes. Certaines des phrases ainsi
constituées pourraient n'être séparées que par des
pauses virgulaires analogues à celles que le lecteur a
vues au § 6. Voyez particulièrement l'exemple de
M. Estaunié cité à ce paragraphe, sous 1°. Mais les
plus grandes pauses qu'indiquent les points hachent
davantage le discours et, par le contraste entre la briè-
veté des phrases et l'ampleur des pauses, donnent à
l'expression un tour plus vif; ex. :
Papa et Maman m'ont mis en pension pour mon bien.
Ils savaient ce qu'ils faisaient en agissant ainsi. J'au-
rais dû rester et attendre un peu.
(Verlaine, Confessions, 1, 5 ; t. V, p. 50.)
J'aime le roi. Je réponds de mon loyalisme. Mais les
maux des paysans me sont sensibles.
(Anatole France, le Lys rouge, p. 266.)
Mais, maintenant, elle n'en peut plus. Elle est à bout,
non point de courage, mais de force. Elle a payé de
tout ce qu'elle possède l'immense service qu'elle vient
de Tendre à l'univers.
(Maeterlinck, les Débris de la guerre, p. 38.)
Un soir, après dîner, elle vint en toilette de bal pour
veiller un malade. Ce fut du délire. Elle régnait en effet.
Cela lui suffisait. Puis, ce fut la guerre.
(H. Bordeaux, .l'Intruse, p. 128.)
La traversée fut un chef-d'œuvre de veine. Les fré-
gates anglaises croisaient le long de la route. La vic-
toire leur échappa comme un zèbre. La Fayette avait
interdit toute lumière à bord.
(J. Delteil, La Fayette, III, p. 55.)
Les hommes grognent. Les chefs discutent.
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 70.)
Je riais à ce point que, malgré les braillards, le petit
lieutenant m'entendit. Il vint sur moi, terrible, agitant
son revolver comme s'il eût voulu me tuer. Rien n'y fit.
Aucune menace, même une menace de mort, n'eût pu
m'empêcher de rire. J'en pleurais. J'en étais malade.
(Alain Sirwy, les Médecins imaginaires
dans le Mercure de France
du 1er août 1937, p. 550.)
Il était de bonne humeur. Il monta de lui-même à
llinfirmerie, où le caporal Duparc attendait mes ordres.
Le commandant lui expliqua ce qui était décidé.
(Id., ibid., p. 561.)
Cette fréquence de grandes pauses marquées par des
points est particulièrement significative quand les
périodes qu'elles séparent sont des phrases nominales
ou quand des phrases nominales se trouvent mélangées
aux phrases verbales; ex. :
-Oui, mon commandant. Un étudiant en médecine.
Douze inscriptions. Il vient de l'infanterie. Il est
caporal.
(Id., ibid.)
A la droite du comte Martin-Bellème, M. Berthier
d'Eyzelles. Intime et sobre déjeuner d'affaires.
(Anatole France, le Lys rouge, p. 349.)

De même, avec zeugmes :


Il part avec l'aplomb du fil à plomb, comme la
plante va droit au soleil. Sans impedimenta, le cœur nu.
Le cœur n'aime que nu.
(J. Delteil, La Fayette, III, p. 51.)
A noter aussi les sortes de tableaux tracés par des
phrases séparées par des points et qui figurent en tête
des pièces de théâtre pour indiquer le décor; ex. :
A droite, au premier plan, des sacs de blé, de farine
et de son, des boisseaux de divers calibres. A droite,
au second plan, au tiers de la largeur de la salle, planté
de face, l'escalier de bois, sorte d'échelle à rampe, par
où l'on monte aux étages supérieurs du moulin. A
droite, près du pied de l'escalier, du côté de la fenêtre,
la bascule romaine et un fauteuil rustique. A gauche,
au premier plan, porte donnant sur la cour qui sépare
le moulin de la maison. A gauche, au second plan, entre
la porte et la fenêtre, lourde table accotée au mur, flan-
quée de deux escabeaux, et sur laquelle sont posés,
pêle-mêle, de petits sacs à échantillons de blé, une
grosse bible à images, un grand carton à dessins et un
chanteau de pain piqué d'un couteau. En scène, entre
la table et la porte du fond, une pile de sacs pleins.
(Jean Richepin, la Route d'Emeraude, acte ¡cr.)
Le cabinet de travail de Breschard. Même décor
qu'au second acte.
(P. Bourget, la Barricade, acte IV.)
La plupart des périodes formées de phrases verbales
et citées dans le présent paragraphe sont soit très lon-
gues, soit très courtes. Il va sans dire que les degrés
intermédiaires existent et que les grandes pauses mar-
quées par des points apparaissent à toutes sortes d'in-
tervalle. A moins d'une recherche de style spéciale, le
mélange des courtes, moyennes et longues périodes est
ce qu'on voit de plus ordinaire; ex. :
L'huissier acheva d'ouvrir la porte qui n'était
qu'entre-bâillée. M. Baslèvre perçut un bruit de robe,
mais soucieux de montrer aux étrangers et spécialement
à Mlle Fouille combien son temps était compté, affecta
de poursuivre sa lecture.
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Baslèvre, 1, 5, p. 49.)
Tout le jour, des bandes de femmes, de gamins cacao,
des forgerons aux faces sinistres, des énergumènes sif-
flants trottent par la route de Versailles. Peu à peu,
cela fait vers le soir d'assez gros paquets de foule.
La Fayette s'en inquiète. Vers cinq heures de l'après-
midi, il accourt à Versailles avec quelques bataillons de
Garde Nationale.
(J. Delteil, La Fayette, VI, p. 89.)

Reste -l'Etat. Fondant quelque espoir sur le système


dans lequel il voit l'antidote du socialisme, c'est lui qui,
en fait, a toujours fourni les premiers crédits aux coopé-
ratives.
(Henri, comte de Paris, le Prolétariat, p. 61.)
Le lecteur aura remarqué que, dans tous les exemples
cités dans le présent paragraphe, le seul signe de ponc-
tuation figurant à l'intérieur des périodes limitées par
un point est la virgule. Ces exemples ont été choisis tels
à dessein qu'on puisse aisément se rendre compte des
rapports, fort simples d'ailleurs, qui existent entre
groupes ponctués avec ces deux signes. Mais ce n'est
pas à dire que les passages que des points limitent ne
peuvent contenir intérieurement que des virgules. Au
contraire, de tels passages peuvent contenir toutes
sortes ,d'autres signes, ainsi qu'on le verra dans divers
endroits subséquents.
III. — LE POINT ET VIRGULE
14. Il est possible d'assigner la représentation de
pauses caractérisées tant au point qu'à la virgule. Le
point et virgule est, lui, un signe d'une valeur beaucoup
moins nette. L'on peut dire qu'on l'emploie tantôt à la
manière d'un point, tantôt à la manière d'une virgule.
Voici un exemple où l'on peut le considérer comme
représentant soit une petite pause, soit une grande
pause :
On ne voit que le cimetière par toutes les fenêtres;
il vient manger les jardins du château; et voilà que les
dernières tombes descendent jusqu'à l'étang.
(M. Maeterlinck, la Princesse Maleine, II, n.)
Les pauses qui suivent fenêtres et château peuvent
aussi bien être de petites pauses du genre de celles
décrites sous les §§ 5 sqq. que des pauses décrites sous
le § 13. Pour décider la chose, il faut replacer le frag-
ment ci-dessus au milieu de ce qui l'environne, soit :
Il pleut; un enterrement dans le cimetière; on a
creusé deux fosses et le Dies irae entre dans la maison.
On ne voit que le cimetière par toutes les fenêtres; il
vient manger les jardins du château; et voilà que les
dernières tombes descendent jusqu'à l'étang. On ouvre
le cercueil, je vais fermer la fenêtre.
(Même passage.)
Tout ce qui précède on ne voit forme une sorte d'in-
troduction à ce qui va être dit. Depuis on ne voit jus-
qu'à l'étang, il y a un tableau descriptif; le point et
virgule qui en clôt chacune des parties marque mieux
qu'un point la cohésion de l'ensemble, mieux qu'une
virgule l'indépendance de chacun des traits. L'interdé-
pendance plus nette qu'il y a entre on ouvre le cercueil
et je vais fermer la fenêtre est exprimée par une virgule.
Mais il y a là plutôt un artifice graphique que l'expres-
sion de pauses de durées variées. On peut en conclure
que le point et virgule n'a pas de valeur absolue comme
en ont respectivement le point et la virgule, et que sa
valeur est relative au contexte. On peut aussi observer
que la nature des passages qu'il limite n'est pas tant
caractérisée par des pauses que par des inflexions de la
voix : nous retrouverons cette question quand nous exa-
minerons la valeur mélodique des signes pausaux.
Voici encore quelques exemples qui souffrent une
explication analogue :
Sa voix, sombre et chaude, s'alliait bien avec ce mer-
veilleux équilibre dans les mouvements, cette naturelle
harmonie. Il avait une façon de parler personnelle, sou-
vent familière; certains termes lui étaient dictés par un
tour d'imagination spécial. Cela faisait partie de son
originalité.
(Jacqueline Marenis, Trois hommes de Libye,
dans la Revue des Deux Mondes
du 1er octobre 1937, p. 487.)
Marco n'était pas orgueilleux, il avait trop de motifs
d'humilité, trop d'intelligence aussi; il lui vint cepen-
dant une envie sauvage de mater ce garçon dont l'hosti-
lité polie ne cédait pas.
(Id.,ibid., p. 499.)
Mais la jeune image, vivace et forte, paraissait révé-
lée par les multiples lumières d'une ville, Nice. Hélène
et Nice ne faisaient qu'une. Marco voyait Nice la nuit,
avec ses rues noires et luisantes, ses trottoirs mouillés
où s'écrasait le reflet des enseignes rouges comme des
taches de sang délayé; elle bruissait, vivait; dans ses
larges artères passait un flot de gens pressés; le long
de la mer, Hélène se promenait, serrée dans son man-
teau de pluie. Elle l'attendait.
(Id., ibid., p. 501.)
Les premiers coups de canon seront souvent mortels
pour les premières automitrailleuses; mais il faut bien
aller à l'ennemi, pour savoir où il est. La,difficulté com-
mence à ces premiers coups de canon. Le détachement
stoppe; comptes rendus de l'avant à l'arrière; ordres
de l'arrière à l'avant; on s'embusque, on s'observe;
enfin une décision est prise.
(Général Daubert, Chars et anti-chars,
dans le Mercure de France
du 15 octobre 1937, p. 315.)
Mais, l'imagination nécessaire au progrès ne se limite
pas toujours aux réalités; c'est l'expérience qui fait
justice de nos conceptions, et dit si nous avons été assez
loin ou trop loin; et ici, nous avons heureusement
l'expérience espagnole. Elle nous démontre qu'il faut
en rabattre quelque peu de nos idées sur la toute-puis-
sance de l'engin blindé; elle nous rappelle que le ter-
rain commande la guerre; et le terrain, hostile aux
engins nouveaux, est au contraire favorable aux êtres
qui, depuis toujours, le parcourent : l'Homme,
l'Animal.
(Id.,ibid., p. 319.)
Il est classique de faire précéder d'un point et virgule
la conjonction mais placée en tête d'une proposition
coordonnée; ex. :
Il y a bien aussi les petits pois, les carottes, les
asperges; mais ce ne sont là que hors-d'œuvre, pigeons-
vole.
(J. Delteil, La Fayette, IX, p. 133.)
Son prestige est toujours grand; mais la réforme à
accomplir est de taille.
(Roger Munsch, Science et sectarisme,
dans le Mercure de France
du 15 octobre 1937, p. 292.)
Mais on rencontre aussi soit le point, soit la virgule
en cette position; ex. :
Abandon volontaire ou résignation à l'inévitable, le
don de soi-même a été fait. Mais ceux qui l'ont consenti,
comment exiger d'eux qu'ils acceptent encore une
aggravation de peine, ?
(René Dumesnil, l'Ame du médecin, ibid., p. 242.)
Les deux jambes, ouvertes en V, demeurent rigides
pour ne point « pocher » les bas au genou, mais le
jeune dos ploie, et le cou se tend comme celui d'une
gazelle altérée.
(Colette, Mitsou, I, p. 6.)
Le point et virgule précédant mais rentre donc dans
le cas général.
Dans le passage suivant, les points et virgules repré-
sentent des pauses virgulaires, mais l'auteur paraît
avoir eu le souci de faire légèrement allonger ces
pauses afin qu'elles ne se confondent pas avec celles
qui se trouvent à l'intérieur des périodes qu'elles sépa-
rent :
Elle aimait à voir ce paysage de pierres, qu'envelop-
pait la clarté faible et profonde de l'air; à marcher
vite et ferme, le long du quai où les arbres déployaient
le tulle noir de leurs branches sur l'horizon roussi par
les fumées de la ville; à regarder, penchée sur le para-
pet, le bras étroit de la Seine roulant ses eaux tragi-
ques; à goûter cette tristesse du fleuve sans berges, et
qui n'a ni saules ni hêtres.
(Anatole France, le Lys rouge, p. 32.)
C'est aussi un souci du même genre que paraît avoir
eu l'auteur du passage suivant :
Il y a deux grandes saisons dans le jardin Potager :
en hiver, la saison des choux; la saison des haricots
verts en été.
(J. Delteil, La Fayette, IX, p. 132.)
Mais là, on peut interpréter le groupe en hiver, la
saison des choux comme un zeugme (v. § 11). La vir-
gule représente en ce cas la pausette qui apparaît à la
place qu'aurait, s'il était explicité, l'élément implicite
il y a; d'où, par nécessité de différencier la pausette de
la pause virgulaire, l'apparition du point et virgule
pour marquer cette dernière pause.
C'est également pour les pausettes nécessaires à la
place de l'élément implicite des zeugmes que sont
inscrites les virgules qui figurent dans le passage qui
suit :
la morale explique, perfectionne, dirige la socio-
logie; la sociologie, la biologie; la biologie, la chimie;
la chimie, la physique; la physique, l'astronomie; et
l'astronomie, la mathématique.
r
(Charles Maurras, Avenir de l'intelligence,
Auguste Comte, p. 123.)
L'auteur pouvait séparer par de simples virgules les
différents zeugmes et laisser sans marque scripturale les
pausettes (v. § 11), il a préféré les marquer par des
virgules; ayant fait cette option, il n'a pas pu faire
autrement que de marquer les pauses virgulaires par
des points et virgules; le lecteur n'a qu'à supposer que
l'auteur a tout écrit au moyen de virgules pour se
rendre compte que le passage deviendrait à peu près
inintelligible.
De même :
Les fenêtres sont ouvertes; nous, accoudés au balcon.
(P. Morand, Tendres Stocks, p. 38.)

IV. — VALEUR MÉLODIQUE


DES SIGNES PAUSAUX
15. Comme il a été dit au § 4, les signes pausaux ont
une certaine valeur mélodique. La voix tombe tout
à fait sur la dernière voyelle du mot qui précède un
point; au contraire, la voix reste suspendue et la mé-
lodie n'est pas résolue quand une telle voyelle est dans
un mot qui précède une virgule. La voix reste en l'air
ou tombe selon que le point et virgule est considéré
comme une virgule allongée ou comme un point abrégé.
Il est inutile de citer ici de nouveaux exemples; le lec-
teur n'aura qu'à revoir ceux des paragraphes précé-
dents, et il lui sera aisé de les interpréter lui-même.
CHAPITRE III

Signes de ponctuation mélodiques.

I. — LES DEUX POINTS

16. Il arrive que la voix reste suspendue sans que la


mélodie phrastique ait été résolue : le discours demande
une suite. C'est ce que marquent, dans l'écriture, les
deux points.
On les trouve pour introduire des paroles attribuées
à un personnage dont le récit antérieur a fait mention;
ex. :
Montessuy répliqua, avec sa rude bonhomie :
— Allons, monsieur Garain, soyez sincère.
(Anatole France, le Lys rouge, p. 48.)
mais, par une divination réelle de son amour, à
peine l'eut-elle embrassé : « Tu souffres? » dit-elle vive-
ment.
(P. Bourget, Céline Lacoste, p. 226.)

Mais- non, Claire doit être habituée à ces sorties


étranges, puisqu'elle murmure :
— Aujourd'hui, cependant, n**aurais-tu
pas dû
remettre?
(Ed. Estaunié,
VAscension de M. Baslèvre, II, 3, p. 81.)
Arrivé dehors :
— Au ministère, et vite! commanda-t-il au cocher
attendant devant la porte.
(Id., ibid., 1, 3, p. 38.)
Donc, un jeune garçon de quinze ans répondrait : La
démocratie n'est pas un fait.
(Charles Maurras, les Princes des nuées, p. 65.)

La vie est une chanson — il ajoute : la révolution


est une chanson.
(J. Delteil, La Fayette, VIII, p. 120.)

Jean Le Bouteillier, bailli, qui doit lire la sentence


de l'autorité civile, jette seulement :
— Menez, menez!
Et au bourreau :
— Fais ton office.
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne Arc, p. 206.)

Un autre caractère musical exprimé par les deux


points dans ce premier emploi est qu'il est possible que,
selon les indications du contexte, le lecteur change l'in-
tonation et même le registre de sa voix, dans l'intention
d'imiter la façon de parler du personnage dont on rap-
porte les propos; ex. :
L'évocation l'étreignit; il reprit SON ACCENT DUR :
— Allez faire le rapport, Dalich : le marabout, la
balle manquée, et tout ce qui s'ensuit.
— Où est la codéine? demanda Goliano D'UNE VOIX
ÉPAISSE.
(Jacqueline Marenis, Trois hommes de Libye,
dans la Revue des Deux Mondes
du 1er octobre 1937, p. 511.)

Les inflexions de la voix des deux interlocuteurs sont


indiquées par les mots mis en petites capitales.
Celui dont les paroles sont rapportées peut être, bien
entendu, le narrateur lui-même; ex. :
Si je croyais qu'elle pût nous déshonorer ainsi, je
vous dirais : Noyez-la.
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 39.)
La citation ainsi introduite par les deux points peut
être au point de vue du sens intégrée dans la trame
même du discours. C'est ce qu'on voit quand cette cita-
tion contient une incise, laquelle incise est en somme
une suite du récit antérieur : « A peine l'eut-elle em-
brassé qu'elle dit vivement: » (ex. de Paul Bourget) ;
« Arrivé dehors, il commanda : » (second ex. de
M. Estaunié).
L'intégration est plus étroite encore, étant en ces cas
marquée grammaticalement, quand le groupe introduit
par les deux points se réduit à un membre de phrase
ou à une courte phrase représentant moins un propos
attribué à un interlocuteur qu'une formule; ex. :
Leur formule fameuse : « Le devoir de croire au
devoir », c'est toute leur philosophie...
(Ch. Maurras, les Princes des nuées, p. 155.)

Charles VII, qui peut enfin employer la royale for-


mule : « Tel est notre bon plaisir », en use largement
devant cette ruée d'hommages.
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 108.)
Une strophe est caractéristique, celle où le nègre
répond à la question : Dis-moi quel est le chant de la
terre.
(Marcel Carayon, le Geste du gaucho argentin,
dans le Mercure de France,
du 1er septembre 1937, p. 323.)
Les deux points, marquant de même une non-réso-
lution de la mélodie phrastique, apparaissent encore
avant des énumérations; ex. :
Quatre formes de protozoaires flagellés bourrent litté-
ralement ses entrailles, ce sont, par ordre de grandeur :
le Trichonympha Campanula qui y pullule par mil-
lions, 7e Leidyopsis Sphaerica, le Trichomonas et le
Streblomastix Strix.
(Maeterlinck, la Vie des termites, p. 58.)
L'exposé ainsi annoncé peut être plus ou moins long.
En voici un réduit à deux termes :
Bientôt il ne reste plus dans la prison que deux
êtres : un jeune homme, une jeune femme.
(J. Delteil, La Fayette, VII, p. 111).

Bien que les exemples suivants contiennent aussi plu-


sieurs termes, il y s'agit aussi bien d'une explication
du contexte précédent que d'une énumération :
En vertu de la surprenante faculté de commander
aux corps et de les transformer selon les tâches, les
besoins et les circonstances que possède l'espèce, les
ouvriers se divisent en deux castes : les grands et les
petits.
(M. Maeterlinck, la Vie des termites, p. 71.)

En revanche, la tenue, au collège du Plessis, était


sémillante : habit bleu marine à parements arc-en-ciel,
et toque tango.
(J. Delteil, La Fayette, II, p. 30.)

Avec un seul terme, il s'agit pleinement d'une expli-


citation; la voix laissée en suspens et la pause qui suit
donnent au terme final un relief particulier; ex. :
Actuellement, il constitue un ordre distinct : celui
des Isoptères.
(M. Maeterlinck, la Vie des termites, p. 22.)

il s'est résigné à demander la collaboration de


l'homme qu'il déteste le plus au monde : son oncle, le
cardinal de Winchester.
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 109.)
Voici quelques mètres carrés de ce paradis : ma Cli-
nique Idéale.
(A. Aniante, la Clinique Idéale, dans le Mercure
de France du 1er septembre 1937, p. 331.)
L'explicitation, au lieu d'être réduite à un simple
complément ambiant, comme dans les exemples précé-
dents, peut être formée d'une phrase entière; ex. :
Sitôt dans la place, cette masse, Vercingétorix l'or-
donne par rangs : il forme son mur d'hommes sous les
murs de l'enceinte.
(Marius-Ary Leblond, la Victoire de Gergovie,
dans le Mercure de France
du 1er septembre 1937, p. 271.)
Le texte' que termine l'inflexion de voix que marquent
les deux points peut faire attendre une suite. C'est le
cas que nous avons vu plus haut dans le changement
de la personne parlante; c'est aussi le cas dans les
exemples suivants :
Entre les mille preuves de cette entente que nous
voyons s'accumuler au long de ces pages, j'attirerai
l'attention sur celle-ci, parce qu'elle est assez topique :
il existe des termitières dont une seule colonie occupe
plusieurs troncs d'arbres parfois assez distants les uns
des autres, et n'a qu'un couple royal.
(M. Maeterlinck, la Vie des termites, p. 93.)
Une supposition : on me raconterait que monsieur,
qui est pourtant bien régulier et occupé, n'aime pas
quelqu'un, je ne le croirais pas, n'est-ce pas?
(Ed. Estaunié,
F Ascension de M. Baslèvre, 1, 4, p. 46.)

— Vois donc! Claire : à quoi pense-t-il pour que je


retrouve sur sa b-ouche le petit pincement de jadis, et
encore là, au coin de l'œil, la ride qui surgissait chaque
fois qu'il avait envie de se donner en exemple?
(Id.,ibid., II, 3, p. 80.)
Mais la suite peut n'avoir pas été aussi nettement
annoncée; elle contient alors une poursuite du procès
déjà commencé, à qui elle s'ajoute comme description
ou comme conséquence; ex.:
Une heure après, la ville est en émoi : la sorcière,
ayant repris l'habit d'homme, est relapse.
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 195.)
Le Proconsul ne voit que le présent : sauver son
armée!
(M.-A. Leblond, la Victoire de Gergovie, p. 267.)
Il a joint de nouvelles troupes éduennes à ses lé-
gions : c'est pour étendre ses lignes d'investissement
et tenter, sur les points faibles, quelque attaque de nuit
comme à Bourges!
(Id., ibid.)
De là-bas, César assiste au désordre, il fait sonner la
retraite! En vain, les légats, les tribuns clament-ils : les
soldats continuent à monter.
(Id., ibid., p. 270.)
Mais les rusés toujours soupçonnent d'abord la ruse :
les Romains croient qu'on veut les induire en erreur;
(Id., ibid., p. 271.)
Il arrive fréquemment, mais moins classiquement,
que ces passages conséquents se succèdent en cas-
cades; ex. :
— Merci! Réservez votre science pour tout à l'heure:
je lui souhaite d'être plus perspicace que maintenant.
(Ed. Estaunié,
r Ascension de M. Baslèvre, III, 4, p. 159.)
Là-dessus la jeunesse, avec enthousiasme, s'est offerte
pour prendre la tête du mouvement : Il faut délibérer
tout de suite pour l'exécution du complot : car on ne
se flatte pas d'amener d'un coup toute la Cité à rompre
avec Rome sans prétexte.
(M.-A. Leblond, la Victoire de Gergovie, p. 260.)
César redoute le soulèvement général : la Gaule
échappe à César... César échappera-t-il à la Gaule?
(Id., ibid., p. 267.)
Lieutenants, veillez à contenir vos soldats : l'ardeur
de combattre et l'espoir du butin pourraient les empor-
ter trop loin; or, le terrain, trop escarpé, est très dan-
gereux;
(Id., ibid., p. 269.)
Au tribunal, les paperasses s'accumulent : les ré-
ponses envoyées de tous côtés trahissent de nombreuses
hésitations : un évêque demande des éclaircissements,
un autre se réserve, des théologiens refusent de prendre
parti.
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 179.)
Le passage conséquent peut former la conclusion
qu'on tire de ce qui précède; ex. :
Dans la ruche, nous le savons, la femelle règne
seule : c'est le matriarcat absolu.
(M. Maeterlinck, la Vie des termites, p. 68.)
Enfin, le progrès politique ayant le même sort que le
progrès social et religieux, il est arrivé qu'en dépit d'un
patriotisme exalté, d'un sentiment national plus accusé
et plus défini dans toutes les classes de la population,
en dépit des institutions délibérantes dans lesquelles on
voulait faire consister l'essence de la vigilance natio-
nale et de la prévoyance patriotique, mais qui ne figu-
rèrent qu'une misérable pulvérisation du pouvoir dans
l'espace comme dans le temps, la patrie a été trois fois
envahie et trois fois vaincue depuis la Révolution : le
XIXe siècle aura été le siècle des trois défaites et des
trois invasions...
(Ch. Maurras, les Princes des nuées, p. 297.)
Deux semaines passent encore durant lesquelles on
réunit et met au point les tardives réponses de quelques
gens considérables. Jean Beaupère, Jacques de Touraine
et Nicolas Midy sont allés quérir celle — décisive — de
l'Université de Paris. Ils la rapportent en triomphe :
Cauchon, désormais, sait sur qui s'appuyer!
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 181.)
17. Si nous examinons, à la lumière des exemples que
nous avons eus sous les yeux dans le cours du para-
graphe précédent, le rôle des deux points, nous pour-
rons conclure que leur fonction est de précéder soit un
énoncé, soit une explication. On les rencontre dans ces
deux fonctions, qui ne sont que les deux variantes d'un
même système expressif, dans des passages où ils sont
associés; ex. :
Aussitôt le prêtre salua :
— Monsieur le docteur est sans doute pressé : dans
ce cas, je pourrais céder mon tour...
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Baslèvre, III, 4, p. 159.)
Dans l'exemple précédent, les premiers deux points
annoncent un discours rapporté, les seconds un
conséquent.
Elles savent toutes qu'elles n'achèteront leur vie et
celle de leurs enfants qu'en jetant vite aux soldats de
César ce pourquoi ils tuent : du haut des murs, par-
tout, elles lancent aux Romains tout ce qui peut se
vendre : leurs beaux colliers, leurs beaux bracelets,
leurs chers bijoux ajourés et dentelés, broches et épin-
gles d'or;
(M.-A. Leblond, la Victoire de Gergovie, p. 270.)
Les premiers deux points annoncent un conséquent,
les seconds une énumération.
Jeanne, qui heureusement veille à tout, apprend
que le traité ne fait pas mention des prisonniers de'
guerre : Roi et Conseil ont oublié de réclamer ces mal-
heureux. Indignée, la Pucelle les fait racheter séance
tenante et va leur crier : Liberté!
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 94.)
18. Nous avons considéré jusqu'ici la valeur mélo-
dique des deux points. Ils ont également une valeur
pausale; mais celle-ci n'est pas nettement déterminée.
En effet, ainsi qu'on a pu le voir dans les exemples
cités, ils répondent aussi bien à de petites qu'à de
grandes pauses et équivalent à ce point de vue tantôt
à des virgules, tantôt à des points. Que l'on compare,
par exemple, les deux passages suivants :
Un cri qui s'élève, immense, de toutes les parties de
l'enceinte : terrible parce que de terreur!
(M.-A. Leblond, la Victoire de Gergovie, p. 270.)
Alors je vis dans l'ombre quelque chose d'étrange :
de ces coupes, de ces ciboires, de ces émaux, ces cris-
taux, ces argenteries, ces ivoires, ces lustres, ces giran-
doles de Saxe émanait une sorte de volonté.
(E. Jaloux, la Course d'Atalante, dans la Revue
des Deux Mondes du 1er octobre 1937, p. 679.)
Dans le premier, terrible est un complément ambiant,
et si M.-A. Leblond n'ont pas voulu le mettre en valeur
d'une façon spéciale en rompant en sa faveur la chaîne
mélodique, il l'aurait probablement fait précéder d'une
simple virgule. Dans le second, il y a juxtaposition, et si
Edmond Jaloux n'avait pas voulu mettre spécialement
en valeur le conséquent, en rompant après étrange la
chaîne mélodique, il aurait probablement fait suivre
ce mot d'un point, ou, au moins, d'un point et virgule.
Nous avons vu aussi, par les exemples, que les deux
points pouvaient précéder même un alinéa (v. plus
bas § 38).
En conséquence de cette ambivalence pausale, les
deux points n'ont pas de mode spécial de combinaison
avec les signes purement pausaux; ils se combinent
avec lesdits signes comme ceux-ci le font entre eux.

II. — LES GUILLEMETS


19. Quand les deux points annoncent la citation de
paroles ou d'écrits, ils se font très souvent suivre des
guillemets. Les guillemets ouvrants («) précèdent le
passage rapporté, les guillemets fermants (») le suivent;
ex. :
Elle m'a dit : « Général, comment faites-vous donc
pour avoir de beaux chevaux? » Je lui ai répondu :
« Madame, pour avoir de beaux chevaux, il faut être
ou très riche, ou très malin. »
(Anatole France, le Lys rouge, p. 65.)
Elle pensa :
« Ce serait bon... »
(Colette Yver, Princesses de science, p. 22.)
Quand une conversation entre plusieurs personnages
est rapportée, on trouve chez certains auteurs les guil-
mets ouvrants en tête de la conversation et les guille-
mets fermants à la fin de ladite conversation. Le pas-
sage d'un interlocuteur à l'autre se fait au moyen d'un
simple tiret; ex. :
Quelqu'un lui demanda à brûle-pourpoint : « Voulez.
vous être président de la République? — Non! — Eh
bien, alors?... »
(J. Delteil, La Fayette, XII, p. 170.)
« Ah çà! il paraît, dit le Pédant, que les arquebuses
de ces messieurs ont fait long feu à cause de l'humidité
de la nuit. En tout cas, ils ne sont guère braves, car
ils laissent leur chef dans l'embarras et ne bougent non
plus que des Termes mythologiques!
— Ils ont de bonnes raisons pour cela, répliqua le
Matamore en escaladant le talus, ce sont des hommes
de paille habillés de guenilles, armés de ferrailles,
excellents pour éloigner les oiseaux des cerises et des
raisins. »
(Théophile Gautier, le Capitaine Fracasse, 1.1, p. 122.)
Mais, chez d'autres, les guillemets sont fermés après
les paroles de chaque interlocuteur et rouverts pour le
suivant; ex. :
Enfin, impuissant à saisir la signification d'un tel
nœud, le capitaine Delano interpella le noueur :
« Que nouez-vous là, mon brave? »
« Le nœud », répondit brièvement le matelot, sans
lever les yeux.
« Je le vois bien; mais pour quel usage? »
« Pour qu'un autre le défasse », murmura le vieil-
lard qui se remit à jouer des doigts, le nœud étant
presque achevé. Melville, Benito Cereno,
dans la Nouvelle Revue française
du 1er octobre 1937, p. 620.)
Quand, au lieu d'un passage suivi de deux points,
c'est une incise qui explique qu'il s'agit de propos rap-
portés, il y a également deux habitudes concurrentes :
1° L'incise est insérée à l'intérieur des guillemets;
ex. :
« Les noirs, dit Comettant (Trois ans aux Etats-
Unis), sont bien nourris, suffisamment vêtus, et ils tra-
vaillent certainement moins que la grande majorité des
artistes et des écrivains qui demandent l'existence à leur
labeur. » (j. Delteil, La Fayette, XI, p. 158.)
2° Les guillemets sont fermés pour l'insertion de
l'incise, puis rouverts pour la suite du propos rapporté;
ex. :
« Enfin », s'écria le capitaine Delano. « Que vous
disais-je, Don Benito? Regardez! »
(H. Melville, Benito Cereno,
dans la Nouvelle Revue française
du 1er octobre 1937, p. 643.)
Cette seconde habitude est préférable à la première,
car elle opère un triage plus net entre le récit et la
citation et permet plus aisément au lecteur de donner à
chaque partie l'intonation convenable.
Certains auteurs ont l'habitude, surtout quand ils rap-
portent un passage dont ils veulent garantir l'authen-
ticité, de faire précéder chacune des lignes de ce pas-
sage de nouveaux guillemets, constituant ainsi une nou-
velle variété de guillemets, les guillemets continuants.
La forme des guillemets continuants est, chez certains
auteurs, celle des guillemets ouvrants (et c'est de nos
jours la forme la plus usitée dans ce cas), chez certains
autres, celle des guillemets fermants. Voici des exem-
ples des deux variétés :
1° Guillemets continuants en forme de guillemets
ouvrants :
On trouve dans un de ses opuscules de 1822 cette
remarque digne d'une longue mémoire, car elle inau.
gure une époque :
« Il n'y a point de liberté de conscience en astro-
« nomie, en physique, en chimie, en physiologie même,
« en ce sens que chacun trouverait absurde de ne pas
« croire aux principes établis dans ces sciences par des
« hommes compétents. S'il en est autrement en poli-
« tique, c'est uniquement parce que, les anciens prin-
« cipes étant tombés et les nouveaux n'étant point
« encore formés, il n'y a point encore, à proprement
« parler, de principes établis. »
(Ch. Maurras, FAvenir de Fintelligence,
Auguste Comte, p. 120.)
Il a suffi du touchant avis que Parrot-Lagarenne a
fait paraître hier dans; la Petite Gironde et où il est dit :
« le printemps que le poète aimait à vivre, le bâton au
« poing, le long des haies d'aubépines, ne vient plus
« jusqu'à lui que par la fenêtre de son jardin... »
(Francis Jammes, Air du mois de mai,
dans la Nouvelle Revue française
du 1er juillet 1938, p. 120.)
2° Guillemets continuants en forme de guillemets
fermants :
« Tu es silencieux comme le sable, me dit-elle avec
» un ton de voix familier; moi, je lis l'avenir, comme
» toutes celles qui marchent sans avoir de pays : donne-
» moi ta main, tu verras. »
(Villiers de l'Isle-Adam, Isis, p. 231.)
Et cette fois, ainsi qu'il l'avait déjà fait tant d'autres
fois, M. Bergeret lut au tome XXXVIII' de l'Histoire gé-
nérale des voyages les premières lignes de la page 212 :
« ver un passage au nord. « C'est à cet échec, dit-il,
» que nous devons d'avoir pu visiter de nouveau les
» îles Sandwich et enrichir notre voyage d'une décou-
» verte qui, bien que la dernière, semble, sous beau-
» coup de rapports, être la plus importante que les
» Européens aient encore faite dans toute l'étendue de
» l'océan Pacifique. » Les heureuses prévisions que
« semblaient annoncer ces paroles ne se réalisèrent
« malheureusement pas. »
(Anatole France, l'Orme du Mail, p. 204.)
Ad haec sui : « Perni- Ses conseillers lui répon-
» ciosum est, inquiunt, o
dirent: « Il est mal d'aban-
juratis domino de- » donner son seigneur lors-
» rex, a qu'on lui a juré fidélité;
»
o ficere, sceleratissimum » il est criminel de se dres- '
» vero contra dominum » ser contre lui. Dès lors
» stare. Si de desertore ac » qu'il s'agit d'un traître et
transfugis agitur, horum » de transfuges et, pour peu
» qu'on réfléchisse à la si-
advertatur »
» nominum si gnification de ces mots,
»
» interpretatio, quicquid » on peut dire que toutes
» moliti sunt praeter jus » leurs entreprises sont
» et aequum. Unde et sine »
contraires au droit et à la
dubio si necessi- » justice. Par conséquent,
» pugnae il est hors de doute que,
»
» tas eos adurgeat, divini- » si on les met dans la né-
» tatis ultionem non eva- » cessité de se battre, ils
» dent. Id vero certissime » n'échapperont pas à la
noveris, nullo modo reg- » vengeance divine. Mais il
»
» faudra aussi que tu saches
» num a te repetundum, tu
nisi bello ipsum » que ne pourras recou-
» aggre- » vrer ton royaume qu'en
» diaris tirannum; reg- » déclarant la guerre à l'u-
» num ereptum non ir- » surpateur lui-même. Tu ne
» rumpes, nisi ferro viam » reconquerras ce royaume
violenter aperias % qu'on t'a enlevé qu'en
» t'ouvrant la les ar-
Quid enim proderit » route
» om- » mes à la main A quoi
» nes interfici et malorum » servirait-il, en effet, de
» causam reservari? » » tuer tous les autres si on
» doit épargner l'auteur
» du mal? »
(Richer, Histoire de France, 43; édition-traduction
publiée à Paris en 1930, pp. 82-83 et 84-85.)
Les guillemets continuants n'accompagnent pas tou-
jours d'aussi près le texte; ils sont quelquefois placés
seulement en tête de chaque alinéa. Là encore, ils peu-
vent affecter la forme ouvrante ou la forme fermante.
En voici des exemples :
1° Forme ouvrante :
— Y avez-vous pris garde? dit-il, les yeux serrés, le
chef de l'Etat s'était fait représenter Des régiments
avec leur drapeau, des musiciens et leur bannière
« Pareille chose ne se fût jamais vue voilà six-vingt
(sic) ans : des tambours, du canon et le déplacement
des autorités pour un simple gratte-papier!
« Grâce aux dieux, la corporation écrivante se trouve
égalée désormais aux premiers de l'Etat
« Comment ne régnerions-nous pas? Le plus certain
des faits est que nous vivions sous un gouvernement
d'opinion;
« Il faut le dire sans surprise. La puissance que nous
exerçons est la seule bien légitime N'en doutons plus,
rendons justice à l'aurore des temps nouveaux. »
(Ch. Maurras, l'Avenir de l'intelligence, l'Illusion,
pp. 23 à 25.)
Elle appelle à son secours sa vaillance ordinaire et
voici la lettre qu'elle écrit :
« Depuis que tu es parti, mon cher adoré, je n'ai pas
bougé de dessus ma chaise pour raccommoder moi-
même mes toiles à matelas
« Il paraît que tu as lu ta pièce aujourd-hui
« Hélas! bien loin de là, j'ai passé ma journée et je
passerai ma soirée à faire des reprises Mais je
regrette de ne pouvoir pas appliquer mon temps et
mon industrie à tous mes besoins pour te soulager
dans tes veilles- »
(P. Souchon, Victor Hugo et Juliette Drouet,
dans la Revue des Deux Mondes
du 15 mai 1938, p. 362.)
2° Forme fermante :
Voici ce qu'il aurait été possible à un observateur
......
de résumer au sujet de l'existence de cette personne,
s'il eût désiré lui consacrer une notice biographique à
l'usage universel :
« Tullia Fabriana était du nombre de ces grands
esprits,
» Ceux-là, de bonne heure, avant d'être aperçus,
avant d'être entraînés dans le courant, se rendent
compte de l'existence,
» Certes, le renom des femmes glorieuses avait dû
rembrunir son beau front plus d'une fois,
» L'isolement!... Faveur spéciale du destin!
» Les personnes d'une position riche ou d'un rang
élevé acquièrent d'autant plus difficilement ce suprême
avantage,
t » En considérant ces filières d'industries,
|
» Grâce au miraculeux équilibre de presque toutes
les sociétés d'Occident,
» Tullia Fabriana se tenait à distance,
ï » Quelques êtres sont doués d'un fluide,
« La vie est un choix à faire :
» Encore s'ils étaient sincères, ces philosophes!
» En somme, la contraction des rictus vénérables
d'un million de braves hilares
» Donc, puisqu'ils sont comme s'ils n'étaient pas
» Il est assez pénible de s'en apercevoir ;
» Ainsi, dans les salons de son palais La fête
passée, on parlait d'elle dans tout Florence quelque
temps, — mais seulement comme d'une patricienne
libre et paisible, décidée à garder noblement sa paisible
liberté. » (Villiers de l'Isle-Adam, Isis,
pp. 58 à 72.)
Alors Morin se renversa dans son fauteuil et dit :
— Pour savoir comment la société actuelle se consti-
tua, il faut remonter très avant dans le passé.
» L'œuvre capitale du XX. siècle de l'ère close fut
l'extinction de la guerre.
» Le Congrès arbitral de La Haye, institué en pleine
barbarie, ne contribua guère au maintien de la paix
......
';a

» Au reste, le parti de la violence était encore puis-


sant dans les empires et même dans la République fran-
çaise
(Anatole France, Sur -lapierre blanche, pp. 272-273.)
Torche vivante, elle ne se plaint pas, elle affirme : ^
— Jésus! Jésus!...
» Non, je ne suis ni hérétique, ni schismatique!
» 0 Vierge Marie!...
» Saint Michel! Sainte Catherine!...
» Saint Michel! Saint Michel!...
» Jésus!...
» Mes voix sont bien de Dieu... Tout ce que j'ai
fait, je l'ai fait par ordre de Dieu!...
» Mes voix ne m'ont pas trompée!...
» Les révélations que j'ai eues venaient de Dieu!...
» Jésus!... Jésus!... •
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, pp. 207-208.)

— Comment osez-vous parler devant moi de choses


que vous ignorez?
» Je ne suis pas takata, je ne parle pas aux génies......
» Il est certain que les Blancs ont été envoyés par un
diable
» Quoi que vous puissiez dire, ces yarricks sont
bons,
» Et ceci, je le tiens de notre grand Takata qui me l'a
lui-même expliqué :
» Quand les Blancs ont vu qu'un génie protégeait
chaque guerrier, ils se sont dit :
» Alors, conclut douloureusement le vieillard, nos
yarricks n'ont pas été assez forts
» La guerre est perdue pour nous si nos diables ne
trouvent pas quelque chose. »
(Jean Mariotti, Paysage, dans le Mercure de France
du 15 septembre 1937, p. 484.)
Il écrit, le 19 novembre 1882 : « J'aurais grand plai-
sir 'à apprendre de vous quelque chose au sujet de là
France;
......
» En quoi 1870 a-t-il servi à l'Allemagne?
» Que sera l'Allemagne d'aujourd'hui après une ba-
taille perdue Alors les bons Allemands chanteront
de nouveau « Allons, enfants de la Patrie », comme ils
l'ont fait à la fin du siècle dernier. »
(Jean de Pangë, Souvenirs lorrains, dans la Revue
de Paris du 1er juillet 1938, pp. 112-113.)
Il est certain que, de la forme ouvrante ou de la
forme fermante, c'est la seconde qui convient le mieux
pour les guillemets continuants. En effet, placée en tête
de la ligne, cette forme ne risque jamais de se con-
fondre avec les guillemets réellement fermants, tandis
que la forme ouvrante des guillemets continuants risque
de créer des incertitudes au regard des guillemets réel-
lement ouvrants, surtout dans le cas de guillemets con-
tinuants placés seulement avant les alinéas. Aussi
doit-on souhaiter que, malgré la plus grande fréquence
actuelle de la forme ouvrante, la forme fermante soit
généralisée pour les guillemets continuants (1).
D'une manière générale, au sujet de la forme des
guillemets, il faut conserver avec soin, tant dans l'im-
primé que dans le manuscrit, la distinction des formes
ouvrante et fermante, et ne pas imiter la forme indif-
férenciée que les machines à écrire tracent pour des rai-
sons d'économie de touches et tendent à propager dans
l'écriture de certaines gens, au grand dam de la clarté.
L'encadrement de passages cités en entier n'est pas
le seul emploi des guillemets.
(1) Autrefois, on trouvait parallèlement, comme guillemets continuants,
sur le verso des pages des guillemets de forme fermante à la gauche des
lignes, et, sur le recto des pages, des guillemets de forme ouvrante à la
droite des lignes; ex. :
... Car il prevoyoit que dans tous les autres temps, et dans tous «
les autres lieux où son Evangile n'a pas été prêché, les hommes de - c
(Jean Segui, Traduction du « Traité de la Prédestination
des Saints » de saint Augustin, p. 101.)
» voient estre tels, quand mesme on le leur eût annoncé, qu'ont été la
» plupart de ceux qui ayant vû JESUS-CHRIST pendant sa vie mortelle,
» sont demeurez dans l'incrédulité...
(Suite immédiate du même passage, p. 102)
Ce procédé, parfaitement clair, avait l'élégant avantage de placer les
guillemets du coté 04 la marge était le plus large.
L'emploi des guillemets continuants est particuliè.
rement significatif dans le cas d'une citation à l'inté-
rieur d'une citation; ex. :
Et ensuite :
« Avez-vous du papier, de l'encre? dit-elle à Jean
Erault. Ecrivez ce que je vous dirai : « Vous, je
« vous somme par le roi des cieux que vous en alliez
« en Angleterre. »
(H. Wallon, Jeanne d'Arc, t. I, p. 38.)
Les guillemets servent aussi à distinguer du contexte
des fragments de phrases dites par autrui; ex. :
Il n'y a pas un mot dans le texte auquel se réfère
M. Paul Adam qui permette de supposer que Pilate ait
tenu à révérer la liberté publique du « peuple conquis »
ni qu'il ait respecté la coutume du vaincu parce qu'il
était « tout imbu de justice métaphysique ».
(Ch. Maurras, les Princes des nuées, p. 230.)
Ni Pilate ne « condamne » le verdict, « la chose
jugée officiellement .», ni même il ne s'oppose, comme
paraît vouloir l'indiquer M. Paul Adam, à une « foule
furibonde ». « Voulant complaire au peuple », il cède
et prétend qu'il n'y est pour rien. C'est un fonction-
naire poltron, et voilà tout.
(Id., ibid., p. 231.)
En face, là-bas, César « craint pour ses troupes »
Et, au milieu d'elles, « il attend »
(M.-A. Leblond, la Victoire de Gergovie, p. 271.)
Bien que la situation y fût intenable, qu'il n'y eût
pas « quatre écus en caisse » et qu'on envisageât de se
réfugier en Castille ou en Dauphiné,
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 58.)
Jeanne prie. Saint Michel et les Saintes « la confor-
tent d'avoir pensé à tout » et, une fois de plus, ils affir-
ment la victoire certaine.
(Id., ibid., p. 68.)
Glasdale et ceux de sa rote répondirent à cette som-
motion « qu'ils feroient ardoir la vachière sitôt qu'ils
la pourroient tenir ».
(Id., ibid., p. 74.)
Informé de cette grave rechute, Warwick s'affole à
l'idée que la « mort naturelle » rôde encore une fois
autour de l' « effrontée » dont le procès coûte si cher!
(Id., ibid., pp. 176-177.)
Les termes ainsi placés entre guillemets peuvent
n'être rapportés à personne de précis et n'être détachés
du contexte que parce qu'ils sont étrangers à votre
parler propre, soit qu'on les suppose des néologismes,
des mots mal venus, des termes trop techniques, des
vocables ou des tournures patoises ou vulgaires, ou des
expressions basses; ex. :
On appelait cette étoffe-là du « diable » Le « dia-
ble » était un bureau de couleur brune, épais
comme le pouce et résistant comme du cuir.
(A. de Chateaubriant, les Pas ont chanté, p. 65.)
V. aussi § 32 l'exemple de M. Louis Gillet : son
« double », et l'exemple de M. Delteil : « petit gars ».
A signaler aussi l'emploi des guillemets pour indi-
quer le sens d'une phrase ou d'un mot d'une langue
étrangère; ex. :
Le suffixe ana, identique au suffixe d'agent 168,
fournit en quantité illimitée des neutres désignant l'état,
l'acte, le moyen... : DANA- « don » YOJANA- « che-
...
min parcouru par l'attelage » ÇRAVANA (surtout msc.!)
« oreille »...
(L. Renou, Grammaire sanscrite, § 180, p. 225.)
Le distributif SINGULI est traité comme unus; anté-
posé avec le sens emphatique de « un seul » :
(J. Marouzeau,
l'Ordre des mots dans la phra.se latine, I, p. 209.)
......aliquid loci rationi et consilio dedisses...
« tu te serais donné le temps, e la réflexion... »
(Albert Yon, Ratio et les mots de la famille de reor,
p. 175.)
Les guillemets servent aussi quelquefois à mettre un
mot en vedette, rôle plus classiquement réservé aux
caractères italiques ou au soulignage (v. infra ) ; ex. :
Par exemple la pension de famille où nous nous ren-
dîmes à l'heure du dîner était loin d'être confortable;
elle était tenue par un nommé « Bonnifleau » ; tout y
sentait le graillon
(Mme H., Notes et souvenirs, manuscrit, p. 191.)

Dans tous les cas étudiés, les guillemets ont pour but
de reproduire dans l'écriture une modulation du lan-
gage oral. La chaîne phrastique est brisée, l'intonation
change; les guillemets ouvrants font passer à cette into-
nation nouvelle, les guillemets continuants la maintien-
nent, les guillemets fermants la font cesser et ramè-
nent, s'il y a lieu, l'intonation première. Le rôle général
de cet appareil mélodique est d'indiquer que le sujet
parlant ne prend pas la responsabilité de ce qu'il
énonce ainsi. La valeur mélodique des guillemets est
donc considérable.
20. Par contre, leur valeur pausale est faible. On
peut marquer un léger arrêt avant le changement d'into-
nation au cas où un autre signe de ponctuation n'accom-
pagne pas l'ouverture ou la fermeture des guillemets.
Les guillemets continuants ne représentent aucune
pause. Les guillemets fermants sont souvent accompa-
gnés d'un autre signe de ponctuation, principalement
d'un point. Ce point peut soit précéder, soit suivre les
guillemets. Il les précède au cas où la citation fait un
sens complet; ex. :
Mais il est loin de s'en alarmer. « Au contraire,
plus je vais, plus je vois que cette indifférence exté-
rieure me conserve pour la lutte des forces que la pas-
sion ne me laisserait pas. C'est encore de l'amour;
ayez l'air de fuir, on s'attache à vous poursuivre. »
Ainsi le vrai Berlioz émerge toujours des profondeurs
et regarde vers l'horizon.
(Guy de Pourtalès, Hector Berlioz,
dans la Revue des Deux Mondes
du 1er février 1939, p. 515.)
Buré la contemplait, et je l'entendis qui murmurait
comme un hommage et un remerciement à sa beauté :
« Tu nous venges. »
(Jean Guéhenno, Journal de vacances,
dans la Nouvelle Revue française
du 1er mars 1939, p. 403.)
Au contraire, quand la fin du passage est attribuable
à l'auteur citant et non à la citation, le point suit les
guillemets; ex. :
Dans une auberge de Passau, sur les frontières de
la Bavière, il écrit l'exquise introduction : « Le vieil
hiver a fait place au printemps ». A Prague, il se
lève au milieu de la nuit pour noter le chœur des
anges (G. de Pourtalès, Hector Berlioz, p. 539.)
le sectarisme des partis ét des individus à qui
l'idée qu'ils se font de la meilleure tactique et des plus
efficaces moyens de vaincre fait oublier la « cause
commune ».
(J. Guéhenno, Journal de vacances, p. 406.)
Des considérations analogues président au place-
ment de la virgule, du point et virgule, du point d'in.
terrogation, du point d'exclamation avant ou après
les guillemets fermants; ex. :
Le prophète jadis s'écriait : « Quel est celui-ci qui
arrive, les vêtements teints de la pourpre de Bossra? »
(Paul Claudel, le Pape Pie XI,
dans la Nouvelle Revue française
du 1er mars 1939, p. 370.)
« Si vous saviez à quel degré de crétinerie je suis
tombé ici », écrit-il à un ami de Pétersbourg.
(Guy de Pourtalès, Hector Berlioz, p. 545.)
III. — LE POINT D'INTERROGATION
21. Le point d'interrogation indique que le passage
après lequel il est placé doit se prononcer sur une
mélodie interrogative.
Voici d'abord des exemples simples, où nulle ques-
tion secondaire ne se pose :
A. Avec une syntaxe spécialement interrogative :
Pourquoi dès lors semblait-il chercher à l'éblouir?
(H. Bordeaux, l'Intruse, I, p. 28.)
Croyez-vous qu'en six jours vous pourrez soumettre
la ville?
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 93.)
Combien de fois ces pauvres yeux condamnés à se
fermer bientôt et pour toujours à la lumière, m'ont-ils
adressé une supplication qui me déchirait?
(R. Dumesnil, l'Ame du médecin, dans le Mercure
de France du 15 octobre 1937, p. 241.)
Faut-il armer nos bras? Ceindre le baudrier?
(M. Dufrénois, Jeanne d'Arc qui revient sauver
la France, Chinon, p. 41.)
B. Intonation indiquant seule le tour interrogatif :

— Tu ne vas pas partir?


(H. Bordeaux, l'Intruse, I, p. 25.)
SÉLYSETTE.
— Aglavaine s'en va...
MÉLÉANDRE.
— Qui? — Aglavaine? Elle te l'a dit?
(Maeterlinck, Aglavaine et Sélysette, III, i.)
Tu allais retrouver Méléandre?
(Id., ibid., IV, vu.)
Vous habitez près du Havre?
(G. Flament, la Vie de Manet, I, p. 4.)
Lorsque le passage à prononcer sur un ton interro-
gatif ne se trouve pas complètement isolé, il y a lieu
de se demander où ce passage, terminé par un point
d'interrogation, commence; ex. :
Elle commente d'autre part avec confiance les allé-
gations, sur le costume, des pièces satiriques et des
ballets, mais ces écrits méritent-ils beaucoup de crédit?
(Emile Magne, la Littérature,
dans la Revue de la quinzaine du Mercure de France
du 15 septembre 1937, p. 582.)
La phrase interrogative est limitée antérieurement
par la virgule qui précède mais.
La Bruyère, l'a-t-on remarqué? est de tous les clas-
siques celui qui, dans le temps présent, recueille la
sympathie la plus modérée. (Id ibid 587 )
> .,
p.
L'incise l'a-t-on remarqué est seule interrogative.
Peut-être Jeanne, la maîtresse de Baudelaire, qu'il a
déjà peinte étendue sur un divan, en longue robe
blanche, devant un rideau de mousseline brodée, a-t-elle
posé un instant pour cette toile ou l'a-t-elle inspirée?...
(G. Flament, la Vie de Manet, p. 238.)
Tout le passage contenu entre Jeanne et a-t-elle est
une glose qui n'a rien d'interrogatif. De même, toute la
partie intervirgulaire de l'exemple suivant :
Qui s'aperçoit que le Bon Bock est traité, comme
l'étaient le Déjeuner sur l'herbe ou Olympia, par larges
touçhës? (Id.,ibid., p. 311.)
Souvent aussi, il arrive que le point d'interrogation
soit rejeté à la fin de la phrase, où il se trouve alors au
bout d'une glose qui n'a plus rien d'interrogatif; ex. :
Mais cette attitude enfin, cette opiniâtre volonté
d'absolu, cette. impitoyable clairvoyance, cette dureté
souvent inhumaine, ne sont-ce pas les caractères de
toute une génération, et précisément de cet après-guerre
dont l'oeuvre d'Huxley fut l'une des expressions les
plus typiques? (Jacques Heurgpn, Lettres étrangères,
dans la Nouvelle Revue française
d'octobre 1937, p. 680.)
La relative commençant par dont l œuvre est en
dehors de l'interrogation.
J'ai vainement guetté la comète qui, au dire des jour-
naux, devait apparaître ce soir sous la Polaire. Est-ce
la comète que f avais contemplée, il y a plus d'un demi-
siècle, dans ce ciel basque où elle laissa, durant une
semaine, se dérouler sa chevelure?
(Francis Jammes, l'Air du mois, ibid., p. 688.)
La relative commençant par où elle laissa est en
dehors de l'interrogation.
Mais, dans ces deux exemples, si l'on avait remonté
les points d'interrogation avant ces relatives, la valeur
pausale qu'a toujours un peu ce signe aurait risqué de
dénaturer la valeur de ces relatives que le débit parlé
fait passer du ton interrogatif au ton énonciatif sans
qu'apparaisse de pause vocale.
Dans l'exemple suivant, le même fait se produit,
mais d'une manière plus compliquée :
Dès lors, quel inconvénient y aurait-il à supprimer
des romans ce fatras qui n'a même pas le mérite de
l'exactitude et de le remplacer par quelques clichés qui
en diront plus long?
(Denis Marion, Intervention de la photographie,
ibid., p. 698).
La relative qui n'a même pas le mérite de l'exactitude
est en dehors de l'interrogation; celle-ci reprend pour
et1 de le remplacer par quelques clichés, mais la relative
finale est de nouveau non interrogative. Le débit vocal
comporte donc deux changements d'intonation sans
pause. L'unique point d'interrogation de la fin marque
tout cela dans l'écriture.
Mais dans l'exemple suivant, il y a dans le débit une
pause vocale avant le changement de l'intonation inter-
rogative en intonation énonciative :
— Pourquoi, demanda vivement Isaac Bostaquet à
sa sœur, n'avoir pas suivi les autres, toutes ensemble, au
lieu de rester ici?
(Marion Gilbert, la Chevauchée de M. de Bostaquet,
dans le Mercure de France du 15 septembre 1937,
p. 569.)
L'auteur a cru cependant devoir placer le point d'in-
terrogation à la fin de la période, et il faut avouer qu'il
a obéi ainsi à une habitude très répandue. Pourtant, on
aurait pu, très clairement et avec une indication plus
nette du débit, écrire : n'avoir pas suivi les autres
toutes ensemble? au lieu de rester ici.
22. Le point d'interrogation, en même temps que sa
valeur mélodique, a une valeur pausale. Mais les
pauses qu'il peut représenter sont de durée très diverse.
Il a la valeur d'un point dans les exemples suivants :
— Oh! la physiologie, elle commence d'exister;
mais à quoi avance-t-elle? Savons-nous refaire du sang
dans le cas d'une anémie pernicieuse? Et devant une
septicémie, que fait le médecin qui voit le sang circuler
dans l'organisme, pareil à un poison, sinon d'attendre
que ce sang, par ses propres énergies, se soit renouvelé?
Et quand une plaie se cicatrise, pouvez-vous y faire
naître le demi-quart d'une cellule?
(Colette Yver, Princesses de science, p. 68.)
On remarquera que, dans cet exemple, si les phrases
avaient été énonciatives ou interrogatives indirectes,
elles auraient pu être séparées aussi bien par point
et virgule : Dites-moi à quoi la physiologie avance;
dites-moi si nous savons refaire du sang; dites-moi si le
médecin ne se contente pas d'attendre; dites-moi si nous
pouvons faire naître une cellule; Il a fallu que
Mme Colette Yver fît suivre ses points d'interrogation
de majuscules pour nous montrer qu'il s'agissait de
pauses ponctuelles.
A fortiori quand le point d'interrogation précède un
alinéa; ex. :
Voudriez-vous que je me fisse agent de change, der-
viche tourneur ou commissaire de police?
— Vous êtes stupide! Ne pensez-vous jamais à vous
marier?
Francine regardait un bon philosophe chinois,
(E. Jaloux, VAmi des jeunes filles, VII, p. 51.)
Si d'aventure il me traverse l'esprit, que me montre-
t-il?
Au plus lointain : une affiche à la porte d'un établis-
sement du boulevard de Strasbourg.
(Pierre Lièvre, Théâtre, dans la
Chronique de la quinzaine du Mercure de France
du 15 septembre 1937, p. 601.)
En dehors de ces signes accessoires, on ne peut faire
que des suppositions.
C'est probablement une pause analogue à un point
et virgule qui figure dans l'exemple suivant :
« Que peut-elle bien penser de moi? en quelle estime
me tient-elle?... »
(Colette Yver, Princesses de science, p. 184.)
Cette phrase transposée comme ci-dessus donnerait :
« Je me demande ce qu'elle peut penser de moi; je
demande en quelle estime elle me tient.
Plus probablement une pause virgulaire dans :
Comment, difficile? pas du tout, ma chère.
(Colette Yver, Princesses de science, p. 144.)
On dirait que tu es jaloux.
— Que veux-tu? Francine, c'est un peu ma fille
aussi.
(Ed. Jaloux, VAmi des jeunes filles, XVI, p. 180).
On peut même se demander si ce n'est pas une simple
pausette que vaut le second point d'interrogation de
l'exemple suivant :
— Tiens! ce grand fou de Morner! y a-t-il assez
longtemps qu'on ne l'avait vu! Vous connaissez les
Guéméné?
Les yeux vagues et ternes dans sa face ravagée, le
nouveau venu murmura d'un air indifférent :
— Moi? non; mais en passant je trouve ce convoi...
(Colette Yver, Princesses de science, p. 64.)

Comparer une phrase comme : « Si vous connaissez


les Guéméné, moi non. »
23. Il arrive qu'on trouve en fin de phrase plusieurs
points d'interrogation se suivant. Il ne semble pas qu'au
point de vue purement linguistique, ils représentent une
intonation différente de celle exprimée par un seul de
ces signes. La présence de ce groupement exprime, en
dehors de la mélodie et de la pause, une forte attitude
expectante du sujet parlant. Cette combinaison de
signes n'a donc pas une valeur purement linguistique;
elle représente aussi une mimique, une expression du
visage :
Mais, dis-moi, combien le vends-tu?
— Cent francs.
— Hein???
Cette fois, mon ahurissement l'exaspéra :
(Trébla, le Piège à puces, dans le Rire
du 12 juillet 1902, p. 4, col. 2.)
,

MONSIEUR. — Que vous ne faites pas les courses


avec la vélocité d'un garde à cheval... (A sa femme.)
N'est-ce pas, Chouchoute?
JULIENNE, idiote d'étonnement. — La vélocipède d'un
garde à cheval???
(Xanrof, le Municipal, III, dans les Histoires drôles,
n° 14, p. 15.)
24. La valeur représentante d'attitude est encore plus
grande, et la valeur linguistique est réduite à ne plus
représenter que la pause pendant laquelle l'un des
interlocuteurs attend la réponse du second, quand le
point d'interrogation constitue à lui seul la réplique
dans un dialogue. Il est, en général, dans ce cas, accom-
pagné de points de suspension, ou bien il figure en
groupes; ex. :
— C'est Viviani qui a dû jubiler de la chute du
général Picquart.
?...
— Dame! Trois étoiles de fichues en bas.
(Echos du Rire, dans le Rire du 21 juillet 1909,
p. 10, col. 1.)
— Le tsar demande la grâce du sympathique David,
le chauffeur de la Drôme?
???...
— Pour remplacer l'excellent Harting qu'il vous
offre en échange.
(Légende d'un dessin de Radiguet, même numéro,
même page.)

— Notre galant préfet est nommé dans les Hautes-


Alpes.
— On aurait mieux fait de lui donner les Côtes-
du-Nord.
??...
— Saint-Brieuc était tout indiqué pour son cas.
(Légende d'un dessin de George Edward,
dans le. Rire du 26 juin 1909, p. 5.)

IV. — LE POINT D'EXCLAMATION


25. Le point d'exclamation indique que le passage
après lequel il est placé doit se prononcer sur une mé-
lodie exclamative; mais la nature expressive de cette
mélodie, qu'elle soit joyeuse, douloureuse, fu-
rieuse, etc., n'est pas spécialement indiquée.
Voici d'abord des exemples simples, où nulle ques-
tion secondaire ne se pose :
A. Construction directe :
Tant il est vrai que le sentiment du devoir accompli
revêt les formes les plus inattendues!
(P. Bourget, l'Irréparable, p. 36.)
Mais non, je suis un petit député comme tant d'autres,
qui a épousé bêtement le plus beau parti de sa cir-
conscription!
(A. Rivoire et L. Besnard, Mon ami Teddy, II, xi.)
Certes, il n'y avait pas de temps à perdre!
(Lucie Delarue-Mardrus,
Sainte Thérèse de Lisieux, p. 13.)
« On l'aura! » susurre Artois à quatre pattes dans
le gazon.
(J. Delteil, La Fayette, II, p. 40.)
B. Tournure avec inversion :
Quel mot quand il s'agit d'une célébrité vers qui vont
s'élever de nouvelles basiliques!
(Lucie Delarue-Mardrus,
Sainte Thérèse de Lisieux, p. 13.)
Que n'y resta-t-il!
(J. Delteil, La Fayette, VI, p. 96.)
Ah! le voluptueux procès
Que leur font perdre ces Français,
Dans un débat voulu de joie et de plaisance!
(Léon Riotor, Sur le Bucentaure, dans le
Mercure de France du 15 janvier 1938, p. 292.)
Le point d'exclamation apparaît avec une particu-
lière fréquence après les interjections et les termes qui
y équivalent, et qui représentent comme eux de courtes
phrases; ex.:
« Malheur! » cria soudain Pierre-Dominique, « nous
allons à la mer. »
(P. Bourget, Jean Maquenem, p. 282.)
Ah! voilà le beau Bertin!
(A. Rivoire et L. Besnard, Mon ami Teddy, I, II.)
D'ALLONNE.
— Non, je vous en prie, Teddy, vous
n'êtes pas en veine, aujourd'hui.
TEDDY.
— Si, si!
(Id., ibidI, xv.)
MME ROUCHER, à Didier-Morel. — De l'aisance! De
Vaisance! K
(Id., ibid., II, x.)
MADELEINE.
— C'est gentil?
MME ROUCHER.
— Oui, oui!
(Id., ibid., II, XIII.)
Huit heures! Voilà quatre heures que je l'attends!
(A. Capus et P. Veber, En garde! II, i.)

« A la chienlit! A la chienlit! » crient quelque part


des gorges pourpres de vinasse.
(J. Delteil, La Fayette, VI, p. 91.)
MADELEINE.
— François, papa arrive après-demain.
D'ALLONNE.
— Chouette!
(A. Rivoire et L. Besnard, Mon ami Teddy, II, II.)
ROGER, avec lassitude et découragement. — Zut!...
Zut!... Zut!...
(A. Picard, Jeunesse, I, vi.)
De même avec des vocatifs :
MADELEINE.
— Vous êtes une femme d'action... moi
aussi... (Appelant.) Guillaume!
(A. Rivoire et L. Besnard, Mon ami Teddy, II, iv.)
C'est le 27 juillet 1830. 3 heures après-midi.
— « Pépé! Pépé! »
C'est le plus blondin de ses petits-fils. Il trotte par le
gravier, en culotte rouge, brandissant à bout de menotte
le Moniteur du jour.
(J. Delteil, La Fayette, XII, p. 166.)
De même après des termes servant à apostropher :
Sale gosse!
(Anatole France, Crainquebille, tabl. III, sc. i.)
CRAINQUEBILLE.
— Purée!
MME BAYARD.
— Malotru!...
(Id., ibid.)
« Et qui épouses-tu? »
— « Finaud! tu le sais aussi bien que moi? »
(P. Bourget, Jean Maquenem, p. 263.)
De même après un impératif :
Mettez-le à son aise. Et suppliez-le, au besoin!
(A. Rivière et L. Besnard, Mon ami Teddy, I, vin.)
Attends! je vais voir si on peut rentrer sans déranger
personne.
(A. Capus et P. Veber, En garde! II, xi.)
Soyez le bienvenu sur nos rivages!
(J. Delteil, La Fayette, XI, p. 153.)
Ces différentes variétés d'exclamation peuvent facile-
ment se suivre. Aussi voyons-nous des périodes ou des
termes juxtaposés être suivis respectivement chacun
d'un point d'exclamation; ex. :
Et le vieux marchand ambulant, ressentant l'affront,
hurla : — Dessalée! va!
(Anatole France, Crainquebille, p. 50.)
Encore! Ah! non! Teddy, c'est une blague! vous ne
parlez pas sérieusement!
(A. Rivoire et L. Besnard, Mon ami Teddy, II, m.)
Le vieux roi d'Espagne, refusant de lui donner le
commandement de la Jamaïque, s'écriait : « Non! non!
il y ferait une république!
(J. Delteil, La Fayette, VIII, p. 120.)
Comme nous l'avons vu précédemment à propos du
point d'interrogation, il y a lieu de se demander égale-
ment ici où commence l'intonation exclamative lorsque
le passage qui la comporte n'est pas complètement
isolé; ex. :
Il eut des temps quelques argents
Et régala ses camarades
D'un sexe ou deux, intelligents
Ou charmants, ou bien les deux grades,
Si que dans les esprits malades
Sa bonne réputation
Subit que de dégringolades!
(P. Verlaine, Ballade de la Mauvaise Réputation,
dans Parallèlement ; Œuvres, t. II, p. 294.)
Il arrive que le terme soumis à l'exclamation soit
extrêmement réduit, même à un mot seul; ex. :
Quant à la sentimentalité, ah! à La Fayette la palme.
(J. Delteil, La Fayette, VII, p. 105.)
Il partit pour Paris, avec le cœur, la foi — sinon
tout de même la flamme physique hélas! l'étoile — d'un
conscrit.
(Id., ibid., X, p. 140.)
Ce que les Vauvigné, et le monde, et même, hélas!
l'amant bien aimé de Delphine avaient appelé « sa légè-
reté », c'était la réaction d'un caractère contre l'étouf-
fement qui le menace.
(Marcelle Tinayre, le Rendez-vous du soir,
dans la Revue des Deux Mondes,
du 1er février 1938, p. 734.)
Souvent aussi, il arrive que le point d'exclamation
soit rejeté à la fin de la phrase, où il se trouve alors au
bout d'une glose qui n'a plus rien d'exclamatif; ex. :
S'il m'avait vue, à Saint-Pancras, quand je gagnais
deux sous par heure à surjeter des draps, quand ma
belle-sœur et moi nous nous privions de dîner pour
nourrir Babiole et M. de Vauvigné!...
(Marcelle Tinayre, le Rendez-vous du soir,
dans la Revue des Deux Mondes
du 1er février 1938, p. 739.)
Tout ce qui suit Saint-Pancras est en dehors de
l'exclamation.
La grotte, enfin! La grotte déjà, serait-il plus exact
de dire!
(Pierre Benoit, Bethsabée, ibid., p. 856.)
La seconde exclamation suit directement déjà, comme
la précédente suivait directement enfin.
26. Le point d'exclamation, en même temps que sa
valeur mélodique, a une valeur pausale. Mais les pauses
qu'il peut représenter sont de durée très diverse; ex. :
Fichez le camp! Fichez le camp! Fichez le camp!
(Pierre Benoit, Bethsabée, dans la Revue
des Deux Mondes du 15 février 1938, p. 826.)
On pourrait penser qu'ici les points d'exclamation
représentent des pauses virgulaires, et que si l'auteur
les a employés, c'est que notre système graphique ne
possède pas de « virgules d'exclamation ». Mais le soin
qu'il a pris de faire suivre les deux premiers points
d'exclamation de majuscules doit nous conduire à
penser que nous avons ici des pauses ponctuelles et
que chacune des injonctions est quelque peu éloignée
de la précédente.
A fortiori quand le point d'exclamation précède un
alinéa; ex. :
MADELEINE. — Pourquoi as-tu été méchant avec
lui?... Il est charmant, ce garçon!
VERDIER. — Charmant... Il me déplaît beaucoup...
(A. Rivoire et L. Besnard, Mon ami Teddy, I, vi.)
Dans l'exemple suivant, au contraire, il faut conclure
à une pause virgulaire (ou une de celles qu'on repré-
sente par un point et virgule), puisqu'une minuscule
apparaît après le point d'exclamation :
Adieu! l'heure a coulé, le jour est près d'éclore
(Henry Dérieux, Sur le Versant du Monde,
dans le Mercure de France du 1er février 1938, p. 487.)
La valeur pausale paraît même nulle dans l'exemple
suivant :
Des mots de passe, des pst! pst! veloutés d'ombre,
des appels labiaux s'entre-croisaient, liant les portes,
tissant la nuit.
(J. Delteil, La Fayette, XII, p. 167.)
Le premier point d'exclamation est pour ainsi dire
à l'intérieur d'un mot, le second précède un adjectif
épithète, et nous avons vu plus haut, au § 7, que ce
genre de complément suivait son substantif sans pause
aucune.
27. De même que les points d'interrogation, les
points d'exclamation peuvent paraître en groupe à la
fin de la phrase. Mais, en même temps qu'une mimique
émotionnelle, ils marquent que l'exclamation se fait
avec une intensité vocale particulièrement forte; ex. :
On vient de loin pour le voir, allez, c't'homme-là!
Pensez... : c'est le seul du pays qui n'ait pas le Mérite
agricole!!
(Légende d'un dessin de M. Capy, dans le Rire
du 1er juillet 1911, dernière page.)
Tels étaient les détails horribles que Jérôme Labu-
gade venait de lire dans son journal, et qui lui avaient
fait pousser ce cris archimédien :
— Euréka!!!
(Rodolphe Bringer, l'Assassinat de la rue Berthe,
dans les Histoires drôles, n° 20, p. 14.)

— Quoi alors? où c'est q'c'est qu'on va pouvoir


briffer?
— Dans les gogues!!! hurla le brigadier.
(Courteline, le Train de 8 h. 47.)
28. Comme nous l'avons vu pour le point d'interro-
gation, c'est, au point de vue linguistique, une simple
pause, accompagnée dans le domaine des attitudes du
corps et de l'esprit, d'une attente teintée d'une émotion
de nature variable, que traduisent des points d'excla-
mation quand ils constituent à eux seuls la réplique
dans un dialogue; ex. :
LIGNIER.
— ... Vous allez leur donner l'orgue de Bar-
barie qui est aux accessoires. Un machiniste tournera la
manivelle. Les auteurs ne diront pas que je leur refuse
quoi que ce soit.
LE RÉGISSEUR. — !!!!!
LIGNIER.
— C'est tout?
(Eugène Héros, Comment on fait une bonne maison,
sci i, dans le Rire du 1er novembre 1902, p. 2, col. 2.)
— Dites-moi, mon ami, comment trouvez-vous le
pain qu'on vous donne?
— Bien sûr y s'mange, mais il empâte un peu la
!
gu...
///
Faites excuse, mon commandant, c'est pas de la

vôtre que je voulais parler.
(Légende d'un dessin de Gervèse, dans le Rire
du 27 mai 1911, p. 5.)
On trouve quelquefois, dans ce rôle, les points
d'exclamation associés aux points d'interrogation pour
exprimer une attitude comportant à la fois la surprise
de ce qu'on entend et le désir d'en savoir davantage;
ex. :
— Il a été pincé, parce que c'était un serin. Moi,
j'ai imaginé un truc épatant pour ne pas être pincée.
m???
(Alphonse Allais, Une petite femme bien moderne,
dans les Histoires drôles, n° 11, p. 5.)

V. — LES POINTS DE SUSPENSION


29. Il peut arriver que la phrase commencée par le
sujet parlant ne s'achève pas; la mélodie reste alors en
suspens, sans être résolue. C'est ce qu'on exprime gra-
phiquement par les points de suspension.
Voici quelques-uns des cas où on les emploie :
Le tour le plus typique est celui où le personnage qui
parle interrompt une idée qu'il a commencé à expri-
mer, et, se ravisant, passe à une considération acces-
soire; ex. :
D'aussi emphatiques injures ne sauraient me trouver
qu'indifférent. Je tiens une épée — et tout à l'heure...
Toutefois, je dois raisonner, d'abord, d'un peu moins
haut, s'il vous plaît, — m'apercevant, à vos propos, que
vous êtes hors la loi.
(Villiers de l'Isle-Adam, Axel, II, 13, p. 156.)
De même, quand le sujet parlant renonce à exposer
ce qu'il allait dire, car il a subitement réfléchi que ses
paroles n'auraient aucun effet sur les auditeurs :
Miklaus et Hartwig vont encore m'interrompre... et
puis... D'ailleurs, non : vous ne m'aimez pas...
(Id., ibid., II, 3, p. 83.)

Le sujet parlant peut aussi ne pas terminer un


membre de phrase qu'il laisse à son interlocuteur le
soin de comprendre à demi-mot, et passer tout de suite
à la conséquence qui en découlerait. C'est ce que mar-
quent les points de suspension qui suivent faiblesse
dans le passage suivant :
Là-bas, en France, rappelez-vous... nous n'avions
qu'une seule âme... une âme qui ne vivait que de rêves
d'avenir... ET SI, MAINTENANT, PAR FAIBLESSE... ne voyez-
vous pas que je m'abais.serais encore à vos yeux... que
je me déshonorerais...
(A. Bisson, la Châtelaine de Shenstone, III, IL)

De même quand le sujet parlant s'interrompt pour se


reprendre :
Assez! ce voyage m'est commandant... (Se repre-
nant) commandé par la reconnaissance!
(Labiche et Martin,
le Voyage de M. Perrichon, III, x.)

Pour marquer une hésitation :


Ces circonstances m'ont suggéré une supposition d'un
ordre tellement extraordinaire... que j'hésite à prendre
ici, de mon chef, le pressentiment pour la certitude :
j'ai besoin de votre avis.
(Villiers de l'Isle-Adam, Axel, I, 3, p. 17.)

— Euh... répondit-il, oui et non. C'est-à-dire que...


Enfin voilà : depuis une heure je cherche ma cas-
quette, je ne peux pas me rappeler où je l'ai mise.
(Courteline, les Linottes, Il, p. 61.)
Ou bien, si tu voulais... je ne sais pas, moi... par
exemple... La Belle-au-Bois-Dormant?
(J.-S. Caillot, Carabosse,
dans la Grande Revue, avril 1938, p. 67.)
L'hésitation ainsi exprimée peut avoir pour cause un
aveu pénible :
Il y a des tas de distractions comme ça que nous ne
connaissons pas à Saint-Etienne! Moi, du moins, je ne
les connais pas... Alors, j'ai... j'ai... été le paysan de la
Loire, forcément... Dites-moi... je devais être... gro.
tesque, n'est-ce pas?
(X. Roux et M. Sergine, l'Enjôleuse, III, x.)
Elle peut aussi provenir du fait qu'on ne trouve pas
du premier coup une dénomination supposée qu'on
voudrait substituer à la véritable :
— Je ne te renvoie pas, tu le sais bien, répondit
Robert Cozal. Seulement, voilà : j'ai à faire. Il faut que
je sois à midi rue... Laffitte.
Tout aussi bien eût-il pu dire : « carrefour de l'Ob.
servatoire » ou « boulevard de la Contrescarpe » : ça
ne lui eût pas coûté plus cher.
(G. Courteline, les Linottes, II, p. 57.)
Ce n'est point un mensonge, mais une sorte de scru-
pule à nommer qui apparaît dans la phrase que voici :
Nul, jamais, n'eut d'autres droits que ceux qu'il prit
— et sut garder. — Et sachez-le, je compte les prendre
tous! à la première menée de... vos maîtres.
(Villiers de l'Isle-Adam, Axel, II, 12, p. 191).
Dans l'exemple suivant, il y a mollesse d'articulation,
marquant le peu de conviction :
— Voulez-vous Cendrillon? demanda le chat sur un
ton un peu dédaigneux.
Ou...i, dit-elle mollement. Cendrillon, certes, est

un très joli conte.
(J.-S. Caillot, Carabosse,
dans la Grande Revue, avril 1938, p. 66.)
C'est au contraire une décision très nette qui est mar-
quée, dans le passage qui suit, par l'arrêt de la phrase
et la reprise par une négation catégorique :
Et quand il me demande d'être toute à lui, je refu-
serais... Non, non, c'est trop naturel, ce qu'il veut là.
(Colette Yver, Princesses de science, p. 149.)
Nous entrons avec cet exemple dans la série où la
mélodie phrastique représentée par les points de sus-
pension est d'ordre plus particulièrement émotionnel.
De même, dans le récit haché d'un accouchement :
— Eh bien, ma chère, ça y est. Un garçon... énorme...
huit livres... le papa en crève d'orgueil... Elle est solide,
la petite Guéméné : elle a rondement mené la chose...
Comme c'est le 24 juin, on l'appellera Jean.
(Colette Yver, Princesses de science, p. 208.)
L'émotion, dans ce récit, était de l'allégresse. Elle est
teintée de tristesse dans :
— Vous savez, tout ce que nous avons dit ensemble
l'autre jour, je l'ai ressassé dans mon esprit... et dans
mon cœur... et j'ai bien compris, définitivement, mon
pauvre Guéméné, l'impossibilité de vous sacrifier mon
art.
(Id., ibid., p. 81.)
De même :
Si, ma bonne Thérèse, je te comprends, je te remer-
cie; mais... vois-tu... j'ai une vraie épouvante à penser
que tu brises ta vie pour moi. Il aurait mieux valu, je
crois... Enfin, je crains que tu ne regrettes... je ne vou-
drais pas faire ton malheur...
(Id., ibid., p. 390.)
C'est la colère qui empêche celui qui parle de ter-
miner dans :
C'est immangeable! gronde-t-il, comment pouvez-

vous...
(Id., ibid., p. 112.)
C'est du sarcasme qui apparaît dans :
Si elle avait été foncièrement coupable, je me serais
repris, sans remords; j'aurais refait mon nid... ailleurs.
(Id., ibid., p. 346.)
L'émotion est de caractère entièrement triste dans :
Atterré, M. Baslèvre continuait d'écouter. Il parais-
sait ne pas saisir ce qui arrivait. — C'est bien, dit-il
enfin, dans ce cas, je n'ai plus qu'à remonter... Avant
de s'accrocher à la rampe, il se retourna encore : — Et
vous dites qu'elle avait l'air heureux?... tant mieux...
tant mieux...
(Ed. Estaunié,
l'Ascension de M. Baslèvre, II, 6, p. 113.)
Quelquefois, c'est de la timidité; ex. :
THIBAUDIER.
— Monsieur... je suis très heureux... cer-
tainement...
FRÉMISSIN (balbutiant). C'est moi, monsieur, qui

certainement...
(Labiche et Marc-Michel, les Deux Timides,
scène vin.)
Ce n'est pas l'émotion qui, dans l'exemple suivant,
arrête la phrase du sujet parlant : c'est le désir de faire
bref en n'achevant pas une citation dont le contexte est
connu, ou censé connu, des auditeurs.
Au moment de sa conception, son père, pater is est
quem..., est en pleine crise d'une maladie...
(J. Ernest-Charles, la Vie littéraire,
dans la Grande Revue, avril 1938, p. 117.)
Tout le passage comprit entre la virgule qui suit père
et celle qui précède est se dit sur un ton uniforme de
glose et la mélodie phrastique reste en suspens sur
quem.
La mélodie phrastique n'est pas non plus inter-
rompue quand le sujet parlant ne s'interrompt pas de
son propre mouvement, mais est interrompu par la
parole d'autrui, ou par un événement extérieur qui sur-
vient :
UKKO. — Vous ne vous intéressez pas à ce qui m'ar-
rive.
MIKLAUS. — Dis-nous posément...
UKKO. — Adieu.
(Villiers de l'Isle-Adam, Axel, II, 3, p. 84.)
LE VALET. — Le vieux roi Hjalmar est absolument
ivre, il a embrassé notre roi Marcellus, il...
VANOX. — Et les fiancés?
(M. Maeterlinck, la Princesse Maleine, I, i.)
Et vous savez, n'ayez pas l'air de vouloir faire le
malin, ou ça va...
Il s'interrompit, averti par un « hum » discret, d'une
présence insoupçonnée.
(Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, I, 2, p. 25.)
Il arrive souvent que, dans l'animation d'une dispute,
les interlocuteurs se coupent mutuellement la parole;
ex. :
Louis, tout frémissant de colère contenue. — Tu as
raison... il vaut mieux que je m'en aille... autrement...
LAMARE, menaçant et allant vers son frère. Autre-

ment...
CHARRIER, les calmant. — Voyons, messieurs...
Louis, en ouvrant la porte du fond. — Ça va bien...
nous en reparlerons une autre fois...
(A. de Lorde et P. Chaine, Bagnes d'enfants, I, XII.)
Un dissentiment moins violent peut amener les
phrases à se succéder de telle sorte que, sans que la
parole soit à proprement coupée, la réplique arrive
avant que la voix de l'interlocuteur ne soit tombée;
ex. :
BLAISE. — En trois jours, il n'a pas perdu son
temps : il a conquis les enfants et par les moyens les
plus bas...
MARCELLE. — VOUs exagérez...
BLAISE.
— L'explication pourrait avoir lieu dès ce
soir, pendant que vous ferez le tour du parc...
MARCELLE. — Nous ne serons pas seuls...
BLAISE.
— Mais la présence de mademoiselle et des
enfants ne saurait vous empêcher d'avoir un aparté.
(F. Mauriac, Asmodée, II, IL)
D'ailleurs, dans des morceaux ne comportant pas
dissentiment ni grande émotion, les suspensions que
notent les points se succèdent souvent, simplement pour
donner de l'animation au dialogue; la chose a lieu tant
dans l'intérieur des répliques qu'entre elles; ex. :
HOBBS.
— Enfin... C'est une histoire dramatique... Il
y en a quatre pages... Les vagues étaient certainement
énormes...
MYRA. — Oh! énormes... je vous jure...
HOBBS.
— Ce que je ne comprends pas, c'est la suite...
Vous citez le nom d'un jeune homme que je ne connais
pas... un certain Jim Airth... Il y a quelques lignes sur
une nouvelle vie -que vous commencez... sur la dispa-
rition de votre spleen... Et, dans le coin, vous mettez :
« Je ne sais pas exactement quand je rentrerai à Shens-
tone. » Tout cela n'est pas bien clair, je vous assure...
MYRA.
— Par lettre... on ne peut pas toujours tout
expliquer...
HOBBS. — Evidemment... évidemment...
MYRA. — Il fallait m'attendre.
(A. Bisson, la Châtelaine de Shenstone, II, vi.)
Une autre valeur des points de suspension est d'indi-
quer que la phrase ne termine pas l'idée à exprimer,
et que celle-ci est à suppléer par l'imagination de l'au-
diteur ou du lecteur. Il y a là, toutes proportions gar-
dées, quelque chose d'analogue à un point d'orgue en
musique; ex. :
Et déjà, dans la brume du rêve qui devient sommeil,
il revivait la minute, l'inoubliable minute, comme au
matin au côté de Marthe, quand il eut la vague
conscience d'une bouche qui frôlait la sienne, d'un
baiser qui se posait là, à fleur de lèvres, comme une
invitation au repos pleine de gratitude et de sollicitude
tendres...
(Courteline, les Linottes, X, p. 280.)
Longtemps les deux amants regardèrent ensemble,
sans le voir, ce coin du vieux Paris, arahaïque et muet.
Leurs pensées paresseuses s'éteignaient dans un grand
trouble; ils attendaient un subtil signal...
(Colette Yver, Princesses de science, p. 97.)

De même que les autres signes mélodiques, les points


de suspension ont quelque valeur pausale. Mais cette
valeur est incertaine, car elle dépend de la nuance
qu'apportent dans la phrase lesdits points de suspen-
sion et n'en sont qu'une conséquence. Dans les cas de
réticence, d'hésitation, etc., la pause est longue; elle
peut aller jusqu'à avoir la durée de celle indiquée par
un point, et au-delà, dans le cas de « point d'orgue »
indiqué ci-dessus. Par contre, les points de suspension
indiquent un débit plus précipité quand il s'agit de
paroles coupées, et cela d'autant plus que le dialogue
est plus animé.
La valeur des points de suspension est plus purement
pausale quand ils constituent à eux seuls la réplique,
ainsi qu'on le voit dans le passage que voici :
CHARLOTTE.
— Kif-kif dans celui des duchesses.
CASTELLON, rêveur.
— Possible!
CHARLOTTE.
— Sûr! les femmes, c'est toujours des
femmes.
CASTELLON, même jeu.
— ...
CHARLOTTE. — Y en a des tas qui font des chichis,
des manières, qui ne peuvent pas se décider à se donner,
mais qui ne seraient pas fâchées qu'on les prenne.
CASTELLON, même jeu. —
...
CHARLOTTE.
— Comme ça, au moins, elles seraient
en règle avec leur conscience... elles auraient toujours
la ressource de se dire que ce qu'est arrivé, c'est pas de
leur faute.
CASTELLON, même jeu.
— ...
CHARLOTTE. — Vous ne croyez pas que j'ai raison?...
Vous vous en fichez!... Vous n'avez pas écouté un mot
de ce que j'ai débité.
CASTELLON.
— Si, si.
(X. Roux et M. Sergine, l'Enjôleuse, II, ix.)
Les groupes de trois points expriment la pause pen-
dant laquelle Charlotte attend, vainement, que Castellon
lui réponde; mais ils font aussi saisir l'apparence pas-
sive, que Charlotte interprète comme de l'indifférence,
où le plonge sa rêverie. Nous avons déjà vu les points
d'interrogation et d'exclamation dans des rôles analo-
gues; ils exprimaient des attitudes interrogatives ou
la surprise; les points simples, eux, expriment l'absence
de toute émotion caractérisée.
30. La valeur pausale des points de suspension
apparaît plus nettement quand ils sont combinés avec
un autre signe de ponctuation que quand ils sont seuls.
Deux combinaisons peuvent se produire :
1° Avec des signes pausaux, l'autre signe suit les
points de suspension; ex. :
Et puis, vous grandissez, ma petite Emmanuèle...,
vous grandissez même beaucoup : vous avez dix-sept
ans accomplis; dix-sept ans!
(F. Mauriac, Asmodée, II, iv.)
Je vous entends..., mais mon devoir est de vous pré-
venir; cela ne durera pas toujours.
Dans cette première combinaison, les points de sus-
pension n'ont que leur valeur mélodique, la valeur pau-
sale étant tout entière dans le signe pausal qui suit.
2° Avec des signes mélodiques (point d'interroga-
tion, point d'exclamation), l'autre signe précède les
points de suspension, sauf quand la phrase interro-
gative ou exclamative est interrompue; ex. :
Pouvez-vous me jurer devant Dieu qu'au collège,
dans le monde, vous n'avez fait de tort à personne?...
qu'il n'aurait pas mieux valu, pour tel ami, pour telle
jeune fille, qu'ils ne vous eussent jamais rencontré sur
leur route?... Vous ne dites rien?...
(Id., ibid., III, vi.)
Ne sera-ce pas, très curieux de connaître la France
d'aujourd'hui, la France de l'Empire?...
(Marcelle Tinayre, le Rendez-vous du soir,
dans la Revue des Deux Mondes du 1er avril 1938,
p. 598.)
Vous rentriez!... Sottise.
(Id., ibid., p. 593.)

Depuis trois jours, il a eu le temps de se reposer!...


(F. Mauriac, Asmodée, II, i.)
Et c'est toujours moi qui?... Psychologue, va!... Il y
avait des jeunes filles?
(X. Roux et M. Sergine, F enjôleuse, I, v.)

Dans cette seconde combinaison, la valeur mélodique


étant dans les points respectivement d'interrogation et
d'exclamation, les points de suspension prennent une
valeur plus pausale; ils prolongent l'attitude interro-
gative ou exclamative. La nuance est autre que celle
marquée par la répétition des points d'exclamation ou
d'interrogation (v. plus haut § 23 les exemples de
Trébla et Xanrof, et § 27 les exemples de Capy, Brin-
ger et Courteline) : c'était d'un renforcement de l'in-
terrogation ou de l'exclamation qu'il s'agissait alors,
tandis que maintenant c'est de leur durée.
Un groupe de points peut précéder une réplique
quand une phrase du même sujet parlant a été inter-
rompue par un interlocuteur ou par une circonstance.
Ce groupe indique alors que le sujet parlant, malgré
l'interruption, continue à développer son idée ; ex. :
L'ARCHIDIACRE.
— Prononcez donc, librement, les
vœux suprêmes qui engagent votre âme,
CHŒUR DES RELIGIEUSES.
— Ecce inviolata soror
cœlestis !
L'ARCHIDIACRE.
— ... votre sang, votre être, en ce
monde et dans l'autre,
CHŒUR DES RELIGIEUSES.
— Ecce conjux!
L'ARCHIDIACRE.
— ... votre espoir unique et infini.
(Villiers de l'Isle-Adam, Axel, I, 6, p. 41.)

LUCIENNE.
— Vous savez que vos amis...?
CASTELLON. — Je suis venu avec eux.
LUCIENNE.
— Et vous osez...?
CASTELLON. — Si j'ai forcé votre porte, c'est que
...
j'avais hâte de vous fassurer...
(X. Roux et M. Sergine, l'Enjôleuse, III, x.)
L'indication est plus nette quand les dernières
paroles de la réplique coupée sont suivies elles-mêmes
de points de suspension; la voix alors ne tombe pas et
le discours, après l'interruption, reprend avec la même
intonation; ex. :
"Or, à l'aide de quel subterfuge lui imposerez-vous
cependant cette médication salutaire, dont les effets
bienfaisants se sont affirmés des centaines, des milliers
et des millions de fois? En l'enfermant...
Ici, il s'interrompit, inclina du buste vers la table,
puis d'un doigt qui hachait la phrase :
— ... en l'enfermant dans des pi-lu-les!...
(Courteline, les Linottes, III, p. 81.)
En tout cas, il est parti... (Lucienne, qui n'écoute pas
ce qu'il dit et qui l'enlace.)... Et il est parti à l'heure,
nous étions furieux.
(X. Roux et M. Sergine, l'Enjôleuse, I, x.)

Les trois points précédant la réplique peuvent indi-


quer que l'auditeur, devenant parleur, achève la phrase
du premier parleur et la complète, soit pour la corro-
borer soit pour lui donner le tour qui lui plaît ; ex. :
— Dame, vous comprenez... la nuit...
— ... dans un quartier si désert...
— ... une femme seule! Tandis que comme ça, au
moins...
— ... Vous êtes plus tranquille.
(Courteline, les Linottes, X, p. 277.)
LAMARE.
— Oui, on dirait qu'elle se doute...
CHARRIER, continuant.
— ... qu'elle a comme un pres-
sentiment.
(A. de Lorde et P. Chaine, Bagnes d'enfants, I, n.)

JIM.— Allez-vous en!... J'ai payé, vous entendez?...


Personne n'a le droit d'entrer...
SAINT-LÉGER.
— ... Sauf le service.
(A. Bisson, la Châtelaine de Shenstone, I, vin.)

A noter aussi le passage suivant :


Je me levai, alors, brusquement, et, après avoir jeté
une pièce sur la table, je sortis du café sans retourner
la tête.
L'ouragan qui se déchaîna sur la ville, me tint
...
éveillé, cette nuit-là. L'ouragan ou, peut-être, une tem-
pête plus intime et plus subtile... Et le petit jour me
retrouva devant la grille du jardin, parmi les jeunes
feuilles hachées, les branchettes rompues, les détritus
légers, arrachés aux poubelles.
(Albert-Jean, la Nuit, dans le jardin...,
dans le Matin du 2 juin 1938, p. 10, col. 3.)
Ce qui est contenu entre les trois points qui commen-
cent le second alinéa et ceux qui suivent subtile forme
une sorte de tableau qui rappelle la valeur de point
d'orgue des points de suspension, qui a été signalée
plus haut (v. les exemples de Courteline, les Linottes,
p. 280, et de Mme Colette Yver, Princesses de science,
p. 97).
31. Le nombre des points de suspension, ainsi que
nous l'avons vu par les exemples cités, est généralement
de trois. Mais qui voit trois points ne doit pas néces-
sairement pour cela les interpréter comme des points de
suspension à valeur mélodique. En effet, l'écriture se
sert de points se succédant immédiatement pour indi-
quer un passage omis, surtout dans une citation, soit à
son début, soit en cours, soit à sa fin ; ex. :
LE DIRECTEUR, lisant pendant que le rideau se lève
lentement. — Je ne veux pas achever ce trop long
... cher établissement de
rapport sur notre Montliot, sans
remercier, au nom de tous nos pupilles, le vaillant
conseil d'administration qui m'a secondé dans ma
lourde tâche et les nombreux bienfaiteurs qui nous ont
apporté leur généreux concours.
(A. de Lorde et P. Chaine, Bagnes d'enfants, II, i.)
De même, les points qui suivent les guillemets dans
le- passage suivant :

— Eh bien vrai alors, il n'est que temps! se dit


Cozal après avoir pris connaissance du petit bleu de
Frédéric Hamiet qui le conviait à dîner pour le soir.
« ... Sans aucune cérémonie, hein!... Pantalon de
treillis et calot; comme nous disions aux dragons ! »
(Courteline, les Linottes, VI, p. 143.)
Item :
M. Zola ne mérite pas les reproches que fit Vigny
aux amants de Montmorency :
Tel est le siècle, ils n'y pensèrent pas.
...
(Ch. Maurras, les Princes des nuées, p. 215.)
« Entend Sa Majesté que la bienséance dans l'exer-
cice du commandement, dont la délicatesse et l'honneur
doivent suffire pour faire un principe constant entre les
officiers, bas officiers et soldats..., en sorte que ceux-ci
ne soient jamais ni tutoyés, ni malmenés, ni injuriés;
que les officiers les conduisent, les dirigent, les protè-
gent en toute occasion, leur propre intérêt étant de les
attacher à leur profession et de se les affectionner
comme les compagnons de leur fortune. »
(Id., ibid., p. 253.)

La plus modeste anthologie ouverte à la bonne page


embellira votre route :
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage... »
« ... L'on se rajeunissait en sa verte jouvence.
Quand je m'épris de vous, ma Sinope cruelle... »
(R. Bourget-Pailleron, Revue littéraire, dans la
Revue des Deux Mondes du 1er avril 1938, p. 691.)

« La pensée y est maîtresse; elle brûle ses yeux


agrandis par l'insomnie »...
(A. Schinz, le Songe de Descartes, dans le
Mercure de France du 1er février 1938, p. 475.)

Dans ce dernier exemple, A. Schinz a pris soin de


placer avant les trois points les guillemets fermant le
passage qu'il cite, permettant ainsi de se rendre compte
que ces points sont mis par lui pour indiquer la cou-
pure dudit passage, et ne sont pas des points de suspen-
sion imputables à l'auteur qu'il vise. Mais la distinction
n'est pas toujours facile à faire, et bien souvent on
n'aperçoit pas du premier coup, et même après un exa-
men plus ou moins long, à quel système signalétique
on a affaire.
Aussi serait-il souhaitable que se régularisât l'habi-
tude de réserver les trois points pour signifier les points
de suspension proprement dits, et d'adopter un nombre
autre de points (six par exemple) pour les coupures.
Telles sont les instructions qui ont été données aux
travailleurs qui recueillent des exemples lexicographi-
que pour l'office de l'Inventaire de la langue fran-
çaise : ils copient les points de suspension placés dans
l'exemple et marquent par six points les passages
coupés dans ledit exemple pour cause de briéveté (1).
De fait, très souvent des points en nombre supé-
rieur à trois, et même une où plusieurs lignes de points
marquent un passage saùté; les lignes de points appa-
raissent surtout dans les pièces de vers; ex. :
Donnons au moins un court échantillon de sa poésie.
La cloche lentement tinte sur la colline.
..........................................
Ame crédule! Ecoute toi frémir
en encor,
Avec ces tintements douloureux et sans trêves,
Frémir depuis longtemps l'automne dans tes rêves,
Dans tes rêves tombés dès leur premier essor.
(H. Chantavoine, les Poètes, dans l'Histoire
de la langue et de la littérature françaises
de Petit de Julleville, t. VIII, p. 47.)
Dès lors, et réveillée par les baisers qu'elle donne
frénétiquement à l'angélique petite créature et où elle-
même
Elle a senti passer quelque chose de Dieu,
Dès lors chez elle
la mère triomphe, elle a vaincu la femme!
r (P. Verlaine, les Hommes d'aujourd'hui;
Œuvres, t. V, p. 434.)
Nul enfant, nul prêtre, sans doute, sur sa route.
Cœur tout rempli d'oublis,
..........................................
Elle a ri quarante ans. Elle pleure à son tour.
..........................................
(Id., ibid., 435.) p.

(1) Il a été procédé de la sorte dans plusieurs des exemples cités dans
le présent écrit.
Que de vers encore à détacher, que de pièces à donner
tout entières!
..........................................
Le soleil s'est levé rouge comme une sorbe.
..........................................
Elle a du sang plus vif que du sang d'hirondelle.
(Id.,ibid., p. 438.)
Il me prit un saignement de nez et je souffris ce que
je ne puis vous représenter.
Je suis hors de moi dès que je l'aborde.
(A. France, la Vie littéraire, Mme de la Sablière,
t. IV, p. 338.)
« L'histoire nous offre, à toutes ses époques, quel-
ques grands événements qui ont déterminé le sort et le
caractère d'une longue suite de générations la raison
même peut nous offrir ses données positives pour nous
conduire à travers le dédale incertain des faits. »
(J. de Crozals, l'Histoire, dans rHistoire
de la langue et de la littérature françaises
de Petit de Julleville, t. VIII, p. 507.)
Entre mille gentillesses un peu mièvres, jamais fades
et toujours étonnantes, nous vous prions d'admettre
dans cette rapide promenade quelques vers isolés
exprès pour vous tenter vers l'ensemblé :
..........................................
Cache-moi ton regard plein d'âme et de tristesse.
..........................................
.........................................
On ressemble au plaisir sous un chapeau de fleurs.
..........................................
..........................................
Inexplicable cœur, énigme pour toi-même...
..........................................
.........................................
Dans ma sécurité tu ne vois qu'un délire.
(Verlaine, les Poètes maudits ; Œuvres,
t. IV, pp. 52-53.)
Mais on trouve aussi de ces lignes de points dans la
prose, témoin l'amusant exemple suivant, où elles com-
mencent le récit :
..........................................
...............................................
disait l'oncle Heustache.
— Cela est évident, cher monsieur, répondait gra-
vement M. Tourniquet.
(L. Dauphin, l'Education musicale de mon cousin
Jean Garrigou, p. 1.)
Parfois, ces groupes de points ne représentent pas des
passages ayant réellement existé, mais c'est l'auteur lui-
même qui présente une de ses œuvres, à dessein non
complétée, à l'état de fragments; ex. :

(Fragments.)
................................................
...............................................
D'abord, ce n'était rien j'arrivais doucement,
; ;
Nous causions; nos regards se croisaient sans tourment.
(Paul Marrot, le Chemin du rire, p. 22.)
Pour endormir ma peine il n'est que ton étreinte.
................................................
................................................
Je m'étais composé comme un comédien,
C'estvrai! (Id., ibid., p. 23.)
Eh! peuvent-ils, ces vieux, mesurer mes ivresses,
A moi qui trouve au fond de tes moindres caresses
L'âme de Madeleine et la chair de Ninon?
................................................
...............................................
1874.
(Id., ibid., p. 24.)
Mais une telle disposition graphique n'a pas toujours
seulement le caractère d'un inachèvement sec. Il peut
équivaloir aux points de suspension proprement dits
quand ceux-ci ont le rôle de point d'orgue que nous
leur avons vu dans les exemples de Courteline (les
Linottes, p. 280) et de Mme Colette Yver (Princesses de
science, p. 97) cités plus haut; ex. :
On lui portait en secret une lettre,
Une lettre de lui, qui lui marquait peut-être
Un rendez-vous
Elle ne put la déchirer.
Marquis, pauvre marquis, qu'avez-vous à pleurer
Au chevet de ce lit de blanche mousseline?
(P. Verlaine, Jadis et Naguère; Œuvres, t. I, p. 409.)
Il faut bien que je trouve un enfer éternel, afin d'y
exhaler l'éternité de rage qui est en moi.
...............................................
...............................................
Dès l'aube, Albine reçut l'abbé d'Antinoé seuil des
au
cellules.
(A. France, Thaïs, p. 343.)
Un autre emploi des groupes de points est de mas-
quer un mot, que, par bienséance ou discrétion, l'auteur
ne veut pas livrer; ex. :
Et si j'avais l'verbe superbe
(Et l'assonance!) je dirais...
(Verlaine, Invectives, I; Œuvres, t. III, p. 375.)
Le plus souvent, la lettre initiale du mot figure dans
le texte; ex :
LE PRÉSIDENT.
— Vous avez proféré des menaces.
Vous avez crié : « Mort aux v...! » (Il ne dit que la pre-
mière lettre.)
CRAINQUEBILLE.
— Mort aux vaches, que vous voulez
dire.
(A. France, Crainquebille, II, i.)
Toi qui de vent te repais,
Trublion, ma petite outre,
Si vraiment tu veux la paix,
Commence par nous la f...
(Id., M. Bergeret à Paris, p. 332.)
B. L... avait 26 ans lorsqu'elle commença son entraî-
nement avec nous.
(Robert Desoille, Exploration de l'affectivité
subconsciente, p. 136.)

VI. — LES PARENTHÈSES


32. Les parenthèses, qui comportent un élément
ouvrant — (— et un élément fermant —) —, encadrent
des termes isolés ou complexes pouvant aller jusqu'à
des phrases entières, et qui représentent des explica-
tions données incidemment ou des réflexions faites en
passant (1).
La différence entre le terme ou le passage encadré
par les parenthèses et le complément ambiant placé
entre virgules (v. § 8 C) est que ce complément, malgré
un certain détachement grammatical du contexte, lui
est encore lié, tandis que ce qui est entre les parenthèses
peut être complément en dehors du courant général du
discours.
Conséquemment, le passage entre parenthèses se pro.
nonce en général sur une mélopée à intervalles nuls ou
minimes, ce qui est le propre des gloses; ex. :
En France même, où nous avons vu les partis au
pouvoir user de violences légales ou illégales (avec
l'aide de leurs amis dûment intoxiqués) pour empêcher
les réunions des parties adverses et même leurs fêtes
familiales,, n'en sommes-nolis pas aux mœurs des répu-
bliques italiennes au XIIIe siècle?
(Robert Maurice, Mort de la liberté?
dans la Grande Revue d'avril 1938, p. 89.)
Si l'on avait placé des virgules au lieu de parenthèses
après illégales et après intoxiqués, c'est qu'il aurait
fallu lire avec pleine expression le passage encadré. Sa
mise entre parenthèses indique qu'il faut le lire sur un
(1) C'est proprement ce commentaire qui s'appelait à l'origine paren.
thèse, et le vocable n'a été appliqué au signe que par extension. Par
parenthèse est une locution plus ancienne que entre parenthèses.
ton de glose, et, si l'on prononce une phrase telle que
celle que nous venons de citer, c'est cette différence
mélodique qui indique seule s'il faut écrire virgule ou
parenthèse.
Mais ce ton de glose n'est pas nécessaire dans la
parenthèse suivante :
Artois, le boute-en-train de la bande, apporte une
jatte de Sèvres. — « Non! fait Marie-Antoinette
(Marion, ici) un bol, un bol des champs! »
(J. Delteil, La Fayette, II, p. 39.)
L'ordre Marion, ici est interjeté à voix basse dans la
phrase qui réclame un bol. Chacun de ces ordres
comporte une mélodie complète et à part, qui ne pénètre
pas l'autre et reste intacte.
Le trait commun entre les deux exemples que nous
venons de citer, c'est que les groupes entre parenthèses
ont une mélodie propre (ton de glose dans le premier,
ton pleinement expressif dans le second) absolument
indépendante du discours dans lequel ils sont encadrés.
On voit facilement par là que la classification des
parenthèses parmi les signes mélodiques est justifiée.
Il est à remarquer aussi que le complément ambiant,
bien qu'il ait une très grande liberté de placement dans
la phrase, est cependant limité dans cette liberté par
des possibilités d'intercalation que la grammaire peut
définir, alors que la liberté de place d'un terme ou d'un
groupe parenthétiques est affranchie de toute entrave.
De même, la construction syntactique du groupe paren-
thétique a sa pleine indépendance; ex. : j
J'éprouvais (dois-je le dire?) quelque sympathie
pour ces intrépides collectionneurs.
(Anatole France,
le Crime de Sylvestre Bonnard, p. 62.)
Gélin et le futur docteur (je souhaite qu'il le
devienne un jour) discouraient ensemble avec beau-
coup de fantaisie et de verve.
(Id.,ibid., p. 138.)
Environ vers ce temps, je rencontrais souvent dans
l'escalier un vieillard (ce n'était peut-être pas tout à
fait un- vieillard), dont les petits yeux noirs brillaient
avec une extraordinaire vivacité sur un visage basané et
immobile.
(Id., ibid., p. 155.)
Voyons maintenant des exemples d'un certain nom-
bre de cas particuliers.
Les parenthèses encadrent souvent une explication;
ex. :
Explication d'un terme :
Dans l'intervalle, comme se boucle le cercle du bra-
celet (le même objet-talisman qui est au bras de Jeeves
et de son « double » Jérémie), se déroule le cycle du
roman,
(Louis Gillet, Ecoute Israël, dans la Revue
des Deux Mondes du 15 avril 1938, p. 935.)
Explication d'une circonstance du récit :
La notion de liberté (si nouvelle dans sa forme un
peu gutturale, mais évidemment aussi vieille que le
monde dans son principe, Communes, Jacqueries, etc.)
était alors dans l'air...
(J. Delteil, La Fayette, III, p. 47.)
Les marchandes de poisson (les poissardes jouèrent
un grand rôle pendant la Révolution) lui apportèrent
des branches de laurier.
(Id., ibid., VI, p. 85.)
Explication d'une plaisanterie :
. Ce parti des ducs, d'ailleurs,
est celui qui joue tou-
jours les rôles les plus poires. On peut les nommer les
ducs et poires (poires duchesses). Ils sont toujours au
premier rang, lorsqu'il s'agit de se suicider.
(Id., ibid.)
L'explication peut l'emporter de beaucoup en lon-
gueur sur la circonstance ou le terme exprimés; ex. :
insoucieux moi-même de mon allure assez
......
bizarre, avec ma tête nue (ma casquette à larges bords,
de courte visière, et son long gland de soie floche pen-
dant à gauche, était restée à l'étude) et mes cheveux
ébouriffés
(Verlaine, Confessions, I, 6; Œuvres, t. V, p. 51.)
j'étais d'une famille de militaires, et de même que
lui (vieux sergent, grognard d'Algérie, qui devait plus
tard, rengagé par deux fois, faire les campagnes d'Italie
et du Mexique) s'était habitué à la vie du régiment, je
devais m'accoutumer à celle de collégien.
(Id., ibid., p. 53.)
L'Amérique indépendante (la paix fut signée à Ver-
sailles le 3 septembre 1783), que faire?
(J. Delteil, La Fayette, V, p. 71.)
Tout de suite entre ces deux hommes, « petit gars »
(c'est ainsi que l'appela bientôt lord Cornwallis, the
boy) et généralissime, ça colla.
(Id., ibid., IV, p. 62.)
Des circonstances accessoires peuvent apparaître
entre parenthèses; ex. :
Il me fut déclaré :
— Très bien, monsieur.
(Une noire était impliquée dans cette approbation.)
(Verlaine, Confessions, I, 12, p. 70.)
muni de mon baccalauréat et d'une première
(restée seule) inscription d'étudiant en droit,
(Id., ibid., I, 15, p. 90.)
La façon ou plutôt la tournure de ma conduite jus-
qu'ici, depuis ma vingtième année (et j'avais alors
vingt-cinq ans passés) qui avait été débridée sinon tout
à fait effrénée, tendit à se régulariser
(Id., ibid., I, 2, p. 100.)
Il arriva à Chavaniac en pleine automne (il était né
à Chavaniac, un jour d'automne)...
(J. Delteil, La Fayette, VI, p. 96.)
Il annonça alors pour un public imaginaire qu'il
allait réciter une fable (Carabosse s'arrêta, secrètement
alléchée), une fable de sa composition (Carabosse fit
la grimace), et il débita rapidement des titres pour la
tenter :
(J.-S. Caillot, Carabosse,
dans la Grande Revue d'avril 1938, p. 65.)
C'est à cet emploi que se rattachent les indications
scéniques; ex. :
SCÈNE VIII
MADEMOISELLE, MARCELLE
(Elles rentrent dans le salon.)
MARCELLE. — Alors, vous avez vu M. Coûture?
(F. Mauriac, Asmodée, IV, VIII.)

Mais, ma chérie, s'il en est ainsi, pourquoi ne t'épou-


serait-il pas? (Geste d'Emmanuèle, comme si elle était
blessée.) Ah! je vois que j'ai touché juste... Il te parle
de beaucoup de choses, ce jeune Harry, il te parle de
tout, sauf précisément de mariage? (Emmanuèle pleure,
le visage dans ses mains.) Je te semble dure, mais c'est
pour ton bien.
(Id.,ibid., IV, XII.)
MARCELLE. — Tu as besoin d'un guide plus intéressé
et que l'affection ne rend pas aveugle.
(Elle regarde vers le plafond.)
EMMANUÈLE.
— A qui voulez-vous donc que je
m'adresse?
(Id., ibid.)
HARRY.
— Je descendrai au premier coup. (Il envoie
un baiser à Emmanuèle sans être vu de Marcelle.)
(Id., ibid., IV, xi.)
C'est également à un emploi voisin qu'appartiennent
les dates, références, indications bibliographiques, etc.;
ex. :
Oxford sur qui j'ai fait des vers absolument inédits
en France, et que vozct,, parce qu'ils expriment un mien
« état d'âme » assez récent (1893) :
(Verlaine, Confessions, I, 11, p. 65.)
La Fayette en oubliait d'écrire à Vergennes, au roi.
Vergennes devait le presser. « Ne vous lassez pas de me
tailler des plumes! » lui écrivait-il (lettre du 1" dé-
cembre 1781).
(J. Delteil, La Fayette, V, p. 69.)

« La Fayette, fils aîné de la Révolution fran-


çaise!... »
(Discours de RAMOND à l'Assemblée législative.)
(Id., ibid., épigraphe du chap VI, p. 83.)
Par un émouvant retour, il se trouve que les dernières
pages que Maurice Barrès ait écrites et publiées (15 dé-
cembre 1923) furent consacrées à Paul Bourget,
(Gaëtan Sanvoisin, le Cinquantenaire
d'une grande amitié littéraire, dans la
Revue des Deux Mondes du 15 avril 1938, p. 942.)
et cette délicieuse plaquette, non encore réim-
primée, devenue introuvable, au millésime de 1888
(C. Dalou, éditeur, 17, quai Voltaire) : le Quartier
latin.
(Id., ibid., p. 945.)
C'est aussi une sorte de référence que marque la cita-
tion textuelle d'une phrase traduite; ex. :
Lord Cornwallis, voyant gambader ces tendres gail-
lards, et rire cet enfant-général, s'écria : « Le petit gars
ne peut m'échapper! » (The boy can not escape me!)
(J. Delteil, La Fayette, IV, p. 70.)
On voit aussi entre parenthèses des choses dites inci-
demment, par exemple un souvenir que le récit fait
naître dans l'esprit de celui qui parle :
Ce fut par Lyon et Châlons que nous revînmes à
Metz, c'est-à-dire par le Rhône et la Saône. De ces deux
fleuves, pas de nouvelles en ma mémoire quant à ces
temps-là (j'ai revu récemment la Saône qui m'a fort
impressionné avec son Lamartine en coup de vent)
sinon que l'eau était grosse autour des roues du 'vapeur
et que j'en fus souvent arrosé.
(Verlaine, Confessions, I, 2, p. 16.)
Une comparaison peut ainsi être évoquée :
Etre immobile, seul, plein. Etre tout. Avoir l'univers
non pas autour de soi, mais en soi (comme ces maisons
espagnoles, ou des pays d'oc, qui ne s'ouvrent qu'à
l'intérieur, sur un « ciel ouvert »).
(J. Delteil, La Fayette, V, p. 77.)
Le contexte peut amener l'intercalation d'une excla-
mation; ex. :
Il n'y eut pas d'étreintes assez étroites, de baisers
assez forts puis assez tendres et mouillés de quelques
larmes brûlantes, sur ses joues et sur ses mains, et
rafraîchissantes (ô combien!) à mon pauvre cœur
d'enfant encore si pur alors,
(Verlaine, Confessions, I, 6, p. 41.)
Ori une question; ex. :
En seconde, M. Perrens, historien de Hiéronimo
Savonarola et autres pères Hyacinthe, qui me détesta,
m'a-t-on dit, et me déteste encore, m'a-t-on dit récem-
ment (pourquoi, mon Dieu?).
(Id., ibid., I, 10, p. 64.)
Boules blanches également en latin : Cicéron, Tite-
Live (qui donc m'interrogeait?), et en grec,
(Id., ibid., I. 11, p. 69.)
Le contexte peut aussi amener une critique incidente :
Voici se remarquable morceau. A DON QUICHOTTE
Iiurrah!
(Aujourd'hui, mieux avisé, et étant donné que la
couleur locale me turlupinât autant qu'en cette période
de mes débuts, je remplacerais cette exclamation par
trop britannique par le « Olle » séant.)
(Id.,ibid., I, 13, p. 81.)
La critique peut porter plus particulièrement sur un
terme pour lequel le sujet parlant offre un correctif :
je lui jure que son fils vit ici avec elle, pleure
>
dans son sein, souffre pour elle et n'est jamais un
instant, fût-ce dans ses pires erreurs (plutôt fai-
blesses!), sans se sentir sous sa protectior4
(Id., ibid., I, 6, p. 41.)
On place aussi entre parenthèses l'expression d'un
doute; ex. :
Ici, je m'aperçois que, dans l'ardeur et l'enthou-
siasme (peut-être) de parler de mon péché mignon
(mignon?), j'oublie un tas de choses pour le moins
aussi importantes que ce dont je viens de m'occuper.
(Id., ibid., II, 2, p. 99.)
De même, l'expression d'une réserve :
Peu de hanche (du moins visible), mais une taille
comme un peuplier avec le double souffle du cœur.
(J. Delteil, La Fayette, II, p. 37.)
De même, un jugement sommaire; ex. :
Ce qui veut dire non pas que la substance est tout
(matérialisme stupide), mais qu'elle est le principe, et
la base de tout.
(Id., ibid., III, p. 52.)
Il se sentait (il l'était) responsable de tout et jusque
du sang.
(Id., ibid., VI, p. ,97.)

De même, un terme qui résume :


Car il n'y a que deux attitudes valables en face du
monde : ou le nier, et en imaginer un autre, de toutes
pièces, idéal, dans le cerveau (idéalisme) ; ou l'accepter
tel quel, et le régir et cultiver pour en tirer fleurs et
fruits (réalisme).
(Id., ibid.)
Dans les deux exemples suivants, figurent entre
parenthèses, dans le premier, le résumé d'une activité,
dans le second, celui d'une argumentation :
Ils abordent dans la baie de Delaware. Ils se mettent
à gratter la terre, à élever des cahutes (gratter le sol,
bâtir un toit, les deux opérations élémentaires de
l'homme). Voici la cité de New-Plymouth.
(J. Delteil, La Fayette, III, p. 54.)
La fée lui. remontra qu'elle n'y mettait point de
malice, qu'il n'était ni plus ni moins pauvre petit que
tout le monde, que quiconque est sur la terre (pense!
avec ce qui nous pèse sur le crâne et qu'on appelle
destin sans savoir ce qu'on dit, avec ce que charrie dans
ses tunnels ce sang qui a traîné à travers des siècles de
siècles!), que quiconque est sur la terre mérite bien ce
nom-là.
(J.-S. Caillot, Carabosse,
dans la Grande Revue d'avril 1938, p. 66.)
Dans une nomenclature, surtout si elle est faite par
ordre alphabétique, des mots accessoires sont souvent
mis entre parenthèses, mais n'en doivent pas moins
être lus avant le terme principal qu'ils accompa-
gnent; ex. :
LACORDAIRE (le père),
(Nouveau Petit Larousse illustré, p. 1479, col. 2.)
LARIBOISIÈRE (lean-Ambroise, comte de),
(Id., ibid., p. 1485, col. 2.)
PILON (Germain),
(Id., ibid., p. 1611, col. 2.)
Les parenthèses n'ont, prises seules, qu'une très faible
valeur pausale; en contact avec des signes de ponctua-
tion purement pausaux, elles perdent toute valeur de ce
genre, le signe pausal imposant sa propre valeur.
Ce n'est qu'un rôle graphique qu'a la parenthèse dans
les notes et appels de note; ex. :
Quand il alla voir Lamartine à l'H6.tel de Ville, il
fut accueilli par ces paroles : (1).

(1) Choses vues.


(Cécile Daubray, Comment Victor Hugo
devint républicain, dans la Grande Revue
d'avril 1938, p. 19.)
Sur les rapports des parenthèses et des crochets,
v. § 33.

VII. — LES CROCHETS

33. Les crochets [ ] sont une variété des parenthèses.


On les emploie pour éviter la confusion qui pourrait
se créer au cas où l'on se servirait des parenthèses ordi-
naires.
C'est ce qui se produit quand des parenthèses
devraient se trouver incluses dans d'autres parenthèses.
On remplace l'une des deux paires par des crochets;
ex. :
char d'assaut (Figaro [Polybe],
TANK, -22 septembre
1916), mot angl.
(A. Dauzat, Dictionnaire étymologique de la langue
française, p. 699, col. 2.)
D'une désinence (P. vibhakti [vibhakti Jin. Zacha-
riae BB V 302] sup), qui exprime aux divers nombres
le cas, et très partiellement le genre.
(L. Renou, Grammaire sanscrite, p. 274.)

Un usage analogue consiste à faire suivre les paren-


thèses de crochets quand elles ont été employées pour
fournir une indication et qu'une indication d'une àutre
nature doit suivre; ex. :
LE GOFFIC (Charles) [Biogr.], par M. Félix Guirand.
(Larousse mensuel, n° 301, sommaire.)
Quand un passage est cité textuellement, celui qui le
cite emploie, à l'intérieur dudit passage et pour ses
observations personnelles, les crochets de préférence
aux parenthèses; ex. :
« Voilà le lqit, Norrodom, héritier du trône de
Siam, vint un soir dîner à la résidence il portait
-une ceinture d-or Océana [c'était la femme de
Constans qui portait ce prénom singulier] lui en fit
compliment, sans arrière-pensée »
(Emile Henriot, Vie de mon Père,
dans le Mercure de France du 15 avril 1938.)
Emile Henriot fait là parler Constans, mais la remar-
que entre crochets est de lui.
Cette précaution est particulièrement utile dans les
citations faites dans les ouvrages grammaticaux ou
lexicographiques, où les parenthèses ordinaires risque-
raient d'être mises au compte de l'auteur cité. Aussi
Littré prend-il grand soin d'employer les parenthèses
ordinaires quand elles sont dans les exemples qu'il
insère et les crochets quand il donne, dans le corps de
ces exemples, une explication personnelle. Comparer à
cet égard :
A ces mots l'animal pervers (c'est le serpent que je
veux dire, et non 1-'homme : on pourrait aisément s'y
tromper). LA FONT. Fabl. X, n.
(Littré, Dictionnaire de la langue française,
article pervers.)
Il est ami de Fagon, il me conta qu'il ne vivait que
par l'éloignement des écritoires [en n'écrivant plus].
SÉv. 395.
(Id., ibid., article écritoire.)

Une différenciation, fréquente également, des paren-


thèses et des crochets consiste, dans l'édition d'un texte
ancien, à envelopper par les seconds les restitutions
proposées, alors que les premières marquent les retran-
chements qu'on pense devoir effectuer pour établir un
texte correct; ex. :
Judic cent mile hommes et plus
Fist fouir et rendit confus,
Tant vaillamment s'[y] employa :
Malheureux est qui rien n'y a.
(Le Débat de VHomme et de la Femme,
dans A. de Montaiglon,
Anciennes Poésies Jrançoises, t. I, p. 4.)
Malvais servis[e] le jur li rendit Guenes
Qu'en Sarraguce sa maisnee alat vendre.
(La Chanson de Roland, 1407;
éd. de la Bibliotheca romanica, p. 65.)
Quatorze chevaliers montanz
Ot en la vile sejornanz;
[Plusors en i avoit navrez,
Et des prisons i ot assez.]
(Marie de France, les Lais. III, 156-157;
même édition, p. 70.)
Ses compaignons apele [a] soi.
(Id., ibid., 479, p. 80.)
Les essaiz et peulles des pièces d'or et d'argent de la
Monnoye dudict Bourges, faict[z] par devant les dictz
Generaulx, monnoyez soubz la différence [dudict
Ronsart] apportez en ladicte Court par ordonnance
d'icelle;
(Arrêt du Parlement du 8 février 1541,
cité par R. Marichal, les Compagnons de Roberval,
dans Humanisme et Renaissance, t. I, p. 116).
et oy derechef et interrogé ledict Ronsart, lequel
auroit requis qu'il feust dereche[f] faict essay de ses
deniers
(Ibid.)
et à faire pareille amende que dessus sur le
Perron de marbre et sur le Pont ou [s] Changes
(lbid., p. 117.)
L'autorité des passages ehtre crochets est, naturelle-
ment, bien moindre que celle du reste du texte. Les
suppressions indiquées par les parenthèses sont égale-
ment conjecturales; èx. :
Plusieurs anges se sont monstrez
A mainte(s) femme(s) et transportez;
(Le Débat de l'Homme et de la Femme,
Anc. Poés. franç., p. 2.)
Mais parlons, sans plus disputer,
Du mal qu'il nous convient porter,
(Et) qui mon cœur enveloppé tient.
(Les Ténèbres de Mariage, même volume, p. 19.)
Vecy ung hermite sauvaige,
En vistes vous onc(ques) de la sorte?
(Sottie des Sots gardonnez, 71, dans Eugénie Droz,
le Recueil Trepperel, t. I, p. 101.)
Il convient de noter aussi que les crochets sont d'un
usage très fréquent pour envelopper les notations pho-
nétiques, destinées à indiquer la prononciation des
mots; ex. :
bon est donc transcrit par [bo], bonne par [bon],
un par [œ], une par [un], etc.
(F. Brunot et Ch. Bruneau, Précis de grammaire
historique de la langue française, p. 3.)
Le lecteur se sera aperçu que l'usage des crochets est
surtout répandu dans les ouvrages de linguistique et
de philologie, un seul des exemples cités dans le pré-
sent paragraphe n'appartenant pas à ce domaine.

VIII. — LE TIRET
34. C'est également à proximité de la parenthèse
qu'il faut étudier le tiret, car, s'il a des emplois propres,
il en a aussi de communs avec la parenthèse.
Dans, les exemples suivants, les deux tirets représen-
tent respectivement la parenthèse ouvrante et la paren-
thèse fermante :
Cependant, pour éviter que plusieurs membres du
cabinet ne démissionnent avec M. Eden — MM. Elliot,
Ormsby-Gore, Morrison, notamment — M. Chamber-
lain leur déclarait que l'intention du gouvernement était
d'assurer d'abord le retrait des troupes italiennes
d'Espagne et des Baléares.
(Gilbert Comte, Accord anglo-italien et politique
anglaise, dans la Grande Revue d'avril 1938, p. 83.)
Et, comme elle voyait attendre le service, elle se
décida — car enfin il était un peu chez elle ici — à
l'avertir charitablement :
(Colette Yver, Princesses de science, p. 111.)
Dans ces passages, on peut considérer le double tiret
comme une variante graphique des parenthèses,
variante inférieure, car l'unité de la forme rend le signe
moins net.
Quand des parenthèses devraient se trouver incluses
dans d'autres parenthèses, on peut remplacer l'une des
paires de parenthèses par une paire de tirets; ex. :
Non, mais — et que ce soit, comme je l'avoue plus
haut d'ailleurs, en toute franchise, un peu à mon corps
défendant ou par une impudeur et une impudence très
préméditées (ce qui est au fond moins invraisem-
blable), — je couche dans son lit,
(Verlaine, Mes hôpitaux, IV; t. IV, p. 362.)
Nous avons vu, au début du paragraphe précédent,
les crochets remplir un emploi analogue.
Le tiret s'emploie aussi quelquefois seul pour séparer
nettement un groupe. Il représente alors un changement
d'allure dans le débit de la parole; ex. :
Et voilà comme je fus reçu à l'oral — donc, bache-
lier ès lettres à vie.
(Verlaine, Confessions, I, 11, p. 70.)
Il est maintenant le fils de feu lady Hore, — il a eu
le chagrin de perdre sa mère il y a deux ans.
(Verax, M. Hore Belisha, dans la
Revue des Deux Mondes du 15 mai 1938, p. 444.)
Agenouillé, il chatouille délicatement le trou, d'une
longue tige de graminée, il fouille, il farfouille... — et
quelque folle enfant, derrière lui, d'une paille lui cha-
touille l -'oreille. (J. Delteil, La Fayette, II, p. 40.)
La valeur des tirets dans le passage suivant est assez
difficile à définir :
Ce fut aux environs de .l'époque où se remuait en moi
la.manie des vers et de la prose (car je faisais aussi
d'étranges nouvelles sous-marines à la façon plutôt
d'Edgar Poe — car Jules Verne, d'ailleurs jamais très
haut coté dans ma curiosité, n'était pas encore inventé,
que je sache, — et de quelle façon, justes dieux! — et
des contes dont VHoffmann des Frères Sérapion se fût
réjoui passablement, tant il y était naïvement plagié)
que commença de grouiller dans mon... cœur l'amativité
dont j'ai parlé plus haut
(Verlaine, Confessions, I, 8, p. 78.)
A coup sûr, les parenthèses à forme différenciée
jouent ici le rôle de parenthèses englobantes. Mais
comment expliquer les trois tirets qui se trouvent à
l'intérieur du groupe parenthétique. Le plus probable
est que le tiret qui suit Poe et celui qui suit dieux! for-
ment une paire à valeur parenthétique. Voyez à cet
égard le début du paragraphe précédent, où des cro-
chets servent de parenthèses incluses dans une autre
parenthèse, et, au présent paragraphe, l'exemple tiré
de Mes hôpitaux : là des tirets servent de parenthèses
englobantes dans un passage où les parenthèses diffé-
renciées servent'de parenthèses englobées. Quant au
tiret qui suit sache, il est possible qu'il ait la valeur
de celui qui suit Hore dans l'exemple de Verax cité
plus haut. Mais il est également possible qu'il cons-
titue un troisième groupe parenthétique clos après
dieux, cas dans lequel le tiret subséquent aurait une
double valeur parenthétique semblable à celle que l'on
voit explicitée dans l'exemple de Mes hôpitaux :
......
invraisemblable), -
Tout ce qui est dit ci-dessus prouve qu'il est toujours
meilleur d'employer des signes non équivoques (un
ouvrant, un fermant dans l'espèce). Nous n'aurions
aucune hésitation si le passage de Verlaine que nous
sommes en train d'examiner était écrit soit :
Ce fut aux environs de l'époque où se remuait en
moi la manie des vers et de la prose (car je faisais aussi
d'étranges nouvelles sous-marines à la façon plutôt
d'Edgar Poe [car Jules Verne, d'ailleurs jamais très
haut coté dans ma curiosité, n'était pas encore inventé,
que je sache, — et de quelle façon, justes dieux!] et
des contes dont l'Hoffmann des Frères Sérapion se fût
réjoui passablement, tant il y était naïvement plagié)
que commença de grouiller dans mon... coeur
Soit :
(car je faisais aussi d'étranges nouvelles sous-ma-
rines à la façon plutôt d'Edgar Poe [car Jules Verne,
d'ailleurs jamais très haut coté dans ma curiosité, n'était
pas encore inventé, que je sache, — et de quelle façon,
justes dieux! —] et des contes dont VHoffmann des
Frères Sérapion se fût réjoui passablement, tant il y
était naïvement plagié)
Dans cette dernière manière d'écrire, il y aurait trois
groupes emboîtés : ( ......[
- - ] ).
Le tiret a encore un emploi parallèle à celui de la
forme fermante de la parenthèse dans les indications
qui servent à indiquer un classement. On comparera à
cet égard :
d) Déterminatifs appariés.
(J. Marouzeau,
f Ordre des mots dans la phrase latine, I, p. 56.)
1) L'examen des formes montrent que reor n'a été
réellement usité qu'à trois de ses temps :
(A. Yon, Ratio et les mots de la famille de reor, p. 22.)
I. — Groupe nilo-tchadien (30 langues).
(Les Langues du Monde, M. Delafosse,
Langues du Soudan et de la Guinée, p. 479.)
6° Tons musicaux. — Certaines langues négro-afri-
caines possèdent des tons musicaux à valeur étymolo-
gique
(Id., ibid., p. 474.)
Le tiret est alors, très généralement, précédé d'un
point, sans que pour cela il indique forcément une divi-
sion plus grande qu'une parenthèse de forme fermante.
Le principal emploi du tiret isolé est d'indiquer dans
un dialogue un changement d'interlocuteur; ex. :
Dunois, qui commande la garnison et n'y tient plus,
saute dans une barque et à l'aviron rejoint Jeanne.
— Etes-vous le Bâtard d'Orléans?
— Oui, et je me réjouis fort de votre venue.
— Est-ce vous qui avez donné le conseil de me faire
venir par ce côté du fleuve?
— Non, mais on a suivi l'avis des vétérans.
— En nom Dieu, le conseil de Messire est plus sûr
que le leur! Messire!... lequel à la requête de Saint
Louis et de Saint Charlemagne, ne veut pas souffrir que
les ennemis du royaume aient le corps du duc d'Orléans
et sa ville.
— Comment entrerez vous? le vent est contraire!
— Il va changer!
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 71.)
Brusquement M. de Peyrolles s'arrêta, fit mine de
me barrer le passage, et penché au-dessus de moi, avec
son charmant sourire un peu triste :
— Voyons, fit-il, veux-tu que je te dise, tout d'abord,
qui je suis et ce que je suis? Ce que je fais ici? Ce que
nous faisons tous?
— Mais très volontiers, monsieur, bien que je n'aie
pas besoin...
— Si! si! Tu as besoin d'une petite explication...
Viens t'asseoir... Où peut-on s'asseoir, Biscaran?
(Jean Martet, l'Enlèvement de Daphné, dans la
Revue des Deux Mondes du 15 mai 1938, p. 260.)
Dans cet emploi, le tiret est parfois accompagné de
guillemets; ex. :
Celui-ci s'était affaissé sur sa chaise et ne cachait
rien de son désespoir.
— « Je le savais », dit-il tristement, « depuis ma
maladie de l'année dernière, et pourtant je n'y voulais
pas croire. Que deviendront ma femme et ma fille? »
— « Je te croyais à ton aise? » interrogea l'autre.
— « Ah! ce n'est pas la question d'argent qui m'in-
quiète : mais notre bonne vie, notre vie si douce de
quinze années!... »
C'était pitié de voir cet homme, vigoureux d'appa-
rence, brisé ainsi par une douleur sans égoïsme.
(Paul Bourget, Céline Lacoste, p. 212.)
Il arrive aussi que, dans ce cas, les guillemets n'ac-
compagnent le tiret qu'au début de la conversation, le
changement de sujet parlant n'étant indiqué que par
un simple tiret. Ex. :
J'eusse souhaité d'abattre à mes pieds le misérable
d'un coup de canne ou de pistolet, plutôt que de lui
rendre le salut, courtois du reste, qu'il m'adressa, et de
répondre à son compliment de bienvenue.
« — Que vous m'eussiez rencontré voilà quelque vingt
ans, monsieur Fonsagous, ne pus-je m'empêcher de
dire, et ma tête ne tenait qu'à un fil.
— Il est vrai, monsieur le marquis, répliqua-t-il.
Mais j'eusse pleuré sincèrement votre jeunesse, fanée
ainsi dans sa fleur, et le malheur de ma vie privée
chaque jour de ses meilleurs enfants. »
(M. Boulenger, Souvenirs du marquis de Floranges,
p. 148.)
Nous avons vu au § 19 que les guillemets qui com-
mencent le dialogue pouvaient n'être accompagnés
d'aucun tiret.
Dans les écrits où le nom de chaque interlocuteur est
indiqué purement et simplement avant les paroles qui
lui sont attribuées, il est suivi d'un point et d'un tiret;
ex. :
TOTO.
— Invite monsieur à dîner.
MADAME.
— Tu m'ennuies!... Quant à vous, vous êtes
un malotru!
'
L'HOMME QUI VIENT POUR LE GAZ.
— Ah! c'est comme
çaP Des gros mots et pas de galette? Eh bien je vous
ferai couper la conduite!
(Courteline, Coco, Coco et Toto, Invite monsieur
à dîner! p. 54.)
Cette manière d'indiquer le sujet parlant est en con-
currence avec le procédé qui consiste à mettre le nom
au milieu d'une ligne et à commencer la réplique à la
ligne suivante; mais c'est une simple variante gra-
phique sans valeur pausale ni mélodique spéciale, des-
tinée à économiser du papier.
C'est également pour ne pas prendre trop de place
qu'on met un simple tiret là où le peu de rapport de
la phrase qui succède à l'autre ferait attendre un alinéa
(v. infra § 38) ; ex. :
MÉMENTO Les quatorze mois de démence dont
parle Pierre Lombard, et qui d'ailleurs continuent,
auront gravement compromis la magistrature de l'esprit
français. — L'ancien Ordre démocratique du docteur
Pineau reparaît sous le nom le Révolutionniste
— Le Journal des Débats continue à paraître légère-
ment transformé, six fois par semaine — Les nu-
méros de l'Espoir français, 38, rue de Liége, sont
toujours à consulter, si riches sont-ils de faits, de chif-
fres et d'idées.
(Henri Mazel, Revue de la quinzaine, Science sociale,
dans le Mercure de France du 15 janvier 1938, p. 381.)
Il faut aussi signaler la combinaison du tiret avec
des guillemets, à la façon de celle des parenthèses avec
les tirets et avec les crochets, lorsqu'il s'agit d'inclure
la citation textuelle des paroles d'un tiers dans la cita-
tion textuelle d'un des sujets parlants; ex. :
— Mais on les voit toujours ensemble.
— Justement, on les verrait moins. Ils ont toujours
l'air de dire : « Voyez, constatez, nous n'avons rien à
cacher. » Elle a même pris la fille du docteur pour sa
sœur cadette. (H. Bordeaux, l'Intruse, p. 105.)
Enfin, certains dictionnaires remplacent par un tiret
le vocable qui fait l'objet de l'article; ex. :
RÈGNE pouvoir, empire (long, court —; — pai-
sible, fortuné; heureux —; — orageux, etc.) ; genre
(- végétal, animal, minéral; — organique, inorga-
nique).
(Boiste, Dictionnaire universel de la langue française,
article règne, p. 610, col. 1.)
Cet usage est incommode. Mieux vaut écrire le mot
entier; ex. :
Qui suit immédiatement le douzième. Il est le trei-
zième. Le treizième siècle.
(Littré, Dictionnaire de la langue française,
article treizième.)

IX. — LE TRAIT D'UNION


35. Le trait d'union mérite une place toute particu-
lière pour sa valeur mélodique. Cette valeur est unique,
mais importante. Il sert à réunir plusieurs mots en un
seul, et de ce fait ne laisse subsister comme tonique que
celle qui, dans le dernier des composants, était déjà
tonique conformément aux lois générales de la langue
française; ex. :
Autre remarque inspirée encore par l'avant-guerre
(M. Thiébaut, Vingt années d'avertissements,
dans la Revue de Paris du 1er juillet 1938, p. 37.)
Il existe aussi un autre genre de trait d'union, mais
ce n'est pas à proprement parler un signe de ponctua-
tion. C'est un signe purement scripturaire ayant pour
but de montrer qu'un mot dont la première partie est
coupée à l'extrémité d'une ligne ne fait qu'un avec la
suite reportée au commencement de la ligne suivante;
ex.*
Si donc ils sont AB-
SURDES et impossibles
(Villiers de l'Isle-Adam, Axel, p. 38.)
Quand un trait d'union du premier type se trouve au
bout d'une ligne, il se trace à la manière ordinaire;
ex. :
Cependant une colombe voletant AU-
DESSUS du petit Comatas, emmêla ses pattes dans les
cheveux de l'enfant.
(Anatole France, Sur la pierre blanche, p. 109.)
Mais il arrive que cette similitude de signe donne
lieu à des confusions; ex. :
dans la baie de Quiberon pour
exiger du gouvernement de la République l'EXTRA-
TERRITORIALITÉ, (Id., ibid., p. 213.)
Faut-il lire extraterritorialité, vocable unique, ou
extra-territorialité, mot composé? Le terme n'est pas
dans les dictionnaires.
On pourrait parer à cette confusion en plaçant l'un
des genres de trait d'union au milieu (-) et l'autre en
bas (-) de la ligne, ou en le répétant dans la seconde
variété, au début de la ligne suivante. Les deux systèmes
se voient dans des textes manuscrits de nos jours, et il
serait à souhaiter qu'une telle pratique s'introduisît
dans les imprimés.
36. De petits traits séparent quelquefois les syllabes
d'un même mot. Ils ont pour but de marquer que le
mot se prononce avec une force et une netteté particu-
lières, en le martelant pour ainsi dire pour que son
sens ne puisse pas échapper à l'auditeur; ex. :
X. — On ne peut vivre sans argent.
In-con-tes-ta-ble-ment. Et c'est si vrai que, quand on
en manque, on est forcé de prendre celui des autres.
(Léon Bloy, Exégèse des lieux communs, p. 31.)
Aussi ai-je déclaré, tout de suite, que pour vous,
monsieur le directeur, je consentirais à arrêter la pour-
suite en conseil : toutefois, que l'intéressé se le tienne
pour dit! encore une frasque et je serai impitoyable...
im-pi-to-yable... (Ed. Estaunié,
l'Ascensl'on
^ de M. Baslèvre, I, 3, p. 28.)
Mais les traits en question ne peuvent pas s'assi-
miler à des traits d'union : ils n'ont aucun effet sur
l'ictus de la dernière syllabe qui conserve sa suprématie
sur les autres syllabes du mot. Et, comme lesdits traits
ont plutôt pour mission de séparer que d'unir, on peut,
aussi bien qu'à côté des traits d'union, les ranger à côté
des tirets (§ 34), dont ils ne diffèrent que par une
moindre longueur.

X. — LE POINT D'IRONIE
37. C'est également parmi les signes mélodiques
qu'il faudrait placer le point d'ironie si cette invention
saugrenue avait pris place parmi les signes de ponc-
tuation. C.-J. Millon (1) remémore fort à propos cette
imagination d'Alcanter de Brahm, qui fit couler
quelque peu d'encre il y a une quarantaine d'années, et
nous donne sur ce sujet des renseignements très intéres-
sants. Le point d'ironie était destiné à « mar-
quer une intention ironique ». C.-J. Millon en
donne le dessin ci-contre.
Le point d'ironie n'a pas réussi, et il méri-
tait de ne pas réussir. Toute la valeur fine
qu'on peut tirer de l'ironie réside dans sa dis-
crétion et dans son voilement. En marquer la présence
par un procédé graphique aurait quelque chose de
brutal et de choquant.
(1) Charles-Joseph Millon, la Ponctuation française, p. 38.
CHAPITRE IV

Moyens accessoires.
38. L'alinéa est un adjuvant du point. Il marqué que
la pensée exprimée précédemment est arrivée à un état
de complétude suffisant pour qu'on puisse s'arrêter un
temps plus long qu'après un point simple avec reprise
du texte dans la même ligne; ex. :
Même s'il était allé chez M"' de Lagny, il en revien-
drait sombre et insatisfait. Aussi décida-t-elle de l'at-
tendre.
Elle fit sa toilette de nuit et attendit.
(H. Bordeaux, l'Intruse, p. 156.)
Une scène est terminée. Geneviève vient de prendre
une résolution; une autre scène commence, qui décrira
la réaction des siens devant son attitude.
Pour qu'il y ait alinéa expressif, il ne suffit pas que
le texte ne soit repris qu'à la ligne suivante. Il faut
que le premier mot de la nouvelle phrase soit tracé un
peu en retrait du commencement des lignes ordinaires.
C'est ainsi que la parenthèse, tout en étant plus
isolée dans le passage suivant qu'elle ne le serait si elle
était purement intercalée dans la ligne après tête, ne
doit pas être considérée comme formant alinéa, non
plus que la reprise introduite par car qui la suit :
On voyait Paul Souday, Henri Quittard, Dauphin
Meunier, Maurice du Plessys, Franklin-Bouillon, alors
étudiant, montant et descendant le BouVMich avec un
monocle éblouissant sous la paupière et un « huit
reflets » sur la tête
(le contraire eût été piquant)
car le chapeau haute forme était aussi à la mode.
(Gaston Picard, Revue de la quinzaine, les Journaux,
dans le Mercure de France du 15 janvier 1938, p. 403.)
De même :
Dans un haute forme il ferait bon boire,
Mais dans mon galurin,
Voire,
11 ferait bon lamper du vin !
aurait dit Ponchon s'il n'avait dit beaucoup mieux.
(Id., ibid.)
Pour renforcer la valeur de l'alinéa, il n'est pas rare
que l'on saute une ligne; ex. :
Il s'accordait toutes les circonstances atténuantes,
mais se reconnaissait coupable de félonie. Son amour
était assez grand pour l'accepter.
Les choses parurent tout d'abord se passer à son gré.
(H. Bordeaux, flntruse, p. 178.)

C'est également dans ce sens qu'on emploie les chan-


gements de chapitres, le report du texte à une page
suivante, les plusieurs pages laissées blanches de
suite, etc. Mais il y a là, plutôt qu'un véritable moyen
d'expression, une présentation ayant autant une valeur
esthétique qu'une valeur linguistique.
39. Il convient de noter ici l'emploi de la majuscule
qui suit le point. Il est inutile d'en citer de nouveaux
exemples; le lecteur en aura vu des quantités tout le
long de cette étude. Les majuscules placées à la tête
des noms propres servent seulement à distinguer ces
derniers des substantifs ordinaires. Elles sont alors d'un
usage courant quand des objets ou des entités sont per-
sonnifiés ou magnifiés; ex. :
N'est-il pas séduisant, et conforme aux larges lois de
l'Univers, que toute société moribonde retombe un peu
en enfance? (J. Delteil, La Fayette, II, p. 41.)
Peu à peu on encercle sa barque, on la pousse vers
une anse, du côté du Temple de l'Amour,
(Id., ibid., p. 42.)
Quant aux majuscules qui précèdent les vers, elles
ont un rôle purement décoratif.
40. On peut faire ressortir certains termes ou pas-
sages en usant de procédés graphiques, qui sont, dans
le manuscrit, des lettres de formes (ronde, bâtarde,
gothique) et de grandeurs différentes sans limites
descriptibles, et l'emploi du soulignage simple ou
multiple. Dans les textes imprimés, c'est en général la
différence des œils qui est employée dans ce but. Un
texte écrit par un auteur s'imprime, quand celui-ci l'a
souligné une fois, généralement en italique; ex. :
Le ton est au persiflage. Un plaisantin publie :
Les Coliques et le Can- Les Coliques et le Can-
cer. Lettre adressée aux cer. Lettre adressée aux
Rois par un bonhomme de Rois par un bonhomme de
lettres de la rue Charlot,
lettres de la rue Charlot,
avec, comme épigraphe :
avec, comme épigraphe : En tout, c'est le premier
En tout, c'est le premier pas qui coûte.
pas qui coûte.
(R. Brice, Napoléon n'est pas mort d'un cancer,
dans le Mercure de France du 15 janvier 1938, p. 319.)
Souligner deux fois fait généralement imprimer en
petites capitales; ex. :
Et la fonction de cet oiseau, crieur exact des instants
du Ciel, était d'avertir le Préfet du Temple et les lévites
armés, — dont ses appels dissipèrent souvent la som-
nolence, — du quadruple .moment des rondes de nuit.
C'était l'Avertisseur. C'était /'AVERTISSEUR.
(Villiers de l'Isle-Adam, Nouveaux Contes cruels,
le Chant du coq, p. 130.)
Il y a ainsi toute une série de correspondances,
mais elles ne sont pas tout à fait générales, et leur
usage peut varier selon les ateliers de typographie.
Le soulignage n'est d'ailleurs pas purement spécial
au manuscrit. On le rencontre, quoique assez rarement,
dans des textes imprimés; ex. :
Ce qui compte, aujourd'hui, ce sont moins les soldats
que les armements; moins les armements que la puis-
sance industrielle qui les crée; moins la puissance
industrielle que la puissance financière qui la condi-
tionne et la soutient.
(H. Lémery, l'Angleterre réveillée, dans la Revue
des Ambassades du 15 juin 1938, p. 10, col. 2.)
Mentionnons enfin l'emploi d'encres de différentes
couleurs, surtout d'encre rouge concurremment avec de
l'encre noire, qui est encore en usage dans les manus-
crits non destinés à l'impression, et qui, après avoir été
longtemps en usage dans les livres imprimés n'y est
plus employée que dans un but décoratif, ne laissant
de trace de son utilisation expressive que le vocable
rubrique.
41. L'astérisque (*) n'est pas à proprement parler
un signe de ponctuation; c'est plutôt un simple procédé
graphique.
On l'emploie en linguistique pour marquer une forme
conjecturale; ex. :
ALLÉCHER (allechier, XIIE s.), du lat. pop. *allecticare
(dér. d'allectare, fréquentatif d'allicere, attirer, sé-
duire)
(A Dauzat, Dictionnaire étymologique, p. 25, col. 2).
Il sert aussi d'appel de note, mais va cédant dans cet
emploi la place aux chiffres ou aux lettres, d'une plus
grande commodité; ex. :
et je n'ai pas voulu y faire assister ce vieillard
dont vous connaissiez le caractère.*

•Victorius a préféré l'autre leçon,


(Lettres à Atticus, IV, 16; Œuvres complètes
de Cicéron, éd. J.-V. Leclerc, t. XXII, p. 65.)
CHAPITRE V

Les accents.
42. Une loi phonétique importante de la langue fran-
çaise veut que la dernière voyelle de plein exercice
(pratiquement toute voyelle de la dernière syllabe, ou
de l'avant-dernière quand celle-ci contient un e dit
muet) d'un mot soit tonique.
Avant que l'on eût l'habitude de marquer régulière-
ment l'e tonique par un signe spécial, il y avait assez
souvent pour le lecteur quelque difficulté à savoir
quelle était cette tonique. Soit ces deux distiques :
Chascun estime loue et prise
Fille qui est quoye et rassise.
(Les Estrennes des Filles de Paris, Bibl. gothique,
fol. 3, recto.)

« Chacun estime, loue et prise une fille qui est tran-


quille et rangée. »
Le doulx maintien de filles saiges
Est estime en tous paisaiges.
(Ibid., fol. 3, verso.)
« Le doux maintien des filles sages est estimé en tous
lieux. »
Ce n'est que le contexte qui nous indique que la
tonique d'estime est l'i dans le premier distique et l'e
dans le second.
C'est ce qui explique que de bonne heure un signe
ait distingué l'é tonique de l'e atone. Tel a dû être
l'origine de l'emploi du signe et de son nom.
Mais l'accent aigu, qui n'avait à l'origine que cet
usage, en a pris concurremment d'autres aujourd'hui,
de sorte que ce qui a été présenté au présent para-
graphe n'est qu'une vue historique.
43. Les signes nommés accents sont au nombre de
trois :
l'accent aigu (');
l'accent grave C);
l'accent circonflexe (*).
On peut les partager en accents diacritiques et en
accents phonétiques.
Les accents diacritiques servent à distinguer des mots
ayant, sauf l'accent, la même orthographe. L'accent
aigu n'est jamais diacritique. L'accent grave peut
paraître comme accent diacritique sur les lettres
voyelles a, e et u.
Les accents phonétiques donnent indication sur la
prononciation de la voyelle qu'ils surmontent. Comme
accent phonétique, l'accent aigu et l'accent grave ne
surmontent que l'e.
Seul, l'accent circonflexe peut surmonter toutes les
voyelles.
44. Dans les paragraphes suivants, les accents vont
être étudiés selon la voyelle qu'ils surmontent.
a. — L'accent grave sur l'a peut apparaître avec une
valeur diacritique; ex. :
à, préposition, distinguée de la troisième personne
du verbe avoir a;
çà, adverbe, distingué de la forme pronominale ça;
là, adverbe, distingué de la, article et pronom fémi-
nin, et de la, note, d'ailleurs prononcé autrement :
Taraval, qui n'avait pas peur de beaucoup de choses,
eut peur de ce visage-LÀ.
(P. Bourget, rlrréparable, p. 57.)
LA comtesse attendit cette minute du départ dans une
angoisse toute pareille. (Id., ibid., p. 61.)
Ainsi la note qui aujourd'hui se nomme LA tout
court, se nommait pompeusement jadis, comme on vient
de le voir,
(Lavignac, la Musique et les musiciens, p. 463.)
En commençant ces souvenirs, ma pensée va À un
homme que j'ai beaucoup connu et aimé : Maurice
Barrès.
(Jean de Pange, Souvenirs lorrains,
dans la Revue de Paris du 1er juillet 1938, p. 90.)

Toute la journée, on A vu circuler des officiers affai-


rés, on A entendu la rumeur de cette armée qui se
groupe autour de nous.
(Id.,ibid., p. 94.)
Il est quelquefois purement ornemental; ex. :
Serait-ce DÉJÀ lui?
(V. Hugo, Hernani, I, i.)

45. L'accent circonflexe a une valeur phonétique


quand il surmonte un a, qu'il allonge et ferme. Il repré-
sente généralement alors une lettre consonantique,
telle que n ou s, qui a disparu, ou bien un groupe de
deux voyelles qui s'est réduit : âme (anme); pâte
(pàste); âge (aage, eage) ; bâiller (baailler) ; ex. :
Elle exige que l'ÂME qui se présente devant elle laisse
à la porte ces grandeurs de la chair,
(Jean de Pange, Souvenirs lorrains,
dans la Revue de Paris du 1er juillet 1938, p. 115.)
Mais telle n'est pas toujours son origine, car il
sert aussi à cette indication phonétique hors de toute
réduction de groupe; par exemple dans grâce (gratia),
crâne (xpavtov) ; ex. :
Paimerais mieux, plutôt qu'être à ce point INFÂME,
Vil, odieux, pervers, misérable et flétri,
Qu'un chien rongeât mon CRÂNE au pied du pilori.
(V. Hugo, Ruy Blas, I, n.)

Mais la valeur phonétique de l'accent circonflexe sur


l'a est, de nos jours, nulle dans des cas où â procède
d'as, à savoir le? formes verbales du type vous aimâtes,
il aimât, qui se prononcent ouvertes et le plus souvent
brèves; ex. :
Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous PRÉOCCUPÂTES
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes.
(Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, I, iv.)
4,6. i.
— L'accent circonflexe apparaît sur l'i suivi
autrefois d'un groupe : île (isle) ; huître (huistre).
Mais la prononciation longue qu'î représentait s'est
souvent réduite à être brève. Certaines gens conservent
dans une large mesure la prononciation traditionnelle;
au contraire, certains autres en restreignent le domaine.
Les mots du type fîtes sont presque par tous pro-
noncés brefs; ex. :
Mon Dieu, vous qui FÎTES le ciel et la rosée, comme
il est dit dans Tristan, jugez-moi dans votre équité
(A. France, le Crime de Sylvestre Bonnard, p. 239.)
Quand i est le second élément d'une voyelle simple
écrite avec deux lettres, c'est lui qui, le cas échéant,
supporte l'accent circonflexe: maître (maistre); pa-
raître (paroistre), etc.
Quand i suit un o et que ces deux lettres représentent
une semi-voyelle suivie d'une voyelle, l'î peut aussi
représenter un groupe, et marque alors une pronon-
ciation longue : croître (croistre, creistre) ; boîte
(boiste), où l'î marque la différence de prononciation
avec des formes du verbe boiter (boite).
Quand ri forme avec l'/t une voyelle nasale, il
peut être surmonté de l'accent circonflexe : vînt, tînt,
forme du subjonctif des verbes venir, tenir, est ainsi
distingué de vint, tint, forme de l'indicatif; c'est un
emploi purement diacritique, la prononciation étant la
même.
On admirait que, n'ayant pas un bras vaillant et pas
une jambe d'aplomb, il gardât figure de fauteuil, se
TÎNT à peu près debout et fît encore quelque service.
(A. France, le Crime de Sylvestre Bonnard, p. 263.)
Oui, divin est le luth qui d'Apollon nous VINT.
(R. Gaboyer, le Doux parler des dieux,
dans Anthologie des jeunes poètes, p. 181.)
47. o. — L'accent circonflexe sur l'o est diacritique
dans la particule vocative ô, ainsi distinguée du nom de
la lettre; ex. :
Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, .
De ta jeunesse?
(Verlaine, Sagesse, III, 6; t. I, p. 272.)
Au point de vue phonétique, ô apparaît dans les
mêmes conditions que â; il allonge et ferme l'o. De
même qu'â, il peut remplacer un groupe : hôte (hoste) ;
côte (coste) ; rôle (roole); ex. :
Ce dernier, digne fils d'une race si haute,
Fut un traître, et vendit la tête de son hâte! »
(V. Hugo, Ruy Blas, III, vi.)

On trouve aussi ô ne représentant pas un groupe


réduit : pylône (TCUÀWV), etc.
Malgré la présence de l'accent circonflexe, l'ô se pro-
nonce souvent ouvert et bref : côtelette (costelette),
rôtir (rostir), côlon (x^Àov) ; ex. :
Tout RÔTISSEUR que je suis, répondit mon père,

j'estime le savoir
(A. France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, p. 15.)

48. U. — Comme signe diacritique, l'accent grave ne


paraît sur l'u que quand celui-ci est le second élément
d'une voyelle écrite avec deux lettres : où, adverbe et
pronom, ainsi distingué de ou, conjonction de coordi-
nation; ex. :
Des lumières partout
Où je n'en voudrais pas, hors à cette fenêtre,
Où j'en voudrais.
(V. Hugo, Hernani, II, i.)
Sans détours,
Réponds, duc ou je fais raser tes onze tours!
(Id., ibid., III, vi.)
L'accent circonflexe sur l'u peut être diacritique : dû,
participe de devoir ainsi distingué de du, cas de l'ar-
ticle le; ex. :
Vous avez d'abord dit, sauf erreur de ma part, que
puisque la pièce était portée à l'analyse sommaire, elle
avait DÛ exister.
(André Chamson, la Galère, dans la Nouvelle Revue
française du 1er juillet 1938, p. 95.)
L'indication sommaire disait DU reste simple-
ment :
(Id., ibid.)
49. L'accent circonflexe placé sur l'u peut marquer
la réduction d'un groupe, et c'est ce qu'il a fait dans dû
(deu), que nous venons de citer, et ce qu'il fait aussi
dans l'adjectif mûr (meiir, de maturum), qui se trouve
ainsi distingué du substantif mur, qui lui est homo-
phone. De même piqûre (xve et XVIE siècles : piqueure).
La longueur de la voyelle n'a pas toujours persisté :
fûtes, reçûtes, etc., se prononcent brefs; ex. :
0 bel été de la seizième année, comme vous FÛTES
lourd d'énigmes.
(Marie Gasquet, Sainte Jeanne d'Arc, p. 41.)
Mais j'ai songé
Lorsqu'invisible et grand, hier, vous apparûtes,
Châtiant ce coquin, tenant tête à ces brutes
(E. Rostand, Cyrano de Bergerac, II, vi.)
Quand u figure comme second élément d'une voyelle
simple écrite avec deux lettres, c'est lui qui reçoit
l'accent circonflexe : jeûne, goût, moût.
50. e. — La lettre e est la seule qui puisse être sur-
montée de tous les accents.
L'orthographe a depuis longtemps tendu à une systé-
matisation par laquelle é représenterait l'é fermé, è
représentant è ouvert. La longueur et la brièveté n'est
pas en question, l'un et l'autre accent pouvant se trou-
ver sur des longues ou sur des brèves. La tendance à
la répartition qui vient d'être indiquée n'a pas encore
abouti à une réalisation complète.
Dans l'état actuel, l'accent grave apparaît si la syl-
labe suivante contient un e dit muet : je pèlerai; l'avè-
nement; un pêne ; fidèle, etc.
L'accent aigu apparaît dans tous les autres cas :
l'étang, Félan, la créature, la beauté, l'opéra, etc.
On a proposé d'écrire évènement, qui aurait été dans
la règle précitée, et on rencontre parfois cette graphie.
Ce qui semble l'avoir empêchée de réussir, c'est que
bien des gens prononcent ouvert l'e qui précède une
syllabe contenant un è ouvert; évènement n'aurait pas
été plus satisfaisant pour eux qu'événement; il aurait
fallu *èvènement. On entend de même prononcer ouvert
l'é d'élève. Pour extrémité, la prononciation par è
ouvert du premier é est encore plus fréquente, sans
doute parce que le rapport avec extrême est encore
complètement senti.
Une orthographe telle que réverbère est la trace d'un
usage ancien qui consistait à marquer d'un accent aigu
un e ayant le son d'un e muet en exercice, mais n'étant
jamais élidé ni supprimé dans le débit; ex. :
Sur moy, ce vaillant chef, que vous m'avez ravy,
Fust péry le prémier, et tous l'auroient suivy.
(Corneille, Médée, II, n.)
L'accent grave a quelquefois une valeur diacritique :
dès, préposition, distinguée de des, article; ex. :
Et moi de même,
A Jean que j'aime,
Je me marie, et dès demain.
(Gustave Lemoine, les Compliments de Normandie,
38 couplet.)
La comtesse, comme toutes les maîtresses de maison
qui ne suivent pas le détail de la conduite DES personnes
n-
qu'elles emploient, faisait, aux minutes de ses surveil-
lances subites, DES découvertes qui la mettaient hors
d 'elle-même.
Bourget, &"Irréparable, p. in\
(P. n 18.)

51. De même que l'â, l'ê peut représenter un groupe.


Il marque alors généralement un e ouvert : tête (teste) ;
grêle (gresle); fenêtre (fenestre), etc.; ex. :
Qu'as-tu voulu, fin refrain incertain,
Qui vas tantôt mourir vers la fenêtre.
Ouverte un peu sur le petit jardin?
(Verlaine, Romances sans paroles, V; t. I, p. 158.)

Beaucoup de gens prononcent é fermé quand la syl-


labe suivante contient le son de l'é fermé ou un i : arrê-
ter, bêtise, etc.
52. Le tréma (") sert à montrer que deux voyelles
scripturaires qui se suivent représentent non une seule,
mais bien deux voyelles phonétiques ; ex. :
Un jour Dieu sur sa table
Jouait avec le diable
Du genre humain haï
(V. Hugo, les Châtiments, I, 2, chanson, p. 143.)

De même, pour une voyelle et une semi-voyelle : nous


arguïons, vous arguïez.
Le tréma a longtemps joué un rôle tout à fait spécial
auprès de l'M. Cela tient à ce que, jusque dans le
XVIIe siècle, u et v ne se distinguaient graphiquement
pas. Quand il y avait un doute sur la valeur à attribuer
à la lettre écrite, le tréma placé soit sur ru, soit sur la
lettre vocalique voisine indiquait que cet u était un u
voyelle. C'est ainsi qu'on écrivait queuë, etc.; ex. :
La Premiere peut estre comparée à celuy qui fait la
reueiie des trouppes, et la Seconde à celuy qui nous
donne les ordres. Celle-là nous donne la connaissance
du Bien, et celle-cy nous en donne la ioiiissance.
(Urbain Chevreau, le Philosophe moral, 1656, p. 21.)
Le nom propre Poilloüe [de Saint-Mars] en" est un
reste : le tréma sur ru indique la prononciation poilou
et non *poilove.
De nos jours, on emploie le tréma sur l'e qui suit un
u dans les cas où le groupe gue risquerait de se pro-
noncer à tort comme il se prononce légitimement dans
ligue, figue, etc., à savoir dans aiguë, ambiguë, ciguë,
contiguë, exiguë, j'arguë; ex. :
Après s'être entretenu avec ses disciples de l'im-
mortalité de .l'âme; il prit la coupe où l'on avait pré-
paré la CIGUË, et la porta tranquillement à ses lèvres
(Larousse du XXe siècle,
article Socrate ; t..VI, p. 387, col. 1.)
TABLE DES MATIÈRES

ragea
AVANT-PROPOS 5
La ponctuation a pour but de marquer les pauses et la
mélodie dans la langue 6
Ses indications sont imparfaites 7
Utilité d'une bonne ponctuation 8

CHAPITRE PREMIER
CLASSIFICATION DES SIGNES DE PONCTUATION

1. — Ressources dont dispose la langue parlée 9


2. — Signes pausaux 10
3. — Signes mélodiques 10
4. — Moyens accessoires 11

CHAPITRE II

SIGNES PAUSAUX

I. LA VIRGULE.
5. — Les deux rôles principaux de la virgule 12
6. — Virgules séparant des termes qui jouent dans le
discours le même rôle grammatical 12
A. Phrases entières 12
B. Compléments 13
7. — Suite de compléments dont les deux derniers sont
séparés par des conjonctions de coordination.... 17
8. — Les compléments ambiants 22
A. Compléments ambiants en tête de phrase 22
B. Compléments ambiants en fin de phrase 25
C. Compléments ambiants en cours de phrase.... 28
9. — Combinaison des deux genres de virgules 33
10. — La pausette, pause moindre que celle que la virgule
indique, manque de signe spécial
.............. 39
Pages
11. — La pausette dans les zeugmes; incertitude 42
12. — Le manque de signe spécial pour la pausette risque
de faire confondre une épithète et un attribut... 43
II. LE POINT.
13. — Le point 44
.
III. LE POINT ET VIRGULE.
14. — Le point et virgule 50
IV. VALEUR MÉLODIQUE DES SIGNES PAUSAUX.
15. — Valeur mélodique des signes pausaux 54

CHAPITRE III

SIGNES MÉLODIQUES
I. LES DEUX POINTS.
16. — Inventaire de l'emploi des deux points 55
17. — Caractère des deux points 61
18. — Valeur pausale des deux points 62
II. LES GUILLEMETS.
19. — Valeur mélodique des guillemets 63
20. — Valeur pausale des guillemets 74
III. LE POINT D'INTERROGATION.
21. -— Valeur mélodique du point d'interrogation 76
22. — Valeur pausale du point d'interrogation 79
23. — Plusieurs points d'interrogation se suivant immédia-
tement . 81
24. — Points d'interrogation sans texte 81
IV. LE POINT D'EXCLAMATION.
25. — Valeur mélodique du point d'exclamation 82
26. — Valeur pausale du point d'exclamation 87
27. — Plusieurs points d'exclamation se suivant immédiate-
ment 88
28. — Points d'exclamation sans texte 88
V. LES POINTS DE SUSPENSION.
29. — Points de suspension proprement dits ; leur valeur
mélodique 89
30. — Leur valeur pausale 97
31. — Groupes de points ayant d'autres rôles que les points
de suspension
................................
101
Pages.
VI. LES PARENTHÈSES.
32. — Les parenthèses 107
VII. LES CROCHETS.
33. — Les crochets 116
VIII. LE TIRET.
34. — Le tiret 119
IX. LE TRAIT D'UNION.
35. — Les deux genres de traits d'union; confusion possible. 126
36. — Signes semblables au trait d'union ou au tiret 127
X. LE POINT D'IRONIE.
37. — Un signe superflu, et qui n'a point réussi 128

CHAPITRE IV

MOYENS ACCESSOIRES
38. — L'alinéa 129
39. — Les majuscules 130
40. — Forme des caractères d'écriture; soulignage; ru-
brique 131
41. — L'astérisque 132

CHAPITRE V

LES ACCENTS

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