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FOUNDATIONS OF SEMIOTICS
General Editor
ACHIM ESCHBACH
(University of Essen)
Volume 12
LES IDÉOLOGUES.
Sémiotique, théories et politiques linguistiques
pendant la Révolution française
LES IDEOLOGUES
Sémiotique, théories et politiques linguistiques
pendant la Révolution française
Proceedings of the Conference,
held at Berlin, October 1983
edited by
1986
Library of Congress Cataloging in Publication Data
Les Idéologues: sémiotique, théories et politiques linguistiques pendant la Révolution
française.
(Foundations of semiotics, ISSN 0168-2555; v. 12)
Bibliography: p.
1. Linguistics -- France -- History -- Congresses. 2. Languages -- Philosophy -- Congresses.
3. Language policy - France — History -- Congresses. 4. Idéologues (French philosophers)
- Congresses. I. Busse, Winfried. IL Trabant, Jürgen. III. Series.
P81.F7I33 1986 410'.9'44 86-7863
ISBN 90 272 3282 2 (alk. paper)
© Copyright 1986 - John Benjamins B.V.
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TABLE DES MATIERES
Index 395
Préface
Quoiqu'en pensent ceux qui écrivent aujourd'hui sur les réflexions e t , sur
t o u t , sur la politique linguistiques de la Révolution française et même s ' i l s
ne partagent pas du tout la "souffrance" dont dérive ce nouvel i n t é r ê t histo
rique, leurs projets historiographiques n'en dépendent pas moins de cette
vague d'histoire " c r i t i q u e " , et une historiographie "monumentale" de ces
faits ne peut plus compter sur un consensus "progressiste" général: C'est
la gauche elle-même qui a finalement découvert q u ' i l y avait quelque chose
de fondamentalement faux dans les projets linguistiques éclairés malgré leur
caractère historiquement et peut-être "objectivement" inéluctable. La dialec
tique des Lumières n'est pas une invention de s i n i s t r e s réactionnaires.
des Lumières, ne reste pas seulement le modèle de nos discours mais pénètre,
en tant que terminologie et nomenclature, nos langues "naturelles" (c'est-
à-dire historiques) et les transforme ainsi de langues historiques en
systèmes de signes conventionnels. Newspeak n'est pas seulement une inven
tion romanesque.
- La rhétorique des discours publiques est devenue dans une large mesure
"philosophique" dans le sens favorisé par les Idéologues (v.infra Sermain),
c'est-à-dire nos orateurs nous comblent de discours "objectifs" dictés
par la "raison des choses" qui ne tolère aucune contradiction et qui nous
laisse froids.
Il n'est donc pas un hasard si, dans ces temps de conscience aigüe de la
dialectique des Lumières, à la présence des bénéfices éclairés qui se sont
transformés en charges (v.infra, Ricken et Jacques-Chaquin), une historiogra
phie critique tire de l'oubli des choses du passé qui sont des sources de
douleurs actuelles: "C'est alors que l'on regarde le passé d'un fait d'une
manière critique, c'est alors que l'on s'en prend à ses racines avec une
couteau, c'est alors que l'on passe cruellement outre toute piété"
(Nietzsche). L'historiographie critique sait pourtant qu'elle est "toujours
un processus dangereux, c'est-à-dire dangereux pour la vie même: et les
hommes et les temps qui servent la vie en jugeant et en anéantissant le
passé sont toujours des hommes et des temps dangereux et précaires. Car,
puisque nous sommes les résultats des générations précédentes, nous sommes
aussi les résultats de leurs égarements, de leurs passions et de leurs er
reurs, voire de leurs crimes; il n'est pas possible de se libérer totalement
de cette chaîne. Même si nous condamnons ces égarements et même si nous
nous en croyons exempts, il n'en reste pas moins le fait que nous en sommes
originaires" (Nietzsche).
Cette approche d'une histoire critique mitigée est censée s'insérer, pour
ce qui est des réflexions linguistiques des Idéologues, dans le projet de
Foucault d'une "archéologie" du savoir moderne. C'est-à-dire que, pour re
venir - sur le plan plus "scientifique" de l ' h i s t o r i o g r a p h i e de la pensée
linguistique - à la question de Moravia, en étudiant les Idéologues, nous
avons l ' i n t e n t i o n d'approfondir nos connaissances sur cette période de t r a n s i
t i o n du 18e au 19e siècle où Foucault a localisé une des révolutions les plus
profondes de la pensée européenne, où la pensée "classique" se transforme
en pensée moderne. Dans le cadre d'une t e l l e recherche, les textes des Idéo
logues, en tant que discours encore éminemment "classiques" à une époque
où naît le discours moderne et sous la pression de c e l u i - c i (et non seulement
sous la pression de la réaction p o l i t i q u e ) , nous semblent un corpus p a r t i c u
lièrement précieux: I l s démontrent, justement dans leurs hésitations et soup
çons et dans une espèce d'érosion intérieure du discours classique, qu'il
n'y avait pas seulement un "rupture" épistémologique, qui reste assez mysté
rieuse chez Foucault, mais q u ' i l y avait aussi une espèce de transition
douce et chaotique entre la pensée classique et la pensée moderne.
tandis que Charles Porset démontre comment l'école cousinienne met en oeuvre
une consciente mise aux oubliettes des Idéologues.
Winfried Busse
Jürgen Trabant
1. Ouvertures nocturnes: La mise aux oubliettes
La mauvaise é t o i l e h i s t o r i q u e des Idéologues
S e r g i o Moravia (Florence)
Disons d'abord que 'la faute est...' non pas cette fois à Voltaire, mais
à un p r o f e s s e u r (français) de p h i l o s o p h i e , François Picavet: un savant très
docte et un peu plat, un historien plutôt "érudit" que "pensant" - pour
reprendre une célèbre distinction de Hegel. Or, en 1 8 9 1 , ce monsieur nous
livra un ouvrage sur les Idéologues qui n'était pas v r a i m e n t un l i v r e , mais
plutôt une espèce d ' e n c y c l o p é d i e b i e n l o u r d e e t assez désordonnée: une sorte
de mer d'érudition où - il faut le reconnaître - les Idéologues et leurs
idées importantes (et il y en a v a i t , il y en a . . . ) coulèrent misérablement
- 4 -
à pic.
C'est dommage - un grand dommage. Non seulement parce que l'on a sous-estimé
l'oeuvre des Idéologues, mais aussi parce que l'on n'a pas approfondi d'une
façon adéquate d'un côté le fascinant problème des développements ultérieurs
(et peut-être ultimes), chez les Idéologues, des idées et des principes
de l'âge des Lumières, et de l'autre côté l'encore plus fascinante question
de la rencontre - je devrais dire du conflit - entre la Weltanschauung
éclairée issue du XVIII e siècle et la nouvelle Weltanschauung spiritualiste
et romantique qui fut celle des premières générations du nouveau siècle.
Un conflit dont j'ai eu le privilège de m'occuper directement dans mon
Il Tramonto dell'Illuminismo, et qui vit les Idéologues dans le rôle de
défenseurs officiels et passionnés de la grande tradition des Lumières.
Seulement deux mots encore sur le sujet qui nous a réuni ici à Berlin. Ce
n'est pas un hasard si parmi les 're-découvreurs' contemporains des Idéologues
il ne faut pas compter seulement un historien des idées comme moi-même ou
comme les jeunes chercheurs américains qui ont travaillé dans un étroit
rapport avec moi sur tel ou tel membre du milieu idéologique, mais il faut
compter au moins une grande figure de 1 ' i n t e l l i g e n t s i a contemporaine: Michel
Foucault. Dans son bes mots et les choses Foucault a montré, peut-être d'une
- -
La conclusion, c'est que l'idéologie n'est pas aussi nouvelle qu'on l'a
dit. Reste à comprendre comment cette doctrine a pu s'imposer au 18ème
siècle. Son renouveau est dû à Condillac, l ' i n d u s t r i e u x Condillac. Avant -
et après lui - l'idéologie n'était qu'un germe fécond "mais sans vie
distincte et même sans nom"; c'était une "introduction à toutes sortes
de sciences, une page perdue dans un livre immense. Condillac l' enrichie
"d'une multitude de vues ingénieuses, d'observations fines et quelquefois
profondes". En un sens, il l'a créée. Mais, en un sens seulement, car ce
sont les successeurs de Condillac qui ont, les premiers prononcé le mot
d'idéologie: ils ont émancipé la science des idées. Mais voici que sont
apparus, en même temps, d'autres héritiers, non plus fidèles à la science
des i d é e s , abstraction faite des temps et des hommes, mais sectateurs des
Les idéologues ne sont plus Platon, Kant ou Aristote, mais Destutt de Tracy, Cabanis, Garat,
Volney.
Pendant plus de soixante ans pas un l i v r e sur d i e u , sur les destinées de l'homme. En revanche,
v i n g t t r a i t é s d ' i d é o l o g i e sous v i n g t t i t r e s , e t de v i n g t auteurs d i v e r s ; après l'Essai sur
l e s connaissances humaines e t l e T r a i t é des sensations, de C o n d i l l a c , l'Essai de psychologie,
de Ch. Bonnet, b i e n t ô t s u i v i de l'Essai analytique sur les facultés de l'âme, du même auteur;
un peu plus t a r d , l ' H i s t o i r e naturelle de l'âme, de La M e t t r i e ; l e s l i v r e s De. l'Esprit e t De
l'Homme, d ' H e l v é t i u s .
L'idéologie devient alors une longue habitude que cimentent des rapports
confraternels. Mais, si la tournure d'esprit est commune, la direction des
idées est différente: Destutt de Tracy est le métaphysicien de l'Ecole,
Volney le moraliste, Cabanis le physiologiste, Garat le professeur public.
Et chacun intervient dans son lieu, qui à l'Institut, qui à l'Ecole Normale,
qui dans les Ecoles Centrales, qui à la Chambre.
Quelle est la doctrine des Idéologues? Leur doctrine est une doctrine d'em
prunt; les Idéologues l'ont empruntée à Condillac qui, lui-même, l'avait
empruntée à l'Angleterre. Locke s'était posé la question de l'origine de
nos idées et, dans son analyse, systématique et infidèle, il n'avait reconnu
que deux sources à nos connaissances: la sensation et la réflexion. Condillac
va plus loin, il supprime la réflexion et, avec elle toute l'activité de
l'esprit. Par une simple transformation, la sensation devient tour à tour,
attention, comparaison, jugement, raisonnement, enfin, désir et volonté.
L'âme elle-même n'est que la collection des sensations qu'elle éprouve et
de celles que la mémoire lui rappelle. Condillac ne va pas jusqu'à la nier
et il la distingue du cerveau.
C'est précisement cette distinction que les idéologues commencent par abolir.
- 11 -
Puisque l'âme n'est qu'une collection elle n'a pas d'unité; puisque cette
collection varie sans cesse, elle n'a pas d'identité; enfin, puisqu'elle
n'a aucun effet, aucune énergie, elle est une pure hypothèse. Pour les idéolo
gues deux choses existent seulement: le cerveau et les sensations. Donc
il n'y a pas deux orores de faits, de types de sciences. L'idéologie est
une partie de la zoologie, et l'intelligence une dépendance de la physique
humaine. Lorsqu'un objet agit sur les nerfs, il y produit une sensation
si l'objet est présent, un souvenir s'il est absent, une perception de rap
ports, si les images de plusieurs objets se présentent en même temps, un rai
sonnement s'il y a plusieurs rapports, la volonté si l'objet excite des désirs
dans le cerveau. Ainsi, percevoir, se souvenir, juger, vouloir, ne sont autre
chose que sentir des objets, sentir des souvenirs, sentir des désirs. Telles
sont les idées qu'on trouve dans les Eléments d'Idéologie de Destutt de Tracy
et dans le livre des Rapports du physique et du moral de Cabanis.
D.H. n'y tient plus et nous prie de détourner les yeux de ces doctrines
affligeantes, indignes des hommes qui les professaient. Car, paradoxalement,
ces hommes étaient estimables. Comme leurs prédecesseurs du dix-huitième
siècle dont ils partageaient les idées et par une contradiction singulière,
ils furent les plus désintéressés des hommes, et les défenseurs les plus
enthousiastes des droits sacrés de l'humanité. Dans l'Assemblée constituante,
c'est leur esprit qui inspire la célèbre Déclaration des Droits de l'Homme.
- 12 -
Trop au-dessus des préjugés de province, trop amis de l'unité nationale pour s'associer aux
projets des premiers, trop scrupuleux pour faire cause commune avec les seconds, accusés de
timidité par les uns, traités de rêveurs par les autres, mais jamais, soupçonnés de sacrifier
à une position quelconque soit les droits de l'humanité, soit la liberté de leur pays.
Si j'ai tenu à reprendre dans tout son long cet article du Dictionnaire
de Franck, c'est qu'il me paraît constituer un bon exemple de cécité critique
et de censure idéologique - ce qui, soit dit en passant, appliqué aux idéolo
gues ne me paraît pas manquer de sel. Le procédé mis en oeuvre est classique
et toujours efficace. Il passe d'abord par l'invention d'une entité, les
idéologues, dont on se garde de définir l'identité, mais dont on expose
la doctrine à partir d'un vague corpus. Qui a dit quoi? On ne sait. Destutt?
Garat? Volney? On montre ensuite: 1. que les Idéologues ne sont originaux
en rien, et le sont d'autant moins qu'ils croient l'être davantage. La doctri
ne idéologique est le remake de choses fort anciennes; 2. que la doctrine
est dangereuse pour la philosophie et pour la société quand elle n'est pas
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Un début de réponse à cette question brutalement posée est donnée par Marc
Régaldo lorsqu'il aborde la section 'Philosophie de langage, linguistique
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C'est i c i l e troisième des grands aspects de l ' i d é o l o g i e philosophique. Les spéculations sur
l ' o r i g i n e du langage e t sur l ' o r i g i n e des langues f u r e n t , on l e s a i t , monnaie courante au 18ème
s i è c l e ; Condillac l e u r donna cependant une o r i e n t a t i o n p a r t i c u l i è r e . Cette section est plus
chargée que l a précédente: c ' e s t que, sans adhérer forcément à l ' i d é o l o g i e , beaucoup acceptaient
en matière de langage les p r i n c i p e s de l ' a u t e u r de l a Langue des Calculs. Les ouvrages que
nous signalons sont d'ambition e t de valeur f o r t i n é g a l e s ; nombre d ' e n t r e eux se proposent
un but immédiatement p r a t i q u e ; mais tous r e l è v e n t de l a méthode condillacienne e t témoigent
de l a v i t a l i t é de ce genre de recherche à l'époque. I l apparaît deux centres principaux
d ' i n t é r ê t : préoccupation, sinon d'une langue u n i v e r s e l l e , t o u t au moins d'un système universel
de signes; é l a b o r a t i o n d'une grammaire générale a p p l i c a b l e aux diverses langues, spécialement
en vue de l'enseignement dans l e s écoles c o n t r a l e s . (RALF, 1970,2:34)
Les Idéologues ont beaucoup parlé du langage; la section est chargée, mais,
les travaux recensés sont "d'ambition et de valeur inégales". Tiens, tiens...
Il est vrai que Loneau et Maudru voisinent avec De Gérando et Si card, Le
Breton avec Volney, Gaultier- 'injustement éclipsé' - avec Cambry,
sous-préfet, voyageur, à qui Chateaubriand empruntera une page célèbre sur
le printemps en Bretagne, et d'autres encore. Certes, la bibliographie est
indicative et ne préjuge pas de la valeur des ouvrages recensés, mais Marc
Régaldo étant un bon connaisseur du mouvement des idées sous la Révolution,
je crois que ses remarques ne sont pas indifférentes eu égard à notre propos.
Il est vrai que Destutt vécut son oeuvre comme une rupture. Je cite à partir
de l'article de Sonia Branca: "Le moment où les hommes réunissent enfin
un grand fonds de connaissances acquises, une excellente méthode et une
liberté entière est donc le commencement d'une ère absolutement nouvelle
dans leur histoire. Cette ère est vraiment l'ère française". Qu'en est-
il eu régard à la Grammaire de Beauzée qui domine véritablement la fin du
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Après Locke, Condilla est l e philosophe qui a porté plus de j o u r sur l a génération de
nos idées. Cependant i l me semble que cet é c r i v a i n n'a guère f a i t que reproduire l e s idées
du philosophe anglais sous une expression plus r a p i d e , plus sentencieuse mais souvent
plus inexacte e t plus obscure. Que veulent d i r e par exemple ces termes si souvent répétés
par lui, que toutes les opérations de l ' e s p r i t ne sont que l a sensation transformée? que
l a facul té de s e n t i r enveloppe toutes l e s autres facul tés de l ' e s p r i t humain?
(Degérando 1802:78
sage l'origine des idées qu'au niveau de l'individu déjà pleinement doté
des facultés intellectuelles de l'espèce humaine.
Rien d'étonnant alors que Garat, professant depuis 1794 à l'Ecole Normale
un cours qui attribuait à l'origine des idées et du langage la place qui
leur revenait dans la philosophie condillacienne, se vît reprocher des opi
nions matérialistes par Louis-Claude de Saint-Martin. Garat s'en défendit,
tout en maintenant ses positions sensualistes; ce qui lui attira cette remar
que de Saint-Martin, à savoir que les matérialistes "enseignent les sensations
tout comme vous les enseignez, et après qu'ils les ont enseignées ils con
viennent tout uniment qu'ils sont des matérialistes et qu'ils ne sont que ce
la: ils prennent les charges avec les bénéfices, et vous ne voulez que les bé
néfices et point les charges". 8
C'était l'époque où Garat, selon un autre témoin, "se montra encore passable
ment révolutionnaire, mais dans le degré où il fallait l'être alors pour
vivre paisiblement avec les nouveaux pouvoirs". (Hoefer 1857:435).
E n f i n , dans ces d e r n i e r s temps, on a cru apercevoir dans l ' e m p l o i des signes un service bien
plus étonnant rendu à l a r a i s o n ; c ' e s t que l ' e x i s t e n c e des idées elle-mêmes, des premières
- 23 -
En sorte qu'on a jugé l e s signes nécessaires, non seulement pour l a communication des i d é e s ,
non seulement pour combiner des idées acquises e t former de nouvelles i d é e s , mais encore pour
a v o i r l e s premières i d é e s , l e s idées qui s o r t e n t l e plus immédiatement des sensations.
Si une c e r t a i n e i n f l u e n c e des signes sur l a formation des idées est une chose incontestable
e t avouée de t o u t l e monde, i l n'en est pas de même du degré de c e t t e i n f l u e n c e . I c i l e s e s p r i t s
se d i v i s e n t ; e t ce que l e s uns regardent comme des démonstrations évidentes, l e s autres l e
t r a i t e n t de paradoxes absurdes.
1o
E s t - i l bien v r a i que l e s sensations ne puissent se transformer en idées que par l e moyen
des signes? ou ce qui r e v i e n t au même, nos premières idées supposent-elles essentiellement
l e secours des signes?
[ . . . ] i l a d i t en partie ce que les signes sont à notre esprit, mais i l n'a point d i t ce que
notre esprit est aux signes, et comment i l agit sur eux. [ . . . ] Condillac n'en a pas assez d i t
sur les signes, et en a trop d i t cependant; c'est parce que ses observations ont été imparfaites,
que ses déductions se sont trouvées trop étendues. (Degérando 1800, I:XIX, XXIII).
C'est beaucoup moins par des formules polémiques de ce genre que par la
conduite et la teneur même de son ouvrage que Degérando r é t a b l i t un sensua
lisme analogue au modèle de Locke et qui est la base de ses considérations
sur le rôle des signes.
Mais en aucun cas ces formules n'ont pour Degérando la portée qu'elles au
raient eue dans l système de Condii lac, et elles paraissent être en contradic
tion avec les restrictions que Degérando apporte de fait au rôle des signes
tel que l'avait conçu Condillac. Car pour Degérando, le rôle vraiment impor
tant ou même indispensable des signes commence là ou les facultés intellec
tuelles de l'homme ne forment plus les idées directement à partir d'objets
perçus par les sens; et ce rôle devient de plus en plus essentiel à mesure
que les idées sont plus complexes, puisque le mot permet de focaliser les
différentes idées simples qui les composent. (Degérando 1800, II:245 sq.).
Le rôle des mots pour la formation de certaines idées complexes avait été
énoncé en germe par Locke, 11 cependant Degérando lui donne un developpement
qui va non seulement au-delà de Locke mais aussi de Condillac, en proposant
un modèle mathématique pour illustrer divers types de combinaisons d'idées
simples qui forment une idée complexe. (Degérando 1800, I:177 sq.).
Deux années après son ouvrage "Des signes et de l'art de penser" Degérando
fait paraître, en 1802, un mémoire écrit pour le concours de l'Académie
de Berlin portant sur le sujet Démontrer d'une manière incontestable l'origine
de toutes nos connaissances ... Degérando intitule son mémoire "De la généra
tion des connaissances humaines", évitant ainsi la formule origine des con-
naissances, consacrée par le fameux "Essai" de Condillac et que l'annonce
du concours de Berlin n'avait pas manqué de reprendre.
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Plus explicitement encore que dans son ouvrage précédent, Degérando présuppose
maintenant des facultés intellectuelles données a priori et qui sont la
condition de l'expérience sensible aboutissant à la génération des idées.
C'est aussi dans cet ouvrage que Degérando s'élève sur un ton polémique
contre le concept de la sensation transformée, et ceci précisément dans
le passage que nous avons cité tout au début de notre texte. La première
partie de cet ouvrage passe en revue l'histoire des principales doctrines
sur l'origine des idées, tandis que la seconde partie propose "un nouveau
système sur la génération des idées". Cette partie confirme la préférence
donnée à Locke dès les chapitres précédents: "Locke a distingué deux sources
de nos idées: la sensation et la réflexion. Condillac n'en a admis qu'une
seule, la sensation ..." (Degérando 1802:248).
Or sur les treize chapitres que comporte cette partie consacrée par Degérando
à sa propre doctrine, les onze premiers développent la thèse suivant laquelle
toutes les facultés intellectuelles - qui pour Condillac étaient issues
de la sensation elle-même - concourent à la génération des idées. C'est
seulement après avoir traité dans ces chapitres du rôle de la volonté, de
l'attention, de la mémoire, du jugement, du raisonnement dans la formation
des idées que Degérando en vient au douzième chapitre intitulé: Secours
que l'esprit humain retire du langage dans la formation de ses idées
(283-291); le treizième et dernier chapitre traite Des méthodes et de l'usage
qu'on doit faire des principes établi sur la génération des idées. Déjà
l'ordre et les proportions de ces chapitre sur la génération des idées tradui
sent la diminution du rôle accordé au langage pour des domaines où selon
Condillac l'importance des signes linguistiques serait primordiale.
C'est enfin dans la formation des idées complexes du second ordre que les
mots ont une fonction non seulement très utile mais absolument necéssaire;
dans ce domaine uniquement, Degérando finit par approuver l'hypothèse fonda
mentale de Condillac sur le rôle des signes pour la pensée: Cette quatrième
fonction du langage permet de
r é u n i r dans une idée complexe plus de perceptions simples que l ' e s p r i t peut embrasser par un
seul e t même acte [ . . . ] Nous raisonnons souvent sur des objets qui renferment une extrème compli
cation de p r o p r i é t é s et de rapports [ . . . ] Chacun de ses faisceaux est représenté par un mot
simple. On r é u n i t p l u s i e u r s de ces mots comme on a v a i t réuni l e s perceptions p r i m i t i v e s ; on
l e s associe entre eux et on l e s représente par un nouveau mot, on forme a i n s i une combinaison
plus étendue que l e s l i m i t e s de notre i n t u i t i o n [ . . . ] Ainsi l e s idées complexes du second ordre
ne reposent que sur des mots; i l n'en f a u t pas conclure que ce ne sont que des mots, mais seule
ment que l e s signes nous sont nécessaires pour l e s concevoir, e t que l e s signes seuls en repré
sentent pour nous t o u t l'ensemble.
C'est dans c e t t e seule circonstance, c ' e s t seulement dans l e sens que nous venons d ' e x p l i q u e r ,
qu'on peut admettre l a maxime de Condillac que nous ne pensons qu'avec l e s mots.
trompé par l a nouveauté d'une expression qui p a r a î t a v o i r pour lui un charme s e c r e t , renfermant
toutes l e s opérations de l ' e s p r i t sous l e t i t r e commun de sensation transformée, i l c r o i t avoir
rendu aux f a i t s une s i m p l i c i t é q u ' i l n'a placé que dans l e s termes. (Degérando 1804, I:345
sq.)
Mais avec Bacon et surtout Locke, Condillac compte bien sûr parmi les ancêtres
dont peut se réclamer la philosophie de l'expérience. C'est justement au
niveau du rôle des signes pour la génération des connaissances humaines,
qu'il a complété Locke par des découvertes essentielles. L'énumération élo-
gieuse des points démontrant que Condillac est allé au-delà de Locke, est
cependant suivie d'une enumeration, non moins substantielle, des faiblesses
du système condiilacien, consistant autant dans l'exagération du rôle des
sensations que de celui des signes. (Degérando 1804, I:338-348).
Des trois ouvrages que nous venons de passer en revue, il se dégage donc
une position de base analogue, tendant à reconnaître la théorie condillacienne
des signes dans la mesure où cela paraissait compatible avec l'élimination
des conséquences philosophiques du système condillacien qui dépassaient
le sensualisme de Locke. Les restrictions de principe apportées au rôle
des signes tel que l'avait exposé Condillac - restrictions qui n'excluaient
pas la possibilité d'adopter et même de développer l'hypothèse de Condillac
sur des points précis -étaient ainsi liées au rejetdu concept de la sensation
transformée.
- 29 -
Une conclusion assez nette semble se dégager, pour les auteurs que nous
venons de passer en revue, des prises de position à l'égard de la sensation
transformée. Le refus de ce concept traduit, chez Degérando comme chez les
autres Idéologues que nous avons cités, le souci de se débarrasser de ce
que Saint-Martin, dans sa polémique avec Garat, avait eu l'idée d'appeler
les charges que comportait la doctrine condillacienne. Les charges que repré
sentaient les reproches de matérialisme, énoncés par Saint-Martin au milieu
des années 90, n'avaient rien perdu de leur poids au cours des années allant
du Directoire et du Consulat à l'Empire, au contraire.
- 30 -
C'était l'époque qui vit le Concordat de 1801 et, la même année, la parution
d'une brochure intitulée "Anti-Condillac, ou harangue aux idéologues modernes
sur l'âme de l'homme, ses facultés constitutives, l'origine et la certitude
de ses connaissances, son immortalité et ses destinées". (Aubry 1801).
Nous n'avons pas mentionné jusqu'ici Maine de Biran qui avait également
entrepris de rédiger une réponse à l'occasion du concours de l'Institut
National sur le rôle des signes, sans cependant terminer son manuscrit. 17
Or ce texte reflète pour l'essentiel la même position que celle qu'avait
prise Degérando en ce qui concerne le concept de la sensation transformée.
A la sensibilité Maine de Biran oppose l ' activité intellectuelle en tant
que principe qui est distinct des organes corporels.
Cette façon dualiste de poser le problème écarte donc, du même coup, l'hypo
thèse condillacienne expliquant la genèse des facultés intellectuelles de
l'homme par l'interaction et l'évolution de facultés psychiques et communica-
tives d'un ordre commun à l'homme et aux animaux. Et la liberté de disposer
lui-même de l'organe de sa pensé que, selon Condillac, l'homme doit aux
signes qu'il a institués à partir des signes naturels, n'est pas due aux
signes mais à une faculté inhérente à l'homme de par sa nature même:
Et Maine de Biran développe plus longuement l'idée que les signes ne créent
pas de nouvelles facultés. Les signes sont donc très utiles, mais non absolu
ment indispensables à l'exercice des facultés intellectuelles de l'homme.
Plus explicitement encore que chez Degérando et les autres Idéologues dont
nous avons' esquissa les prises de position sur ce sujet, Maine de Biran
se propose donc d'éliminer les conséquences matérialistes de la théorie
condillacienne pour ne conserver lui aussi que les bénéfices, ce qu'il fait
en adaptant la fonction des signes à un système dualiste qui présente plus
d'une analogie avec la solution proposée par Degérando.
Je forme des regrets bien sincères de vous a v o i r connu trop t a r d , mon cher De Gérando et de
n ' a v o i r pas été à portée de p r o f i t e r plus t ô t de vos c o n s e i l s , de vos exemples et de vos sages
leçons. [ . . . ]
J'ai à me reprocher s u r t o u t des vices de langage, vices qui proviennent dans p l u s i e u r s cas
- 34 -
Maine de Biran ne cessera ensuite, dans toute une série d'ouvrages, d'accen
tion, pour aboutir à une doctrine qui faisait de lui, aux yeux de Victor
s u r quelques points.24
Dans son appréciation élogieuse sur Maine de Biran, Victor Cousin esquisse
dualiste chez Locke, e t qui chez C o n d i l l a c avait pris une forme p l u s radicale,
Victor Cousin illustre par là même l'évolution inverse qu'a suivie Maine
n ' e s t plus qu'un fantôme hypothétique, une abstraction, un signe. (Cousin 1834 :XVII).
Nous ne pouvons terminer notre exposé sans indiquer, de façon très sommaire,
un facteur qui a conditionné l'opinion selon laquelle l'explication sensualis
te des facultés intellectuelles aurait réduit l'homme à un être passif,
déterminé par des éléments externes agissant sur les sens et auxquels apparte
naient également les signes. '.est cette opinion qui sous-tend, chez Degérando
et d'autres Idéologues, le refus du concept de la sensation transformée
et de ses implications pour le rôle des signes. Nous avons vu la portée
de cette opinion, devenue plutôt un jugement, dans la doctrine de Maine
de Biran et de Victor Cousin.
Cette lettre, dont l'importance pour notre propos justifie d'en citer les
passages essentiels, a été adressée en 1779 au Comte de Potocki qui avait
demandé à Condillac de rédiger la "Logique" en vue de son utilisation dans
l'enseignement en Pologne.
Comment l'âme ne s e r o i t - pas a c t i v e dans un système ou toutes nos idées sont notre ouvrage?
C'est contre l e système des idées innées que c e t t e d i f f i c u l t é se f e r o i t avec fondement; car
dans ce système toutes nos idées sont passives, puisque nous n'en avons f a i t aucune; e t comme
nous n'avons pas contribué à l e s f a i r e , nous n'avons pas à l e s examiner: i l ne nous reste
donc qu'à obéir passivement à l e u r i m p u l s i o n . Mais si l ' o n pense avec moi que toutes nos idées
sont notre ouvrage e t que l e développement de nos f a c u l t é s est notre ouvrage encore, on
reconnoitra que nous pouvons examiner si ce que nous avons f a i t est bien f a i t , e t que nous
avons l e pouvoir de l e r e f a i r e e t de l e c o r r i g e r . Or comment supposer que l e s f a c u l t é s sont
passives dans un système qui suppose nécessairement de l ' a c t i o n ? . . . (Condillac 1779:553).
Bonjour, cher monsieur, comment vous portez-vous? Etes vous toujours sensualiste, immoral
et athée?
- Comment?
- O u i , vous n'admettez pas que l a raison s o i t une f a c u l t é d i s t i n c t e ; vous attaquez l e s idées
innées; vous d i t e s qu'une science p a r f a i t e n ' e s t qu'une langue bien f a i t e . Vous renouvelez
C o n d i l l a c ; donc vous ne pouvez c r o i r e ni à l a v é r i t é , ni à l a j u s t i c e , ni à Dieu. [ . . . ] Oh,
j e sais ce que vous a l l e z d i r e ; vous séparez l ' a t t e n t i o n de l a sensation, vous r e s t i t u e z quelque
degré d ' a c t i v i t é à l'âme. P a l l i a t i f i n u t i l e . Au f o n d , vous êtes du d i x - h u i t i è m e s i è c l e ; v o t r e
philosophie d é t r u i t l a d i g n i t é de l'homme; vous êtes r é d u i t au matérialisme ou au scepticisme
. . . (Taine 1868:2).
Le jugement de l'éclectisme sur les Idéologues n'est pas moins sévère que
celui qu'avaient porté les chefs s p i r i t u e l s de la Restauration sur le sensua
lisme et en p a r t i c u l i e r sur Condillac; celui-ci était pour de Maistre et
- 38 -
Notes
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Illuminisme et Idéologie. Le débat Garat/Saint-Martin aux Ecoles Normales
Nicole Jacques-Chaquin (Fontenay-aux-Roses)
Dans ce débat, dont l'enjeu n'est pas sans rappeler celui des commentaires
par François Thurot de l'Hermès de Harris, affleurent un grand nombre des
obsessions de la linguistique de cette fin du XVIIIe siècle. Mais c'est
- 46 -
à la notion même de science, quí veut une réflexion plus théorique. Garat
lui semble avoir insuffisamment examiné le problème du passage du sensible
à l'intelligible, ou, pour reprendre encore la terminologie de Harris, dont
Saint-Martin est souvent proche, du percevable au concevable. Lorsque Garat
tente de démontrer que toutes les idées qu'on peut se former du s o l e i l pro
viennent des sensations de lumière et de chaleur, Saint-Martin lui fait
remarquer que l'apparition des concepts ne peut s'expliquer par l'effet
des simples combinaisons d'apparences sensibles, ou, pour u t i l i s e r sa termino
logie, de simples agrégats. La mise en rapport, le jugement, impliquent
une a c t i v i t é de l ' e s p r i t alors que la philosophie empiriste, voire prépositiviste,
de Garat, ne f a i t de ce dernier qu'un miroir passif. Il se
place a i n s i , sans le savoir, dans la lignée c r i t i q u e d'un Tetens défendant
la place d'une "imagination théorique", véritable "faculté créatrice dépassant
la simple combinatoi re des impressions ou des signes" 7 . Lorsqu'enfin Garat
assimile, avec une belle assurance, la sensation, la pensée et le langage,
et affirme que "bien s e n t i r , bien se servir de ses f a c u l t é s , bien former
ses idées, bien parler, sous des points de vue et sous des termes divers,
ne sont qu'une seule et même chose", i l s ' a t t i r e de la part de son adversaire
une réplique ironique (Saint-Martin constatera avoir mis "les rieurs de
[son] c ô t é " ) , qui dénonce f o r t justement l'abus de langage et le terrorisme
du discours magistral: "vous êtes tellement plein de votre système que
ce ne sera pas votre faute si tous les mots de nos langues, si tout notre
dictionnaire enfin ne se réduit pas un jour au mot sentir". I l fera de même
apparattre l'imprécision des termes dans l'exposé du rapport des signes
et des idées: tantôt source, tantôt instrument des idées, "toutes les langues
et tous les signes" deviennent enfin dans le discours de Garat "les représen
tations de nos idées". Enfin comment affirmer en même temps, remarque le
Philosophe Inconnu, que la sensation et la pensée sont une seule et même
chose, et que, si l'on est certain que la matière sent, on ne peut affirmer
q u ' e l l e pense... Les m a t é r i a l i s t e s , note-t-il ironiquement, retournant contre
le professeur les démonstrations mêmes du cours, sont plus "conséquents
que vous", dans la mesure où " i l s se tiennent": "car ils enseignent les
sensations tout comme vous les enseignez, et après q u ' i l s les ont enseignées,
ils conviennent tout uniment q u ' i l s sont des matérialtistes, et qu'ils ne
sont que cela: i l s prennent les charges avec les bénéfices; et vous, vous
ne voulez que les bénéfices et point les charges". Leçon de rigueur philoso
phique qui n'exclut pas d ' a i l l e u r s , naturellement, du côté de notre théosophe
lui-même, quelques glissements théoriques.
- 48 -
essentiel des signes" (C. p. 159). L'homme ne peut même recevoir "aucune
sensation, aucune idée que par des signes. Il sera dans une espèce de commerce
de signes qui sera proportionné à l'état et aux circonstances où [il] se
trouvera" (R.G. p. 156). C'est cet espace culturel constitué par les signes
qui fonde véritablement l'homme, et c'est, rappellera Saint-Martin à son
adversaire, parce que la matière est sans culture qu'elle n'a pas la pensée.
Pensée et langage sont les sujets de la culture.
Saint-Martin est ainsi d'accord avec Garat pour relever l'existence de trois
sortes de langages: le langage des choses inanimées, ou indice immanent
de leurs propriétés, le langage matériel ou langage d'action, et enfin la
parole. Mais, pour lui, cette dernière ne peut en aucun cas apparaître comme
une élaboration progressive du langage en action. Et c'est autour de la
discussion de la fameuse affirmation de Rousseau, la parole a été nécessaire
à l'établissement de la parole, que les deux adversaires sont amenés à
préciser leurs positions. Pour Garat, cette parole préalable, c'est, à la
rigueur, le langage d'action lequel, dans un processus de développement,
a fini par donner lieu à des conventions. Pour Saint-Martin, au contraire,
le langage, comme la pensée, se développe à partir des germes. A l'origine,
l'homme possédait une "langue naturelle constitutive", laquelle a disparu
lors de la chute, mais en laissant en l'homme ses racines. On verra que,
si l'on fait abstraction de la formulation mythique de la théorie, on n'est
pas si loin de certaines conceptions de la linguistique moderne.
monde des signes. Dans ce monde idéal de la Nature primordiale13 avec laquelle
l'homme était en harmonie, le langage était l'expression immédiate et exacte
de l'être. En revanche, dans notre monde actuel, si la matière et l'animal
ont conservé des signes exacts, l'homme et sa parole sont voués à l'approxima
tion, au morcellement 14 : "l'expression sensible a été totalement altérée
parce que l'homme ne voyant plus les choses dans leur nature leur a donné
des noms qui venaient de lui" {E.V., t II, p. 169). Il y a donc là une manque
qui constitue pour notre auteur une nouvelle preuve de l'existence antérieure
d'une langue parfaite: "il devrait exister pour lui une double espèce de
signes naturels, et ses langues d'institution ne comblent pas le défiait".
Elles tentent néanmoins de "suppléer aux véritables signes naturels qu'il
devrait avoir à lui" (R.G. p. 157. C'est moi qui souligne).
NOTES
I.
Naville a sans doute raison lorsqu'il pense que la note sur l'influence
des signes de Marie-François-Pierre Gonthier de Biran (1766-1824), qui
prend le nom de Maine de Biran vers 1787, ne représente pas un t r a i t é s t r i c
tement composé, et qu'il s'agit d'une esquisse qui est conservée en deux
versions appelées manuscrit de Genève et manuscrit de la bibliothèque de
l ' I n s t i t u t . Mais quand est dit que ces manuscrits ne méritent pas d'être
publiés, il faut contredire énergiquement cette opinion parce qu'ils contien
nent bon nombre de maximes fécondes et originales concernant la sémiotique
et la philosophie du langage. Elles étaient nouvelles au moment de leur
conception, il y a presque deux cents ans, et sont de nature à faire progres
ser encore la discussion en sémiotique et philosophie du langage.
II.
Gerhard Funke mentionne que, dans le salon d'Auteuil fréquenté par Maine
de Biran, régnait l'esprit de l'école de Condillac. Néanmoins, Maine de
Biran effectua, sous l'impulsion de Destutt et Laromiguière, une transition
progressive du passivisme de l'école sensualiste vers la philosophie de
l'effort, c'est-à-dire vers l'observation de la tension, de la contension,
de l'attention, ou précisément de l'activité et de la spontanéité de la
volonté (cf. Funke 1977: XVII s.).
III.
I l s u i t de l à que plus l e signe est indéterminé, plus i l est signe, car i l a plus de capacité
r e p r é s e n t a t i v e . I l est propre à exprimer un plus grand nombre de choses d i f f é r e n t e s entre e l l e s
( i b i d . : 241).
A notre sens, cette question surprenante ne signifie pas que Maine de Biran
transforme une faiblesse définitoire en avantage sémiotique, mais qu'il
ouvre un nouveau chapitre de la sémiotique en proclamant l'indétermination
du signe. Nous accordons une si grande importance à l'indétermination du
signe parce que ce principe implique 1'éloignement aussi radical que possible
du paradigme dominant de Locke tel qu'il est formulé dans words are signs
of ideas, formule basée sur la stabilité de la signification du signe et
sur la possibilité de sa définition. Dans la sémiotique de John Locke, le
signe remplit au mieux une fonction de service pour des tâches quasiment
mnemotechniques qu'il peut exercer parce que la théorie des signes de John
Locke repose sur la supposition d'une constance de la signification, tandis
que Maine de Biran se voit confronté au problème épineux de devoir concevoir
une sémiotique tout à fait nouvelle du signe historique, dynamique, socio-com-
municatif. Sous cet angle, on peut penser qu'il est logique quand il demande:
Maine de Biran affirme non seulement que les concepts dépendent des signes,
mais il conçoit aussi que les vraies perceptions sont médiatisées par les
signes. Il ne s'agit plus de différences mineures avec les idées de Locke
et Condillac, mais bel et bien d'un changement de perspective concernant
la question fondamentale de la sémiotique par excellence, la question de
la constitution des signes et des significations. Dans la mesure où la suppo
sition que les perceptions, les expériences et a fortiori les concepts se
raient donnés à l'homme en tant qu'homme, ou innés, dans la mesure où cette
supposition ne serait plus valable et dans la mesure où une alliance étroite
dans le sens de Condillac entre signe et concept doit être établie, Maine
de Biran se trouve devant la nécessité de dire comment il s'imagine la percep
tion primaire et la formation des concepts.
Distinguons deux langages; l ' u n exprime nos sentiments; i l nous f u t montré par l a n a t u r e ; l ' a u
t r e , enfant de l ' a r t , exprime les idées que l a société f i t n a î t r e ( i b i d . : 241 s . ) .
Maine de Biran n'explique pas dans son traité sur l'influence des signes
comment on pourrait imaginer un homme qui vivrait avant l'établissement
de sociétés. Par contre, il donne une indication précieuse en introduisant
le terme condillacien langage d'action:
Cette v a r i é t é prodigieuse de signes naturels e t déterminés formera l e langage que nous nommerons
langage d'action. Ce que nous appelons i c i langage n'en est p o i n t un à proprement p a r l e r . Ces
signes des sentiments qui a f f e c t e n t l'homme naturel sont i n v o l o n t a i r e s ; i l s sont un résultat
nécessaire de son organisation ( i b i d . ) .
Ce qui pourrait paraître dans le passage cité encore comme un effet quasiment
automatique du développement biologique présuppose une série de circonstances
et d'efforts nécessaires de l'homme dans son développement que Maine de
Biran discute largement. En premier lieu, il croit nécessaire d'indiquer
que le développement se déroule en dépendance des circonstances dans lesquel-
- 65 -
C'est une question agitée maintenant que de savoir si l ' e s p r i t humain a reçu ses f a c u l t é s ,
sa d i r e c t i o n que nous découvrons, de l a n a t u r e , de l a forme du langage, ou si au c o n t r a i r e
l e s langues n ' o n t pas reçu l e u r forme de l a nature o r i g i n e l l e de l'entendement humain ( i b i d . :
278).
La faculté supérieure dont il est question ici et que Maine de Biran qualifie,
comme nous l'avons déjà indiqué de 'force hyperorganique', nous désirons
la déterminer sémiotiquement comme 'facultas signatrix'. Ce terme exprime
que l'homme est potentiellement en mesure de disposer de signes, mais qu'il
ne les obtient que s'il se donne la peine de les constituer. Dans l'esprit
de Maine de Biran, ce processus de la constitution des signes n'est pas
un produit complémentaire d'une autre activité humaine, ni un phénomène
exceptionnel. Maine de Biran considère que la sémiotisation est la seule pos
sibilité de médiation entre le moi et l'environnement, entre l'action et ses
limitations. Cette haute estime dans laquelle il tient la production des
signes ne le conduit cependant pas à tirer de ce principe de conception
- 67 -
forcément active une conclusion selon laquelle l'homme agit et donc existe.
Sa formule "j'agis, donc je suis" doit plutôt être interprété comme "je
suis, si je suis une force active" (cf. Funke 1977: XXXVIII), de t e l l e sorte
que la constitution du signe apparaît simultanément comme la constitution
de l ' i d e n t i t é du moi. Compte tenu de ce raisonnement, on comprend pourquoi
Maine de Biran transforme la question "qui suis-je" en la question de la
s i g n i f i c a t i o n du "moi":
Les idées e n t r e n t dans notre e s p r i t par tous l e s sens, e l l e s sont pour nous l e s signes n a t u r e l s
des objets e x i s t a n t s ou l e s représentations de ces o b j e t s , non tels q u ' i l s sont en eux-mêmes,
mais t e l s q u ' i l s nous ont f r a p p é s , selon l ' o r d r e , l e s l i e u x oli i l s é t a i e n t e t l e s circonstances,
- 68 -
l a s i t u a t i o n où nous étions nous-mêmes quand nous en avons reçu l ' i m p r e s s i o n (ibid.: 295).
Sans l e s signes, l ' e s p r i t opère, sans s a v o i r , sans s e n t i r q u ' i l opère; i l ne se sépare pas
de ses opérations. Quand i l décompose au c o n t r a i r e sa pensée à l ' a i d e des signes d ' i n s t i t u t i o n ,
i l a conscience de ce q u ' i l f a i t . Les signes sont donc à l'entendement ce que l e t a c t est au
sentiment; i l l e f a i t s o r t i r hors de lui et lui f a i t connaître un s u j e t e x t é r i e u r auquel i l
s'applique ( i b i d . : 305).
Tout ce qui s e r t à l a décomposition d'une pensée est signe des éléments de c e t t e pensée. La
c o l l e c t i o n ou l e système d'une s é r i e de ces signes, considérés selon l e rapport déterminé q u ' i l s
ont l e s uns avec l e s a u t r e s , ou l ' o r d r e successif de l a t r a n s i t i o n de l ' u n à l ' a u t r e , forme
une langue ( i b i d . : 301).
La marche de l ' e s p r i t est toujours l a même, q u ' i l n'y en a qu'une, à savoir c e l l e qui consiste
à procéder du connu à l ' i n c o n n u par une s u i t e de p r o p o s i t i o n s i d e n t i q u e s ; q u ' a i n s i l e génie
ne crée r i e n , n'invente r i e n : i l commence par se t r a î n e r jusqu'à ce q u ' i l marche plus rapidement
conduit par l ' a n a l o g i e des signes, qui ne sauraient l e tromper s ' i l a appris à l e s bien f a i r e
( i b i d . : 304).
Charles S. Peirce, qui est parvenu dans ses recherches sémiotiques à des
résultats similaires à ceux de Saussure, considère l'ensemble du mouvement
analytique dénommé Semiosis qui mène lors d'un processus continu d'interpréta
tion des signes à des signes nouveaux, comme un modèle d'explication. Celui-
ci est adapté à l'explication du déjà connu, à la déduction de 1'encore
inconnu et en même temps à la précision du connu. Selon nous, on peut sans
difficulté insérer les réflexions de Saussure et de Peirce dans l'esquisse
que Maine de Biran a fait du problème.
La question posée dans le titre de son propos sur l'influence des signes
peut donc être résolue en disant que l'homme, par la constitution active
de ses signes, se libère de la soumission aveugle au monde et, par les signes,
il obtient le moyen adéquat d'ordonner le monde selon sa volonté.
- 72 -
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La c r i t i q u e de l ' a r b i t r a i r e du signe chez Condillac et Humboldt
Jürgen Trabant (Berlin)
1.1. Pendant son séjour à Paris (qui a duré quatre ans, de 1797 à 1801),
Humboldt fréquentait tous les écrivains qui avaient quelque chose à dire
dans les cercles intellectuels de la capitale française. Ses interlocuteurs
préférés parmi les Idéologues étaient Sieyès et Destutt de Tracy. Mais il les
connaissait tous: Garat, Ginguené, Laromiguière, le veuve Condorcet, Cabanis,
Roederer, Madame Helvétius, Jacquemont, Degérando. Humboldt fréquentait régu
lièrement les séances de l'Institut National. A la célèbre "rencontre métaphy
sique" du 27 mai 1798 ont participé Jacquemont, Cabanis, Destutt, Laromiguiè
re, Le Breton, Sieyès 1 . Dans son journal parisien, on trouve le compte-rendu
de sa lecture de Condillac, dont il avait lu les six premiers volumes de
l'édition des oeuvres de 1798 2 .
lo ll saute aux yeux que les deux auteurs présentent tous les deux une
sévère critique du terme et du concept de l'arbitraire du signe en matière
de langage: Condillac qui employait dans l'Essai les termes traditionnels
de "signe d'institution" et de "signe arbitraire", critique dans ses oeuvres
postérieures le terme d'"arbitraire" et le remplace par le terme "artificiel".
De même Humboldt, qui lui aussi employait encore le terme "signe" pour dési
gner le mot dans un fragment "Über Denken und Sprechen" de 1795/96 5 , précise
d'abord que le mot n'est pas un signe arbitraire (à partir de 1802, donc
après son séjour parisien) et nie dès la première esquisse de sa théorie
linguistique proprement dite (qui date de 1806) que le mot soit un signe.
2.1. Dans ces notes ainsi que dans ses lettres de Paris, Humboldt revient
à plusieurs reprises sur la divergence fondamentale: Il critique "l'incapacité
de comprendre quelque chose comme a priori" (XIV:445) dans Condillac et
chez les Idéologues avec qui il discutait. C'est donc la critique kantienne
de l'empirisme - avec lequel Kant partage bien sûr la critique des idées
innées du rationalisme - que Humboldt oppose à Condillac. Les célèbres phrases
de l'introduction de la Critique de la raison pure montrent ce qui est en
jeu:
I l n ' e s t pas douteux que toutes nos connaissances ne commencent avec l ' e x p é r i e n c e , car par
quoi notre faculté de connaître s e r a i t - e l l e é v e i l l é e e t appelée à s ' e x e r c e r , si e l l e ne l ' é t a i t
p o i n t par des objets qui frappent nos sens e t q u i , d'un c ô t é , produisent par eux-mêmes des
r e p r é s e n t a t i o n s , e t de l ' a u t r e , mettent en mouvement notre a c t i v i t é i n t e l l e c t u e l l e e t l ' e x c i t e n t
à l e s comparer, à l e s u n i r ou à l e s séparer e t à mettre a i n s i en oeuvre l a matière brute des
impressions sensibles pour en former cette connaissance des o b j e t s [que T o n appelle expérien
ce] 6 ? A i n s i , dans l e temps, aucune connaisance ne précède en nous l ' e x p é r i e n c e , e t toutes commen
cent avec e l l e . Mais si toute notre connaissance commence avec l ' e x p é r i e n c e , i l n'en r é s u l t e
pas q u ' e l l e d é r i v e toute de l ' e x p é r i e n c e (Kant 1976:57).
J'entends donc par synthèse, dans l e sens l e plus général de ce mot, l ' a c t e qui consiste à
a j o u t e r diverses représentations l e s unes aux autres et à en réunir la diversité en une connais
sance [ . . . ] Nos représentations doivent ê t r e données antérieurement à l ' a n a l y s e qu'on en peut
f a i r e , e t aucun concept ne peut se former analytiquement quant à son contenu. Sans doute l a
synthèse d'une d i v e r s i t é ( q u ' e l l e s o i t donnée empiriquement ou a p r i o r i ) p r o d u i t d'abord une
connaissance qui peut ê t r e au début grossière e t confuse, e t qui par conséquent a besoin d'ana
l y s e : mais e l l e n'en est pas moins proprement l ' a c t e qui rassemble l e s éléments de manière
à en c o n s t i t u e r des connaissances e t qui l e s r é u n i t pour en former un c e r t a i n contenu. E l l e
est donc l a première chose sur l a q u e l l e nous devions p o r t e r notre a t t e n t i o n , lorsque nous
voulons juger de l ' o r i g i n e de notre connaissance. La synthèse en général, comme nous l e verrons
- 77 -
lus tard, est le simple effet de l'imagination, c'est-à-dire d'une fonction de l'âme, aveugle
lis indispensable, sans laquelle nous n'aurions aucune espèce de connaissance, mais dont
)us n'avons que très rarement conscience (Kant 1976:135).
'est dans ce sens-là qu'on peut dire que Humboldt est un "sensualiste",
lais la différence est évidente: Les "sens" auquel s pense Humboldt ne sont
as les sens classiques, dont Condillac affuble sa statue, qui sont les
ens dirigés vers les objets (des sens "sémantiques"), mais "les sens"
le Humboldt sont les organes sexuels, dirigés vers l'autre (des sens "pragma-
iques"). Quand il parle en 1795 - donc bien avant sa lecture de Condillac -
e la pensée comme la "dernière et plus fine pousse de la sensualité", formu-
e qui semble directement inspirée de Condillac et de la sensation transfor
e condillacienne, Humboldt se base sur un modèle complètement différent de
a "génération" des idées, car: "même la pensée, cette dernière et plus fine
lousse de la sensualité ne renie pas cette [i.e. sexuelle] oriqine" (I:316) 11 .
Sur les pas de Herder, non comme négation, mais comme complément à la pensée
kantienne, Humboldt introduira cette conception de l ' h i s t o i r e dans la philo
sophie théorique (sans pour autant l'historiser totalement comme le fera
Hegel) à travers l'introduction du langage dans le système kantien: La
génération synthétique de la "pensée" n'est pas accomplie avec la production
du mot par le sujet s o l i t a i r e ; e l l e compte dès le départ sur une synthèse
ultérieure, le "mariage" du moi et du non-moi (alter ego): La synthèse
ne devient objective qui si elle devient inter-subjective, si "celui qui
crée des représentations voit la pensée vraiment en dehors de lui-même,
ce qui n'est possible que dans un autre être qui - comme l u i - crée des
représentations et pense" (VI :26). Déjà dans ses essais esthétiques, dont
la plus importante partie date justement de son séjour parisien, Humboldt
avait l i é le processus de la production a r t i s t i q u e au processus de la récep
tion de l'oeuvre d'art: "Enflammer l'imagination par l'imagination, voilà
le mystère de l ' a r t i s t e " (11:127). Pour le langage, le processus de la
compréhension - des termes musicaux, t e l s que "con-cert", "accord" convien-
- 80 -
Chez C o n d i l l a c , l e s signes assumeront une f o n c t i o n épistémologi que qui n ' e s t plus longtemps
neutre à l ' é g a r d des idées: les signes c o n t r i b u e n t à l a formation des idées. De l a f o n c t i o n
d'expression l e s signes accèdent à l a f o n c t i o n d ' a r t i c u l a t i o n (Swiggers 1982:227).
Il ne peut y avoir aucun doute que les signes linguistiques ont chez Condillac
une fonction articulatoire dans ce sens-là. Mais Condillac est encore loin
- 81 -
Cependant [ c ' e s t - à - d i r e : bien que " l e système des langues s o i t , pour l e f o n d , ( . . . ) l e même
p a r t o u t " ] l e s langues sont d i f f é ŕ e n t e s , s o i t parce q u ' e l l e s n'emploient pas l e s mêmes mots pour
rendre l e s mêmes idées, s o i t parce q u ' e l l e s se servent de signes d i f f é r e n t s pour marquer l e s
mêmes rapports. En f r a n ç a i s , par exemple, on d i t 'le livre de Pierre; en l a t i n , l i b e r P e t r i .
Vous voyez que l e s Romains exprimaient, par un changement dans l a terminaison, l e même rapport
que nous exprimons par un mot destiné à c e t usage (Grameaire:376).
L'autre exemple que donne Condillac pour illustrer les différences de "mé
thode" des langues n'est pas moins révélateur: il oppose le système des
chiffres arabes au système des chiffres romains. C'est-à-dire, la diversité
des langues est, comme dans la tradition, premièrement une diversité superfi
cielle, matérielle, la diversité des signifiants. Le deuxième moment de
- 82 -
. . . et c ' e s t pourquoi on peut a f f i r m e r à raison que, même en ce qui concerne les objets s e n s i
b l e s , l e s mots des d i f f é r e n t e s langues ne sont pas de v é r i t a b l e s synonymes e t qu'en d i s a n t
hippos, equus et Pferd on ne d i t nullement e t entièrement l a même chose. Dans l e cas d ' o b j e t s
non s e n s i b l e s , ceci est d ' a u t a n t plus l e cas ( I I I : 1 7 0 ) .
jusqu'à affirmer
que les langues sont l'ouvrage de l a n a t u r e ; q u ' e l l e s se sont formées, pour a i n s i d i r e , sans
nous; e t qu'en y t r a v a i l l a n t , nous n'avons f a i t q u ' o b é i r s e r v i l m e n t à notre manière de v o i r
- 85 -
Je vois l ' o r d r e dans l ' u n i v e r s : j ' o b s e r v e s u r t o u t cet ordre dans l e s p a r t i e s que j e connais
l e mieux. Si j ' a i de l ' i n t e l l i g e n c e moi-même, j e ne l ' a i acquise q u ' a u t a n t que l e s idées, dans
mon e s p r i t , sont conformes à l ' o r d r e des choses hors de moi (Logique:357 sq).
Dans cet espace de l'arbitraire est localisé le préjugé ainsi que, comme
revers de la même médaille, une certaine "liberté" de l'homme qui se mani
feste - sur le niveau des communautés historiques - dans les différences
entre les langues ainsi que - sur le niveau des indivus - dans un emploi
individuel de la langue. Mais le but de toute connaissance et de toute acti
vité linguistique est la réduction de cet espace de l'arbitraire, de cette
déviation de l'ordre de la nature et un rapprochement toujours plus grand
à cet ordre. Le paramètre de la perfection du langage est donc le degré
de l'adaequatio signi ad ordinem naturalem.
- 86 -
l'homme -sont attribuées à des positions précises dans ce jeu kantien des
sens et de l'entendement à l ' i n t é r i e u r de la s u b j e c t i v i t é .
C'est dans ces détails (b,c) que les positions de Condillac et de Humboldt
se rapprochent le plus. La différence est pourtant nette quand on t i e n t
compte de leurs justifications philosophiques opposées: Chez Humboldt,
il ne s ' a g i t jamais d'une détermination passive par la "nature", mais c'est
le sujet qui s'ouvre aux choses q u ' i l transforme activement en "images".
Le son dans l e mot [ . . . ] n ' e s t par contre r i e n sans rapport au concept p u i s q u ' i l est e x c l u s i v e
ment destiné à évoquer c e l u i - c i . L'union du sensible e t du non-sensible e s t par conséquent
- 89 -
Le mot s o r t totalement de l a classe des signes pour la raison que [dans l e s signes] le désigné
e x i s t e indépendamment des signes, tandis que [dans l e mot] l e concept n ' e s t perfectionné que
par l e mot e t que l e s deux ne peuvent pas ê t r e séparés l ' u n de l ' a u t r e (V:428).
L'image en tant que vue déterminée d'une chose déterminée ne s'élève pas
encore à l'abstraction requise par l'activité de penser, elle appartient
encore à un niveau "inférieur" et surtout "réceptif" de la pensée. Dans
le signe, par contre, le contenu est le résultat de l'activité de penser,
un savoir déterminé, le déjà-pensé; le dynamisme de l'activité est déjà
venu à son terme. Dans l'infériorité de la langue par rapport aux concepts
logiques qui se manifeste dans l'"indétermination" des significations et
qui a toujours été conçue comme une infériorité criticable (jusqu'à Wittgen
stein), Humboldt découvre la fonction transcendentale de la langue qui
consiste à mettre en marche la pensée, c'est-à-dire dans l'expression kan
tienne: il découvre la langue comme condition de la possibilité de penser.
Humboldt est sans doute, comme tout écrivain qui ne ferme pas les yeux,
un "héritier" de traditions diverses. Mais comme tout écrivain qui a contri
bué quelque chose d'important à nos connaissances, c'est un héritier qui
transforme ces traditions (pourquoi nier cette évaluation à Humboldt quand
on l'affirme avec aplomb pour Condillac? qu'est-ce qu'on gagne? à quel
jeu joue-t-on? on continue le vieux jeux des compétitions "nationales"
que l'on prétend critiquer). Il est vrai que, dans l'évaluation de la contri
bution d'un auteur - et en cela Aarsleff a complètement raison - il ne
faut pas attribuer des "découvertes" a celui-ci où il n'y a que(tranformaronde1')
héritage, et - de nouveau Aarsleff a raison - il ne faut
pas exagérer le poids d'une seule tradition où il y en a plusieurs. Seule
ment, vouloir attribuer un héritage à quelqu'un qui l'a explicitement décliné
revient à dire que le prétendu héritier n'était pas maître de lui-même
et de ses décisions. Les documents sur la vie de Humboldt contredisent
cette hypothèse et son oeuvre donne plutôt lieu à croire à l'hypothèse
qu'implique le passage humboldtien suivant:
Notes
4. La présence de Kant dans l a pensée humboldtienne est manifeste sur presque toutes l e s
pages des é c r i t s humboltiens, c f . p.ex. Cassirer 1923, Heintel 1975, Scharf 1983, Slagle
1974, Borsche 1981. L ' e r r e u r fondamentale d ' A a r s l e f f consiste en l ' o m i s s i o n t o t a l e de
c e t t e base philosophique de Humboldt.
10. En ce qui concerne l e s analogies entre l ' a r t e t l e langage chez Humboldt, v. Schmitter
1982.
13. Les notions de " s u b j e c t i v i t é " e t de " s o c i a l i t e " chez Humboldt ont été réduites par A a r s l e f f
(1977:225 sq) à l a s u b j e c t i v i t é et l a s o c i a l i t é empiriques, acceptions que l ' o n t r o u v e ,
bien sûr, aussi chez Humboldt. Mais l e p o i n t de départ philosophique est toujours l a
s u b j e c t i v i t é e t l ' i n t e r - s u b j e c t i v i t é ( l e moi e t l e non-moi) transcendentales.
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- 96 -
que même les questions posées dans ces domaines sont presque toujours diffi
cilement acceptables. On peut s'étonner, en outre, des procédés méthodiques
et du type de raisonnement. On est donc confronté à une étrangeté inquié
tante.
nal i s t e ' .
Bien que ces prises de position soient fondées presque exclusivement sur
l'épistemologie empirico-sensualiste et s'insèrent par là encore tout
à f a i t dans "l'épistémè classique" (Foucault), elles préparent une compréhen
sion historique du phénomène langagier. Elles annoncent en quelque sorte
des thèmes qui devraient - en partie marqués d'un signe contraire - caracté
r i s e r le mouvement romantique. Et qui plus est: la réflexion linguistique
dans le cadre du deutsche Bewegung n'est pas concevable sans l'apport,
sans l'appropriation de cette pensée des Lumières. Mais, et c'est important,
on peut q u a l i f i e r ces questions et les réponses données tout au plus de
génétistes, d'évolutionnistes ou de relativistes - elles ne sont pas encore
historiques dans le sens s t r i c t du mot 14 .
II
Quelle est donc l ' a t t i t u d e adoptée par les Idéologues face à cet héritage
théorique et pratique du X V I I I e siècle? Peut-on dire que les Idéologues
aient suivi le chemin indiqué, continué, approfondi et élargi l'orientation
que je viens de caractériser? Je suis obligé de me contenter encore d ' i n d i c a
tions sommaires. Je commencerai par une esquisse rapide des présupposés
épistémologiques des Idéologues, entremêlés cependant dès le début de p r i n c i
pes d'ordre politique et socioculturel.
- 102 -
Donc "la saine théorie [...] ne fait que naître" (ibid.) - conviction qui
a provoqué le célèbre jugement enthousiaste et optimiste formulé, en 1803,
par Destutt dans l'introduction à sa grammaire:
III
J'ai retenu les points du vue suivants dont on identifiera facilement les
rapports avec les présupposés théoriques et les principes décrits plus
haut. Ces points de vue offrent une approximation des conceptions idéologi
ques du langage et des langues ainsi qu'une caractéristique des champs
d'intérêt et de l'intérêt de connaissance des Idéologues dans ce domaine.
- 106 -
6. Pour les Idéologues "la grammaire, c'est bien autre chose que 'l'art
de parler et d ' é c r i r e ' . C'est une science fondamentale, une épistémologie,
qui permet, d i t Destutt, de conduire l ' e s p r i t dans la recherche de la v é r i t é "
(Chervel 1977:72; cf. aussi Hordé 1977:42-44). Il n'est que conséquent
que la forte préoccupation pédagogique des Idéologues ne se l i m i t e pas
aux écoles. Au niveau d'une éducation vraiment nationale, dans les projets
d'anéantir les patois et les dialectes, l ' i d é e de l ' u n i f i c a t i o n linguistique
accuse des aspects obsessionnels 40 : le 'différent' linguistique ne rappelle
- 108 -
. . . ces ' h i s t o i r e s ' sont moins des b i l a n s des recherches passées que des programmes d ' é t u d e s ,
des p r o p o s i t i o n s d'extension du t e r r a i n l i n g u i s t i q u e . Toujours c r i t i q u e s , e l l e s se v e u l e n t ,
conformément à l ' e s p r i t de l ' I d é o l o g i e , p r é l i m i n a i r e s épistérnologiques, exposés des conditions
i n s t i t u t i o n n e l l e s d'un nouveau développement s c i e n t i f i q u e . (Désirat/Hordé 1982:15)
- 109 -
. . . pour les autres mots, tout ce que peut faire l'etimologiste le plus sagace, au risque
même de se tromper souvent, est de retrouver dans leurs syllabes radicales quelques vestiges
de l'impression première produite par l'objet ou le sentiment qu'ils représentent, et de
légères traces de leur forme originelle. (Destutt de Tracy 1970, I; 319)48
La Grammaire philosophique que l ' o n a si mal à propos nommée Grammaire générale, n ' e s t
essentiellement e t ne peut ê t r e au f o n d s , qu'une seule e t même chose avec l a métaphysique
e t l a l o g i q u e : nos auteurs l e s plus estimables ont senti c e t t e v é r i t é ; e t j u s q u ' i c i tous
ont successivement t r a v a i l l é , e t toujours plus directement à l a f a i r e s e n t i r aux a u t r e s :
mais malgré t o u t l e soin q u ' i l s ont mis à s'approcher a i n s i du v é r i t a b l e b u t , i l s ne l ' o n t
cependant pas encore a t t e i n t . C'est donc à quoi l ' o n d o i t s u r - t o u t s ' a p p l i q u e r à l ' a v e n i r .
(Thiébault 1802/1977, II:185)
IV
1. la découverte du sanscrit,
2. l'enthousiasme pour le passé,
3. l'émancipation de l ' i n t é r ê t que l'on porte au langage,
4. la conscience historique, l'historicisme qui se f a i t jour.
Die innere Harmonie dieses Baues, [ . . . ] diese Beziehungen der Ausdrücke auf d i e f e i n s t e n
Abstufungen des Gefühls, diese Andeutungen t i e f e r E i n s i c h t i n den Zusammenhang der Dinge
durch d i e Verwandschaft i h r e r Bezeichnungen, und so manche andre überraschende Schönheit
offenbart s i c h nur dann, wenn man eine Sprache r e i n o b j e k t i v , und, m i t Beiseitesetzung
jedes andren Zwecks, um i h r e r s e l b s t w i l l e n untersucht [ . . . ] Mit der erwachenden Lust
an der Sprache, als Sprache würde auch der s t o l z e Ekel h i n w e g f a l l e n , m i t dem noch so häufig
j e t z t auf Provinzial- und Volkssprache herabgesehen wird . . . (Humboldt 1908:625)
Cette vue pourrait être complétée, d ' a i l l e u r s , par les notions "Sattelzeit"
et "Epochenschwelle" élaborées par Reinhart Koselleck (cf. Koselleck 1972:XV
sqq.).
1. Toutes les langues, même les langues exotiques, ont par principe une
même valeur, une même d i g n i t é ; elles sont toutes des manifestations
historiques, des révélations de l ' e s p r i t humain.
2. Fin d'une dépréciation de la variation interne des langues; l ' i n d i v i d u a
l i t é et la variation sont appréciées comme témoignage de l ' h i s t o r i c i t é
concrète du langage.
3. La forme intérieure est le noyau i r r é d u c t i b l e de chaque langue hi s t o r i -
- 117 -
En guise de c o n c l u s i o n , t r o i s remarques:
Notes
3 Cela veut d i r e que l a nouvelle linguistique n ' e s t pas une creatio ex ni h i l o . E l l e est -
dans un sens qui reste à p r é c i s e r - préparée p a r , et même ancrée dans la réflexion linguis
tique a n t é r i e u r e . Mais, d ' a u t r e p a r t , i l f a u t r e j e t e r l e s i n t e r p r é t a t i o n s s i m p l i s t e s qui
i n s i s t e n t trop sur des c o n t i n u i t é s s u p e r f i c i e l l e s dans l e s idées e t l e s thèmes e t qui
o u b l i e n t toute i n t e r p r é t a t i o n d'ensemble 'en profondeur' ( c f . Oesterrei cher 1981:128 s q . ) .
4 Coseriu 1974:52 note 15. Pour une discussion circonstanciée de c e t t e h i é r a r c h i e des univer-
saux linguistiques dans l e cadre d'une t h é o r i e du langage, c f . Oesterrei cher 1979:224-
256.
7 Pour ces problèmes, c f . e . g . Borst 1961; R o s i e l l o 1967; Arens 1969; C h o u i l l e t 1972; Gusdorf
1973:197-372; Auroux 1973; Monreal-Wickert 1977; Droixhe 1978; Ricken 1978; Gauger/Oester-
reicher/Windisch 1981:15-17 e t 37-44.
sichtigt zu werden braucht. Die Sprachtypologie ist das letzte Bollwerk, das die r a t i o n a l i
stische Grammatik gegen die Historisierung ihres Gegenstandes errichtet hat." (Monreal-
Wickert 1976:206).
10 Cf. e.g. Thomas 1953; Balibar/Laporte 1974; Certeau/Jul i a/Revel 1975; Oesterreicher 1983.
Il n ' e s t pas i n u t i l e de rappeler ici que l ' h i s t o r i c i t é du langage se manifeste non seulement
dans l ' h i s t o i r e des langues et dans la d i v e r s i t é , dans la multiplicité des langues histori
ques, mais également dans la variation interne d'une langue.
12 Ici on devrait, cependant, comparer les études linguistiques dans les différents pays
de l'Europe et leurs orientations et leur i n t é r ê t s spécifiques: c ' e s t encore la préhistoire
de la linguistique (historique et comparative) représentée par les Leibniz, Pallas, Kraus,
Sajnovics, Hervás y Panduro, e t c . ; cf. Rosiello 1967; Droixhe 1978; Gipper/Schmitter 1979:
18-28. Pour des parallèles intéressantes entre Leibniz, Harris et Condillac, cf. Joly 1972:
28-57.
13 Cf. surtout Condillac 1973: Seconde p a r t i e , section première, chap. I, IX, X, XI, XII,
XIII, XV, et Diderot 1875; je suis obligé de renvoyer globalement aux travaux suivants:
Aarsleff 1974, 1975a et 1975b; Auroux 1982b; Christmann 1967, 1971, 1976b, 1977 et 1981;
Coseriu 1972; Droixhe 1978; Foucault 1966; Henschel 1977; Joly 1972; Monreal-Wi ckert 1977;
Proust 1967; Ricken 1977, 1978 et 1982; Rosiello 1967; Trénard 1982.
15 Cf. Acton 1959; Baum 1975; Désirat/Hordé/Auroux 1982; Gipper/Schmitter 1979; Gusdorf 1978;
Hassler 1981; Hordé 1977; Moravia 1968, 1970, 1974a, 1974b et 1976; Régaldo 1974 et 1976.
Le problème de l'appartenance au groupe des Idéologues est discuté dans Désirat/Hordé
1982:10 sq.
16 Cf. Cabanis 1956, 1:112 sq.; Destutt de Tracy 1970, 11:9 sq.; Cf. Baum 1975:69-72; Goetz
1982:141; Hassler 1981:57; Hordé 1977:46 sqq.
17 Le choix du terme 'Idéologie' est expliqué dans Gouhier 1970:11; Head 1980; Désirat/Hordé
1982:7 sq.; pour le glissement de la signification du terme sous Napoléon, cf. Ricken
1977:8-11; Dierse 1978. La célèbre définition de l'Idéologie se trouve dans les Eléments
d'Idéologie I. Préface de l'édition de 1801: "L'Idéologie est une partie de la Zoologie,
- 124 -
le musée des grands noms et des grandes existences." (Starobinski 1979:198). On remarquera
aussi la contradiction fondamentale à l ' i n t é r i e u r d'un raisonnement 'historique' du type
d'un Grégoire qui "dénonçait le 'vandalisme' des révolutionnaires qui s'en prenaient aux
églises anciennes, aux oeuvres d ' a r t , par passion idéologique; il se rendait coupable du mê
me crime lorsqu'il réclamait l' 'anéantissement' des patois et dialectes des diverses régions
du pays, et même lorsqu'il prétendait corriger systématiquement les irrégularités de la lan
gue française. L''adunation' i l l i m i t é e est un vandalisme de la raison." (Gusdorf 1978:188).
25 "De 1794 à 1800, les Idéologues ont sauvé, dans l'ordre i n t e l l e c t u e l , l'honneur de la
République; i l s ont assuré la permanence de la Révolution de 1789. I l s ont donné le premier
exemple d'une politique à la fois nationale et démocratique de la culture. Grâce à eux,
les projets plus ou moins utopiques se sont incarnés en i n s t i t u t i o n s ; et la France d'au
jourd'hui conserve des traces nombreuses et honorables de leurs entreprises, incorporées
au patrimoine de notre pays." (Gusdorf 1978:305).
26 Pour l'ambigUité des objectifs et des procédés, cf. cependant Plongeron 1973:410 sq.
27 Cf. Désirat/Hordé 1982:11 sq.; Gusdorf 1978:315-330. Intéressant Roussel 1972:45 note 91.
29 Cf. Moravia 1970; Roussel 1972:41-50; Régaldo 1974; Furet/Ozouf 1977, I:97-115, Gusdorf
1978:305-314; Starobinski 1979:31-37; Schiieben-Lange 1981:100.
31 "De là on peut comprendre en partie pourquoi les Idéologues sont intervenus dans la prépara
tion du coup d'Etat de Brumaire; la prise du pouvoir par un Bonaparte, c ' e s t pour eux
le moyen de mettre en place un Etat ' f o r t ' , un appareil répressif suffisant pour s t a b i l i s e r
une fois pour toutes les rapports entre individus. Quel rapport entre la s t a b i l i t é imposée
de la société et cette Idéologie dont nous avons décrit quelques aspects? L'équilibre
à atteindre, l'harmonie, qui seule autoriserait un progrès indéfini de la société, passe
par l'échange réglé des idées, autrement d i t par la disparation des écarts dans l'usage
de la langue commune; ce ne peut être a t t e i n t que par les voies scolaires, que par un
réseau rigoureusement hiérarchisé d'institutions publiques." (Horde 1977:64); cf. aussi
Roussel 1972:41 sqq.; Plongeron 1973:410 sq.; Régaldo 1974; Chevalier 1976:182 sq.; surtout
Gusdorf 1978:173-260.
33 Pour le problème de l ' u n i t é de l'école idéologique, cf. Hordé 1977:42; Désirat/Hordé 1982:10
sq.; sur la 'grammaire idéologique', cf. Désirat/Hordé 1982:12 sq.; Chervel 1977:70-83;
Baum 1982.
34 "Die Bezugnahme auf den Einfluss der Sprache auf Denken und Verhalten ermöglichte es den
Ideologen [ . . . ] , immer dann etwas als Folge sprachlicher Besonderheiten zu deklarieren,
wenn der Verzicht auf eine historische und soziale Einordnung nützlich erschien. Gerade
der Zusammenhang zwischen Kommunikationsbedürfnissen, Erkenntniszustand und Sprache, den
Condili betont hatte, wurde damit aufgelöst und durch die sprachliche Determiniertheit
einzelner Denk- und Verhaltensweisen e r s e t z t . " (Hassler 1981:59); cf. aussi Schlieben-
Lange 1981:98.
35 Cf. Baum 1975:74; Chevalier 1976:183; Hordé 1977:52-57; Hassler 1981:58 et 63.
36 Cf. p.ex. Thiébault dans la Grammaire philosophique (fin du chapitre "De l ' h i s t o i r e des
Langues"): " . . . la clarté n'étant d'abord qu'un besoin vivement senti plutôt qu'une perfec-
- 126 -
t i o n acquise, est si bien parvenue, grâce aux progrès de notre syntaxe, à f a i r e aujourd'hui
l e v é r i t a b l e ou p r i n c i p a l caractère de notre langue, que t o u t l e monde adopte e t répete
l e mot de feu Rivarol, que 'ce qui n ' e s t pas c l a i r , n ' e s t pas françois'." (Thiébault 1802/
1977, II:214). Et Cabanis a f f i r m e : "La France est en d r o i t de s ' a t t r i b u e r une grande p a r t
dans l e s progrès de l a r a i s o n , pendant l e d i x - h u i t i è m e s i E c l e . Sa langue, p l u t ô t c l a i r e ,
précise e t élégante, qu'harmonieuse, abondante e t poétique, semble plus propre aux d i s c u s
sions de l a p h i l o s o p h i e , ou à l ' e x p r e s s i o n des sentimens doux e t de l e u r nuances l e s plus
d é l i c a t e s , que capable d ' a g i t e r fortement e t profondément l e s i m a g i n a t i o n s , e t de produire
t o u t à coup sur l e s grandes assemblées, ces impressions v i o l e n t e s dont l e s exemples
n ' é t a i e n t pas rares chez l e s anciens . . . " (Cabanis, c i t . dans Baum 1975:74). Cf. Chevalier
1976:186; Ricken 1978; Schlieben-Lange 1981:111 s q . ; Trabant 1981. Tout cela e s t à contras
t e r avec Condillac 1973, II/l, chap. X I I I , § 126!
37 "Le grand o r i e n t a l i s t e Silvestre de Sacy le dit de façon un peu désabusée: 'Il e s t t r è s rare
que l e s hommes qui consacrent l e u r jeunesse à l ' é t u d e des sciences physiques e t mathémati
ques e t qui voient devant eux une c a r r i è r e immense à p a r c o u r i r , a i e n t l e courage de se
l i v r e r en même temps à l ' é t u d e des langues, ou q u ' i l s a i e n t reçu de l a nature l e s d i s p o s i
t i o n s ou l e goût pour ce genre d'étude [ . . . ] Or on ne devient ni un grand p r a t i c i e n , ni
un Boerhave, un Linné, un B u f f o n , en p â l i s s a n t longtemps sur l e s l i v r e s grecs ou arabes,
pour f o u r n i r des matériaux à l ' h i s t o i r e des s c i e n c e s ' . " (Chevalier 1976:189 s q . ) .
40 Cf. Gazier 1880/1969; Brunot 1927; Calvet 1973; Person 1973; B a l i b a r / L a p o r t e 1974; Certeau/
Julia/Revel 1975; Chevalier 1976:185 s q . ; Schlieben-Lange 1976 e t 1981:117 s q q . ; Trabant
1981. Pour ce 'vandalisme de l a r a i s o n ' , c f . s u r t o u t Gusdorf 1978:175-188. Cf. l ' i n t e r p r é t a
t i o n absurde de cet i n t é r ê t p o l i t i q u e aux d i a l e c t e s e t aux p a t o i s proposée par A a r s l e f f
1977 (pour une c r i t i q u e de ses vues, c f . Oesterrei cher 1981 et 1983).
41 Cf. Baum 1982; Branca 1982b:50; sont intéressantes des c o n t r i b u t i o n s de Sacy, Volney,
Domergue et Thurot ( c f . Coseriu 1970; Busse 1981; Del esali e / D é s i r a t 1982) e t toutes l e s
t e n t a t i v e s d'une d e s c r i p t i o n grammaticale dans une perspective 'fonctionnaiiste'. Pour
l ' o e u v r e grammaticale de C o n d i l l a c , Dumarsais et Beauzée, on consultera p.ex. R o s i e l l o
1967; Chevalier 1968; Auroux 1973; Bartlett 1975; M o n r e a l - W i c k e r t 1977; Ricken 1978.
44 Cf. Ricken 1974:308; j e me demande pourquoi Staum 1982 ne mentionne pas ce concours.
46 Cf. s u r t o u t Thiébault 1802/1977, I:22, 26, 29, 33; II:192, 194 s q . , 202 s q q . , 207, 213
sq. Cf. Baum 1975; Hassler 1981; Schlieben-Lange 1981.
47 "Der Grund d a f ü r , dass Turgot überhaupt Gelegenheit gegeben wurde, den A r t i k e l Etymologie
zu b e a r b e i t e n , i s t i n der Missachtung der etymologischen Forschung bei den zeitgenössischen
Grammatikern zu suchen. Die Etymologie war n i c h t als grammatische D i s z i p l i n anerkannt.
Sie i s t - so Brunot - s e i t Ménage immer mehr i n M i s s k r e d i t g e r a t e n . " (Monreal-Wickert
1977:148). Cf. l e jugement t r è s ambigu de Thiébault 1802/1977, I:158: "L'étymologie fixe
notre a t t e n t i o n e t porte nos recherches sur l ' o r i g i n e , l a t r a n s m i g r a t i o n , e t l a f i l i a t i o n
ou d é r i v a t i o n des mots simples ou composés, e t nationaux ou étrangers. Cette p a r t i e , quoique
savante e t curieuse, a l e malheur de ne nous o f f r i r souvent que des conjectures hazardées
e t peu s a t i s f a i s a n t e s . Cependant e l l e repose sur des p r i n c i p e s philosophiques qu'on ne
peut trop approfondir . . . " .
49 Cf. Destutt de Tracy 1970, II:388 s q q . ; Thiébault 1802/1977, I:170 sq.; II:194-197, 209
sq. Cf. aussi Droixhe 1981:72 note 10.
50 Pour l a discussion de ces problèmes dans une perspective plus générale, c f . Ricken 1978:
29-36, 100-111, 118-130.
53 II me semble que ce n ' e s t pas un hasard que ni Moravia 1974a, ni Gusdorf 1978 ne contiennent
un chapitre dédié au langage e t à son étude s c i e n t i f i q u e . Cf. aussi Andresen 1978:52.
54 C'est pourquoi il faut contester l'affirmation que contient cette question rhétorique:
- 128 -
55 Cf. Gröber 1888:60: "Der von der Revolution grossgezogene Nützl ichkeitssinn . . . "
57 "Die französische Aufklärung war eine Grossmacht, deren Wirkung während des 18. Jahrhunderts
i n a l l e n l i t e r a r i s c h e n und g e i s t i g e n Räumen zu spüren war. Während aber d i e Engländer,
unbeschadet der aus Frankreich bezogenen Anregungen, ihre eigene Aufklärung und ihre eigene
Gedankenlinie von Locke b i s zu Hume f o r t s e t z t e n , während d i e i t a l i e n i s c h e und spanische
L i t e r a t u r , im unverlöschlichen Bewusstsein e i n e r vergangenen klassischen L i t e r a t u r e n t f a l
tung, dem Eindringen der französischen Geistesbewegung n i c h t widerstandslos zusehen konnte,
war d i e deutsche L i t e r a t u r und Geistesbewegung, deren Aufschwung zur klassischen Reife
e r s t bevorstand, t r o t z a l l e r scheinbaren Vorbehalte f ü r d i e aus Frankreich einströmenden
Impulse am weitesten geöffnet [ . . . ] Nur wenn man diese zuweilen an Symbiose grenzende
Umfassung der deutschen durch d i e französische Aufklärung b e r ü c k s i c h t i g t , wird es e r k l ä r
l i c h , dass auch im folgenden 19. Jahrhundert d i e Auseinandersetzung m i t der i n Frankreich
während des 18. Jahrhunderts getroffenen Entscheidung bei uns eine solche Bestimmungskraft
erlangen konnte." (Krauss 1965a:121).
59 Cf. l e schéma dans Gusdorf 1982:291. Les dangers d'une conception a n t i t h é t i q u e sont v i s i b l e s
pourtant dans l a c a r a c t é r i s a t i o n suivante q u i , sans ê t r e dépourvue de fondement, pèche
- 129 -
65 Cf. s u r t o u t Gauger: "Der Drang, hineinzublicken i n den 'Brunnen der Vergangenheit', hatte
zwei Aspekte. Er g a l t einmal dem sehr A l t e n , Uranfänglichen, der Morgenfrühe der Menschheit,
damit räumlich dem Fernen Osten [ . . . ] ; hierher gehört d i e Faszination durch d i e a l t e i n d i
sche Welt. Zun anderen galt er dem M i t t e l a l t e r . 'Romantisch' hiess zunächst einfach m i t t e l
a l t e r l i c h , im Gegensatz zu dem auf der Antike fussenden Klassischen. Mittelalterschwärmerei
war eine gesamteuropäische D i s p o s i t i o n jener Z e i t ; man denke nur an Chateaubriand . . .
oder an Scotts Romane und ihren E r f o l g . Auch R e l i g i ö s e s , s p e z i e l l Katholisches kam hinzu.
Aber jene Schwärmerei wurde doch i n Deutschland besonders v i r u l e n t . Drei Gründe sind hier
zu nennen. Erstens: d i e Suche nach n a t i o n a l e r I d e n t i t ä t , d i e anderswo - i n England, Spanien
und Frankreich - l ä n g s t gefunden war [ . . . ] Der zweite Grund f ü r d i e Mittelalterschwärmerei
s p e z i e l l i n Deutschland i s t e s k a p i s t i s c h : man f l ü c h t e t e [ . . . ] in die m i t t e l a l t e r l i c h e
Vergangenheit. Der d r i t t e Grund i s t d i e s p e z i f i s c h romantische Auffassung von Volkspoesie
a l s einer Dichtung gleichsam des Volkes s e l b s t . . . " (Gauger/Oesterreicher/Windisch 1981:23
s q . ) . Cf. Wyss 1979, chap. 4 "Geschichte, Vorgeschichte": 189-263; s u r t o u t Gumbrecht 1984,
"Vergangenheitsfaszinationen: aufklärerische /vs/ frühromantische Al teritätserfahrung"
e t " T o t a l i t ä t s h o r i z o n t e : Nationalgeschichte / v s / Science de l'homme": 41-47 e t 48-53. Cf.
aussi Chambers 1946.
- 130 -
67 Ce que Pedersen 1962:240 sq. constate pour l e domaine f i n n o - o u g r i e n (cf. aussi Gulya 1974:
268) n ' e s t pas valable pour l e domaine des langues romanes.
71 Pour ce qui s u i t , j e suis o b l i g é de renvoyer globalement (a) aux sources e t (b) aux travaux
critiques:
(a) Bopp 1816 e t 1833; Fichte 1808; Goethe 1978 "Dichtung und Wahrheit": 250-252; Grimm
1819, 1822-1837 et 1968; Hamann 1967; Herder 1877-1913, 1960 e t 1966; Humboldt 1904, 1908
e t 1916-1918; Müller 1967:123-126; Schlegel 1808; Schleiermacher 1977; Windischmann 1816.
(b) Apel 1963; Arens 1969; Bach 1950 e t 1970; Baeumler 1965; Benfey 1869/1965; Borst 1961
(vol. Ill); Cassirer 1923 e t 1932; Derbolav 1959; Formi gari 1977; Foucault 1966; Gadamer
1965; Gauger/Oesterreicher/Windisch 1981; Gipper/Schmitter 1979; Gumbrecht 1984; Heilmann
1976; Heintel 1972; Henzen 1954; Irmscher 1966; Jendreiek 1975; Knoop 1975; Langen 1957;
Liebrucks 1964/1965; Marini 1972; Oesterreicher 1981 e t 1983; Renzi 1976; Scheer/Wohlfart
1982; Schmitter 1977 e t 1982; Simon 1971; Socin 1888/1970; Trabant 1984; Wohlfart 1982;
Wyss 1979.
81 C'est encore Droixhe qui nous suggère l e c o n t r a i r e : " N ' e s t - c e pas cet 'échec de l ' i d é o l o g i e '
qui sera déterminant pour l a naissance d'une l i n g u i s t i q u e h i s t o r i q u e ? " (Droixhe 1977:64
note 39).
86 Cf. l ' a r t i c l e fondamental sur " l ' O b j e t de l ' H i s t o i r e des Sciences" (Canguilhem 1968a).
- 133 -
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C'est elle qui a prêté aux impostures [ . . . ] ce langage éclatant et violent qui, après avoir
égaré ou f a i t taire la raison, a soumis ou entraîné les volontés [ . . . ] ; elle dont les conquêtes
sur les esprits ont établi toujours le règne du mensonge et de l'erreur, comme les conquêtes
des grands guerriers ont toujours établi la servitude et le despotisme (Garât 1800:11 36-37).
- 149 -
Lakanal, dans son rapport sur les Ecoles Centrales, reprend cette idée que
les belles-lettres "ouvrent l'esprit au jour de la raison et à l'impression
du sentiment" (Lakanal 1881:430). L'éloquence - autant dire la poésie et
la littérature - joue un rôle à la fois propédeutique et récréatif: elle
est un premier pas vers la raison, ou le repos du dixième jour, le loisir
du décadi.
Pour les idéologues, ou du moins pour ceux qui se placent sous le patronage
de la philosophie et des Lumières, l'art de parler présente donc trois carac
tères principaux: relégué dans le passé des civilisations dont il explique
les erreurs, il est assimilé à une manifestation du beau sensible, et doit
se soumettre aux exigences progressistes de la raison. Fondée sur une vision
globale de l'homme et de l'histoire, cette conception de l'éloquence explique
les limites que les idéologues veulent mettre à son usage politique. Pour
décider de la place qu'elle doit occuper dans l'espace public et des formes
qu'elle peut prendre, ils tiennent compte d'une part des différentes voies
d'accès à la connaissance, et de l'autre, de l'inégalité de développement
intellectuel entre les deux classes des "savants" et des "ouvriers". A une
- 151 -
Ici, nous prononçons un discours, non devant le peuple, mais devant ses représentants; et ce d i s
cours, répandu par l'impression, a bientôt autant de juges froids et sévères qu'il existe en
France de citoyens occupés de la chose publique (Condorcet 1881:208).
Cette langue sensible des fêtes offre donc le double avantage de saturer
- 153 -
Si la fête réunit tous les hommes, 1'"éloquence" connaît des formes qui
s'adressent davantage aux citoyens instruits qu'au peuple. Sur un registre
plus élaboré que la fête, la littérature remplit en effet les mêmes fonc
tions: elle délasse et satisfait les penchants du coeur, et se présente
en même temps comme un cours d'éducation politique. Elle sensibilise son
lecteur aux injustices, lui dévoile les préjugés, l'invite à prendre parti
et à se mettre au service de la nation. Contre La Harpe qui demandait aux
hommes politiques de s'adresser directement aux masses, Garât oppose la
relation indirecte mais plus utile du philosophe qui détruit l'infâme et
répand les lumières. A La Harpe qui lui répond que la littérature n'est
qu'un substitut de l'éloquence politique, Garât réplique que le travail
de l'écrivain est d'une plus ample portée, qu'il modifie les opinions,
les mentalités, les moeurs 5 .
Les enfants seraient à peu près comme ceux qui n'entendent de deux mots synonymes que ce q u ' i l s
ont de commun e t à qui l e u r d i f f é r e n c e échappe [ . . . ] ; dès que l ' i d é e p r i n c i p a l e exprimée par
un mot est à l e u r p o r t é e , i l est i n u t i l e q u ' i l r é v e i l l e en eux toutes l e s idées accessoires
que l e langage o r d i n a i r e y attache (Condorcet 1847:243-244).
- 155 -
REPRESENTANTS DU PEUPLE
SAVANTS diffusion pédagogique
réflexions et raison sensati ons-sentiment
décisions savants ouvriers savants ouvriers
politiques grammaire grammaire Ji ttérature fêtes,
générale ELOQUENCE
par Condi 11 n'en feraient plus qu'un, chaque idée se présentant en même
temps comme l'image sensible dont elle est issue. "Très pittoresque et
très imitative par l'heureux choix des syllabes composantes, et très harmo
nieuse par l'habile distribution de ces syllabes" {ibid. :390), la langue con
çue par Destutt est entièrement soumise au principe classique de la représen
tation: l'éloquence se mesure à "l'abondance et (à) la beauté des images", la
"vivacité et l'énergie" à l'indication "de la liaison des deux idées analo
gues" (ibid. :391).
notre langue est fai"te pour m u l t i p l i e r à l ' i n f i n i [ . . . ] tous l e s rapports heureux qui féconde
r o n t l a masse des idées ordinairement i n e r t e s , f a u t e d'une langue analogue à l'indépendance
e t à l a v i v a c i t é de l ' i m a g i n a t i o n humaine (Mercier an XI :LXXIV).
Alors que les leçons et les pamphlets de La Harpe mettent surtout en évidence
les implications politiques de l'activité oratoire, c'est dans le cours
de Joseph Droz, professeur d'Ecole Normale qui se liera avec Cabanis et
Destutt, qu'on peut le mieux saisir comment la tradition rhétorique a pu
intégrer l'expérience révolutionnaire. l'Essai sur l'art oratoire (1800),
dont l'étude dépasse le cadre de cet article, n'est pas une machine de
guerre contre les Lumières, mais prétend corriger par son syncrétisme les
- 161 -
***
Notes
3 Voir les citations de Garât dans Gusdorf 1978:278; celles de Condorcet et de Daunou dans
Moravia 1968:202-203 et 198.
5 Cette polémique figure dans le t. 1 des Débats publiés à la suite des Séances des Ecoles
Normales.
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- 1974: Lumières, é l i t e s , démocratie: l a d i f f i c i l e p o s i t i o n des idéologues. Dix-hui t i ème
s i è c l e V I : 193-207.
Le signe écrit, l'éducation et la démocratie.
Quelques remarques à partir du chapitre Y de la Grammaire de Destutt de Tracy.
Jean-Louis Labarrière (Paris)
Or, l'écriture, par son apprentissage, son usage et son développement, tout
de même que la langue, souligne de façon aiguë le lien entre éducation et
démocratie. S'y attacher, c'est déjà être révolutionnaire en ce qu'il s'agit
d'oeuvrer pour les lumières. Talleyrand, lui-même, dans son Rapport sur
l'instruction publique, de septembre 1791, plaçait au premier rang des objets
des écoles primaires:
Il n'est en effet de plus "étrange inégalité" que celle qui rend inaccessible
ce premier lien de communication qu'est la langue nationale4. Il appelait
ainsi de ses voeux la disparition de "cette foule de dialectes corrompus,
derniers restes de la féodalité"5, ainsi qu'une katharsis de la langue.
Je laisserai de côté cette question maintenant bien étudiée de "la politique
de la langue" pour insister sur celles de la communication, de l'éducation
et de la démocratie qui agitent la question de l'écriture dont, au-delà
de sa nature, il faut aussi repenser l'apprentissage, afin qu'il respecte
et favorise cet esprit d'analyse indispensable à la démocratie.
Nul peut-être mieux que Daunou dans son Essai sur l'instruction publique
de juillet 1793 n'a plus insisté sur ce point: il faut en finir avec repella
ti on dans l'état actuel de l'alphabet, et il faut établir un alphabet philoso
phique issu d'une analyse exacte des sons de notre idiome. Etablir une "cor
respondance invariable entre la langue parlée et la langue écrite", nécessité
donc d'instituer:
Observez bien ce qui se passe dans l e s premières leçons de l e c t u r e que vous donnez à un e n f a n t .
Vous avez à l ' i n s t r u i r e des conventions l e s plus b i z a r r e s dont l e s hommes se soient a v i s é s ;
e t à peine encore avez-vous l e moyen de l u i f a i r e entendre que ce sont l à de pures conventions.
S i , comme i l a r r i v e presque t o u j o u r s , et comme i l d o i t a r r i v e r en e f f e t , si v o t r e élève attache
quelque caractère de sagesse e t de v é r i t é n a t u r e l l e à ce que vous l u i enseignez, votre élève
n'apprend à l i r e qu'en désapprenant à penser; e t certes i l a trop à perdre dans cet échange.
Votre alphabet est l e premier symbole de f o i que l e s enfants r e ç o i v e n t , et après lequel i l s
embrasseront tous l e s a u t r e s ; car i l n'y en aura p o i n t de plus absurde que c e l u i - l à . C ' e s t ,
j ' o s e n'en douter aucunement, c ' e s t l ' é p e l l a t i o n a c t u e l l e qui donne l e premier faux p l i à l a
pensée, qui transporte l e s e s p r i t s l o i n du s e n t i e r de l ' a n a l y s e , et qui met l ' h a b i t u d e de c r o i r e
à l a place de l a raison [ . . . ] l a réforme de l ' o r t h o g r a p h e e t l e perfectionnement de l a grammaire
r a t t a c h e r o n t b i e n t ô t à l ' é d u c a t i o n i n t e l l e c t u e l l e de l'enfance beaucoup de connaissances p r é c i e u
ses qui en sont retranchées a u j o u r d ' h u i . J ' i g n o r e s i , au m i l i e u des sciences humaines, i l en
est une seule qui l'emporte en u t i l i t é e t en i n t é r ê t sur l ' a n a l y s e des sensations, des idées
e t des signes; e t si parmi toutes les méthodes de penser, i l en est de plus s a l u t a i r e s que c e l l e
qui consiste à r e p o r t e r chaque conception à son o r i g i n e , e t à combler l ' i n t e r v a l l e entre l e s
systèmes e t l e s sensations. Or, t e l s s e r a i e n t l e s i n f a i l l i b l e s f r u i t s d'un bon enseignement
grammatical, e t c ' e s t a i n s i qu'en apprenant à p a r l e r e t à l i r e , vos élèves s ' é l è v e r a i e n t sans
d i f f i c u l t é s , e t presque d'eux-mêmes, à l a t h é o r i e l a plus c l a i r e e t à l a p r a t i q u e l a plus sûre
de l a pensée. 8
Le tissu est bien tressé. Rédiger les Eléments d'Idéologie, c'est donc pour
Destutt fonder en droit l'idéologie révolutionnaire ainsi entendue, mais,
las, ils paraissent quand sonne le glas de la révolution justifiant en quelque
sorte par avance le mot de Hegel suivant lequel quand la philosophie se
veut édifiante, elle arrive toujours trop tard. Il n'en reste pas moins
que la question posée est bien celle du signe écrit, de l'éducation et de
la démocratie, réel problème d'idéologie puisqu'il y va de l'avenir de l'ana
lyse, partant de l'humanité appelée à recevoir les lumières de la révolution
française.
1. Ecriture et Idéologie
La simple étendue du chapitre V de la Grammaire, suffirait à rappeler son
importance. S'étendant sur plus d'une centaine de pages, il représente plus
du quart de la Grammaire, faisant ainsi écho aux chapitres XVI et XVII de
la première partie des Eléments d'Idéologie, qui occupent près du quart
de 'Idéologie proprement dite. Qu'il s'agisse de "la science de la formation
des idées", 1'Idéologie proprement dite, ou de "la science de l'expression
des idées", la Grammaire, science des signes en tant que "continuation de
- 170 -
L'analyse et son avenir sont en jeu car il n'est de réels progrès que grâce à
l'écriture proprement dite, ce que se propose de démontrer ce cinquième
chapitre de la Grammaire qui se doit donc également de prendre en considéra
tion les problèmes relevant de l'éducation, de l'apprentissage de la lecture
et de l'écriture, car selon Destutt, suivant en cela Daunou, il est aberrant
que ce qui favorise l'analyse, et par conséquent le progrès, soit enseigné
de façon aussi peu raisonnée, risquant par là de gâcher tout le gain de
l'alphabet par rapport aux hiéroglyphes en introduisant la foi là où devrait
régner la raison. Si donc, comme on le verra, on ne peut guère espérer "révo
lutionner" notre alphabet pour le rendre véritablement philosophique, il
faudra au moins "réformer" notre enseignement afin de ne pas se laisser
abuser par l'alphabet d'usage.
sommes" (., XVI 1:377), mais encore les progrès de l'intelligence puisque
Destutt de Tracy soutient:
Une telle insistance sur le gain dû à l'écriture dans les progrès de l'humani
té entraîne une série de questions dont la moindre n'est sans doute pas
celle-ci: en appuyant sur l'écriture dès 1'Idéologie proprement dite ses
démonstrations relatives aux signes, Destutt ne remet-il pas en question
l'universalité de l'Idéologie? En effet, quand dans sa Grammaire, il en
vient à la question de l'écriture, il souligne qu'alors finit "la Grammaire
vraiment générale" {G., IV:249 et V:252). L'universalité se tiendrait-elle
alors dans les restes laissés par le "presque"? Cette question en appelle
une autre, celle de ce qu'il est convenu d'appeler 1'instrumentalisme.
Les développements sur l'Ecriture viennent à mes yeux souligner les difficul
tés d'une interprétation strictement instrumental iste de la pensée de Destutt.
Si, bien entendu, lui aussi ne veut pas "trop donner aux signes"9 et entend
se démarquer de certains de ses collègues idéologistes qui soutenaient que
"les signes sont absolument nécessaires pour penser" ( I., XVI 1:360) pour,
quant à lui, faire remarquer "que nous commençons à penser avant d'avoir
des signes artificiels" (¿<á.:361), il n'en reste pas moins que, faisant
écho aux derniers écrits de Condii lac qu'il ne considère pourtant pas comme
les meilleurs, 10 La Logique où ce dernier écrivait:
n'ayant pas remarqué combien l e s mots nous sont nécessaires pour nous f a i r e des idées de toutes
espèces, on a cru q u ' i l s n ' a v a i e n t d ' a u t r e avantage que d ' ê t r e un moyen de nous communiquer
nos pensées (Log., I I , I I I ) 1 1
Destutt soutient:
(les signes) ne nous servent pas moins à former nos idées qu'à les communiquer (I., XVI1:357)
et se demande:
- 172 -
sans signes nous ne penserions presque pas ( i d : 3 6 2 , c ' e s t moi qui souligne)
Soit encore la question du presque, question qui nécessite, pour être éclai
rée, de distinguer la pensée pré-discursive de la pensée discursive. 12 Destutt
y reviendra: communiquer c'est là une "seconde propriété" des signes {I.,
XVII :377), ce ne sont donc pas seulement des instruments de la communication,
mais selon son expression même des "instruments de la pensée" (I., XVII:341)
dont la possession nous différencie des animaux {G. :33, n.l). Or c'est tout
cela que vient renforcer l'écriture. Il ne suffit pas, pour penser "vraiment",
de transformer les signes naturels involontaires en signes volontaires insti
tués, encore faut-il les rendre durables, et cela de façon à respecter le
primat des signes vocaux sur les autres. Ce dernier point justifie la seconde
intrusion de l'écriture dans les chapitres consacrés aux signes: parmi les
diverses raisons de préférer les signes vocaux, il en est une fondamentale,
c'est qu'ils s'écrivent (T., XVII : 370 et suiv.). Les signes écrits touchant
deux sens, l'ouïe et la vue, renforcent la liaison entre les idées et les
signes, redoublant ainsi les secours apportés par ces derniers à l'intelligen
ce humaine.
La Grammaire nous apprendra, on l'a vu, qu'il n'est de réel progrès qu'à
l'aide de ces signes écrits. Il faudra donc les étudier en se souvenant
de nos deux questions relatives d'une part à la brèche introduite dans l'uni
versalité, et d'autre part, à la "tempérance" de instrumental isme. A ces
questions, j'ajouterai maintenant celle-ci: outre sa fonction par rapport
aux progrès de l'humanité, l'écriture ne serait-elle pas aux sociétés ce
que sont les signes aux progrès de l'intelligence? Cette question, autrement
formulée, est celle du lien entre le signe écrit, l'éducation et la démocra
tie. Ici aussi, ici surtout, se conjuguent révolution, idéologie et ère fran
çaise.
vient se briser la généralité car il est deux moyens d'effectuer cette opéra
tion. Les effets de ces deux moyens étant très différents invitent à tempérer
une interprétation par trop instrumentaliste de la pensée de Destutt, puisque
c'est seulement l'écriture alphabétique, soit l'écriture proprement dite,
qui favorise les progrès de l'analyse, partant, des lumières et de la démocra
tie. Le choix n'est donc pas neutre, et l'usage d'un de ces deux moyens
n'est donc pas indifférent aux progrès de l'intelligence et de l'humanité.
Que Destutt insiste avec force sur les "conséquences si prodigieuses" (G.}
V:263) de ce "seul petit fait" (id.) suffirait à souligner que l'on n'écrit
pas impunément et que les signes "durables" et "transportables" {id.) ne
sont pas seulement des instruments de la communication mais encore et surtout
des instruments de la pensée, dont le maniement suffit à "décider du destin
des nations" (id.). Anticipant ici sur ses conclusions, je le citerai encore
longuement:
. . . l e j o u r ou une nation a choisi entre ces deux manières de rendre permanents les signes
de ses i d é e s , l e j o u r oli e l l e a adopté l ' u n e des deux, e l l e a décidé de son s o r t à jamais.
Si e l l e a p r é f é r é l e s hiéroglyphes, e l l e s ' e s t Ôté à elle-même t o u t moyen d ' a c c r o î t r e ses connais
sances, e t même de conserver dans l e u r pureté c e l l e s q u ' e l l e p o u r r a i t recevoir d ' a i l l e u r s ;
e l l e a prononcé qu£ son e x i s t e n c e , quelque longue q u ' e l l e f û t , s e r a i t presque aussi i n u t i l e
aux progrès u l t é r i e u r s de l ' e s p r i t humain, que si e l l e n ' a v a i t p o i n t du t o u t de signes permanents
de ses i d é e s ; e l l e a f a i t de son h i s t o i r e comme de c e l l e des peuples sauvages, une lacune plus
ou moins longue dans l ' h i s t o i r e du genre humain. E l l e s ' e s t f a i t e un rameau i n u t i l e de ce grand
a r b r e , pouvant p o r t e r quelques f e u i l l e s , mais incapable de produire aucuns f r u i t s . ( G . , V:291)
Je ne sais s'il faut voir là "une ruse de la Raison", mais toujours est-
il qu'il existe un autre moyen, celui-là propre aux langues parlées, de
les rendre "durables et transportables". L'écriture proprement dite a en
effet pour elle de prendre les langues parlées pour ce qu'elles sont: une
suite de sons. Ce sont eux qu'elle cherchera à représenter et non les idées
qu'ils véhiculent. Elle relève donc d'une tout autre logique que les hiérogly
phes: elle est musique et non peinture. Celle-ci ne peut donc découler de
celle-là, et sur ce point Destutt rompt avec Warburton, partant avec Condil-
lac. Que ces analyses aient été démenties par la suite, il n'en reste pas
moins qu'il a su insister avec force sur ce qui différencie ces deux logiques,
différence réelle, quand bien même, ce qu'il ignorait, il existe aussi un
"alphabet" à l'intérieur des hiéroglyphes ou des cunéiformes, ces derniers
ayant proprement donné naissance à l'alphabet en tant que tel. Par là il
fut sans doute "révolutionnaire" en analysant, parallèlement à son ami Volney,
tout le parti que l'on pouvait tirer de l'écriture alphabétique, d'où cette
tâche proprement révolutionnaire consistant à porter l'écriture alphabétique
à son point de perfection, ce que seule l'ère française saurait permettre.
d'un autre, d'où la nécessité d'en avoir toujours deux présents à l ' e s p r i t ,
opération compliquée et incertaine alors que la fonction de l ' é c r i t u r e n'étant
jamais que de "rappeler un son f u g i t i f par le moyen d'un signe durable" ( . :
374) ne nécessite aucune relation directe entre le caractère et l ' i d é e , pas
plus q u ' e l l e n'implique de comprendre le sens des mots pour l i r e et é c r i r e . Le
caractère doit donc se comprendre comme une "translation du signe et non de
l ' i d é e " ( l . : 3 7 5 ) , c'est un signe de signe, d'où sa plus grande supériorité car
la réunion des caractères, l'alphabet ou écriture proprement d i t e , n'est pas
une langue q u ' i l faut traduire mais une notation dont la raison voudrait
q u ' e l l e soit u t i l i s é e par toutes les langues parlées, puisqu'elle est en d r o i t
universelle dès lors qu'à chaque voix et à chaque a r t i c u l a t i o n correspond un
signe et un seul. Ecrites, toutes les langues sont l i s i b l e s , alors que pein
t e s , i l f a u t , pour les t r a d u i r e , les parler déjà.
ces d i f f é r e n c e s , auxquelles on n'a pas p r i s assez garde, ont des conséquences si prodigieuses,
q u ' e l l e s s u f f i s e n t pour décider du d e s t i n des n a t i o n s , e t pour expliquer des phénomènes moraux
e t p o l i t i q u e s dont on n'a jamais bien rendu raison ( G . , V:263).
p e t i t t a l e n t t r è s f a c i l e à a c q u é r i r , s u r t o u t si l ' o r t h o g r a p h e é t a i t r é g u l a r i s é e ; e t , tellement
f a c i l e , qu'avec une bonne organisation s o c i a l e , au bout de t r è s peu d'années, i l n'y a u r a i t
presque pas un i n d i v i d u , dans une nation p o l i c é e , qui f û t p r i v é de cet avantage ( G . , V:266)
Peu nous importera donc ici la portée scientifique des analyses de Destutt,
nous en retiendrons plutôt ce qui concerne l'instauration, et non seulement
l'avènement, de llère française. C'est parce que cette ère pourrait se
définir comme la démocratisation des lumières essentielle à la démocratie
elle-même, qu'elle a affaire, comme à quelque chose relevant de son essence,
à l'éducation de l'écriture.
toute l ' h i s t o i r e de l'homme est dans c e l l e des signes de ses idées, e t s u r t o u t des signes
permanents auxquels i l c o n f i e l e dépôt de ses pensées ( G . , V:367)
Notes
1 Je me réfère à l'édition Courcier de 1817 t e l l e qu'elle a été reproduite par les éditions
Vrin, Paris, 1970, soit pour les Eléments d'Idéologie, Première partie, l'Idéologie propre
ment dite (I.) la troisième édition, et la seconde pour la Seconde partie, la Grammaire,
(G.).
2 Cf. Une éducation pour la démocratie, textes et projets de l'époque révolutionnaire, présen
té par Bronislaw Baczko, Paris: Garnier 1982:479.
4 Id.:151 et suiv.
5 Id.
6 Id.:325.
7 Id.
9 Cf. l e t t r e de Condillac à Maupertuis du 25 juin 1752, O.C., éd. G. Le Roy, Paris: P.U.F.
1948, 1.11:536. Pour une analyse de cette "énigmatique formule" selon l'heureuse expression
de J.C. Pariente (Sur la théorie du verbe chez Condillac, in: J. Sgard, Condillac et l e s
problèmes du langage. Genève-Paris: Slatkine 1982:273), on se reportera à J. Derrida:
L'archéologie du frivole, en introduction à: Condillac, Essai sur l'origine des connaisanees
humaines, éd. C. Porset, Paris: Galilée 1973:62 et suiv.
10 Principe de Logique, 1817:77: "ses derniers é c r i t s ne sont pas les meilleurs", cité par
S. Auroux: Idéologie et langue des calculs, H.E.L. 4 , 1 , 1982:56, n.2.
11 O.C., 11:399.
12 Cf. A. Joly: De la théorie du langage à l'analyse d'une langue, in: Sgard, op. c i t . : 243-
256.
Pensons ensuite aux travaux d'anthropologie qui traitent les systèmes des
signes, 5 orientation qui s'accentue dans les activités de la "Société des
Observateurs de l'Homme" dont les membres sont en partie identiques avec
les Idéologues. Pensons par exemple à "Des différents genres d'écritures"
- 182 -
Vingt prononciations différentes, nées des dialectes féodaux, semblent former vingt idiomes
de l'idiome françois. L'égalité a effacé les provinces, la politique commande l'abolition
des patois; la raison, le goût, un saint respect pour la langue de la l i b e r t é , nous pressent
d'adopter une prononciation uniforme et pure, dont l'orthographe sera un jour l'image fidèle.
[ . . . ] Vouloir dans ce moment qu'on orthographie, comme on prononce, c ' e s t vouloir qu'il y
a i t autant d'orthographes qu'il y a de départements, de communes, d'individus mêmes, c ' e s t
vouloir organiser la confusion des orthographes, et éteindre à jamais l'espoir de voir s ' é t a b l i r
cette orthographe pure, f i l l e et image d'une saine prononciation, conforme à la raison, pour
être digne d'un peuple l i b r e , facile et accessible à tous, parce qu'appelée par les droits
de l'homme à tous les emplois, e l l e est devenue un besoin pour tous. (Domergue 1797:3 ss.)
Enfin, l'imprimerie n ' a - t - e l l e pas affranchi l ' i n s t r u c t i o n des peuples de toutes les haines
politiques et religieuses? En vain l'un et l ' a u t r e despotisme se s e r a i t - i l emparé de toutes
l e s écoles; en vain a u r a i t - i l , par des instructions sévères, invariablement fixé de quelles
- 184 -
Les "Leçons d ' h i s t o i r e " de Volney sont d'un autre ordre. I l ne s ' a g i t pas
d'une histoire universelle concentrée autour des inventions scripturales,
sinon de réflexions théoriques et méthodologiques sur les possi bl i tés de
l ' h i s t o r i o g r a p h i e , de l ' h i s t o i r e en tant que science. A cet égard, i l examine
plusieurs types de documents. L'écr'iture est la condition d'un type nouveau
d'historiographie: e l l e ouvre la p o s s i b i l i t é d'une " h i s t o i r e p o s i t i v e " . 1 3
Les idées de Lancelin mènent donc vers une sorte de pasigraphie, système
construit et économique de signes écrits sans base phonétique, qui épargne
rait aux sciences les défauts des langues vulgaires: 17
de celle émise par d'autres auteurs du même temps comme Destutt de Tracy.
Les idées à l'égard de l ' é c r i t u r e 1 8 ont une position beaucoup plus centrale
dans l'ouvrage de Degérando (surtout chapitre XV: "Dessin et écriture").
Son point de vue est en même temps sémiologique ( c l a s s i f i c a t i o n des systèmes
divers: leurs possibilités et leurs contraintes).19 Selon Degérando q u i ,
en ce point, élabore les d i s t i n c t i o n s de Condillac 2 0 , les systèmes de signes
se développent du naturel à 1'artificiel. Dans le domaine de l'artificiel
on peut constater plusieurs degrés d'éloignement du naturel: les signes
figurés, les signes analogues, les signes arbitraires et enfin les signes
indicateurs q u i , eux, ne désignent aucune idée par eux-mêmes.21 Les langues
emploient constamment tous ces "modes sémiotiques". 2 2 Cependant on doit
f a i r e une d i s t i n c t i o n entre le langage poétique ou d'imagination qui tend
vers le pôle du naturet d'un côté et le langage philosophique orienté vers
le pôle de l ' a r b i t r a i r e de l ' a u t r e côté. Les écritures et avant tout l ' é c r i
ture alphabétique qui est f a i t e de signes de parole et non pas de signes
d'idées, accomplissent le développement vers les signes a r b i t r a i r e s , dont
l ' e f f e t actuel est moins c l a i r mais dont l'habitude acquise mène à un degré
supérieur de c l a r t é . Les écritures alphabétiques ne comportent plus d ' é l é
ments f i g u r a t i f s et analogues. Par le dédoublement du processus sémiotique,
e l l e s entraînent 1'éloignement des choses. Les écritures alphabétiques ont
donc les mêmes qualités que le langage s c i e n t i f i q u e , ou bien: elles sont
une condition nécessaire au développement des sciences. Cette relation
é t r o i t e entre écriture et science est, d'une p a r t , due au caractère a r b i t r a i
re, n o n - f i g u r a t i f du rapport sémiotique. D'autre part e l l e relève des possi
b i l i t é s inhérentes à l ' é c r i t u r e : L ' o e i l , par opposition à l ' o r e i l l e , embrasse
un plus grand nombre d'objets à la f o i s :
En plus les signes "permanents et f i x e s " des écritures rendent plus claires
les idées parce q u ' i l s demandent une attention toujours renouvelée et plus
de temps et de réflexion à l'exécution. Elles permettent de se rendre indé
pendant de la parole et de son rythme passager, de f a i r e des compositions
plus amples et de meilleures analyses. Une comparaison du dessin et de
l'écriture que Degérando f a i t suivre, fait voir que l ' é c r i t u r e est plus
arbitraire (c'est-à-dire non-figurative, non-analogue), q u ' e l l e peut rendre
- 188 -
Jeunes gens, remarquez en passant que cet a t t r a i t que nous avons pour employer les symboles
e t l e s emblêmes est un vestige des temps grossiers ou nous ne savions pas peindre l e s mots
eux-mêmes, ou un e f f e t du goût qui nous entraîne vers l a métaphore e t l ' a l l é g o r i e , goût dépravé
qui n u i t beaucoup à l a justesse du raisonnement, comme j e vous démontrerai lorsque nous t r a i t e
rons de l a l o g i q u e . I l vaut toujours mieux d i r e t o u t simplement sa pensée quand on l e peut;
nécessairement e l l e e s t rendue avec plus d ' e x a c t i t u d e . ( i b i d . : 2 6 3 )
Ajoutons encore que Destutt trace une ligne très nette entre l'alphabet et
les langues algébriques qui ont plus de commun avec les écritures idéographi
ques puisqu'elles sont écritures d'idées.
Bien sûr, chaque texte dans cette longue série de textes serait à interpréter
individuellement et les questions posées ne concernent que des points de
cristallisation: les années 40/50 du XVIIIe siècle, les années 90 du XVIIIe
siècle et les années 10/20 du XIXe siècle.
2.2.1. La question A
Je ne saurais que donner quelques indications en ce qui concerne la ques
tion A:
2,2.2. La question
Pour répondre à la question qui concerne les conditions de l'augmentation
et des changements des textes qui s'occupent du sujet de l'écriture à la
fin du siècle, il faut d'abord se demander s'il s'agit vraiment d'augmenta
tion et de changement ou si on ne se trouve pas devant une simple continua
tion des lignes de tradition qu'on a trouvées pendant tout le 18esiécle.
Sans aucun doute, on peut constater, que l'on se trouve devant un tel change
ment à la fin du 18e siécle. En voilà les indices:
jamais manifestée que par les signes vocaux, t e l s q u ' i l s sont au moment e t dans
l e s l i e u x où l ' o n s'en s e r t pour l a t r a d u i r e en l a l i s a n t ; a i n s i , on ne s a i t pas
non plus ce q u ' e l l e é t a i t , ni à quoi e l l e r é p o n d a i t , quand l ' é c r i t a été f a i t .
Donc, d'une p a r t on n'a n u l l e trace de ce qu'a été l a langue parlée dans l e s
tems a n t é r i e u r s ; e t un c h i n o i s , un japonois peuvent à peine savoir comment
p a r l a i t l e u r b i s a y e u l . (Destutt 1803:289/290)
voir. 4 6
- l'écriture alphabétique "langue universelle". C'est la solution
que propose Destutt de Tracy. Nous avons vu, par contre, que
Lancelin favorise un système de signes idéographiques pour
la science. Les langues de calcul et les pasigraphies tendent
vers une partialisation des univers de signes.
- liée étroitement à la question précédente: faut-il concentrer
les efforts politiques sur l'extension universelle de l'instruc
tion (alphabétique) et sur la réforme du système scolaire
(Destutt) ou faut-il s'engager dans le développement des sciences
avec leurs langues et leurs systèmes de signes qui seraient
internationaux et universaux mais qui suivraient d'autres règles
que la langue de tous les jours avec son indétermination? 47
2.2.2.6. Comment répondre à la question B, à savoir: quelles étaient les
conditions sous lesquelles ces activités théoriques concentrées
sur l'écriture ont pu se déployer? Je crois qu'il faudrait étudier
de plus près les expériences politiques et les espérances scienti
fiques du groupe, afin de pouvoir répondre à cette question.
Les Idéologues étaient des républicains modérés et devaient,
par leurs expériences mêmes, avoir une certaine méfiance à l'égard
de l'action politique dérivant de la parole excitante (figurée):
Une parfaite attention, une réflexion profonde, ne peuvent se déployer que dans
le calme de l'âme; l'imagination exaltée se p l a î t dans le tumulte des passions.
(Degérando 1800:268)
2.2.3. La question
Ajoutons quelques réflexions sur notre question C, à savoir la disparition
presque complète de cette théorie assez élaborée de l ' é c r i t u r e , que constate
M. David en résumant l'"Essai sur l ' h i s t o i r e de la philosophie en France
au XIXe siècle" de Ph. Damiron (1828):
De l'oeuvre de Degérando, i l est traité en termes qui traduisent une répugnance envers les
problèmes des signes, et, de plus, le complet oubli de la préoccupation de l ' é c r i t u r e . (David
1954:410)
- le verdict général contre les sujets favoris des Lumières a frappé aussi
le thème central de l'écriture, surtout pour deux raisons: elle était le
point culminant du développement tracé par les sensualistes; elle était
le commencement de l'avenir. La conception sensualiste et l'orientation
progressive étant bannies, l'écriture devait perdre de terrain.
Notes
3. V. Couturat/Léau 1907.
4. V. David 1965.
9. Pour les orientations générales de nos questions portant sur l ' h i s t o i r e de la linguistique:
Schlieben-Lange 1983b et 1984a.
11. De nos temps c ' e s t la Systemtheorie (Parsons, Luhmann) qui reprend une idée apparentée,
l ' i d é e des "acquisitions évol utionnaires" (evolutionäre Errungenschaften), v. Luhmann
1985.
13. Ce serait une histoire basée sur les données positives, comparables aux observations
dans les sciences naturelles et en même temps différente d ' e l l e s . Pour Volney v. Désirat/
Hordé 1980.
15. Les métaphores mécaniques en domaine intellectuel (levier, boussole e t c . ) sont très fré
quentes chez Lancelin. Ce côté de l'imaginaire révolutionnaire (poids et mesures, progrès
mécanique, chimique etc.) ne doit pas être négligé.
17. Dans ce contexte il faut voir les essais de création de terminologies scientifiques
(Lavoisier, Butet de la Sarthe e t c . ) qui auraient l'avantage d ' ê t r e univoques, déterminées,
conventionnelles (sans résidu du naturel); v. Schlieben-Lange 1984b.
34. Sur l a discussion autour des notions i n t r o d u i t e s par Engel sing v. C h a r t i e r 1984.
37. Ce besoin d'expulser Rousseau des t r a d i t i o n s à conserver est bien v i s i b l e chez Destutt
(v. Schlieben-Lange 1984a).
38. A cet égard, l e chapitre V de Destutt est un bon exemple qui f a i t entrevoir l'effort
d ' a s s i m i l a t i o n de courants c o n t r a d i c t o i r e s .
39. "La lecture est t o u t dénuée de ce qui frappe l e s sens; e l l e n'emprunte r i e n d'eux qui
puisse ébranler l ' e s p r i t , e l l e manque d'ame e t de v i e .
D'un autre c ô t é , on juge plus sainement par l a lecture; ce qu'on écoute passe rapidement,
ce qu'on l i t se digere à l o i s i r . On peut à son aise r e v e n i r sur l e s mêmes e n d r o i t s , &
d i s c u t e r , pour a i n s i d i r e , chaque phrase.
Nous savons si bien que l a déclamation, l a r é c i t a t i o n en impose à notre jugement, que
nous remettons à prononcer sur l e m é r i t e d'un ouvrage j u s q u ' à l a lecture que nous f e r o n s ,
on d i t , l ' o e i l sur l e papier. L'expérience que nous avons de nos propres sens,
nous enseigne donc que l ' o e i l est un censeur plus sévere & un formateur bien plus exact
que l ' o r e i l l e . Or, l'ouvrage qu'on entend r é c i t e r , qu'on entend l i r e agréablement, séduit
plus que l'ouvrage qu'on l i t soi-même & de sens f r o i d dans son cabinet. C'est aussi de c e t
te dernière maniere que l a lecture e s t l a plus u t i l e ; car pour r e c u e i l l i r l e f r u i t t o u t en
t i e r , i l f a u t du s i l e n c e , de repos & de l a m é d i t a t i o n . " (Diderot/d'Alembert 1781, XI :718).
44. David 1954 observe que, chez Degérando, l e s u j e t de l ' é c r i t u r e est t r a i t é sous ces t r o i s
aspects: passé, présent, f u t u r .
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- 206 -
Les Ecoles centrales, qu'on peut considérer comme l'oeuvre des Idéologues,
représentent un effort tout à fait remarquable d'innovation:
Une conséquence en est que la partie logique doit être amplement développée
dans une Grammaire philosophique; car c'est la logique qui permet de tester
les caractères d'un discours vrai. Ainsi Thiébault analyse longuement les
problèmes concernant la négation et les propositions converses, sujet c l a s s i
que en logique, mais q u ' i l juge nécessaire d ' i n t r o d u i r e dans une grammaire.
Le problème est posé par la valeur de l ' a t t r i b u t : dans les propositions expo
s i t i v e s , l ' a t t r i b u t est toujours pris selon toute sa compréhension, mais seu
lement selon l'extension du sujet. Mais quand la proposition est négative,
l ' a t t r i b u t est pris selon son extension propre, mais non selon sa compréhen
sion, dont on ne nie que la t o t a l i t é sans en nier les idées p a r t i e l l e s . Si on
- 209 -
Le sujet visé par ce grammairien des Ecoles centrales est un sujet indépen
dant dans un monde en mouvement. I l doit assumer par son langage le désordre
du monde qui se f a i t pour le mener à un point d'achèvement plus s a t i s f a i s a n t .
Et i l ajoute:
Nous touchons là l'un des points les plus sensibles du projet pédagogique
des Encyclopédistes relayés par les Idéologues. La réflexion "philosophique"
sous son aspect de réflexion linguistique est située au l i e u du progrès
social dans la mesure où e l l e articule explicitement le développement de
la connaissance du monde avec le pouvoir pragmatique de l ' i n d i v i d u . Ce
soin mis à d é f i n i r les lieux de r e n o n c i a t i o n est inséparable du privilège
accordé à l ' i n d i v i d u socialisé.
2, L'analyse
Le terme et le concept sont évidemment très anciens. Mais ils prennent une
vigueur certaine dans la grammaire encyclopédique. Dès le moment où la
syntaxe n'est plus tenue pour une simple extension de la morphologie, une
construction des formes selon les modes d'agrégation propres à chaque catégo
rie de termes, l'analyse devient un concept opératoire déterminant. C'est
elle qui permet d'établir sur plusieurs niveaux les rapports ou relations qui
s'établissent entre les différents éléments de la proposition, rapports sé
mantiques premièrement (jeu des idées et des jugements).
Les mots qui ont par eux-mêmes une s i g n i f i c a t i o n r e l a t i v e , exigent de même un Complément,
dès q u ' i l f a u t déterminer l ' i d é e de l a r e l a t i o n par c e l l e d'un terme conséquent. Mais, pour
me f a i r e entendre, q u ' i l me s o i t permis d'emprunter i c i l e langage des mathématiciens. A e t
sont deux grandeurs comparées sous un p o i n t de vue; et A sont l e s mêmes grandeurs comparées
sous un autre aspect. Si A e t sont des grandeurs i n é g a l e s , l e rapport de A à n ' e s t pas l e
même que c e l u i de à A; cependant l ' u n de ces deux rapports é t a n t une f o i s f i x é , l ' a u t r e
par l à même est déterminé: si A par exemple c o n t i e n t quatre f o i s , l'exposant du rapport
de A à est 4 ; mais 4 n ' e s t pas l'exposant du rapport de à A, parce que ne c o n t i e n t pas
réciproquement A quatre f o i s e t c . (Gramaire générale, I I , 48, Du complément).
Toute langue est une méthode analytique e t toute méthode analytique est une langue. Ces deux
v é r i t é s , aussi simples que neuves, ont été démontrées; l a première dans ma grammaire; l a secon
de, dans ma l o g i q u e ; et on a pu se convaincre de l a lumière q u ' e l l e s répandent sur l ' a r t de
p a r l e r e t sur l ' a r t de raisonner, q u ' e l l e s réduisent à un seul et même a r t . (1)
[ L ' a n a l y s e des mathématiciens] n ' e s t autre chose que c e t t e méthode, q u i , par un premier procédé,
t r a d u i t , dans une équation fondamentale, toutes l e s données d'un problème; et q u i , par un
second, f a i t prendre à c e t t e équation une s u i t e de t r a n s f o r m a t i o n s , jusqu'à ce q u ' e l l e devienne
l ' é q u a t i o n f i n a l e , qui renferme l a s o l u t i o n . C ' e s t - à - d i r e que l ' a n a l y s e , qu'on c r o i t n'apparte
n i r qu'aux mathématiques, a p p a r t i e n t à toutes l e s sciences; e t qu'on analyse de l a même manière
dans t o u t e s , si dans toutes on raisonne b i e n . (194-195)
offre le monde physique et moral d'une part et de l'autre part sur la nature
de nos facultés intellectuelles." (107) Le langage nous offre l'instrument
d'analyse le plus adéquat à la fois par sa richesse et par sa capacité
à être formalisé pour déterminer le jeu de ces rapports. On peut établir
un catalogue de neuf rapports de base qui montrera "jusqu'où nos langues
sont fidèles à suivre les modèles que la nature nous offre" (109). On peut
ainsi les résumer:
Io Rapports qui existent entre l'idée complexe d'un objet, et l'idée parti
culière de la qualité qu'on y remarque.
2° Ceux qui naissent des actions.
3° Ceux qui naissent des modifications dont les qualités et les actions
sont susceptibles.
4° Ceux qui lient causes et'effets.
5° Ceux qui forment les circonstances de temps et de lieu.
6° Ceux que nous découvrons par la comparaison et l'analogie.
7° Rapports de dépendance.
8° Ceux qu'entraînent des considérations d'ordre ou de situation.
9° Ceux que nous devons à nos propres conceptions.
Tous rapports que l'on retrouve marqués dans la langue, mais selon des
modalités propres à la construction de l'oraison. Le grammairien doit donc
s'atteler à une double entreprise: déterminer le jeu des marques, c'est
proprement une analyse grammaticale, déterminer le jeu des relations de
base: c'est une analyse "philosophique". Distinction malaisée. La distinction
entre idées et jugement, commune depuis la Grammaire générale de Port-
Royal, permet d'articuler la séparation entre les deux champs: l'analyse
grammaticale est celle des mots, de leurs formes, de leurs jonctions (aussi
est-elle appelée communément analyse des parties du discours), l'analyse
logique vise le fonctionnement des jugements et leurs relations réciproques.
Cette distinction ne va pas sans dangers.
On reprend tous ces mots l ' u n après l ' a u t r e , pour en i n d i q u e r l a classe ou l ' e s p è c e , l a valeur
e t l e s a c c i d e n t s , e t pour en montrer l a f o n c t i o n dans l a classe dont i l s ' a g i t : c e t t e dernière
sorte d'analyse e s t ce qu'on appelle f a i r e les parties d'une phrase. (3ème P a r t i e : 8)
L'analyse logique de son côté définit sujet et prédicat dans toutes les rela
tions possibles (propositions simples, complexes ...) selon une argumentation
héritée des encyclopédistes.
J'indique seulement ici une direction qui, par contraste, fasse mieux ressor
tir le rôle décisif que joue l'analyse chez les Idéologues des Ecoles centra
les: constituer une méthode d'approche qui permette à un sujet autonome
d'interpréter le monde en toute rationalité; lui donner une généralité
suffisante pour rendre possibles tous les transferts. Autoriser alors les
synthèses successives qui seront la preuve, pour reprendre les expressions
de Destutt de Tracy 5 , de ce qui a été posé dans la base par l'analyse.
3. Conclusion
J'ai tenté, par ces quelques exemples, de montrer comment la construction
des systèmes grammatical et philosophique est inséparable du projet pédago
gique, c'est-à-dire de la conception de l'homme social que construisent
les Idéologues.
Io Pour que toute interprétation soit assurée, elle doit reposer sur des
principes de base qui concernent le fonctionnement de l'esprit. Un art
ne se justifie que s'il est intégré à une science:
Dispositif ambitieux qui construit des êtres libres fondant leur liberté
sur la raison; ces personnages insupportables devaient disparaître aux
premiers coups portés par un régime autoritaire. Napoléon porterait les
trois premiers coups. Il aura beaucoup d'émulés et surtout par une conspira
tion du silence qui est encore la plus efficace des dictatures.
- 218 -
Notes
1. L'idéologie en Italie
Une question préliminaire s'impose: quels sont les philosophes italiens
entre le XVIII e et le XIX e siècle qui répondent à la definition d'idéolo
gues"? C'est une question qui n'aurait aucun sens en parlant de la philoso
phie française: non seulement parce qu'il existe en France une tradition
historiographique désormais établie, mais encore parce que les idéologues
français formèrent dès le début un groupe relativement homogène et nettement
identifiable, localisé aussi au point de vue géographique, à Paris et autour
de l'Institut National. La situation n'est pas la même en Italie, où les
centres intellectuels, à ce moment-là, sont au moins deux: Naples et Milan,
avec des problèmes, des traditions, des institutions tout à fait différents.
Et l'absence de lieux institutionels où les philosophees puissent travailler
entraîne l'absence d'une unité d'entreprise et d'une influence comparables
à celles des idéologues français.
Tout cela ne signifie point qu'il n'y ait en Italie une philosophie que
l'on puisse définir de manière précise "idéologie", ou que l'analyse des
idées ait été un phénomène négligeable ou simplement importé. On peut au
contraire appeler idéologues (et souvent eux-mêmes se définissaient comme
tels) les plus grands intellectuels de la tradition démocratique italienne
entre la fin du XVIII e siècle et le début du XIX e : Gaetano Filangieri,
Melchiorre Gioia, Vincenzo Cuoco, Melchiorre Delfico, Gian Domenico Romagno-
si, jusqu'à Carlo Cattaneo. De plus la méthode idéologique était largement
suivie par des intellectuels qui ne sont pas au sens propre des philosophes,
comme Giacomo Leopardi et Ugo Foscolo, dont la renommée est liée surtout
à des ouvrages poétiques, et par des philosophes qui ne sont pas, au sens
propre, des idéologues: des philosophes catholiques, par exemple (et donc
par définition anti-matérialistes) comme le père Francesco Soave.
3. Rhétorique et révolution.
Le temps, sinon la patience, le courage et les lumières, f i t défaut aux
intellectuels qui poursuivaient dans l ' I t a l i e du Sud un projet d'hégémonie
bourgeoise comparable à celui énoncé par Gioia. Les problèmes de la commu
nication sociale, en e f f e t , explosent d'une façon dramatique pendant la
Révolution napolitaine de 1799. Et quand Vincenzo Cuoco, témoin de cette
révolution, en analyse l'échec,, les problèmes du langage et de la communi
cation sociale s'imposent à l u i dans toute leur portée.
Pendant son exil à Milan, en 1803, Cuoco rédige son Programme pour une
publication périodique, le "Giornale i t a l i a n o " . C'est bien plus qu'un projet
editorial: c'est - comme d i t l'auteur - un programme pour la formation
de l ' e s p r i t public en I t a l i e . Et la rhétorique révolutionnaire y est indiquée
comme la première responsable des échecs qu« les tentatives de former cet
esprit avaient enregistrés jusque-là. La rhétorique révolutionnaire semble
avoir hérité les vices de la v i e i l l e rhétcrique é d i f i a n t e . Elle c r o i t pouvoir
réveiller les coeurs des I t a l i e n s grâce à des idées abstraites et déclama
toires de grandeur. Mais (c'est Cuoco qui p a r l e ) ,
L'analyse des idées, l'étude de leur série "naturelle", sont donc des in
struments essentiels pour une science de la rhétorique.
- 223 -
Ce ne sont pas les idées de grandeur, mais les idées utiles, qui, présentées
avec chaleur et sincérité maintes fois, obtiendront le consensus d'un public
dont la composition idéale est précisée par Cuoco: ni élite de savants,
ni populace, mais plutôt la cosmopolis bourgeoise de la production et des
échanges.
Les opérations de l ' e s p r i t chez l e s peuples , é c r i t Cuoco, a i n s i que les idées des i n d i v i d u s ,
sont a s s u j e t t i e s à une méthode. Si vous en renversez, si vous en dérangez l ' o r d r e e t l a s é r i e ,
si vous cherchez à i n t r o d u i r e en Quatrevingtneuf les idées de Quatrevingtdouze, l e peuple
ne vous comprendra p a s . . . Dans l e s opérations de l ' e s p r i t , l e s peuples, t o u t comme l e s i n d i
v i d u s , sont asservis aux formes e x t é r i e u r e s dont sont revêtues l e s idées (Cuoco 1806:97-98).
C'est l e cours des idées qui d o i t d i r i g e r l e cours des opérations et déterminer l e degré des
e f f e t s . Les idées qu'on d o i t f a i r e v a l o i r t o u t d'abord sont l e s idées de tout l e monde; ensuite
l e s idées l e s plus répandues, e n f i n l e s idées l e s moins répandues. Et puisque ceux qui d i r i g e n t
une r é v o l u t i o n sont t o u j o u r s en p e t i t nombre e t q u ' i l s ont plus des idées que l e s autres [ . . . ]
i l f a u t souvent que l e s r é p u b l i c a i n s , pour é t a b l i r l a r é p u b l i q u e , s ' o u b l i e n t . Brutus supporta
longtemps beaucoup de t o r t s , e t i l en p r é v i t encore p l u s ; mais, étant seul à s o u f f r i r , i l
se t u t . Les p a t r i c i e n s supportèrent beaucoup de t o r t s avant que l e peuple ne se p l a i g n î t .
Enfin l ' a f f a i r e de Lucrèce rappela à chaque homme q u ' i l é t a i t un m a r i . Alors Brutus p a r l a
d'abord au peuple e t l e mut; i l p a r l a ensuite au Sénat, e t lorsque l a r é v o l u t i o n f u t r é a l i s é e ,
i l écouta l a voix de son coeur. Tout peut se f a i r e : l a d i f f i c u l t é est dans l e s moyens. On
peut a r r i v e r avec l e temps à des idées auxquelles i l s e r a i t fou de v o u l o i r a r r i v e r a u j o u r d ' h u i .
Une f o i s que l ' o n a imprimé l e mouvement, on passe d'une chose à l ' a u t r e e t l'homme devient
un ê t r e purement p a s s i f (Cuòco 1806:105-6).
Dans son Rapport à Murat et dans son Projet d'un décret sur l'instruction
publique, Cuoco revient encore sur le thème de la formation de l'esprit
public. Et encore une fois il accuse le défaut de communication sociale:
les hommes de lettres en Italie ont certainement travaillé à leur propre
gloire, mais non à l'utilité de leur patrie: "entre eux et le peuple il
n'y avait pas de langue intelligible" écrit-il, "ni d'autres moyens de
communication" (Cuoco 1809:18).
des rapports entre l e s choses, l a connaissance a d r o i t e des besoins des hommes, l a sage subs
t i t u t i o n des moyens aux o b s t a c l e s , qui engendrent l e succès dans l e t r a v a i l du paysan, dans
l ' i n d u s t r i e de l ' a r t i s a n , dans l e s a f f a i r e s du marchand, a i n s i que dans les pensées de l'homme
d ' E t a t l e plus avisé (Gioia 1818: V).
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1838.
La nation, la campagne, la science et la langue chez Genovesi et De Cosmi
Franco Lo Piparo (Palerme)
I l y a sens doute deux sortes d'usages, un bon et un mauvais. Le mauvais se forme du plus
grand nombre de personnes qui presque en toutes choses n'est pas le meilleur, et le bon
- 233 -
Selon nous, l e peuple n'est l e maître que du mauvais usage e t l e bon usage est l e maître
de notre langue ( i d . : 2 1 ) .
Quels sont les mécanismes qui consentent qu'une opinion devienne langue
commune et par là opinion diffusée et populaire? C'est dans cette question
et dans la réponse correspondante que réside la nouveauté la plus importante
de l'essai de Michaelis. "Toutes les opinions ne passent pas dans le langage"
(id.:8). Une opinion fait partie du génie et de la culture d'une nation
si elle a été légitimée par le consensus de la majorité des sujets parlants.
La langue fonctionne comme un état démocratique où sont en vigueur les
règles de la majorité et du consensus: la langue "c'est, en un mot, une
Démocratie, où la volonté du grand nombre décide de l'usage" (id.:8). Un
intellectuel peut apporter des modifications à la langue commune à condition
qu'il obtienne le consensus de la majorité des sujets parlants, c'est-à-dire
à condition qu'il sache faire circuler parmi les non-spécialistes les inno
vations proposées:
Je crois même que c'est une espèce d'obligation pour le savant de se conduire à cet égard
comme le doit faire chaque particulier dans l'Empire du langage: ce n'est pas à lui à donner
- 235 -
Du moment que dans les langues vivantes "tout est démocratique" et que
"les mots ne sauroient perdre leur signification reçue que par le consen
tement du peuple" (id.:167-8), la procédure pour introduire les opinions
et les mots nouveaux dans la langue et dans la culture ne peut pas être
l'autorité mais la persuasion ou, comme on le dira à partir de M e i e t ,
le prestige de ceux qui proposent l'innovation, c'est-à-dire leur capacité
de créer un consensus:
Pour Cesarotti aussi l'idéal, c'est une situation dans laquelle la langue
de l'écrivain et la langue du peuple ne se trouvent pas séparées. "L'usage,
quel qu'il soit, fait loi quand il est universel, et commun aux écrivains
et au peuple, et dans ce cas on ne peut jamais le considérer défectueux,
puisque finalement le consentement général est l'auteur et le législateur
des langues" (id.:65).
Sur la base des indications de Michaelis, des analyses encore plus radicales
furent faites en Italie vers la fin du siècle. S'il est vrai que le niveau
et la qualité intellectuelle d'un peuple se sédimentent dans la langue
usitée, le caractère et le génie de la nation italienne, où il existe un
écart considérable entre la langue cultivée d'une minorité et les langues
vulgaires ou dialectes de la majorité, ne peuvent pas être lus dans les
écrits en langue italienne:
quando si parla d e l l ' I t a l i a n o c a r a t t e r e , oseremo noi credere, che propriamente del nostro
c a r a t t e r e si p a r l i ? Noi scriviamo I t a l i a n o , mi si r i p e t e r à ancora. Ecché hanno che f a r e
quei p o c h i , che srivono parlano I t a l i a n o , con t u t t o i l rimanente corpo d'ella nazione?
Qualunque i l nostro c a r a t t e r e s i a s i ( . . . ) , q u e l l o certamente non è , che l a l i n g u a I t a l i a n a
o f f r e d i p i n t o all'esame d e g l i s t r a n i e r i s t u d i o s i d e l l a medesime (Grassi 1748:112).
- 237 -
Même en économie, mais avec une force de rupture supérieure, l'ordre hiér
archique des membres dont est composée la machine nationale se trouve ren
versé: le monde de la capitale et de la ville découvre la province et la
campagne en tant que moteur et centre propulseur de sa propre existence
économique. Le monde rural devient un des protagonistes du débat culturel
et politique.
Le lien entre les deux questions apparaît clairement tout de suite dans
l'intervention par laquelle commence le nouveau cours économico-politique
de la philosophie de Genovesi, dans le Discorso sopra il vero fine delle
lettere e delle scienze publié en 1754 comme introduction au Ragionamento
sopra i mezzi necessari per far rifiorire l'agricoltura de l'agronome toscan
3
Ubaldo Montelatici. La thèse centrale est que, si une des principales
causes "de la richesse et de la puissance d'un pays est l'industrie de
ses habitants", celle-ci est amoindrie et insuffisante si elle n'est pas
soutenue par une culture technico-scientifique adéquate: "l'industrie est
aveugle sans les bonnes connaissances qui perfectionnent les arts, et les
bonnes connaissances sont inséparables des lumières des Lettres, qui élèvent
et améliorent la raison; il est manifeste que c'est une chose difficile,
pour ne pas dire impossible, qu'une nation puisse être sagement industrieuse,
et donc riche, grande et puissante, sans les belles lumières de l'esprit
humain" {Discorso: 63). Le sous-équipement de l'agriculture méridionale
est par conséquent mis en correspondance avec le caractère rhétorico-hu-
maniste de la culture produite par les intellectuels qui ont préféré "mieux
discuter, avec l'admiration des ignorants, de choses incompréhensibles,
que d'instruire avec simplicité leurs citoyens sur des choses qu'il importe
- 239 -
Une école ainsi articulée est le pendant d'un projet de société où il n'y
a* pas deux classes opposées ni le manque de circulation culturelle de l'une
à 1'autre:
Une école de cette nature ne pouvait pas ne pas être sujette à désapprobation
et ironie de la part des adversaires. On peut lire un écho des critiques
dans les diavi palermitani du marquis de Villabianca. Après une visite
dans une école normale qui eut lieu le 23 septembre 1789, le marquis re
marque: "A moi Villabianca, une telle méthode tant vantée par les initiateurs
me semble vraiment ridicule, et que le culte de telles écoles appelées
normales ne peut faire que peu ou rien pour le bien des enfants; c'est
pourquoi les salaires des Instituteurs, payés par le roi, sont de l'argent
jeté par la fenêtre". Après plus de dix ans, à la date du 14 novembre 1800,
le jugement négatif est confirmé:
io per me chiamo le dette cose per scuole di perdita di tempo e di disalienazione che si
fa ai giovani e ragazzi. Il Lettore di f a t t i nel 1789, che tenea scuola presso la Casa dei
PP. Crociferi alle Quattro Cantoniere, stordito dalle voci di numerosi f i g l i u o l i suoi scolari,
arrivò a dirmi che la sua scuola faceva fare la birba ed allegria ai suoi studenti.
- 252 -
6. Epilogue.
Vers le milieu des années quatre-vingt-dix commence la parabole descendante
de la fortune politique des écoles normales et de son directeur. En janvier
1795 le vice-roi Caramanico meurt de manière mystérieuse. Les nouvelles
prouvenant de la France révolutionnaire rendent encore plus méfiants les
barons et restreignent l'espace de manoeuvre du réformisme. Le président
Lopez, représentant du gouvernement de Naples après la mort de Caramanico,
est un fidèle exécuteur de la nouvelle politique des Bourbons. En mai 1795
Francesco Paolo Di Bl asi est mis à mort. En 1799 le roi Ferdinand, réfugié
avec la cour à Palerme à cause de la révolution napolitaine, interdit l'en
seignement des sciences dans les écoles privées. Le soupçon de jacobinisme
touche inévitablement les écoles normales et De Cosmi. A partir de ce moment
l'école décosmienne, même si elle ne sera pas officiellement abolie, aura
une vie très difficile. De Cosmi consacrera les dernières années de sa
vie à expliquer, de manière posthume pourrait-on dire, le projet théorique
et politique de son école. En 1796 il publie le premier tome des Elementi
di filologia italiana e latina, dans lequel sont réunis les plus importants
écrits à commencer par la Digression du Commentaire de 1786. Le deuxième
tome est imprimé en 1803, le troisième en 1805.
Même si dans les derniers travaux une place importante sera réservée aux
moyens de moderniser l'étude du latin et à des questions théoriques de
grammaire générale, les deux objectifs éducatifs les plus importants res
teront l'enseignement de la langue italienne et celui des sciences exactes
pour la plus grande partie de la notion, c'est-à-dire pour sa composante
populaire. Dans la préface du premier tome, voulant donner un sens unitaire
aux essais recueillis dans le volume, il écrit:
I l primo [but des écoles normales est] di agevolare a' f i g l i u o l i che doveansi rimanere
nella classe popolare, l'intelligenza degli autori di lingua volgare e la facoltà de scrivere
nella medesima lingua senza palpabili errori. Intendo poi per classe popolare la parte
maggiore della nazione, che non è in letterarie professioni impiegata, come in Giurisprudenza,
in Teologia, in Antiquaria e in somiglianti che senza le lingue dotte, cioè la latina e
la greca, sono come mutole e losche; le quali letterarie professioni nelle città e nelle
grosse popolazioni si restringono in picco! numero, ed in numero anche minore ne' v i i 1 agi.
I l latino, non essendo dunque di evidente necessità alla parte maggiore della nazione, pare
che abbia a considerarsi non come l'unico mezzo, anzi come un impedimento alla generale
coltura, che di t u t t ' a l t r i mezzi ha bisogno (1805:28-9).
Notes
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4. Newspeak: Révolutionner la langue
Le s u j e t de l a langue: la conception p o l i t i q u e de l a langue sous l'Ancien
Régime e t l a Révolution
S y l v a i n Auroux (Paris)
par exemple, était aussi (entre autres choses) une certaine façon de poser
le problème et d'engager les solutions possibles. La solution apportée
au problème fondamental des théories linguistiques est directement reliée
à un thème qui nous retiendra ici: la politique de la langue (language
planning). Nous entendons par là une action volontaive en vue de changer
les régularités, autrement dit, changer la langue. La tradition saussurienne
nous a habitués à admettre un certain nombre des dogmes, qui ont bloqué
pendant une bonne cinquantaine d'années toute réflexion sur la question 2 .
Premier dogme: la linguistique étant une science, elle n'a pas à intervenir
dans le mode d'existence de son objet. Deuxième dogme: la langue est un
être social dont le sujet est la masse parlante, par conséquent, elle ne
saurait être l'objet d'une action consciente. Le premier dogme est une
question d'éthique au moins autant que de théorie. Le deuxième dogme est
une affirmation théorique qui, pour appartenir au noyau dur du programme
saussurien, n'en demeure pas moins une hypothèse susceptible d'infirmation
ou de confirmation. Mon propos ici n'est pas de me préoccuper de façon
argumentative de la validité de cette hypothèse, mais d'apporter la con
tribution normale d'un historien, qui est de montrer que d'autres modèles
ont eu lieu, et sont par conséquent possibles. Aucun des deux dogmes que
nous venons d'évoquer n'a pesé dans le développement des théories linguis
tiques en France sur la période qui va de l'instauration de l'Académie
Française (1635) à la Révolution. Cela est particulièrment vrai du second.
Les grammairiens sont concernés par une politique de la langue (la fixer,
la développer, l'améliorer), c'est leur métier principal, et l'Académie
a été créée dans ce but. Bien entendu, cette orientation pratique a des
conséquences sur leurs conceptions des phénomènes linguistiques. Ce que
je voudrais montrer c'est que ces conceptions offraient une structure gé
nérale qui a permis de penser et d'organiser les tentatives de réforme
linguistique sous la Révolution, laquelle présente de ce point de vue une
continuité évidente avec l'Ancien Régime (cf. Schlieben-Lange 1981:96).
2. La maîtrise de la langue
Que le premier dogme n'ait pas pesé dans le développement des théories
linguistiques n'implique nullement que les grammairiens aient confondu
sans réflexion la description et la norme. La grammaire générale est une
science, comme l'affirme Beauzée (1757; v. Auroux 1973:67). Elle doit son
statut au fait qu'elle n'a pas la langue pour objet, c'est-à-dire aucune
- 261 -
des langues. "La grammaire générale est (...) la science rai sonnée des
principes immuables et généraux de la parole prononcée ou écrite dans toutes
les langues" (ibid.). Autrement dit, la grammaire générale se préoccupe
des conditions universelles de la construction des énoncés. Les langues
ne sont pour elle qu'un matériau empirique susceptible de fournir des
exemples. Elle comporte nécessairement des hypothèses sur le sujet de la
parole, pas sur le sujet de la langue. La langue est l'affaire des grammaires
particulières. Celles-ci, selon Beauzée, ne sont pas des sciences, mais
des arts, elles concernent la pratique. C'est par là que le grammairien
peut assurer une fonction politique: "Les témoins, les plus surs de l'usage
déclaré, écrit l'Abbé Buffier (1709, Préf., art. IV, n° 36), sont parti
culièrement les livres où l'on fait des recherches sur la langue; comme
les Remarques, les Grammaires, et les Dictionnaires". Il est possible de
soutenir qu'ils ont, rempli leurs fonctions: G. Manz (1909) note que les
doublets dans la conjugaison des formes verbales ont progressivement diminué
dans les grammaires françaises, pour disparaître vers 1750. Il y a là un
bon indicateur d'une politique de standardisation. L'opérateur conceptuel
qui autorise ce décrochement entre la science et la pratique, c'est la
thèse conventional iste sur la langue:
Aucun mots ne peut être le type essentiel d'aucune idée; il n'en devient le signe que par
une convention t a c i t e , mais l i b r e ; on aurait pu lui donner un sens tout contraire. Il y a
une égale l i b e r t é sur le choix des moyens que l'on peut employer, pour exprimer la corrélation
des mots dans l ' o r d r e de l'éconciation, et celles de leurs idées dans l'ordre analytique de
la pensée (Beauzée, i b i d . , 66).
C'est la façon de parler de la plus saine partie de la cour conformément à la façon d ' é c r i r e
de la plus saine partie des auteurs du temps" (L.c.:10) 5 .
Le bon usage est la façon de parler de la plus nombreuse partie de la cour, conformément à
la façon d'écrire de la plus nombreuse partie des auteurs les plus estimés du temps.
C'est la même position d'un sujet rationnel qu'assument les auteurs de néo
logie: Un sujet qui construirait sa langue, selon les procédures universelles
de la dérivation et de l'analogie, telles que Beauzée (article Dérivation
de l'Encyclopédie) les avait décrites et que Butet (1801, Abrégé d'un Cours
complet de Lexicologie) les systématisera. J.B. Lemercier 11 , J.S. Mercier 12 ,
13
Pougens , tout comme Butet, ne donnent d'abord comme limite à l'infinitude
de la créativité lexicale que l'ensemble fini des règles qu'ils découvrent
à sa source (v. Branca 1982, Dougnac 1982). Le mouvement néologique est
né bien avant la Révolution Française. Le Dictionnaire Néologique de l'Abbé
Guyot Desfontaines paraît en 1726, et il est largement réédité (1727, 1731,
1747, 1748, 1750, 1780). Mais l'attitude face à la néologie a certainement
changé au cours du XVIIIème siècle: le mot qui ne figure pas dans l 'Ency
clopédie pénètre dans le dictionnaire de l'Académie en 1762, l'Encyclopédie
Méthodique, comporte des articles sur la question, dus à la plume de Beauzée,
- 268 -
Que le dernier mot reste à l'usage signifie qu'il ne suffit pas que la
raison propose; en matière de langage, elle n'a pas force de loi. "Une
langue se forme et se compose petit à petit par l'usage et sans projets",
conclura Destutt de Tracy 14 , dont le rôle a été fondamental dans le discrédit
qui recouvrira les projets de réformes conçus sous la banière de la langue
universelle. Il y a chez l'idéologue une raison profonde pour refuser de
mettre le sujet de la grammaire générale en position de sujet de la langue,
elle tient au changement de conception qui affecte le premier. Sujet
sensible plongé dans l'actualité (le système temporel par exemple est
référé au seul moment de l'acte de parole), ses idées se forment par habi
tude, et ses manières de penser sont déterminées par l'instrument linguis
tique dont il dispose. Quand il parle et pense, la langue est toujours
déjà là. C'est peut-être ce qui explique que l'Institut ait été si peu
actif en matière de langue française, comme l'a noté Bruneau ( H L F , XX:000).
En tout état de cause, quand Garat préface la nouvelle édition du Diction
naire de l'Académie, dont Morellet avait sauvé le manuscrit, sa position
est relativement ambiguë'. Certes il proteste contre l'usage, mais n'envisage
pour le réformer que le recours au dictionnaire qui doit agir comme . un
modèle et inciter en quelque sorte l'usage à se réformer lui-même:
Tout est confusion aujourd'hui dans l ' o r d r e moral. I l n'existe plus d ' a u t o r i t é qui fasse loi
ni dans l a science ni dans l a l i t t é r a t u r e ( I . e . : 4 ) .
- 272 -
Notes
2 Poser que l a tâche du l i n g u i s t e est d ' i n d i q u e r " l e s moyens concrets qui f a v o r i s e n t l ' a d a p t a
t i o n des langues aux nouvelles s i t u a t i o n s " (Hagège, i n : Fodor/Hagège. 1983, I : 6 5 ) , comme
c e r t a i n s l i n g u i s t e s l e f o n t a u j o u r d ' h u i , é t a i t une p o s i t i o n théorique intenable i l y a
quelques années.
6 Suétone rapporte (De I l l u s t r . Gramaatic, cap. 22) q u ' a l o r s qu'un courtisan demandait à
Auguste si un mot é t a i t bien l a t i n , l e grammairien Pomponius Marcellus a u r a i t déclaré à
l'empereur: "Vous pouvez donner l e d r o i t de citoyenneté aux hommes, mais non pas aux mots".
L'anecdote est rapportée par Locke ( E s s a y . . . , I I , I I § 8 ) , e l l e sera r e p r i s e par Grégoire
(De Certeau e t a l i i 1975:316) - v. i n f r a .
7 C'est un thème largement développé par Diderot dans l ' a r t . Encyclopédie de l'Encyclopédie.
10 Pour une analyse plus complète e t une présentation plus argumentée de c e t t e thèse, voir
mon a r t i c l e "D'Alembert e t l e s Synonymistes", Dix-Huitième Siècle 16:1984.
19 Evidemment j e n'entends pas par là une " p o l i c e " . Même si l e 22 Novembre 1792 l e P r e f é t
de Police de Paris ordonnait par décret "de réformer e t c o r r i g e r sur l e s enseignes, tableaux,
é c r i t a u x . . . t o u t ce qui pourra se rencontrer de c o n t r a i r e aux l o i s , aux moeurs e t aux
régies de l a langue f r a n ç a i s e " . La langue d i f f è r e de l a société c i v i l e dans l a question
de l a c o n t r a i n t e m a t é r i e l l e qui peut assurer l e respect de l a l é g i s l a t i o n . I l vaut mieux
f a i r e pièce sur une p o l i t i q u e s c o l a i r e ( c f . A r t . I , du p r o j e t du Rapport Barère: " I l sera
é t a b l i dans d i x j o u r s , à compter du j o u r de l a p u b l i c a t i o n du présent d é c r e t , un i n s t i t u t e u r
de langue f r a n ç a i s dans chaque commune de campagne ( . . . ) " De Certeau e t a l i i 1975:298).
I l f a u t noter que dans ses deux visées i m p é r i a l i s t e s ( J . Trabant, 1981:75 a mis en lumière
cet aspect du Rapport Barère) e t normal i s a t r i ce, l a Convention semble a v o i r reculé dès
l e 16 F r u c t i d o r , An I I ( c f . De Certeau, i b i d . : 11).
21 I I est bien évident que cela n'implique ni l'absence t o t a l e d'études comparatives en France
( p a r t i c u l i è r e m e n t dans l e domaine des études romanes; c f . Raynouard q u i , en 1839 - Lexique
Roman 11:2-3 - formule l a l o i des - s ) , ni que l a conception p o l i t i q u e de l a langue s u f f i s e
à expliquer l e blocage auquel concourent d ' a u t r e s paramètres, comme l a méconnaissance de
certaines langues, l ' u t i l i s a t i o n d'un modèle d i f f u s i o n i s t e (Auroux, 1985), ou l a p o l i t i q u e
u n i v e r s i t a i r e (Auroux, 1983; HUÍtenschmidt, 1983).
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Aussi trouve t-on, sur ce point chaud du vocabulaire politique, des sortes
de mises en suspens du modèle admis, au profit d'une approche qui intégrerait
les valeurs d'usage du mot dans la définition.
Ce purisme est étayé par une idéologie inégalitaire explicitée par Rivarol
dans un fragment de l'Universalité de la langue française:
I l y a dans notre langue, écrivait Rivarol, une hiérarchie de styles, parce que les mots y
sont classés comme les sujets dans une monarchie.13
que l'élite n'était pas mise en question. Avec les temps nouveaux, la
voilà sommée de justifier son autorité sur la langue. Il ne suffit pas
de dire que la bonne compagnie emploie un terme, il faut qu'elle ait raison
de le faire. Le purisme crispé de Feydel est caractérisé par le raidissement
de ceux qui s'appuient sur une image de langue (alors que les maîtres de
la langue ont moins besoin d'idole). Cette langue imaginaire épurée, est
exaltée à travers l'opposition à la canaille qui vient fournir un désignant
social fantasmatique aux mots à expurger.
Morellet, pour être du parti des puristes n'en espérait pas moins élargir
la langue aux doctrines économiques nouvelles. En 1769, le Prospectus de
son Dictionnaire du Commerce annonçait à la fois la volonté de développer
une langue technique indispensable et l'espoir de barrer la route aux néo-
logismes trop "agressifs" ainsi qu'aux mots bas ou provinciaux. D'une at
titude si hésitante ne pouvait sortir que des comportements au coup par
coup.
On estime bien sûr n'avoir pas à entrer dans le détail des travaux manuels.
Le critique des Archives Littéraires pour railler Feydel n'a qu'à reprendre
textuellement le vocabulaire agricole que ce dernier prétendait introduire
à 1'article faux:
Jamais (ce lexicographe) ne va au pré sans y p o r t e r son chaploir, à cause des accidens qui
peuvent survenir à l a lame, ou p l u t ô t à sa d a i l l e ; toujours son charabrec pend à sa c e i n t u r e .
Que d i r o i t de mieux un faucheur de p r o f e s s i o n . 2 2
Comme dans le cas des mots crus, Morellet est aux prises avec l'existence
de lieux multiples où se mêlent les différentes classes sociales. Le voca
bulaire dont use le purisme peut être dualiste (distingué/populaire), mais
il n'y a pas de coupure d é f i n i t i v e entre les d i f f é r e n t s parlers. Aussi
le modèle académique e s t - i l condammé à une certaine indétermination.
On consacre dans ce vocabulaire23 les mots enragé, marais, motionner, révolutionner, sans
culotte, sans-culotterîe, sans culottides etc. termes barbares ou bas qui n'ayant eu qu'une
durée éphémère, et n'étant qu'une sorte de jargon ou d'argot (..) ne devoient pas souiller
le dictionnaire de la langue française. 24
Citerai-je aussi les articles horribles, fournée, nom donné aux charettes d'individus condamnés
au supplice de la guillotine, et guillotine et lanterne, lanterner etc. et mitraillade, noyades,
et septembrisades, septembriser etc. termes que la cruauté et la bassesse qui les ont introduits
dans la langue révolutionnaire doivent bannir de celles des honnêtes gens.25
D'une part l'extension maximum des règles contre toutes les limitations,
c'est-à-dire la défense d'un vocabulaire unifié contre les libertés de
27
style ; la défense d'une langue française unifiée contre les libertés
provinciales et bien sur, lorsque c'est envisageable la réduction des ir
régularités constatées dans la langue. 2 8 Ce perfectionnement de la langue
est étroitement lié au projet des Lumières. Le dictionnaire est déjà un
enjeu important pour les philosophes: Voltaire et les Encyclopédistes avaient
adopté cette forme tant pour combattre l ' e r r e u r et les préjugés que pour
présenter des savoirs nouveaux. Condillac avait ramené plus explicitement
encore la discussion philosophique à une discussion lexicographique; le
précepteur de Prince de Parme n ' é t a i t - i l pas celui qui f i x a i t le véritable
sens des mots à l ' i n t e n t i o n des grands de ce monde dans un dictionnaire
de Synonymes.
Dégager des lois c'est d'abord faire une histoire du vocabulaire français.
L'objet de cette partie étymologique n'est pas le changement, mais une
remontée à l'origine qui permet de montrer que malgré l'évolution on saisit
toujours "le sens premier" à l'oeuvre dans chaque emploi contemporain.
Il n'y a pas d'étapes, de bifurcations de sens possitles, mais une liaison
constante du noyau primordial aux multiples sens dérivés.
Etre constant s i g n i f i e d'après l ' é t y m o l o g i e , être d'accord avec s o i . Or, on n ' e s t pas d'accord
avec soi à quelqu'un. Les é c r i v a i n s corrompent l a langue en n'épurant pas chaque expression
au creuset de l a l o g i q u e . 3 4
Marquis, baron, comte, duc, prince sont des expressions j a d i s inventées par l ' o r g u e i l , adoptées
par l a bassesse maintenant effacées par l e niveau de l ' é g a l i t é e t reléguées sur l a scène pour
devenir un o b j e t de d é r i s i o n e t d ' h o r r e u r . 4 0
Mais, si le trajet normal des mots les mène à s'émanciper par rapport à
leur origine, la toute puissance impersonnelle de la langue, chère à Garat
ou à Butet ne suffit plus. Domergue est obligé de soutenir la raison répu
blicaine du jeu des passions. Contre la bassesse et l'orgueil il en appelle
au vif sentiment de l'égalité des citoyens, c'est-à-dire à des passions
sociales qui introduisent des normes multiples dans la langue.
"Pourquoi dans le moment où nos législateurs fondent la plus belle constitution & le bonheur
de tous sur les débris de nos antiques chaînes, le Sénat littéraire garde-t-il un silence
coupable sur la législation gothique de notre langue."41
- 291 -
Elles sont à vrai dire peu nombreuses: ce sont surtout des réalités admi
nistratives nouvelles qui entrent dans le dictionnaire. A côté de termes
désignant des objets fabriqués nouveaux [aéronaute, aérostatier. .) le Supplé
ment fait surtout une place aux termes liés aux changements intervenus
dans la Constitution [citoyen actif, articles additionnels, acte constitu
tionnel...), dans la vie administrative (administration centrale, intermé
diaire, municipale, ..agent municipal..canton..) et dans les pratiques
sociales. Ainsi bureaucratie, "Influence des chefs et commis du Bureau
de l'Administration", accompagne le formidable développement de la machine
administrative. Tous ces mots combinent néologisme formel de bon aloi et
neutralité sémantique au moins apparente. 44
et plus largement
V. L'auteur
Les trois options évoquées jusqu'ici portaient toutes trois sur des groupes
sociaux. L'individu n'était pas évoqué. Il fait son entrée dans le discours
lexicographique de cette période avec deux personnages.
N'ayant pas l ' a p p u i d'une Académie, i l a formé autour de chaque mot, un assemblage de c i t a t i o n s ,
s ' i l est permis de l e d i r e , u n j u r y d ' é c r i v a i n s . 4 8
Quant à Louis Sébastien Mercier, le style qu'il défend lui est personnel:
Pour pouvoir t r a i t e r sous forme de savoir moyen ces fluctuations que l'on
constate - en p a r t i c u l i e r dans le vocabulaire politique - entre tradition
et innovation, ordre ancien et ordre nouveau, pour pouvoir retrouver l'illu
sion d'une n e u t r a l i t é scientifique tout en parlant des mots qui divisent,
les lexicographes du XIXème siècle devront distribuer les emplois entre
des évidences partagées par une c o l l e c t i v i t é anonyme et des zones marginales
où des c i t a t i o n s d'auteurs contestés parlent en place des lexicographes.
Notes
1 Les révolutionnaires de tous bords ont passé leur temps à répéter que la politique é t a i t
affaire de mots; cf. par exemple Barny, dec. 1978: Les mots et les choses chez les hommes
de la Révolution. La Pensée.
2 L'abbé Morellet é c r i t dans ses Mémoires que les éditeurs révolutionnaires n'ont rien modifié
au travail des académiciens. Le manuscrit qu'il a été obligé de confier au Comité d'Instruc
tion Publique " é t a i t le f r u i t du travail de trente années, la dernière édition étant de
1762". Les corrections faites à la marge étaient pour la plupart de Duclos, d ' 0 l i v e t ,
d'Alembert, Arnaud, Suard, Beauzée.
4 Exemple discuté par Domergue dans son Projet d'adresse aux communes et aux Sociétés populai
res de la Republique sur la langue française du 9 fevrier 1794. In: Guillaume, J. 1889:
Procès-verbaux du Comité de l'Instruction publique de la Convention Nationale, Paris,
Vol. I I I : 444-448.
6 Domergue, Urbain. 28 mai 1791. Journal de la Langue française. Domergue à cette date tra
vaille encore à réformer l'Académie. En j u i l l e t , désespérant d'y parvenir, il propose d'en
faire une autre et fonde la Société des Amateurs de la Langue française. Après Thermidor, on
remet en place l'Académie, réorganisée en I n s t i t u t . Domergue entre alors dans la troisième
classe de l ' I n s t i t u t .
7 Garat f a i t allusion à "des Hommes de Lettres que l'Académie auroit reçus parmi ses Membres,
et que la Révolution a comptés parmi ses partisans les plus é c l a i r é s . I l s ne veulent pas
être nommés". (Appendice).
10 Andrieux. 15 messidor an IX. Rapport au nom de la commission nommée par l ' I n s t i t u t National
relativement à la continuation du Dictionnaire de la Langue française, I n s t i t u t 4, AA
33 T.18 №39.
11 "De ce que l ' I n s t i t u t a acquis une grande considération pour ses travaux et ses succès
dans les sciences exactes, en prendre occasion de lui dire qu'il conservera et accroîtra
cette même considération par des travaux purement l i t t é r a i r e s , c ' e s t comme si on voulait
l'engager par le même motif à en faire de compagnie des t r a i t é s de morale, de politique,
de peinture." Morellet, André, an IX: Du projet annoncé par l ' I n s t i t u t national de continuer
l e Dictionnaire.
- 296 -
15 Quemada, Bernard. 1958: Les dictionnaires du Français moderne 1539-1863. Paris: Didier: 212.
22 M.B. (Butet?) 1807: Lettre sur un gros l i v r e nouvellement publié contre le Dictionnaire
de l'Académie française. Archives Littéraires 15ème volume.
28 cf. Fr. Dougnac. 1982: La néologie; et Branca-Rosoff, Sonia: 1982 Changer la langue. In
HEL IV fasc. 1.
30 Thomas, rééd 1822: Sur la quatrième édition du Dictionnaire de l'Académie Française, dans
Oeuvres Complètes IV.
33 Analogie est employé au sens vague de pression du système. Il s ' a g i t ici d'un prinicipe
de multiplication des sens et des formes et non d'une cause de simplification contrecarrant
- 297 -
36 B u t e t , PRF. 1808: Remarques sur 1'etymologie que l ' o n donne ordinairement du mot a t t e n
t i o n . . . In Magasin Encyclopédique 11:465-480.
42 Domergue comme ses contemporains l e c t e u r s de Rousseau est sensible à l ' é c a r t qui sépare
l a France d'une République "parce que chaque volonté i n d i v i d u e l l e passant par diverses
f i l i è r e s de représentation ne concourt pas directement à f a i r e s o r t i r l a volonté générale",
août 1791, Journal de l a langue française: 186.
43 Prospectus p.3.
45 Sur l e Supplénent on consultera Paul Lafargue 1894: La langue française avant e t après
l a Révolution, L'Ere Nouvelle. Max Frey. 1925: Les transformations du vocabulaire français
à l'époque de l a révolution 1789-1800, Thèse de l ' U n i v e r s i t é de Z u r i c h . P a r i s .
48 Féraud. 1787: Dictionaire (sic) Critique. Les c i t a t i o n s accumulées par Féraud empruntent
autant aux auteurs de seconde zone e t aux j o u r n a l i s t e s qu'aux g l o i r e s reconnues.
49 Mercier, Louis Sébastien. 1801: Néologie ou vocabulaire des mots nouveaux à renouveler,
ou p r i s dans des acceptions nouvelles. P a r i s . Les c i t a t i o n s sont e x t r a i t e s de l a préface.
Les sociétés linguistiques fondées par F.-U. Domergue à Paris de 1791 à 18111
Françoise Dougnac (Paris)
1. Les Sociétés
Cette Société a pour devise: "La langue française est devenue un besoin
pour tous" 9 et par conséquent elle convient
3°. La s o l u t i o n des d i f f i c u l t é s que peuvent proposer sur l a langue ou sur l a manière de l ' e n
seigner, l e s membres et les correspondants de l a s o c i é t é .
4°. L'examen des morceaux d'éloquence e t de poésie qui doivent composer l'almanach des muses
républicaines. 1 1
Enfin, "une solution sommaire des d i f f i c u l t é s " proposées par les correspon
dants paraît dans les "annales de la république française."12
Les membres de l'une de ces deux sociétés ont d r o i t d'entrée dans l ' a u t r e ,
moyennant un supplément à leur abonnement r e s p e c t i f . 1 7
- 301 -
Elle adopte comme devise: "Rien n'est bon que le v r a i . " Elle a "pour but
de résoudre les d i f f i c u l t é s proposées soit par les membres, soit par les
étrangers, et qui étaient i n s c r i t e s à l'avance", procède à "l'examen gramma-
- 302 -
Ces sociétés dont l'existence est plus ou moins durable pour diverses
raisons, politiques, économiques ou autres, se fixent comme objet d'étude
la langue dans sa totalité écrite et parlée, et visent surtout à la pro
pagation et au perfectionnement du Français. Elles recourent à des organes
de presse périodique avec lesquels elles ont partie plus ou moins liée,
afin de conquérir l'audience la plus large possible auprès d'un public
hétérogène.
Les titres des trois premières sociétés ne diffèrent que par l'adjonction
d'une épithète, relevant du domaine politique dans deux cas: "délibérante",
"libre". Le terme "amateurs" implique une tentative d'ouverture de la part
de professionnels de la langue vers des non professionnels, en vue d'une
collaboration. La langue française n'est-elle pas devenue "un besoin pour
27
tous"? la liste provisoire des membres de la Sociétés des amateurs de
la langue françoise permet de le constater. Enfin, l'expression "langue
française" confirme la prédominance d'un idiome sur les autres à un moment
où l'unification linguistique, déjà officiellement amorcée, n'est pas encore
réalisée.
Un changement intervient dans les titres des sociétes après 1795, c'est-à-
dire après Thermidor. Les substantifs "Conseil", "Jury", "Académie" indiquent
certaine spécifité. Ainsi les membres de l'Académie grammaticale sont en
majorité des enseignants, et leur nombre s'élève à une vingtaine seulement
(d'où, par exemple, un rapport de 1 à 7 avec la Société des amateurs de
la langue françoise qui compte au moins cent cinquante membres). Quant
à l'adjectif qualificatif "grammatical" (la grammaire à l'époque comprend
la prononciation, l'orthographe, l'étymologie, etc.), il signale une per-
- 303 -
Deux autres exemples de ce rôle complémentaire sont fournis par les deux
derniéres sociétés. Le Conseil ou Jury grammatical répond aux questions
grammaticales auxquelles "La nouvelle académie française s'est imposé par
la loi" 31 de ne pas répondre. En sa qualité d'académicien,32 Domergue sert
pour ainsi dire d'intermédiaire entre l'Académie qu'il consulte à l'occasion
et les personnes qui posent des questions. Dans son discours de réception
le 5 septembre 1810 à l'Académie où il succède à Domergue, F.-A. Fariau
de Saint Ange déclare que l'on a recours au Conseil "de tous les départemens
de la France et même des pays étrangers." Il précise que "L'Académie a
presque toujours confirmé ses décisions." 33
de quel modèle?
2. Le modèle
"Tandis que des milliers de sociétés se sont formées dans toutes les parties
de l'empire, pour le maintien de la constitution, j'ai conçu le projet
d'en établir une consacrée à la régénération de la langue." 35 Cette première
phrase du Prospectus de la Société des amateurs de la langue françoise
indique clairement dans quelle perspective Domergue souhaite se situer.
Il s'agit de pourvoir le domaine linguistique d'une société équivalente
à celles du domaine politique. Cette société s'inspire directement du modèle
politique national comme le montre le passage suivant du même Prospectus:
Les travaux des comités seront l u s & discutés dans l'assemblée [ g é n é r a l e ] , composée de grammai
r i e n s en d i f f é r e n t e s langues, de l o g i c i e n s , de métaphysiciens, de prosateurs, de poètes, de
savants de tous l e s genres, d'amateurs & d ' a m a t r i c e s .
ANNEXE 1
N.ANTHOINE, Législateur
N. AUßER fils, Artiste
L'abbé AUGER de l'Académie des Sciences, Traducteur de Démosthène, Eschine,
Isocrate, etc.
N. BALLET, législateur
N. BANAU, médecin
N. BARNIER, principal commis du bureau de la marine
L'abbé BARTHELEMY, neveu, Garde des médailles,
BEAULIEU, auteur du Journal du soir
BELLEMONT, homme de lettres
N. BERARD, Administ. de la comp, des Indes
N. BERARD, des Glajeux
BERENGER, auteur des soirées Provençales, d'un recueil de Poésies, etc.
N. BERTH0L0N, homme de loi
François BOILEAU, marchand papetier
J. E. F. BOINVILLIERS, du musée de Paris
N. B0ISJ0LIN, Homme de Lettres
BOISSI D'ANGLAS, Législateur
BONNET, Législateur
J.P. BRISSOT, auteur du Patriote François
N. BROUSSONNET, Sec.perp. de la Soc. d'Agric.
Madame Fe. C.
Nicolas C*** Fils
N. CARRA, l'un des Auteurs des Annales patriotiq.
Mme CHANTEROT
N. CHARLES, profes. de seconde
J. M. CHENIER, auteur de Charles IX, d'Anne Boulen, de Jean Calas, Tragédies
Melle. CHERBOURG
N. CLEMENCON, prof. de philos. à l'univ.
Anacharsis CL00TZ, homme de Lettres
N. C0LL0T D'HERBOIS, Homme de Lettres
COURET DE VILLENEUVE, Homme de Lettres
N. C0ND0RCET, de l'Académie Françoise, et de celle des Sciences
N. CRAVEY, fils, homme de lettres
N. CROUZET, princ. du col. de Montaigu
N. D'ANDRE, Législateur
N. D'ARNAUD, de l'académie de Berlin
N. DARU, homme de lettres
Madame de BEAUHARNOIS
Madame de ... n
Madame de CHASSENAY
N. DE COLOGNE
Mademoiselle DE COLOGNE
Madame de C0ND0RCET
Michel DE CUBIERES
Madame de GRANDCHAMPS
- 309 -
Pierre HAUVEL
N. HERRENBERGER; Secrétaire du vice-admiral d'Estaing
N. HERVIER, Prédicateur
N. HOUEL, peintre du Roi
N. HUZARD, Vétérinaire, auteur de plusieurs a r t i c l e s de l'Encyclopédie
N. JAMET
L. F. JAUFFRET, Aut. des Charmes de l'Enfance
N. J0LI0T, neveu de Crébillon
N. JOURDAN, commissaire du roi
Charles JULIAN, Professeur de l'Université
Melle JULIEN
N. JULLIEN, de plusieurs sociétés littérair.
Mademoiselle Tête
- 311 -
ANNEXE 2
ANNEXE 3
ANNEXE 4
J
Les travaux des comités feront lus & difeutés dans Ɛ
blée ,compofée de grammairiens en différentes langues, de
logiciens , de métaphyficiens , de profiteurs , de poètes ,
de favantsde tous les gentes, d'amateur, & d'amatriecs.
La difeuffion fermée , l'article fera arrêté ou rejeté, à'
la pluralité des voix ; les débats feront confignés dans ¡e
journal que j'ai confacré à la langue françoife, & lui donne,
rontun nouvel intérêt ; les articles arrêtés par la fociété deb.
bérante ferviront à la compofuion du grand dictionnaire,
qui manque à notre littérature 6c à notre nouvelle exiftence
politique.
Que de lumières vont jaillir de ces débats littéraires ! que
de talents, que de connoiflanecs que couvroit de l'ombre
du cabinet le défaut d'occafion ou la modeftie vont paroitre
au grand jour , à la voix puiflante de l'émulation l D e la
lutte des principes auftères de la grammaire & de la me-
raphyftque avec les hardtefles de l'imagination nous verrons
éclorre une langue bien conilituée, fans maigreur & fans
enflure. Notre littérature étoit une ariflocratie opprefiive 5c
décourageante ; elle avoit fa nobleffe & fon orgueil dans
les gens de lettres de la capitale , fon clergé & fon intolé
rance dans les académies ; aboliffbns les ordres , fondons
la république dev lettres , & que dans notre fociété des ama
teurs de la langue , tous foient égaux en droits : l'homme,
la femme ; l'académicien , le fimple littérateur ; l'habitant
de la capitale , celui des départements ; le correfpondant
françois, le correfpondant étranger. De quelle part que
vienne la lumière ; béniffons celui qui nous l'envoie ; dans
quelle parte-de l'empire ou du globe que nous la portions,
félicitons-nous d'être utiles aux hommes.
Un travail bien important fe joindra au grand travail du
'diƐiomuire. On fera leƐure, à l'ouverture de chaque féance,
des lettres qui feront adreffées des divers départements au
préfident de la fociété fur des queflions relatives à la
langue , écrite ou parlée. Lorfqu'elles leront d'une folution
facile , elles feront réiolue* fans délai ; lorfqu'eiles exigeront
- 316 -
4
des recherches ; comme les érymologies ; le taime des
binec, comme les définitions, les fynonymics , elles fetonf
renvoyées aux comités refpechfs; Ie rapport entendu ;la '
queftion débattue, particle fera arreté par l'affemblíef SC'
publié ¿ans le journal de la langue (rançoife. On voir que.
cette partie des travaux de la fociété offre le triple avantage
de communiquer la lumière , au moment du befoin , de la
communiquer a tous en la communiquant à un feul , &
enfin de preparer les matériaux du grand édifice qu'on fe
propofe d'élever.
Les féances auront lieu, deux fois la femaine : le diman-
che , à ll heures du matin, & le jeudi , à heures du foir,
Tous les mois , & merrie plus fouvent, fi la fociété le
juge convenable, il y aura une féance uniquement confacrée'
à la lcƐre d'ouvrages en proie ou en vers , compofes par •
les membres de la fociété ou par les correfpondants. Le jour
nal de la langue françoife en rendra compte.
. Nul établffement fans dépenfe ; en attendant que l'utilité
de celui-ci fixe l'attention des légiffateurs, tourcs les per-
fonnes qui fe feront inferire parmi les membres de la fociété
des amateurs de la! langue françoife, paieront 24 liv, par
an ; parmi les correfpondants, 1 liv,
• On foufcrit àParis, chez Urbain Domcrgue, rédacteur-
du journal de la langue françoife , rue de Condé N . I , au
premier étage ; chez Royez , libr. quai des Auguftns, &
chez Petit, imprimeur aux Jacobins Saint-Honoré.
, La première affemblée aura lieu, le 15 feptemb. prochain ;
dans une faile d'Urbain Domergue.
Sur la couverture du journal de la langue françoife, feront
infcrits de femaine en femaine les noms des foufcripteurs;
N. B. Le journal de la langue françoife, eft à fon tron
fième trimeftre. L'abonnement eft de 54 liv. pour un an,
& de 12 liv. pour fix mois. On foufcrit, aux adreffes ci,
deffus, & cher Achille Knapen , rue Saint-Ahdré-dts-Arts;-
- 317 -
Prospectus SLALF
A.N.: AA 44, 1327
S O C I É T É LIBRE
DES AMATE;UR_S
DE LA LANGUE FRANÇAISE;
URBAIN DO M ERGUE.
ACADÉMIE GRAMMATICALE.
i L'académie grammaticale, fondée le 25 octobre 1807, par URBAIN DOMERGUE,
membre de l'institut de France, se propose pour but de travailler au perfectionnement de
la srience des idées et de la science des mots, depuis les premiers éléments jusqu'aux
théories transcendante
2. Elle a pour devise :RIENN'ESTBONQUF. LE VRAT.
. Un directeur perpétuel piéside les séances, nomme les académiciens, dirige les
travaux. Il administre, sans qu'il puisse jamais être question de compie entre lui et les
membres de l'académie. Il élit son successeur.
4'. Un secrétaire, choisi parmi les jeunes académiciens xélés,dresse les procès-verbaux,
tient les regîtres et la correspondance.
5 . Les académiciens sont divisés en trois classes : celle des académiciens résidants ,
celle des académiciens correspondants, et celle des Mécènes.
6°. Tour obvier à l'inconvénient des absences, et pourvoir aux frais de rétablissement,
chaque académicien résidant lait, le jour de son admission, un fonds de dix francs, pour
lesquels il reçoit un bon de deux francs, toutes les fois qu'il signe sur la feuille de présence,
avaut que la barre toit tirée..
Le premier dimanche de chaque mois, il renouvelle son fonds de dix francs, avec les
boni seulement, s'ils suffisent 5 avec un supplément en argent, s'ils ne suffisent pas.
¿V. B. Les •ctdémicirn» résijants qui ce peuvent ¿tre assidui, sont te atés preseinti, ilsne lont tenui qii*ax
supplément qu'amènent pour lei plute s s n e ules mois qui n'ont pas cinq dimanebes.
7 . Lcs académiciens correspondants sont invités a une contribution annuelle de vingt
francs; ils sont surtout priés de proposer beaucoup de questions à résoudre.
8°. Les Mécènes mettront leur soin et leur gloire à faire ensorte que le tribut envers
l'académie se borne un jour à celui du rèle et dhs lumières, à lui procurer par leur crédit
one dotation qu'elle s'efforcera de mériter par sa travaux.
9 . Les séances ont lieu, tous les dimanches, depuis une heure précise jusqu'à trois. Elles
tont uniquement consacrées à résoudre des questions de logique, de grammaire, de goût. Le
secrétaire lit les questions par ordre d'inscription, le président essaie de les résoudre ; ensuite
chaque académicien peut prendre la parole, à commencer par la droite du président; il
approuve, combat, modifie, développe ce qui vient d'être dit. Le procès-verbal coutient
des avis individuels , et non des décisions qui fassent loi.
10. Chaque académicien a droit de prendre ou de faire prendre copie du procès» verbal.
11e
. L'ouvrage des SOLUTIONS GRAMMATICALES, dont URMÀIV DOXBRGVE vient de
publier le premier volume, contiendra désormais les solutions consignées dans les procès-
verbaux, avec les développements convenables que les académiciens leur auront donnés.
ll portera pour litre : SOLUTIONS SE L'ACADÉMIE GRAMMATICAL*. Le directeur perpétuel en
tsl l'éditeur né , et chaque aritele sera signé du nom du rédacteur.
ll. Le a5 octobre, jour4anTanniversaire de la fondation de l'académie Rrammaticale,
cera célébré par un banquet,
Urbain D o u t - t o u i , directeur perpétuel*
Gabtielt A i L ifta secrétaire-
- 320 -
Notes
2 Jusqu'à présent Domergue n'a pas créé de s o c i é t é ; à Lyon i l a été membre de l a Société de
gens de l e t t r e s , d ' a r t i s t e s e t d'amis vers 1780, e t de l a Société l i t t é r a i r e de Lyon de
1782 à 1785.
3 Voir Ricken, pp. 309-313; Busse ( 2 ) , pp. 16-17; Dougnac, pp. 111-157 e t 236-239.
5 Prospectus, p. 2.
6 I b i d . , p . 3.
7 I b i d . , p. 1.
11 I b i d . , f. 1 recto.
12 Ibid., f. 1 verso.
14 Prospectus, f . 2 recto.
15 I b i d . , f. 1 verso.
16 Ibid.
17 I b i d . , f. 2 recto.
23 Voir Busse (2), pp. 63-64 et 149-155; Dougnac, pp. 28-29, 230-232.
25 Armand-Gabriel Ballin (2), "Notice sur Urbain Domergue" in Notices sur l e s grammairiens
Domergue, Boniface & hapsal (Rouen: Imprimerie de H. Boissel, 1865), pp.11-12.
26 Ibid.
33 Ange-François Fariau de Saint-Ange, Discours prononcés dans la séance publique tenue par
la classe de la langue et de la littérature françaises de l ' I n s t i t u t de France, l e 5 sep
tembre 1810 pour la réception de M. de Saint-Ange (Paris: Impr. de F. Baudouin, 1810),
p. 15.
36 Ibid., p. 3.
40 P. 3.
42 Prospectus, p. 2.
43 Ibid.
45 I b i d . , p . 124.
46 I b i d . , p . 125.
47 Ibid.
49 I b i d . , pp. 3-4.
Octobre-Décembre 1983
L'élite modérée et la "propriété des mots" (1791).
Propagation et usage des mots dans l'opinion publique
Jacques Guilhaumou (Paris, CNRS)
Introduction
Le journaliste modéré Dusquesnoy, rédacteur de L'Ami des Patriotes ou Le
Défenseur de la Révolution, observateur estimé en matière de définition
des mots, réclame "un bon définisseur des termes dont l'usage nous est
devenu plus familier, et que tout le monde répète sans entendre" (Numéro
du 6 août 1791). Un tel souci "linguistique" s'inscrit, nous le savons
depuis les travaux de M. Ricken (1982), dans la lutte, devenue classique
à la fin du XVIII o siècle, contre "l'abus des mots". Mais il traduit aussi
et surtout une angoisse face à l'accélération, en cette année 1791, des
transformations du langage politique et aux manipulations qu'elle rend
possible.
Le propos que nous allons développer s'appuie sur les premiers résultats
d'un dépouillement de la presse parisienne en 1791 et des séries de
pamphlets, en particulier la célèbre série des "Père Duchêne", qui circulent
à la même époque dans les rues de Paris. Au stade actuel de norte enquête,
nous pensons pouvoir affirmer que les interrogations sur la définition
des mots et les débats sur l'usage des mots en politique constituent une
des spécificités de l'opinion publique en 1791. Au-delà du simple intérêt
qu'il peut y avoir à ouvrir ce chapitre mal connu de l'histoire des discours
révolutionnaires, nous allons nous efforcer de montrer dans quelle mesure
l'investigation des journaux et des pamphlets peut contribuer à enrichir
notre connaissance des "politiques linguistiques" sous la Révolution fran
çaise 1 .
Manon 1'Ecai11euse. Dites-moi donc, madame Saumon, vous qui voyez tous l e s jours des députés,
qu'est ce qu'un aristocrate? Expliquez-nous ce mot l à , que je n'avions jamais entendu avant
la prise de la B a s t i l l e . . .
- 326 -
Madame Saimon. Aristocrate, c ' e s t comme qui d i r a i t ceux qui veulent a v o i r t o u t l e p r o f i t , sans
a v o i r l e mal, ni plus ni moins que l e s f r ê l o n s qui s'empifent du miel que l e s a b e i l l e s avont
t a n t de peine à f a i r e . . .
Janot. Qu'est-ce que c ' e s t que tous ces nouveaux mots? . . . Démo...crate... Aris...to...crate...
Je ne comprens pas ç a . . . J e suis aussi Aristocrate de c o l è r e .
Janot. Je n'entends pas t o u t cà. Mais j e suis du p a r t i où l ' o n n ' e s t pas pendu.
Un enfant de quatre ans demandait à sa mère ce que c'étaient les a r i s t o c r a t e s . Ce sont ceux
qui aiment le bon Dieu et le Roi. Ou sont-ils les aristocrates? I l s sont dans les églises,
dans les châtaux, dans les maisons. - Et les démocrates? Ils sont à l ' é c u r i e avec les ânes.
Mais, maman, les démocrates sont méchants, il ne faut pas les mettre avec les ânes, i l s les
mordraient. - Où veux-tu donc q u ' i l s soient. - Il faut les mettre dans le trou des crapauds.
Gardons nous, citoyens, de nous l a i s s e r abuser par les mots...le mot Aristocrate n'a pas moins
contribué à la révolution que la cocarde. Sa signification est aujourd'hui très étendue [C'est
nous qui soulignons]; il s'applique à tous ceux qui vivent d'abus, qui regrettent les abus,
ou qui veulent créer de nouveaux abus.
B. Les "tours de Force" des membres de la Société des amis du bon sens:
le genre burlesque au service de l'énoncé du fait.
Dans le courant de l'année 1791, le courant modéré e t le courant monarchiste
tendent à se confondre dans l e u r t e n t a t i v e conjointe d'instaurer un pouvoir
royal fort. A la recherche d'une diffusion ample de l e u r s i d é e s , le simple
rappel de la signification p r i m i t i v e des mots à 1'encontre de la nouveauté
révolutionnaire ne leur s u f f i t plus. Ils vont promouvoir la v é r i t é du fait
d'expérience par le b i a i s de la f i c t i o n burlesque.
Nous avons trouvé dans le fonds des imprimés des Archives nationales une
pièce, imprimée en 1791, i n t i t u l é e Le Greffe patriotique de la société des
- 328 -
amis du bon sens à Anthropolis (sic). Il y est question d'une société qui
n'a rien de commun avec "ces clubs que la liberté et les droits de l'homme
ont enfanté depuis la Révolution". En 1752, elle ne comportait pas moins
de 1518 membres! Bien sûr, il ne s'agit que de l'un de ces multiples pamphlets
monarchistes contre le "pouvoir illégitime des clubs". Mais son contenu mérite
d'être résumé4.
Père Duchêne. . . . raisonnons, car par fois le Père Duchêne raisonne, et quand il se met à
raisonner, il raisonne tout aussi bien qu'un a u t r e . . .
L'aristocrate. Eh bien! Père Duchêne, sous le nom d'aristocrates, qu'entendez-vous?
Père Duchêne. J'entends les bougres de calotins, et nos ci-devant gentilshommes.
L'aristocrate. Père Duchêne, vos notions ne sont pas très j u s t e s .
Père Duchêne. Je ne sais bien, mais vous allez me dire que ce sont les aristocrates qui domi
nent.
L'aristocrate. Père Duchêne, nous voilà revenus au principe, vous avez raison, d'après cette
définition, croyez-vous que ce soit les calotins et les gentilshommes qui soient a r i s t o c r a t e s ,
sont-ils actuellement dominants; ce nom ne conviendrait-il pas mieux aux jacobins?
(La grande colère du Père Duchêne sur l'argent arrêté hier dans la rue Saint-Martin ou dialogue
entre l e Père Duchêne et un aristocrate, 16 f e v r i e r ) .
Voilà le tour de force mené à son terme! Le Père Duchêne, "brave homme"
et "plein de bon sens" voit toujours "plus d'aristocrates que de tuyaux
de poêles", mais il change de jurons. Devenu l'ennemi de la "race jacobi-
nique", il s'écrie "sacrés mille millions d ' a r i s t o c r a t e s aristocrates et
d ' a r i s t o c r a t e s patriotes". Le recours à l'inversion burlesque déstabilise
le langage patriotique. C'est toujours à propos d'un fait controversé, imputé
par le peuple à la duplicité des aristocrates (par exemple la distribution
de pain par le club monarchique à un prix très bas), que les jacobins de
viennent des "gueux d'aristocrates". Qui plus est, cette stratégie burlesque
d'usage des mots en politique a son équivalent dans le discours sérieux.
A vrai dire, il s'agit en fin de compte de promouvoir "une linguistique
du fait" contre la mise en acte du langage des droits de l'homme.
fication des mots dans l'Ami des Patriotes, qui par conservatisme social,
prend de plus en plus fait et cause, dans le courant de l'année 1791, pour
un pouvoir royal fort. Nous retrouvons, bien sûr, dans les "notes linguis
tiques" rédigées par Duquesnoy le leitmotiv des hommes des Lumières sur
1'abus des mots:
I l est fâcheux d ' ê t r e sans cesse o b l i g é d ' e x p l i q u e r les termes dont on se s e r t ; mais dans
un moment de r é v o l u t i o n , où l e s idées sont mal a f f e r m i e s , tous l e s p a r t i s abusent des mots
pour tromper l e s hommes simples e t crédules (№XVII du 19 mars 1791).
Il est clair que la langue des légistes, le langage de la loi, est mis d'em
blée hors jeu. Seule "l'expérience", c'est-à-dire la mise à l'épreuve des mots
dans l'historicité du mouvement des Lumières, constitue un critère pertinent
dans la quête de la dénomination des choses. Une "linguistique du fait" s'im
pose ainsi. Elle dénomme les "objets de la liberté", les éléments empiriques
de "la liberté en mouvement". La "vraie signification des termes" résulte des
expériences de l'opinion éclairée au sein du mouvement des Lumières, dont la
révolution est la continuité et le résultat. Nous sommes là devant un conser
vatisme politico-linguistique associé à un refus de prendre en compte l'évè-
ment révolutionnaire en tant que fait de rupture dans le champ des idéologies.
Les nombreuses remarques de Duquesnoy sur l'emploi des mots i n s u r r e c t i o n , mou
vements populaires, troubles, révoltes e t c . . illustrent la volonté de natura
liser le sens des mots au sein même du politique6.
Une remarque, en apparence sans rapport avec notre sujet, décrit les effets
de l'imitation burlesque:
sur l'usage des mots qui démarque très nettement les Révolutions de Paris,
et qui mériterait d'être confronté avec le langage cordelier8.
Nous avons été frappé par la proximité entre les positions de Domergue
sur la création d'un langue politique dans l'ordre de la rationalité con-
stitutionelle et celles de Robespierre sur la nécessaire mise en acte du
"langage de la liberté et de la constitution". Les Jacobins vont adhérer
en grand nombre (20% des membres?) à la Société des amateurs de la langue
française. Brissot diffuse, dans le Patriote Français, l'appel de Domergue
pour la création de la Société. Peut-on mesurer l'impact, dans les milieux
jacobins, de l'initiative de Domergue? Seule une recherche minutieuse per
mettra de situer la place de ce grammairien au sein des élites les plus
progressistes pendant l'automne 1791. Nous allons nous contenter ici même
de décrire des éléments du contexte politico-linguistique particulièrement
complexe de l'été 1791, préalable indispensable à la bonne suite de notre
enquête sur les tenants et les aboutissants des réunions de la Société
des amateurs de la Langue Française.
- 334 -
Quel a été l'enjeu des "disputes de mots" en cet été 1791 pour qu'elles
laissent un telle trace dans la mémoire robespierriste?
I l s ' e s t élevé une dispute de mots dans p l u s i e u r s gazettes, sur l e nom qu'on a v a i t donner
au départ du r o i ; on a également v a r i é dans l'Assemblée Nationale sur l a dénomination de ce
départ et l ' o n a proposé de s u b s t i t u e r l e mot enlèvement à c e l u i d'évasion.
Les mêmes journalistes, deux jours plus tard, indiquent l'enjeu réel autour
du mot fuite, l'espace de rupture du contrat entre le roi et la constitution:
2. Charte ou Constitution?
Après la répression contre le mouvement patriotique, les modérés se mettent
à chercher "des dénominations nouvelles". Ils s'attaquent à la constitution
elle-même en tant que dénomination dite inadéquate à son contenu. La Chro
nique de Paris et L'Argus Patriote se moquent des "habiles conseillers"
du roi, qui, par de nouveaux tours de force, en viennent à faire "des erreurs
de nom" (24 juillet). Les Révolutions de Paris prend cet évènement "lin
guistique" très au sérieux, l'intègre dans une offensive systématique des
modérés en vue de faire vieillir le langage patriotique:
Citoyens, ne vous apercevez-vous pas que déjà on cherche à faire v i e i l l i r l e mot constitution
pour l e remplacer par celui de charte. Toute l ' h i s t o i r e a t t e s t e r a cette observation: l e s mots
plutôt que l e s choses mènent l e s hommes. Il y a une grande différence entre ces deux termes
. . . Tout pouvoir émane du peuple, voilà notre constitution. Les Anglais reconnaissent tenir
leurs franchises de leur gracieux souverain, voilà leur charte
Citoyens! Cette remarque grammaticale e s t beaucoup plus importante qu'on affecte devant vous
de l e croire. Ne vous dessaisisez par du terme constitution. (№108 du 30 j u i l l e t - 6 août 1791).
Citoyens! Il faut que nous vous fassions remarquer un piège qu'on vous tend depuis quelques
mois, e t qui, déjà, n'a que trop bien réussi. Il consiste à substituer au mot v i e i l l i d'aristo
crates celui de modérés, e t à la qualification de patriotes celle de factieux, de séditieux,
d'incendiaires, e t quelque fois même de brigands. Au moyen de ce vocabulaire nouveau, on e s t
venu à bout de semer la défiance entre nos frères . . . de là une confusion horrible.. Cette
manoeuvre atroce e s t poussée â un point de perfection tel que . . . (№108).
Dans la lutte que l'élite modérée mène contre "les qualifications absurdes
d'aristocrate ou de démocrate11, c'est la dénomination du groupe modéré,
au-delà de sa réalité corporatiste, qui est en cause. Mais le mot modéré
a-t-il son équivalent dans le monde des choses politiques? On peut se deman-
- 337 -
der dans quelle mesure un tel souci de substituer les termes, en contra
diction avec le processus révolutionnaire, n'est pas à l'origine d'un nouvel
aspect des langages contre-révolutionnaires! Le jacobin Roederer ne dit
pas autre chose lorsqu'il qualifie le "mot d'ordre de tous les aristocrates"
dans les termes suivants: "Nous voulons la contre-révolution tout entière"
(Patriote Français du 7 décembre 1791).
- les uns, surtout les futurs girondins, mettent en avant un mot, république,
qui n'a pas encore son référent dans la réalité politique. Nous sommes
sans doute là au point de départ d'une position linguistique que S. Mercier
optimise dans les termes suivants: "Le langage n'est point la grammaire...
au vain Dictionnaire, j'oppose le riche vocabulaire du langage... Le langage
est son propre législateur" (Néologie, IV in Mercier, 1978).
Conclusion
Inachevée du point de vue archivistique, notre enquête nous a cependant
permis de décrire une situation "linguistique" peu connue tant des historiens
de la Révolution française que des historiens de la linguistique. Les politi
ques substitutives de l'élite modérée en matiére d'usage des mots tout
au long d'année 1791 caractérisent une des étapes intermédiaires entre
la lutte classique contre "l'abus des mots" et le "jacobinisme linguistique".
A vouloir forcer le trait, on pourrait parler d'un "modérantisme linguis-
tiqueu.
- 339 -
Notes
4 Ce t e x t e se trouve dans l a collection Rondonneau des imprimés des Archives Nationales sous
l a côté AD I 65.
8 C'est l à une des p i s t e s de t r a v a i l que nous comptons emprunter pour a m p l i f i e r l ' é t u d e par
t i e l l e que nous présentons i c i .
Bibliographie
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1978a: Jean-Jacques Rousseau dans l a Révolution Française (1787-1791). C o n t r i b u t i o n à
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"La langue française est un besoin pour tous". A propos du jacobinisme
linguistique*.
Winfried Busse (Berlin)
I l continue en exprimant
Questo piano (se. della francesizzazione) viene attribuito normalmente ai Giacobini. A dire
- 345 -
Une s i n g u l a r i t é frappante de l ' é t a t dont nous sommes a f f r a n c h i s , est sans doute que l a langue
n a t i o n a l e ( . . . ) s o i t restée au m i l i e u de nous comme inaccessible à un si grand nombre de ses
habitants (sc. de l a France), e t que l e premier l i e u de communication a i t pu p a r a î t r e pour
p l u s i e u r s de nos contrées une b a r r i è r e insurmontable. ( . . . ) Les Ecoles primaires vont n e t t r e
f i n à cette étrange i n é g a l i t é : l a langue de l a Constitution e t des l o i s y sera enseignée à
tous; e t cette foule de dialectes corrompus, derniers restes de l a f é o d a l i t é , sera contrainte
de d i s p a r a î t r e : l a force des choses l e commande.
Notons au passage que dans son rapport, Talleyrand attache la plus grande
importance au perfectionnement de la langue (au sens très "académique"
de la philosophie du XVIIle siècle), ce qui n'est pas sans rappeler la
manière dont Grégoire traitera ce problème dans son rapport de prairial
an II. Ce sont d'autres qui, en automne 1791, s'emploient à la "régénération"
- 347 -
A cette différence il vient s'en ajouter d'autres q u i , comme l ' a fait re
marquer Trabant, constituent autant d'aspects primordiaux du discours lin
guistique j a c o b i n 3 3 : d'une part le discours jacobin de la langue se f a i t
nettement nationaliste chez Barère; d'autre part, c'est ce même Barère
qui insite sur le problème des barrières sociolinguistiques qui divisent
la Nation, f a i t sur lequel je reviendrai ultérieurement.
Barère recourt dans son rapport à des formules qui rappellent celles de
Domergue:
(...) ignorent s'il existe encore des lois nouvelles" renvoient au rapport
de Billaud-Varenne37:
Annexe
[No 216
Affiches de la Commune de Paris
Séance du 23 pluviôse, l'an 2me de la Republique Française, une et indiv.
Extrait du registre des délibérations du Conseil-général, le 23 pluviôse.]
Citoyens,
L'étude de la langue nationale est devenue un besoin pour tous les citoyens,
parce que tous les citoyens sont appelés par les droits de l'homme et par
la constitution à des emplois où il faut parler et écrire. Sous l'ancien
régime, on voyait quelques hommes, après avoir appris le français avec
du latin, vexateurs en surplis ou en robe de la foule illettrée, troubler
les consciences par l'erreur, ou dévorer les fortunes par la fraude.
Aujourd'hui que tous les emplois sont avoués par la raison, fondés sur la
justice; aujourd'hui que l'ouvrier, que l'agriculteur, que tous les citoyens
doivent surveiller les autorités dans les Sociétés populaires (leurs assem
blées), qu'ils peuvent être préposés à l'exécution des lois dans les adminis
trations, à leur confection dans la représentation nationale, pouvant tous
marcher au même but, ils doivent avoir les mêmes moyens pour atteindre.
- 357 -
Cette partie est piquante par la curiosité, agréable par la variété [instruc
tive par la variété], instructive sans appareil; et forçant à remonter
à des principes inconnus, à tracer des règles nouvelles, enrichit de morceaux
précieux l'édifice de la grammaire.
grands écrivains et les beautés dont ils ont enrichi la langue. Jean-Jacques,
Voltaire, Buffon, <Racine>, nos plus beaux génies comparaîtront devant
nos lecteurs, qui leur pardonneront quelques 'fautes /taches/ effacées
par tout l'éclat du talent. Mes remarques seront respectueuses, par égard
pour les grands hommes; rainsonnées, pour être plus utiles; également éloi
gnées et du ton de l'école, et de celui des académies, pour <n'être^ ni
sèches, ni fausses.
Le prix de l'abonnement est pour Paris de 25 liv., et pour les autres com
munes, de 27 liv. 10 en un seul paiement.
S'adresser tant pour le prix des souscriptions que pour l'envoi des livres,
des pièces, des questions, à Urbain Domergue, au Muséum, pavillon de la
Conciergerie à Paris.
Notes
5 Balibar/Laporte 1974:101.
6 Barère 1794b.
8 Renzi 1981:16.
12 HLF IX, 1.
14 Talleyrand 1791.
20 La s c o l a r i t é o b l i g a t o i r e se f e r a attendre presque un s i è c l e .
22 Pour l ' é v a l u a t i o n de l ' é c r i t chez les idéologues cf. les articles de B r i g i t t e Schlieben-
Lange e t de Jean-Louis Labarrière dans ce volume.
23 Talleyrand 1791.
24 Mirabeau 1791.
26 Guillaume 1:507-16, P r o j e t de d é c r e t .
28 Condorcet 1792.
29 Lanthenas 1792.
32 Texte du décret d é f i n i t i f : Archives pari esentai res, 1ère s é r i e , t . 81, Paris 1913:705.
37 A.P. t . 81:453.
40 Guiomar 1974:147.
41 Pour l'évolution de terme "étranger" cf. Robespierre 1793 c-h et 1974 a-d.
42 Robespierre 1974b:344.
43 Robespierre 1794c:349.
44 Robespierre 1793a.
47 Robespierre 1794e:433.
50 Cf. les a r t i c l e s de Fr. Dougnac et J. Guilhaumou dans ce volume, Dougnac 1981 et Busse
1981.
51 Ce sont bien "questa necessità e questa consapevolezza che sembrano essere state presenti
Aelle Rivoluzione e fare la peculiarità della cosi detta politica linguistica giacobina"
comme l e consta'te Sebastiano Vecchio à la suite de Gramsci (Vecchio 1982:41-42). Ce constat,
- 367 -
tout en étant juste, a néanmoins le défaut d'être trop général: la "necessità" et la "consa-
pevolezza" portent sur des objectifs précis qui cependant varient selon les auteurs.
Bibliographie
Dans son dernier cahier de prison, Gramsci esquissait une étude sur Langue
nationale et grammaire postulant trois types de grammaire: la grammaire
spontanée ou immanente, qui f a i t que tout homme parle suivant la grammaire
sans le savoir; la grammaire normative, qui v i t dans le contrôle réciproque,
dans la censure réciproque; et enfin la grammaire normative écrite, qui
tend "ad abbracciare tutto un t e r r i t o r i o nazionale e tutto il 'volume
linguistico' per creare un conformismo linguistico nazionale unitario"
(Gramsci 1975:2343). La grammaire normative écrite présuppose un Etat.
Or, pendant la Révolution, le champ sémantique du nexe peuple-nation s'élar
git jusqu'à incorporer l'élément é t a t i q u e . 1 De ce point de vue, "la gram
matica normativa scritta è quindi sempre una ' s c e l t a ' , un i n d i r i z z o cul
turale, è cioè sempre un atto di politica culturale-nazionale" (Gramsci
1975:2344). Et de t e l l e nature é t a i t le choix que f i r e n t les Conventionnels
en l'an I I , en prévoyant parmi les manuels scolaires de l'école primaire
non seulement des "méthodes pour apprendre à l i r e et à é c r i r e " , mais aussi
des "notions de grammaire française". 2
Citoyens l é g i s l a t e u r s .
Toutes les décades j ' a y l e p l a i s i r d'entendre dans l a Commune de Brutus l e s e n f a n t s , garçons
e t f i l l e s , depuis l ' â g e de cinq ans jusqu'à douze e t quinze, r é c i t e r avec une grande f a c i l i t é
de mémoire l e s D r o i t s de l'homme e t du c i t o y e n , mais j e me suis convaincu avec chagrin par
les questions que j ' a y f a i t e s aux plus âgés, q u ' i l s n'entendent nullement l a s i g n i f i c a t i o n
des mots qui y sont employés: j ' a y f a i t des reproches f r a t e r n e l s à p l u s i e u r s de l e u r s pères
de ce q u ' i l s ne se donnent pas l a peine de l e s l e u r e x p l i q u e r : i l s m'ont répondu q u ' i l s n ' y
entendaient pas plus que l e u r s e n f a n t s , q u ' i l s auraient besoin eux-mêmes qu'on les l e u r e x p l i
quât.5
Une grammaire à la portée des gens de la campagne: c'est le souci d'un sans-
culotte qui a "malheureusement f a i t l'expérience de n'avoir point été ins
t r u i t " 1 2 et a appris à écrire à l'âge de trente ans. I l adresse à la Conven
tion une "métode sur les premiers principes de la grammaire", d'une page
et demie, dont le but est d'"abreger le tems qu'on emploie pour l'éducation
des enfans". 1 3 L'intérêt de cette pièce, qui d ' a i l l e u r s n'est pas unique
en son genre, réside moins dans son contenu que dans son existence même:
e l l e montre, pour ainsi d i r e , l'engouement grammatical, non seulement lin
guistique, de ces années. I l n'est pas un hazard si ce même Ratei est aussi
l'auteur d'une méthode d ' é c r i t u r e , suivant le principe q u ' " i l suffira tou
jours à quelqu'uns d'avoir eu un commencement de lecture pour q u ' i l leur
reste dans le coeur un certain désir de s a v o i r " ; 1 4 c'est que la langue
écrite est le signe le plus évident de l ' u n i t é de la Nation et de l ' é g a l i t é
entre les membres du Souverain, plus important à cet égard que l'uniformité
orale; c'est que la langue nationale est celle que parle la Nation en tant
que t e l l e : la langue des l o i s , donc la langue é c r i t e .
Bier sûr, le rapport à la Nation et même à la Patrie n'est pas une nouveauté
de la Révolution; 1 5 ce qui est nouveau, c'est considérer l'étude de la
grammaire comme un acte civique et une a f f a i r e d'égalité: "-Un citoyen
doit-il savoir la grammaire? -Oui: cette science (...) est devenue plus
nécessaire que jamais, depuis que l ' é g a l i t é appelle tous les citoyens à
remplir les fonctions publiques ( . . . ) -Pourquoi la connaissance de la gram
maire e s t - e l l e nécessaire aux citoyens? -Parce que celui qui ne sait pas
exprimer clairement ses idées, se trouve souvent f o r t embarassé". 16 II
17
ne s ' a g i t pas que de s'exprimer; il faut comprendre, i l faut lire. La
question de l ' é c r i t u r e ne se réduit pas à l'apprentissage gestuel comme
chez Ratei; e l l e est liée à l'arbitraire du système graphique et à son
écart par rapport à la langue parlée.
Citoyens représentants.
Vous avez senti que tous l e s f r a n ç o i s ne formeroient une même f a m i l l e , qu'en p a r l a n t une même
langue, e t vous avez p r i s des mesures, pour f a i r e d i s p a r o î t r e c e t t e m u l t i t u d e de d i a l e c t e s ,
qui rendoient une p a r t i e de l a république étrangère à l ' a u t r e .
J ' a i crû seconder vos vues en p u b l i a n t , à l'usage des Ecoles Nationales, une f e u i l l e p é r i o d i q u e ,
où les p r i n c i p e s de l ' i d i ô m e de l a l i b e r t é fûssent dégagés de l a r o u i l l e gothique, qui l e s
r e n d o i t méconnoissables, e t où l ' a r t de p a r l e r ne f û t p o i n t d i s t i n g u é de l ' a r t de penser. 2 6
Cosa ridicola che in un paese privo affatto di unità, e dove nessuna città, nessuna provincia
sovrasta a l l ' a l t r a , si voglia introdurre questa tirannia nella lingua, la quale essenzialmente
non può sussistere senza la tirannia della società, di cui l ' I t a l i a manca affatto. ( . . . ) E
che si voglia imporre ad un paese privo non solo di vasta capitale, non solo di capitale
qualunque, e quindi di società una e conforme, e d'ogni norma e modello di essa, ma privo
affatto di società, una soggezione (in fatto di lingua ch'è l'immagine di ogni cosa umana)
più scrupolosa di quella stessa che una vastissima capitale, un deciso centro ed immagine
e modello e tipo di tutta la nazione, ed una strettissima e uniformissima società, impone
alla lingua e letteratura francese. (Leopardi 1976, 11:550)
linguistique italien.
Galiani est critiqué parce qu'il est trop peu dialectal; on refuse notamment
la distinction entre dialecte illustre, auquel s'intéresse Galiani, et
dialecte populaire, qu'il méprise mais qui pour ses adversaires est le
31
vrai et unique napolitain.
Il est hors de doute que les essais d'utilisation des dialectes comme instru
ment de travail politique et d'éducation sociale témoignent d'"una sensibili
tà non indifferente alla concreta situazione linguistico-culturale delle mas
se popolari" (Gensini 1983:199); ils se situent néanmoins à un niveau pour
ainsi dire pré-grammatical. Même dans le cas le plus connu, où il y a
le plus d'acharnement à propos des problèmes de langage, celui de Naples,
la production dialectale jacobine est plus importante comme ensemble de
textes autonomes que comme expérience interlinguistique: 35 est-il un hazard
qu'il n'y ait pas une traduction d'un document officiel quelconque? Pour
les révolutionnaires il s'agit d'abord de combler le creux entre ces "deux
peuples" dont parle Cuoco. Avant d'être une question de langues en contact,
c'est donc une question de consensus. C'est pourquoi en général la propagande
- 382 -
Annexes
annexe A
(A.N. F 1 7 1008 B , 1499; inventoriée comme Observations sur les principes de l a grama i re)
Citoyens Représentans.
Je soumet a votre examen une métode sur l e s premiers p r i n c i p e s de l a grammaire, vous en
f e r é s l'usage qui conviendra. I l f a u t nécessairement abréger l e tems qu'on emploie pour
l ' é d u c a t i o n des enfans. Huit à d i x ans pour apprendre une langue morte, l e u r donne de l ' i n
d i f f é r e n c e pour l e t r a v a i l pour ne pas d i r e du dégoût. Voici l a métode en attendant qu'on
en donne une plus commode. La langue françoise n'a p o i n t de cas, des a r t i c l e s en tiennent
l i e u . 1. j e f a i s apprendre par coeur les verbes. 2. dès qu'un é c o l i e r peut l e s é c r i r e l i s i
blement, j e l u i en f a i s conjuguer. 2. l o r s q u ' i l s a i t les conjuguer, j e l u i f a i s a j o u t e r
un s u b s t a n t i f , s i n g u l i e r ou p l u r i e l (à sa volonté) à chaque personne. 4. a l a f i n de chaque
s u b s t a n t i f , j e l u i f a i s a j o u t e r un a d j e c t i f . 5. après chaque a d j e c t i f , j e l u i f a i s a j o u t e r
une p r é p o s i t i o n , s u i v i e d'un autre s u b s t a n t i f . Maniere de poser l e d e v o i r . Le verbe donné
dans tous ses tems, s u i v i d'un s u b s t a n t i f avec son a d j e c t i f , d'une p r é p o s i t i o n et d'un autre
s u b s t a n t i f . Je donne à l ' é c o l i e r un tableau ou sont é c r i t s l e s d i f f e r e n s pronoms, l e s prépo
s i t i o n s , l e s conjonctions et l e s i n t e r j e c t i o n s ; quant aux s u b s t a n t i f s , a d j e c t i f s , verbes
et adverbes dont l e nombre est immense, j e l u i en f a i s copier un c e r t a i n nombre qui l u i
s e r t aussi de t a b l e a u ; l ' é c o l i e r l e s p a r c o u r t , e t c h o i s i t l e s mots q u ' i l c r o i t mieux convenir
pour former un sens complet; et commence a i n s i son d e v o i r : j e donne l e manteau rouge avec
l e s b o t t e s , tu donnes les f r u i t s verds avant l e potage, i l donne l a brebis tondue suivant
l a convention; nous donnons l e s l a p i n s g r i s excepté l e gros, vous donnez l e couteau éguisé
avec l a gaine, i l s donne l e dessert complet pendant l e bal &c. Ainsi a mesure q u ' i l devient
j e l u i v a r i e ses phrases en l u i f a i s a n t comprendre q u ' e l l e s doivent toujours un sens complet.
Quand i l ne met pas l e s mots qui conviennent j e l u i en f a i s s e n t i r l e r u d i c u l e , ce qui est
f a c i l e a l u i f a i r e concevoir, attendu que c ' e s t l a langue q u ' i l parle j o u r n e l l e m e n t ; j ' a i
l ' a t t e n t i o n de l u i expliquer qu'un s u b s t a n t i f est l e nom qu'on donne à t o u t ce qui se nomme,
e t que l ' a d j e c t i f est l a q u a l i t é bonne ou mauvaise, l a forme ou l a couleur &c qu'on donne
a l a chose nommé; j e l u i explique aussi l e s verbes qui veulent ê t r e s u i v i s de pronoms, de
p r é p o s i t i o n s &c. Cette métode qui n'a pas 'le pernicieux inconvenient d ' i n t e r d i r e à un enfant
t o u t espèce de p e t i s services q u ' i l peut rendre a ses parens, parce que comprenant ce q u ' i l
f a i t , i l l u i f a u t peu de tems pour f a i r e son d e v o i r , l e met b i e n t ô t en é t a t d ' é t u d i e r l e s
si enees qu'on veut l u i f a i r e apprendre; et s ' i l en reste l à : comme l e s termes de l a grammaire
l u i sont f a m i l i e r s , i l a au moins l'avantage de savoir assez bien sa langue pour l i r e l e s
l i v r e s qui doivent l ' i n s t r u i r e . Vous concevez que pour se s e r v i r utilement de c e t t e métode,
i l f a u t absolument un d i c t i o n n a i r e en forme de grammaire, ou tous l e s mots s u b s t a n t i f s seront
placés par ordre alphabétique; l e s a d j e c t i f s , verbes et adverbes seront placés de même aussi
séparément. Quant aux pronoms, p r é p o s i t i o n s , c o n j o n c t i o n s , a r t i c l e s e t p a r t i c u l e s , on en
f e r a un tableau au commencement du l i v r e avec l e s e x p l i c a t i o n s qui conviennent; a f i n que
l ' é c o l i e r trouve au premier coup d ' o e i l , l e s mots indiqués sur son devoir pour composer
ses phrases. ( . . . )
- 384 -
annexe
(A.N., F1711648)
Egalité Liberté
La parole et l'écriture, considérées dans leurs premiers élémens, ou Le mecanisme de la
langue françoise, avec un nouveau sistème alphabétique et quelques observations sur l e s
stérétiques.
P h i l i p p e , homme de l e t t r e s , e t B i a i s e , i n s t i t u t e u r à l a campagne.
dialogue.
Philippe entre chez B i a i s e .
annexe 1
annexe 2
( A . N . , F 1 7 11648)
Au moment ou nous sommes de devenir l ' o r g a n e de tous l e s peuples; au moment ou notre langue
va l e u r ê t r e commun aussi bien que nos l o i x , i l est a propos de mettre notre langage a l e u r
portée e t de l e purger de toutes l e s entraves qui é l o i g n a i e n t un chacun d'en apprendre l e s
principes.
- 387 -
Tout l e monde s a i t que l e s dénominations de france e t de f r a n ç a i s nous ont été données par
ces peuples barbares, q u i , s o r t i s en majeure p a r t i e de l a f r a n c o n i e , s'emparerent d'abord
de l a cidevant province de f r a n c e - î l e , e t par laps de tems, de t o u t l e t e r r i t o i r e de n o t r e
republique, e t nous imposa l e joug que nous avons sécoué. Puisque, non seulement l e s descendents
de ces barbares, mais encore ceux qui en avaient acquis ou acheté l e s p r é r o g a t i v e s , sont
chassés de notre république; j e pense q u ' i l f a u d r a i t en a b o l i r entièrement l a memoire, en
ne p o r t a n t plus l e s dénominations qui nous viennent d'eux, e t en l e u r en s u b s t i t u a n t d ' a u t r e s
plus analogues a l a l i b e r t é e t l a l ' é g a l i t é . Je proposerais donc de remplacer l e mot de
f r a n c e , par c e l u i de l i b r é g a l e , e t f r a n ç a i s par l i b r é g a l .
Comme l e mot de paisan s e r t a désigner l ' h a b i t a n t d'un pays quelconque, j e pense q u ' i l s e r o i t
bon de l'employer pour p a r l e r en général a quelque personne que ce f u t ; car l e mot de c i t o i e n
n ' é t a i t appliqué anciennement qu'a ceux qui demeuraient dans e t auprès des c i t é s , et qui
é t a i e n t chargés de l e s garder et de l e s défendre. Dans l a s u i t e f u r e n t appellés c i t o i e n s ,
tous ceux qui é t a i e n t armés pour deffendre l a chose commune. C'est a l a convention a décider
si ce seront ceux-la seuls qui seron . mmés c i t o i e n s .
annexe D
( A . N . , F 1 7 11648)
Le C i t o i e n Gargas, surnomé l e P a t r i o t e f r a n s é .
Au C i t ó i e n Prezidan du Comité d ' i n s t r u c t i o n p u b l i q e , a P a r i s .
Citóien.
Pour l a g l o i r e e l a f e l i c i t é de l a Republiqe, j e te p r i e d'onorer de ton a t a n t i on l e s d i x
h u i t a r t i c l e s ci aprez, e de f e r e t o u t ce qe tu pourras, a f e i n q ' i l s soient c o n v e r t i s an
décret par l a convansion nasionale, e mis an uzage, l e p l u t o t p o s s i b l e , dans toute l a Republiqe;
t e l s qi sont, ou aprez qe tu auras p r i s l a péne d ' i a j o u t e r ou r e t r a n c h e r , t o u t ce qe tu
jugeras u t i l e pour les randre p a r f a i t s s ' i l s ne l e sont pas.
A r t i c l e premier.
L'ansegneman de l a Gramere franseze sera l i b r e . I l sera f a i t publiqeman. Chaqe i n s t i t u t e u r
e i n s t i t u t r i c e t i e n d r a dans son e c o l e , deux sieges vacans pour l e s deux premiers venus etrangers
qi voudron a s s i s t e r a chaqe seánce; ces deux e t r a n g e r s , seron obligez a r e z t e r tranques
e a garder l e s i l a n c e , ou a s o r t i r de l'ecole.
2.
Tous l e s C i t ó i e n s , e c i t ó i e n e s , qi voudron uzer de l a l i b e r t é d'ensegner l a Gramaire f r a n ç a i s e ,
seron designez sous l e nom d ' i n s t i t u t e u r e d ' i n s t i t u t r i c e ; i l s seron obligez de l e d e c l a r e r
au p u b l i c , par un manifeste, conforme a l ' a r t i c l e 3, ci aprez (an chanjan les noms de l ' i n s t i t u
t e u r , de l a maison, e de l a Rúe) p u b l i é a son de trompe, une f o i s , pour l e moins, e de plus
t a n t qe l ' i n s t i t u t e u r voudra, dans tous l e s endrois acoutumez de l a comune; e a f i c h é perpetuéle-
man au dessus de l a porte de l e u r ecole pandan l e j o u r .
3.
Le C i t ó i e n André done avis au p u b l i c , q ' i l t i e n t ecole de Gramere franséze dans l a mezon
du S i t ó i e n p i e r r e , Rúe f r a n s é , pandant s i x heures de chaqe j o u r ; s a v o i r , une séance depuis
h u i t eures du matein jusqe a onze; e une o t r e , depuis une jusqe a qatre heures du s o i r ,
excepté l e s j o u r s de decade e de demi decade, c ' e s t a d i r e , l e 5, l e 10, l e 15, l e 20, l e
25 e l e 30 de chaqe mois; l e s q e l s seron j o u r s de vacance pour l e maitre e pour l e s é c o l i e r s .
4.
Tous l e s garçons e f i l l e s , qi oron a t e i n t lage de six ans, e qi ne seron pas ancore antrez
dans c e l u i de d i x , seron dezignez sous l e nom d'eleves nationoz, qand meme i l s ne p o u r r o i e n t
jamais a l e r a l ' e c o l e de Gramaire, parce qe l a nation peiera pour tous ceux d u d i t age, qi
pourron i a l e r . Leurs parans e t u t e u r s seron obligez de l e s i envoi er sous pene d ' e t r e estimez
enemis de l a p a t r i e , sauf q ' i l s e i e n t des escuses l e g i t i m e s pour ne pas l e s i envóier. ( . . . )
8.
Chaqe i n s t i t u t e u r , e i n s t i t u t r i c e , seron obligez de p a r l e r t o u j o u r an langue f r a n ç a i s e ,
excepté pour expliquer an p a t o i s du peis a l e u r s eleves, l e s paroles qi ne comprandron pas
an f r a n s e . Tous l e s c i t ó i e n s e c i t ó i e n e s , preincipaleman les peres e meres de f a m i l l e , l e s
- 389 -
9.
Chaqe i n s t i t u t e u r , e i n s t i t u t r i c e , a chaqe seánse, sera o b l i g é de doner deux leçons de l e c t u r e ,
e une d ' e q r i t u r e , a chacun d e s d i t s eleves nationaux. Chaqe i n s t i t u t e u r e i n s t i t u t r i c e , qi
ne donera pas ces t r o i s d i f e r e n t e s leçons a chaqe seánce, ne recevra p o i n t de peie de l a
r e p u b l i q e . L'un e l ' a u t r e ne seron p o i n t obligez de l e u r doner aucune leçon d ' a r i m e t i q e ,
mais s ' i l s l e u r an donent, cela l e u r t i e n d r a l i e u de l a leçon d ' e c r i t u r e ; e i l s en seron
plus estimables. Une des deux leçons de l e c t u r e , l e u r sera donée dans l e u r e c r i t u r e a chaqe
seánse. ( . . . )
- 390 -
Notes
14 V. la note 12. "Voilà donc l'avantage qu'auront dans la suite tous les citoyens, d'avoir
eu au moins, un commencement de lecture. L'idée d'apprendre à 25 ou 30 ans ne viendra
jamais à celui qui n'a jamais connu l'alphabet, ou, cette idée ne se présenteroit à
son esprit que comme une chose impossible; l ' e s p r i t du républicanisme qui s'accroît
chaque jour, ne manquera pas de faire naître à tout âge, l'amour de l'étude".
16 Principes de grammaire française, mis à la portée de la jeunesse, par Chemin, 7éme éd.,
Paris, Bureau du Courier de la l i b r a i r i e , an VI (B.N., X. 12562), pp. 5-6.
17 V. L'ami des jeunes patriotes, ou Catéchisme républicain, par Chemin f i l s , Paris, l ' a u t e u r ,
an II (B.N., 8° Lb 41 3841), p. I I : "Qu'il est heureux celui qui s a i t l i r e ! Il n'a besoin
de personne pour apprendre les l o i s de son pays. Il les étudie lui-même, et en devient
meilleur citoyen".
19 Les nombreuses attaques contre les "nuanceries" dans la prononciation ne sont pas seulement
des boutades polémiques: à cette époque Barietti Saint-Paul comptait dans la langue
française 87 diphtongues, 73 nasales, 124 voyelles composées et 117 consonnes composées.
V. Aux Citoyens administrateurs du département de Paris, sur une mesure à prendre avant
de s'occuper de la rédaction des nouveaux livres élémentaires, Chartres, Lacombe, 1793;
B.N., Rp. 3858.
22 Projet de decret, tandan a porter la Gramai re françoise (...) a son plus haut point de
grandeur, A.N., F 1 7 11648; 28 floréal an I I . V. annexe D.
23 Dictionnaire national et anecdotique, pour servir à l'intelligence des mots dont notre
langue s'est enrichie depuis la Révolution, et à la nouvelle signification qu'ont reçue
quelques anciens mots, Politicopolis, 1790; B.N. Lb39 3275, et X. 27683.
24 Manuel des instituteurs, Essai didactique, dans lequel on indique l'espèce de Livres
Elémentaires qui conviennent à nos nouvelles Ecoles, la manière de l e s faire, et l e s
moyens d'en tirer le plus grand fruit, Paris, Desenne, Bailly et Briand, an I I I , p. 31;
A.N., AD VIII, 25; on en trouve aussi deux exemplaires à la B.N. Le manuscrit avait
- 392 -
25 Cours de langue française, à l'usage des écoles nationales. Ouvrage périodique par une
Société de Gens de Lettres; B.N., X. 33854. Pour l ' a t t r i b u t i o n e t l a d a t a t i o n v. l a
note suivante. La devise est l a fameuse a f f i r m a t i o n de Grégoire: " L ' u n i t é de l a République
commande l ' u n i t é d ' i d i o m e " . I l e x i s t e seulement l e s t r o i s premiers numéros.
27 Parmi de nombreux ouvrages, De Mauro 1972 e t Gensini 1982 se signalent par l e u r attention
constante à cet aspect.
29 On ne peut pas donc a f f i r m e r q u ' i l y a en Italie "la stessa opposizione che abbiamo
v i s t o anche i n Francia" (Renzi 1981:142).
30 Les arguments de P a r i n i ressemblent à ceux que répétera Porta en 1816 dans ses sonnets
contre Giordani (Porta 1964:354-388).
35 Tous ces textes ont été recueillis et présentés par Scafoglio 1981. V. aussi Sgrilli
1979 e t Rak 1984.
36 " I l mutamento di codice non può r i s o l v e r s i i n una traduzione, implica innanzi tutto
l'impossibilità di s e r v i r s i del codice r e t o r i c o già c o s t r u i t o p r e v i s t o d a l l a lingua
i n cui si è elaborata l a c u l t u r a del gruppo d i r i g e n t e ( . . . ) , e l'adozione d i un codice
r e t o r i c o adeguato a l l a seconda l i n g u a " ( S g r i l l i 1979:242-243).
- 393 -
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Index
Aarsleff Barthélémy
73, 91, 92, 93, 94 181
l'Académie Baum
279, 280, 282 14
Adelung Bayle
273 60
Amadou Beaulieu
58 337
Andresen Beauzée
199 15, 107, 200, 211, 212, 259,
Andrieux 260, 261, 263, 264, 265, 266,
281 267, 274, 380
Beccaria
Angenot 221
94
Ballemin-Noël
Arbogast 49
390
Benfey
Ari s tote 119, 121
15, 86, 87, 167
Benveniste
Arnauld 51
265, 266, 275
Berger
Auroux 301
XV, 108, 125, 179, 200, 262,
264, 276 Berthol on
299
Bachelard
120, 130 Besançon
375
Bacon
28, 208 Bescherelle
215
Baczko
179 Bianchi
220, 230
Baeri
154 Blondin
390
Balibar
272 Bocalosi
392
Ballie
61 Boeckh
112
Balzac
49, 107 Boehme
50, 54, 56, 57
Bancal
153 Boerhave
125
Barère
156, 157, 268, 269, 276, 377 Boiste
270
Barletti Saint Paul
391 Bonald
Barny 38, 51
323 Boniface
301, 307
- 396 -
Caramanico
112, 117, 128, 129, 274, 288 246, 252
Borsche Carroll
93 262
Bouquier Cassirer
390 58, 93
Branca Cattaneo
XV, 15, 16, 106, 107, 125, 219, 220, 226
179, 267
Caussat
Branda 93
380
Cesarotti
Brissot 232, 236
334, 337
Chamfort
Brosses 280, 281
108, 189, 190, 193, 262
Championnet
Bruneau 225
268
Champol li on
Brunot 181
274, 325
Chantreau
Brutus 378
225
Charron
Bühler 60
70
Chartier
Buffier 202
200, 261, 263
Chateaubriand
Buffon 5, 14, 128
125
Chemin
Busse 390, 391
XV, 3, 199, 270
Chênier
Butet 12
16, 199, 267, 281, 289, 290,
307 Chervel
107, 378
Cabanis
5, 8, 10, 11, 12, 16, 32, 33, Chevalier
35, 38, 73, 104, 106, 123, 125, XIV, 99, 103, 106, 107, 109,
150, 152, 153, 156, 159, 160, 111, 112, 125
194, 265 Chomsky
Cambry 6
14 Chouillet
Canguilhem 58
97, 120, 131 Condill
Cantimori 10, 14, 16, 19, 20, 21, 23, 24,
392 25, 26, 27, 28, 30, 31, 32, 34,
35, 36, 37, 38, 39, 45, 49, 60,
Caracciolo 61, 62, 63, 73, 74, 75, 76, 78,
240, 241, 242, 243, 246, 247, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86,
254 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94,
97, 99, 101, 102, 105, 107,
- 397 ■
Diderot Fichte
53, 126, 147, 163, 190, 202, 91, 93
275 Filangieri
Di Giovanni 219
247, 248 Flaubert
d'Olivier 198
200 Flavigny
Domergue 390
104, 158, 182, 199, 270, 271, Fodor
272, 276, 279, 280, 286, 287,
272, 275
288, 289, 290, 291, 292, 299,
301, 303, 304, 305, 307, 325, Formigari
333, 334, 338, 377 272, 390, 392
Dougnac Formey
"XV, 106, 267, 271, 276 36
Droixhe Foscolo
106, 108, 126, 127, 130, 254 219
Droz Foucault
160, 161 5, 6, 58, 100, 108, 110, 115,
117, 118, 129
Duchet
199 Franck
Duclos 8, 12, 13
200 Framery
153, 154
Dumarsais
107, 233, 264, 265 Franklin
10
Dupont
301 Frêret
Dusquesnoy 181, 193
323, 330, 331 Frey
272
Eichhorn
112 Friedrich
58
Encrevé
380 Funke
Engelsing 60, 61, 64, 67
202 Furet
Eschbach 125, 202
II, 200 Galdi
392
Fariau
304 Galiani
381, 392
Fêraud
279 Garat
Ferdinand 10, 12, 13, 19, 22, 29, 45, 46,
247, 252 47, 49, 50, 53, 54, 55, 56, 57,
73, 148, 152, 154, 163, 268,
Ferrari 287, 288
227, 230
Gargas
Feydel 377, 378, 388
281, 283, 284
- 399 -
Gassendi Grimm
60 112, 117, 202
Gauger Gröber
108, 112, 114, 128 127
Gaultier Groethuysen
14 267
Gébelin Guilhaumou
384 XV, 272
Gence Guillaume
281 390, 392
Genovesi Gusdorf
237, 238, 239, 254 3, 13, 102, 103, 110, 111,
Gensini 124, 126, 163
381, 392 Guy
103
Gessinger
272, 273 Gyarmathi
112
Gentile
247 Hagêge
Giarizzo 272, 275
243, 254 Hamann
74
Ginguené
10, 12, 73, 194 Harris
Gioannetti 45, 46, 47, 48
392 Hassler
Gioberti 110, 124
220 Hegel
Gioia 3, 68, 130, 169
219, 221, 222, 227, 228, 230 Heintel
93
Giordani
392 Helvétius
31, 73
Gipper
73, 91, 93 Henri
Girard 274, 275
263, 264, 267 Henschel
83
Görres
112 Herder
Goody 54, 74, 79, 91, 92, 93, 94,
199 111, 112, 113, 117, 119,
123, 130
Gramsci
Hervás
373, 379 112
Grassi Higonnet
236 390
Grégoire Hippocrate
104, 124, 157, 158, 181, 232, 167
254, 264, 265, 268, 269, 270,
275, 374, 380, 390, 391, 392
- 400 -
Hobbes Knight
32 122
Horace Koselleck
263 115
Horde Kraus
14, 103, 104, 105, 107,108, 112
124, 125, 179, 199, 276, 373,
390 Krauss
98, 127
Hourwitz
181 Kuhn
131
HüItenschtïridt
276 Labarrière
XIV, 188
Humboldt
54, 73, 75, 76, 79, 8 0 ,82, La Fayette
86, 87, 88, 89, 90, 9 1 ,92, 15
93, 94, 112, 113, 114,118, La Harpe
130, 200 148, 154, 156,160, 161, 163
Intieri Lakanal
238 149, 150, 152,160,. 161, 167,
Isidore 178, 390
232 Lamarck
Jacquemont 39
73 Lancei in
Jacques-Chaquin 16, 182, 185,186, 196, 199
XII Land
Jäger 61
94 Lanzi
Jamin 123
103 Laporte
Jauffret 272
182 Laromiguiêre
Jones 12, 60, 73
112 Laveaux
Joubert 282
51 Lavoisier
Jouffroy 199, 286
61 Lêau
Kamper 199
93 Le Breton
Kant 14, 73
74, 75, 76, 78, 79, 8 7 ,88, Ledere
93, 111, 200, 259 153
Kennedy Le Guern-Forel
102 200
Kirchberaer Leibniz
58 126, 181, 188,190
- 401 -
Michaelis Pastelot
232, 233, 234, 235, 236, 244, 301
254
Payne
Mirabeau 337
280
Peirce
Moser 68, 70, 71, 200
112
Penni s i
Mongin 254
199
Perrier
Monna is 301, 307
45
Picavet
Monreal-Wickert 3, 4
108, 121, 126
Pinei
Montaigne 16
60
Pinglin
Montelatici 378, 392
238
Platon
Moravia 118
XI, 13, 103, 123, 199
Pomponius Marcel lus
Morel let 264, 269, 275
268, 280, 281, 283, 284, 285,
288, 292 Porset
XII, 93, 179
Mornet
4 Porta
392
Müller-Vollmer
93 Port-Royal
32, 84
Murat
226, 230 Pougens
287
Napoléon
12, 15, 225 Prévost
29
NaviIle
59 Proust
198
Niebuhr
112 Prudhomme
331
Ong
199 Quemada
283
Ozouf
125, 202 Quintilien
160
Oesterreicher
XIII, 73, 91 Rak
392
Pariente
179 Ramon
301
Parini
380, 392 Ranke
111, 112
Parsons
199 Rask
112, 113
403 -
Ratel Savigny
376, 390, 391 112
Paynouard Scafoglio
276 392
Régal do Scott
13, 14, 104 128
Reid Scott de Martinville
13 307
Renda Sélis
254 281
Renzi Sermain
99, 129, 392 XIII, 202
Richelieu Sgrilli
273 392
Ricken Sicard
XII, 261, 323 14, 104, 152, 154
Ri varol Sieyès
106, 188, 269, 282, 284 ,, 293 73, 390
Robertson Sismondi
230 194, 202
Robespierre Slagle
103, 148, 224, 334, 335,, 338 93
Robin Smart
324 61
Roederer Smith
73, 337 13, 231, 254
Romagnosi Smits
219, 227, 228, 230 281
Rosmini Soave
220 219
Rothacker Socrate
112, 129 8
Roudaut Suétone
58 275
Rousseau Swiggers
50, 54, 90, 11'l, 127, 147, 80. 82, 200
163, 189, 190, 200, 202, 338 Scharf
Royer-Collard 93
12 Scherer
Sabarot 128
306, 333 Schiller
Saint-Martin 91, 93
22, 29, 45, 46,, 47, 48, 49, 50, Schlegel
51, 52, 53, 54 , 55, 56, 57, 58
112, 117, 130, 220, 288
Sajnovics
112
- 404 -
Schleiermacher Vanier
112, 130 301, 307
Schlieben-Lange Vaugelas
XIV, 199, 200, 202, 260, 390 232, 263, 265, 267, 269, 272
Schmitter Vauxelles
93 281
Staël de Vecchio
5, 194, 202 XV, 254, 262, 390
Starobinski Venturi
124 254
Stefani ni Verri
109 220
Stewart Vico
13 219, 226, 227, 230, 254
Tai ne Villabianca
37 251
Talleyrand Volney
156, 157, 158, 168, 390 10, 11, 12, 14, 16, 104, 106,
Tetens 152, 174, 177, 182, 184, 185,
47 195, 197, 199, 274
Thiébault Voltaire
104, 106, 108, 109, 124, 125, 3, 5, 99, 286
126, 127, 207, 208, 209, 210, Vovelle
211, 212, 213 335
Thomas Vuolo
287, 380 247
Thurot Warburton
10, 29, 45, 104, 194 173, 174, 175, 189
Tisserand Welcker
59, 377 112
Trabant Winkelmann
XII, 3, 199, 276 112
Turgot Wittgenstein
10, 16, 108, 126, 237 60, 90
Vairin Wolf
390 112