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Le Whisky pour les Nuls

Pour les Nuls est une marque déposée de Wiley Publishing, Inc.

For Dummies est une marque déposée de Wiley Publishing, Inc.

© Éditions First, un département d’Édi8, Paris, 2014. Publié en accord avec


Wiley Publishing, Inc.

Éditions First, un département d’Édi8


12, avenue d’Italie
75013 Paris – France
Tél. : 01 44 16 09 00
Fax : 01 44 16 09 01
Courriel : firstinfo@editionsfirst.fr
Site Internet : www.pourlesnuls.fr

ISBN : 978-2-7540-4133-1
ISBN numérique : 9782754067751
Dépôt légal : mai 2014

Direction éditoriale : Aurélie Starckmann


Coordination éditoriale : Marguerite Mignon-Quibel
Édition : Christine Cameau
Correction et index : Florence Fabre
Couverture et mise en page : KN Conception
Illustrations de parties : Marc Chalvin
Illustrations techniques : Thierry Delétraz
Production : Emmanuelle Clément
Fabrication : Antoine Paolucci

Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à


l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à
titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre est strictement
interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et
suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit
de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les
juridictions civiles ou pénales.
Sommaire
Page de titre
Page de copyright
À propos de l’auteur
Remerciements
Introduction
À propos de ce livre
Comment ce livre est organisé
Première partie : Bienvenue dans le monde du whisky
Deuxième partie : La production, un savoir-faire en huit
étapes
Troisième partie : La planète whiskies
Quatrième partie : Déguster et acheter, quand l’amateur
devient spécialiste
Cinquième partie : La partie des Dix
Les icônes utilisées dans ce livre
Par où commencer ?

Première partie - Bienvenue dans le monde du whisky

Chapitre 1 - La naissance de la distillation


Une invention pleine de mystères
Premiers éclaircissements
Alexandrie, à l’origine de l’alchimie
Distillation et… mysticisme
La Mecque ou l’influence des Arabes
Parfums enivrants
Circulez, y a rien à boire !
Chapitre 2 - L’eau-de-vie, à la source
Abulcasis et le chapiteau de l’alambic
Magister Salernus et l’eau qui brûle
Le chaînon manquant
Elle court, elle court, l’eau-de-vie
Une eau miraculeuse
Chapitre 3 - L’origine du whisky
Les premières gouttes d’aqua vitae
Un drôle de petit livre rouge
Aqua vitae ou aqua mortis ?
L’honneur des Écossais
D’aqua vitae à uisge beatha
Dissolution et distillation
Le whisky du Nouveau Monde
La distillation « maison »
Les premières licences en Irlande
Au XVII e siècle : taxes, lois et contrôles
Le droit d’accise
Premiers contrôleurs et… premiers contrebandiers
Chapitre 4 - Le XVIII e , siècle des whiskeys
L’Écosse et la Malt Tax
Les contrebandiers des Highlands
Usky… à vos souhaits, euh… à votre santé !
L’apparition des distilleries commerciales
Les deux Écosse ou les dynasties du whisky
Au placard, l’alambic domestique !
La Highland Line
Les Lowlands au bord du gouffre
Le dram, un whisky de rêve
Irlande, whisky des villes, poitin des champs
Dubliners
Poitin ou whisky de parlement ?
Dublin et au-delà
Le whisky dans tous ses états… d’Amérique
Rhum, apple-jack et… whisky
Petites récupérations et grande trouvaille
La Whisky Rebellion
Chapitre 5 - Le whisky fait sa révolution… industrielle
Whisky made in USA, recette d’un succès
Petits secrets de fabrication
Le Canada, à petits pas
Le Vieux Continent et les Temps modernes
Petits accords douaniers
Le whisky sort du bois
Une révolution planétaire
Les barons canadiens
Des abstinents aux États-Unis
Des insouciants en Irlande
Chapitre 6 - Au XX e siècle, la mondialisation
“What is whisky ?” case
1900-1950, la moitié chaos
Le whisky écossais sur tous les fronts
Whisky banzaï
Paddy surnage
La bouteille américaine sous le manteau
1950-201…, le plein essor
Le premier âge d’or
Single malt, le conquérant
Le whisky dans le loch
Les grandes fusions-acquisitions
L’épopée du whisky breizh

Deuxième partie - La production, un savoir-faire en


huit étapes

Chapitre 7 - De la céréale à la bière, toujours plus de sucre


À la ferme, la récolte des céréales
Le grain et l’ivraie
À la malterie, le sucre dans tous ses états
Le maltose, un sucre sans complexe
La ruse qui marche à tous les moûts
La germination
La malteuse à tambour
Le séchage, un petit souffle chaud
Une chaleur sachant sécher
La tourbe, un parfum de nature
La multiplication des PPM
Le maltage traditionnel
Les malteries industrielles
À la meunerie, la dissolution en moût
Le concassage traditionnel
Le concassage à marteau
Le brassage
Une petite infusion ?
La décoction allemande
L’effet pop-corn : la cuisson
À la brasserie, la fermentation en bière
Les levures, des agents très spéciaux…
L’alcool, une famille nombreuse
Chapitre 8 - De la bière au new spirit , la chimie, c’est pas sorcier
Le monde magique de la distillation
Les particules élémentaires
Le laboratoire de l’alchimiste
Tour de passe-passe et de repasse
La distillation continue
La distillation à repasse en colonne
L’alambic
Le tube à reflux
Le condenseur
Comment ça marche ?
La première distillation
La bonne chauffe
Les distillations multiples
Les autres types d’alambics
Ils fabriquent des alambics
Les arômes du distillat
Chapitre 9 - Du new spirit au whisky, un long voyage dans
le temps
Et le fût fut
La réaction en chêne
Toastés ou brûlés, les fûts ?
Métier, tonnelier
Les différents types de fût
Le bourbon barrel
Le hogshead
Le sherry butt
Le puncheon
Le quarter cask
Les barriques de vin
Les fûts régénérés
Les fûts avinés
L’enfûtage
Le Lincoln County Process
Le chai de vieillissement, temple spirituel
Les chais traditionnels
Les chais à racks
Les chais palettisés
Les différentes phases du vieillissement
On perd…
On gagne…
On échange…
Finitions et affinage
L’âge, un gage de qualité ?
Chapitre 10 - La mise en bouteilles, une mise en beauté
L’assemblage, le difficile art du mélange
Jeu et enjeux de l’assemblage
Les techniques d’assemblage
Coloration, réduction, filtration, que d’émotions !
Colorer
Diluer…
… ou ne pas diluer
Filtrer
L’embouteillage, enfin chez soi pour aller chez vous
Le flacon
L’État veille au grain

Troisième partie - La planète whiskies

Chapitre 11 - L’Europe du whisky


L’Écosse, ou la mère patrie
Les Lowlands
Campbeltown
Les Highlands
Le Speyside
Islay
Les embouteilleurs indépendants
L’Irlande
Midleton
Cooley
Kilbeggan
À suivre…
Côté Royaume-Uni
Bushmills et Echlinville en Irlande du Nord
Penderyn au pays de Galles
St. George, Hick’s & Healey et Cooper House en
Angleterre
La France, une histoire à écrire
La Bretagne
L’Alsace
La Corse
Nord-Pas-de-Calais
Haute-Normandie
Auvergne
Lorraine
Franche-Comté
Limousin
Poitou-Charentes
Midi-Pyrénées
Rhône-Alpes
Champagne-Ardenne
Les embouteilleurs indépendants
L’Europe continentale, à la recherche du temps perdu
L’Espagne
La Belgique et les Pays-Bas
L’Allemagne
La Suisse, l’Autriche et le Liechtenstein
L’Italie
Les pays scandinaves
Chapitre 12 - Les Amériques, du bourbon aux whiskeys
Aux États-Unis, le retour des pionniers
Petite explication de texte
Un secteur bouillonnant
L’alternative artisanale
Les historiques
Le Kentucky
Le Tennessee
Les challengers
Les apprentis sorciers
Le Canada, après l’hiver, le printemps
Autour de Toronto
Plus à l’est
Au centre
En Alberta
Plus à l’ouest
Les belles promesses de l’Amérique du Sud
Chapitre 13 - Un monde de whiskies
Le Japon, dans la cour des grands
Yamazaki
Yoichi
Hakushu
Miyagikyo
Fuji-Gotemba
Chichibu
Eigashima
Chita
Shinshu
Monde Shuzu
Miyashita
L’Inde, un géant en embuscade
Kasauli
Amrut
John Distilleries
Rampur
United Brewery & Spirits
Radico Khaitan
Taiwan, l’île au trésor
L’Australie et cette diablesse de Tasmanie
La Nouvelle-Zélande
Afrique, le Sud ne perd pas le nord

Quatrième partie - Déguster et acheter, quand l’amateur


devient spécialiste

Chapitre 14 - Le goûter, c’est l’adopter


Savoir apprécier un whisky, un art au service de Sa Majesté
Le choix du verre
Le service du whisky
Le whisky craint le froid…
… mais pas du tout l’eau
Que se passe-t-il lorsqu’on boit ?
Donner ses sens à l’eau-de-vie
La vue
L’odorat
Le goût
Le toucher
La roue des arômes, une révolution sensorielle
Chapitre 15 - Modes de consommation
Crèmes, liqueurs et whiskies aromatisés
Liqueurs et crèmes
Les whiskies aromatisés
Cocktails, l’autre art du mélange
Toddy & atholl brose
Le whisky soda
Les cocktails classiques
Le bourbon crusta
Le Collins
Le Manhattan
L’irish coffee
Le mint julep
Le old fashioned
Le rusty nail
Le Sazerac
Le whisky cola
Le whiskey sour
Les cocktails vieillis en fût
Le whisky en cuisine
Un ingrédient comme les autres ?
Que manger avec son whisky ?
Dîner au whisky
Haute gastronomie et whisky
Chapitre 16 - Partager, c’est (se) faire plaisir
Les mots pour le dire
Les mots pour le lire
Les concours de dégustation, pour le meilleur et pour le pire
Les Malt Maniac Awards
World Whisky Awards
International Wine & Spirit Competition
International Spirits Challenge
Artisan American Spirits Awards
Concours général agricole
Les clubs de dégustation, des occasions de se réunir
Scotch Malt Whisky Society
La confrérie de l’Ordre des taste whisky écossais
Le Clan des Grands Malts
Le club de la Maison du Whisky
Les autres clubs
Les grands événements du whisky
Avril : The Whisky Fair à Limburg (Allemagne)
Mai : Spirit of Speyside à Dufftown (Écosse)
Mai/juin : Feis Ile à Islay (Écosse)
Juin : Ardbeg Day (mondial)
Septembre : Kentucky Bourbon Festival (États-Unis)
Septembre : Le Whisky Live à Paris (France)
Novembre : Aberlour Hunting Club à Paris (France)
L’agenda du whisky, une année d’enfer
Le 25 janvier : Burn’s Supper
Le 17 mars : la Saint-Patrick
Le 27 mars : International Whisky Day
Le 31 décembre : Hogmanay
Chapitre 17 - Acheter, consommer son whisky préféré
Savoir lire une étiquette
Les mentions obligatoires
Les mentions complémentaires
Dix bouteilles pour faire salon
Collectionner le whisky
Les bonnes adresses
Les cavistes indépendants
La whisky Web
Whisky bars
Les boutiques duty free
Le tour du monde en 40 caves

Cinquième partie - La partie des Dix

Chapitre 18 - Whisky folie


Une bouteille qui vaut de l’or
La doyenne des bouteilles
Un whisky septuagénaire
Le plus fort
Le cocktail le plus chic
Le verre le plus cher
La bouteille de whisky la plus chère
La plus grande surface de chai
Le plus grand nombre de dégustations
Le plus beau bar à whiskies
Chapitre 19 - Dix idées reçues sur le whisky
La distillation, une invention asiatique
Saint Patrick, (Saint-) Père du whisky
Le whisky, une boisson d’homme
Les single malts, meilleurs que les blends
L’eau, l’élément déterminant du goût
Le whisky, un alcool fort
Le whisky, un alcool qui réchauffe
Plus il est foncé, plus il est bon
Les single malts, de loin les meilleurs
Plus c’est vieux, meilleur c’est
Chapitre 20 - Dix aphorismes maltés
Chapitre 21 - Dix futilités pour briller en société
Quatre repasses, qui dit mieux ?
Whisky ou whiskey ?
Pourquoi faire simple ?
Une mini-distillerie
La fin de la légende Jack Daniel
L’assemblage des cent
James Chivas et son whisky
L’Irlandais Aeneas Coffey
Pas facile d’être… canadien
Le trésor de Tormore
Chapitre 22 - Dix références culte
L’Étoile mystérieuse de Hergé (1942)
Whisky à Go Go d’Alexander Mackendrick (1949)
Un roi à New York de Charlie Chaplin (1957)
Les Tontons flingueurs de Georges Lautner (1963)
On ne vit que deux fois de Ian Fleming (1964)
La Cité de la peur d’Alain Berberian (1994)
L’écrivain Haruki Murakami et le whisky
La Fin des temps (1992)
Kafka sur le rivage (2005)
1084 (livre 1) (2011)
Lost in Translation de Sofia Coppola (2003)
Desperate Housewives de Marc Cherry (2004-2012)
La Part des anges de Ken Loach (2012)
Chapitre 23 - Dix chansons à boire
Whiskey in the Jar (traditionnel)
Alabama Song (Whiskey Bar) (1927)
Rye whisky (1948)
Cigarettes, whisky et petites pépés (1957)
V.I.P. (1986)
Copper Kettle (1953)
One Bourbon, One Scotch, One Beer (1953)
Mull Of Kintyre (1977)
Just Give’m Whiskey (1985)
Whisky whisky (2003)
Chapitre 24 - Dix lieux emblématiques
L’île d’Islay (Écosse)
Les alambics de Glenmorangie (Écosse)
La malterie de Balvenie (Écosse)
Hedonism (Londres)
Harry’s New York Bar (Paris)
Midleton (Irlande)
Yoichi (Japon)
The Brandy Library (New York)
Jack Daniel’s (États-Unis)
La Maison du Whisky (Paris)
Petit lexique anglais du whisky
Petit lexique français du whisky
Bibliographie
Index
À propos de l’auteur
Originaire de Bretagne, Philippe Jugé est diplômé de
sociologie et de l’École supérieure de journalisme de Paris.
Éditeur délégué de la version française de Whisky Magazine
entre 2006 et 2014, il est devenu l’un des meilleurs spécialistes
du whisky grâce à… la musique.

Alors qu’il est encore étudiant, sa première passion le conduit à


lancer le fanzine musical Magic Mushroom (1991-1994)
devenu Magic , revue pop moderne en 1995. Oasis, Jeff
Buckley, Björk, Nirvana, Radiohead, Placebo, Air, Katherine,
Phœnix, Bob Sinclar ou Daft Punk, entre autres, y feront leurs
débuts médiatiques. Toujours aussi pointu, le magazine est
encore aujourd’hui l’une des références de la presse musicale
hexagonale.

En 2001, trop vieux pour mimer les solos de ses guitar heros
préférés ou pour danser en rave jusqu’au petit matin, Philippe
Jugé quitte la presse musicale pour l’actualité économique. Son
passé le rattrape quelques années plus tard lorsque La Maison
du Whisky le recrute : fan de musique, la responsable des
ressources humaines de cette institution est encore et toujours
une fidèle lectrice de Magic ! Philippe Jugé se voit alors
confier l’édition déléguée de Whisky Magazine puis
l’organisation du salon de dégustation Whisky Live.

Le monde du whisky lui devient vite familier car il ressemble


furieusement à celui de la musique. Universal, Sony ou EMI
ont pour nom Pernod-Ricard, Moët-Hennessy Diageo ou
Bacardi-Martini, les distilleries sont adulées ou suivies par les
amateurs comme tout groupe de rock et les embouteillages sont
autant de grands classiques ou de nouveautés à ne pas rater. Il
est comme un poisson dans… l’eau.
Philippe Jugé vit à Paris avec sa femme et ses deux enfants.
Au milieu des disques et des bouteilles de whisky, un casque
sur la tête, un verre à la main.
Remerciements
À Nicholas Sikorski, pour ses nombreux conseils, ses
connaissances techniques et historiques, son invraisemblable
bibliothèque. Sans oublier son humeur massacrante et son
écossais humour.
À Cécile Fortis, si efficace.
À Dave Broom, Mario Groteklaes, Davin de Kergommeaux,
Charles MacLean, Martine Nouet, Ingvar Ronde, Walter
Schobert, Serge Valentin, Alexandre Vingtier et Neil Wilson.
Thierry Bénitah, Jean-Marc Bélier, Salvatore Mannino et tous
les collaborateurs passés et présents de La Maison du Whisky.
Sans oublier Georges B.
Damian Riley-Smith and everyone at Paragraph Publishing,
Whisky Magazine UK and Whisky Live worldwide .
Daniele Biondi, Guillaume Botté, Gaël Caté, Emmanuel Dron,
Andrew Faulkner.
Jean Donnay (distillerie Glann Ar Mor), Gilles Leizour, David
Roussier et Bernard Le Pallec (distillerie Warenghem), Guy Le
Lay (distillerie des Menhirs), Frédéric Revol et Jérémy Bricka
(Domaine des Hautes Glaces), Julie Michard (brasserie
Michard), Jean Metzger (distillerie Bertrand).
Étienne Bouillon (Belgian Owl), John Glaser (Compass Box),
Robert Hicks (Laphroaig), Nick Morgan (Diageo), Fred Noe
(Jim Beam), Richard Paterson (Whyte & MacKay).
Marguerite Mignon-Quibel, Aurélie Starckmann, Laury-Anne
Frut et Karine Bailly chez First/Édi 8.
Laurent Broc (rhum Savanna), Guillaume Drouin (calvados
Drouin), Alexandre Gabriel (cognac Ferrand), Luca Gargano
(Rhum Rhum), Pierre Szersnowicz (cognac Courvoisier)
Pierrette Trichet (cognac Rémy Martin), Christian Vergier
(rhum La Mauny / Trois Rivières).
Et
À Anne B., sans qui…
Spéciale dédicace
à M-C, R. et C.
Introduction

À propos de ce livre

« Le whisky que je préfère ?


Celui que vous allez m’offrir ! »
Charles MacLean, journaliste et historien écossais

C’ est par une pirouette que le grand spécialiste du whisky,


l’Écossais Charles MacLean, s’en tire lorsqu’on lui demande
quel est son whisky préféré. Il faut dire qu’il est bien difficile
de répondre à cette question tant l’offre est pléthorique, les
moments de dégustation nombreux et la palette aromatique très
large.

Quel est le point commun entre une grande marque de blend


écossais, un bourbon américain, un pure pot still triplement
distillé irlandais, un rye canadien, un single malt tourbé d’Islay
et un blended malt japonais ? Un seul. Tous sont des whiskies.
C’est-à-dire une eau-de-vie de céréale. Et c’est tout.

Et c’est bien là la chance du whisky. À partir d’une simple


recette de base, les variations sont infinies. Il en a un pour
chacun d’entre vous, blend, bourbon ou ou single malt, jeune
ou vieux, clair ou très foncé. Mieux, il y en a un pour chacun
des moments que vous aurez choisis pour le déguster, été ou
hiver, seul ou entre amis, sec ou allongé d’eau, en cocktail ou
en alliance gourmande, à l’apéritif ou en digestif.
Et nul besoin d’être un expert pour apprécier le whisky. Il suffit
d’en goûter peu, en nombre et en quantité. Deux centilitres
suffisent pour en apprécier toute la richesse et après en avoir
essayé moins d’une dizaine – on n’est pas obligé de le faire en
une fois – vous saurez ce que vous aimez (ou pas) et vous
saurez ce que vous buvez.

Encore plus après avoir bu/lu ce livre.

Comment ce livre est organisé

Première partie : Bienvenue dans le monde du whisky


De la découverte de l’eau-de-vie à la production du premier
whisky, cette partie retrace les grandes étapes de l’histoire de
cet élixir. Balbutiements, trouvailles ingénieuses et innovations
techniques, vous apprendrez comment est né le whisky. Irlande,
Écosse, États-Unis… vous suivrez son évolution dans chacun
des principaux pays producteurs, que ce soit au travers des
particularités techniques ou de la consommation. Une grande
épopée qui a fait du whisky ce qu’il est aujourd’hui : un
breuvage à la fois unique et protéiforme.

Deuxième partie : La production, un savoir-faire en


huit étapes
Du champ de céréale au verre de l’amateur de whisky, il n’y a
pas qu’un pas. Dans l’absolu, fabriquer du whisky, ce n’est pas
si compliqué puisqu’il ne s’agit finalement que de distiller une
bière et de faire vieillir en barrique de chêne le distillat ainsi
recueilli. Récolte des céréales, maltage, fermentation,
distillation, enfûtage, vieillissement, assemblage et enfin
embouteillage… lorsque vous aurez lu cette partie, vous aurez
un panorama des savoir-faire qui contribuent à donner toute sa
richesse au whisky.

Troisième partie : La planète whiskies


Le whisky n’a pas de terroir, autant dire que seule la recette
compte et qu’il est tout à fait possible de produire du whisky
dans n’importe quel pays du monde. Il n’y a pas un mais une
multitude de whiskies. Vous verrez que si les pays producteurs
historiques (Écosse, Irlande, États-Unis, Canada et, dans une
moindre mesure, le Japon) ont encore un avantage décisif, les
nouveaux mondes du whisky, Europe en tête mais aussi Asie et
Océanie, rattrapent leur retard à vitesse grand W. Cette partie
vous invite à un voyage autour du monde.

Quatrième partie : Déguster et acheter, quand


l’amateur devient spécialiste
Pour tout savoir sur la dégustation, reportez-vous à cette partie.
Dans les premiers chapitres, tous vos sens seront sollicités.
Vous apprécierez toute la palette aromatique du whisky, mais
aussi les nombreuses variations qu’il a inspirées : cocktails,
crèmes, liqueurs… Pour éviter de perdre la tête, cette partie
vous initiera également à la rédaction et à la lecture des
commentaires de dégustation. Vous y trouverez aussi de bonnes
adresses pour déguster votre whisky préféré, quelques trucs
pour vous constituer une cave, mais aussi une liste des grands
événements consacrés au whisky.

Cinquième partie : La partie des Dix


Que serait cet ouvrage sans l’incontournable partie des Dix !
Dans ces chapitres, vous glanerez des informations pour vous
divertir, vous faire voyager et épater vos amis : les dix endroits
mythiques du whisky, les dix idées reçues, les chiffres les plus
affolants de la planète whiskies. Vous verrez que la belle
boisson ambrée est aussi une source d’inspiration pour de
nombreux artistes, qu’ils soient écrivains, compositeurs ou
cinéastes.

Pour vous accompagnez tout au long de votre découverte, vous


pouvez compter sur deux petits lexiques indispensables à
l’amateur de whisky que vous êtes déjà, ou que vous ne
tarderez pas à devenir !

Les icônes utilisées dans ce livre

Le monde du whisky recèle de nombreuses spécificités et


curiosités. Pour les connaître, suivez l’icône !

Cette icône attire votre attention sur des faits importants et


apporte des précisions à ceux dont la curiosité reste insatiable.

Précurseurs, inventeurs, créateurs, passionnés… Découvrez


ces personnages qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire
du whisky.

Cette icône intéressera tout particulièrement les amateurs qui


souhaitent devenir des spécialistes incollables.

Par où commencer ?
Vous pouvez parcourir cet ouvrage comme bon vous semble,
selon vos envies du moment. Histoire, fabrication,
dégustation… les différents chapitres et les lexiques de fin vous
permettront, du moins nous l’espérons, d’étancher votre soif de
connaissance.
Première partie

Bienvenue dans le monde du


whisky

Dans cette partie…

L’ eau-de-vie n’est apparue que récemment dans la vie des hommes. Et


pour le whisky, il fallut attendre encore un peu plus longtemps puisque la
distillation alcoolique est née au sud-est de l’Europe et le whisky au nord-
ouest. Cela dit, lorsqu’il a été connu des hommes, il a accompagné toutes
leurs histoires, la grande comme les petites et ne les a plus lâchés. Pas facile
tous les jours d’être un spiritueux convivial, même si après un peu plus de
cinq siècles d’existence, cette eau-de-vie en a des histoires à raconter,
qu’elle soit whisky, whiskey ou bourbon.
Chapitre 1

La naissance de la distillation

Dans ce chapitre :
Alexandrie, à l’origine de l’alchimie
La Mecque ou l’influence des Arabes
Trois hommes de science

S i on produit aujourd’hui des spiritueux (presque) tout autour


de la planète, l’art distillatoire est une invention relativement
récente à l’échelle de l’humanité. Pour la simple raison que les
hommes n’en avaient pas besoin pour vivre (ou survivre). La
distillation est donc née sur un malentendu : on a cru qu’elle
permettait de transformer les éléments alors qu’elle ne peut que
les séparer. Distiller – du latin destillare : tomber goutte à
goutte – ne doit pourtant rien aux Romains, pas plus qu’aux
Grecs d’ailleurs. C’est de l’autre côté de la Méditerranée qu’il
faut rechercher son origine puis son développement, dans le
monde arabe. Sans ses incroyables savants, al-ambic et al-cool
– tels qu’on les connaît aujourd’hui – n’existeraient peut-être
pas.

Une invention pleine de mystères


On ne sait pas précisément quand et comment a été découverte
cette technique qui consiste à chauffer un liquide pour en
séparer ou en concentrer les différents éléments par
condensation. La plupart des historiens et des ethnologues
s’accordent cependant à penser que l’Asie a pu être un berceau
potentiel et précoce, environ 1 000 ans avant notre ère.
Quelques écrits le laissent supposer sans toutefois qu’un seul
ne décrive ou n’explique précisément un processus impliquant
une vraie technique et un matériel dédié. Normal lorsqu’il
s’agit de pratiques relevant presque de la magie.

Premiers éclaircissements
C’est à Aristote (384-322 av. J.-C.) que l’on doit la première
explication écrite du processus, dans un livre consacré à la…
météorologie. Il explique que « le soleil en chauffant la terre en
fait évaporer l’eau de la mer. En montant, cette vapeur d’eau se
refroidit, puis se condense et retombe en pluie sur la terre ». Un
peu plus loin dans ce même livre, il écrit également : « l’eau
salée devient douce lorsqu’elle est transformée en vapeur puis
condensée. Je le sais par expérience ». Il ajoute : « Le vin et
tous les fluides, quels qu’ils soient, redeviennent de l’eau après
s’être évaporés et condensés. » Son ouvrage ne décrit pourtant
que des phénomènes qui semblent naturels.

La distillation apparaît pourtant dans certains ouvrages comme


ceux écrits par le Romain Pline l’Ancien (23-79) ou le Grec
Dioscoride (40-90). Ce dernier mentionne un procédé pour
extraire des huiles essentielles à partir de sève de résineux (la
fameuse huile de térébenthine). Pour cela, il place la sève dans
un vase en argile (ambix , en grec) sur lequel il pose des lattes
de bois, recouvertes de plusieurs couches de laine. Lorsqu’elle
se vaporise, la sève vient se condenser dans la laine, qu’il suffit
alors de presser comme une éponge. On fait aussi bouillir le
vin, pas encore pour le distiller semble-t-il, mais pour
l’épaissir. Du coup, on découvre aussi le caractère très
inflammable de ses vapeurs.

Alexandrie, à l’origine de l’alchimie


C’est à Alexandrie au Ier siècle de notre ère que la chimie
trouve un terrain d’expression particulièrement favorable.
Science relativement nouvelle, elle profite du développement
important des métiers d’artisanat et d’art. Verrerie, poterie,
ferronnerie, joaillerie en utilisent les principes et en
perfectionnent des outils – four, moules, récipients – qui
résistent au feu ou produisent des chaleurs importantes. Science
et artisanat font donc bon ménage. Mieux, ils se complètent à
merveille et se stimulent.

Avec sa grande bibliothèque, Alexandrie est une place forte


culturelle, intellectuelle et scientifique. Et son phare n’est que
le symbole le plus flagrant de son rayonnement sur le bassin
méditerranéen.

Distillation et… mysticisme


Dans cette effervescence nouvelle et scientifique, la religion
n’est jamais très loin et un certain mysticisme entoure la
plupart des découvertes liées à la fusion, à la sublimation et à la
distillation des éléments. Une certaine Maria Hebraea (IIIe
siècle) découvre un moyen de chauffer doucement les
éléments à température constante. Le fameux « bain-marie »
est inventé. Les premiers chimistes, très influencés par
Aristote, sont des vrais chercheurs. Alors que le christianisme
monte petit à petit en puissance, c’est en devenant alchimistes
qu’ils deviennent rapidement persécutés. Lorsque les Arabes se
lancent à la conquête du monde méditerranéen au VIIe siècle,
ils récupèrent une grande partie des écrits grecs, romains et
alexandrins, et les traduisent avant qu’ils ne soient détruits. Ce
sont eux qui vont prendre le relais et continuer à écrire
l’histoire de la distillation.

L’origine du mot « alcool »


Le mot « alcool » est un emprunt à une langue
aujourd’hui morte d’origine sémite, l’akkadien : guhlu ,
qui désigne une poudre foncée – sulfure de plomb –très
fine obtenue en chauffant de la galène. Malgré sa
toxicité, hommes, femmes et enfants du bassin
méditerranéen s’en enduisent le contour des yeux pour
se protéger du soleil. Les premières « lunettes » de
soleil sont nées !
Au fil du temps ou suivant les régions, guhlu devient
gochl, cohol ou guhl puis kuhl (au pluriel kuhul ) pour
désigner indifféremment toute substance transformée
par pulvérisation, sublimation ou distillation. Apparaît
alors au XIIIe siècle, en Espagne, le terme alcohol,
construit de manière impropre à partir d’un mot pluriel,
kuhul , et d’un articler singulier, al . Il est
principalement utilisé pour désigner le fard qui sert à se
maquiller les yeux, qui deviendra le fameux khôl.
Pour une raison toujours inconnue, un médecin et
alchimiste suisse, Théophraste Bombastus von
Hohenheim dit Paracelse (1493-1541), utilise pour la
première fois le mot alcohol avec le sens qu’on lui
connaît aujourd’hui. Il l’emploie pour expliquer la
fabrication d’un remède miracle en plongeant des
feuilles d’or dans de l’alcool de vin (alcool vini ). Le
terme est ensuite repris par Ambroise Paré en 1586.
La France adopte le terme alkool ou alcohol dès 1751
lorsqu’il paraît dans le premier tome de l’Encyclopédie
de Diderot et d’Alembert sous la définition suivante :
« C’est un terme d’alchimie et de chimie d’origine
arabe. Il signifie une matière quelle qu’elle soit, réduite
en parties extrêmement fines ou rendues extrêmement
subtiles. » À l’occasion de la sixième édition de son
dictionnaire en 1835, l’Académie française en profite
pour réformer l’orthographe. Alcool perd
définitivement ce h, dit étymologique.

La Mecque ou l’influence des Arabes


L’Empire romain disparaît en 476. Devenue Constantinople,
Byzance rayonne au nord de la Méditerranée et jusqu’en Asie.
Plus au sud, Mahomet unifie les tribus arabes. Lorsqu’il meurt
en 632, la péninsule Arabique montre un visage politique et
religieux pacifié autour de l’Islam. Sous les dynasties
Omeyyades (661-750) puis Abbassides (750-1258), les Arabes
vont se rendre maîtres du pourtour sud-méditerranéen (actuels
Égypte, Liban, Iraq, Iran, Afrique du Nord). Les savoirs
passent alors des mondes grec et romain aux Arabes.
Distillation comprise, d’autant que le Coran les invite à se
parfumer. Pour expérimenter cet art nouveau, plus besoin de se
cacher.
Le pain liquide
Dans l’Égypte antique et plus généralement dans toute
cette région du monde, la bière (heneqet ou sikaru , que
l’on peut traduire par « pain liquide ») est la boisson
principale de toute la population, du paysan au
pharaon. On en situe l’origine en Palestine vers – 8000.
Elle est préparée quotidiennement à partir de pâtons
(pain grossier à partir de farine d’orge, de froment ou
d’épeautre) que l’on émiette dans de l’eau sucrée avec
des dattes. Une fois fermenté, le liquide est filtré et mis
en jarre. La ville de Péluse, entre l’Égypte et la
Palestine est très réputée pour son zythum (appelé aussi
vin d’orge ou boisson pélusienne), une sorte de bière
brassée à partir d’orge maltée. À défaut d’être
totalement maîtrisé, le processus de fermentation d’un
jus de céréale est parfaitement connu de l’ensemble de
la population.

Parfums enivrants
Cet âge d’or arabe permet aux sciences en général et à l’art de
la distillation de reprendre sa marche en avant dans un contexte
de grand progrès scientifique et technique. Trois hommes vont
plus particulièrement apporter leur contribution à la science qui
nous intéresse.

Geber (VIIIe siècle) est l’un des premiers alchimistes à


distiller du vin. On lui doit entre autres une des premières
tentatives de classement des éléments en trois catégories : les
« pierres » (qui peuvent être réduites en poudre), les « métaux »
et les « esprits » (qui se vaporisent lorsqu’on les chauffe). Il
popularise l’alambic et les techniques de distillation. C’est ainsi
que notre savant recueille très probablement les premières
gouttes d’alcool jamais produites, alcool auquel il donna le
nom qui lui vint immédiatement et naturellement à l’esprit, al-
raka (« la sueur » en arabe).

Dans Le Livre de la chimie des parfums et des distillations , Al-


Kindī (IXe siècle) recense 107 recettes pour fabriquer des
huiles et des eaux parfumées. Pour la première fois, le mot
« alambic » y est utilisé pour nommer l’appareil de distillation
tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Figure 1-1 : Les
différents types
d’alambic et leur
évolution. A : alambic à
la laine ; B : alambic à
gouttière annulaire ;
C : alambic traditionnel ;
D : alambic moderne.

Dans son livre Kitâb Sirr Al-Asrâr (Le Livre du secret des
secrets ), Rhazès (IXe siècle) utilise le mot « distillation » dans
le sens qu’on lui connaît aujourd’hui. « La distillation, c’est le
procédé qui permet de produire de l’eau de rose. Cela consiste
à placer les éléments dans un alambic. Allumer un feu en
dessous et recueillir l’eau qui s’évapore dans un récipient. »
Dans ce même livre, Rhazès décrit différentes sortes
d’alambics en fonction de l’utilisation que l’on veut en faire. Il
insiste également sur deux points qui selon lui améliorent le
rendement et l’efficacité du processus : lorsque l’eau bout dans
un chaudron de cuivre et si l’on chauffe directement l’alambic.

Avec Rhazès, l’art de la distillation passe des alchimistes aux


médecins. C’est une petite révolution. Il continue ainsi à se
propager autour du bassin méditerranéen, en accompagnant
l’expansion de la civilisation arabe.

Circulez, y a rien à boire !


Tout cela reste encore assez empirique pour le sujet qui nous
intéresse, la production d’eau-de-vie. Les Arabes ont
incontestablement développé le matériel et les techniques de
distillation mais pour des besoins précis : la fabrication de
parfums ou de maquillage et de médicaments ou d’onguents.
Ils ont bien cherché à distiller du vin mais cet « araq » n’est
mentionné ou consommé que de façon très marginale.

Les Arabes n’ont pas encore découvert qu’alcool et eau sont


deux éléments distincts et qu’ils ne bouillent pas à la même
température. Ces premiers scientifiques ont seulement
perfectionné la distillation dite hydraulique, incomplète. Reste
donc à inventer le principe qui favorisera la condensation et la
distillation dite alcoolique.
Chapitre 2

L’eau-de-vie, à la source

Dans ce chapitre :
Abulcasis et le chapeau de l’alambic
Magister Salernus et l’eau qui brûle
Elle court, elle court, l’eau-de-vie

E n franchissant la Méditerranée, l’art distillatoire va connaître


un nouveau développement. Les savoirs arabes et chrétiens, en
se mélangeant, vont permettre à toutes les sciences – médecine,
chimie, botanique – de progresser. Le Sud de l’Europe devient
un laboratoire grandeur nature et ses savants délaissent peu à
peu l’empirisme pour une rigueur scientifique et technique qui
va enfin déboucher sur les premières expériences de distillation
alcoolique maîtrisées et réussies. Une découverte majeure au
moment où la peste noire envahit l’Europe et décime les
populations. En devenant un remède presque miracle (à défaut
de guérir, il soulage), l’eau-de-vie se propage à vitesse grand V.

Abulcasis et le chapiteau de l’alambic


Sous domination musulmane depuis sa conquête en 732,
l’Hispanie romaine est devenue Al-Andalous. Sa capitale
Cordoue supplante année après année Bagdad, dont elle
s’affranchit en 929 en devenant un califat indépendant. À son
apogée, vers l’an mille, celle que l’on appelle désormais
« l’ornement du monde » règne sur le monde musulman.

L’un de ses illustres savants Abulcasis (Xe siècle), est le


premier à parler – sans les décrire précisément – d’alambics qui
paraissent différents de ceux qui existent jusqu’à présent : la
partie de l’appareil sur laquelle doivent se condenser les
vapeurs paraît vraiment séparée de la source de chaleur. Pour
faire simple, le chapiteau de l’alambic (ou le tube qui relie au
récipient du distillat) n’est plus en contact direct avec la source
de chaleur. Ce n’est pas à proprement parler un vrai système de
condensation mais on s’en approche. Aucun élément ne prouve
que le médecin cordouan ait trouvé un moyen de produire de
l’eau-de-vie, loin de là, mais… il brûle.

Une nouvelle fois, l’histoire – la Grande – va donner un petit


coup de pouce à celle de la distillation. À la fin du XIe siècle,
le monde chrétien reprend l’Hispanie. Le grand homme du
transfert des connaissances entre les Arabes et les Européens,
c’est Gerardo da Cremona (1114-1187), un Italien qui s’installe
à Tolède à partir de 1150 et qui traduit Aristote, Al-Kindī ou
Rhazès.

Magister Salernus et l’eau qui brûle


En ce début de XIIe siècle, l’Italie revient alors sur le devant
de la scène scientifique. À Salerne (un peu en dessous de
Naples et juste en face de Palerme), une incroyable école de
médecine est en train de se tailler une sacrée réputation, la
Scuela Medica Salernitana, créée au IXe siècle. C’est ici
qu’est rédigé un petit livre étrange, Mappae Clavicula
(littéralement Les Clés pour la peinture ), une sorte de traité
technique qui compile 200 recettes pour produire diverses
substances. Il aborde aussi bien les arts décoratifs (la peinture,
les couleurs, l’enluminure) que la verrerie (renforcer la solidité
du verre, le teinter) ou la chimie. Le traitement de sujets aussi
différents fait penser que l’ouvrage est collectif, sentiment
renforcé par le fait qu’au moins deux écritures y cohabitent
dans des styles et des graphies différents. On attribue cependant
généralement Mappae Clavicula à un dénommé Magister
Salernus, un physicien mort en 1167. Le texte a pu être annoté
et/ou complété par Adelard de Bath (1080-1152), un
philosophe et scientifique britannique qui a beaucoup voyagé
entre l’Occident et l’Orient.

Pour la première fois, est expliqué, de manière cryptée,


comment on recueille cette eau si particulière :

« Mélanger un vin pur et fort avec trois mesures de sel.


Chauffer dans un récipient prévu à cet effet et vous obtiendrez
une eau inflammable qui brûle sans abîmer le pot qui la
contient. »

Ces quelques lignes cachent la véritable découverte de l’alcool.


Enfin ! L’auteur explique qu’il faut ajouter du sel au vin avant
de le brûler. C’est effectivement une technique,
quoiqu’imparfaite, pour concentrer l’alcool contenu dans le
vin. Le sel a pour effet de fixer l’eau et donc de concentrer
l’alcool en premier lorsque le vin est distillé. C’est la première
trouvaille, qui n’est cependant pas suffisante pour « produire »
un distillat à forte teneur en alcool ou alors en très petite
quantité.

Le chaînon manquant
Une nouvelle invention est donc probable, quoique non
expliquée : celle qui consiste à imaginer un système de
refroidissement du chapiteau de l’alambic, sur lequel viennent
se condenser les vapeurs. Plus la condensation est rapide et
précise, plus on concentre la teneur en alcool. On ne peut pas
assurer qu’il existait un système dédié (avec un refroidissement
par une source d’eau froide, par exemple) mais on peut
supposer que le ou les distillateurs s’étaient aperçus qu’en
utilisant du matériel en verre (la réputation de Murano est déjà
très grande), il était plus facile de contrôler les températures de
chauffe et de les rendre plus précises. Ce premier texte n’est
pas daté, ni datable avec précision. Plusieurs éléments
concordants attestent cependant qu’il aurait été écrit vers 1130.

Avant cette date, il n’existe aucune autre trace apportant la


preuve que l’homme avait découvert comment produire de
l’alcool. Et on peut penser que l’invention est localisée et
récente puisqu’à la même époque et toujours à Salerne, deux
traités médicaux mentionnent la même découverte : La
Chirurgie de Roger signé Ruggerro di Frugardo (dit Roger de
Parme) et un ouvrage collectif, Compendium Magistri Salerni .

Des serpents et… des sornettes


Il est souvent écrit que le roi Henri II lorsqu’il envahit
l’Irlande (1172-1174) découvre que les populations
locales boivent une eau-de-vie qu’ils appellent whisky.
Maewyn Succat dit saint Patrick (vers 385-17 mars
461) aurait rapporté d’un voyage en Orient l’art de la
distillation. Pour preuve, les pièces d’un alambic en
bronze auraient été trouvées et identifiées dans les
ruines du site historique Rock Of Cashel, là où il
prononça son fameux sermon qui chassa tous les
serpents d’Irlande en faisant référence à la feuille d’un
trèfle. N’en déplaise à nos amis celtes, il paraît
totalement improbable que le whisky (ou une autre eau-
de-vie, quelle qu’elle soit) existait à cette époque en
Irlande.

Elle court, elle court, l’eau-de-vie


La recette de l’eau-de-vie va alors se propager à une vitesse
fulgurante en Italie, dans le Sud de la France et sur la péninsule
Ibérique. En fait partout où l’on produit du vin. À Montpellier,
Arnaud de Villeneuve (1245-1311 ou 1313) va jouer un rôle
particulièrement important dans le processus de diffusion. Son
influence sur l’histoire des spiritueux est considérable. « En
raison de sa simplicité, l’eau-de-vie reçoit toute impression de
goût, d’odeur et autres propriétés », a-t-il l’habitude de répéter.
Outre ses découvertes nombreuses d’eau-de-vie aromatisée, il
en démocratise l’utilisation auprès des religieux, des médecins
ou des agriculteurs.

Le cinquième élément
Le moine franciscain Jean de Roquetaillade (vers 1310-
1366) popularise le concept de quintessence. Pour cet
alchimiste, cet « esprit » tangible de la matière est le
cinquième élément essentiel de la création – quint
essentia –au côté l’eau, la terre, le feu et l’air. C’est un
produit miracle, capable de « préserver le corps humain
de la corruption, de le guérir de la paralysie et de la
peste ».

Une eau miraculeuse


Justement, la peste noire fait son apparition au cours de ce
XIVe siècle. En provenance de Chine et suivant la Route de la
soie, son épidémie se propage tout autour du bassin
méditerranéen. La peste est signalée en Sicile pour la première
fois en octobre 1346. En moins de cinq ans, elle contamine
l’ensemble de l’Europe : Paris en 1348, l’Allemagne et
Londres en 1349, l’Irlande et l’Écosse et la Scandinavie en
1350.

L’art distillatoire suit alors le même trajet que la peste.


Considérée comme un remède potentiel, aqua ardens ou quint
essentia devient aqua vitae . On prend aussi à cette époque
l’habitude de trinquer en disant « santé » ! Au-delà de ses
vertues médicinales, l’eau-de-vie permet aussi de conjurer le
mauvais sort.
Chapitre 3

L’origine du whisky

Dans ce chapitre :
Les premières gouttes d’aqua vitae
L’honneur des Écossais
D’aqua vitae à uisge beatha

L a distillation alcoolique va vite trouver un terrain de


prédilection dans le monde celte. Irlandais et Écossais vont
même devenir les spécialistes de la distillation de bière avant
d’exporter leur expertise dans le Nouveau Monde. À l’origine
d’un succès qui ne se dément plus depuis le XVe siècle, on
retrouve un ensemble de facteurs qui vont faire de cette eau-de-
vie locale le whisky tel qu’on le connaît aujourd’hui : de l’eau
et des céréales en abondance, des conditions climatiques,
économiques et sociales propices. Et des rivalités historiques et
politiques – entre Écossais, Irlandais et Anglais – qui vont
favoriser la concurrence et l’émergence de plusieurs styles.

Les premières gouttes d’aqua vitae


Depuis plusieurs années maintenant, Écossais et Irlandais se
disputent la paternité du whisky. Impossible aujourd’hui de
trancher avec certitude en faveur de l’un ou de l’autre, mais il
est communément admis que c’est l’Irlande qui a exporté les
méthodes de fabrication de l’eau-de-vie vers l’Écosse. Deux
ouvrages d’origine irlandaise datés fin XIVe et début XVe
siècle tendent à prouver cette assertion : Le Livre rouge du
diocèse d’Ossory (Liber Rubrus Diocecis Ossoriensis ou The
Red Book of Ossory ) et Les Annales de Clonmacnoise (The
Annals of Clonmacnoise ).

Un drôle de petit livre rouge


On doit le Livre rouge d’Ossory à Richard Ledred (1317-1360),
l’évêque de cette région (Osraighe en gaélique) du Sud-Est de
l’Irlande. Ce recueil d’une quinzaine de pages contient des
textes administratifs, les paroles et partitions d’un certain
nombre de chants religieux ainsi qu’un petit traité sur l’eau-de-
vie. « Aqua vitae peut être produite de la manière suivante :
choisissez un vin âgé d’un an plutôt rouge, pas trop épais, trop
fort ou pas assez doux. Versez-le dans un récipient dont vous
devez boucher l’ouverture avec une clepsydre de bois entouré
d’un linge en lin. De ce récipient doit partir un tuyau
conduisant à un autre pot, lui-même devant être rafraîchi avec
de l’eau froide, renouvelée fréquemment, surtout lorsqu’il
devient chaud et que l’eau bout. Le récipient contenant le vin
doit être placé sur un feu doux pour être distillé jusqu’à ce vous
récupériez l’équivalent de la moitié du vin que vous aviez
versé. » Impossible de dater (1360 ?) avec précision ce texte.
On notera que l’auteur distille encore du vin mais sait qu’il faut
refroidir le dispositif pour recueillir l’eau-de-vie.

Aqua vitae ou aqua mortis ?


Les Annales de Clonmacnoise décrivent la vie au jour le jour de
plusieurs familles vivant aux alentours du monastère de
Clonmacnoise, en plein centre de l’Irlande. L’histoire court sur
plusieurs siècles, de l’origine des hommes jusqu’à l’année
1408. On ne connaît pas la version originale du manuscrit – qui
n’a jamais été retrouvée – seulement sa traduction en anglais
par un certain Connell Mageoghegan en 1627. Ce qui a permis
à ces annales d’être sauvées. C’est ainsi qu’on y lit qu’en 1405,
le jour de Noël, Risteard MacRaghnaill, le chef d’un clan local,
meurt des suites d’un excès d’aqua vitae . La légende raconte
même qu’une annotation dans la marge du livre original fait
remarquer qu’il eût plutôt fallu parler… d’aqua mortis . Quoi
qu’il en soit, il semble donc que l’Irlande se soit familiarisée
avec la distillation fin XIVe , début XVe siècle. D’ailleurs, les
plus anciennes découvertes archéologiques relatives à l’art
distillatoire – serpentin, bouilloire – qui ont été retrouvées en
Irlande datent de cette époque.

L’honneur des Écossais


En ce qui concerne l’Écosse, il faut attendre 1494 pour trouver
une première trace écrite. Mais pour le coup, il s’agit d’une
eau-de-vie de malt, donc techniquement parlant, de whisky.
L’honneur est sauf ! On peut en effet lire dans les archives
nationales des finances écossaises que, cette année-là, huit
« bolls » de malt (environ 1 200 kg, la « boll » étant une
ancienne mesure écossaise pesant un peu moins de 150 kg)
sont fournies au frère John Cor, responsable de la distillation
du monastère bénédictin de Lindores à Fife. « To make aqua
vitae, by order of the King », est-il précisé. Pour l’anecdote,
cette abbaye – en ruine depuis sa destruction en 1559 – posée
sur les rives de la rivière Tay, à l’est de Perth, hébergeait des
moines rattachés à l’ordre de Tiron. Cette confrérie doit son
nom à l’abbaye de la Sainte-Trinité de Tiron, basée à Thiron-
Gardais, pas très loin de Chartres.
Islay, berceau du whisky ?
Une théorie situe l’origine de la distillation et du
whisky en Écosse sur Islay. L’histoire commence vers
1300 lorsque les MacBeatha s’installent sur la petite île
au large de la côte ouest écossaise. Cette vieille famille
gaélique – elle a donné un roi à l’Écosse MacBeth Ier ,
celui-là même qui inspira Shakespeare – est connue
pour s’intéresser à la science et pratiquer la médecine
depuis plusieurs générations.
Les MacBeatha connaissent-ils déjà l’eau-de-vie en
cette fin de XIVe siècle ? En raison de leurs
connaissances, c’est bien possible. D’ailleurs, lorsque
le roi James IV commande du malt pour qu’on en fasse
de l’eau-de-vie, il est en guerre contre le Lord of the
Isles (le seigneur d’Islay) et il se rend fréquemment sur
l’île. N’y aurait-il pas découvert le spiritueux local ?
Pour certains historiens, cela ne fait aucun doute. La
preuve : en Écosse, cette fameuse liqueur s’appelle
uisge beatha , qui se traduit par « eau-de-vie » ou…
« eau des Beatha ». Curieuse ou incroyable
coïncidence ? Le mystère reste entier mais il faut
avouer que cette histoire séduit tous ceux qui
considèrent toujours aujourd’hui Islay comme l’une des
terres sacrées pour la production de single malt
écossais. Ils sont nombreux.

D’aqua vitae à uisge beatha


En 1531, Henri VIII alors roi d’Angleterre souhaite divorcer de
sa première épouse pour se remarier. Le pape Clément VII
refuse d’annuler le mariage. Il donne ainsi un motif au roi pour
rompre avec la papauté et rendre indépendante l’église
anglicane.

Dissolution et distillation
Cette décision est à l’origine de la dissolution des monastères.
Entre 1536 et 1541, plus de 800 communautés religieuses sont
dissoutes et des centaines de moines sont renvoyés à la vie
civile. Pour certains, la distillation est un des moyens qui leur
permet de subvenir à leurs besoins, popularisant un peu plus
l’art distillatoire.

L’arrivée de la reine Elizabeth Ire (1533-1603) sur le trône


anglais en 1558 permet de continuer à assurer la promotion de
l’eau-de-vie locale. Elle laisse la réputation d’une grande
amatrice et particulièrement de celle en provenance d’Irlande.
Sous son règne jusqu’en 1603, la production de uisge beatha
devient florissante, car c’est la boisson à la mode. En 1577,
Raphael Holinshed, un célèbre chroniqueur londonien, liste les
25 vertus de cette liqueur souveraine, « si consommée de façon
modérée », précise-t-il en introduction.

Le whisky du Nouveau Monde


Les pionniers anglo-saxons partent aussi explorer le Nouveau
Monde et tentent de coloniser l’Amérique. Les expéditions sont
menées par Sir Francis Drake (1579), Sir Humphrey Gilbert
(1583) ou Sir Walter Raleigh (1584). C’est donc en cette fin de
XVIe siècle que l’art distillatoire franchit lui aussi
l’Atlantique.

Il s’avère même très précieux aux pionniers car les organismes


européens ont toutes les difficultés à s’acclimater au Nouveau
Monde et à ses eaux douces, dont la plupart sont insalubres.
Les maladies sont donc nombreuses et la mortalité très
importante. Les premiers colons se désaltèrent à grand renfort
de bières, cidres ou vins et se soignent ou se réconfortent grâce
à cette « water of life » dont on redécouvre les « vertus »
médicinales.

James (ou George ou John)


Thorpe
Rien ne prédestinait James Thorpe à entrer dans
l’histoire du whisky en général et du bourbon
américain en particulier. Et pourtant, c’est lui qui en
1620 distilla probablement pour la première fois une
eau-de-vie à partir de maïs.
Fils d’un gros propriétaire terrien anglais, il fait ses
études à Cambridge avant de devenir député. En 1619,
il participe au financement d’une expédition pour le
Nouveau Monde, expédition à laquelle il prend part en
tant que chirurgien, physicien et… pasteur ! Le
Margaret quitte le port de Bristol en septembre avec à
son bord une poignée de courageux en quête d’aventure
mais aussi 15 gallons d’aqua vitae (un peu moins de
70 litres). James Thorpe s’établit avec ses compagnons
en Virginie et fonde Berkeley Hundred, à quelques
kilomètres de Jamestown. L’histoire ne dit pas
comment notre homme devient le brasseur puis le
distillateur de la petite communauté mais il écrit en
1620 à John Smith of Nibley, l’un de ses cousins resté
en Angleterre : « Nous avons trouvé un moyen de
produire un si bon breuvage à partir du maïs indien que
je ne bois plus celui que nous avons amené
d’Angleterre. Je préfère le mien. » Le 22 mars 1622,
alors qu’il avait été prévenu – sans y croire – d’une
attaque imminente des Indiens, il refuse de prendre la
fuite. On retrouve son corps découpé et éparpillé aux
quatre coins du campement. L’inventaire de ses
possessions mentionne un vieil alambic en cuivre,
estimé à la valeur… de trois livres de tabac.

La distillation « maison »

En 1603, le successeur d’Elizabeth Ire , James VI, peu sensible


à la culture gaélique, entreprend de pacifier – comprendre
angliciser et convertir à l’anglicanisme – l’Écosse et ses îles où,
il faut bien l’avouer, règne une certaine anarchie. Cela
débouche sur l’acte de Iona en 1609 dont le cinquième article,
consacré à l’aqua vitae , donne le droit aux habitants des îles de
consommer leur seule production locale. Cette interdiction
d’importer de l’eau-de-vie du mainland écossais est censée
limiter la consommation excessive. L’eau-de-vie est en effet
devenue une denrée de consommation courante sur les îles
mais aussi dans le Nord de l’Écosse, dans ce qu’on appelle les
Highlands. Distiller le surplus de grain est en effet un excellent
moyen de valoriser sa production de céréales et surtout de la
protéger d’une moisissure certaine dans ces régions très
humides. Les fermiers distillateurs se sont aussi aperçus que les
déchets de la distillation – très riches en protéines –font
également d’excellents aliments pour le bétail. Ce qui n’est pas
négligeable lorsqu’on manque cruellement de pâturage et
d’herbes grasses. Cette autorisation de distiller son propre grain
se propage vite – et par coutume – des îles à tous les
Highlands.

Les premières licences en Irlande


Toujours afin d’étendre sa mainmise et sa légitimité, le roi
James VI accorde en janvier 1608 les premières licences pour
la fabrication d’eau-de-vie en Irlande. En fait, il s’agit de
monopoles – pour une région et un secteur d’activité – vendus
par la Couronne anglaise à quelques-uns de ses favoris, pour
une période généralement de sept ans. Par ce biais, l’exclusivité
de la production de whisky est achetée par Charles Waterhouse
pour le Munster, par Walter Taylor pour le comté de Galway et
par George Sexton pour le Leinster.

Il faut cependant attendre le 20 avril de la même année pour


qu’un certain Sir Thomas Phillips se porte acquéreur d’une
licence pour l’Ulster. « À Sir Thomas Phillips, chevalier, est
attribuée le 20 avril par le gouverneur en chef de l’Irlande une
licence pour distiller autant de quantité d’eau-de-vie que bon
lui semble dans les comtés de Coleraine (anciennement appelé
O Cahanes), de Roxte et d’Antrim, et pour les sept prochaines
années, contre la somme de 13s 4d par an. » Bien sûr cette
attribution ne mentionne aucune distillerie même s’il ne fait
aucun doute qu’il en existait probablement plusieurs dans le
comté d’Antrim, voire dans la petite ville de Bushmills, qui
doit son nom aux nombreux moulins le long de la rivière Bush.

Bushmills, 400 ans d’histoire


Aujourd’hui, la distillerie Bushmills utilise cette date –
1608 – sans que pourtant cela ne la concerne
directement puisque l’actuelle distillerie ne date que…
de 1784. Un petit arrangement avec l’histoire qui a
permis à la plus célèbre distillerie d’Irlande du Nord de
célébrer en 2008 les 400 ans de cette historique licence
avec la sortie d’un flacon anniversaire.

La livre britannique
Pour rappel, jusqu’en 1971, la livre britannique est
divisée en 20 shillings et chaque shilling vaut
12 pences. Il y a donc 240 pences dans une livre
jusqu’en 1971 et l’adoption du système décimal, 1 livre
= 100 pences. Pendant longtemps, le symbole du penny
est resté un d, du latin denarius (qui a donné le mot
« denier » en français).

Au XVII e siècle : taxes, lois et contrôles


En ce début de XVIIe siècle, l’eau-de-vie est vraiment en train
de s’implanter durablement et le terme uisce beatha (sa
traduction littérale en gaélique : uisce signifie eau et beatha ,
vie), rentre dans le langage courant. Elle est devenue une
boisson conviviale et seul le toast que l’on porte avant de la
boire rappelle ses origines curatives et médicinales. Les
Écossais et Irlandais disent « sláinte mhath » ou « sláinte
mhaith », les Anglais « here’s health » ou « good health ». Ce
qui se traduit par « à votre santé » ou « bonne santé », comme
chez nous.

Le droit d’accise

L’arrivée de Charles Ier sur le trône d’Angleterre en 1626


marque un tournant dans l’histoire du Royaume-Uni en général
et celle du whisky en particulier. Il prend toute une série de
mesures impopulaires qui conduisent les Écossais puis les
Irlandais à la révolte, entraînant peu à peu le royaume dans une
guerre civile. Pour faire face aux dépenses de l’armée régulière
anglaise, le comte de Bedford, trésorier du roi, propose en 1641
de taxer l’eau-de-vie. Cette pratique est déjà en vigueur en
Hollande sous le nom de excijs ou accijns . Cette année-là, le
Parlement anglais refuse mais il reprend l’idée à son compte un
an plus tard avant de faire machine arrière.

Ce n’est que partie remise puisque le 16 mai 1643, les Lords


votent pour la première fois une loi mettant en place des droits
d’accises sur la bière. Cette loi est étendue aux spiritueux en
septembre. Pour pouvoir lutter à armes égales, le Parlement
écossais prend la même décision en janvier 1644. La taxe est
alors fixée à 2 shillings et 8 pences pour une pinte écossaise
(1,5 litre). C’est relativement élevé si l’on considère qu’avec
1 shilling de l’époque, on peut manger dans une taverne.
L’argent ainsi prélevé sert à financer les deux armées qui se
font face. La loi prévoit que cette taxe devra disparaître à la fin
du conflit. Ce qui ne sera évidemment pas le cas. Au contraire.

Premiers contrôleurs et… premiers contrebandiers


Charles II monte sur le trône en 1660. L’année suivante, le jour
de Noël, il réforme sensiblement la loi sur les tout nouveaux
droits d’accises. Le texte de 1661, fondateur de la fiscalité
moderne sur les spiritueux, abaisse considérablement la taxe
(1 penny en Écosse et en Angleterre, 4 pences en Irlande, sur
chaque gallon, soit un peu plus de 4,5 litres). Il précise surtout
mieux les conditions d’application et introduit aussi un début
d’arsenal répressif. L’année suivante, une seconde loi impose
de taxer le malt à hauteur d’environ 2 shillings par boll de malt
(150 kg). Ces deux taxes doivent être payées par le producteur
de l’eau-de-vie lui-même, qui peut être contrôlé à tout moment
par des agents du royaume, les fameux gaugers (terme que l’on
peut traduire par « mesureurs »).

Ferintosh, première distillerie


commerciale
L’histoire de Ferintosh, un peu au nord d’Inverness, est
tout à fait particulière. Fin XVIIe siècle, les temps sont
particulièrement troublés en Écosse à cette époque.
Duncan Forbes of Culloden, le propriétaire de la
distillerie, soutient Mary II et son mari le Hollandais
Guillaume III (maison d’Orange). Par vengeance et
représailles, sa propriété est incendiée volontairement
par les Jacobites qui défendent le Stuart James II. Pour
compenser des pertes estimées à 54 000 £ de l’époque,
il lui est accordé le privilège de distiller à partir des
céréales récoltées sur ses terres, moyennant une
redevance annuelle de 22 £. La famille Forbes devient
rapidement immensément riche. Elle fera construire
deux distilleries supplémentaires et achètera plusieurs
centaines d’hectares de terres agricoles. Avec plus de
400 000 litres de whisky produits chaque année,
Ferintosh représente les deux tiers de la production
déclarée écossaise. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, elle
incarnera le whisky écossais « légal ».
Chapitre 4

Le XVIII e , siècle des whiskeys

Dans ce chapitre :
L’Écosse et la Malt Tax
Irlande : whisky des villes, poitin des champs
Le whisky dans tous ses états… d’Amérique

S i Écosse, Irlande et Angleterre ont bien du mal à former un


royaume uni, cela n’empêche pas le whisky de s’implanter
durablement, malgré les soubresauts et les tensions entre les
trois nations. Symbole d’une certaine indépendance, il est de
tous les combats politiques et ce, des deux côtés de
l’Atlantique. Le XVIIIe siècle voit le whisky se transformer,
tisser sa toile dans l’ensemble du monde britannique, très rural
en Écosse, plus urbain en Irlande, et s’implanter durablement
dans le Nouveau Monde. Lorsqu’il est parfois obligé de se
cacher, c’est pour mieux réapparaître plus fort et plus varié en
Écosse mais aussi et surtout en Irlande, au Canada et aux États-
Unis. Au XVIIIe siècle où qu’il soit, le whisky joue désormais
les premiers rôles.
L’Écosse et la Malt Tax
En 1707, les parlements anglais et écossais fusionnent (Act of
Union ). Cela entraîne l’harmonisation des taxes sur les
spiritueux entre les deux pays. Les Écossais sont ravis
puisqu’elle est toujours de 1 penny par gallon en Angleterre
mais ils refusent l’application des droits anglais sur le malt, très
chers (6 pences pour environ 25 kg d’orge maltée). À cette
époque, le whisky est l’une des seules fiertés nationales
écossaises. S’attaquer au whisky, c’est s’en prendre
directement aux Écossais, même si l’on estime la production à
seulement 500 000 litres en 1708.

Nouvelle tentative en 1713. Cette même année, la Malt Tax est


votée mais la loi n’est pas appliquée et la taxe jamais réclamée.

En 1724, Robert Walpole – qui dirige le royaume dans l’ombre


du roi George Ier – déclare que l’impunité fiscale ne peut plus
durer et impose que la taxe soit collectée. Des grèves éclatent à
Édimbourg, elles tournent à l’émeute à Glasgow. L’ordre
rétabli, le général irlandais George Wade est nommé
commandant militaire de l’Écosse. Il s’attelle immédiatement à
la construction de centaines de kilomètres de route et de
dizaines de ponts pour faciliter le déplacement des troupes
anglaises dans le pays. Tout est alors déjà en place pour que le
whisky de contrebande prenne alors son essor !

Les contrebandiers des Highlands


La Malt Tax a un impact considérable sur la production de
whisky et crée un fossé entre le Nord et le Sud de l’Écosse.
Dans les Lowlands, il est difficile d’échapper à l’Angleterre
très proche et à son administration douanière et fiscale
parfaitement organisée. Les volumes déclarés augmentent donc
considérablement. Revers de la médaille, le whisky produit est
de piètre qualité car pour échapper, en partie, aux taxes sur le
malt, les distillateurs utilisent un mélange – de céréales maltées
et non maltées – qui fait la part belle aux autres céréales que
l’orge, en particulier blé et avoine. Dans les Highlands, au
contraire, le relief très accidenté permet de distiller (presque)
en toute discrétion et à partir d’orge maltée quasi
exclusivement. La réputation de ses whiskies ne tarde pas à
dépasser le strict cadre local. D’autant que les routes
carrossables nouvellement tracées par le général Wade
facilitent les échanges entre Nord et Sud. Il suffit de rivaliser
d’imagination pour transporter le précieux breuvage à la barbe
de l’Administration.

Usky… à vos souhaits, euh… à votre santé !

En 1736, apparaît pour la première fois le mot… usky . C’est


un capitaine de l’armée anglaise, Edward Burt, officier sous le
commandement du général Wade, qui écrit dans une lettre :
« La fierté de l’Écosse, c’est le usk … (le mot est coupé,
NDLA). La plupart des hommes qui habitent les Highlands
sont des buveurs de usky sans aucune modération. S’ils peuvent
payer, ils boivent. »

Jusqu’à présent, les mots en usage tant en Écosse qu’en


Angleterre sont aqua vitae , uisge beatha ou usquebaugh .
Pourtant, à cette époque, ces termes ne semblent pas avoir tout
à fait la même signification et décrire apparemment des
produits… différents. Il apparaît en effet que certains Écossais
appellent « usquebaugh » les eaux-de-vie aromatisées,
réservant les termes aqua vitae , uisge beatha et le tout
nouveau usky aux spiritueux consommés purs. Ceci dit, les
habitudes de production et de consommation sont différentes
d’une région à une autre. De piètre qualité ou très fortes en
goût, les eaux-de-vie sont encore couramment consommées
mélangées soit avec des épices, soit avec du miel et de l’eau
chaude, soit avec du miel et du… lait ou encore avec du sucre
et du… beurre !

Sur les îles, à l’ouest de l’Écosse, c’est plutôt du côté de la


distillation que l’on innove. On appelle « usquebaugh » l’eau-
de-vie distillée deux fois, « trestarig », celle qui est distillée
trois fois et « usquebaugh-baul », le spiritueux produit après
quatre repasses. Martin Martin dans son ouvrage Description of
the Western Isles (1703) écrit d’ailleurs que « deux petites
cuillerées de cette liqueur sont suffisantes. Tout homme qui en
consommerait plus verrait sa respiration coupée et il mettrait sa
vie en danger ».

Le whisky fait son entrée dans


le Dictionary
Le terme whisky est définitivement consacré en 1755.
Preuve qu’il est déjà d’emploi courant, il apparaît en
effet dans le célèbre Dictionary de Samuel Johnson,
qui en donne la définition suivante : Usqueba’ugh :
(mot irlandais et erse qui signifie eau-de-vie).
Spiritueux distillé et arrangé avec des herbes
aromatiques, son dérivé irlandais est particulièrement
remarquable pour son goût plaisant et doux. Son
équivalent dans les Highlands est un peu plus fort. Et
par corruption, en Écosse, on dit aussi whisky.

L’apparition des distilleries commerciales


Au milieu du XVIIIe siècle, un effet pervers du Gin Act de
1736 – une loi destinée… à supprimer la distillation
domestique –entraîne la création des premières distilleries
« commerciales » et officielles : Kennetpans à l’ouest de
Stirling, Cambusbarron (1741), Dolls (1746), Gilcomston
(1751) à Aberdeen, Portree (1752) sur l’île de Skye, ou
Duneath (1755). Avec un peu plus de 200 000 litres produits
par an, elles ne représentent pourtant que la moitié de la
production de Ferintosh et seulement un dixième des volumes
distillés en Écosse en 1756.

La distillation, un acte politique


Car évidemment, distiller illégalement du whisky – c’est
particulièrement vrai au nord de l’Écosse – est un acte presque
politique, une manière de refuser l’influence anglaise et ainsi
contester sa domination. Cette volonté de garder une certaine
forme d’indépendance vis-à-vis du pouvoir central et royal
anglais va continuer à monter en puissance sous le règne de
George II avant de trouver un épilogue tragique (et définitif) à
la bataille de Culloden le 16 avril 1746.

Robert Burns (1759-1796)


Le grand poète de la nation écossaise naît le 25 janvier
1759 dans la ferme familiale au sud de Ayr (Sud-Ouest
de l’Écosse). Il sera l’aîné de sept enfants. Le travail à
la ferme l’empêche de suivre une scolarité régulière.
C’est son père qui lui apprend à lire, à écrire et à
compter. Vers l’âge de 15 ans, il commence à écrire ses
premiers poèmes. En 1786, il s’installe à Édimbourg.
Ses premiers écrits sont publiés et connaissent un
succès immédiat. Il y célèbre l’Écosse, les Écossais et
le whisky pour qui il avoue un sérieux penchant. Un
comble pour celui qui est devenu… douanier, en charge
de collecter les taxes sur l’alcool ! À partir de 1795, sa
santé décline et il meurt le 21 juillet 1796 à l’âge de
37 ans. Il laisse une œuvre dense, écrite en écossais ou
en anglais, riche de centaines de poèmes – parmi
lesquels Auld Lang Syne , Scots Wha Hae , A Red, Red
Rose , The Battle Of Sherramuir , Ae Fond Kiss ou Tam
O’ Shanter – ou de chansons adaptées du répertoire
traditionnel écossais. Il est considéré comme un
précurseur du mouvement romantique. Sa mémoire est
célébrée tous les 25 janvier par tous les Écossais autour
d’un repas traditionnel, le Burn’s Supper.

Les villages modèles


En Écosse, le rebond intervient grâce aux progrès de
l’agriculture et à la création de villages modèles. Ces derniers,
imaginés et voulus par les grands propriétaires terriens
écossais, organisent de façon plus rationnelle l’économie et
l’aménagement du territoire. Ils regroupent plusieurs fermes
mais aussi toutes les activités dont les exploitants ont besoin :
maréchal-ferrant, tonnelier, meunier, etc. Sans oublier
l’indispensable distillerie. Deux d’entre elles, apparues à cette
époque, sont d’ailleurs encore en activité aujourd’hui :
Bowmore sur l’île d’Islay en 1779 et Milton (aujourd’hui
Strathisla) en 1786 à Keith dans le Speyside.

Glenturret, la clandestine
Pourtant, la plus ancienne distillerie écossaise en activité
aujourd’hui est Glenturret (Hosh distillery jusqu’en 1875).
Située en plein cœur de l’Écosse, elle a été fondée en 1775 par
une poignée de distillateurs clandestins qui trouvent alors
refuge dans une ferme du Perthshire. Leur activité de
distillation n’est pas véritablement illégale. Jusqu’en 1781, il
est parfaitement autorisé de distiller à partir de ses propres
céréales pour sa consommation personnelle. Même si peu
nombreux sont ceux qui se déclarent afin de ne pas payer les
taxes. Et surtout pas les propriétaires de Glenturret.

Les deux Écosse ou les dynasties du whisky


En cette fin de XVIIIe siècle, l’Écosse est donc un pays coupé
en deux et le whisky en est le parfait reflet. Au nord et dans les
îles, la distillation est une activité domestique et à l’échelle du
village. Au sud, les distilleries sont devenues commerciales et
commencent à connaître un développement sans précédent. Les
premiers progrès industriels (exploitation des mines de charbon
et développement du chemin de fer) permettent d’augmenter
les capacités de production de manière conséquente. Les
affaires sont florissantes car jamais la consommation n’a été
aussi importante. C’est l’âge d’or de ce que l’historien du
whisky Charles MacLean appelle les « Great & Middle-Class
Distilleries ». Entre 1770 et 1810, elles sont une trentaine à voir
le jour dont la plupart aux mains de trois familles : les Stein, les
Haig et les Jameson.

La saga Stein (1720-1825)


Andrew Stein (1672-1741) est un fermier qui apprend
l’art de la distillation auprès des moines qui exploitent
un marais salant à Kennetpans, cette petite bourgade
des Lowlands, nichée au fond de l’estuaire de la rivière
Forth. Il fonde la distillerie du même nom, dans les
années 1720. Sous la houlette de son fils, John Stein Jr
(1697-1773), elle devient l’une des plus importantes
d’Écosse. Notre homme inocule le virus à (presque
tous) ses fils. Andrew (1741-1828) rachète Hattenburn
en 1781, Robert (1733-1816) fonde Kincaple en 1780.
Juste à côté de Kennetpans, James (1740-1804) établit
Kilbagie en 1770 qui devient la plus importante
distillerie écossaise avec une production de plus de
3 000 000 litres par an. Quant à John Jr (1745-1825), il
succède à son père dans la distillerie familiale avant de
s’intéresser au business en Irlande. En 1780, il rachète
Marrowbone Lane et crée Bow Street, deux distilleries
qui feront de Dublin la capitale du whisky britannique
au cours du siècle suivant. En deux générations, la
famille Stein devient la première dynastie du whisky.
Kennetpans et Kilbagie – qui ont presque disparu des
livres sur le whisky – ont été à la pointe de la
révolution industrielle en Écosse et ont fait basculer le
monde du whisky dans une autre dimension,
gigantesque, commerciale. Et concurrentielle.

Au placard, l’alambic domestique !


Cette concurrence, ce sont bien évidemment les distillateurs
clandestins écossais ou irlandais – Édimbourg compte
400 alambics dont 8 seulement sont déclarés en 1777 – et le
whisky des Highlands, toujours de bien meilleure qualité. C’est
dans ce contexte que trois lois sont votées successivement en
1774, 1779 et 1781. La première impose une taille minimum
aux alambics : 400 gallons pour les alambics de première
chauffe, 100 gallons pour les alambics destinés à produire
l’alcool. Trop grands pour la plupart des distillateurs
domestiques. Cela ne change rien. La deuxième limite la taille
des alambics autorisés pour la distillation personnelle à…
2 gallons maximum. Ce qui revient à interdire tous les alambics
domestiques (entre 10 et 30 gallons de capacité, soit entre 50 et
130 litres). Toujours pas d’effet. La troisième interdit alors
purement et simplement la distillation à domicile. Les grandes
distilleries sont absolument ravies car cela légitime leur activité
et leur assure le monopole de la distillation légale. Quant à
l’État britannique, il espère faire d’une pierre deux coups :
limiter la production dans les Highlands tout en l’encourageant
dans les Lowlands où elle est (et sera) toujours plus facile à
contrôler. Raté.

La Highland Line
Nouveau changement de cap en 1784. Le Wash Act instaure…
deux nouvelles façons de taxer les spiritueux, que l’on se
trouve au Nord ou au Sud. C’est la fameuse Highland Line qui
sépare l’Écosse en deux. Dans les Lowlands, on taxe le brassin
(5 shillings). Dans les Highlands, la taxe est calculée sur la
taille de l’alambic, qui ne doit pas excéder une capacité de
30 gallons. Il faut s’acquitter de 1 £ par an et par gallon de
capacité. La nouvelle loi rend également solidaires le
propriétaire et le fermier en cas d’infraction. Elle introduit
aussi l’idée d’un document officiel devant accompagner tout
transport d’alcool. Enfin, elle révoque le droit perpétuel de
Ferintosh à distiller gratuitement (contre une indemnité de
21 580 £ versée par l’État).

Cette loi ne satisfait personne. Les grandes distilleries des


Lowlands sont outrées des avantages accordés au Nord. Les
propriétaires dans les Highlands ne veulent pas payer pour
leurs fermiers qui enfreignent la loi et encore moins faire la
police. Le texte est donc amendé en 1786 : on augmente la
capacité légale maximum des alambics dans les Highlands à
40 gallons (chaque gallon est désormais taxé à hauteur de
1,10 £ par an) mais en limitant la quantité de grain pouvant être
distillée. En outre, les propriétaires ne sont plus responsables
des actes (illégaux) de leurs fermiers. Enfin, il est interdit
« d’exporter » du whisky produit dans les Highlands vers les
Lowlands. Et pour cause ! Car si le même régime s’applique
désormais au Sud de l’Écosse, les droits sont fixés à 2,10 £ par
gallon de capacité et par an dans les Lowlands. Soit presque le
double.

Les Lowlands au bord du gouffre


Conséquence immédiate de cette loi, les distilleries des
Lowlands adaptent processus de fabrication et matériel pour
produire un maximum de whisky : mouts plus forts en alcool et
alambics aux formes qui favorisent une évaporation très rapide.
Résultat, le distillat produit est de piètre qualité, pour ne pas
dire presque imbuvable en l’état. Il est donc principalement
vendu en Angleterre, redistillé afin de produire du gin. En
quelques années, la production explose et ce sont presque
5 millions de litres qui sont ainsi exportés. Pour la première
fois, la production locale de céréale ne suffit plus et les
distillateurs ont recours à l’importation.

Riposte immédiate. Plus proches du pouvoir, les distillateurs


anglais font voter une loi The Lowland Licence Act en 1788 qui
impose aux distillateurs écossais de se déclarer douze mois à
l’avance pour exporter vers l’Angleterre. Sans débouchés
pendant un an, les distilleries ferment les unes après les autres.
Le formidable empire créé par les familles Stein et Haig
disparaît presque du jour au lendemain.

Le dram, un whisky de rêve


Pendant ce temps, le whisky des Highlands construit sa (bonne)
réputation. Distillé lentement, dans des alambics de petites
tailles et exclusivement à partir d’orge maltée, il devient très
recherché. Et l’interdiction de l’exporter vers les Lowlands a
pour effet de donner un nouvel essor à la distillation
clandestine. Car si effectivement il peut s’avérer tentant de
déclarer son alambic, il l’est encore plus de vendre à bon prix
son whisky d’excellente qualité à ceux qui le réclament… au
sud du pays. Mais comme c’est interdit, mieux vaut se cacher
pour le produire, le transporter et le vendre. Le whisky des
Highlands gagne d’ailleurs tellement en qualité que c’est à
cette époque que l’on commence à le consommer pur, en
« dram », une mesure qui correspond à un tiers de pinte
(presque 20 cl !).

Irlande, whisky des villes, poitin des champs


Loin de toute cette agitation, l’Irlande en profite pour
construire les bases d’une industrie qui va devenir florissante.
Il faut dire que depuis le règne de la reine Elizabeth Ire , le
whisky irlandais est connu bien au-delà de ses frontières. Et sa
réputation a encore grandi depuis que Pierre le Grand (1672-
1725), tsar de la Russie, a déclaré que de « tous les vins et
spiritueux, l’eau-de-vie irlandaise est la meilleure ».

Dubliners

À partir du milieu du XVIIIe siècle, les distilleries poussent


donc comme des champignons et ce, sur tout le territoire
irlandais. C’est de cette époque que datent la construction ou le
développement des principales unités qui vont dominer le
monde du whisky mondial pendant plus de cent ans.

À Dublin, deux distilleries font rapidement parler d’elles,


Marrowbone Lane créée en 1752 et Thomas Street rachetée en
1757 par un certain Peter Roe. Et pas seulement parce que son
nouveau propriétaire y fait édifier le plus grand moulin à vent
d’Europe (45 mètres de haut), toujours visible aujourd’hui !
Mais les distilleries officiellement déclarées sont encore peu
nombreuses. L’une d’entre elles est cependant passée à la
postérité, celle de la famille MacManus. Créée en 1757, dans le
petit village de Kilbeggan, en plein centre du pays, cette
distillerie est aujourd’hui la plus vieille en activité, malgré une
histoire (très) mouvementée.

Poitin ou whisky de parlement ?


À partir de 1761, tous les alambics doivent être déclarés et sont
taxés à hauteur de leur potentiel de production. Effet
immédiat : la qualité du whiskey officiel baisse sans limiter la
distillation clandestine. Loin de là. En 1779, Londres limite les
licences qu’aux seules distilleries basées en ville, plus faciles à
contrôler. Du jour au lendemain dans les campagnes, les
distilleries ferment ou cachent leurs activités. C’est le début des
années poitin , l’eau-de-vie locale et clandestine. Nouveau tour
de vis en 1783 : si une distillerie clandestine est découverte, la
ville ou à la paroisse dont elle « dépend » doit s’acquitter d’une
forte amende. En 1785, la taxe sur l’alcool (qui date de…
1661) passe de 4 pences à 1 shilling par gallon. Résultat : en
1790, on ne compte plus officiellement que 290 distilleries en
Irlande. Elles produisent ce que les Irlandais appellent
désormais le « whisky de parlement » (Parliament whiskey ).
Mal et rapidement distillé, les Irlandais lui préfèrent le fameux
poitin , illégal mais de bien meilleure qualité.

En revanche, le traité commercial signé entre l’Irlande et


l’Angleterre en 1780 ouvre des perspectives intéressantes pour
les distillateurs irlandais. On assiste alors à une incroyable
effervescence. Tandis que les alambics disparaissent (ou se
cachent) dans les campagnes, des distilleries ouvrent (ou
s’agrandissent) dans toutes les principales villes du pays. C’est
de cette époque que date la construction des unités qui vont
dominer le monde britannique pendant presque cent ans.
Dublin et au-delà
À Dublin, la famille Roe étend ses activités. Richard hérite de
la distillerie Thomas Street, son frère Nicholas crée Pimlico. La
famille Stein rachète Marrowbone Lane en 1780. John Jr en
prend la direction et créé dans la foulée une nouvelle unité sur
Bow Street tandis que Robert, installe Dodder Bank en 1795.
Quelques années plus tôt en 1791, James Power crée John’s
Lane dans sa propre auberge.

Dublin n’est pas la seule ville qui voit l’émergence de


nouvelles distilleries. Un peu partout dans le pays essaiment de
nouvelles unités de production : au nord, du côté de
Londonderry et de Coleraine (Bushmills en 1784), au centre
dans les villes de Birr (Wood’s) et de Monastereven (Cassidy’s
en 1784) ou à l’ouest dans les villes portuaires de Newport et
Galway ou Limerick. Mais la ville qui va le mieux profiter de
sa situation, c’est Cork. De nombreuses distilleries y sont
créées : North Mall – sous le nom de North Abbey – en 1779,
Millfield en 1783, Walker’s en 1789, Watercourse en 1793, The
Green Distillery en 1796. Dodge Glen et Spring Lane (ou Glen)
suivront en 1802, Daly’s en 1805 (rebaptisée John Street en
1807 suite à son déménagement). Pour n’en citer que quelques-
unes.

L’émigration des Scotch-Irish


Au cours de ce XVIIIe siècle, de nombreux Celtes
émigrent vers le Nouveau Monde et parmi eux un
grand nombre de Scotch-Irish. Ils sont presbytériens et
originaires d’Irlande du Nord, une région peu à peu
colonisée par les habitants anglicans des Lowlands
écossais et du Nord de l’Angleterre. Premières victimes
des tensions entre les deux pays au cours du XVIIIe
siècle et victimes des famines récurrentes, ils sont ainsi
plus de 200 000 à traverser l’Atlantique, entre 1717 et
1775. En Amérique, on les retrouve pour la plupart
dans le Delaware, en Virginie, dans les deux Caroline,
en Géorgie mais aussi dans le Kentucky et le
Tennessee.

Le whisky dans tous ses états… d’Amérique


De l’autre côté de l’Atlantique, les populations indigènes ne
connaissent pas l’alcool, totalement absent du régime
alimentaire local. Ni vin, ni bière, pas une seule boisson ne
serait-ce qu’un peu fermentée. Rien. Le tabac règne en maître.
Il y pousse en quantité et c’est le compagnon quotidien de
l’ensemble des populations locales.

Rhum, apple-jack et… whisky


Avec l’arrivée des Européens (Scotch-Irish mais aussi
Allemands luthériens ou calvinistes), l’histoire du whiske(y) et
des États (pas encore) unis avance presque de concert.
Débarqués côté est, les hommes s’attaquent à la conquête de
l’Ouest, poussent jusqu’au Mississippi à l’ouest ou au Mexique
au sud. Une fois établis, ces nouveaux colons redeviennent des
fermiers qui – comme leurs compatriotes ou ancêtres –
distillent le surplus de grain pour éviter qu’il ne pourrisse.
Distiller des céréales reste donc pendant longtemps une activité
strictement agricole et domestique. L’alcool commercialisé et
dominant à cette époque aux USA, c’est le rhum (et dans une
moindre mesure, les eaux-de-vie de fruits, en particulier
l’apple-jack, une eau-de-vie de pomme).

Une loi (Molasses Act ) votée en 1733 par le Parlement


britannique inverse la tendance en taxant le sucre et la mélasse
non britanniques. Et pour cause, ces denrées proviennent
principalement des colonies françaises. La France avec qui les
Britanniques ne sont pas en meilleurs termes. Les premières
tensions entre la Couronne et ses colons apparaissent dès 1765.
Elles iront en s’intensifiant jusqu’en 1773 avant de déclencher
la guerre d’Indépendance (1775-1783) et d’entraîner la
déclaration d’Indépendance du 4 juillet 1776. Cela perturbe les
échanges entre les Caraïbes, l’Amérique et l’Europe, une
Europe qui a découvert le sucre et qui en réclame toujours plus.
Autant de facteurs qui contribuent à créer un début de pénurie
de mélasse et donc à diminuer la production de rhum et à en
augmenter le prix. Le whisky américain commence à se
développer.

Côté rivière (Mississippi), on distille à partir de maïs


majoritairement, en particulier, dans le comté de Bourbon.
Cette céréale locale et indigène y pousse abondamment et sans
véritable entretien. Elle sert depuis longtemps à produire une
eau-de-vie très appréciée, d’autant qu’elle est beaucoup moins
forte en goût que celle produite à base de seigle ou d’orge.
Devant son succès, l’un de ses habitants d’origine galloise,
Evan Williams, ouvre une distillerie à Louisville sur les bords
de la rivière Ohio en 1783. Une preuve écrite fait de lui le
premier distillateur de métier dans le futur Kentucky. D’autres
s’installent dans les parages au même moment : Robert
Samuels (Maker’s Mark) dans les années 1780 ou Johannes
Boehm (Jim Beam) en 1785 pour ne citer que ceux passés à la
postérité.
La légende du bourbon
Le comté de Bourbon est officiellement créé le
17 octobre 1785. Son nom est un hommage à la maison
royale française et au roi Louis XVI qui a porté
assistance aux Américains pendant la guerre
d’Indépendance. À cette époque, ce territoire –
immense – est l’un des neuf comtés rattachés à la
Virginie. Il faudra attendre 1792 pour que le Kentucky
devienne officiellement le quatorzième État membre
des États-Unis (le Tennessee sera le quinzième en
1796). Selon la légende, c’est un certain Jacob Spears
(ou Speers) qui inscrit les termes « Bourbon Whiskey »
sur ses barriques. Pas en gage de qualité.
Juste pour dire que cette eau-de-vie est produite à partir
de maïs et non de seigle comme c’est le cas des
whiskeys produits plus à l’est. Lorsqu’il meurt en 1825,
immensément riche, l’appellation lui survit. Elle
acquiert une vraie légitimité lorsque le comté de
Bourbon est redécoupé en plusieurs comtés au début du
XIXe siècle. Tous les distillateurs prennent alors soin
de noter « Old Bourbon » sur leurs barriques.
Aujourd’hui, le Bourbon County de 1785 a été découpé
en 34 comtés mais son nom – en créant une nouvelle
catégorie de whisky – est devenu synonyme de
whiskey américain.

Petites récupérations et grande trouvaille


L’autre grand nom du whiskey resté célèbre, c’est Elijah Craig.
Ce prêtre baptiste, s’installe à Georgetown en 1789, dans le
comté de… Scott. On lui prête la découverte des vertus du
vieillissement en futs de chêne car il a pour habitude
d’expédier son whisky en fût et par bateau le long de la rivière
Ohio. Et sa réputation grandit lorsqu’il s’aperçoit qu’un
whiskey logé en fût dont les parois intérieures ont été brûlées
(technique du bousinage) prend une jolie teinte caramel et
s’avère plus facile à boire. On ne sait pas exactement comment
ce principe a été découvert. Deux versions circulent : la
première, accidentelle, fait état d’un tonnelier qui aurait mis le
feu aux douelles du fût qu’il fabriquait alors qu’il était en train
de les chauffer pour les plier. Ne voulant pas perdre le bénéfice
de son travail, il aurait quand même vendu le fût à son client
sans rien lui dire. La seconde, intentionnelle, explique
qu’Elijah Craig aurait volontairement brûlé l’intérieur des fûts
pour éliminer l’odeur des poissons qu’ils avaient contenus
précédemment. Cette seconde version paraît la plus probable
quand on sait qu’un fût coûtait très cher et qu’il servait à l’aller
et au retour pour transporter toute sorte de marchandise.

Quoi qu’il en soit, Elijah Craig et beaucoup d’autres n’hésitent


pas à faire voyager leurs fûts sur les rivières Ohio et
Mississippi jusqu’à la Nouvelle-Orléans. Ce n’était pas tant le
temps du transport qui permettait au whisky de vieillir mais
bien un temps d’attente. En effet, le grain était distillé
majoritairement en octobre ou novembre mais les rivières
n’étaient hautes et navigables de façon sûre qu’au printemps.
Le whiskey logé en fût patientait donc plusieurs mois avant
d’être transporté et vendu.

La Whisky Rebellion
Côté océan Atlantique et au centre du pays, on distille plutôt du
seigle, une céréale importée d’Europe qui s’est mieux
acclimatée que l’orge ou le blé. Deux régions se révèlent vite
idéales : les montagnes du Cacoctin et le long de la rivière
Manongahela. Dans sa vallée, prend d’ailleurs naissance la
Whisky Rebellion , épisode fondateur des États-Unis tels qu’on
les connaît aujourd’hui. Petit rappel des faits.

La déclaration d’Indépendance des États-Unis est proclamée le


4 juillet 1776, mais il faut attendre 1783 pour que les Anglais la
reconnaissent, 1787 pour que le nouveau pays se dote d’une
constitution et 1789 pour qu’un premier président soit élu.
George Washington, héros de la guerre d’Indépendance,
encourage le principe fédéral qui lie les treize États fondateurs
mais la jeune nation croule sous les dettes. Son premier
secrétaire d’État au Trésor, Alexander Hamilton, dont le père
est… écossais, fait voter en mars 1791 par le jeune congrès une
loi qui taxe le whisky. Le Whiskey Excise Act stipule que l’on
peut payer une rente annuelle en fonction de la taille de son
alambic ou en déclarant chaque gallon de whiskey produit.

L’apparition du « Moonshine Whisky »


Pas facile à imposer dans un pays épris d’une liberté
nouvelle… Pourtant, peu à peu, les plus importantes
distilleries, basées à l’est, s’y soumettent. Difficile pour elles
d’y échapper et en optant pour un paiement annuel, la taxe
n’est que de 6 cents par gallon. Plus à l’ouest, en revanche, la
pilule ne passe pas. Les fermiers distillent occasionnellement,
le paiement annuel ne les concerne pas, ils sont donc taxés
entre 9 et 11 cents par gallon. Et puis à cette époque, plus on va
vers l’ouest, moins l’argent sonnant et trébuchant circule.
L’économie repose sur l’autosuffisance et/ou le troc. Le whisky
sert d’ailleurs souvent de monnaie d’échange. Il n’est donc pas
facile de s’acquitter de la taxe. Se cacher et distiller au clair de
lune – d’où le terme « moonshine » pour qualifier le whiskey
illégal américain – reste donc le meilleur moyen de ne pas se
faire repérer.

Fin de partie
Entre 1791 et 1794, les incidents plus ou moins graves entre
distillateurs et autorité se multiplient : inspecteur recouvert de
goudron et de plume, général menacé physiquement par des
producteurs, coups de feu tirés en direction de deux
inspecteurs, jusqu’à la mort d’un négociateur mandaté par les
producteurs. L’insurrection est en passe de devenir une révolte.
En 1794, George Washington se décide alors à reprendre les
choses en main. Le 1er août, il envoie trois des plus hauts
responsables fédéraux négocier avec les opposants. En
parallèle, il demande au ministre de la Justice de déclarer
l’ouest de la Pennsylvanie en état d’insurrection. C’est chose
faite le 4 août, ce qui lui permet le 7 août d’annoncer « à son
grand regret », l’envoi d’une force militaire pour mater la
rébellion. 12 500 hommes de tous les États sont mobilisés et
envoyés sur place. Du jour au lendemain, plus personne ne
manifeste alors son opposition à la taxe.

La distillerie du président
George Washington fut aussi le propriétaire d’une des
plus importantes distilleries du pays. En 1771, le futur
premier président des États-Unis fait construire un
moulin dans sa grande propriété de Mount Vernon
(comté de Fairfax en Virginie) sur les rives d’un petit
affluent du Potomac. Des alambics sont installés pour
distiller du rhum. En 1797, James Anderson, le
responsable… écossais, de l’exploitation – qui
comprend également cinq fermes – suggère à
Washington de construire une distillerie de whisky.
Deux alambics sont rapidement installés et le premier
distillat est recueilli le 22 février 1797. 600 gallons (un
peu moins de 2 300 litres) sont produits la première
année. Dès 1799, avec une production de
11 000 gallons par an, elle devient l’une des plus
grosses du pays. À la mort de George Washington en
1799, la distillerie passe de main en main jusqu’à sa
destruction complète en 1814 à la suite d’un incendie.
Elle a été reconstruite à l’identique et a rouvert au
public en avril 2007. C’est aujourd’hui le point de
départ de l’American Whiskey Trail, un circuit de
visite qui relie tous les sites historiques de la
distillation aux États-Unis.
Chapitre 5

Le whisky fait sa révolution…


industrielle

Dans ce chapitre :
Whisky made in USA , recette d’un succès
Le Vieux Continent et les Temps modernes
Une révolution planétaire

J usqu’au XVIIIe siècle, la fabrication du whisky est une


activité plus ou moins artisanale. S’il s’est imposé partout dans
la zone d’influence des Britanniques, c’est un peu par hasard,
en raison de conditions – climatiques, économiques,
historiques –propices et sous l’influence d’une poignée de
pionniers plus ou moins chanceux et/ou aventureux. Au XIXe
siècle, la mise en place d’un cadre légal fixe et pérenne,
quelques inventions majeures et les avancées de la révolution
industrielle vont propulser le whisky dans une autre dimension.
Sous la houlette de quelques grands noms devenus célèbres ou
d’illustres inconnus, le whisky devient le spiritueux tel qu’on le
connaît encore aujourd’hui. Retour sur une vraie success story .
Whisky made in USA, recette d’un succès
Aux États-Unis, la fin de la Whisky Rebellion ne marque pas le
retour de l’ensemble des distillateurs sur le chemin de la
légalité. Loin de là même puisqu’en 1798, plus de
200 distillateurs dans le seul État du Kentucky (dont un certain
Elijah Craig ! – voir chapitre 4) sont déclarés coupables de ne
pas avoir déclaré leur production. Le retour à la normale
permet à l’industrie naissante du whiskey de se développer.
Mais c’est surtout l’interdiction d’importer de nouveaux
esclaves africains sur le sol américain en 1808 qui porte un
coup presque fatal à l’industrie du rhum américain. Du jour au
lendemain (ou presque), le commerce triangulaire entre
l’Afrique, l’Europe et les États-Unis cesse, entraînant dans sa
chute les plantations sucrières et rhumières américaines. Il n’en
faut pas tant pour que le whiskey connaisse un premier boom à
l’échelle du pays. D’autant que plusieurs innovations vont
favoriser son expansion.

Petits secrets de fabrication


Jusqu’à présent, le bousinage est exclusivement pratiqué sur
des fûts usagés, pas les neufs évidemment. Lorsque les
Américains colonisent peu à peu la Louisiane (rachetée aux
Français en 1803), le whisky entre en compétition avec le
cognac français, dont certains des fûts sont toastés. La pratique
commence donc à être copiée. Cela permet d’améliorer
sensiblement la qualité du whiskey. D’autant qu’il est avéré
que dès 1820, la plupart des producteurs américains ne gardent
que le cœur de chauffe. En écartant les têtes et les queues, on
supprime une partie des arômes désagréables du whisky de
l’époque. Deux autres innovations apparaissent également et
quasi simultanément.

La filtration sur charbon de bois


La première mention de la filtration à travers une couche plus
ou moins épaisse de charbon de bois a été retrouvée à
Louisville (Kentucky) dans un document daté d’avant 1820. Il
indique que pour filtrer le whisky, afin de le purifier de tous les
éléments indésirables, on peut utiliser un tissu de flanelle ou du
sable blanc très fin ou de la poudre de charbon de bois fait à
partir d’un bon bois vert comme l’érable ou le noyer. Avant de
faire la renommée du Tennessee whiskey, cette pratique circule
dans plusieurs États au gré des pérégrinations d’un certain
William « Billy » Pearson. Le procédé, connu aujourd’hui sous
le nom de Lincoln County Process, différencie le Tennessee
whiskey du bourbon.

William Pearson (1761-1844)


Né en Pennsylvanie le 10 avril 1761, William Pearson
grandit en Caroline du Sud (Union County) où sa
famille, quaker, s’est établie. Il s’y marie puis hérite
des possessions de son père : 200 hectares et
cinq moutons. Mais c’est sa mère, Tibitha Jacoks, qui
lui transmet le secret de sa famille : une recette de
whisky à base de maïs, encore plus doux et onctueux si
on le filtre sur du charbon de bois. Elle-même tient ce
petit truc de sa propre mère, une certaine Mary Stout.
Mais Billy Pearson est un fermier dans l’âme, pas un
distillateur. Il améliore le procédé année après année
mais sans en tirer parti ou profit. Pire : après avoir été
exclu de sa communauté pacifique quaker (pour avoir
possédé une arme), il est rejeté par les Baptistes pour
production de whiskey ! Il décide alors de partir pour le
Tennessee où il s’installe en 1812 à Big Flat Creek,
entre les petites villes de Davey Crockett et Lynchburg,
à côté d’une petite source, Cave Spring. Devant le
succès de son whisky, un certain Alfred Eaton lui
achète sa recette en 1825. C’est lui que l’histoire
retiendra pour sa description précise du processus de la
filtration sur charbon de bois d’érable. Il calcule qu’il
faut au moins trois mètres d’épaisseur pour que le
résultat soit efficace. Lorsque Eaton revend sa recette à
Jack Daniel, William Pearson est mort depuis
longtemps : le 19 octobre 1844 à Lynchburg.

La technique du sour mash


C’est aussi à la même époque que la technique du sour mash
(littéralement « moût aigre ») apparaît. Elle consiste à stériliser
un moût ou un brassin avec un peu des vinasses – très acides –
de la distillation précédente. Ce qui permet de contrôler le pH
et ainsi d’empêcher le développement de bactéries –
nombreuses dans un moût ou un brassin de maïs – qui pourrait
dégrader le goût. Cela permet aussi d’assurer la permanence du
goût du bourbon. On doit sa mise en application au physicien
James C. Crow.

En moins de cinquante ans, le bourbon tel que nous le


connaissons encore aujourd’hui est né.

James C. Crow (1789-1856)


Cet Écossais – qui naît à Inverness en 1789 – étudie les
sciences à la faculté d’Édimbourg dont il sort diplômé
en 1822. Suite à un revers de fortune, et pour échapper
à ses créanciers, il s’embarque pour le Nouveau Monde
et s’installe à Philadelphie en 1823. Il poursuit sa route
jusqu’au Kentucky où il est embauché par le colonel
Willis Field à sa distillerie de Grier’s Creek dans le
comté de Woodford. Il y met en application son esprit
scientifique et des méthodes rationnelles qui font des
miracles. Il s’établit ensuite à Milville et travaille au
sein des distilleries Glenn’s Creek, Oscar Pepper puis
Johnson. Au cours de ces différentes expériences,
James Crow mesure systématiquement le taux de sucre
de ses moûts avec un saccharimètre. Avec l’aide,
semble-t-il, d’un autre scientifique, le docteur Jason S.
Amburgey, il découvre les propriétés sanitaires et
gustatives du « moût aigre » et en améliore son
efficacité. Il systématise également le vieillissement du
whisky en fût bousiné. Lorsqu’il meurt en 1856, sa
réputation est considérable. Non seulement, ses
whiskies sont bons mais surtout celui que l’on
considère aujourd’hui comme le « père » du bourbon
moderne, sait pourquoi.

Le Canada, à petits pas

En cette fin de XVIIIe siècle, le whisky fait aussi ses grands


débuts au moment où la Nouvelle-France devient Canada.
Pourtant, dès 1671, un premier alambic est installé dans la ville
de Québec. C’est le français Jean Talon (1625-1694),
l’intendant envoyé par Colbert, qui est à l’origine de
l’initiative, dans la brasserie qu’il vient de faire construire.
Cependant, en raison d’un approvisionnement facile en
mélasse, on y distille du… rhum. Pire, la brasserie fait faillite
quatre ans après ses débuts. Pour le whisky local, il faudra donc
attendre encore un peu et surtout l’arrivée des Britanniques en
1760 suite au traité de Paris (8 septembre 1760) qui entérine la
défaite des Français.

C’est ainsi que l’Anglais John Molson (1763-1836) débarque


en 1783 à Montréal avec un petit pécule, suite au décès de ses
parents. Décidé à devenir brasseur, il obtient rapidement un
certain succès. En 1801, les archives de sa société mentionnent
l’achat d’un premier alambic en cuivre. Molson produit alors
du whisky, c’est sûr, mais la distillation ne l’intéresse pas. C’est
son second fils, Thomas (1791-1863), qui le pousse à
développer cette activité et à acheter un nouvel alambic en
1811, importé d’Angleterre. Passionné de distillation et
s’intéressant bien plus aux spiritueux qu’à la bière, Thomas
Molson pense que l’avenir appartient au whisky. Il est le seul
dans la famille et décide de quitter alors Montréal pour le Haut-
Canada. Le whisky canadien existe mais reste une activité
domestique.

Le Vieux Continent et les Temps modernes


En Europe, en ce début de XIXe siècle, les guerres
napoléoniennes font rage. Les pénuries fréquentes d’eaux-de-
vie françaises créent une demande importante en Grande-
Bretagne, mais conduisent aussi le gouvernement anglais à
augmenter les taxes pour financer l’effort de guerre. C’est ainsi
que la licence annuelle par gallon passe de 9 £ en 1795 à 162 £
en 1803 dans les Lowlands et de 1,10 £ à 6,10 £ dans les
Highlands ! L’impact est une nouvelle fois immédiat : le
nombre de distilleries légales chute et seules survivent celles
qui arrivent à augmenter leur capacité de production.

Petits accords douaniers


La nuit tombée, à l’écart des habitations, la distillation
clandestine bat son plein. Femmes et enfants sont de la partie,
au moins pour faire le guet. À Cardhu, Ellen Cumming offre
ainsi le gîte et le couvert aux douaniers de passage. Ce qui lui
donne le temps de hisser un drapeau rouge en haut de sa
cheminée pour prévenir son mari (et les autres).

Plus les taxes sont élevées, plus la contrebande prolifère. Et la


plupart du temps, la population défend les fraudeurs, pas les
douaniers. Les vocations sont donc peu nombreuses car c’est
un métier dangereux : les contrebandiers ne reculent devant
rien pour sauver leur matériel. Les arrestations et les procès
sont rares. Pire, tous les frais engagés sont à la charge du
douanier. Les petits arrangements entre amis sont donc
habituels : on ferme les yeux en échange d’un petit billet, d’un
mouton ou… de whisky.

Malcolm Gillespie (1779-1827)


Malcolm Gillespie a été probablement l’un des
meilleurs douaniers d’Écosse. Il a procédé à des
dizaines d’arrestations et il était la hantise des
contrebandiers qui le craignaient par-dessus tout. Au
cours de sa carrière, il a saisi 62 400 gallons de brassin,
6 535 gallons de whisky, 407 alambics clandestins,
165 chevaux et 85 charrettes qui transportaient du
whisky illégal ! Malgré tout, ses dépenses (il avait trois
ou quatre assistants) sont supérieures à ses recettes. Il
commence alors à détourner une partie de l’argent
récolté. Convaincu de vol de et de fraude, il sert
d’exemple et est condamné à mort. Sur l’échafaud, il
abat sa dernière carte et montre les nombreuses
cicatrices – 42 sur tout le corps ! – des blessures reçues
dans l’exercice de ses fonctions. Peine perdue, il est
pendu haut et court en novembre 1827.

L’État britannique resserre les… gallons


Pour faire cesser la distillation clandestine, l’État britannique
vote une nouvelle loi en 1814. Elle fixe la capacité minimum
des alambics à… 500 gallons ! Du jour au lendemain, toutes les
opérations de distillations deviennent clandestines : personne
(pas même les distilleries officielles) n’a les moyens (en grain
et en énergie) de faire fonctionner d’aussi gros alambics. La
distillation clandestine devient alors un vrai commerce,
parfaitement organisé. Certains produisent, d’autres vendent en
profitant des nombreuses foires aux bestiaux qui permettent de
faire passer le whisky produit dans les Highlands aux
consommateurs des Lowlands. La loi est amendée en 1816. Le
nouveau texte, valable sur l’ensemble du territoire, supprime la
ligne séparant les Highlands des Lowlands, revient à une
capacité minimum de 40 gallons et abaisse considérablement
les droits par gallon produit. Elle permet la création de
nombreuses distilleries dont certaines – Lagavulin, Teaninich –
sont toujours en activité aujourd’hui. Elle ne règle pourtant pas
du tout le problème de la distillation clandestine. À tel point
que lorsque le roi George IV visite l’Écosse – une première
pour un roi anglais et en tartan qui plus est – en octobre 1822,
on lui fait boire du whisky… de contrebande ! Qu’il trouve
excellent !

L’Excise Act
Alexander, quatrième duc de Gordon (1743-1827), l’un des
principaux propriétaires terriens du pays, milite alors pour une
loi encore plus souple. Sous l’autorité de Thomas Wallace
(1768-1844), secrétaire d’État au commerce, une commission
parlementaire est alors créée pour définir une réforme en
profondeur. Ses conclusions sont acceptées par le Premier
Ministre anglais, Frederick « prosperity » Robinson (1782-
1869). Et c’est ainsi qu’est voté le texte de l’Excise Act de 1823
qui structure une bonne fois pour toutes la production de
whisky. Désormais, la licence coûte 10 £ par an et par alambic.
Les droits sont fixés à 2s 5d par gallon produit (avec une
ristourne de 1s 5d par gallon si on distille à partir de malt).
Mieux, la loi crée les fameux chais sous douanes (bonded
warehouse) , ce qui permet d’acquitter les droits sur l’eau-de-
vie au moment de sa vente, pas de sa production. Désormais, le
distillateur, petit ou gros, au nord comme au sud va pouvoir
produire du whisky comme bon lui semble.

Le whisky sort du bois


De nombreuses distilleries voient le jour ou deviennent légales.
On en compte 203 en 1823 dont Auchentochan ou Mortlach,
puis 337 en 1824 parmi lesquelles Cardhu, Glenlivet et
Macallan, Edradour suit en 1825, Aberlour, Glendronach et
Pulteney en 1826, Springbank en 1828 ou Talisker en 1830. La
distillation clandestine ne disparaît pas du jour au lendemain
mais elle diminue considérablement. 4 523 cas sont jugés en
1823, 873 en 1825 et seulement 85 en 1832 ! Quant aux
volumes déclarés, ils passent de 3 millions de gallons à
12 millions en 1830.

L’alambic labyrintic
À la même époque, un procédé de distillation en continu
apparaît (voir figure 8-2 ). Absolument révolutionnaire, il
s’appuie sur les travaux du descendant d’un huguenot français,
Anthony Perrier (1770-1845), qui travaille dans la distillerie de
son frère, Spring Lane à Cork. C’est lui qui a l’idée en 1823 de
verser le brassin à distiller dans un alambic dont l’intérieur
ressemble à un labyrinthe. Du coup, c’est par petite quantité
que le brassin entre en contact avec la source de chaleur. Il se
vaporise instantanément mais se re-condense aussi vite sur les
parois du labyrinthe, jusqu’à ce que l’éthanol arrive à
s’échapper vers le condenseur. Effet immédiat : le rendement
alcoolique est beaucoup plus élevé. L’Écossais Robert Stein,
propriétaire de la distillerie Kilbagie, reprend l’idée à son
compte mais en modifiant la forme de l’alambic : l’oignon
devient colonne à plateaux. Le principe est le même mais le
design rend l’invention encore plus efficace. C’est lui qui
nomme sa colonne à distiller patent still , car il dépose deux
brevets en décembre 1827. Sans grand succès, même si son
cousin John Haig y voit l’avenir du whisky. Il fait d’ailleurs
installer dans sa propre distillerie, Cameron Bridge, le premier
alambic de ce type dès 1828. C’est un certain Coffey, un ancien
officier des douanes, propriétaire de la distillerie Dock à
Dublin, qui perfectionne l’installation.

Aeneas Coffey (1780-1852)


Aeneas Coffey naît à Calais en 1780 où il passe les dix
premières années de sa vie. De retour en Irlande, d’où
ses parents sont originaires, il étudie au Trinity College
de Dublin. En 1799, il entre au service des douanes en
tant qu’inspecteur. Il est muté à Drogheda en tant que
sous-commissaire de la régie des douanes et des taxes
intérieures. Il est nommé inspecteur général en 1819
mais démissionne de son poste en 1824 après avoir
acheté… la distillerie Dock de Dublin. Le douanier
devient distillateur. Là il peut enfin donner libre cours à
ses talents d’ingénieur. C’est lui qui a l’idée géniale de
faire circuler le brassin dans un serpentin de cuivre
avant de le déverser sur les plateaux chauffés par la
vapeur montante, qui est toujours injectée par le bas. Il
perfectionne aussi le principe de l’alimentation du
brassin et la collecte de l’eau-de-vie en continu. Au
départ, son invention ne comporte qu’une seule
colonne, divisée en deux parties. Mais il comprend vite
que plus la colonne est haute, plus le spiritueux sort pur
et fort en alcool. Le principe est valable si on sépare la
colonne en deux. Il fait breveter son invention en 1830
sous le numéro #5974. En 1835, le succès de son
invention est tel qu’il ferme sa distillerie et ouvre la
société Aeneas Coffey & Sons à Londres pour installer
des alambics un peu partout au Royaume-Uni. Il meurt
à Londres en 1852. Rebaptisée John Dore & Co., en
1872, sa société existe toujours et c’est aujourd’hui
encore l’un des principaux fabricants de colonne à
distiller.

L’invention des blends


Dans les années 1840, l’Écosse traverse une période difficile.
L’industrie du whisky frôle la surchauffe alors que la crise est
là. Ce qui n’empêche pas quelques nouvelles distilleries – dont
Glenfarclas en 1836, Dalmore en 1839, Glen Grant en 1840,
Glenmorangie en 1843 – de s’établir avec succès. À partir des
années 1850, les droits sur l’alcool augmentent régulièrement
et la ristourne pour le malt disparaît, entraînant la hausse du
prix du whisky. Pire, sous la montée en puissance des premiers
mouvements de tempérance, une loi impose aux public houses
(les fameux pubs) de fermer à 23 heures et leur interdit d’ouvrir
le dimanche. De 161 en 1850, les distilleries en activité passent
à seulement 128 en 1857.

Seule bonne nouvelle, en 1853 l’assemblage des whiskies est


désormais officiellement autorisé. Une petite révolution mais
aussi la fin d’une supercherie car il est admis depuis longtemps
que certains marchands mélangent les puissants whiskies de
malt distillés à repasse aux légers whiskies de grain produit en
continu. Autant pour faire plus de profit que pour rendre plus
accessible et au plus grand nombre le whisky écossais. Cela
profite presque immédiatement à un épicier d’Édimbourg,
devenu un vrai spécialiste.

Andrew Usher (1782-1855)


Andrew Usher naît à Melrose en 1782. à Londres ou
Édimbourg, il exerce divers petits boulots, bonnetier,
gantier, avant de rejoindre en 1808 le commerce de
spiritueux de l’un de ses beaux-frères en tant que
commercial itinérant. En 1813, il s’associe avec un
autre de ses beaux-frères, James Fairburn, pour ouvrir
sa propre affaire. Malgré le décès précoce de son
associé, le commerce se porte à merveille et il s’offre
même une page de publicité dans le Edinburgh Star du
21 novembre 1821 pour « informer ses clients et le
public que le stock de vins et de spiritueux de Andrew
Usher & Co., est désormais très large ». Il est même
précisé que la société « est approvisionnée
quotidiennement en whisky des Highlands » et que
« quelques fûts de Glenilivit sont disponibles, un
whisky dont la qualité est inégalable ». Difficile de
savoir si notre homme parle du whisky de George
Smith, puisqu’officiellement la distillerie Glenlivet est
fondée en… 1824. Mais il paraît acquis que les deux
hommes se connaissent déjà. À partir de 1835, notre
homme commence à mélanger les différents fûts de
Glenlivet entre eux, pour gagner en régularité. En
1843, il ouvre une boutique à Londres pour vendre en
exclusivité le fameux Glenlivet. Dans ses publicités, il
fait référence à sa pratique du vieillissement (« le
whisky est stocké jusqu’à ce qu’il atteigne sa pleine
maturité ») mais jamais à son art de l’assemblage. Et
pour cause, c’est encore interdit, jusqu’en 1853, date à
laquelle il lance son Old Vatted Glenlivet. Il meurt en
1855 sans savoir qu’il a révolutionné le monde du
whisky.

L’année 1860 marque un second tournant pour le whisky en


Écosse. Le gouvernement de William Ewart Gladstone (1809-
1898) étend la loi qui permet de payer les droits d’accises (voir
chapitre 3) au moment de la vente aux assembleurs. Elle ne
concerne plus seulement les distilleries. L’impact est immédiat
et considérable sur la production, le stockage et le commerce
des whiskies d’assemblage. Désormais, les blends vont pouvoir
se développer à grande échelle. En une dizaine d’années, les
marques qui dominent encore aujourd’hui le monde du whisky
voient le jour.

Les grands maîtres de l’assemblage


George Ballantine (1809-1891), lui aussi installé à Édimbourg,
connaît bien la famille Usher. On dit même qu’il participe aux
premières expériences d’assemblage dans les années 1940 et
1950. Pourtant, dans sa boutique, ouverte en 1827, il préfère
vendre du vin, qui lui apporte une clientèle « plus
respectable », selon ses dires. Ce qui ne l’empêche pas de se
révéler un très bon assembleur. Lorsqu’il s’installe à Glasgow
en 1869 pour développer son activité (son fils reprend la
boutique d’Édimbourg), le journal local parle de « la grande
réputation d’assembleur de la société Geo. Ballantine & Son ».
John Walker (1805-1857)
Lorsque Alexandre Walker meurt en 1819, il lègue à
son jeune fils la somme de 537 £, immédiatement
investie dans une épicerie de Kilmarnock. Une dizaine
d’années, plus tard, John « Johnnie » Walker est l’un
des commerçants les plus respectés de la petite ville.
En 1852, une inondation le ruine presque entièrement
et, pire, détruit tout son stock de whisky. Il ne lui faut
pourtant que quelques années pour se refaire
financièrement, grâce à un talent certain pour
l’assemblage de whisky. Et à sa mort, en 1857, son fils
Alexandre (1837-1889) hérite d’un commerce
parfaitement établi. C’est lui qui développe la société,
tout d’abord en déposant la marque Old Highland
Whisky en 1867, puis en imposant la fameuse bouteille
carrée à la fin des années 1870 et enfin en s’installant à
Londres en 1880. La troisième génération –
Alexander II et George – crée une gamme avec Old
Highland, Special Old Highland et Extra Special Old
Highland Whisky. En 1909, les trois embouteillages
sont renommés White Label (arrêté en 1911), Red
Label et Black Label. Un an auparavant, l’homme à la
redingote rouge est créé par l’illustrateur Tom Browne
(1870-1910). Aujourd’hui encore, Johnnie Walker
avance toujours à grands pas. Avec 250 millions de
bouteilles par an, c’est la marque de whisky la plus
vendue dans le monde.

D’autres épiciers et marchands ont été les pionniers de cet art


nouveau de l’assemblage. Dès 1840, Charles MacKinlay
achetait des fûts à plusieurs distilleries (Glen Scotia, Royal
Brackla, Dalmore ou Glen Grant) et vendait un whisky sous le
nom de Old Vatted Ben Vorlich, sans que l’on sache
aujourd’hui ce que c’était précisément. Richard Sanderson
(1839-1908) est resté dans l’histoire pour avoir écrit la
première recette, Mixture Whisky : 10 gallons de Glenlivet,
10 gallons de Pitlochry, 5 gallons de petites eaux de malt (eau
avec laquelle on a rincé un fût de single malt), 8 gallons de
whisky de grain, 4 gallons d’eau, 1/2 gallon de shrub (du
whisky aromatisé au citron) et 8 gallons de petites eaux de
whisky de grain (eau avec laquelle on a rincé un fût de whisky
de grain).

James Chivas (1810-1886)


Le nom Chivas dérive du gaélique « seamhas », qui
veut dire « petit endroit » ou « passage étroit ». Sa
première trace écrite remonte à 1640, pas très loin
d’Aberdeen lorsqu’un texte mentionne la construction
d’un manoir au lieu-dit Schivas. Le nom ou ses
variantes – Shivas, Sheves, Chivas –se répand alors
dans tout le Nord-Est de l’Écosse. Cent cinquante ans
plus tard, un certain Robert Chivas (1767-1847),
fermier de son état, et sa femme Christian Murdoch
(1775-1842) élèvent tant bien que mal leurs douze
enfants. Deux d’entre eux, James (1810-1886) le
sixième et John (1814-1862) son cadet, vont faire la
renommée de la famille. En ce début de XIXe siècle,
Aberdeen connaît un développement sans précédent en
raison de son ouverture sur la mer. Le commerce est
florissant et John est embauché comme vendeur dans
une boutique de confection. Il en devient rapidement le
responsable avant d’ouvrir son propre commerce… de
chapeaux. Quant à James, il trouve un travail en 1836
chez un certain William Edward, qui a créé une
épicerie en 1801. Son talent de vendeur fait des
miracles. À tel point que la boutique déménage pour un
local beaucoup plus grand en 1838. Quand son patron
disparaît subitement en 1841 James – qui a 31 ans –
s’associe avec Charles Stewart, un autre commerçant
pour reprendre la boutique. Les deux hommes sont
parfaitement complémentaires, même si James montre
déjà un vrai intérêt pour le rayon des vins et spiritueux.
En 1842, la reine Victoria achète la propriété de
Balmoral et reconstruit le château. La reine et le roi
s’approvisionnent chez Stewart & Chivas dont la
réputation de sérieux, de qualité et de service n’a pas
d’équivalent dans les environs. En août 1843, la
boutique est appointée fournisseur officiel de la reine.
La devise devient « All that may need a wealthy family
» (Tout ce dont peut avoir besoin une famille
respectable). À la fin des années 1850, James Chivas
lance son propre blend, Royal Glen-dee, assemblé à
partir de l’une des neuf recettes dont il est satisfait. Le
succès est immédiat, en particulier auprès des
nombreux Anglais fortunés qui séjournent en Écosse,
devenue à la mode. En 1857, Charles Stewart souhaite
se retirer. James propose alors à son frère John de le
rejoindre. La boutique est rebaptisée Chivas Brothers.
Un second whisky est lancé sur le marché, Royal
Strathythan. Une nouvelle fois, la renommée de Chivas
Brothers en fait un succès. Malheureusement, John
meurt en 1862, laissant James seul aux commandes
jusqu’à sa mort en 1886. Il faudra ensuite attendre 1905
pour que la marque Chivas fasse son apparition… aux
États-Unis avec un 25 ans d’âge.
Dans cette seconde moitié de XIXe siècle, Matthew Gloag
(1797-1860) et son fils William (1833-1896) lancent le blend
The Famous Grouse. John Dewar (1806-1880) crée la marque
que ses fils s’emploient à développer tout autour du monde, et
particulièrement aux États-Unis. William Teacher (1811-1876)
débute comme tous les autres, dans une épicerie, avant d’ouvrir
dans les années 1850 des minipubs où l’on peut boire du
whisky, dont le sien. Lorsque Peter MacKie (1855-1924) lance
White Horse en 1890, tout est en place pour que la catégorie
des whiskies d’assemblage parte à la conquête du monde.

En route vers la gloire…


Tous ces grands hommes et leurs jeunes sociétés ont bénéficié
d’un petit coup de pouce du destin, ayant pour nom phylloxera
vastatrix . Telle une plaie biblique, ce petit puceron arrive des
États-Unis en 1863 et commence à s’attaquer aux vignes
françaises et européennes. En vingt-cinq ans seulement, le
vignoble de cognac est presque entièrement détruit. Il lui
faudra presque autant d’années pour retrouver sa splendeur
passée. C’est largement assez pour que les nombreuses
nouvelles marques de blend remplacent le cognac et autres
brandies dans le verre des consommateurs anglo-saxons.

En 1865, un certain nombre de producteurs de blend se


regroupe dans la Scotch Distillers’ Association. Six d’entre eux
– Macfarlane & Co., John Bald & Co., John Haig & Co.,
MacNab Bros & Co., Robert Mowbray and Stewart & Co. –
forment en 1877 Distillers Company Limited (DCL). Destinée
à mieux contrôler le marché, cette première consolidation dans
un secteur de plus en plus concurrentiel va avoir un succès au-
delà de toutes les espérances.

L’apparition des premières affiches et publicités facilite aussi


l’entreprise de séduction du grand public. Il est d’ailleurs
amusant de constater que déjà à cette époque, le whisky est un
marqueur de l’ascenseur social. Il positionne souvent son
amateur dans un environnement social, historique ou convivial
très valorisant.

L’autre facteur qui va porter le développement des whiskies,


c’est l’apparition des premières bouteilles en verre. Jusque dans
les années 1870, le whisky est vendu majoritairement en vrac.
Avec l’apparition des marques et la création de recettes qui
établissent un goût et une qualité, le flacon devient un signe de
reconnaissance. Johnny Walker fait coup double avec sa
bouteille carrée : on la remarque et elle est plus facile à ranger
et à transporter. En effet, le whisky écossais profite de
l’immense Empire britannique – le plus grand marché libre de
la planète –pour s’imposer partout.

The Whisky Distilleries of the


United Kingdom
Le premier grand livre sur les distilleries du Royaume-
Uni paraît en 1887. Il est l’œuvre d’un journaliste
anglais, Alfred Barnard (1837-1918). Entre 1885 et
1887, il visite pas moins de 162 distilleries : 129 en
Écosse, 29 en Irlande et 4 en Angleterre. The Whisky
Distilleries of the United Kingdom décrit par le menu
chacune d’entre elles. Les textes sont accompagnés de
nombreux croquis. C’est un travail absolument
phénoménal et d’une précision qui en fait encore
aujourd’hui un ouvrage de référence. C’est aussi un
formidable voyage à travers le Royaume-Uni de cette
fin de XIXe siècle. Remarquable.

Le scandale des Pattison


En cette fin de XIXe siècle, tout pourrait aller pour le mieux
dans le meilleur des mondes pour le whisky écossais, une
industrie florissante. Tout va être remis en cause par la faute de
deux frères qui ont les yeux plus gros que le ventre. Walter et
Robert Pattison s’établissent comme assembleurs à Leith en
1887. Leurs affaires marchent bien et leur train de vie devient
vite somptuaire. Ce qui n’inquiète pas les nombreux banquiers
qui leur prêtent de l’argent sans compter pour acquérir des parts
dans de nombreuses distilleries ou autres activités liées au
whisky. Car le secteur se porte bien : la production est passée
de 16,8 à 31,1 millions de gallons entre 1896 et 1899 et l’on
compte désormais 161 distilleries actives en Écosse. Du jamais
vu. Les premières rumeurs de faillite de la société Pattison Ltd
circulent en décembre 1898. Une banque refuse alors de payer
un malheureux chèque de 9 000 £ en janvier 1899. Une jolie
somme à l’époque pour un individu lambda mais pas pour une
société qui affiche 400 000 £ de capital. En quelques jours, le
château de cartes s’effondre et entraîne dans sa chute de
nombreuses sociétés et distilleries ; les deux frères Pattison
sont reconnus coupables de fraude et banqueroute avant d’être
condamnés à de la prison ferme. La DCL en profite pour
racheter à bas prix de nombreuses marques et distilleries. Elle
élargit son influence. Le monde merveilleux du whisky
écossais vient de perdre son innocence. Plus rien ne sera
comme avant.

Une révolution planétaire


De l’autre côté de l’Atlantique, le whisky s’implante
durablement aux États-Unis mais aussi au Canada.

Les barons canadiens

C’est aussi au cours du XIXe siècle que l’industrie du whisky


canadien se met en place. La persévérance de Thomas Molson
lui permet de devenir l’un des plus gros distillateurs du Haut-
Canada dès 1824. Son succès pousse sa famille à le rappeler à
Montréal en 1835 pour sauver et développer la société
familiale. Il est l’un des premiers à pratiquer la double
distillation, pas si fréquente de ce côté-ci de l’Atlantique. Une
première fois dans son alambic en bois, une seconde fois dans
un alambic en cuivre ! Avec 250 000 gallons produits par an,
Molson devient la plus grosse distillerie du Canada et elle le
restera pendant vingt ans.

Mais les Molson ne vont pas rester seuls bien longtemps. Dans
les années 1830, les Anglais James Worts et son beau-frère
William Gooderham (1790-1881) débarquent du Yorkshire et
s’établissent en tant que meuniers. Suite au suicide de son
associé, Gooderham s’associe avec son fils aîné, James
Worts Jr (1818-1882). Ils construisent une distillerie en 1837.
C’est un bon moyen de valoriser le surplus de grain qu’on leur
apporte au moulin. Le succès est immédiatement au rendez-
vous. Il y a environ 200 distilleries en activité au Canada en
1840 mais celle de Gooderham & Worts est l’une des plus
connues. En 1859, les deux entrepreneurs s’offrent une toute
nouvelle distillerie pour 200 000 dollars de l’époque. Une vraie
fortune. L’investissement est payant puisque la distillerie
devient, dix ans plus tard, l’une des plus grosses au monde avec
une production qui dépasse les 2 millions de gallons par an.

En 1837, un autre Anglais, Octavius Seagram (1818-1848),


traverse l’Atlantique et s’installe à 100 kilomètres à l’ouest de
Toronto. Quatre ans plus tard naît son premier fils, Joseph
(1841-1919). Après des études de comptabilité et un premier
emploie dans une meunerie, le jeune homme est embauché en
1863 dans une société, Granite Mills, qui possède un moulin et
une distillerie à Waterloo. En 1883, il devient l’unique
propriétaire de la société. Seul le whisky l’intéresse, il rebaptise
son produit phare Seagram’s Old Rye. Suivra Seagram 83 en
1887.

Hiram Walker (1816-1899) est lui un vrai… américain, né pas


très loin de Boston en 1816. Devenu épicier à Detroit en 1846,
il accumule près de 500 fûts de whisky. Il commence aussi à
acheter du distillat localement et à expérimenter en filtrant
l’eau-de-vie à travers du charbon de bois ou en l’aromatisant
avant de la diluer. Le succès est au rendez-vous, mais les lois
américaines relatives à l’alcool sont très contraignantes.
Lorsqu’il décide de construire sa propre distillerie en 1858, il
l’installe tout naturellement de l’autre côté de la frontière, un
peu à l’écart de Windsor, Ontario. En 1867, la réunification du
Haut et du Bas-Canada fait considérablement baisser le prix
des céréales. Ce dont profitent Hiram Walker et son business
devenu florissant.

En 1885, l’État canadien impose que le whisky local soit


vieilli avant d’être vendu. C’est le premier pays au monde à
prendre une telle mesure. Les distilleries ont cinq ans pour se
mettre aux normes. Mais Hiram Walker pratique le
vieillissement depuis 1880. D’ailleurs, depuis 1882, sa
meilleure vente aux États-Unis est la marque Club, un whisky
âgé de deux ans minimum et vendu en bouteille. Devant son
succès, les distillateurs américains demandent alors aux
autorités que soit rajoutée la mention « Canadian » sur la
bouteille pour faire la différence avec leur propre whiskey.
Hiram Walker y voit là l’opportunité de valoriser son produit.
Canadian Club apparaît pour la première fois en 1888. C’est un
carton. Des deux côtés de la frontière avant de conquérir le
monde.
Le dernier baron de l’industrie du whisky canadien s’appelle
John Philip Wiser (1825-1911). Lui aussi est américain
d’origine, de la région de New York. Il met le pied dans
l’univers du whisky… par l’élevage. Possesseur de nombreuses
têtes de bétail, il est approché par le propriétaire d’une
distillerie qui souhaite lui revendre ses résidus de distillation.
En 1858, il rachète la distillerie de l’un de ses associés, Payne’s
à Prescott, Ontario. En un an à peine, il augmente sensiblement
la production et se spécialise dans la distillation de seigle. En
1864, la distillerie brûle entièrement. Loin d’être abattu, il en
profite pour en reconstruire une beaucoup plus grande et
fonctionnelle. C’est le premier à indiquer « canadian whisky »
sur les fûts qu’il vend. La marque Wiser’s ne sera seulement
vendue en bouteilles qu’à partir de 1893. Le succès est
fulgurant et international puisque ce sera l’un des premiers
whiskies à être vendu en… Chine dès 1900.

Des abstinents aux États-Unis


Aux États-Unis, la distillation est largement répandue sur
l’ensemble du territoire dès le début de XIXe siècle. Il y a
probablement déjà des milliers de producteurs, pour la plupart
domestiques. Cette grande diversité entraîne une amélioration,
sinon des recettes, de la technique. Petit à petit, les alambics à
repasse venus dans les bagages des premiers pionniers vont être
remplacés par des beer still . Ce sont des petites colonnes à
plateaux et à distillation continue. Couplées à un réservoir dans
lequel passe le distillat avant sa condensation définitive, elles
permettent d’atteindre 60%-65% d’alcool en une seule passe.

Dans la première moitié du XIXe siècle, deux événements


vont marquer l’histoire du bourbon. En 1821, pour la première
fois, une publicité vante les mérites d’un bourbon dans le
journal local, Western Citizen . L’histoire n’a pas retenu la
marque, s’il y en avait une. Et cette notoriété naissante
débouche sur une reconnaissance officielle de ce type de
whisky en 1840. L’État aimerait pourtant ne pas trop
s’impliquer dans cette industrie naissante. D’un côté, cela lui
rapporte de l’argent et il est souvent tenté d’augmenter les
taxes. De l’autre, il est régulièrement pris à partie par les ligues
de tempérance qui aimeraient bien déjà interdire l’alcool, ou
tout au moins en réguler la consommation frénétique.
L’American Temperance Society voit ainsi le jour le 13 février
1826. Elle est fondée par deux personnalités américaines,
Lyman Beecher (1775-1863) et le Dr Justin Edwards. En moins
de cinq ans, plus de 2 200 comités locaux ont essaimé dans
tous les pays et elle compte plus de 170 000 bénévoles actifs.
En 1836, il y a 8 000 antennes et plus d’un million de
sympathisants. Cette ligue prône une abstinence totale d’alcool.
Il faut dire que la consommation moyenne par habitant aux
États-Unis est de 85 litres d’alcool fort par an.

Pourtant, c’est bien la guerre de Sécession (1861-1865) entre


les États du Nord et ceux du Sud qui met un coup d’arrêt à la
production de whiskey et à sa consommation. Les États dans
lesquels on se bat, sont aussi ceux dans lesquels on produit le
plus. La pénurie est réelle dans les années 1860.

C’est pourtant de cette époque que date la création de l’une des


distilleries les plus connues au monde, celle de Jack Daniel.
Curieusement, plus personne aujourd’hui n’est capable de dire
avec certitude quand elle a été construite exactement. Quoi
qu’il en soit, lorsque Jasper Newton Daniel (1846-1911) établit
sa propre distillerie, il est très jeune : 20 ans ou un peu moins.
Il choisit les environs de Lynchburg pour sa source d’eau, Cave
Springs qui jaillit dans une grotte. Jack Daniel enregistre la
marque « Distillery n° 1 » à Washington en 1875, ce qui a
longtemps fait croire, à tort, que ce fut la première à être
officiellement déclarée aux États-Unis. En 1876, il en existe
quinze, dans le seul comté de Moore, celle de Jack Daniel étant
devenue l’une des plus grosses avec une production journalière
de 150 gallons (un peu moins de 600 litres).

En cette fin de XIXe siècle, les ligues de tempérance


reprennent le combat de plus belle. Un parti politique,
Prohibition Party, est même fondé par la Woman’s Christian
Temperance Union (WCTU) en 1869. En 1881, l’État du
Kansas introduit la prohibition dans sa constitution. C’est le
premier État américain « sec ». À la même époque, Carrie
Nation (1846-1911) commence à faire parler d’elle. Cette
femme s’attaque… à la hache au saloon et elle y détruit toutes
les bouteilles d’alcool. Un comble lorsqu’on sait qu’elle était
née dans le… Kentucky.

Des insouciants en Irlande

Début XIXe siècle, la situation est paradoxale pour les


distillateurs irlandais. La loi de 1783 a concentré toutes les
distilleries légales dans les villes et réduit leur nombre en
activité. Pour les très grosses unités, les affaires sont
florissantes. À Dublin, le quartier au sud de la Liffey, cette
rivière qui traverse la ville d’ouest en est, est en train de
devenir le triangle d’or de la distillation avec Marrowbone
Lane dans le giron des familles Haig/Stein, John’s Lane de
John Power et surtout Bow Street de John Jameson, qui forme
une ville dans la ville. Et son whisky est réputé être le meilleur
de tout le Royaume-Uni. Thomas Street de George Roe s’est
aussi considérablement et tout aussi rapidement développée.
Mais en 1806, sur les 11 millions de gallons produits en
Irlande, près de 4 sont distillés clandestinement. Entre 1811 et
1813, plus de 2 000 alambics sont détruits ou confisqués sur
l’ensemble du territoire. Le nombre de distilleries officielles
chute alors à une vingtaine en 1822.

L’Excise Act voté par le Parlement britannique en 1823,


fondateur de l’activité de distillation, s’applique aussi en
Irlande. Comme en Écosse, il ouvre une nouvelle ère pour la
distillation en Irlande. On compte 90 distilleries en activité en
1833, dont Tullamore Dew qui ouvre en 1829. En revanche,
aucune n’adopte le nouveau procédé de distillation continue
avec l’invention d’Aeneas Coffey en 1830. Tous ses
compatriotes considèrent le whisky produit en colonne de
mauvaise qualité et sans goût. Ils lui préfèrent le bon vieux pot
still , ce whiskey produit à partir de céréales maltées et non
maltées. Il est certes léger mais de saveur plus complexe. Et
surtout, il connaît un succès considérable. Au Royaume-Uni,
que ce soit en Écosse ou même à Londres, il représente les
deux tiers du whisky consommé. Il est aussi exporté dans tout
l’Empire britannique et même aux États-Unis, l’Irlande
profitant de ses nombreux ports et d’une émigration toujours
importante pour placer son whiskey partout. Pourquoi changer
de méthode ?7

C’est dans ce contexte que naissent les premières ligues de


tempérance irlandaises. Theobald Matthew (1790-1856), leur
chef de file est un moine capucin, né pas très loin de Cork. Il
part en croisade contre l’alcool en 1838. En cinq ans, il rallie à
sa cause près de 5 millions d’Irlandais (sur les 9 que compte le
pays) ! Les conséquences ne se font pas attendre : une
vingtaine de distilleries mettent la clef sous la porte et le
nombre de pubs chute de 21 000 à 13 000.

Pendant ce temps, les Écossais sont en train de créer leurs


marques de blend et posent les fondations d’un succès
imminent. Bien sûr les Irlandais profitent eux aussi de la crise
du phylloxéra sur les marchés qui consomment beaucoup de
brandy en général et de cognac en particulier. Ils consentent des
investissements colossaux dans cette seconde moitié du XIXe
siècle. La distillerie John Road est lancée en 1873, par une
société nouvellement créée, la Dublin Whisky Distillery
(DWD). Elle est dotée du plus moderne des équipements, dont
l’électricité, mais a fait le choix d’alambic à repasse et toujours
dépourvu de colonne à distiller. Marrowbone Lane s’offre les
plus grosses cuves-matière et de fermentation du monde
(100 000 gallons, plus de 400 000 litres et il y en a…
plusieurs !) pour 100 000 £. Une fortune pour l’époque. Il faut
dire que la demande pour le whisky irlandais est encore cinq
fois supérieure à la demande de whisky écossais.

Et pourtant, il est déjà trop tard, les Irlandais vont rater le


coche. Leurs whiskeys sont probablement aussi bons que ceux
produits en Écosse, mais ils sont beaucoup plus chers à
fabriquer que les blends. Pire les volumes sont ridicules –
malgré des alambics énormes – alors que la demande est
colossale. Et à l’heure du capitalisme naissant, la loi du marché
sera sans état d’âme. Inexorablement, le whisky écossais
grignote le gâteau irlandais.

La mondialisation est en marche mais producteurs et


consommateurs se posent une grande question existentielle : au
fait, qu’est-ce qu’on appelle « whisky » ?
Chapitre 6

Au XX e siècle, la mondialisation

Dans ce chapitre :
“What is whisky ?” case
1900-1950, la moitié chaos
1950-201…, le plein essor

S i jusqu’à présent l’histoire du whisky a suivi l’histoire – avec


ses soubresauts et ses avancées – de chacun des pays
producteurs, elle va emprunter au XXe siècle un chemin
commun qui va devenir une route puis une (inter)nationale
avant de finir en autoroute. Ce qui ne veut pas dire que le tracé
sera rectiligne, loin de là. Le XXe siècle a été celui de tous les
dangers pour l’humanité. Pour le whisky aussi.

“What is whisky ?” case


Début XXe , le whisky se porte au mieux dans ses quatre pays
historiques. Ce qui ne l’empêche pas de s’offrir une vraie
polémique. Tout commence par la plainte déposée par le
conseil municipal de Islington (un quartier de Londres) en 1905
contre un pub et des marchands locaux qui vendent du whisky
d’assemblage sous l’appellation malt whisky . Un problème
signalé par de nombreuses distilleries de malt qui accusent les
marques de blend de tromperie. Selon le plaignant, ces
commerçants vendent du whisky « dont la nature, la substance
et la qualité ne sont pas celles attendues ». Et plusieurs
administrés se sont plaints d’avoir été malades. Dans un article
resté célèbre, le grand journal scientifique The Lancet prend
alors fait et cause pour le plaignant : « Ce commerce de blend
sous l’appellation whisky n’est pas honnête. » L’affaire est
jugée en novembre 1905 et condamne les marchands à 1 £
d’amende. Principal producteur de blends, la puissante
Distillery Company Limited fait appel. Les juges n’arrivent pas
à rendre un avis car ils sont partagés. À force de recours et
d’expertises, l’affaire traîne en longueur et déchire la
population britannique. En 1908, une commission royale est
alors créée pour rendre un avis définitif. L’arrêt est rendu en
juin 1909 et il définit le whisky comme le résultat de « la
distillation d’un moût de céréales, saccharifié par les enzymes
du malt ». Blend et single malt font donc bien partie de la
grande famille du whisky.

C’est encore la définition qui régit le whisky écossais


aujourd’hui, quel qu’il soit. Et un peu partout dans le monde
aussi.

1900-1950, la moitié chaos

Le whisky écossais sur tous les fronts


Dans les années 1910, le whisky, comme le monde occidental,
va connaître une destinée mouvementée. L’Europe entre en
guerre en 1914 mais les distilleries écossaises n’en souffrent
pas trop. Le directeur général de la DCL a eu l’idée géniale de
créer une filiale en 1899 pour cultiver des levures. En temps de
guerre, c’est très utile pour fabriquer le pain nécessaire aux
populations. Les distillateurs écossais deviennent donc les
partenaires écoutés du gouvernement britannique.
Heureusement car le Premier Ministre David Lloyd George est
sérieusement tenté de mettre en place la prohibition de l’alcool.

C’est la raison pour laquelle est voté l’immature spirits act en


1915. Il impose au whisky un minimum de vieillissement de
deux ans en fût avant de pouvoir être vendu en tant que tel. En
1916, la période est même portée à trois ans. L’idée a été
suggérée par un certain James Stevenson. En plus d’être le bras
droit du ministre des Munitions, il est aussi l’un des directeurs
de John Walker & Sons. Le calcul des distillateurs est malin :
cela équivaut à une sorte de prohibition mais au final, elle sera
bénéfique au whisky. Et en ces temps de guerre, c’est moins
grave.

Cela entraîne cependant une vraie pénurie et par conséquent


une hausse des prix, de 400% ! Cette augmentation a un effet
collatéral étonnant : renforcer le pouvoir de la DCL. Le monde
est en guerre et à ce niveau de prix, certains propriétaires de
distilleries de malt jugent que le jeu n’en vaut plus la
chandelle : plus personne ne boira de whisky. Ils sont ainsi
plusieurs à revendre leur société. Cela ouvre une incroyable
période de concentration : entre 1919 et 1925, la DCL absorbe
les cinq sociétés que l’on appelle les big five : Haig, Walker,
Buchanan, Dewar’s et White Horse. Et la demande pour le
whisky écossais repart de plus belle.

Whisky banzaï

C’est à cette époque que le Japon fait son apparition dans le


petit monde du whisky. Ou plutôt un Japonais. Masataka
Taketsuru est envoyé en Écosse en 1918 pour apprendre la
distillation de whisky. Son employeur, la société Setsu Shuzo,
ambitionne de lancer le premier whisky japonais. À son retour
en 1920, la guerre et la crise ont eu raison du projet. Taketsuru
est évidemment très déçu mais en Écosse, il n’a pas perdu son
temps : il a rencontré la femme de sa vie, Jessica Cowan,
devenue Rita Taketsuru. Alors qu’il pense pouvoir monter sa
propre distillerie, il accepte la proposition de Shinjiro Torii, un
entrepreneur visionnaire qui a le même projet. Et surtout les
fonds. C’est ainsi que la distillerie Yamazaki voit le jour en
novembre 1924, date de sa mise en service. Le premier whisky
lancé sur le marché, Suntory Shirofuda, est un échec complet.
Le goût des Japonais n’est pas prêt à boire un whisky si tourbé.
Taketsuru est muté dans la brasserie maison. Torii change la
recette de son whisky et lui trouve un nouveau nom. Dès son
lancement en 1937, Kakubin (bouteille carrée) fait un carton.
Dans l’intervalle, Taketsuru a démissionné de son poste et s’est
lancé dans la construction de sa propre distillerie. À l’endroit
exact qu’il avait soumis, en vain, à son ancien patron, à côté de
Sapporo sur l’île de Hokkaïdo, la plus au nord du Japon. Yoichi
commence à produire en 1934 et son premier whisky est
commercialisé en 1940.

Paddy surnage
Les affaires ne tournent pas aussi bien en Irlande. C’est même
la catastrophe. Si le whiskey a survécu tant bien que mal à
l’erreur stratégique de ne pas installer des colonnes à distiller
en continu, la reconnaissance des blends en tant que whisky a
porté une première estocade. À partir de 1916, il subit de plein
fouet les conséquences des velléités d’indépendance de
l’Irlande : insurrection de Pâques (1916), guerre
d’Indépendance (1919-1921) et proclamation de l’État Libre
d’Irlande (1922-1936). Du jour au lendemain, le premier
marché des producteurs irlandais – la Grande-Bretagne – est
interdit d’accès. Mais aussi tout l’Empire britannique : Canada,
Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande et Inde, autant de
pays où le whisky irlandais est très fortement implanté. Le
coup de grâce est porté par la Prohibition aux États-Unis. Les
distilleries ferment alors les unes après les autres, certaines vite
(Marrowbone Lane, Monasterevan, North Mall, Phœnix Park),
d’autres en agonisant (Avoniel, Jones Road, Thomas Street,
Dundalk), les dernières à petit feu (Locke’s, Tullamore). Il faut
un coup de génie à Midleton pour survivre à cette crise majeure
et les aptitudes commerciales de Patrick O’Flaherty. En 1920,
Murphy’s whisky change de nom et prend le surnom de
meilleur vendeur, Paddy.

La bouteille américaine sous le manteau

Depuis des lustres, les ligues de tempérance américaines


œuvrent pour que les États-Unis bannissent l’alcool du
territoire. Elles ont gain de cause le 17 janvier 1920 à 12 h 01,
au moment précis où la modification du 18e amendement de la
Constitution américaine prend effet. Curieusement, c’est l’une
des conséquences à retardement de l’entrée en guerre des États-
Unis : Le Volstead Act – du nom de son rapporteur Andrew
Volstead – a été voté au congrès en janvier 1917 : 140 pour et
64 contre chez les Démocrates, 138 pour et 62 contre chez les
Républicains. Rien à voir avec des considérations politiques.
Ce qui explique d’ailleurs pourquoi la loi est passée sans
encombre. Plutôt du ressentiment : beaucoup de distillateurs et
d’anti-prohibition sont d’origine… allemande. La Prohibition
n’entre pas en application immédiatement car le président de
l’époque, Woodrow Wilson, refuse de signer le décret. Mais à
la fin de la guerre, il n’oublie pas de le ressortir des cartons.

Les effets sont immédiats : du jour au lendemain, le whisky


disparaît dans des entrepôts d’État. Mais il ne faut pas
longtemps pour qu’un marché parallèle de vente et de
consommation se mette en place. Seuls 1 520 officiers étaient
chargés de faire respecter la loi sur l’ensemble du territoire. Le
plus amusant, c’est que la loi n’avait pas été si bien rédigée que
cela : elle n’interdisait pas la consommation, juste la
fabrication, le commerce et le transport. Le consommateur ne
risquait donc rien. Seulement quelques distilleries ont le droit
de distiller de l’alcool pour des raisons médicinales, dont
Stitzel, Glenmore, Schenley, Brown-Forman, National
Distillers et Frankfort. Les pays limitrophes, dont le Canada et
les îles Bahamas sous domination britannique, profitent
immédiatement de l’aubaine. Tout comme la mafia et les
gangsters de tout poil, dont le célèbre Alphonse Gabriel
Capone (1899-1947), basé à Chicago. Dès 1925, des voix
s’élèvent contre cette loi qui ne fonctionne pas et pose plus de
problèmes de santé publique – à cause de l’alcool frelaté –
qu’elle n’en résout. Il faudra pourtant attendre le vote du Blaine
Act en février 1933 pour que le 18e amendement soit abrogé
officiellement le 5 décembre 1933. Il laisse cependant le choix
à chaque État, comté ou ville d’appliquer la levée de
l’interdiction ou pas. Il reste encore aujourd’hui des milliers de
comtés « secs » ou « semi-secs », dont celui de Moore où se
trouve la distillerie… Jack Daniel.

Le Canada connaît aussi une courte période de prohibition de


1918 au 31 décembre 1919, immédiatement annulée, histoire
de profiter de l’interdiction de son voisin. D’ailleurs, le Canada
reste comme l’un des grands gagnants de la Prohibition
américaine. Et pourtant tout n’est pas si facile. En 1923,
Gooderham & Worts est racheté par un investisseur, Harry C.
Hatch, qui s’offre aussi trois ans plus tard Hiram Walker. Les
deux compagnies fusionnent et profitent de la Prohibition pour
s’enrichir. En 1935, Hiram Walker – Gooderham & Worts
s’offre Ballantines. Son développement passe alors par
l’Écosse et Canadian Club dont le succès ne se dément pas. De
son côté, Seagram, qui connaît aussi des moments difficiles,
tombe dans l’escarcelle de la famille Bronfman en 1925. Les
quatre frères ont fait fortune dans l’immobilier et l’hôtellerie.
Ils sentent qu’il y a un coup à jouer dans le business des
spiritueux. Abe, Harry, Allan et surtout Sam vont transformer
la petite société en un empire, avec l’aide la DCL. Juste avant
la Seconde Guerre mondiale, l’influence des sociétés
canadiennes sur l’industrie du whisky est absolument
considérable.

1950-201…, le plein essor


Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’industrie du whisky est
totalement à l’arrêt ou presque, partout dans le monde. En
1942, elles ne sont que 42 en Écosse à produire encore pour un
total de 5 millions de gallons. Cette même année, la Scotch
Whisky Association (SWA) est créée. Ce qui n’empêche pas la
fermeture de toutes les distilleries en 1943. Les céréales sont
réservées pour la nourriture, pas à la distillation de whisky. Les
premières recommenceront à distiller à l’été 1944. Aux États-
Unis, c’est différent, mais les distilleries sont si peu
nombreuses que cela ne pose pas véritablement de souci.
Même si la guerre contraint les familles Beam et Noe à vendre
Jim Beam à American Tobacco (futur Fortune Brands) en 1946
et fait tomber Jack Daniel’s dans l’escarcelle de Brown-Forman
(Woodford Reserve) dix ans plus tard.

En Écosse, au sortir de la guerre, Winston Churchill voit dans


le whisky un excellent moyen de ramener des devises
étrangères en Grande-Bretagne. Il déclare d’ailleurs : « Ne
réduisez en aucun cas la quantité d’orge pour la production de
whisky. Il faut du temps pour que cela vieillisse et c’est une
source merveilleuse de revenu. Quand on voit les difficultés
que nous éprouvons à l’export, il faudrait être fou pour ne pas
en profiter. »
Pourtant, en Écosse, les céréales sont rationnées et les
distilleries devront attendre un peu avant de tourner à plein
régime. La demande est bien présente, et même supérieure à ce
qu’elle était avant la guerre. Il faut dire que la libération des
pays européens par les alliés anglo-saxons a fait une excellente
publicité au whisky, qu’il soit écossais ou américain. Le whisky
est devenu le spiritueux du monde libre, un vrai symbole.

Seul problème, le whisky n’est pas un secteur d’activité où


production et vente avancent de concert. Il n’est donc pas
toujours facile de répondre à la demande. Les ventes
domestiques de whiskies écossais sont même rationnées
jusqu’en 1959 pour les marques standard et 1962 pour les
blends dits de luxe. Et ce, afin de favoriser l’export et surtout la
conquête du marché américain. Il faut dire que l’enjeu est
important. Les Américains consomment environ 150 millions
de gallons de whisky à la fin de la guerre, principalement du
bourbon et du whisky canadien, mais seulement 15% de
whisky écossais. Ce qui représente quand même la moitié des
exportations de whisky écossais. Quelques marques ont même
été créées spécialement pour le marché américain, telles que
Cutty Sark et J&B.

Le premier âge d’or


France, Allemagne et Italie deviennent aussi de gros pays
consommateurs. Notre pays s’empare même de la deuxième
place et ne la lâchera plus, sauf pendant quelques années à la
fin des années 1970 au profit… du Japon ! Il faut dire que les
succès de Suntory et Nikka sont fulgurants. Deux nouvelles
distilleries ont vu le jour, Miyagikyo en 1969 et Hakushu en
1973. Partout dans le monde, les années 1950 et 1960
représentent un premier âge d’or pour le whisky. Les classes
moyennes voient leur niveau de vie augmenter, l’accès au
produit est plus facile en raison de la mise en place de vrais
circuits de distribution. En France, les premiers supermarchés
ouvrent largement leurs rayons aux marques écossaises. Le
whisky prend la place du cognac, qui refuse d’être vendu en
libre-service. Question d’image mais aussi de stock. La
production de whisky est illimitée, ou presque. Pas celle de
cognac, en AOC depuis 1909.

Single malt, le conquérant

Glenfiddich est le premier single malt à partir à la conquête


des marchés étrangers en 1963 avec sa célèbre bouteille
triangulaire qui existe depuis 1957. Le pari est payant et
aujourd’hui encore, la distillerie du Speyside domine la
catégorie des single malts avec 20% de part de marché :
12 millions de bouteilles vendues par an dans le monde dont
1 million en France. En 1969, Glenfiddich ouvre le premier
centre d’accueil des visiteurs en Écosse. Devant le succès,
toutes les distilleries ou presque lui emboîteront le pas. Chaque
année plus d’un million de touristes franchissent les portes
d’une distillerie écossaise.

Pendant les années 1960, les constructions se multiplient en


Écosse, que ce soit des distilleries de grain (Invergordon,
Cambus, Girvan) ou de malt (Clynelish, Deanston,
Glenallachie, Loch Lomond, Tamnavulin, Tomintoul). Voire les
deux sur un même site (Ladyburn à Girvan). L’industrie du
whisky voit les choses en grand. Ses entrepreneurs aussi.
Surtout les Canadiens. C’est ainsi que Seagram porte son
dévolu sur Chivas et Strathisla tandis que Hiram Walker s’offre
Glencadam, Scapa et Pulteney.

Cette période de croissance profite aussi aux distilleries qui


s’agrandissent, modernisent leur équipement ou améliorent
leurs techniques de production. On automatise les machines et
les process, on sélectionne les premières céréales (les orges
Maris Otter ou Golden Promise), on imagine de nouveaux
équipements. Les gains de productivité sont colossaux. Tout
comme les profits des sociétés. Petit à petit, l’industrie du
whisky se structure et les concentrations se multiplient. De
nouveaux acteurs font leur entrée, comme le Français Pernod
Ricard qui achète Aberlour et Clan Campbell en 1974.

Le formidable boom du marché du whisky profite directement


aux grandes marques américaines Jim Beam, Jack Daniel’s,
Four Roses et aux blends écossais, Johnnie Walker, Ballantines,
Black & White, Long John, Dimple ou Chivas en tête. Et
indirectement aux single malts qui entrent dans leur
composition. Après les pionniers, Glenfiddich, Glen Grant et
Glenlivet, on commence à voir apparaître d’autres
embouteillages. Il faut les chercher mais ils existent : Cardhu,
Tamdhu, Tomintoul, ou Glen Garioch, pour n’en citer que
quelques-uns. Il faut en profiter, cela ne va pas durer.

Le whisky dans le loch


Dans la seconde moitié des années 1970, le whisky devient un
peu moins tendance. Le choc pétrolier assèche les économies et
le marché mondial. Les stocks de whisky n’ayant jamais été
aussi importants, la chute des ventes transforme l’Écosse en
whisky loch (le lac de whisky). Entre 1983 et 1985, une
vingtaine de distilleries ferment leurs portes, pour la plupart
définitivement. C’est la crise. Dans un sursaut, une filiale du
brasseur géant Guinness – United Distillers & Vintners – lance
la gamme des Classic Malts en 1988. Six embouteillages qui
introduisent la notion de terroir et de régions de production.
Cette initiative rencontre un certain succès et elle remet les
single malts sur le devant de la scène.

Dans les années 1990, une seconde vague de concentrations


prend forme. En recomposant totalement le marché des
spiritueux, elle a donné naissance aux géants d’aujourd’hui,
dont la croissance est pourtant loin d’être terminée. Petit retour
chronologique sur les principaux mouvements de ces vingt-
cinq dernières années.

Les grandes fusions-acquisitions

1994 : le Japonais Suntory (Yamazaki, Hakushu,


Hibiki) fait jouer une option d’achat qui lui permet de
devenir propriétaire de Morisson Bowmore
(Auchentoshan, Bowmore, Glen Garioch) à 100%.
Mai 1997 : les Britanniques Grand Metropolitan (J&B)
et Guinness (Johnnie Walker, Dewar’s, Bell’s, White
Horse) fusionnent pour donner naissance à Diageo, le
leader mondial des spiritueux. Le seul administrateur (chez
Guinness) à voter contre s’appelle… Bernard Arnault qui
espérait un mariage à trois avec Moët-Hennessy.
Mars 1998 : Diageo revend la société Dewar’s
(Aberfedy, Aultmore, Craigellachie, Macduff, Royal
Brackla et Dewar’s mais aussi Bombay Sapphire) à
Bacardi-Martini pour 800 millions de livres (1 milliard
d’euros).
Décembre 2000 : Diageo et Pernod Ricard s’associent
pour racheter à Vivendi la branche spiritueux de Seagram,
contre un chèque de 8,15 milliards de dollars (3,7 milliards
d’euros). Crown Royal pour les Anglais. Chivas, Glen
Grant et Glenlivet, pour le Français qui passe de la 5e à la
3e place. Glen Grant sera revendu à Campari en décembre
2005 pour 115 millions d’euros.
Octobre 2004 : LVMH rachète la société Glenmorangie
(Ardbeg, Glenmorangie, Glen Moray) pour 300 millions
de livres (420 millions d’euros). Glen Moray est revendu
en septembre 2008 à La Martiniquaise.
Juillet 2005 : Pernod Ricard et Fortune Brands
s’emparent du numéro deux des spiritueux, le Britannique
Allied Domecq. Cette opération complètement folle coûte
14 milliards de dollars (plus de 10 milliards d’euros) !
Pernod Ricard met ainsi la main sur Ballantine’s, Fortune
Brands (Jim Beam, Maker’s Mark, Knob Creek, Red Stag)
récupère Admore, Canadian Club, Laphroaig, Maker’s
Mark et Teacher’s. Diageo laisse faire à condition qu’on
lui revende Bushmills qui fait aussi partie du portefeuille
d’Allied Domecq. Ce sera acté en janvier 2006. Pernod
Ricard monte sur la deuxième marche du podium des
géants des spiritueux.
Mai 2007 : l’Indien United Spirits rachète l’Écossais
Whyte & MacKay (Dalmore, Jura, Fettercairn,
Tamnavulin, Invergordon et le blend Whyte & MacKay)
pour 869 millions d’euros.
Décembre 2011 : deux mois après son introduction en
bourse par Fortune Brands, l’Américain Jim Beam s’offre
l’Irlandais Cooley (Kilbeggan, Connemara, Tyrconnell et
Greenore) contre un chèque de 95 millions de dollars (71
millions d’euros).
Novembre 2012 : Diageo se porte acquéreur de United
Spirits, le leader de la production de spiritueux en Inde,
pour 2 milliards de dollars (1,7 milliard d’euros), environ.
En 2014, seuls 30% des actions de United Spirits
appartiennent effectivement à Diageo, qui se voit
également obligé de mettre en vente Whyte & MacKay à
court terme.
Avril 2013 : le Sud-Africain Distell (Bain, Three Ships,
Knights et Harrier) rachète la société Burn Stewart
(Bunnahabhain, Deanston, Tobermory/Ledaig, Scottish
Leader et Black Bottle) pour 160 millions de livres (200
millions d’euros).
Janvier 2014 : le Japonais Suntory débourse 11,7
milliards d’euros pour s’emparer de l’Américain Jim
Beam. Le nouvel ensemble se hisse sur la troisième
marche du podium.

L’épopée du whisky breizh


Alors que la France est un grand pays consommateur et depuis
des années maintenant, elle ne produit que très peu. Il a en effet
fallu attendre 1984 pour qu’une distillerie française se mette à
produire du whisky. Warenghem date pourtant de 1900, mais
c’est en lisant un article dans Ouest France qu’il vient l’idée à
Gilles Leizour, son propriétaire, de se lancer dans l’aventure.
Le journaliste relate la découverte d’un whisky breton, à la…
garden-party de l’Élysée du 14 juillet 1983. Le Biniou, qui tire
son nom d’une sorte de cornemuse bretonne, n’est pas un
whisky breizh à 100% – comme c’est indiqué sur l’étiquette –
car il est élaboré à partir de single malt écossais et d’eau-de-vie
de blé produite par la Société des alcools du Vexin. Cette
société – connue également comme la distillerie Dikansky, du
nom de son fondateur-propriétaire –est installée à Antrain, au
nord de Rennes depuis 1920. Elle produit des eaux-de-vie de
céréales depuis 1958, date à laquelle le général de Gaulle a
augmenté les taxes sur les alcools importés pour encourager les
entreprises françaises à produire localement. Sans grand
résultat. Dikansky produit d’abord une vodka puis lance un
whisky, Royal n° 1. Au cours des années 1970 et devant
l’insistance de plusieurs revendeurs bretons, la marque est
rebaptisée « Le Biniou ». Cela fait donc plusieurs années que le
whisky « breton » existe lorsque Ouest France relaie
l’information dans son édition du vendredi 15 juillet 1983.
Petite subtilité, le jeune patron de la distillerie Warenghem sait
que ce whisky n’est plus fabriqué depuis… 1981. Avec Bernard
Le Pallec – un jeune commercial qui a été embauché pour
prendre le relais de Paul-Henri Warenghem, lui-même – ils
décident alors de lancer le premier whisky 100% breton.

Aujourd’hui, une vingtaine de distilleries sont en activité en


France. Car notre pays, comme le reste de la planète, a
succombé à la production de whisky, plus seulement sa
consommation. Il y avait probablement moins de
200 distilleries de whisky en activité dans le monde à la fin du
XXe siècle et une dizaine de pays producteurs. Leur nombre
doit approcher les 1 000 aujourd’hui et il s’en crée tous les
jours un peu partout autour de la planète. Écosse, Irlande, USA,
Canada ou Japon n’ont plus le monopole de la production. Loin
de là et c’est tant mieux. Les nouveaux acteurs sont en train de
révolutionner le petit monde du whisky. Au cours de ses
500 ans d’histoires, petites ou grandes, le whisky n’a jamais
connu une telle effervescence. Et c’est loin d’être terminé. Au
plus grand bonheur de l’amateur.
Deuxième partie

La production, un savoir-faire en
huit étapes

Dans cette partie…

D u champ de céréale au verre de l’amateur de whisky, il n’y a pas qu’un


pas. Dans l’absolu, fabriquer du whisky, ce n’est pas si compliqué puisqu’il
ne s’agit finalement que de distiller une bière et de faire vieillir en barrique
de chêne le distillat ainsi recueilli. Il ne s’agit donc pas tant de technique –
vous allez voir, rien de bien compliqué – que de savoir-faire et de patience.

On peut expliquer la production de whisky de manière très simple : c’est


une suite d’opérations qui a pour but de transformer un grain de céréale en
alcool en retirant puis en ajoutant de l’eau à plusieurs reprises et de manière
successive.

Il va sans dire que chacun des cycles moins/plus d’eau cache un ensemble
de paramètres qui rend un peu plus complexe chacune des opérations mises
en œuvre.
Chapitre 7

De la céréale à la bière, toujours


plus de sucre

Dans ce chapitre :
À la ferme, la récolte des céréales
À la malterie, le sucre dans tous ses états
À la meunerie, la dissolution en moût
À la brasserie, la fermentation en bière

P ar définition, le whisky – qu’on l’appelle whisky, whiskey ou


bourbon, qu’il soit malt ou blend – est une eau-de-vie distillée
à partir d’une bière de céréale, quelle qu’elle soit. Si on ne fait
rien, ce distillat s’appelle de la vodka. Si on l’aromatise –avec
des baies de genièvre ou toutes autres sortes de plantes ou
d’épices – on l’appellera gin. Si on ne fait rien et qu’on le
laisse vieillir en fût un temps certain (et variable selon la
législation des différents pays), il devient du whisky.

Produire du whisky, c’est donc tout d’abord brasser une bière,


pas si différente de celle de n’importe quel brasseur, à partir
d’une céréale. Tout commence donc dans les champs avant de
se poursuivre à la malterie et d’enchaîner par la brasserie. Pour
le coup, voilà des opérations parfaitement maîtrisées par les
hommes depuis des millénaires. Avec l’eau, la matière
première du whisky, c’est donc la céréale.

À la ferme, la récolte des céréales

Le grain et l’ivraie
À l’exception du maïs qui craint le froid, les céréales existent
en variétés d’hiver (semis à l’automne, cycle végétatif long) ou
de printemps (semis en mars, cycle végétatif court). À maturité
et détachée de son épi (c’est-à-dire une fois récoltée et sèche),
la graine rentre naturellement en dormance. Cet état
d’hibernation est constitué d’une période incompressible – de
quatre à huit semaines – imposée par la nature pendant laquelle
le grain ne peut pas germer. Ce sont les conditions climatiques
naturelles (le redoux) ou créées artificiellement (le maltage) qui
le tirent de sa torpeur.

En théorie, on peut fabriquer du whisky à partir de n’importe


quelle céréale : blé (épeautre, froment), orge, maïs, avoine,
millet, seigle ou sorgho. En pratique, les Européens utilisent
majoritairement du blé et de l’orge, les Américains du maïs et
du seigle. Seule la graine est utilisée pour la production de
whisky.

Blé, orge, maïs et seigle sont très faibles en lipides (moins de


5%) et contiennent autour de 10% de protéines. On y retrouve
également quelques sels minéraux (1%). Le reste, c’est de l’eau
(12-13%) et des glucides, environ 70% de sa composition
totale, principalement dans la pulpe et sous forme d’amidon.
Décomposé par les enzymes et après fermentation sous l’action
des levures, cet amidon se transforme en alcool.
Le producteur de whisky recherche donc :

La céréale qui pousse la plus rapidement avec le moins


d’entretien.
La céréale la plus riche en amidon et au plus faible
taux d’azote et de protéine, tout en veillant à la présence de
sels minéraux, nécessaires au bon développement des
levures.
La céréale au meilleur rendement agricole (tonne par
hectare) mais aussi alcoolique (litre par tonne).
La céréale dont la période de dormance est la plus
courte.

La petite graine originelle : le blé


Pour la production de whisky de grain, les Européens utilisent
aujourd’hui majoritairement du blé. Il en existe des dizaines de
différents mais l’industrie du whisky préfère les variétés
d’hiver de type froment (Triticum æstivum ) – blé tendre blanc
(en Europe) ou rouge (aux États-Unis) – plus riches en amidon.
La variété la plus utilisée aujourd’hui est la Riband même si
son hégémonie a tendance à s’étioler au profit des variétés
Alchemy, Claire et Consort. Les rendements tournent autour de
six tonnes/ hectare et on produit environ 450 litres d’alcool pur
avec une tonne de blé.

Les whiskies de blé entrent majoritairement dans les blends,


c’est-à-dire les whiskies assemblés à partir de d’eau-de-vie de
grain et d’eau-de-vie d’orge maltée.
Intolérance au gluten
Les pays industrialisés connaissent une recrudescence
des personnes intolérantes au gluten, un résidu
protéique de l’extraction de l’amidon des céréales
panifiables (blé, orge, seigle). Le principe même de la
distillation – qui transforme de facto tous les glucides
en alcool – entraîne la disparition de toute trace de
gluten. Malheureusement, le colorant E150 qui donne
une jolie couleur à la plupart des whiskies peut contenir
du gluten, même à l’état de trace. Si vous êtes
intolérant(e) au gluten, ne dégustez que des whiskies
embouteillés à la couleur naturelle.

L’épi barbu : l’orge


Ce fameux malt, dont on parle, est presque toujours de l’orge
que l’on a fait germer. Elle se distingue du blé au premier coup
d’œil grâce à ses grandes barbes qui dépassent de l’épi. Il
existe deux types d’orge : celle à deux rangs de graines sur un
même épi est dite plate, celle à six rangs – que l’on appelle
« bere » (premier nom gaélique donné à l’orge) est dite carrée
ou torsadée.

La première variété utilisée par les brasseurs et distillateurs


avait pour nom… scotch common . Ses qualités ont été
améliorées au fil du temps, par la sélection des meilleures
graines d’une récolte à une autre. À partir de 1824 et jusqu’au
début du XXe siècle, une première variété émerge : la
Chevallier, du nom d’un grand propriétaire terrien anglais.
1964 marque une date importante pour l’industrie du whisky
avec le vote d’une loi (Plant Varieties and Seeds Act ) au
Parlement britannique qui reconnaît la paternité des
découvertes aux chercheurs et/ou laboratoires. Et le versement
de royalties. Ce texte entraîne la mise sur le marché l’année
suivante des deux premières orges stars pour l’industrie du
whisky, la Maris Otter et la Golden Promise, deux variétés
d’hiver. Elles permettent de dépasser pour la première fois les
400 litres d’alcool pur par tonne de céréales utilisée, soit
100 litres de plus qu’au début du XXe siècle. Quant aux
rendements, ils ont presque doublé passant de 3 tonnes
récoltées par hectare à 5 tonnes.

En 1990, Triumph, une orge allemande, remet au goût du jour


les variétés de printemps. Elle sera suivie d’un certain nombre
d’autres dont Chariot, Cocktail, Chalice, Decanter, Prisna ou la
célèbre Optic, star actuelle de l’industrie du whisky de malt,
pour son rendement et sa période de dormance très courte (4 à
6 semaines seulement).

Aujourd’hui, le rendement d’une orge de distillation dépasse


les 10 tonnes à l’hectare et on produit 500 litres d’alcool pur à
partir d’une tonne d’orge.

Merci les Antipodes


Il faut un minimum de douze récoltes pour valider les
caractéristiques d’une céréale. Pour ne pas avoir à
attendre douze ans, les laboratoires jonglent
aujourd’hui entre les hémisphères et font voyager les
graines entre l’Europe et l’Océanie. Ce qui permet de
réduire le délai à six ans !

Corné et denté : le maïs


Le maïs appartient à la même famille que la canne à sucre. Il
existe des dizaines de maïs différents mais la plupart sont
classés en deux grands groupes, les maïs cornés (Zea mays
indurata ) et les maïs dentés (Zea mays indentata ). Ce sont les
seconds qui servent à produire des eaux-de-vie. Leur
rendement est d’environ 9 tonnes par hectare et on produit
autour de 470 litres d’alcool pur avec une tonne de maïs.

C’est la céréale principale du fameux bourbon américain.


Normal pour le premier producteur mondial. Le (rare) maïs
utilisé pour la distillation en Écosse est d’origine française, le
seul garanti non OGM.

Un outsider : le seigle
Le seigle est une plante rustique qui se satisfait de terres
pauvres. Tout comme l’orge, elle a de grandes barbes et elle
peut se planter en hiver ou au printemps. Le rendement est
d’environ 5 tonnes par hectare et il faut une tonne de seigle
pour produire 500 litres d’alcool pur. Aujourd’hui, le whisky de
seigle revient peu à peu au goût du jour, grâce aux micro-
distillateurs mais aussi au renouveau du cocktail, puisqu’il est
l’ingrédient de base d’un certain nombre de recettes classiques.

Les autres céréales


N’importe quelle céréale peut être utilisée pour produire du
whisky, même si les quatre présentées ci-dessus subviennent à
99,9% de la production mondiale de whisky. Le millet
(Panicum miliaceum ) peut se malter et il est réputé produire
des whiskies très doux et légers. Il est cependant très peu utilisé
en distillation. Ses grains sont très petits et donc peu faciles à
moudre (ou à l’aide d’un pilon) et sa farine a tendance à rendre
le moût très collant. L’avoine (Avenasativa ) reste très prisée
dans l’alimentation des Américains (flocon d’avoine) et des
Anglo-Saxons (oatcake ) et il a été distillé aux débuts du
whisk(e)y par les Écossais et les Irlandais. Aujourd’hui, seule
une poignée de micro-distilleries américaines s’en sert pour
produire du whisky. L’épeautre est très intéressant d’un point
de vue gustatif, mais son rendement très faible ne permet pas
son utilisation en distillation à grande échelle.

Le triticale (triticosecale ) est un hybride qui a été créé par


l’homme (dans les années 1960) en croisant du blé (triticum )
et du seigle (secale ). Ce qui est évidemment assez intéressant
pour l’industrie des spiritueux, séduite par un grain aux
rendements proche de celui du blé mais avec les qualités
gustatives du seigle. Pour le moment, il est seulement distillé à
titre expérimental.

Première céréale consommée par les hommes, le riz (oryza ) a


fait récemment l’objet d’une expérimentation de distillation
aux États-Unis. L’expérience ne s’étant pas révélée
suffisamment concluante, elle n’a pas été renouvelée à ce jour.

Le sorgho grain (différent du sorgo fourrager) est relativement


proche du maïs. Techniquement, on peut tout à faire produire
du whisky à partir des grains du sorgho. Légalement, c’est plus
compliqué. Sa tige cylindrique a la particularité de renfermer
une sève abondante et très sucrée qui peut aussi être
transformée en mélasse et donc distillée en une sorte de…
rhum ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les États-Unis
ont pris une petite précaution dans les textes régissant ce que
doit être un whisky : une eau-de-vie produite à partir de grain.
La législation de L’Union européenne n’est pas aussi précise et
elle emploie le mot… céréale.

Le sarrasin (Fagopyrum esculentum moench ) n’est pas une


céréale malgré ce que laisse entendre son autre nom, blé noir.
C’est une plante à fleurs de la famille des polygonacées dont on
récolte les graines pour l’alimentation humaine. Et c’est pour
cela qu’elle a été administrativement rattachée aux céréales.
Quelques micro-distilleries américaines se sont essayées à
produire des whiskies associant maïs et blé noir. Mais la
distillerie des Menhirs (Bretagne, France), pionnière en la
matière, reste la seule au monde à ce jour à produire un whisky
100% sarrasin.

La grande majorité des whiskies consommés dans le monde


sont distillés et assemblés à partir d’un mélange de céréales –
maïs, orge, seigle ou blé aux États-Unis – ou d’eaux-de-vie de
céréales, orge et blé en Europe. Les single malts sont des
whiskies produits à partir d’une seule céréale – de l’orge, sauf
(très rares) exceptions – et dans une seule distillerie. Ce qu’on
appelle du malt, c’est donc généralement de l’orge dont on a
lancé la germination afin de transformer son amidon (un
glucide complexe) en sucres simples et fermentescibles de type
maltose. Sans maltage (partiel ou en totalité), il n’est pas
possible d’assurer une bonne fermentation, étape nécessaire
avant l’opération de distillation.

À la malterie, le sucre dans tous ses états


Le malt n’est autre qu’une céréale que l’on a fait germer
artificiellement. Le maltage consiste donc à reproduire les
conditions naturelles qui déclenchent et favorisent la
germination, comme si on décrétait sur mesure… le printemps.

Le maltose, un sucre sans complexe


En germant, sous l’influence des enzymes, la graine transforme
son amidon (un sucre complexe) en sucres plus simples –
principalement du maltose – qui servent de carburant à la
plante pour se développer. Ce maltose est un glucose soluble et
fermentescible. Ce qui va permettre de le transformer par la
suite en alcool. Cette opération absolument essentielle pour la
fabrication de whisky s’applique principalement à l’orge,
même si toutes les céréales peuvent être maltées, à l’exception
du maïs. C’est la raison pour laquelle le mot malt ou
l’expression single malt sont devenues synonymes de whisky
d’orge maltée.

Le maltage – qui induit des opérations et des phénomènes


complexes – comprend trois phases distinctes : le trempage, la
germination et le séchage (ou touraillage).

La ruse qui marche à tous les moûts


Le but de l’étape de trempage est de réveiller le grain de sa
période plus ou moins longue de dormance. Pour cela, il suffit
de l’immerger dans une eau pas trop froide, entre 15 °C et
30 °C. Son enveloppe extérieure étant relativement étanche et
plus ou moins dure, c’est par un tout petit orifice, au niveau du
germe, qu’il se réhydrate progressivement. Cette opération
s’effectue généralement sur deux jours et en deux trempes
successives. Il double alors presque de volume et atteint un
taux d’humidité proche de 50%.

La germination

Il serait trop compliqué de détailler ce qui, chimiquement, se


déroule dans ce tout petit grain pendant la germination, mais
c’est un peu comme s’il ressuscitait d’entre les morts. En se
développant, son embryon produit des enzymes, les diastases.
Trois conduisent à l’action recherchée par le distillateur : la
cystase rend perméable la paroi des cellules du grain et libère
son amidon, la protéase détruit les protéines qui lient chaque
molécule d’amidon entre elles et l’amylase convertit l’amidon,
ce glucide complexe, en sucres fermentescibles et solubles.
Pour simplifier, avant la germination, le grain est une petite
boule avec des milliers de cellules dont chacune renferme des
molécules d’amidon qui flottent dans une soupe de protéines.
Après la germination, le grain ne renferme plus que des sucres,
et principalement du maltose.

Le tambour de germination
L’industrie de la bière s’étant particulièrement
développée en France dans la seconde moitié du XIXe
siècle, deux ingénieurs français – Nicolas Galland
(1816-1886) et Jules Saladin (1826-1906) – vont
améliorer technique et matériel. Le premier dirige une
brasserie dans la ville de Maxéville, en Meurthe-et-
Moselle. Le second y travaille en tant que directeur
technique.
Jules Saladin met au point son fameux caisson de
germination en 1877. Il fonctionne sur le même
principe que l’automate pour laver votre voiture, les
deux rouleaux verticaux (et les détergents) en moins.
Imaginez une sorte d’immense bac de 50 mètres de
long sur 10 de large et 1 mètre de profondeur, que l’on
remplit à mi-hauteur d’orge qui vient tout juste d’être
réhydra-tée. Au-dessus, glisse par aller-retour une barre
horizontale munie de pales rotatives hélicoïdales qui
remuent le grain en profondeur, tout en l’aérant et en
l’humidifiant. Il équipa nombre de distilleries
écossaises jusqu’au milieu des années 1960 et devint
connu sous le nom de Saladin box.
En imaginant ses fameux tambours de germination
(drum malting ), Nicolas Galland a l’idée de fermer le
container dans lequel on veut faire germer le malt. Cela
a deux avantages : on peut mieux contrôler humidité et
température, tout en le faisant tourner. C’est le principe
de la machine à laver où on remplace le linge par du
grain.

La malteuse à tambour
Aujourd’hui, ce type de machine a trois programmes –
trempage, lavage et essorage – et fonctionne à l’eau, à la
vapeur d’eau ou à l’air. Le principe est simple mais les
possibilités multiples : on place le grain dans le tambour qui
peut soit rester immobile (trempage), soit pivoter par quart de
tour, soit tourner en continu. Pendant ces opérations, on remplit
d’eau (jamais complètement) ou de vapeur d’eau ou un
mélange des deux. De l’oxygène est également fourni afin que
la graine puisse respirer et se développer normalement. L’eau
est régulièrement changée et la dernière eau (ou vapeur d’eau)
est injectée tiède pour donner un dernier petit coup de boost à
la germination.

Une bonne germination est conduite sur une période allant de


quatre à sept jours – cela dépend de la variété de la céréale –
dans des conditions de températures idéales lorsqu’elles sont
comprises entre 20 et 25 °C. Lorsque la radicule atteint les
deux tiers de la taille du grain, il est alors temps de stopper
cette opération. Devenue farineuse et friable, l’orge tout juste
germée est appelée malt vert. Il faut alors la sécher au plus vite.

Le séchage, un petit souffle chaud


Techniquement, le séchage est l’opération nécessaire pour
stopper la germination du grain lorsqu’on considère que sa
transformation est suffisante pour le brasser. La façon dont le
séchage est conduit influe directement sur le goût final du
whisky. Même après des années passées en fût ou en bouteille.

Charles Doig, l’inventeur des


toits à pagode
Le « kiln » est le four-séchoir traditionnel en Écosse. Il
vient du mot latin culina , qui se traduisait par cuisine,
c’est-à-dire le lieu où s’effectuait la cuisson. Par
extension, le kiln est devenu la pièce, puis le bâtiment
dédié aux opérations de séchage. Leurs fameuses
cheminées, surmontées d’un petit toit en forme de
pagode, sont aujourd’hui devenues l’emblème des
distilleries écossaises. On doit ce curieux appendice à
Charles Doig, un architecte qui se spécialisa dans la
construction de distillerie. Né le 24 août 1855 dans une
famille de fermiers, il se signale adolescent en gagnant
des concours de maths. À 15 ans, il est embauché par
John Calver, un architecte de Dundee, auprès duquel il
apprend le métier pendant plusieurs années. Après son
mariage, il s’établit à Elgin en 1882. Il ne sait alors pas
encore qu’il est au bon endroit, au bon moment.
L’industrie du whisky est sur le point d’exploser, il en
sera l’architecte. Dès 1882, il intervient dans les
distilleries Glenburgie, Miltonduff, Dailuaine et
Macallan. C’est le premier à adapter les bâtiments –
salle de fermentation, salle de chauffe, chai ou
séchoirs – aux contraintes de leurs fonction et usage.
En mai 1889, on lui demande d’améliorer l’efficacité
des cheminées du kiln de Dailuaine qui a bien du mal à
évacuer la fumée âcre de ses feux de tourbe. Au départ,
il a seulement l’idée de surélever le petit toit qui
surplombe le conduit et qui protège de la pluie,
fréquente. Plusieurs croquis – ils sont tous aujourd’hui
conservé à la bibliothèque de Elgin – montrent qu’il
imagine d’abord une simple pyramide posée sur pieds
aux quatre coins de la maçonnerie. Pas satisfait du
rendu, il incurve alors d’un coup de crayon les arêtes
du toit pyramidal. Le ventilateur Doig, aux allures de
pagode, est né. On estime à 100, le nombre de
distilleries sur lesquelles il est intervenu. Jusqu’à sa
mort le 28 septembre 1918, à l’âge de 63 ans.

Séchée au feu de bois, l’orge donnera au whisky ce goût


délicatement fumé. Si c’est de la tourbe qui est utilisée, le
single malt aura ce goût médicinal reconnaissable entre tous,
que l’on aime ou pas. Séchée sans contact avec une quelconque
fumée et par chaleur indirecte, seuls la matière première, la
méthode de distillation et l’impact du fût contribueront aux
caractéristiques organoleptiques du whisky. Autant dire que
c’est à ce niveau que le distillateur intervient souvent pour la
première fois, en donnant des consignes très précises.
Longtemps réalisée de façon empirique, cette étape est
aujourd’hui l’une des plus maîtrisées. Il y a cependant plusieurs
manières de conduire cette opération.

Pendant longtemps, le séchage s’effectuait en alimentant


manuellement un feu de bois ou de tourbe dans un kiln, ce
fameux four surmonté d’un séchoir dans lequel on plaçait le
grain. Chaleur et fumée séchaient ainsi le grain mais pas de
manière homogène. Tous les grains n’étaient pas « parfumés »
de la même façon, d’autant plus lorsqu’on sait qu’un grain
humide a tendance à s’imprégner plus facilement et
durablement des odeurs qu’un grain plus sec. D’un lot à l’autre,
les différences pouvaient être très importantes.

Une chaleur sachant sécher


Aujourd’hui, on sèche par chaleur indirecte, à la vapeur ou en
utilisant des fluides thermiques spécialement étudiés pour cette
opération. Le but est de conserver le plus de composés
essentiels – enzymes, acides gras, acides aminés, vitamines –
dans le grain. En ne laissant rien au hasard, on arrive à
stabiliser le taux d’humidité du grain autour de 5-6%, tout en
veillant à ce qu’il reste parfaitement sain et ne moisisse pas. À
noter également qu’autour de 3% d’humidité, le grain malté
peut être stocké de longs mois avant d’être utilisé sans aucune
perte de qualité.

La tourbe, un parfum de nature

La tourbe est une matière organique qui se forme lorsque les


plantes – mousse ou algues – se décomposent dans des
environnements sans oxygène, acides et stériles. Cette
décomposition dite « anaérobique » empêche le carbone de se
libérer, sous forme de dioxyde de carbone, lorsque la plante
meurt. La tourbe est très abondante au nord de l’hémisphère
Nord : Canada, Royaume-Uni, Scandinavie ou Russie.

On récolte la tourbe dans des champs appelés tourbières à


l’aide d’une sorte d’une bêche, entre la pelle et l’emporte-
pièce, qui permet de prélever des tronçons carrés de 5 cm de
côté pour 30 cm de long. Avant utilisation, ces « bûches » sont
séchées à l’air libre, comme on le ferait pour le bois. Tout
naturellement, la tourbe a pris part au processus de fabrication
du whisky, pour chauffer les alambics (tourbe noire, récoltée en
profondeur) mais aussi et surtout pour sécher l’orge (tourbe
marron récoltée au plus près de la surface). Et pour cause, c’est
un matériau relativement humide – à cause de sa nature
spongieuse – qui fume plus qu’il ne chauffe en se consumant.
Et si les tronçons de tourbe sont trop secs, le distillateur
n’hésitera pas à les faire tremper dans de l’eau. La fumée qui
s’en dégage – que les Écossais appellent reek – est
particulièrement odorante. Elle a donc pour effet de parfumer
les grains mais aussi de les assainir car la tourbe a aussi des
vertus antiseptiques.

D’une région à une autre, la tourbe peut présenter des


caractéristiques différentes et donc marquer différemment le
grain puis les eaux-de-vie. Un grain n’a pas besoin d’être
exposé très longtemps à la fumée pour s’en imprégner.
Traditionnellement, quatre, cinq heures suffisent largement.
D’ailleurs, au bout d’un certain temps, trop sec, il n’est plus
capable de l’absorber et sa concentration n’augmentera plus.

La multiplication des PPM

Le séchage à la tourbe augmente la présence de composés


aromatiques que l’on appelle les phénols. On en calcule le taux
en PPM (part par million). Un PPM équivaut à la présence
d’une molécule parmi un million d’autres, soit 0,0001%. C’est
donc une concentration extrêmement faible. Une orge maltée
non tourbée affiche un taux compris entre 0,5 et 3 PPM, une
orge fortement tourbée de 50 à 80 PPM. Et ce sont souvent les
taux que l’on donne pour les whiskies alors qu’ils caractérisent
l’orge qui a été utilisée. C’est d’autant plus une erreur qu’après
distillation, le taux baisse de 70 à 50%. Par exemple, une orge
affichant 60 PPM produira une eau-de-vie au sortir de
l’alambic dont le taux de tourbe sera compris entre 20 et
30 PPM. Et le vieillissement entraîne aussi une baisse de la
concentration. Il est communément admis qu’un distillat titrant
30 PPM affiche 10 PPM dix ans plus tard et plus que 6 PPM à
trente ans.

On peut contrôler le niveau de tourbe en jouant sur la quantité


utilisée pour sécher le grain, la durée de son exposition à la
fumée et son taux d’humidité. C’est à 25% d’humidité qu’il est
le plus « réceptif ». Il existe trois niveaux de tourbe : de 5 à
15 PPM, l’orge est légèrement tourbée. De 15 à 30, c’est une
orge tourbée. Au-delà, c’est fortement tourbé, voire
puissamment à partir de 50 PPM et plus.

Le caractère tourbé – entre fumée et iode – est apporté par les


phénols, une famille de composés chimiques qui comprend les
phénols, proprement dits, les créosols, les xylénols, les
éthylphénols et les guiacols. C’est la température à laquelle
brûle la tourbe qui décide du niveau de présence et de
concentration de ces cinq composés. Il faut savoir que le nez
humain, qui est un organe très sensible, peut détecter la
présence de tourbe dès 0,1% de guiacol. Pas étonnant que
Octomore II Beast – le whisky affichant le taux le plus élevé –
paraisse très tourbé : 167 PPM pour l’orge utilisée et encore un
taux supérieur à 46 PPM à l’embouteillage.

La réaction de Maillard
Le séchage du grain provoque également une réaction
chimique fameuse et très utile, la réaction de Maillard.
Ce phénomène, découvert par le Français Louis-
Camille Maillard en 1912, résulte de la rencontre d’un
sucre avec un acide aminé. Cela entraîne la formation
de molécules très aromatiques à l’origine des flaveurs
et des arômes du whisky.

Le maltage traditionnel
Jusque dans les années 1960, la plupart des distilleries
maltaient leur orge sur place et de manière traditionnelle, une
opération qui pouvait s’étaler sur sept à dix jours. On faisait
tremper le grain dans des cuves puis on l’étalait sur une hauteur
de 10 à 20 cm dans une aire de maltage qui n’était autre qu’une
immense surface plane, en pierre ou en béton. Les grains
étaient ensuite retournés régulièrement à l’aide d’une pelle à
malt et aérés avec une sorte de râteau à trois dents. Les ouvriers
en charge de ces opérations contractaient une arthrose qui leur
déformait l’articulation de l’épaule, appelée « monkey shoulder
» (littéralement « épaule de singe »). L’apparition d’une
radicule blanche à l’extrémité du grain était souvent le signe
qu’il fallait arrêter la germination. Pour s’en assurer, le malteur
avait une technique toute particulière : elle consistait à écrire
ses initiales avec un grain sur une pierre ou sur leur pelle. Si les
lettres étaient lisibles, la céréale était prête pour la troisième
opération : son séchage.

Dans les Highlands écossais, le malt était séché et fumé au feu


de bois, de bruyère ou de tourbe, responsable des arômes si
caractéristiques et puissants, fumés ou iodés. Dans les
Lowlands, région très minière, c’est le charbon qui avait les
faveurs des distillateurs. En Irlande ou aux États-Unis, le malt
est séché dans des cuves closes. Il n’est généralement jamais en
contact avec une quelconque fumée. Aujourd’hui, rares sont les
distilleries qui maltent – tout ou partie – encore sur place. On
n’en compte plus que sept en Écosse – The Balvenie, Benriach,
Bowmore, Highland Park, Kilchoman, Laphroaig et
Springbank –et une poignée dans le reste du monde, dont
Mackmyra en Suède, Chichibu au Japon, le Domaine des
Hautes Glaces en France ou Hillrock Estate aux États-Unis.

Les malteries industrielles


Ces grands complexes, dont la seule et unique activité est de
transformer une céréale en malt, ont vu le jour en raison du
développement de l’industrie du whisky mais aussi et surtout
de la bière. En se spécialisant, ces unités se sont équipées de
malteuses à tambour et ont bien sûr considérablement amélioré
le process, supprimant tout empirisme et analysant
scientifiquement ce qu’il se passe lors de ces différentes
opérations. Ce qui permet à chaque distillerie d’imposer son
cahier des charges. Le processus reste évidemment identique
mais il est conduit de manière différente et pour des volumes
beaucoup plus importants (jusqu’à 300 tonnes en même temps).
Cette opération étant effectuée, l’orge devenue malt est prête à
être brassée.

Chat alors !
En raison des grandes quantités de céréales stockées et
utilisées, chaque distillerie abrite au moins… un chat. Il
devient bien souvent la mascotte du lieu mais cela ne
doit pas le détourner de sa mission première : chasser
les souris. L’un de ces matous, aujourd’hui disparu, est
d’ailleurs resté célèbre, celui de la distillerie écossaise
Glenturret. On a en effet attribué à Towser, le petit nom
de cette chatte, l’extermination de… 28 899 souris en
(presque) 24 ans d’existence (1963-1987) ! Avec un
peu plus de trois souris par jour, c’est une belle
moyenne. Même si le record a été dument homologué
par le célèbre livre Guinness, ce nombre
invraisemblable – qui ne prend pourtant en compte que
les rongeurs retrouvés morts au pied des alambics – a
été déterminé statistiquement ! Towser a même sa
statue en bronze à l’entrée du centre d’accueil des
visiteurs de The Famous Grouse Experience, dont The
Glenturret est le malt de référence.

À la meunerie, la dissolution en moût


Le terme « brassage » est aujourd’hui utilisé pour nommer
l’ensemble du processus de fabrication de la bière. Il n’en est
pourtant qu’une partie, celle qui consiste à extraire les sucres
fermentescibles d’une céréale. Si elle a été maltée, l’opération
se conduira par dissolution. Si ce n’est pas le cas, cette
opération se fera par cuisson. Une nouvelle fois, les enzymes
jouent un rôle important au cours de cette opération. L’eau
utilisée également – et ce, quelle que soit la méthode – et en
particulier sa teneur en sels minéraux. Mais avant toute chose,
le grain doit être moulu.

Le concassage traditionnel
Pour pouvoir extraire beaucoup plus facilement le sucre
emprisonné dans notre petit grain de céréale maltée, on va le
concasser en une mouture grossière. La formule idéale se
compose de la balle (ou enveloppe) des grains pour 20%, d’une
poudre de taille intermédiaire appelée gruau pour 70% et d’une
farine plutôt fine pour 10%. Pour moudre le grain, on utilise un
gros moulin équipé de deux ou trois paires de rouleaux. En
fonction de la taille des grains à moudre et/ou de la
composition de la mouture désirée, les paires de rouleaux sont
plus ou moins écartées. Le premier passage expulse le grain de
son enveloppe, les suivants – qui ne tournent pas forcément à la
même vitesse –le réduisent en gruau puis en farine.

George Porteus vs Robert


Bobby
Porteus ou Bobby sont les deux marques de moulin qui
équipent la plupart des distilleries écossaises. Au même
titre que le toit en pagode ou l’alambic en cuivre et en
forme d’oignon, le moulin fait partie intégrante du
décor. Et pas seulement parce qu’il arbore le plus
souvent une jolie teinte rouge bordeaux du plus bel
effet !

Le concassage à marteau
Il faut savoir qu’il existe aussi des moulins à marteau mais qui
sont plutôt utilisés par les distilleries de grain pour leur
capacité à réduire les céréales aux grains plus gros (blé, maïs)
ou non maltées (orge en Irlande) en farine beaucoup plus fine
et uniforme. Les grains sont envoyés en continu dans un
caisson fermé et muni de petits marteaux rotatifs. Aujourd’hui,
certaines distilleries de grain en Écosse ou aux États-Unis
concassent le grain en le mélangeant à de l’eau. Cette technique
(wet milling ) permet de produire une sorte de pâte plus ou
moins liquide dont il est plus facile d’extraire les sucres parce
qu’elle se dissout mieux et/ou qu’elle est prête à la cuisson
pour l’étape suivante du brassage.

Le brassage
Le brassage en lui-même consiste à dissoudre dans de l’eau
tous les sucres fermentescibles de la céréale grossièrement
moulue en remuant (en brassant) sans cesse. C’est le principe
du sucre que l’on fait fondre en tournant la cuillère dans sa
tasse à café. Sous une simplicité apparente, cette étape est
absolument cruciale pour le futur rendement alcoolique. Elle
est réalisée dans une grande cuve, munie d’une pale rotative,
appelée « cuve-matière ». C’est généralement l’équipement le
plus coûteux de la distillerie, loin devant les alambics pourtant
en cuivre. Son acier inoxydable doit supporter un poids
colossal de plusieurs tonnes. Sa pale rotative munie de dizaines
d’ailettes articulées est souvent une petite merveille de
précision mécanique, chargée de mélanger en permanence, et
au mieux, mouture et liquide, afin d’extraire le maximum de
sucre.

C’est aussi à cette étape de la production de whisky que la


nature de l’eau est la plus importante. Cette eau est chargée de
dissoudre tous les sucres de la céréale mais aussi d’apporter des
sels minéraux en vue de l’étape suivante, celle de la
fermentation. Les levures vont avoir besoin de calcium
(beaucoup), de magnésium et de zinc (un peu) pour se
développer et accomplir leur travail de transformation des
sucres en alcool. C’est la raison pour laquelle les eaux de
source – au détriment des eaux dites de surface (ruisseau,
rivière, lac) – ont la préférence des distillateurs. Elles restent
synonymes de qualité avec des teneurs en sels minéraux très
constantes sur des longues périodes. L’idéal.
Une petite infusion ?
Il existe trois méthodes de brassage :

par infusion ;
par décoction ;
par cuisson.

Pour l’orge maltée, la méthode la plus traditionnellement


employée est celle de l’infusion. Le malt concassé est versé
dans la cuve-matière. Il est mélangé à une eau dont la
température n’excède pas 64,5 °C. Au-delà de ce degré très
précis, les enzymes présentes et nécessaires ne survivraient pas.
Le bon ratio est de 1 pour 4, soit généralement 4 tonnes d’eau
pour 1 tonne de malt. Les cuves sont dimensionnées pour que
la hauteur du mélange eau/malt soit d’environ 1 mètre. Le
liquide sucré est ensuite soutiré. Il est naturellement filtré par
les éléments solides du malt qui forment une épaisse couche,
d’où l’importance de garder l’enveloppe de la graine et de ne
moudre que grossièrement la céréale. Ce moût est recueilli et
stocké dans une cuve appelée « underback ».

Une deuxième eau est alors versée dans la cuve-matière. On en


met deux fois moins (2 tonnes) mais elle est légèrement plus
chaude cette fois, autour de 70 °C. L’opération de soutirage et
d’autofiltration se répète et le liquide recueilli est mélangé au
premier moût. C’est cette soupe de céréale très sucrée (strong
wort , moût riche en sucres) qui va être ensemencée de levure
dans l’étape suivante de la fermentation.

Suivant le type de filtration utilisée, traditionnelle à travers la


couche de malt, ou plus moderne à l’aide de filtres, la densité
de matières solides aura une influence sur le goût du distillat.
Le brassage peut donc donner deux types de moûts. Très filtré,
un moût clair produira des eaux-de-vie au goût plus prononcé
de céréale. Chargé de matière solide, le moût trouble sera plus
noisette et plus malté.

À l’issue de ces deux premières opérations, une troisième eau à


80 °C (le processus peut même parfois se répéter une quatrième
fois à 90 °C) est mélangée au dépôt de malt restant au fond de
la cuve-matière. « L’eau » (weak wort , moût très faible en
sucres) ainsi recueillie sert en fait de première eau pour le
brassage suivant, ce qui permet de maximiser l’extraction des
sucres du malt tout en limitant les besoins énergétiques pour
chauffer les eaux utilisées.

La décoction allemande
Il existe une autre méthode de brassage, issue des techniques
brassicoles allemandes, celle de la décoction. Principes et
séquences sont les mêmes, sauf que l’on commence par délayer
une petite quantité de malt dans une eau moins chaude (autour
de 50 °C). Ce mélange est porté à ébullition puis il est reversé
dans la cuve principale. C’est lui qui élève alors la température
de l’ensemble de la préparation et qui permet la
saccharification. Dans ce cas de figure, les paliers de
température sont fixés à 64, 68 et 72 °C.

L’effet pop-corn : la cuisson


La troisième forme de brassage est réservée aux céréales non
maltées, en particulier blé et maïs. C’est donc par cette
méthode que sont brassés les plus gros volumes de céréales.
Afin de réaliser cette opération, la farine de céréale est cuite
dans une grande quantité d’eau. Le bon mélange est de
2,5 tonnes d’eau pour 1 tonne de grain. Le but est de casser la
structure des molécules du grain afin de pouvoir les dissoudre
dans l’eau. On parle ici de gélatinisation.

Cette opération est conduite sous pression, soit dans une sorte
de grosse Cocotte-minute (principe de la cuvée), soit dans des
tubes (principe de la cuisson continue) chauffés à la vapeur. On
chauffe le mélange eau/farine de céréale entre 125 et 150 °C :
30 minutes pour le blé mais jusqu’à 1 h 30 pour le maïs. La
cuisson terminée, la chute soudaine de pression et la baisse
rapide de température – c’est l’effet pop-corn – permettent de
casser la structure des cellules et de libérer une partie des
sucres de la céréale. Le moût se présente alors sous une forme
de soupe, plus ou moins visqueuse.

Une céréale non maltée, quelle qu’elle soit, ne porte pas en elle
les enzymes nécessaires pour rendre ses sucres solubles et
fermentescibles. C’est donc à ce moment-là qu’on est obligé de
rajouter des enzymes afin de compléter le processus de
saccharification. Pour ce faire, deux possibilités : rajouter une
solution eau/orge maltée qui peut représenter de 5 à 15% du
volume total brassé ou rajouter des enzymes cultivés
spécifiquement. C’est interdit en Europe, autorisé aux États-
Unis.

Il faut bien évidemment attendre le refroidissement du liquide


avant d’ajouter l’orge maltée ou les enzymes afin de ne pas tuer
ces petits organismes vivants.

Le moût étant désormais tiré, il va falloir le fermenter.


La densité du moût
On appelle densité primitive du moût le taux de sucre
contenu dans une solution liquide, avant fermentation.
Elle se calcule en fonction de la quantité de matière
sèche par rapport au volume global à une température
donnée. L’échelle de Plato a été adoptée par les
brasseurs et le monde du whisky. 1 °P signifie qu’il y a
1 g de sucre pour 100 g de moût à une température de
17,5 °C. C’est un peu moins (0,97 g) pour le maltose
qui n’a pas tout à fait les mêmes caractéristiques que le
sucre alimentaire (glucose).
La densité normale d’un moût de distillation se situe
entre 1040 et 1060, soit 11 °P-12 °P. Il contient environ
10%-15% de sucres (maltose, maltotriose,
maltotetraose et dextrine).

À la brasserie, la fermentation en bière


Avec la fermentation commencent véritablement les choses
sérieuses. C’est l’un des moments clés de la production de
whisky puisque c’est au cours de cette étape – et à seulement à
cette étape – que l’alcool est produit.

La fermentation, c’est ce petit miracle chimique qui permet à


des levures de transformer les sucres (maltose C12 H22 O11 ou
glucose C6 H12 O6 ) en éthanol (C2 H5 OH) tout en rejetant
du dioxyde de carbone (CO2 ) et en produisant de la chaleur.
Ce n’est ni plus ni moins qu’une (très) complexe opération de
digestion à l’échelle de l’infiniment petit. Mais c’est aussi à ce
moment-là que les esters et congénères à l’origine des arômes
du futur distillat puis du whisky vont se créer. Autant dire que
le moment est crucial.

Les levures, des agents très spéciaux…


Les levures, qui appartiennent à la famille des champignons,
sont des organismes unicellulaires qui ont la faculté de
provoquer la fermentation des matières organiques végétales ou
animales. Il existe des milliers de levures différentes et si elles
ont, de tout temps, accompagné la vie des hommes, c’est
Pasteur qui le premier, en 1857, a démontré et expliqué qu’elles
étaient des organismes vivants dans un ouvrage resté célèbre,
Mémoire sur la fermentation alcoolique .

Les levures utilisées dans l’industrie agroalimentaire sont de


type Saccharomyce cerevisiae (levure de boulangerie et/ou à
distiller) et saccharomyce carlsbergensis ou uvarum (levure de
brasserie). Les premières regroupent celles qui fermentent à
haute température (en fait, à température ambiante, de 18 à
32 °C). À la fin du processus, les cellules mortes remontent à la
surface pour former un chapeau. Ce sont les plus utilisées dans
l’industrie du whisky. Certaines distilleries n’hésitent
cependant pas à utiliser des levures de brasserie qui fermentent
à basse température et dont les résidus tombent au fond de la
cuve. Les distilleries de grain utilisent principalement et
exclusivement des levures à distiller, sous forme de crème.
Cela varie pour les distilleries de malt. Cependant, rares sont
celles qui utilisent une souche unique. La plupart composent
leur propre recette à partir de fournisseurs différents et/ou de
plusieurs variétés : deux pour Lagavulin ou trois chez
Macallan. Mais cela peut être beaucoup plus : Glenmorangie
est réputée utiliser une recette qui associe cinq levures de
distillerie et deux de brasserie !
Aujourd’hui, seules quelques micro-distilleries (dont Michard
en France, qui est un brasseur avant tout) et la plupart des
grosses marques américaines de bourbon cultivent leur propre
levure. En Écosse et dans la plupart des autres pays
producteurs, c’est très rare. Elles sont donc fournies – sèches
ou sous forme de crème liquide – par des sociétés spécialisées
dans la culture, l’élevage et la livraison de ces champignons un
peu particuliers. Il faut compter entre 2 et 4 g de levure (sèche)
par litre de moût à fermenter.

… pour des missions délicates


Les levures peuvent vivre dans des environnements
particulièrement hostiles par rapport à la plupart des autres
organismes vivants. Cependant, elles préfèrent les solutions
acides (pH idéal de 5) dont la température est comprise entre
20 et 30 °C. Les opérations de fermentation ont lieu à l’air libre
ou dans des cuves dont le couvercle n’est pas fermé de façon
totalement étanche. Nos petites levures ont en effet besoin d’un
peu d’air, pas tant pour respirer – la fermentation alcoolique est
un phénomène anaérobie – mais pour l’oxygène qui est un
élément constitutif de leur paroi.

Dans les distilleries de malt, les cuves de fermentation sont très


souvent en pin d’Oregon (beaucoup) ou en mélèze (un peu).
Aujourd’hui, pour des raisons pratiques, hygiéniques et
économiques, elles sont peu à peu remplacées par des cuves en
acier inoxydable, comme c’est déjà le cas dans toutes les
distilleries de grain.

La taille d’une cuve de fermentation varie en fonction de la


taille de la distillerie. Les plus petites ont une contenance de
5 000 litres, les plus grandes peuvent atteindre 150 000 litres.
Les infiltrées ou l’inoculation des levures
Après avoir été brassé à des températures assez élevées (entre
60 et 80 °C comme vu précédemment), le moût est donc
refroidi autour de 20 °C (plutôt 19 °C, l’été et 22 °C en hiver)
avant d’être versé dans la cuve de fermentation. On inocule
alors les levures. Au bout de quelques heures, elles
commencent à se développer et leur nombre à croître de
manière exponentielle. La raréfaction des nutriments
disponibles (en particulier du sucre), une baisse significative du
pH (autour de 4), une chaleur et un taux d’alcool qui
augmentent sont autant de facteurs qui entraînent leur
disparition complète dans les trois à quatre jours suivants.

La fermentation transforme les sucres en alcool et en dioxyde


de carbone. À peu près en quantité équivalente d’ailleurs
puisque 1 gramme de sucre se décompose en 0,51 g d’alcool et
en 0,49 g de CO2 . Cette émanation importante de CO2 fait
d’ailleurs toujours l’objet d’une remarque de la part du guide,
lorsqu’on visite une distillerie et sa salle de fermentation. Soit
on vous demande de ne pas approcher trop près et/ou de ne pas
respirer, soit au contraire on vous invite à vous pencher au-
dessus de la cuve et à respirer un grand coup. Vertige garanti.

Le brassin (ou bière à distiller) affiche alors un titre


alcoométrique compris entre 5% et 10% (10,5% chez Jack
Daniel’s, l’un des plus élevés). Ce taux relativement faible est
une bénédiction pour les distillateurs. Car plus le taux d’alcool
est bas, plus le potentiel de concentration – en alcool, bien sûr,
mais aussi et surtout en flaveurs – sera élevé au moment de la
distillation.

L’alcool, une famille nombreuse


On l’a donc vu, c’est à cette étape que se forme l’alcool. On
devrait plutôt parler d’alcools avec un s car ils sont nombreux :
éthanol, méthanol, propanol, butanol, glycérol, phényléthanol
ou pentanol, pour ne citer que les principaux. Tous ont des
caractéristiques organoleptiques différentes mais aussi des
propriétés chimiques qui leur sont propres. Ils ne s’évaporent
donc pas tous à la même température. Ce qui permettra de les
garder ou de s’en séparer au moment de la distillation.

Aujourd’hui, on estime qu’une fermentation ne peut être


conduite convenablement en dessous de 48 heures, même s’il
est techniquement possible de réduire le temps en dessous des
40 heures. Au contraire, un certain nombre de distilleries
préfèrent augmenter les temps de fermentation – en profitant
par exemple du week-end ou des jours fériés – afin que le
brassin soit (légèrement) dégradé par des bactéries plutôt que
des levures. Ces bactéries, capables de produire de l’acide
lactique, apparaissent au bout de 36 heures, rarement avant.
Elles proviennent plutôt de l’environnement immédiat (la cuve
de fermentation), pas des matières premières (céréales, moût ou
brassin). Elles ont le pouvoir de transformer les acides gras
(contenus dans les parois des cellules de levure mortes) en
esters, très particuliers et très aromatiques, proches de ceux que
l’on trouve dans certains fruits (poire, abricot). Elles ont aussi
la capacité d’adoucir les arômes les plus phénoliques et fumés
au fur et à mesure du temps. Ces bactéries lactiques jouent
donc aussi un rôle essentiel dans la formation des arômes.

La fermentation peut donc donner deux types de brassins.


Courte (autour de 48 heures), seule la fermentation alcoolique a
lieu et cela donnera des eaux-de-vie sur la céréale et de
caractère malté. Longue (au-delà de 55 heures), la fermentation
alcoolique s’accompagne d’une fermentation lactique qui
donnera des distillats plus légers, fruités et complexes.
Le sour mash
La technique du moût aigre (ou sour mash ) consiste à
stériliser un moût ou un brassin avec les vinasses
résiduelles de la distillation, une mixture très acide.
C’est une pratique presque exclusivement américaine.
Elle a été rendue nécessaire à cause de l’eau très
calcaire et riche en minéraux du Kentucky, mais aussi à
cause du risque plus important d’infection du maïs au
cours de la fermentation. En mélangeant ce liquide pas
ou peu alcoolisé et très acide au moût à fermenter, on
fait baisser le pH. Cette acidité permet donc de limiter
la présence d’éventuelles bactéries pouvant contaminer
le brassin. Ce « contrôle » des bactéries rend également
les brassins homogènes. Ce qui permet, selon les
distillateurs américains, de garder un profil aromatique
identique d’une cuvée à l’autre. Les vinasses sont
préalablement filtrées pour éliminer tous les éléments
solides indésirables et refroidies afin de ne pas tuer les
levures. Tous les bourbons (et c’est même obligatoire
pour les whiskeys du Tennessee) font appel à cette
pratique. Ces vinasses peuvent être utilisées au moment
de la cuisson de la céréale ou être ajoutées au moût ou
au brassin. Pendant longtemps, il fallait un minimum
de 25% de lies de distillation dans le brassin pour
prétendre à l’appellation « sour-mash whiskey » ou
« sour-mash bourbon ». Aujourd’hui, la réglementation
est libre mais rares sont les distilleries qui descendent
en dessous de 20% du mélange. Cette appellation de
sour-mash bourbon ou whiskey ne caractérise bien
évidemment en rien leur goût, ni acide ni aigre.
Une fois que l’on sait tout cela, il est temps de passer à la
distillation. C’est l’heure de vérité. Êtes-vous prêt(e) ?
Chapitre 8

De la bière au new spirit , la chimie,


c’est pas sorcier

Dans ce chapitre :
Le matériel, bouilloire ou colonne
Le monde magique de la distillation
Eau double ou triple, eau de colonne

B rasser, c’est bien ; distiller, c’est mieux. Et cette science de la


distillation alcoolique que les hommes ont mis tant de temps à
découvrir n’a connu que peu de changements depuis sa
découverte. Un seul en vérité mais de taille lorsqu’est apparu le
principe de la distillation continue en colonne dans les années
1820. Ce qui n’a pas empêché cette bonne vieille distillation
fractionnée – à repasse – de continuer à se développer. Deux
techniques seulement mais une foule de possibilités.

Le cœur de la distillerie, c’est bien la salle des alambics, là où


tout se passe. Au-delà de la taille des installations, de la
présence de cuivre plus ou moins rutilant, de l’atmosphère –
souvent chaude, souvent chargée des parfums enivrants de
l’alcool – qui règne dans cette pièce, la salle des alambics
garde une part de mystère liée à son activité : la distillation.
Derrière ce terme, on a encore l’impression ici de toucher au
secret, au sacré, à des opérations un peu magiques et à des
phénomènes qui nous dépassent.

Le monde magique de la distillation


Pourtant, la distillation n’est ni plus ni moins que la simple
séparation de deux éléments certes liquides mais distincts, l’eau
et l’alcool, au moyen d’un procédé facile à mettre en œuvre :
chauffer puis condenser. Mais pour bien comprendre comment
tout cela fonctionne, il est nécessaire de revenir à quelques
notions simples de chimie.

Les particules élémentaires


Distiller, cela consiste à séparer deux éléments en concentrant
le second au détriment du premier. Dans le cas de la distillation
alcoolique, on sépare l’alcool de l’eau.

Et cela s’avère relativement facile une fois que l’on sait que
leurs points d’ébullition ne sont pas identiques. Comme chacun
sait, l’eau bout à une température de 100 °C mais c’est
beaucoup plus bas pour l’alcool : très exactement 78,35 °C en
ce qui concerne l’éthanol. Une aubaine pour qui cherche à
extraire cet alcool potable. Mais pas si simple.

Car l’éthanol est un azéotrope. Kezako ? En clair, il n’existe


pas à l’état pur. Il est même presque impossible de l’isoler tout
seul car il a la fâcheuse tendance d’absorber l’humidité ou
l’eau qui l’entoure, en raison de son caractère hygroscopique.
Également, il bout à 78,35 °C s’il est pur à 100%. Un mélange
qui comprend 50% d’eau et 50% d’alcool bout donc
théoriquement à 89 °C environ (100 + 78,35/2). Notre brassin,
dont la concentration faible en alcool est comprise entre 5% et
7%, bout donc autour de 90 °C.

Pour concentrer l’alcool, il a donc fallu déployer des trésors


d’ingéniosité. Ou plutôt développer des outils, les alambics, et
un savoir-faire, la distillation.

Le laboratoire de l’alchimiste
Les premiers alambics étaient de simples pots fabriqués en
terre, en céramique ou en verre (voir figure 1-1 ). Ils ont
ensuite été fabriqués en cuivre (du grec ancien Kúpros , qui
désignait Chypre, une île aux nombreux gisements). Ce métal
est facile à travailler, ce qui permet de lui faire prendre la forme
désirée. Très conducteur, il chauffe (et refroidit) rapidement. Il
a aussi la grande qualité de ne donner aucun goût particulier au
distillat. Mieux, on s’est ensuite aperçu que le cuivre
transforme les composants indésirables les plus soufrés en
sulfates de cuivre, des molécules qui ne passent l’étape de la
distillation et sont donc faciles à éliminer en fin de cycle.

Cependant, ce n’est qu’avec la découverte d’un système de


refroidissement efficace des vapeurs, le fameux serpentin
circulant dans l’eau froide, que l’alambic – dans sa forme et
dans sa fonction – est devenu l’outil que l’on connaît
aujourd’hui. C’est ensuite l’invention du principe de la
distillation en continue puis son amélioration par l’invention de
la colonne à distiller qui a permis au whisky de prendre
véritablement son essor.

Tour de passe-passe et de repasse


Il existe des dizaines de types d’alambics destinés à la
fabrication de whisky mais seulement deux processus
d’utilisation : à repasse ou continue. Le premier suppose au
moins deux passages successifs afin d’atteindre un degré
alcoolique suffisant alors que le second fonctionne de manière
ininterrompue.

Les deux processus de distillation ne fonctionnent pas sur le


même principe. À repasse, on fait bouillir le brassin et on
récupère l’alcool par condensation. En continu, c’est la
rencontre d’une vapeur très chaude et d’un brassin plus froid
qui permet « d’extraire » l’alcool. Autres différences mais elles
sont de taille : la distillation en continue fonctionne sans
interruption et permet de produire un alcool presque pur alors
qu’à repasse, elle impose un principe de distillation par cuvée
qui ne sépare pas aussi efficacement eau et alcool. Ce sont deux
conceptions évidemment totalement différentes puisque la
première suppose des infrastructures colossales, une logistique
sans faille et un process de fabrication parfaitement rodé. Un
peu comme si tous les efforts étaient portés à la création de la
distillerie, les opérations de distillation ne nécessitant plus
qu’une forme de routine. Alors que la distillation à repasse met
en œuvre un matériel simple, presque rudimentaire, mais
nécessite une attention de tous les instants et la répétition des
mêmes efforts, repasse après repasse.

Une fois que l’on sait tout cela, passons aux choses sérieuses,
la distillation proprement dite.
Figure 8-1 : Distillation
continue.

Figure 8-2 : Distillation


à repasse.
La distillation continue
Principe et matériel de la distillation en continu sont
relativement récents (1830) mais le succès de l’invention
d’Aeneas Coffey a connu un succès fulgurant. À tel point que
95% des alcools produits aujourd’hui dans le monde sont
distillés en colonne.

La colonne à distiller (ou colonne multi-étagée à reflux) utilise


la propriété des équilibres liquide-vapeur, un état où un liquide
et sa vapeur sont en équilibre. Ce qui permet dans un mélange
binaire (eau et éthanol, par exemple) de concentrer un des
éléments au détriment de l’autre et de les séparer. L’installation
se compose en fait de deux colonnes, séparées ou pas : la
colonne d’épuisement (analyseur) et la colonne de
concentration (rectificateur).

L’analyseur ou colonne d’épuisement


C’est généralement la plus petite en hauteur des deux colonnes.
L’analyseur est étagé de plateaux qui forment des
compartiments presque étanches. Presque car chaque plateau
est perforé pour laisser remonter les vapeurs. Les trous sont
surmontés d’un petit clapet ou d’une cloche. Cet appendice
fonctionne comme une soupape : c’est la vapeur qui le soulève.
Chaque plateau est aussi muni d’un petit tuyau qui, par
débordement, permet d’alimenter le plateau du dessous. En
fonction de sa hauteur, la colonne d’épuisement compte de cinq
à plusieurs dizaines de plateaux.

En traversant le brassin qui ruisselle sur la plaque, la vapeur se


charge en alcool et se débarrasse d’une partie de son eau – plus
lourde, elle est entraînée vers le bas de la colonne – avant de
rejoindre le rectificateur.

Le rectificateur ou colonne de concentration


C’est la plus grande colonne et celle dans laquelle se
condensent les vapeurs qui deviendront l’eau-de-vie. À
l’intérieur, sont fixées des plaques de cuivre, comme des
étagères. Il contient aussi un long serpentin dans lequel circule
le brassin à distiller avant d’être conduit vers l’analyseur.

Et voilà comment cela marche : de la vapeur d’eau est injectée


en bas de l’analyseur et doit s’en échapper par le haut pour
rejoindre le rectificateur. De son côté, le brassin à distiller est
injecté par le haut du rectificateur. Vapeur et brassin entrent en
contact dans l’analyseur, au niveau des trous des plaques
perforées. Sous pression, la vapeur soulève le clapet ou la
cloche et traverse le brassin qui s’écoule sur la plaque. Tout en
le réchauffant, elle le débarrasse petit à petit de son alcool en se
chargeant des matières les plus volatiles. Moins la vapeur
contient d’eau et plus elle contient d’alcool, plus elle est
volatile, plus elle peut monter de plateau en plateau, jusqu’à
arriver à s’échapper de l’analyseur.

Dans le rectificateur, le mélange vapeur d’eau + alcool est


injecté par le bas. Au fur et à mesure de sa remontée, il
réchauffe le serpentin dans lequel circule le brassin. Chaque
plaque de cuivre agit alors comme un condenseur. Et plus on
monte, plus la concentration en alcool pur sera élevée. On peut
ainsi atteindre, grâce à des colonnes de très haute taille, un
pourcentage d’alcool très élevé, proche de 95%. Le tour est
joué.

Une fois que l’on a dit cela, il faut tout de même respecter un
équilibre parfait et continu entre les fluides qui ne vont cesser
de se croiser en passant d’un état liquide à un état gazeux,
jusqu’à la condensation finale et définitive en eau-de-vie. Et les
opérations se déroulant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et
365 jours par an. Cela suppose des installations gigantesques,
en amont et en aval la distillerie. C’est ainsi que souvent on y
remarque le moulin, immense, ou les nombreuses (et
gigantesques) cuves. Elles peuvent atteindre le demi-million de
litres. La production d’eau-de-vie se calcule en dizaines de
millions de litres d’alcool pur par an.
La distillation sous vide
Les principes de distillation sous vide sont bien connus
dans l’industrie cosmétique ou… chimique, un peu
moins du côté des producteurs de whisky. Une seule
distillerie de grain en Écosse applique ce principe, très
technique : Girvan. La distillation sous vide présente
plusieurs avantages évidents : elle permet de chauffer
moins fort pour atteindre le point d’ébullition de l’eau
et de l’alcool. En effet, l’eau bout à 100 °C dans une
atmosphère normale. Plus la pression baisse, plus le
point d’ébullition est bas. Par conséquent, cela permet
aussi de moins consommer d’énergie tout en distillant
plus lentement.

La distillation à repasse en colonne


La plupart des whiskies distillés à partir d’orges maltées sont
produits dans des alambics dit « à repasse ». Ce sont des
ensembles fermés qui supposent des distillations par cuvée et
repasses successives (voir figure 8-2 ). Généralement deux,
parfois trois, rarement plus. Ils sont intégralement fabriqués en
cuivre et leur contenance peut varier de quelques litres à
plusieurs milliers. Ils peuvent être de toutes tailles et de toutes
formes, autant de paramètres qui influent directement sur la
nature et le goût du distillat.
À l’origine, les alambics étaient chauffés à feu nu, c’est-à-dire
en contact direct avec une source de chaleur (bois ou tourbe
puis charbon et enfin gaz). Aujourd’hui la plupart fonctionnent
à chaleur indirecte, comme une bouilloire avec un serpentin qui
court le long de la paroi intérieure et dans lequel circule de la
vapeur d’eau. Cela permet une plus grande régularité de
chauffe (essentielle lorsqu’on distille) et empêche le brassin
d’accrocher au fond lors de la première chauffe.

Ces alambics se composent de plusieurs parties distinctes (voir


figure 1-1 au chapitre 1).

L’alambic
C’est un pot hermétiquement fermé prolongé par un tube plus
ou moins haut, le col-de-cygne ou chapiteau. Sa forme varie
selon les distilleries et les caractéristiques désirées par le
distillateur. La plus répandue est celle dite de l’oignon, en
raison de sa ressemblance bombée avec… un oignon. Il existe
aussi des alambics en forme de lanterne ou de poire dont le
nom dérive de la forme du chapiteau, généralement un cylindre
qui monte en se rétrécissant.

La distillation dure plus ou moins longtemps en fonction de la


taille de l’alambic. Un alambic de plus grande taille favorise la
conversation avec le cuivre et les distillations lentes. Dans un
petit alambic ou avec des distillations courtes (si l’on chauffe
plus fort), les eaux-de-vie sont toujours plus lourdes et auront
besoin de temps pour s’épanouir.

Le tube à reflux
Derrière ce nom barbare se cache le – plus ou moins – long et
gros tuyau qui relie la tête de l’alambic au condenseur. Il peut
être positionné soit tout à fait horizontalement, soit incliné vers
le bas ou légèrement dressé vers le haut. Sa fonction première
est donc de gérer le reflux. Cela influe directement sur les
caractéristiques du distillat. Plus le tuyau sera positionné
verticalement vers le condenseur et le reflux important, plus le
distillat sera léger. C’est donc tout sauf un simple bras de
liaison comme on pourrait le croire de prime abord.

La distillation dure plus ou moins longtemps en fonction du


reflux. Plus le reflux sera important, plus la distillation sera
longue et plus le distillat sera redistillé et neutre. Un faible
reflux produit des distillats plus aromatiques, en bien ou en
mal.

Ne pas confondre swan neck et


lyne arm
En France, on a souvent tendance à confondre ces deux
éléments bien distincts de l’alambic à repasse écossais.
Et pas seulement à cause de leur terminologie anglo-
saxonne. En fait non, la raison principale de cette
confusion vient de… Cognac. Dans un alambic de type
charentais, la bouilloire, parfois surmontée d’un
chapiteau en forme de bulbe, est reliée directement au
condenseur par un tube très fin qui ressemble au long
cou d’un cygne (swan neck en anglais). Il n’y a qu’un
seul et unique élément de liaison. Un alambic à repasse
écossais, quant à lui, comprend une bouilloire et un
chapiteau plus ou moins haut relié au condenseur par
un gros tube coudé dont l’angle d’inclinaison varie
selon chaque distillerie, le lyne arm ou lie pipe .

Le condenseur
C’est l’appareillage qui permet de condenser les vapeurs qui
s’échappent de l’alambic – autour de 90 °C – en les
refroidissant à 20 °C. Il y en a un par alambic. Il existe deux
types de condenseurs. Le premier, traditionnel, se compose
d’un long serpentin de cuivre qui s’enroule dans une cuve
remplie d’eau. Le tuyau peut atteindre plusieurs dizaines de
mètres et son diamètre diminue progressivement. De l’eau très
froide entre par le bas de la cuve et s’évacue par débordement
par le haut. Historiquement, ce type de condenseur était placé à
l’extérieur de la distillerie. Parce que cela prend beaucoup de
place et la température (plus basse) de l’air ambiant aidait à
garder l’eau suffisamment froide.

Le second modèle porte le nom barbare de condenseur


multitubulaire à calandre. Cet appareil se présente sous la
forme d’un gros cylindre vertical à l’intérieur duquel sont
positionnées des dizaines de tubes en cuivre dans lesquels
circule de l’eau froide et sur lesquelles les vapeurs viennent se
condenser. Ces condenseurs sont moins gourmands en eau et en
énergie et prennent beaucoup moins de place.

Lorsque la condensation s’effectue par un serpentin, le distillat


sera plus lourd et plus huileux en raison de la plus faible
surface de contact avec le cuivre. Le condenseur multitubulaire
à calandre rend les eaux-de-vie plus légères, libérées de tout
composés lourds ou soufrés.
Comment ça marche ?
Cette fois, nous y sommes : le grand moment est arrivé, celui
de la distillation. Ou plutôt des distillations puisque la
distillation à repasse suppose au moins deux passages en
alambic. Et parfois un peu plus.

La première distillation
À cette étape, le distillateur va porter à ébullition son brassin
d’orge maltée afin de concentrer une première fois l’alcool
qu’il contient. Ce sont les bas vins. On peut considérer cette
opération comme une simple étape intermédiaire. Elle ne
présente aucune difficulté particulière. D’ailleurs, pour gagner
du temps, on préchauffe le brassin, dans une cuve qui n’est pas
l’alambic lui-même. On remplit ensuite l’alambic de première
distillation aux deux tiers, pas plus.

La distillation des bas vins dure, en fonction de la quantité de


brassin, de cinq à sept heures. On peut chauffer très fort. Le but
de cette distillation est vraiment de simplement concentrer un
peu plus l’alcool. Rares sont les distilleries de whisky qui font
des coupes (voir chapitre suivant) à cette étape.

Le rôle du savon
Le savon a la particularité d’empêcher la formation…
de bulles ! Qui l’eût cru ? En ajouter au cours de la
première distillation peut s’avérer très utile. Il prévient
de l’un des accidents les plus redoutés par tous les
distillateurs : le « fouler », c’est-à-dire lorsque le
liquide dans l’alambic bout si fort et violemment qu’il
reflue par son col sans s’être vaporisé.
L’ajout de savon, en amont, permet également de
chauffer plus fort l’alambic sans risque et donc
d’accélérer le processus de distillation et ainsi de
gagner du temps. Bien évidemment, le « savon » utilisé
lors de ces opérations n’a rien à voir avec celui que
l’on utilise pour se laver. Il est exempt de tout parfum.
Attention, toutes les distilleries ne pratiquent pas cette
technique. Certaines, grosses ou petites, n’en font pas
mystère. D’autres ont toujours refusé d’y recourir. Du
moins officiellement.

Dans le cadre, d’une distillation classique écossaise, les bas


vins – totalement incolores – coulent selon un débit de 20 litres
par minute. Leur titre alcoolique est compris entre 20 et 25%.
Ils représentent un tiers environ du volume initial de brassin.
La chimie répond en effet à une certaine logique : 3 litres de
brassin à 8% d’alcool donneront 1 litre de bas vin à 24% et
2 litres de vinasses appelées pot ale (littéralement « bière
d’alambic », un résidu aqueux dont le degré alcoolique est
inférieur à 0,1%). C’est un bon début mais ce n’est pas encore
assez.

La bonne chauffe
Les bas vins collectés, on va les redistiller lors d’une seconde
distillation, appelée « bonne chauffe ». C’est à cette étape
qu’est produite l’eau-de-vie proprement dite. Autant dire que
ce distillat et la façon de l’obtenir vont être l’objet de toutes les
attentions.

Une nouvelle fois, on ne remplit l’alambic qu’aux deux tiers. Il


n’y a plus de risque d’effervescence massive mais le distillateur
veut privilégier la conversation entre le liquide en ébullition et
la surface cuivrée de l’alambic. Et pour cela rien de mieux
qu’un peu d’espace. Une distillation dite alcoolique est une
pièce qui se déroule en trois actes, au cours desquels
apparaîtront successivement les têtes, le cœur de chauffe et les
queues. Tout un programme.

Les têtes
Les têtes correspondent à la première fraction recueillie en tout
début de seconde distillation. Elles concentrent des éléments
vraiment indésirables car très toxiques : de l’acétone et du
méthanol. Faciles à identifier au nez (en raison d’un fort taux
alcoolique, autour de 80%), elles dégagent une horrible odeur
de solvant.

Les têtes sont collectées à part, dans une cuve spéciale. Elles
représentent moins de 5% du volume total à distiller. Il faut
donc rester très vigilant en début de distillation car leur collecte
ne dure que très peu de temps, de quelques minutes à peine à
une demi-heure dans les plus grosses distilleries.

Le cœur de chauffe

Le cœur de chauffe correspond à la bonne fraction d’alcool, ce


distillat précieusement collecté et qui sera mis à vieillir. Il titre
entre 75% et 60%, pour une moyenne de 72%. Il nécessite une
distillation lente avec un contrôle permanent de la température
de chauffe, qu’il faut maintenir le maximum de temps possible
autour de 80 °C. Un feu trop puissant ne va pas favoriser le
reflux de l’alcool à l’intérieur de l’alambic et sa conversation
avec le cuivre. Il en résultera alors un spiritueux agressif chargé
des éléments les plus lourds. Au contraire, une chaleur plus
douce permettra au distillat de se débarrasser de ses composés
les plus soufrés.
C’est d’ailleurs pour cela que la plupart des installations de
distillation sont marquées de vert-de-gris. Cette « rouille » du
cuivre se forme lorsque le souffre réagit avec le dioxyde de
carbone. La présence de ce vert-de-gris est donc un excellent
signe, et pas du tout la conséquence d’un entretien négligé.

Les queues de distillation


Les queues de distillation sont la dernière fraction de distillat
collectée lors de la bonne chauffe. À partir de 60%, elles sont
collectées sans autre séparation et recueillies dans une cuve
séparée. Chargées d’alcools de fusel (propyle, éthyle, butyle),
elles ont une consistance plus huileuse. Elles se trahissent
également lorsqu’on les allonge à l’eau car elles prennent une
légère teinte bleutée.

Les queues de distillation représentent un volume important,


de l’ordre de 60% du volume initial des bas vins. Très chargées
en composés les moins volatils, on peut les distiller à feu
puissant, comme le brassin au moment de la première
distillation. L’objectif est d’épuiser le maximum d’alcool en un
minimum de temps. Il faut cependant plusieurs heures pour
passer d’une concentration de 60% à 1%, qui marque
généralement l’arrêt de la distillation.

La distillation terminée, têtes et queues sont mélangées. Cette


mixture titre autour de 25% puisqu’elle contient une faible
quantité à fort degré (têtes) avec un grand volume à faible
degré (queues). Elle sera alors mélangée avec les bas vins de la
distillation suivante. Lorsqu’on distille un mélange constitué de
50% de bas vins et des 50% de têtes et de queues, on parle de
distillation équilibrée. Il est admis que cela donne une certaine
constance au profil aromatique de l’eau-de-vie.

Si vous n’avez pas (tout) suivi, ci-dessous un petit récap’


synthétique :
DA = distillation actuelle / DP = distillation précédente
1) alambic de première chauffe
• chargé de brassin (DA)
• produit les bas vins (DA)
2) alambic de bonne chauffe
• chargé des bas vins (DA) + queues (DP) + têtes (DP)
• têtes (DA) puis cœur de chauffe (DA) puis queues
(DA)

Les distillations multiples


La concentration d’alcool par le moyen de la repasse trace une
asymptote qui plafonne autour de 85%. En d’autres termes,
multiplier les distillations à repasse ne permet pas de
concentrer l’alcool au-dessus d’un certain seuil. Ce qui
n’empêche pas certaines distilleries d’aller au-delà d’une
double distillation. En particulier en Irlande. Historiquement,
ce pays distillait de l’avoine ou un mélange d’orge maltée et
d’orge non maltée (appelé pot still ) pour échapper aux taxes
imposées par les Anglais sur l’orge maltée. Cela donnait des
brassins moins forts en alcool et donc qui imposaient une triple
distillation. Cela suppose de fonctionner avec trois alambics –
première chauffe, intermédiaire et bonne chauffe – et non plus
des paires. Cela complique singulièrement les opérations.

Lors de la première distillation, le brassin est distillé en une


seule fraction, collectée autour de 22% d’alcool. En revanche,
lors de la seconde distillation, les bas vins sont distillés en
queues fortes et queues faibles, le point de coupe se situant à
30% d’alcool. Les queues faibles (moyenne autour de 7%) sont
mélangées au brassin de la distillation suivante. Les queues
fortes (moyenne de 68% d’alcool) sont redistillées une
troisième fois et fractionnées en trois : le cœur de chauffe qui
titre entre 83% et 88% est collecté pour enfûtage, tandis que
têtes et queues seront redistillées avec les bas vins de la
distillation suivante.

Si vous n’avez pas (tout) suivi, ci-dessous un petit récap’


synthétique :

DA = distillation actuelle / DP = distillation précédente


1) Premier alambic
• chargé de brassin (DA)
• produit les bas vins (DA)
2) Deuxième alambic
• chargé des bas vins (DA) + queues faibles (DP) + têtes
et queues (DP)
• produit des queues fortes (DA) puis queues faibles
(DA)
3) Troisième alambic
• chargé des queues fortes (DA)
• têtes (DA) puis cœur de chauffe (DA) puis queues
(DA)

Les whiskies triplement distillés sont réputés beaucoup plus


légers, très fruités et floraux.

Bleu, cuivre, rouge


Au-delà de leur différence de taille, il est souvent tout à
fait possible dans une distillerie écossaise de distinguer
au premier coup d’œil les alambics de première
distillation de ceux de la bonne chauffe. Il suffit d’être
un peu observateur. Le col de des alambics de première
chauffe est toujours équipé d’un hublot, pour surveiller
le brassin en ébullition. Il existe également un petit
code couleur. Les éléments de l’alambic qui ne sont pas
en cuivre (joints, tuyaux, rebord de hublot) sont peints
en rouge ou en bleu. Rouge pour le matériel lié à la
première distillation, bleu pour celui de la seconde.

Les autres types d’alambics


Il existe d’autres types d’alambics, aujourd’hui utilisés pour
distiller du whisky. Aux États-Unis, par exemple, les
producteurs de bourbon produisent avec des colonnes uniques
appelées beer still qui transforment le brassin à 10% en distillat
autour de 50-55% d’alcool. Pour augmenter ce pourcentage,
elles sont couplées avec un doubler ou un thumper . Le premier
fonctionne comme un alambic à repasse sauf qu’il n’est pas
chauffé directement. Le thumper n’est qu’un simple réservoir
rempli d’eau, de brassin ou de queue de distillation placé entre
l’alambic et le condenseur. Dans les deux cas de figure, on y
fait traverser le distillat sous forme gazeuse. La baisse subite de
température piège alors l’eau qui se condense instantanément.
Les deux ont la même fonction : augmenter la concentration
finale de l’éthanol pour atteindre 60-70%, tout en gagnant un
temps précieux.

En Écosse, le Lomond est un type d’alambic à repasse


surmonté d’une petite colonne. La colonne – qui remplace le
chapiteau –sert à favoriser le reflux à l’aide de trois plateaux.
Ces derniers peuvent en effet être positionnés horizontalement
(beaucoup de reflux) ou verticalement (pas ou peu de reflux),
tout en étant refroidis (beaucoup de reflux) ou pas (moins de
reflux). Ce système modulable avait été imaginé pour pouvoir
produire différents types de whisky de malt dans un seul
alambic à repasse.

Le boom de la micro-distillation de whisky un peu partout dans


le monde a aussi entraîné l’utilisation d’alambics réservés à la
production d’autres eaux-de-vie, voire de parfums. C’est ainsi
que des modèles à bain-marie (courant) ou à vases (rarement)
ont fait leur apparition dans les distilleries. Et ce n’est pas fini.

Même si les alambics en cuivre sont réputés pouvoir durer des


dizaines d’années, ils s’usent. Tout peut être changé mais le
chaudronnier veillera scrupuleusement à remplacer la pièce ou
la partie endommagée le plus fidèlement possible. Le moindre
changement – de forme ou d’épaisseur – est réputé modifier la
nature même du distillat. Dans ces conditions, aucune
modification, aucun changement, aucune réparation n’est
anodin(e).

Ils fabriquent des alambics


En France, le principal fabricant d’alambics à repasse s’appelle
Chalvignac-Prulho. Il est évidemment basé à Cognac. Le leader
absolu des équipements à repasse pour la production de whisky
est écossais. Il s’agit de la société – toujours familiale –
Forsyths, sise au cœur du Speyside dans la ville de Rothes
depuis la fin du XVIIIe siècle. Abercrombie, son challenger,
appartient au géant mondial Diageo. Les Américains ont toute
confiance dans le fabricant Vendome Cooper, basé à Louisville
dans le Kentucky depuis sa création en 1904. Son principal
concurrent est allemand. Carl Artisan Distilleries est originaire
de Stuttgart et son histoire remonte à 1869 mais ses clients sont
nombreux aux États-Unis. Müller et Holstein sont deux autres
sociétés allemandes particulièrement présentes des deux côtés
de l’Atlantique.
Le coffre à alcool
Dans certains pays, le distillat alcoolique est collecté
dans un coffre à alcool hermétiquement fermé. C’est en
particulier le cas en Écosse où le dispositif est appelé
spirit safe . Cette précaution date du XIXe siècle,
lorsque la tentation était forte de ne pas déclarer
l’ensemble de sa production. Il est devenu obligatoire
dans toutes les distilleries écossaises à partir de 1823.
Jusqu’en 1983, seul l’officier local des douanes
possédait la clé du gros cadenas de ce coffre à alcool.
Depuis, le responsable de la distillerie est lui aussi
autorisé à posséder un double. Aujourd’hui, c’est plus
un élément décoratif qu’un véritable outil de contrôle.

On l’a donc vu, la distillation à repasse suppose une parfaite


connaissance de la chimie des alcools. À l’usage, cela ne suffit
pourtant pas. De la théorie à la pratique, il y a un monde. Il faut
aussi maîtriser son matériel et en faire la meilleure utilisation
possible, en réglant au mieux les conditions de chauffe,
température et régularité. Tout le savoir-faire du distillateur de
whisky réside également dans sa capacité à effectuer la bonne
coupe. C’est-à-dire décider quand commencer et quand arrêter
de collecter le distillat. Distiller du whisky, c’est justement
trouver la balance idéale (ou tout au moins l’équilibre souhaité)
entre les différents composés aromatiques initiaux du brassin.
Cela suppose de laisser un peu de têtes et un peu de queues de
distillations, ces deux fractions qui contiennent les fameux
congénères aromatiques que l’éthanol ne servira finalement
qu’à révéler au grand jour.

L’alcoomètre
Pour calculer la teneur en alcool d’un liquide, on utilise
un… hydromètre gradué de manière spécifique,
l’alcoomètre (ou pèse-alcool). Son fonctionnement
repose sur le principe d’Archimède et la densité du
liquide. L’éthanol étant une matière plus légère que
l’eau (densité de 0,79 contre 1 pour l’eau), le
thermomètre plongé dans une solution alcoolique s’y
enfoncera plus profondément. C’est donc un petit tube
lesté d’une bille de mercure, ce qui lui permet de se
tenir droit dans la solution à « peser ». Il est gradué de
façon à indiquer la concentration en alcool à la
température de 20 °C. D’où les tables de correction
qu’utilisent en permanence les distillateurs.

Les arômes du distillat

À ce jour, il a été identifié plus de 200 composés différents


dans un distillat de whisky dont 25 huiles de fusel, 32 acides,
69 esters et 22 composés phénoliques. Tous ne sont pas
« odorants ». Voici une petite liste non exhaustive des
composés qui flattent (ou pas) nos narines :

Un aldéhyde, le furfural et ses arômes noisette ;


Les alcools, dont le méthanol (doucereux), le propanol
(fruité) ou le butanol (banane) ;
Les esters, qu’ils soient acétate (poire, vernis à ongle),
formiate (framboise, rhum) ou butanoate (ananas) ;
Les composés sulfurés tels que le sulfure d’hydrogène
(œuf pourri), le dioxyde de soufre (allumette craquée), le
sulfure de diméthyle (légumes) ;
Les acides gras, dont les acides lauriques (savon) et
palmitiques (cire, crème).

Et maintenant, on en fait quoi de ce new spirit qui sent déjà si


bon ?
Chapitre 9

Du new spirit au whisky, un long


voyage dans le temps

Dans ce chapitre :
Les fûts et le principe de la réaction en chêne
Les chais, temples spirituels
Les différentes phases du vieillissement

P our produire du whisky, il faut laisser le temps au temps.


Logé en fût de chêne, le spiritueux va peu à peu se transformer
au contact du bois mais aussi sous l’influence de son
environnement immédiat, le chai de vieillissement. Au cours de
cette étape, la nature et une multitude de petits miracles
chimiques, dont la plupart sont encore largement méconnus,
vont se charger de tout. L’homme ne va reprendre la main que
peu avant la mise en bouteilles pour toute une série de
manipulations qui relève plus de l’art (et du marketing) que de
la science. Si la première vie de l’eau-de-vie commence dans
un champ, la seconde se poursuit après un petit tour en forêt.
Bienvenue dans un monde où le rapport au temps n’est pas tout
à fait le même.
Et le fût fut
Le whisky est une eau-de-vie vieillie sous bois. Ce qui sous-
entend qu’une fois les opérations de distillation terminées
commence un autre et long travail de patience. Pour faire
vieillir du whisky, il faut donc des fûts et des chais.

On ne sait pas qui exactement a inventé la technique du


cintrage du bois, ni où, entre – 500 et – 350 av. J. C. Il paraît
pourtant acquis que ce sont nos ancêtres les Gaulois qui ont
répandu l’usage de la barrique cerclée de fer. Car ce qui est sûr,
c’est qu’après la conquête de la Gaulle par Jules César, les
tonneaux commencent peu à peu à remplacer les amphores. Les
Romains parlent de « cupa » (qui donnera le mot anglais
cooper , tonnelier) alors que les Gaulois utilisent leur propre
terme, tonna .

Les premiers tonneaux servent surtout à stocker la marchandise


afin de la conserver avant de devenir des moyens de transport.
Ce n’est que dans un troisième temps qu’ils sont
spécifiquement fabriqués pour l’élevage des vins. Il faut encore
attendre un peu plus longtemps pour qu’on y loge des
spiritueux, peut-être à partir du XIVe siècle, plus
probablement au XVe . Avec la découverte des Amériques, le
transport en fût se généralise. Dans les deux sens, d’ailleurs :
eaux-de-vie de vins à l’aller (cognac, armagnac, brandy) et de
rhums au retour. Ces longs voyages permettent de découvrir
qu’une eau-de-vie « vieillie » – même quelques mois
seulement – prend une jolie teinte dorée. La première référence
écrite de maturation volontaire date de 1818 aux États-Unis et
de 1822 en Écosse dans un ouvrage écrit par Elizabeth Grant,
The Diary of a Highland Lady .

Lorsque le whisky commence à se développer des deux côtés


de l’Atlantique à partir des années 1820, il entraîne dans son
sillage les activités de tonnellerie. Et une demande sans cesse
croissante en fûts. Écossais et Irlandais se servent alors des
nombreux tonneaux qui jonchent et encombrent leurs ports
ouverts sur le monde. Fûts de rhum en provenance du Nouveau
Monde, barriques de vins français, tonneaux de xérès espagnols
ou de madères portugais sont recyclés en fûts de whisky.

De tous les arbres, le chêne s’est vite imposé – au détriment du


châtaignier – comme un candidat de choix pour la fabrication
des fûts : abondant, rectiligne, solide et étanche. Ou plutôt les
chênes.

La réaction en chêne
Il existe plus de 200 variétés de chêne, toutes différentes en
fonction des sols et des climats où ils se sont peu à peu
acclimatés. L’industrie des spiritueux en général et du whisky
en particulier en utilise principalement quatre.

Le chêne blanc (Quercus alba ), très souvent nommé à


tort chêne américain, est – de très loin – le plus utilisé dans
toute l’industrie du whisky. Il sert à confectionner des fûts
neufs aux États-Unis, fûts qui sont largement réutilisés
ensuite en Écosse et en Irlande. Plutôt riche en tannins, son
grain est très fin.
Largement plébiscité par l’industrie du cognac (forêt du
Limousin), le chêne pédonculé (Quercus robur ) est
probablement la deuxième essence la plus utilisée pour le
vieillissement du whisky. Son grain est réputé gros et plus
riche en tannin.
Le chêne sessile ou rouvre (Quercus sessiliflora ou
petraea ) est une sous-variété de Quercus robur , très
commune dans toute l’Europe. C’est la plus répandue en
France et particulièrement dans la forêt du Tronçais. Son
grain fin et plus serré le rend moins aromatique et moins
riche en tannins. Star incontestée dans le monde du vin,
c’est un acteur discret dans celui du whisky.
Le chêne asiatique (Quercus mongolica ) est originaire
de Chine même s’il recouvre d’immenses territoires de
l’extrême Asie (Sibérie, Mongolie) et qu’on le trouve aussi
sur Hokkaïdo au Japon, où il est appelé mizunara . C’est
un bois réputé difficile à travailler, très tannique et pas
forcément étanche !

Composition et structure du
bois de chêne
Le bois de chêne est principalement composé de
cellulose (50% de la matière sèche), d’hémicellulose
(20%), de lignine (15%) et de tannins hydrosolubles
(10%).

Toastés ou brûlés, les fûts ?


Un fût, quel qu’il soit, est composé d’un certain nombre de
douelles (ou douves) et de deux têtes. Son maintien est assuré
par des cercles de fer placés à force ou rivetés. Son étanchéité
est assurée par la dilatation des douelles humidifiées par le
liquide qu’il contient.

Si les fûts de vin sont légèrement toastés, les fûts qui servent au
vieillissement du whisky sont généralement bousinés. C’est-à-
dire qu’on en brûle la paroi interne sur 3 à 5 mm de profondeur.
Ce brûlage est impératif et essentiel – il est même obligatoire
aux États-Unis – car il va avoir un impact sur les qualités
organoleptiques du futur whisky. Il permet de détruire les
composés et les arômes indésirables (en particulier résineux)
du bois. Il dégrade les polymères du bois, ce qui a pour effet
d’augmenter le potentiel des flaveurs du bois. Sans oublier que
l’on sait aujourd’hui que la couche plus au moins épaisse de
carbone qui va se former a des propriétés filtrantes et
purificatrices de première importance.

Le bousinage est aujourd’hui réalisé mécaniquement – et


horizontalement – avec une sorte de lance-flammes. La
puissance de son feu et la durée d’exposition sont autant de
facteurs sur lesquels le tonnelier – de sa propre initiative ou à la
demande expresse de la distillerie – pourra jouer. Sans oublier
la vitesse de rotation du fût puisqu’il faut bien évidemment le
brûler de manière homogène sur tout son intérieur, tête incluse.

Le bousinage révèle par transformation ou concentration un


certain nombre de composés aromatiques du bois : méthyl
octalactone ou whiskey lactone , très présent dans le chêne
blanc américain (noix de coco et goût épicé), eugénol (clou de
girofle) et vanilline (arômes pâtissiers de… vanille mais aussi
de chêne).

Les différents stades du


bousinage
Dans l’industrie américaine de la tonnellerie, il y a sept
stades de bousinage, du moins au plus fort. Les
niveaux 1 (30 secondes de chauffe) et 2 (45 secondes)
restent d’un usage restreint pour la production de
bourbon. Un bois neuf aussi peu travaillé a toutes les
chances de marquer terriblement l’eau-de-vie de ses
tannins. Le bousinage de niveau 3 correspond à une
chauffe de 50 secondes précisément. C’est de loin le
plus le plus courant. Le 4 correspond à une chauffe très
puissante pendant 55 secondes. Surnommé le
bousinage alligator, il écaille et crevasse la surface du
bois comme la peau du reptile. Certaines micro-
distilleries américaines réclament un niveau 5 pour
accélérer le vieillissement de leurs eaux-de-vie. Les
niveaux 6 et 7 (3 minutes 30 secondes !) détruisent la
structure du bois et ne sont pas utilisés pour faire
vieillir du whisky, seulement à titre expérimental.

Métier, tonnelier
Mille tonneliers exerçaient leur métier en Écosse en 1980, ils
sont seulement un peu plus de 200 aujourd’hui. Une baisse qui
s’explique par la disparition de ce corps de métier au sein
même des distilleries. Aujourd’hui, seules Balvenie et Loch
Lomond ont conservé une activité de tonnellerie intégrée. La
plus fameuse de toutes les tonnelleries écossaises, c’est la
célèbre Speyside Cooperage, fondée en 1947. Propriété du
groupe français Tonnellerie François Frères depuis 2008, elle
voit passer 40 000 visiteurs et… 150 000 fûts par an.

Avec plus de 1 500 fûts fabriqués par jour ( !), en chêne blanc
américain exclusivement, Brown-Forman Cooperage est la plus
importante tonnellerie au monde. Jack Daniel’s, son
propriétaire, est aussi son premier client puisqu’il achète 85%
des fûts fabriqués ! Un incroyable volume qui fait aussi de
Brown-Forman Cooperage le principal acteur de la revente de
fûts usagés dans le reste du monde, Écosse et Irlande en tête
bien sûr. Il est très rare de ne pas croiser un ex-fût de Jack
Daniel’s dans une distillerie écossaise. Pourtant aucune marque
ne parle de vieillissement en ex-fût de Tennessee whiskey. Que
font les responsables marketing de Jack Daniel’s ?

Les différents types de fût


Historiquement, le fût a d’abord servi à transporter le whisky
avant d’être utilisé pour le faire vieillir. On ne fabriquait donc
pas de fût spécifiquement pour le whisky qui, pendant
longtemps, s’est contenté de ce qui était disponible. Une
situation qui a donc privilégié le recyclage et le nombre des
fûts utilisés : de taille et d’origine diverses.

Le bourbon barrel
Dans le monde du whisky, c’est la star incontestée du
vieillissement sous bois. Il s’en fabrique aux États-Unis autour
d’1,5 million par an. Il sert en effet au moins deux fois (et bien
souvent beaucoup plus) : une première fois aux États-Unis pour
faire vieillir du bourbon (d’où son nom) et ensuite un peu
partout dans le monde. Il représente l’écrasante majorité des
fûts utilisés (90%).

La taille et le format de l’American Standard Barrel (ASB) sont


parfaitement définis. Un fût de bourbon contient 47 gallons
(3,78 litres), soit 180 litres. Il mesure 89 cm de haut. Les têtes
ont un diamètre de 54 cm pour 170 cm de circonférence. Le
ventre du fût affiche un diamètre de 65 cm pour 203 cm de
circonférence. Le trou de bonde mesure 5 cm. Il est fabriqué en
chêne blanc américain (Quercus alba ). Dans les faits, tous les
fûts de bourbon n’ont pas tout à fait la même taille, ni la même
capacité. Cela s’échelonne de 180 à 208 litres (47 à 55 gallons).
Le prix d’un fût de bourbon à l’unité peut varier entre 120 et
600 dollars selon la qualité (chênes blanc, sessile ou robur) et
l’origine (États-Unis, France, Espagne). Ils en valent deux fois
moins à la revente.

Le hogshead
Ce fût largement utilisé au Royaume-Uni tire son nom étonnant
(tête de cochon) d’une vieille mesure anglaise, hogge hede , qui
au XVe siècle correspondait à 63 gallons, soit 238 litres
environ. Sa capacité actuelle s’échelonne entre 225 et
250 litres. Un hogshead est un fût de bourbon qui a été livré
démonté et auquel on a rajouté volontairement quatre ou cinq
douelles pour l’agrandir lors de son remontage de l’autre côté
de l’Atlantique. Le hogshead règne en maître dans les chais
irlandais et écossais.

Le sherry butt
C’est un grand fût assez étroit (140 cm de haut) originaire
d’Espagne et dans lequel vieillissent traditionnellement les vins
de xérès (sherry en anglais) produits dans la région de Jerez de
la Frontera. Il est assemblé à partir de chêne pédonculé
européen (Quercus robur ) souvent espagnol et plus rarement
avec du chêne blanc américain (Quercus alba ). Selon la
législation espagnole, sa contenance peut aller jusqu’à
1 000 litres mais dans les faits, elle tourne plutôt autour de
30 arrobas (une vieille unité de mesure espagnole), soit
500 litres. Son nom anglais, butt , a la même origine que le mot
bouteille, du latin buticula , petite outre. Les fûts de xérès ne
sont pas bousinés, au mieux légèrement toastés.
Figure 9-1 : Différents
types de fûts : le
bourbon barrel, le
hogshead et le sherry
butt.

Le puncheon
C’est un grand fût d’aspect assez trapu. D’origine espagnole, il
vient une nouvelle fois des producteurs de xérès. Avec une
hauteur maximum de 120 cm, c’est le petit frère du butt . Pas
étonnant lorsqu’on sait qu’il était assemblé à partir des chutes
des mêmes arbres (Quercus robur ) et des mêmes planches.
D’où une taille plus réduite mais de même ou plus grande
contenance (de 500 à 550 litres) en raison d’un ventre plus
rebondi. Ses douves, beaucoup plus larges et plus courtes, lui
donnent un aspect presque lourdaud. Très répandu en Écosse,
c’est souvent de lui dont on parle (sans le savoir) quand on fait
référence à un ex-fût de xérès, les fameux sherry casks .

Le quarter cask
Comme son nom l’indique, ce fût contient l’équivalent d’un
quart d’un fût de… xérès (butt ou puncheon ), soit l’équivalent
de 125 litres. Il est utilisé avec parcimonie dans l’industrie du
whisky en raison d’une plus grande interaction entre le bois et
l’eau-de-vie. Généralement fabriqué spécialement pour le
whisky, il est assemblé à partir de chêne blanc américain
(Quercus alba ). Les distilleries écossaises Ardmore et
Laphroaig en ont fait leur spécialité, la seconde en ayant même
popularisé le nom et l’existence avec l’un de ses
embouteillages phares.

Les barriques de vin


Dans cette tradition qui privilégie le recyclage, toutes les
barriques de vin (de 225 à 300 litres) sont susceptibles d’être
utilisées par l’industrie du whisky. Dans les faits, c’est
rarement le cas pour le vieillissement mais assez régulièrement
pour apporter une finition particulière. Les grandes appellations
françaises, bourgogne ou bordeaux (avec une certaine surre-
présentation pour le sauternes) sont largement représentées au
côté des italiennes (sassicaia ou montepulciano ). Dans cette
catégorie de fûts, chênes blanc américain (Quercus alba ) et
sessile européen (Quercus petraea ) dominent.

Tous les types de fûts pouvant être utilisés, on voit aussi dans
certains chais des tonneaux de porto (port pipe ) ou de madère
(madeira drum ).

Les fûts régénérés


Ce sont des fûts qui ont connu un premier cycle complet
d’utilisation, pendant trente à quarante ans. Plutôt que d’être
recyclés en dehors de l’industrie des spiritueux (charbon de
bois, copeaux, combustible ou décoration), ces fûts sont grattés
et rebrûlés. Ce nouveau bousinage dure très peu de temps, entre
30 et 40 secondes. Cela dépend du niveau d’humidité du fût
mais aussi de la quantité d’alcool toujours présente dans ses
douelles, qui empêche le contrôle parfait de l’opération.
Tannins et lactone ne sont plus présents (ou en bien moindre
quantité) mais la dégradation par le feu d’une nouvelle couche
de bois recrée des conditions propices au vieillissement. Cela
ne régénère donc pas l’ensemble de leurs qualités premières
mais les résultats sont suffisamment intéressants – au-delà des
stricts aspects économiques ou écologiques – pour que cette
technique se développe de manière importante. Cela dit, ces
fûts sont presque exclusivement utilisés pour faire vieillir des
whiskies de grain, pas des single malts. Cambus Cooperage,
l’une des plus grandes tonnelleries écossaises, recycle ainsi
plus de 500 000 fûts par an.

La ligne rouge, à ne pas


franchir
Pour savoir si un fût est encore bon pour le service, s’il
a besoin d’être régénéré ou tout simplement s’il faut
s’en débarrasser, les tonneliers surveillent la ligne
rouge (ou ligne de pénétration). Cette ligne – plus noire
que rouge –se forme dans l’épaisseur du bois. Elle
montre jusqu’où le whisky a pénétré le chêne. En
fonction de la pénétration plus ou moins profonde
(après la couche bousinée en surface), le tonnelier
décide du futur de la barrique. Un avenir qui ne tient
donc qu’à un fil… et une petite ligne brunâtre.

Les fûts avinés


Aviner un fût, c’est le mouiller avec un vin avant de l’utiliser
pour faire vieillir un spiritueux. Contrairement à une idée
reçue, cette technique est couramment utilisée par les
producteurs de whisky (en particulier pour les fûts de xérès). Et
depuis longtemps. Les techniques sont désormais parfaitement
au point, qu’elles soient industrielles (en quelques minutes sous
pression) ou plus traditionnelles (de quelques semaines à
plusieurs mois). Elles garantissent une certaine constance en
termes de goût et de qualité. Elles préservent de tout problème
sanitaire, grâce à un meilleur contrôle. Elles permettent toutes
les audaces et expériences (des whiskies vieillissent même
aujourd’hui en fût de glögg wine , le vin chaud traditionnel
suédois). Quant aux lois ou régulations, elles sont suffisamment
souples ou font volontairement l’impasse sur le sujet des fûts,
de leurs origines ou de leur cycle de vie. Transporter des fûts
n’a jamais été très écolo. Les recycler, quitte à les aviner,
beaucoup plus.

La paxarette, un petit goût


d’interdit
La paxarette (ou pajarete en espagnol) est un vin doux
naturel, produit dans les environs de Cadiz qui a connu
son heure de gloire à la fin du XIXe siècle. Cette
liqueur, très proche d’un xérès hyperconcentré, est
tombée à pic pour les producteurs de whisky désireux
de recréer les conditions de vieillissement en fût de
xérès à partir de fûts neufs ou régénérés. Cela dit la
plupart des fûts traités de cette manière étaient tout
d’abord utilisés pour faire vieillir des whiskies de grain
et seulement dans un second temps pour les whiskies
de malt. Officieusement, l’usage de la paxarette – qui
n’a jamais été officiellement révélé – n’a plus cours
depuis le tout début des années 1990, en raison
principalement d’un résultat jugé finalement décevant.

L’enfûtage
Les opérations de distillation terminées et les fûts sélectionnés,
il faut passer à l’étape suivante : remplir les barriques de notre
précieux distillat.

L’eau-de-vie au sortir de l’alambic titre entre 70 et 75%


d’alcool. À l’exception de l’Irlande où les eaux-de-vie sont
enfûtées à 71%, les distillateurs ont pris l’habitude de réduire le
distillat avec de l’eau avant de le loger en fût. Les Américains
en ont même fait l’une des conditions de certaines
appellations : Bourbon et Whiskey de maïs (80% de maïs
minimum) imposent un degré maximum de 125 US proof
(62,5%). Ce qui paraît répondre d’une certaine logique puisque
les fûts sont neufs. Ce sont pourtant bien les Écossais qui les
premiers ont pris cette initiative. Ils se sont même mis tous
d’accord sur le degré surprenant de 63,5% pour les whiskies de
malt et 68% pour ceux de grain.

Un degré unique facilite les échanges entre blenders. Ainsi,


tous les fûts se valent et les échanges se font sur la base du un
contre un. C’est aussi le degré d’enfûtage idéal pour favoriser
les interactions entre le distillat et le chêne. Trop fort, l’alcool
agresse le bois et ses fibres se resserrent comme pour se
protéger. Cela diminue la porosité de la barrique et limite les
processus d’extraction. Enfin, plus le degré est bas au moment
du remplissage, moins on aura à diluer le whisky au moment de
l’embouteillage. Une manière de préserver les arômes acquis
pendant le vieillissement.

Le Lincoln County Process


Aux États-Unis, les distilleries du Tennessee prennent le soin
(et le temps) de filtrer le distillat avant de l’enfûter, à travers
une épaisse couche de charbon de bois d’érable. C’est le
fameux Lincoln County Process , nommé d’après l’ancien nom
du comté de Moore. Pour cela, on remplit d’immenses citernes,
sur une hauteur de 4 mètres environ, avec du charbon de bois
d’érable. On verse alors le distillat de façon à ce qu’il s’écoule
goutte à goutte par le haut. Il lui faut une petite dizaine de jours
pour qu’il traverse la couche de carbone. Lorsqu’elle est
collectée à la base de la citerne, l’eau-de-vie a perdu son côté
granuleux, typique des jeunes distillats à forte proportion de
maïs. Il est incontestable que la différence de goût et de texture
est flagrante.

La vie en couleur d’un fût


Un fût de whisky connaît plusieurs vies. Par le passé,
les distillateurs ne se contentaient pas de numéroter
chaque fût pour s’y retrouver. Ils peignaient aussi les
têtes en bleu, rouge, vert, jaune, marron ou blanc. À
chaque couleur correspondait un type de fût : ex-fût de
bourbon ou de xérès de premier, deuxième ou troisième
remplissage, etc. Plus joli, au premier coup d’œil, que
réellement informatif : aucune distillerie n’avait le
même code couleur !
Le chai de vieillissement, temple spirituel
Voilà, cette fois, nous y sommes : le distillat est logé en fûts.
Pour accompagner son (plus ou moins) long voyage dans le
temps, il va falloir stocker les barriques dans un endroit sûr : le
chai de vieillissement.

Les chais traditionnels


Ce sont des constructions en pierre, avec toit en ardoise et sol
en terre battue. Les Écossais les appellent « dunnage ».
L’épaisseur des murs, le sol en terre battue et le nombre réduit
d’ouvertures contribuent à la stabilité de la température tout en
permettant de garder un même taux d’humidité, plutôt élevé, à
l’intérieur du chai tout au long de l’année. Pour beaucoup de
distillateurs, cette humidité constante est l’une des clefs de
l’aptitude au vieillissement des whiskies écossais. La part des
anges, cette fraction – estimée à 2% – qui s’évapore en
moyenne chaque année, se répartit équitablement entre eau et
alcool.

Un champignon bien inspiré


Les chais traditionnels dans lesquels vieillissent des
eaux-de-vie le connaissent bien. Son nom ? Baudoinia
compniacensis . C’est un petit champignon qui se
nourrit des vapeurs d’alcool. Ses colonies forment de
grandes plaques noires, un peu comme de la suie, sur
les murs extérieurs ou intérieurs des distilleries ou des
chais. En fait, partout où l’on stocke de l’alcool et où
règne une certaine humidité. Les Anglo-Saxons
l’appellent « warehouse staining » (littéralement
« teinture de chai »), les Français « velour noir ».

Les chais à racks


Ils sont apparus dans les années 1950, à une époque où
l’industrie du whisky s’est rationnalisée. Ce sont souvent des
ensembles de plusieurs constructions qui ressemblent à
d’immenses hangars, avec murs en préfabriqués et toits en tôle
ondulée et sols en béton. Les barriques sont entreposées sur des
rails métalliques sur une hauteur qui varie entre huit et douze
niveaux de fûts.

Généralement plus secs, ces chais amortissent beaucoup moins


les écarts thermiques. Les fûts placés en hauteur encaissent les
chocs thermiques les plus importants et vieillissent plus vite
que ceux qui se trouvent au niveau du sol. Ce que les
distilleries américaines, Jack Daniel’s en tête, ont transformé en
argument de vente : Les fameux embouteillages labélisés
« single barrel » proviennent exclusivement de fûts
sélectionnés parmi ceux entreposés les plus en hauteur.

Un degré en forte progression


Parfois, le degré alcoolique de l’eau-de-vie augmente –
et de manière très significative – au cours de son
vieillissement. Ce phénomène – qui surprend toujours
malgré sa relative fréquence aux États-Unis –
n’intervient que dans des chais très secs. Petite
explication…
Ce qu’on appelle degré alcoolique, c’est un
pourcentage d’alcool (pur, en théorie) dans un volume
d’eau. Pour qu’il augmente, il suffit donc que le
volume d’eau baisse. Simple mais pas facile à
expliquer. Dans une atmosphère humide, l’alcool
s’évapore plus vite que l’eau (à cause de son caractère
hygroscopique). C’est ce qu’il se passe en Écosse.
Dans le cas contraire, celui d’un chai très sec et dans
une atmosphère déjà saturée d’alcool, c’est l’eau qui
s’évapore. Et c’est ainsi que le taux d’alcool augmente.

Les chais palettisés


Il existe un troisième type de stockage, de plus en plus
courant : celui sur palette. Les fûts sont stockés debout sur
palette, empilés les uns sur les autres. Cette méthode permet de
déplacer les barriques beaucoup plus facilement, toujours à
l’aide de chariots élévateurs. Ce nouveau type de rangement
n’est utilisé que pour les ex-fûts de bourbon dont la dimension
est standard et d’assez petite taille pour pouvoir loger quatre
pièces par palette.

Que ce soit en chai dunnage ou de types industriels, le stockage


du whisky – comme tous les spiritueux et plus généralement les
matières hautement inflammables – répond à des normes de
sécurité drastiques. C’est la raison pour laquelle les grands
centres d’entreposage sont aujourd’hui basés loin des
agglomérations et des habitations. Un chai typique écossais
occupe une surface de 1 hectare (100 mètres sur 100). Il peut
accueillir 10 000 butts ex-xérès (500 litres) ou
17 000 hogshead (250 litres) ou jusqu’à 25 000 ex-fûts de
bourbon (200 litres).

Un petit programme informatique mélange de façon aléatoire


les différents types de fûts, les différentes distilleries et les
différents âges. En effet, si l’un des chais venait à brûler, il ne
faudrait évidemment pas qu’un même compte d’âge (dix ans
par exemple) ou que la production d’une distillerie vienne à
disparaître totalement.

Voilà, cette fois, nous y sommes : les fûts sont remplis et


soigneusement rangés et répertoriés en chai. Ne reste plus qu’à
patienter. De quelques jours à plusieurs années. Sous des
apparences trompeuses, il se passe tout un tas de phénomènes
pendant cette période de repos forcé.

Les différentes phases du vieillissement


Le fût de chêne est un contenant génial. Il fonctionne comme
une membrane qui a la particularité d’être étanche au liquide et
microporeuse à l’air. C’est la raison pour laquelle aucun
distillat ne vieillit de la même manière et aucun fût n’est
identique.

Voici les trois étapes bien différentes qui se complètent et qui


interagissent ensemble.

On perd…
Le fût contribue à un certain nombre de pertes (mécanismes
soustractifs), certaines plus ennuyeuses que d’autres, mais au
final toutes bénéfiques. La première d’entre elles, c’est
l’absorption par la barrique elle-même d’un peu du distillat. On
estime la quantité entre 9 et 10 litres pour un fût neuf de
bourbon (200 litres). Bénéfice immédiat de cette perte, la
barrique renforce son étanchéité. C’est aussi cette part de
liquide qui va commencer à extraire les composés présents
dans le bois. Le deuxième mécanisme soustractif est dû à la
paroi carbonisée des fûts. Cette fine couche de charbon de bois
de quelques millimètres d’épaisseur joue un rôle purificateur.
Le carbone « actif » a un pouvoir d’absorption très important.
C’est lui qui enlève le caractère immature au spiritueux. Il agit
de même sur les composés les plus soufrés, soit en les retenant,
soit en aidant à leur transformation.

Mais le phénomène de soustraction le plus visible, c’est


l’évaporation. Chaque année, le fût perd une quantité non
négligeable de son contenu. Cette part des anges peut aller de
2% (en Écosse, cela représente environ 50 litres sur dix ans)
jusqu’à 15% (Taiwan, Afrique du Sud) du volume disponible,
en fonction du climat local, de la taille du fût ou de la nature du
chai. En Europe, dans des conditions normales de
vieillissement, un fût rempli d’eau-de-vie de malt à 63,5%
titrera encore 58% au bout de 12 ans, 56% à 18 ans, 54% à
25 ans et entre 50 et 46% après 50 ans.

On estime que ce ne sont pas moins de 20 millions de litres qui


s’évaporent chaque année en Écosse et près de 30 millions aux
États-Unis. Soit l’équivalent de 70 millions de bouteilles.

On gagne…
Le plus visible des apports du fût, c’est la couleur que prend le
distillat au cours de sa période de maturation. De totalement
incolore, il peut devenir marron très foncé et presque opaque.
La couche de carbone joue encore une fois un rôle important,
mais elle n’est pas la seule. De nombreux composés du bois,
dont certains tannins, sont solubles dans l’eau. Ce sont eux qui
vont colorer l’eau-de-vie.
Outre la couleur, le bois de chêne – composé de cellulose,
d’hémicellulose, de lignine et de tannins – va se dégrader au
contact de l’eau-de-vie et certains de ses composés – lactone,
sucres, acides galliques et ellagiques – vont s’y dissoudre et
contribuer à la texture et aux arômes du futur whisky.

Enfin, dans la plupart des pays du monde à l’exception des


États-Unis, les eaux-de-vie sont vieillies dans des fûts usagés.
Il reste donc un peu du précédent liquide – bourbon, xérès,
porto ou vin, etc. – s’il s’agit d’un premier remplissage, whisky
si l’on parle d’un fût de second remplissage (ou plus).
Évidemment, en fonction de ses caractéristiques (couleur,
degré, goût), ce précédent locataire va plus ou moins marquer
le distillat immature. Aucune réglementation ne précise quelle
doit être la quantité maximale pouvant rester dans un fût avant
son remplissage par du whisky mais il est communément admis
que cela peut aller jusqu’à une dizaine de litres dans un fût de
bourbon classique (200 litres), soit 5% du volume global. Loin
d’être neutre.

On échange…
Les mécanismes interactifs sont évidemment les plus
importants pour la maturation du whisky mais aussi les plus
méconnus des distillateurs. Ils impliquent de nombreuses
réactions et interactions dont tous les rouages ne sont pas
clairement identifiés, ni expliqués. La porosité du fût lui permet
de « respirer » et de s’imprégner de son environnement. C’est
primordial. En hiver, le fût et son contenu se contractent sous
l’action du froid. Les échanges sont réduits au strict minimum,
tout comme la surface de contact. Au contraire, en été, bois et
spiritueux se dilatent, ce qui a pour effet de modifier la surface
de contact entre les deux.
Ces échanges entre l’extérieur et l’intérieur du fût contribuent à
la maturation de l’eau-de-vie. Cela permet aussi de régénérer
l’air contenu à l’intérieur du fût et ainsi favoriser les
phénomènes d’hydrolyse (rupture d’une molécule d’alcool par
ajout d’une molécule d’eau) et d’oxydation, l’un de ces
principaux mécanismes qui permettent au spiritueux de vieillir
en se bonifiant.

L’évaporation peut aussi contribuer à modifier légèrement la


pression à l’intérieur du fût et à favoriser l’oxydation.

Finitions et affinage
En règle générale, le whisky vieillit sans jamais changer de fût.
Pourtant, depuis quelques années maintenant, une nouvelle
tendance est apparue : celle des finitions.

On appelle finition ou affinage une période additionnelle de


maturation dans un autre type de fût que ceux employés – ex-
bourbon ou ex-xérès – traditionnellement et historiquement
pour le vieillissement. Ce supplément de temps peut aller de
quelques semaines à plusieurs mois, même s’il est exceptionnel
qu’il dépasse les deux ans. Le but était dans un premier temps
d’apporter une nouvelle touche au whisky de malt : d’autres
goûts ou nuances, une palette aromatique plus complexe et plus
étendue. Aujourd’hui, c’est aussi un enjeu marketing :
bénéficier de la réputation d’une autre appellation permet
d’élargir le cercle des clients potentiels au-delà des seuls
amateurs de whisky et ainsi de toucher de nouveaux
consommateurs ou… consommatrices.

L’âge, un gage de qualité ?


Le temps passé en fût joue évidemment un rôle important sur le
caractère du whisky. La croyance populaire tient même souvent
pour acquis que c’est l’un des premiers facteurs de qualité,
sinon le plus important. Pas étonnant puisque les marques ont
fait du compte d’âge l’un des principaux vecteurs de leur
communication ! Tout cela est pourtant un peu trompeur.

Aujourd’hui, les opérations de distillation et de vieillissement


sont conduites de manière bien moins empirique que jusque
dans les années 1970. Ce qui sous-entend que le distillat à la
sortie de l’alambic et l’eau-de-vie après son élevage sont de
bien meilleure qualité. Le whisky peut donc être apprécié bien
plus rapidement.

Tout est donc affaire d’équilibre. Un équilibre nécessaire à


trouver avant les opérations d’embouteillage.
Chapitre 10

La mise en bouteilles, une mise en


beauté

Dans ce chapitre :
L’assemblage, le difficile art du mélange
Coloration, réduction, filtration, que d’émotions
L’embouteillage, enfin chez soi pour être chez vous

M ême si le distillat a été produit au même moment dans la


même distillerie et qu’il a vieilli dans les mêmes conditions et
pendant la même période, aucune eau-de-vie ne vieillit
exactement de la même manière. Le whisky de chaque fût est
donc totalement unique (en goût, en couleur ou en degré). Il
sera donc impossible d’en trouver deux absolument identiques.

De cet inconvénient majeur, les producteurs de whisky ont fait


un vrai atout. Car avant d’être consommé, le whisky va être
assemblé, filtré, coloré puis dilué. Autant d’opérations qui vont
permettre au producteur d’intervenir un peu, beaucoup ou…
pas du tout.

Après avoir vieilli plus ou moins longtemps, les eaux-de-vie


sont devenues des whiskies. Et pourtant, le chemin jusqu’au
consommateur est encore long. Car, et c’est la moindre des
choses, le client impose que son breuvage préféré soit agréable
et sans défaut. Pour peu qu’il soit fidèle à une marque, il désire
également que son whisky préféré soit toujours disponible mais
aussi qu’il ait bien le même goût. Ce qui paraît évident se
révèle bien plus compliqué à mettre en œuvre lorsqu’on parle
de spiritueux vieilli sous bois, en général, et de whisky, en
particulier.

L’assemblage, le difficile art du mélange


Chaque fût étant unique, quel que soit le pays producteur ou le
type, tous les embouteillages (ou presque) disponibles sur le
marché aujourd’hui résultent du mélange de plusieurs fûts de
whisky. C’est ce mélange que l’on appelle l’assemblage.
Chaque cuvée (batch , en anglais) peut mélanger de deux fûts à
plusieurs milliers, en fonction de la notoriété de la marque et de
la version à embouteiller. L’assemblage de ces fûts répond à
plusieurs enjeux.

Jeu et enjeux de l’assemblage


Le premier enjeu de l’assemblage, c’est tout simplement de
rendre accessible le whisky au plus grand nombre.

Lorsque l’Écossais Andrew Usher a la bonne idée de mélanger


le whisky de malt produit à repasse et le whisky de grain
distillé en colonne, il invente alors une nouvelle catégorie de
whisky : les blends (littéralement « les mélanges »). Et d’un
seul coup, miracle de l’assemblage, le whisky devient
beaucoup plus facile à boire. Aujourd’hui, encore, les whiskies
d’assemblage sont ceux qui plaisent au plus grand nombre. Ils
représentent environ 90% de la consommation mondiale de
whisky contre 10% à peine pour le single malt.
Un whisky – qu’il soit de malt ou d’assemblage – affiche
toujours l’âge de la plus jeune des eaux-de-vie qui entre dans sa
composition. C’est une obligation légale. En clair, un single
malt ou un blend de 12 ans d’âge ne peut contenir aucune eau-
de-vie qui n’a pas vieilli au moins 12 ans dans un fût de chêne.
Ce qui ne veut pas dire que tous les whiskies assemblés ont
12 ans. Au contraire. Toutes les marques, toutes les distilleries
mélangent toujours quelques fûts plus âgés que l’âge indiqué
sur l’étiquette. Ils agissent comme des bonificateurs.

Avec l’apparition des blends naissent les premières marques,


portant souvent le nom de l’assembleur. Le deuxième enjeu de
l’assemblage devient alors la définition d’un style propre à
chaque marque. Et cette notion de style, qui n’a concerné
pendant longtemps que les blends, est aussi vraie aujourd’hui
pour les single malts. Ils sont eux aussi devenus des marques
en tant que telles, avec leurs propres caractéristiques. Et leur
propre recette.

Et c’est là que l’assemblage prend toute sa dimension. L’un des


plus grands hommes du whisky, Edgar Bronfman, l’un des
hommes qui ont façonné l’industrie du whisky telle qu’on la
connaît aujourd’hui, avait coutume de rappeler que « la
distillation est une science mais l’assemblage est un art ». Un
art qui n’est pas sans rappeler le rôle du créateur de parfums, ce
fameux « nez » qui se cache derrière chaque fragrance. C’est
exactement la même chose pour le whisky. Derrière chaque
version, que ce soit un blend sans âge ou un single malt de
18 ans, il y a le travail du maître-assembleur et de son équipe.
Son rôle est (parfois) de créer un whisky, mais le plus souvent
d’en assurer la permanence, année après année. C’est en cela
qu’il s’inscrit dans l’histoire de la marque.
L’origine du mot blend
Contrairement à une idée reçue, le mot blend n’est pas
d’origine britannique mais nordique. Jusqu’au XVe
siècle, les îles écossaises Shetland et Orcades
appartenaient à la Norvège. On y parlait le norne, une
variante du norrois (ou norse) scandinave. Dans cette
langue ancienne, « blanda » signifiait « mélanger ».
C’est d’ailleurs encore le cas en suédois, et Danois et
Norvégiens utilisent le mot « blande ». Passé dans le
langage courant des habitants d’Écosse, il devient
« blandan » en vieil écossais puis « blend » en
anglais.

Le troisième enjeu de l’assemblage relève de la recherche


d’une certaine consistance et permanence de goût. Si vous
achetez la version V de la marque M, c’est parce que vous en
appréciez le goût et la saveur. Si la marque M veut vous garder
comme client, elle a tout intérêt à toujours produire la même
version V, pas même une version Vbis ou Y. Et statistiquement,
plus vous mélangez de fûts, moins le risque d’écart est grand.
C’est mathématique.

Le dernier enjeu de l’assemblage est simplement industriel. En


termes de productivité, il est plus facile de rationaliser un
embouteillage – et d’en baisser le coût unitaire – s’il concerne
plusieurs milliers de bouteilles que quelques centaines tout au
plus. Un ex-fût de bourbon de 200 litres après dix ans de
vieillissement permet d’embouteiller entre 350 et 400 flacons.
Il vaut mieux en mélanger plusieurs avant de lancer une chaîne
d’embouteillage plutôt que de l’alimenter au fur et à mesure et
au coup par coup.

L’embouteillage en fût unique


(ou single cask )
Certains whiskies sont embouteillés à partir d’un fût
unique afin d’en garder les caractéristiques
intrinsèques. Cette pratique est apparue en 1983
lorsqu’un petit groupe d’amateurs fonda la Scotch Malt
Whisky Society pour acheter un fût de Glenfarclas. Ils
embouteillèrent le whisky tel qu’il était lors de son
achat. Devant le succès de l’opération, le phénomène a
pris de l’ampleur, à l’initiative des embouteilleurs
indépendants écossais. Ces sociétés de négoce se sont
en effet spécialisées dans les embouteillages de fût
unique pour se différencier des embouteillages officiels
mais aussi pour satisfaire une clientèle de plus en plus
experte. On comprend le bénéfice et la satisfaction
qu’en retire l’amateur : il peut déguster le whisky au
plus près de sa véritable nature. Revers de la médaille,
chaque embouteillage est par essence une édition
limitée, de quelques centaines de flacons maximum.
Vite épuisée et introuvable.

Les techniques d’assemblage


Que ce soit pour les single malts ou les blends, la plus simple
des techniques d’assemblage consiste à vidanger tous les fûts
dans une grande cuve en inox. Il suffit ensuite de remuer le
whisky afin de le mélanger. Et le tour est joué. Pour les
whiskies d’assemblage standard, c’est souvent comme cela que
ça se passe.

Parfois cependant, certains whiskies après avoir été assemblés


sont remis en fût de chêne. On parle alors de mariage et non
plus de simple assemblage. Ce passage supplémentaire sous
bois va permettre d’homogénéiser les eaux-de-vie, de quelques
jours à quelques mois en fonction du résultat souhaité.

Le mariage consommé, il ne reste plus qu’à embouteiller.

Coloration, réduction, filtration, que d’émotions !


Une fois assemblé, le whisky n’est pas encore tout à fait prêt à
être embouteillé. Il va en effet subir un certain nombre
d’opérations, histoire de le rendre encore plus attractif et
vendeur.

Colorer
Depuis plusieurs années maintenant, la plupart des whiskies
disponibles sur le marché sont artificiellement colorés. On peut
s’en plaindre mais c’est pourtant le consommateur qui est à
l’origine de cette dernière étape purement cosmétique avant
embouteillage. Dans sa quête du produit parfait, il n’aime pas
constater que son whisky préféré n’est pas toujours identique.

Seuls, les États-Unis interdisent la coloration artificielle pour


l’appellation Bourbon.
Le colorant brun le plus naturel qui soit, c’est le caramel, un
composant que l’industrie agroalimentaire a affublé du nom de
code E150, produit à partir de sirop de sucrose (caramélise à
160 °C).

Il faut très peu de caramel pour colorer le whisky, entre 0,1 et


0,5% du volume selon la couleur de départ ou la teinte désirée.
Cela représente de 1 à 5 g par litre. C’est cependant assez pour
que ce colorant ait aussi un impact sur le goût. Il n’est pas rare
dans certains blends premier prix de déceler une petite odeur
de… caramel.

Aujourd’hui, tous les whiskies ou presque sont artificiellement


colorés. Dans l’imaginaire collectif, plus c’est foncé, plus c’est
vieux et plus c’est vieux, plus c’est bon. D’autant que jusqu’à
présent, on peut le faire sans avoir à le dire. À partir du
13 décembre 2014, il sera pourtant obligatoire à l’intérieur de
la Communauté économique européenne de mentionner la liste
de tous les ingrédients, colorant compris.

Diluer…
La dilution ou réduction est l’opération qui consiste à ajouter
de l’eau à l’eau-de-vie juste (ou peu de temps) avant son
embouteillage pour l’amener à son degré de dégustation. Car
même après plusieurs années passées en fût, le whisky affiche
un degré alcoolique souvent encore élevé, supérieur à 50%, et
rarement un compte rond !

La réduction du degré alcoolique permet de faire d’une pierre


trois coups :

Rendre le whisky moins fort en alcool et donc le rendre


plus facile à boire.
Augmenter le volume de whisky prêt à consommer. Un
litre d’eau-de-vie à 60% permet de remplir un peu plus de
deux bouteilles.
Diminuer les taxes à acquitter sur l’alcool et donc le prix
final de la bouteille. Droits d’accises, dans tous les pays du
monde, et cotisation sécurité sociale sont en effet calculés
sur le degré alcoolique.

40% très exactement


Dans la plupart des pays du monde, le degré minimum
pour bénéficier de l’appellation Whisky est fixé à 40%
(depuis 1991 en France). Ce taux est donc devenu le
degré d’embouteillage de la plupart des whiskies
commercialisés aujourd’hui. C’est au père de la table
périodique des éléments, le Russe Dmitri Mendeleïev
(1834-1907), que l’on doit ce degré, presque universel
aujourd’hui dans le monde des spiritueux. Mandaté par
le gouvernement russe, Mendeleïev arrive à la
conclusion que le degré idéal de dégustation de la
vodka se situe à 38% d’alcool très précisément. Il est
alors décidé que pour faciliter le calcul des taxes dues
par bouteille, la vodka serait désormais embouteillée à
40%. Tous les gouvernements ont alors suivi le même
raisonnement et l’exemple russe. Sans tenir compte de
la recommandation du plus célèbre savant de son
temps.
Pour réduire le whisky et ainsi diminuer son degré alcoolique,
rien de plus simple : il suffit de le mélanger avec de l’eau. Mais
pas n’importe quelle eau. Pendant longtemps, les distilleries se
servaient de la source qui les alimentait ou puisaient dans la
même rivière. Aujourd’hui, après tout le travail qu’il a fallu
fournir, aucun distillateur ne prend le risque de diluer son
whisky avec une eau contaminée ou tout simplement ayant…
du goût. On utilise de l’eau osmosée ou… distillée. C’est-à-dire
une eau rendue parfaitement neutre et entièrement
déminéralisée.

Une fois que notre eau est prête, il ne reste plus qu’à la
mélanger avec le whisky afin de l’amener au degré de
dégustation. Il existe une petite formule magique pour calculer
la bonne quantité d’eau à ajouter :

Q x TI / 100 / TF / 100 – Q
Q = la quantité de whisky à diluer
TI = taux initial d’alcool
TF = taux final d’alcool
Prenons l’exemple de 200 litres de whisky à 58% que
l’on veut réduire à 43%.
200 x 0,58 / 0,43 – 200 = 116 / 0,43 – 200 = 269,76 –
200 = 69,76
Il faudra donc ajouter 69,76 litres d’eau.

Un plus un ne font pas deux


Le mélange eau et alcool produit un effet dit de
contraction des volumes. Dans les faits, le volume final
est inférieur à la somme des volumes mélangés : 1 litre
d’eau + 1 litre d’éthanol à 100% donnent un peu moins
de 2 litres de liquide. Il faudra donc obligatoirement un
peu plus d’eau que prévu pour atteindre le degré désiré.

… ou ne pas diluer
Depuis quelques années, sont apparus des embouteillages bruts
de fût (« cask strength » ou « straight from the cask » en
anglais). C’est-à-dire que le whisky n’a pas été réduit avant
d’être embouteillé. Il est alors vendu à son degré naturel, tel
qu’il était dans le fût ou après l’assemblage de plusieurs fûts.
Le degré de ces whiskies peut varier – d’un degré légèrement
supérieur à 40% à près de 60% – en fonction de l’âge, du type
de fût et des conditions de stockage.

Embouteiller un whisky brut de fût permet de ne pas diluer ses


arômes dans l’eau (et donc de ne pas faire disparaître les plus
ténus) et laisse le choix du degré de dégustation au
consommateur en fonction de son envie et du moment. Avec un
peu, beaucoup ou pas du tout d’eau.

Secouez-moi, secouez-moi
Pour savoir si une eau-de-vie a été diluée ou pas, il
existe une technique simple et presque infaillible :
secouer vigoureusement le flacon afin de faire
« mousser » le liquide en provoquant la formation de
bulles d’air. Dans le whisky embouteillé au degré
naturel, bulles et mousse disparaîtront en quelques
secondes. Ce sera beaucoup plus long pour le whisky
réduit à l’eau. Une légère écume pouvant perdurer à la
surface pendant une ou deux minutes. Eau et alcool
n’ayant pas la même densité, il leur faut un certain
temps pour former de nouveau un couple… sans nuage.

Ajouter de l’eau dans une eau-de-vie vieillie n’est pas une


opération neutre et sans conséquence sur le goût et les arômes.
Cela a deux effets immédiats :

Libérer les arômes hydrophobes (ceux qui ne se


mélangent pas à l’eau) tels que les notes de solvants ou de
savon mais aussi les esters, ces arômes flatteurs et très
fruités.
Changer l’équilibre eau/alcool et donc la perception
gustative que l’on aura en bouche.

Ajouter de l’eau provoque un autre changement : en dessous de


46% d’alcool, il entraîne la précipitation des acides gras, des
protéines et de certains esters, autant d’éléments solides
présents naturellement qui résultent du procédé de fabrication
mais aussi du vieillissement en fût.

Filtrer
On filtre donc à froid pour pouvoir diluer le whisky sans risque
qu’il se trouble.

Avant l’embouteillage, la quasi-totalité des whiskies est filtrée


à froid. Contrairement à la pasteurisation, cette opération n’est
pas réalisée pour des raisons sanitaires mais simplement…
esthétiques. Effectivement, lorsqu’il est embouteillé en dessous
de 46%, le whisky, qu’il soit single malt ou blend, a tendance à
se troubler en dessous d’une certaine température (20 °C) ou
lorsqu’on lui ajoute de l’eau. Il peut aussi présenter un peu de
dépôt au fond de la bouteille. Ce que le consommateur pourrait
prendre pour un défaut. Pour y remédier, l’industrie du whisky
a développé cette technique de la filtration à froid.

Dans les faits, cela consiste à refroidir le whisky avant de le


filtrer. Une température de 5 °C suffit pour les malts. Elle est
un peu plus basse (0 °C) pour les blends, en raison d’une
présence plus importante d’acides gras dans les céréales
utilisées (blé ou maïs). Pour les amateurs, cette technique
impacte directement le profil aromatique du whisky. Sans ces
acides gras, protéines et autres esters, le whisky perdrait en
richesse et complexité. C’est possible, même si aucune étude
scientifique n’a été menée sérieusement pour démontrer un
quelconque impact négatif sur le goût ou la texture.

Après avoir fait les beaux jours des embouteilleurs


indépendants, la non-filtration à froid commence à être
récupérée par les grandes marques pour des embouteillages
plus grand public. Une manière de tirer le marché vers le haut
mais aussi vers des embouteillages à plus fort degré. Acides
gras, esters et protéines sont solubles à partir de 46% d’alcool,
ce qui rend inutile toute filtration à froid.

Cette fois, nous y sommes, notre whisky est prêt à être


embouteillé, dernière étape avant le consommateur.

L’embouteillage, enfin chez soi pour aller chez vous

Le flacon
Jusqu’au XIXe siècle, le whisky est encore souvent vendu en
vrac. Ce n’est véritablement qu’avec l’apparition des premières
grandes marques de blend au XIXe que la bouteille s’impose
pour le whisky. Elle présente en effet deux avantages majeurs :
elle garantit la qualité et la constance du whisky.

Cela peut paraître étonnant mais les contenances autorisées


pour embouteiller les spiritueux sont très précisément définies
et encadrées : 0,02 ; 0,03 ; 0,04 ; 0,05 ; 0,10 ; 0,20 ; 0,35 ;
0,50 ; 0,70 ; 1 ; 1,5 ; 2 ; 2,5 ; 3 et 4,5 litres.

Les contenances de 1,125 ; 5 et 10 litres sont destinées


exclusivement à l’usage professionnel.

Seules exceptions tolérées par l’Administration, les bouteilles


de collection ou les flacons suffisamment anciens pour être
considérés comme collectors. Attention donc si vous achetez
une bouteille de whisky à l’étranger par Internet. Assurez-vous
que la contenance est autorisée en Europe. Sinon, gare à la
saisie et à la destruction du flacon par les services douaniers.
Sans recours possible.

Notre whisky désormais embouteillé, il ne reste plus qu’à


passer à la caisse. C’est-à-dire… s’acquitter des taxes sur
l’alcool.

Le vieillissement en bouteille
L’alcool ne vieillit plus en bouteille. Cette affirmation
n’est pas tout à fait exacte même si, effectivement, les
changements – couleur, goût – sont presque
imperceptibles. Souvent d’ailleurs, le seul signe
tangible de vieillissement, c’est la baisse du niveau de
liquide à l’intérieur de la bouteille. Tous les systèmes
de fermeture ne garantissant pas une étanchéité parfaite
(et surtout pas le bouchon de liège), le whisky
s’évapore. L’air remplace alors le liquide et un petit
phénomène d’oxydation peut alors se produire. Le
whisky change légèrement de couleur, il a plutôt
tendance à s’éclaircir et il n’est pas impossible que cela
ait aussi un effet sur le goût.

L’État veille au grain


Dans tous les pays du monde, les spiritueux sont taxés. C’est
même l’une des plus anciennes sources de revenus des États.
Ce sont les droits d’accises. En France, ils sont déterminés par
un montant fixe calculé par hectolitre d’alcool pur (1 719 € en
2014). À ces droits d’accises, il faut rajouter la cotisation
Sécurité sociale (552 € en 2014).

Aujourd’hui donc en France, le montant des taxes sur une


bouteille de whisky standard (70 cl à 40%) s’élève à 6,36 €.
Montant auquel il faut rajouter la TVA (20% en 2014), soit
1,27 €. L’État français empoche donc 7,63 € minimum sur
chaque bouteille de whisky standard vendue en France.

Voilà comment d’un petit grain d’orge à qui on a fait subir


1 000 transformations on arrive à produire un whisky, tout en
faisant travailler de nombreuses personnes et en remplissant les
caisses des États. Et tout cela pour le plaisir de l’amateur. Un
amateur qui n’a plus qu’à explorer les nombreux visages et
pays du whisky. Ce nouveau voyage vous est raconté dans la
troisième partie.
Troisième partie

La planète whiskies

Dans cette partie…

T echniquement, le whisky est un spiritueux distillé à partir d’une décoction


fermentée de n’importe quelle céréale, que l’on fait vieillir en fûts de bois.
Autant dire que les recettes sont multiples et qu’il est tout à fait possible de
produire du whisky dans n’importe quel pays du monde, au même titre que
le rhum, le gin, la vodka, la bière ou le vin. Il suffit d’avoir les bons
ingrédients – de l’eau, des céréales –, le matériel nécessaire, un certain
savoir-faire et du temps.

Même si aujourd’hui on fabrique du whisky tout autour de la planète, les


pays producteurs historiques – Écosse, Irlande, États-Unis, Canada et, dans
une moindre mesure, le Japon – ont cet avantage encore décisif. Mais
attention, les nouveaux mondes du whisky, Europe en tête mais aussi Asie
et Océanie, rattrapent leur retard à vitesse grand… W. Ce qui ne les
empêche pas de s’inscrire dans une certaine tradition et de placer leurs
whiskies dans l’une des quatre grandes familles existantes : le whisky de
malt ou de grain, les whiskies de mélange de céréales ou d’assemblage
d’eaux-de-vie.
Chapitre 11

L’Europe du whisky

Dans ce chapitre :
Le Royaume-Uni, à l’origine du whisky
La France, une histoire à écrire
L’Europe continentale, à la recherche du temps perdu

E n Europe, l’appellation whisky/whiskey est encadrée par le


règlement (CE) 110/2008 de la Communauté économique
européenne du 15 janvier 2008, entré en vigueur le 20 mai
2008. Il définit le whisky ou whiskey ainsi :
a)Le whisky ou whiskey est la boisson spiritueuse obtenue
exclusivement :

i) par distillation d’un moût de céréales maltées avec ou


sans les grains entiers d’autres céréales, qui a été :
• saccharifié par la diastase du malt qu’il contient, avec
ou sans autres enzymes naturelles,
• fermenté sous l’action de la levure ;
ii) après une ou plusieurs distillations à moins de
94,8% vol., de telle sorte que le produit de la distillation ait
un arôme et un goût provenant des matières premières
utilisées ;
iii) après vieillissement du distillat final pendant une
période minimale de trois ans dans des fûts de bois d’une
capacité inférieure ou égale à 700 litres.

b) Le titre alcoométrique volumique minimal du whisky ou


whiskey est de 40%.
c) Il n’y a aucune adjonction d’alcool, dilué ou non.
d) Le whisky ou whiskey ne doit pas être édulcoré ou
aromatisé, ni contenir aucun additif autre que le caramel
ordinaire utilisé pour la coloration.
Le distillat final, qui ne peut être additionné que d’eau* et de
caramel ordinaire** (pour la coloration), conserve la couleur,
l’arôme et le goût obtenus par le processus de production visé
aux points i), ii) et iii).

*Cette eau peut être distillée, déminéralisée, permutée


ou adoucie.
**Selon la directive européenne 94/36/CE en date du
30 juin 1994, le caramel ordinaire (E150a) peut être
utilisé quantum satis , c’est-à-dire sans aucune quantité
maximale spécifiée. « Toutefois, les matières colorantes
sont employées conformément aux bonnes pratiques de
fabrication, ne dépassant pas la quantité nécessaire pour
obtenir l’effet désiré. Et à condition de ne pas induire le
consommateur en erreur. »
Figure 11-1 : Les
différents types de
whiskies.

En annexe, le présent règlement liste les indications


géographiques :

Scotch Whisky : Écosse (Royaume-Uni)


Irish Whiskey/Uisce Beatha Eireannach/Irish Whisky :
Irlande et Irlande du Nord (Royaume-Uni)
Whisky espagnol : Espagne
Whisky breton/Whisky de Bretagne : Bretagne (France)
Whisky alsacien/Whisky d’Alsace : Alsace (France)

L’Écosse, ou la mère patrie


Le texte qui régit aujourd’hui l’appellation « scotch whisky »
est connu sous le nom de Scotch Whisky Act . Sa dernière
version a été adoptée par le Parlement britannique le 30 octobre
2009 et elle est entrée en application le 23 novembre de la
même année même si les marques avaient jusqu’au
23 novembre 2011 pour s’adapter à l’obligation d’embouteiller
en Écosse. En voici la version originale :

Le whisky écossais (scotch whisky ) est un whisky produit en


Écosse :
(a) qui a été fabriqué dans une distillerie d’Écosse à partir
d’eau et d’orge maltée (à laquelle seul(e) du grain ou une autre
céréale ont pu être ajoutés) qui ont été :

(i) transformées en moût dans cette distillerie ;


(ii) converties en solution fermentescible par des
enzymes endogènes exclusivement dans cette distillerie ;
et ;
(iii) fermentées par la seule addition de levures.

(b) qui a été distillé à un degré alcoolique inférieur à 94,8%


afin que ce distillat justifie d’un arôme et d’un goût dérivés des
produits de base utilisés et de sa méthode de production ;
(c) qui a vieilli en fûts de chêne d’une capacité n’excédant pas
700 litres ;
(d) qui a vieilli exclusivement en Écosse ;
(e) qui a vieilli pendant une période qui ne peut être inférieure
à 3 ans ;
(f) qui a vieilli dans un chai sous douane ou un entrepôt agréé
exclusivement ;
(g)qui présente une couleur, un arôme et un goût dérivés des
produits de base utilisés et de sa méthode de production et de
vieillissement ; et
(h)auquel aucune autre substance n’a été ajoutée à l’exception :

(i) d’eau ;
(ii) de caramel alimentaire ; ou
(iii) d’eau et de caramel alimentaire.

(i) qui a un degré alcoolique par volume minimum de 40%.


Difficile de faire plus simple et explicite. L’intégralité du
processus doit se dérouler à la distillerie. On n’a rien le droit
d’ajouter à part des levures, de l’eau et du caramel. Il ne faut
pas que le distillat soit de l’alcool neutre et le bois du fût doit
avoir un certain impact sur le résultat final au bout de trois ans
minimum.

Le texte précise que le whisky écossais doit être embouteillé en


Écosse pour prétendre à l’appellation. Il précise également les
cinq différents types de whisky :

Blended Scotch Whisky : définit le mélange d’un ou


de plusieurs single malt(s) écossais avec un ou plusieurs
single grain(s) écossais ;
Blended Malt Scotch Whisky : définit le mélange d’un
ou de plusieurs single malt(s) écossais distillés dans plus
d’une seule distillerie (au moins deux, donc) ;
Blended Grain Scotch Whisky : définit le mélange
d’un ou de plusieurs single grain(s) écossais distillés dans
plus d’une seule distillerie (au moins deux, donc) ;
Single Malt Scotch Whisky : définit un whisky
écossais distillé en alambic à repasse en une ou plusieurs
cuvées dans une distillerie unique à partir d’orge germée
exclusivement, sans l’addition aucune d’une autre céréale ;
Single Grain Scotch Whisky : définit un whisky
écossais distillé dans une distillerie unique, à l’exception
des single malts écossais ou des blended whisky écossais.

Depuis cette date, les appellations « vatted malt » ou « vatted


blend » ainsi que les mentions « pur » ou « pure malt » sont
interdites.

Les terroirs
Comme ce qui n’est pas interdit est autorisé : les
céréales peuvent venir des quatre coins de la planète,
pas obligatoirement d’Écosse. Le whisky n’est pas
obligé de vieillir sur le lieu même de sa distillation.
Difficile dans ces conditions de revendiquer l’impact
ou l’influence d’un quelconque terroir. Ce qui
n’empêche pas l’arrêté de 2009 d’introduire la notion
de région de production. Il y a aujourd’hui cinq
Indications géographiques protégées (IGP) distinctes :
Les Lowlands , au sud d’une ligne fictive qui
coupe l’Écosse en deux, de Greenock à l’ouest à
Dundee et l’embouchure de la rivière Tay à l’est ;
Les Highlands , au nord d’une ligne fictive qui
coupe l’Écosse en deux, de Greenock à l’ouest à
Dundee et l’embouchure de la rivière Tay à l’est ;
Le Speyside qui, géographiquement, appartient aux
Highlands mais qui a été isolé en raison de sa grande
concentration de distilleries ;
Campbeltown , cette grande péninsule au sud-
ouest de l’Écosse ;
Islay qui est constitué de la seule île d’Islay, pas
même de la grande île de Jura à quelques encablures à
l’est.
Chaque région produit pourtant des whiskies qui lui
ressemblent, des whiskies de caractère.

Les Lowlands
La plupart des grandes distilleries de grain sont situées dans les
Lowlands. Cinq sur les sept existantes ! Ce qui a conduit
l’amateur de whisky à cataloguer cette région plutôt côté
quantité que qualité. Il y a tout d’abord l’immense Cameron
Bridge qui domine la production de whisky en Écosse avec
140 millions de litres d’alcool pur par an, l’équivalent de
500 millions de bouteilles ! Girvan et Strathclyde , North
British et Starlaw (entre 60 et 25 millions de litres par an
chacune) paraissent bien petites. Avec de tels volumes, les
Lowlands sont encore le principal centre de production de
whisky de grain en Écosse. Ses cinq distilleries en activité
produisent presque autant de whisky que toutes les distilleries
de malt du pays ! Leur production est destinée aux whiskies
d’assemblage même si Cameron Bridge (parfois) et plus
récemment Girvan – qui a lancé une vraie gamme –
embouteillent leurs eaux-de-vie en tant que single grain.

Les distilleries de malt des Lowlands sont réputées distiller


trois fois leur malt. Pourtant, aujourd’hui, sur les cinq en
activité dans la région, elles ne sont que deux, Glenkinchie et
Auchentoshan . Et il faudra encore un peu de temps pour que
les whiskies des Lowlands, doublement ou triplement distillés,
soient appréciés à leur juste valeur : Bladnoch et Daftmill sont
parmi les plus petites distilleries d’Écosse. Quant à Ailsa Bay ,
la dernière-née, c’est une installation capable de produire
quatre single malts totalement différents – un léger, un très
puissant et deux tourbés – destinés aux whiskies d’assemblage.
Cela dit, les whiskies des Lowlands, malt ou grain, sont réputés
pour être très légers et floraux, peu ou pas du tout fumés, ni
tourbés. En fait, leur palette aromatique est bien plus large mais
ils souffrent d’un relatif anonymat. Les projets à Kingsbarn – à
une portée de drive du célèbre golf de St. Andrews – et
Annandale, s’ils voient le jour comme prévu en 2014, ne
changeront pas la donne. En attendant Jedburgh, un gros projet
de distillerie annoncé en février 2014 mais dont la construction
ne devrait pas commencer avant 2015.

Pourtant, le Sud de l’Écosse a toujours été historiquement –


très – important pour le monde du whisky. Trois des plus
grandes malteries – Crisp Malting Group (Alloa), Baird’s Malt
(Pencaitland) et Simpson’s (Berwick) – sont aussi dans les
parages. Une présence stratégique évidente lorsqu’on connaît
les volumes distillés. Il ne faut pas oublier que la plupart des
grandes chaînes d’embouteillage (dont Broxburn à Édimbourg)
sont aussi installées dans les Lowlands, qui hébergent de
nombreux chais de vieillissement : deux de Edrington (The
Macallan, Highland Park) à Drumchapel ou de William Grant
(Glenfiddich, Balvenie) à Bellshill. Le siège de Inverhouse
Distillers est à Airdrie et Diageo a installé son centre technique
et ses archives dans la petite ville de Menstrie et sa
chaudronnerie à Alloa.

Sans les Lowlands, le whisky écossais tel qu’on le connaît et


tel qu’il rayonne sur le monde n’existerait tout simplement pas.
Pas mal pour des basses terres.

Campbeltown
Campbeltown est une petite ville de 5 000 habitants sur la côte
intérieure du Kintyre, cette grande presqu’île à l’ouest de
l’Écosse. Aujourd’hui, la production dans cette région très
enclavée ne tient qu’à un fil car elle ne repose que sur trois
distilleries.
Springbank est la plus ancienne puisque sa création remonte à
1828 même si elle a connu deux longs arrêts, 1926-1933 et
1979-1989. Aujourd’hui, la vétusté de ses installations rend sa
production un peu erratique et miraculeuse. Les incidents
techniques sont fréquents mais la qualité du whisky, puissant,
n’en souffre pas. Trois whiskies différents sont produits à
Springbank, en fonction du nombre de distillations : 2 fois pour
Longrow qui est fumé, 2,5 pour le malt éponyme et 3 fois pour
Hazelburn. Ses propriétaires, descendants du fondateur William
Mitchell, ont même racheté en 2000 et relancé en 2004 une
distillerie voisine, Glengyle . Son whisky commence à être
commercialisé sous le nom de Kilkerran, en très petite quantité.

L’histoire de Glen Scotia n’est pas simple non plus depuis sa


création en 1832. Après avoir fermé à plusieurs reprises, elle a
été rachetée par les propriétaires de Loch Lomond en 1994. La
production est relancée… par les employés de Springbank en
1999. Depuis, son propriétaire a repris les choses en main et
une gamme a vu le jour.

Les Highlands
La région des Highlands, en matière de whisky n’en est pas
vraiment une : il faudrait plutôt parler de régions avec un S.
Car cette appellation un peu fourre-tout couvre une grande
partie du territoire écossais. Tout ce qui se trouve au nord de la
fameuse Highland line qui sépare le mainland, de Greenock au
sud-ouest à l’embouchure de la Tay et Dundee à l’est. À
l’intérieur de cette immense zone, seul le Speyside a eu le droit
à sa propre indication géographique. Pourtant, les hommes de
lois du whisky auraient pu faire ce que nombre d’amateurs
éclairés de whisky font : séparer des territoires (et des
whiskies) qui n’ont finalement que peu en commun.

Les Highlands du sud et du centre


Au sud, quatre distilleries flirtent dangereusement avec la
Highland line . D’ouest en est, il s’agit de Loch Lomond ,
Glengoyne , Deanston et Tullibardine dont les profils sont
très équilibrés, à l’image de leur position sur la carte, et
pourtant tous différents. Il y a une certaine logique à ce que
Loch Lomond, seule distillerie écossaise qui produit des
whiskies de malt (emblématique des Highlands) et de grain
(concentré au sud), soit presque sur la frontière et la plus au sud
des distilleries des hautes terres.

Au centre, lorsqu’on remonte vers le nord, Glenturret est


restée pendant longtemps totalement isolée. Elle héberge
pourtant une formidable attraction, The Famous Grouse
Experience, pour tout savoir sur la fabrication du whisky
écossais, malt ou blend. En allant vers l’est et la ville de Perth,
elle a aujourd’hui une petite voisine, Strathearn , qui a été
mise en service en 2013. Cette micro-distillerie offre elle aussi
une incroyable expérience : fabriquer son propre whisky au
cours d’une semaine d’apprentissage. Ces deux distilleries sont
à l’avant-poste d’un petit groupe de trois, Aberfeldy , Blair
Athol et Edradour . Cette dernière produit 100 000 LAP par
an, soit l’équivalent de 350 000 bouteilles. Une misère à
l’échelle de la production écossaise. Plus proche de la maison
de Blanche-Neige que de la distillerie, elle accueille néanmoins
plus de 100 000 visiteurs par an, soit 10% des touristes du
whisky en Écosse !

Un peu plus haut, Dalwhinnie , et Royal Lochnagar sont


perdues aux centres gauche et droit du mainland écossais.
Lochnagar est située tout près du château de Balmoral,
propriété de la Couronne britannique. La distillerie est
d’ailleurs devenue « royale » après que la reine Victoria (1819-
1901) eut pris l’habitude de boire un verre de son whisky
allongé de… bordeaux ! Située au milieu d’une nature à la
beauté sauvage, Dalwhinnie a été construite au bord de la ligne
de chemin de fer. Ce qui – malgré son improbable situation – la
relie au reste de l’Écosse.
Les whiskies de malt des Highlands du Sud et du Centre sont
généralement fruités et épicés, un peu plus légers au sud, plus
miellés au centre.

Les Highlands de l’ouest et de l’est


À l’ouest du mainland écossais, seules Oban et Ben Nevis ont
pu bénéficier d’un minimum d’infrastructures, routières ou
portuaires, nécessaires à la logistique. La première, située au
milieu de la ville du même nom sur les rives du Firth of Lorne,
est l’une des plus anciennes d’Écosse (1794). Oban produit un
whisky très fruité. La seconde, l’une des plus atypiques
traditionnelles est la dernière de Fort William. Située au pied
du plus haut sommet d’Écosse (1 344 mètres) à qui elle
emprunte son nom, Ben Nevis continue de produire du single
malt comme on le faisait encore au début du XXe siècle. Ses
single malts sont réputés pour être puissants et charpentés.

Adelphi , une troisième distillerie devrait voir le jour, encore


plus à l’est à Ardnamurchan. Sa plus proche voisine sera
Tobermory , sur l’île de Mull. Cette distillerie est la seule de
cette grande île de l’archipel des Hébrides Intérieures. Mais
elle produit deux malts sous deux marques différentes,
Tobermory et Ledaig, son équivalent tourbé.

À l’est, le décor est radicalement différent. Région la plus


fertile des Highlands, elle n’a que peu réussi à l’industrie du
whisky. Deux grandes malteries – Boortmalt et Baird’s
Malting –sont encore en activité dans les parages. Il ne reste
pourtant aujourd’hui plus que deux distilleries actives dans le
Tayside du côté de la ville de Montrose, Fettercairn et
Glencadam , pas très connues en tant que single malt.

Lorsqu’on remonte plus au nord, la situation est meilleure. Car


s’il ne reste plus de distilleries à Aberdeen, six tournent encore
dans le triangle formé par les villes de Inverurie, Banff et
Huntly. Trois sont situées dans la région administrative de
Garioch (prononcez « guiri »), Ardmore (l’un des rares
whiskies tourbés des Highlands), Glendronach et la bien
nommée Glen Garioch . Un peu plus haut Glenglassaugh ,
Knockdhu et Macduff forment un autre groupe distinct. Les
deux dernières distilleries ont la particularité de commercialiser
leur single malt sous un nom différent, respectivement AnCnoc
(pour éviter la confusion avec Cardhu et/ou Knockando) et
Glen Deveron, cœur de l’assemblage William Lawson. Ces six
distilleries produisent des whiskies de caractère mais au profil
aromatique bien différent, du plus floral et parfumé (AnCnoc,
Glenglassaugh) au plus malté et sec (Glen Garioch, Glen
Deveron) en passant par le tourbé Ardmore ou le puissant
Glendronach. On s’approche de l’Écosse sauvage et grandeur
nature.

Les Highlands du nord


Contrairement à une idée reçue, les distilleries rattachées aux
Highlands du nord ne sont pas seulement celles qui se trouvent
au-dessus d’Inverness. Il y en a aussi deux un peu en dessous,
Tomatin la plus au sud et Royal Brackla , dans cette région
que l’on appelle le Findhorn. La ville d’Inverness ne compte
plus de distilleries, seulement un important centre de maltage
appartenant au groupe Baird’s Malt.

Une fois franchi l’estuaire de la rivière Beauly au nord, la route


qui va de Muir of Ord à Wick est un enchantement pour
l’amateur de malt. Et pas seulement parce que le paysage est
saisissant et magnifique. Un peu à l’intérieur des terres, Glen
Ord et Glen Ord Malting – qui se touchent – ouvrent le
chemin. La malterie approvisionne six distilleries de Diageo
dont Talisker. Glen Ord est l’une des quatre distilleries – avec
Auchroisk,

Dufftown et Glendullan – qui se cachent derrière l’étiquette


Singleton. Mais c’est en suivant la côte que l’on croise les deux
suivantes, la discrète Teaninich sur la gauche à côté de laquelle
une seconde distillerie va voir le jour (Teaninich II ?) et
l’imposante Dalmore sur la droite. En quittant la grande route,
on peut rejoindre Invergordon et sa distillerie de grain.

En remontant vers Glenmorangie Bay, on débouche sur la


distillerie du même nom. Glenmorangie offre l’une des plus
belles salles de distillation en activité, avec ses immenses
alambics, les plus hauts d’Écosse. Le contraste est d’ailleurs
saisissant avec Balblair , distante de quelques miles seulement.
Typique des anciennes fermes-distilleries nombreuses au XIXe
siècle, elle a servi de décor au film de Ken Loach La Part des
anges (2012).

À mi-chemin de la route qui mène d’Inverness à Wick, se tient


le charmant village de Brora. Deux distilleries emblématiques,
séparées par une toute petite route, se font face : Brora la
mythique, fermée et toute de noire vêtue symbolise un passé à
jamais révolu. Clynelish resplendit de santé et de modernité
dans un beau blanc immaculé. Dans l’ancienne capitale du
hareng, Wick, Pulteney se cache dans des bâtiments de ville
ordinaires. Jusqu’en 2012, c’était la distillerie la plus au nord
du mainland écossais. Mais Wolfburn a depuis ouvert ses
portes à Thurso sur la côte septentrionale.

Dans le prolongement de la pointe nord de l’Écosse, les


Orcades forment un chapelet d’îles entre deux mondes,
britannique et scandinave. Highland Park revendique ses
origines nordiques avec force même si son whisky de caractère
est typiquement écossais. Scapa toute proche ne joue pas dans
le même registre, beaucoup plus rond et séducteur. Quoi qu’il
en soit, produire du whisky aussi loin de la civilisation
moderne reste un tour de force.

Des contraintes que connaît bien Talisker même si l’île de


Skye est reliée au mainland par un pont depuis 1995. Nichée au
fond d’un loch, Talisker bénéficie d’une situation certes
privilégiée mais qui fait un peu bout du monde. Ce qui
n’inquiète pas les promoteurs de Torabhaig , dont les travaux
de construction commenceront à l’été 2014 pour une mise en
service fin 2015-début 2016. Bon courage.

Il y a pourtant encore plus inaccessible avec Harris , un projet


en cours de construction sur l’île du même nom, et Abhainn
Dearg , une micro-distillerie en activité sur l’île de Lewis, à
l’ouest de la capitale régionale, Stornoway. Autant le single
malt puissant et maritime de Talisker est vendu tout autour du
monde, autant celui de Abhainn Dearg fait figure de curiosité
locale.

Dans ces conditions, la sauvage et (presque) inhabitée Jura


paraît plus proche de la civilisation, même si George Orwell
s’y réfugia pour terminer son célèbre roman 1984 .

L’île d’Arran est considérée comme une Écosse miniature. La


distillerie Arran installée au nord depuis 1995 contribue
beaucoup à sa notoriété aujourd’hui. Aussi en partie parce que
son whisky n’est pas typé Highlands ou Lowlands. Ni ilien.
Mais un peu tout ça.

Qu’il soit continental ou ilien, le malt des Highlands


revendique un certain caractère. Authentiques et sans
compromis, ils sont tout simplement à l’image des Highlands :
grandeur nature.

Le Speyside
Pour tous les amateurs de whisky de malt, le Speyside, c’est le
triangle d’or. Autant dire que cette région fait encore et
toujours figure de référence dans le monde du single malt. Il
faut dire qu’avec 50 distilleries de malt en activité (sur les
108 que compte l’Écosse en 2013), cela fait une belle
concentration. C’est la raison pour laquelle, il a été décidé que
cette partie de l’Écosse – qui, géographiquement, fait partie des
Highlands –constituerait une région de whisky à part entière.

Il faudrait d’ailleurs parler des Speysides avec S car il n’y a pas


un Speyside mais plusieurs. Au départ, seules étaient
considérées comme appartenant au Speyside les distilleries
installées le long de la Spey (172 kilomètres de long). Ce
fleuve compte plusieurs affluents dont le Fiddich et l’Avon
dans lequel se jette la Livet. Aujourd’hui, malgré un bassin de
3 000 kilomètres carrés, le Speyside déborde largement de la
stricte zone irriguée par la Spey.

Dans son excellent ouvrage, l’Atlas mondial du whisky (2011),


le journaliste spécialiste du whisky, Dave Broom, regroupe les
distilleries du Speyside dans six sous-ensembles distincts : le
Speyside du sud et les groupes de Ben Rinnes, Dufftown,
Keith, Rothes et Elgin. C’est une vision cohérente
géographiquement mais qui n’implique pas forcément des
similitudes organoleptiques. Même si les whiskies du Speyside
se caractérisent par des arômes miellés et maltés, chaque
distillerie est unique.

Dans le Spe yside du sud


De création récente (1990). Speyside est située tout au sud
du… Speyside sud, pas très loin de Dalwhinnie finalement.
Totalement à l’écart des six autres distilleries qui forment ce
premier groupe parmi lesquelles Glenlivet .

Lorsque George Smith profita du changement de


réglementation de 1823 pour officialiser son activité de
distillateur, ce fermier introduisit un nouveau style de whisky,
plus léger et floral. C’est à ce titre que Glenlivet acquiert sa
renommée presque immédiatement. Son style plaît tellement
que plusieurs distilleries (dont Aberlour, Macallan ou
Glenfarclas) accolent le mot Glenlivet à leur propre nom.
Autant pour profiter du succès que pour s’inscrire dans une
catégorie de whisky. Pour marquer sa différence, la famille
Smith obtient en 1884 l’autorisation d’accoler l’article The à
son nom. Devenant l’une des premières marques déposées, The
Glenlivet est né. Aujourd’hui encore, il est bien difficile pour
ses voisines – l’historique Balmenach (1824), Braeval (1973),
Tamnavulin (1966), Tomintoul (1964) et Tormore (1958) –
de rivaliser avec la notoriété de la grande sœur.

Autour de Ben Rinnes


Le mont Ben Rinnes culmine à 841 mètres et son sommet
domine parmi ce qui se fait de mieux dans le single malt. Allt-
a-Bhainne , Benrinnes , Cragganmore , Craigellachie ,
Dailuaine , Glenallachie ou Tamdhu ne sont pas des
distilleries très connues en dehors du cercle des amateurs. Elles
n’en présentent pas moins un caractère et une complexité qui
ne les condamnent pas exclusivement à servir d’appoint dans
les whiskies d’assemblage. En revanche, notre petite montagne
compte aussi parmi ses protégés Aberlour , Cardhu ,
Glenfarclas , Knockando ou Macallan . Autant de marques
qui figurent dans le top 10 des malts les plus vendus au monde

Aberlour, le leader français des single malts, a été fondée en


1826 même si la distillerie actuelle date de 1898. Réputée pour
ses whiskies vieillis en fûts de xérès, Aberlour propose des
whiskies riches et ronds, à l’image de A’bunadh (« origine » en
gaélique), un assemblage de single malts embouteillé au degré
naturel, entre 59 et 61%.

Cardhu, bien connu en France, tient une place particulière dans


l’histoire du whisky écossais. À cause des deux femmes qui en
ont fait la réputation – Helen Cumming et sa belle-fille
Elizabeth –mais aussi parce qu’un certain William Grant
racheta ses vieux alambics pour créer la distillerie…
Glenfiddich. Cardhu séduit pour ses whiskies légers et très
herbacés.

Tout aussi léger, Knockando présente un profil aromatique plus


céréalier. La distillerie aime jouer sur un effet millésime en
inscrivant toujours l’année de distillation sur ces étiquettes.

Avec Glenfarclas, on approche du mythe. La distillerie


appartient à la même famille depuis 1865. Plus de 50 000 fûts
(ex-butt de xérès oloroso, principalement) vieillissent sur le site
même de la distillerie dans l’un de ses… 30 chais
traditionnels ! Un stock qui ravit les amateurs de single malts
puissants mais qui permet aussi de proposer une collection
unique et permanente de millésimes, les fameux Family Casks
qui commencent par l’année 1952.

Macallan est incontestablement la star de notre petit groupe.


On accède à la distillerie – commandée par un petit manoir tout
en hauteur, Easter Elchies – par une vaste allée, un peu comme
dans un château. Cette distillerie vénérable (1824) a fait sa
réputation par des whiskies vieillis en fûts, de xérès. En 2013,
la marque a supprimé le compte d’âge pour les remplacer par
les noms évocateurs de Gold, Amber, Sienna et Ruby. Un
risque calculé nécessaire en raison de son formidable succès. À
tel point que son propriétaire envisage de construire une
seconde distillerie sur le même site.

Autour de Dufftown

« Rome was built on seven hills, Dufftown stands on seven


stills » dit un proverbe local (Rome a été construite sur sept
montagnes, Dufftown se tient sur sept alambics). La capitale
mondiale du whisky – c’est écrit sur le panneau qui vous
accueille à l’entrée de la ville – ne compte pourtant plus que six
distilleries en activité. En revanche, c’est là que se trouve l’une
des plus emblématiques. Glenfiddich est aujourd’hui – et de
loin – la première marque de single malt vendue dans le
monde. 28 alambics produisent l’équivalent d’environ
40 millions de bouteilles par an. La société, qui appartient
encore à 100% à la famille du fondateur (la deuxième famille la
plus riche d’Écosse) est un empire à l’échelle de Dufftown et
un cas presque unique dans le monde moderne du whisky. Sur
le même site de 14 hectares, on retrouve une tonnellerie, une
chaudronnerie, des chais de vieillissement, une chaîne
d’embouteillage et… trois distilleries : Glenfiddich donc mais
aussi l’artisanale Balvenie et la discrète Kininvie . Difficile de
rivaliser en notoriété pour les trois autres distilleries de
Dufftown : Mortlach , Glendullan et Dufftown . La première
pratique une triple distillation partielle (2,7 fois précisément)
dans de drôles d’alambics, dont l’un est surnommé « Wee
Witchie » (petite sorcière). Les deux autres se cachent souvent
sous l’étiquette Singleton.

Autour de Keith
Si Dufftown est la capitale du single malt, Keith serait celle des
whiskies d’assemblage. Les sept distilleries de ce sous-groupe
sont en effet toutes destinées en priorité aux blends. En tête de
gondole, Strathisla , assurément l’une des plus jolies
distilleries d’Écosse est la maison spirituelle de Chivas. Ses
plus proches voisines Aultmore et Strathmill n’ont pas le
même charme. Quant à Glen Keith , juste en face, construite
en 1958 sur le même modèle que… l’irlandaise Bushmills, elle
a été modernisée et remise en activité en 2013.

Beaucoup plus au nord, Inchgower produit du single malt pour


la marque Bell’s dans un presque total anonymat. Elle est
encadrée par deux des plus importants centres de maltage du
Speyside, l’un appartenant au groupe Crisp Malting, l’autre à
Boortmalt.

À l’ouest de Keith, sur la route qui mène à Rothes, Auchroisk


et Glentauchers sont dans une situation identique. Essentielles
à l’industrie du whisky et pourtant totalement inconnues du
grand public.

Autour de Rothes
La ville de Rothes abrite la société Forsyths qui fournit des
alambics à repasse pour la majeure partie des distilleries
écossaises depuis 1933. On le sait moins mais c’est aussi le
siège de la Combination of Rothes Distillers (CoRD), une
association de producteurs fondée en 1904 afin de gérer
collectivement les résidus de la distillation (drêches et
vinasses).

Il y a aussi quatre distilleries dont deux poids lourds de la


catégorie des single malts : Glen Grant, l’une des marques les
plus vendues dans le monde, et Glenrothes dont la salle des
alambics surplombe… le cimetière local. Speyburn , dans son
écrin de verdure, et Glen Spey complètent ce petit groupe
idéalement situé.

Autour d’Elgin
Autour d’Elgin, onze distilleries sont en opération, dont
quelques-unes parmi les préférées des amateurs de malt. On
peut ainsi citer Benriach , Linkwood , Longmorn ou la plus
petite distillerie du Speyside (c’est aussi la plus à l’ouest),
Benromach .

Les autres sont principalement destinées au whisky


d’assemblage et leurs embouteillages en tant que single malts
ne sont pas faciles à trouver. Glen Elgin , Glenlossie ,
Mannochmore , Miltonduff ou Glenburgie sont pourtant plus
que des faire-valoir. Quant à Glen Moray , elle a une double
vie. Son whisky de malt est vendu sous son vrai nom partout
dans le monde et sous le nom de Glen Turner en France.

Deux énormes malteries appartenant au groupe Diageo y sont


aussi installées, à Burghead et Roseisle. Roseisle est également
la première distillerie écossaise nouvelle génération (elle a
depuis été rejointe par Ailsa Bay). Capable de produire quatre
whiskies totalement différents (léger, lourd, malté, tourbé), elle
préfigure sans doute d’une évolution de la production, plus
centralisée, plus économique et plus écologique aussi.
Attention cependant à ne pas perdre le caractère singulier du
single malt écossais.
Islay
Seulement 620 kilomètres carrés et 3 000 habitants mais tous
les amateurs de whisky écossais connaissent cette île au trésor,
à l’ouest de l’Écosse. Il y a aujourd’hui huit distilleries de malt
en activité sur Islay. Une neuvième, Garthbreck, est en projet à
l’initiative du Français Jean Donnay (Glann Ar Mor). Elles
sont toutes mondialement connues et célébrées pour leurs
whiskies puissants, marins et tourbés.

La plus ancienne distillerie de l’île, Bowmore , date de 1779.


Peu de distilleries en activité aujourd’hui – tous alcools
confondus –peuvent revendiquer une telle longévité. Depuis
longtemps déjà les amateurs s’interrogent sur la palette
aromatique de Bowmore. De son fruit exotique dans les années
1960 à la violette dans les années 1980 en passant par ce
caractère tempétueux et impulsif aujourd’hui. Le fameux chai
n° 1 – il est situé sous le niveau de la mer – a fourni pendant
longtemps une explication facile… et fausse, puisqu’il ne
contient que quelques fûts.

Plein nord, sur la côte est, Bunnahabhain et Caol Ila font face
à l’île de Jura. La première produit un malt délicat, le seul de
l’île qui ne soit ni fumé, ni tourbé, à l’exception de sa cuvée
Toiteach (qui signifie… fumée en gaélique). La seconde affiche
la plus grande capacité de production de l’île et ce depuis 1974
et la construction de la nouvelle distillerie.

À l’ouest et presque de chaque côté du bras de terre, on


retrouve Bruichladdich , une miraculée, et la petite dernière,
Kilchoman . Aujourd’hui, Bruichladdich produit trois single
malts très différents avec Port Charlotte et Octomore (un
monstre de tourbe). Kilchoman est une ferme-distillerie comme
il y en avait des milliers dans l’Écosse du XVIIIe siècle.

Au sud, les trois stars de l’île, alignées comme à la parade,


veillent sur une réputation qu’elles ont fortement contribué à
créer. Laphroaig , Lagavulin et Ardbeg sont parmi les
distilleries les plus cultes d’Écosse et leurs amateurs se
comptent par milliers tout autour du monde. On aime ou on
n’aime pas ces trois fortes têtes – la suie de Ardbeg, le goudron
de Laphroaig, le camphre de Lagavulin – mais quand on aime,
c’est pour la vie.

Une autre distillerie survit par embouteillages interposés, Port


Ellen qui a fermé définitivement ses portes en 1983. Ceci dit,
même quand le dernier fût aura été embouteillé (ce qui ne
saurait tarder), le nom de Port Ellen restera intimement lié aux
whiskies d’Islay, grâce à Port Ellen Maltings, la seule malterie
située à l’ouest du Royaume-Uni.

Les embouteilleurs indépendants


Le monde du whisky en Écosse, ce n’est pas seulement des
distilleries de malt et de grain. Il ne serait en effet pas tout à fait
le même sans les embouteilleurs indépendants. À l’origine de
ces sociétés, des épiciers et/ou des marchands de vins qui
s’approvisionnent auprès des distilleries pour vendre du whisky
en ville, Glasgow ou Édimbourg en premier lieu. Les meilleurs
assembleurs vont être à l’origine des whiskies d’assemblage et
de la plupart des grandes marques de blends qui dominent
encore le marché mondial aujourd’hui. Quelques autres vont
devenir embouteilleurs indépendants comme William
Cadenhead (1858) ou les Gordon & MacPhail (1895), pionniers
d’un métier qui restaient à leur époque encore à inventer. Ce
sont les négociants du whisky.

Le travail de l’embouteilleur indépendant consiste à


sélectionner et acheter les meilleurs fûts de whisky. C’est ainsi
que des sociétés sont parvenues à se constituer un stock
impressionnant de whisky sans posséder la moindre distillerie.
À ce titre, les embouteilleurs indépendants sont devenus les
partenaires indispensables des assembleurs. Ils sont en effet
capables de leur fournir des whiskies – qu’ils sont parfois les
seuls à posséder –en fonction des besoins de chacun. Ils
assurent ainsi la fluidité des échanges et le contrôle des prix en
servant de plate-forme et/ou de salle de marché.

Selon les époques, les distilleries n’ont pas toujours vu d’un


très bon œil ces acteurs d’un genre un peu particulier. Le bon
côté des choses, c’est qu’un embouteilleur indépendant fait un
travail de sélection, fût par fût, que ne font plus forcément
toutes les distilleries, petites ou grandes. Cela permet donc
d’embouteiller les meilleurs fûts, souvent sans intervention (ou
presque) à cette étape cruciale. Ce sont les embouteilleurs
indépendants qui ont ainsi popularisé les embouteillages en fût
unique, au degré naturel ou réduit au minimum (à 46 ou 43%),
sans filtration à froid et à la couleur naturelle. Autant
d’initiatives qui ont augmenté la réputation des single malts
écossais, en particulier auprès des amateurs. Revers de la
médaille, les marques ne maîtrisent pas ces embouteillages
indépendants, dont les flacons et/ou les étiquettes ne
s’inscrivent pas dans la stratégie de communication. Pire, la
marque apparaît souvent dans une gamme spécifique et/ou sous
le nom du négociant.

Toutes les distilleries et leur propriétaire n’acceptent donc pas


de vendre des fûts aux embouteilleurs indépendants.
Glenmorangie est ainsi réputée ne jamais vendre de fûts aux
négociants. Beaucoup n’ont pourtant pas le choix. Aujourd’hui,
un embouteilleur ne revend jamais l’un de ses fûts à une
marque ou une distillerie. Il préfère lui échanger… contre un
ou plusieurs fûts. C’est ainsi qu’il régénère son stock et crée de
la valeur.
Le whisky à la petite cuillère
Lorsqu’une distillerie n’a pas d’autre choix que de
céder un ou plusieurs fûts à un embouteilleur
indépendant et qu’elle ne veut surtout pas voir son nom
apparaître sur un embouteillage indépendant, elle lui
ajoute tout simplement l’équivalent d’une petite
cuillère à café d’un autre whisky. Le fût perd
automatiquement son nom et sa qualité de single malt,
puisque c’est désormais un mélange. Il ne peut alors
plus être qu’utilisé en tant que whisky d’assemblage.
Certaines distilleries, telles que Glenfiddich ou
Balvenie ont systématiquement recours à ce système
depuis plus de 25 ans. Avec succès : plus aucun de leur
whisky n’est embouteillé par les négociants.

L’autre hantise des distilleries, c’est la pénurie de stock, mis à


rude épreuve par l’explosion de la demande depuis le début des
années 2000. Ce qui a contraint les distilleries à diminuer
considérablement la vente de fûts à autrui. Un vrai souci pour
les embouteilleurs indépendants. Afin de s’épargner quelques
sueurs froides, les principaux embouteilleurs indépendants ont
donc investi dans… les distilleries. Une manière de diversifier
leur activité mais aussi de pouvoir négocier d’égal à égal avec
ses fournisseurs. C’est ainsi que Gordon & MacPhail possède
Benromach, Signatory Vintage Edradour, Berry Bros. & Rudd
Glenrothes, Ian McLeod Glengoyne et Tamdhu. La boucle
est bouclée.

Par le passé, il pouvait y avoir des embouteilleurs indépendants


de whisky écossais un peu partout autour de la planète. Il
suffisait d’acheter un fût et de l’embouteiller. Depuis novembre
2012, l’appellation scotch whisky impose que l’embouteillage
ait lieu obligatoirement en Écosse.
Cela a renforcé la position des embouteilleurs indépendants
écossais, les confortant dans leur rôle de négociants
incontournables. Dans le même temps, cette obligation
empêche également les distilleries d’envoyer leurs whiskies en
vrac et de les embouteiller au plus près de leurs marchés
captifs. Une mesure qui vise à contrôler la qualité des
embouteillages officiels et d’empêcher la contrefaçon. Une
manière aussi de se rapprocher du célèbre concept typiquement
français : embouteillé au château ou à la propriété.

L’Irlande
Les Irlandais ont dominé le monde du whisky jusqu’au milieu
du XIXe siècle avant de connaître une longue descente aux
enfers. C’est en devenant whiskey en 1966 que l’irish whiskey
renaît de ses cendres.

Le texte qui régit son appellation date du 10 décembre 1980 et


il concerne les whiskeys produits sur l’ensemble du territoire
irlandais, Eire et Irlande du Nord.

Contrairement à ce qu’il se passe pour son équivalent écossais,


dont il est pourtant la copie presque conforme, cette loi ne
définit pas précisément comment les whiskies irlandais doivent
être produits – à repasse (deux ou trois fois) ou en continu –, ni
les différents types de whiskeys. Historiquement, ils sont
pourtant au nombre de quatre :

Le whiskey de malt (single malt whiskey), comme son


cousin écossais, est une eau-de-vie distillée à partir d’un
brassin d’orge maltée. Seule différence, il peut
indifféremment être produit à alambic à repasse ou en
colonne.
Le whiskey de grain (single grain whiskey) est, comme
en Écosse également, une eau-de-vie distillée en colonne à
partir d’un brassin de céréale – généralement du blé – non
maltée.
Le whiskey pure pot still (irish pot still whiskey ) est,
quant à lui, typiquement irlandais. C’est une eau-de-vie
distillée à repasse – généralement trois fois – à partir d’un
mélange de céréales maltées et non maltées. Cette pratique
remonte au XIXe siècle lorsque les Anglais eurent l’idée
de taxer malt et alcool. Pour diminuer les taxes, les
Irlandais prirent l’habitude de distiller avec une forte
proportion de céréales non maltées.
Le blended whiskey est un mélange d’au moins deux
des trois types précédents. Ou les trois.

Tous ces types de whiskeys existent aujourd’hui, ce qui n’était


pas le cas en 1980 lorsque le texte a été adopté. On ne comptait
alors plus que deux distilleries, Midleton et Bushmills. Une
troisième, Cooley, a vu le jour en 1987, une quatrième,
Kilbeggan, en 2007. Ce sont toujours elles qui produisent à
100% les dizaines de marques de whiskeys irlandais
disponibles sur le marché. Leur succès croissant a cependant
attiré de nouveaux investisseurs et de nombreux projets de
distilleries sont en train de voir le jour. Il faut dire que le
whiskey irlandais a toujours eu cette réputation d’être facile à
apprécier, en raison de son caractère léger et fruité. Son retour
sur le devant de la scène est donc évidemment une excellente
nouvelle pour tous ses amateurs. Petit d’horizon des forces en
présence.

Midleton
Entre Cork et Youghal, Midleton (de l’anglais middle town ) est
un complexe de distillation plutôt qu’une distillerie tant ses
installations sont uniques en leur genre. Sur le site, trois
distilleries cohabitent : Old Midleton (1825) et son alambic à
repasse de 143 200 litres (le plus grand jamais construit)
aujourd’hui fermée et transformée en musée ; New Midleton
(1975) qui permet de produire tous les types de whiskey dans
ses trois colonnes et ses quatre alambics à repasse ; New
Midleton II (2013) qui va porter la capacité de la distillerie à
64 millions de LAP (22 millions de whiskey pure pot still et
42 millions de whiskey de grain).

Midleton ne distille pas de single malt, seulement des whiskies


de grain et des whiskies single pot still . Ce qui permet de
produire une variété presque infinie d’eaux-de-vie en fonction
des différents besoins et des différentes marques. Certaines –
comme Jameson, Paddy, Power’s ou Redbreast – appartiennent
à Irish Distillers, la filiale de Pernod-Ricard qui possède
Midleton. Pour d’autres (comme The Irishman ou Clontarf,
deux exemples parmi des dizaines), la distillerie n’opère qu’en
tant que fournisseur via des contrats d’approvisionnement. Un
système qui peut paraître bizarre mais qui a sauvé le whiskey
irlandais. Sans de nombreuses marques, le marché et la
catégorie des irish whiskeys auraient disparu. Dans les chais
restés, eux, à Dublin, maturent ainsi des milliers de fûts. C’est
aussi là que tous les whiskeys sont assemblés, réduits, filtrés et
embouteillés dans l’usine de Fox & Geese.

Cooley
La distillerie Cooley a été créée en 1987 par un entrepreneur
irlandais, John Teeling qui a fait fortune dans le diamant. Il a
été conseillé par l’Écossais Billy Walker (propriétaire
aujourd’hui des distilleries en Écosse Benriach, Glendronach et
Glenglassaugh). Ce qui explique la double distillation et
l’usage de malt tourbé pour certains distillats. Équipée
d’alambics à repasse et d’une colonne à distiller, elle produit de
nombreuses marques, en propre (Kilbeggan, Tyrconnell,
Conemarra, Locke’s ou Greenore, un whisky de grain), ou pour
le compte de tiers. Cooley a été rachetée par le géant américain
Jim Beam en 2011.

Kilbeggan
Avant d’être une marque de blend produite et assemblée à
Cooley, Kilbeggan est une distillerie. En plein centre de
l’Irlande, c’est la plus ancienne du pays (elle date de 1757)
même si elle a été remise en activité en 2007, année de son
250e anniversaire et pile 53 ans jour pour jour après sa
fermeture en 1954. Aujourd’hui, l’ancienne distillerie a été
définitivement transformée en musée et les opérations de
distillation ont lieu dans un bâtiment adjacent. Sa production
est encore confidentielle.

À suivre…
Deux distilleries sont en activité depuis fin 2012 : Carlow à
Bagenalstown et Dingle dans la ville du même nom. Les
premiers whiskies ne sont pas attendus avant 2016.

La société William Grant & Sons (Grant’s, Glenfiddich, The


Balvenie), propriétaire de la marque Tullamore Dew (des
initiales de son fondateur Daniel E. William), termine la
construction d’une distillerie à… Tullamore. L’une des
marques les plus populaires sera donc bientôt de retour à la
maison.

Plus modestes, des projets de distilleries sont aussi annoncés


dans le comté de Meath (Slane Castle, avec l’aide des cognacs
Camus) ou encore dans les villes de… Dingle (Dingle Brewing
Company) et Carlow (Royal Oak). La famille Teeling (ex-
Cooley) ambitionne aussi d’ouvrir une distillerie à Dublin. Si le
projet aboutit, il ferait assurément figure de symbole et
marquerait définitivement le retour de l’Irlande et de son
célèbre whiskey au centre de toutes les attentions.

Côté Royaume-Uni

Bushmills et Echlinville en Irlande du Nord


Avec Midleton, Bushmills est la seule distillerie ayant survécu
au lent déclin du whiskey irlandais. Mais contrairement à sa
(très) grande sœur, elle est basée côté britannique, en Irlande du
Nord. Pas depuis 1608 comme c’est gravé sur la bouteille (c’est
la date d’une des premières licences de distillation accordée
dans son comté d’Antrim) mais depuis 1784, quand même,
comme l’atteste son véritable enregistrement. Bushmills
produit du single malt par triple distillation. Comme souvent en
Irlande, elle commercialise pourtant du whisky de malt (10 ans,
16 ans, 21 ans et 1608) et du whisky d’assemblage (Black Bush
et Original). Une petite subtilité qui n’aide pas l’amateur à s’y
retrouver.

Côté Grande-Bretagne, deux autres projets sont dans les


tuyaux : Echlinville sur la péninsule de Ards qui a commencé à
distiller en 2013 et Niche dans le comté de Derry, jadis haut
lieu de la distillation clandestine.

Désormais, c’est sûr, il va falloir de nouveau compter avec le


whiskey irlandais.

Penderyn au pays de Galles


La distillerie Penderyn est une vraie curiosité. Et pas seulement
parce qu’elle est la seule du pays de Galles. Sa bière –
bouillie ! –vient d’une brasserie voisine qui élève ses propres
souches de levure. Son whisky est distillé dans une petite
colonne, de type Faraday. Elle fonctionne par cuvée, comme un
alambic à repasse ! Les versions tourbées ne sont pas dues à
l’utilisation de malt tourbé mais à un vieillissement dans des
fûts de second remplissage ayant contenu précédemment du
whisky tourbé ! Heureusement, le succès a validé toutes ces
options surprenantes. On en viendrait presque à regretter que,
pour assurer son développement, Penderyn vient d’installer
deux alambics à repasse classiques. Et a commandé un second
alambic Faraday. Pas fous, ces Gallois.

St. George, Hick’s & Healey et Cooper House en


Angleterre
Réputée pour son gin, l’Angleterre a vu toutes ses distilleries
de whisky disparaître au XXe siècle. Aujourd’hui, le boom de
la micro-distillation et le succès du whisky ne laissent pas
indifférents les sujets de Sa Majesté.

C’est le Norfolk qui a remis l’Angleterre sur la carte mondiale


du whisky avec la distillerie St. George en 2006. The English
Whisky a été commercialisé trois ans plus tard. Dès 2004 en
Cornouilles, le brasseur St. Austell et la cidrerie Healey’s Cider
s’étaient associés mais le premier embouteillage de « cornish
whisky » sous le nom de Hick’s & Healey n’a été
commercialisé qu’en septembre 2011. La production reste
encore aujourd’hui très limitée. Cooper House qui distille dans
le Suffolk depuis 2010 a commercialisé Adnam’s fin 2013.

Du côté de Battersea en plein cœur de Londres en 2013, The


London Distillery Company a commencé à distiller en
décembre 2013. Tandis qu’un autre projet – The Lake
Distillery – est en train de voir le jour, tout au nord dans le
comté de Cumbrie. Presque à la frontière avec… l’Écosse. Pas
de quoi rivaliser, mais presque !
La France, une histoire à écrire
Il est assez curieux de constater que la production de whisky en
France n’a réellement commencé qu’en 1984. Il n’y a pas
d’explication rationnelle à ce drôle de phénomène qui fait que
si l’on boit beaucoup de whisky, on en produit finalement peu.

Et pourtant, l’étude attentive d’une carte de France montre


qu’on distille partout : des eaux-de-vie de cidre au nord-ouest
(calvados en Normandie, lambig en Bretagne), des eaux-de-vie
de vin au sud-ouest (cognac et armagnac), des eaux-de-vie de
fruits à l’est (cerise ou mirabelle en Alsace et Lorraine), des
pastis dans le Sud-Est. Sans oublier de nombreuses liqueurs
et/ou spiritueux dans les montagnes, Alpes ou Pyrénées.
L’histoire est aujourd’hui en train de s’accélérer car
aujourd’hui une vingtaine de distilleries sont en activité et ce,
sur l’ensemble du territoire.

Depuis 2012, les producteurs bretons et alsaciens ont entrepris


des démarches afin de faire reconnaître et de protéger les
appellations whisky breton/de Bretagne (whisky de malt,
whisky de sarrasin et whisky d’assemblage) et whisky
alsacien/d’Alsace (whisky de malt).
Figure 11-2 : Les
distilleries de France.

La Bretagne
Quatre distilleries sont aujourd’hui en activité en Bretagne
même si trois seulement vendent déjà du whisky. Elles sont
totalement différentes les unes des autres mais produisent
chacune avec leurs propres caractéristiques. À défaut de parler
d’un whisky breton, il existe aujourd’hui des whiskies de
Bretagne.

Warenghem
Léon Warenghem, un ancien contrôleur des impôts du Pas-de-
Calais, a fait la réputation de sa distillerie – créée en 1900 à
Lannion – avec l’Élixir d’Armorique, une liqueur à base…
d’armagnac. En 1967, le petit-fils du fondateur s’associe avec
Yves Leizour. Les deux hommes prennent la décision de
déménager la société à l’extérieur de la ville. Quand Gilles
Leizour, le fils, reprend le flambeau à la fin des années 1970, il
rachète même les parts de Paul-Henri Warenghem, sans
descendant. C’est lui qui se lance dans la production de whisky
en 1984 pour sauver la distillerie de son lent déclin.

Le premier whisky 100% breton, WB, sort au printemps 1987.


C’est un blend assemblé à partir de whisky de malt et de
whisky de blé, tous les deux distillés à repasse. Les premiers
pas sont compliqués. Dans les années 1980, le marché des
blends est dominé par des marques très bas de gamme
embouteillées à 30%. Le label « whisky breton » n’est pas
véritablement vendeur.

Pour capter l’attention des cavistes, Warenghem s’invente une


petite sœur, Ménez Bré, et crée une autre marque, Millin Guer.
La distillerie revend aussi du whisky de grain en vrac à Jacques
Fisselier, un entrepreneur rennais, qui le commercialise sous le
nom de Glenroc (il deviendra Gwenroc en 2003 pour échapper
aux poursuites de la Scotch Whisky Association). La stratégie
de Gilles Leizour est payante : en quelques années à peine, le
whisky breton est non seulement devenu une réalité mais aussi
un produit qui marche. En 1998, Warenghem lance Armorik, le
premier whisky de malt 100% breton. C’est aussi une première
en France. Et un vrai succès. Aujourd’hui, Warenghem a élargi
sa gamme de blends. Au côté de l’emblématique WB (75%
whisky de grain, 25% whisky de malt), figurent désormais
Breizh (40%) et Galleg (42%), deux assemblages à 50/50 entre
malt et grain. Quant à la gamme des single malts, elle
comprend : Armorik Édition Originale (40%), Armorik Classic
(46%), Armorik Double Maturation (ex-fût de bourbon puis ex-
fût de xérès) et Armorik Sherry Finish (affinage en ex-fût de
xérès).

Warenghem fournit toujours du whisky à Fisselier mais aussi


aux enseignes Carrefour et… Fauchon. La distillerie est
aujourd’hui dirigée par David Roussier, le gendre de Gilles
Leizour. En 2012, elle a fêté le 25e anniversaire du premier
whisky breton avec une édition limitée de WB mais aussi un
premier 10 ans d’âge. Ce qui a permis à la distillerie bretonne
de rentrer dans la cour des grandes.

Armorik Edition Originale a gagné l’une des deux premières


médailles d’or jamais attribuées au whisky français au
Concours général agricole en mars 2014.

Distillerie des Menhirs


Dans la famille Le Lay, on distille du lambig depuis plusieurs
générations à Plomelin (Finistère sud), l’une des capitales
officieuses de l’eau-de-vie bretonne. En 1986, Guy – alors prof
de physique et mathématiques – décide d’en faire son métier.
Le lambig ne pouvant être distillé que six mois par an, la
famille décide de se lancer dans la production de whisky… à
partir de sarrasin. Une première mondiale ! Des ingénieurs
agronomes de Quimper et un Breton devenu distillateur à
Cognac aident Guy Le Lay à mettre au point la recette de son
whisky. Eddu Silver (« ed » signifie « blé » en breton, « du » se
traduit par « noir ») voit le jour en 2002. C’est un succès.
Suivront le blend Grey Rock en 2003 et Eddu Gold en 2006.
Eddu Diamant âgé de 10 ans devrait voir le jour en 2014.
Aujourd’hui, la distillerie des Menhirs, équipée de deux
alambics, est dirigée par Erwan, Kevin et Loïg, les trois fils
d’Anne-Marie et Guy Le Lay. La gamme s’est étendue avec les
versions Brocéliande, assemblées avec des whiskies ayant
vieilli en fûts de chêne de la forêt de Paimpont. Un vrai conte
de fées.

Glann Ar Mor
La distillerie Glann Ar Mor (« bord de mer » en breton) à
Pleubian (Côtes-d’Armor) est le rêve un peu fou de Jean
Donnay et de sa femme Martine. Cet ancien publicitaire
parisien a d’abord monté Celtic Whisky Compagnie pour
affiner des whiskies écossais en Bretagne dans des fûts de
sauternes, de coteaux-du-layon ou d’armagnac. Une simple
étape. En 2005, après six ans d’efforts, son rêve aboutit enfin
sous la forme d’une merveilleuse petite distillerie à l’ancienne :
distillation à feu nu et condensation par serpentin. Le premier
whisky est commercialisé en septembre 2008. Kornog, une
version tourbée, suit en 2009. Chaque embouteillage est le
résultat de l’assemblage d’un tout petit nombre de fûts,
principalement ex-bourbon. Chaque année, le 19 mai, Glann Ar
Mor célèbre la Saint-Yves et la Saint-Erwan, saints patrons de
la Bretagne et des Bretons en commercialisant deux éditions
limitées.

Kaerilis
À l’initiative de Fabien Mueller, Kaerilis (« Belle-Île » en
breton) propose depuis 2006 une gamme de whiskies écossais
dont la maturation se poursuit sur l’île chantée par Laurent
Voulzy. C’est aussi depuis 2011 une toute petite distillerie
artisanale nichée dans une boutique du Palais, la capitale de
Belle-Île-en-Mer. Encore un peu de patience pour les premiers
whiskies.

L’Alsace
Pourtant terre de brasseurs et de distillateurs, il aura fallu
attendre la fin du XXe siècle pour qu’un premier whisky voie
le jour en Alsace. Avec la Bretagne, c’est aujourd’hui la région
française qui compte le plus de distilleries de whiskies.

Holl
Tout juste installé comme caviste, Gilbert Holl découvre la
distillation. En 1979. Il achète un premier alambic en 1982 et
s’exerce avec ses propres fruits. Au début des années 2000, il
se lance dans la production de whisky, à l’aide d’un tout petit
alambic de 150 litres ! Il est le premier en Alsace. Le single
malt Lac’Holl – quelques centaines de bouteilles vendues dans
un drôle d’étui en osier – sort en 2004. La gamme s’élargit en
2007 avec Lac’Holl Junior puis en 2009 avec Lac’Holl Vieil
Or. La production de ce whisky de malt léger, floral et très
parfumé reste encore aujourd’hui très limitée.
Lehmann
À la tête de la distillerie familiale depuis 1982, Yves Lehmann
se met à produire du whisky en 2001. Il opte pour un
vieillissement en fût de vin blanc exclusivement : sauternes,
bordeaux et coteaux-du-layon. Les premiers single malts ont
été lancés en 2008 sous le nom de Elsass Whisky. Ils sont
toujours disponibles en deux versions différentes : les whiskies
de malts vieillis huit ans en fûts de sauternes sont embouteillés
à 50%, les autres après sept années passées en ex-fûts de
bordeaux blanc sont réduits à 40%.

Elsass Whisky (40%) a gagné l’une des deux premières


médailles d’or jamais attribuées au whisky français au
Concours général agricole en mars 2014.

Meyer
Après avoir conseillé Mavela au début des années 2000, Jean-
Claude Meyer franchit le pas peu après en Alsace, avec ses
deux fils Arnaud et Lionel. Deux whiskies Meyer’s voient
simultanément le jour en 2007, un single malt et un blend. La
disparition de Jean-Claude Meyer en juillet 2008 ne stoppe pas
le développement et l’activité de la distillerie. Plus de
5 000 fûts vieillissent aujourd’hui dans un chai flambant neuf.
Oncle Meyer, un second blend, a vu le jour en 2013.

Bertrand, Hepp et AWA


Uberach compte un peu plus de 1 000 habitants mais une
brasserie et deux distilleries de whisky ! Sous la houlette de
Jean Metzger, la distillerie Bertrand produit depuis 2003 le
malt Uberach, lancé en 2006. La gamme comprend aussi des
whiskies plus « expérimentaux », vieillis en fût de vin (arbois,
pupillin ou banyuls). Un premier 10 ans d’âge a été lancé en
septembre 2013.

La distillerie familiale Hepp s’est lancée dans le whisky en


2005, à l’initiative du fils, Yannick. Aujourd’hui, un seul
embouteillage est commercialisé (depuis juillet 2008) sous le
nom de Tharcis Hepp. Cette distillerie fournit aussi du whisky
au principal embouteilleur indépendant français, AWA.

Authentic Whisky Alsace a été créé en 2010 par Denis Hanns.


Pour affiner des single malts alsaciens dans des fûts de
producteurs de vins (riesling, gewürztraminer, pinot gris) ou de
spiritueux locaux (fine, prune, cerise).

La Corse
Le whisky corse est devenu réalité en deux étapes, sans aucun
lien entre les deux.

C’est tout d’abord un vigneron, Pierre-François Maestracci, qui


importe du distillat écossais qu’il fait vieillir en fût de muscat,
de patrimonio ou de cap corse dans ses chais. Classic Altore est
mis en vente en juillet 2003, Dolce Altore et Private Reserve
(des blends), Altore Pure Malt et Reserve Moresca 8 ans (des
whiskies de malt) suivront.

P&M
Jean-Claude Venturini distille des eaux-de-vie depuis 1991.
Dominique Sialelli brasse depuis 1996 une bière aromatisée à
la châtaigne. C’est en octobre 2001 que Mavela et Pietra
s’associent pour lancer un whisky corse. Le single P&M est
embouteillé pour la première fois en décembre 2004, réduit
avec l’eau de la célèbre source Saint-Georges. Un Blend et un
Blend Supérieur suivront peu de temps après, assemblés avec
le single malt corse et du whisky de grain distillé sur le
continent. Depuis 2011, il existe aussi un 7 ans d’âge.

Nord-Pas-de-Calais
La région du Nord-Pas-de-Calais compte plusieurs brasseries et
distilleries mais seulement une produit du whisky.

Claeyssens
Classée monument historique en 1999, la distillerie Claeyssens
a été l’une des premières en France à se lancer dans l’aventure
du whisky. Dès 2003, Wambrechies 3 ans d’âge est lancé sur le
marché. En 2009, un 8 ans apparaît. Et la distillerie a créé
l’événement en 2013 en commercialisant les premiers 12 ans
d’âge français, vieillis en ex-fûts de madère et en ex-fûts de
xérès.

Haute-Normandie
Northmaen
La ferme brasserie de Northmaen, fondée en 1997 par
Dominique Camus et sa femme est la seule distillerie de
whisky de toute la Normandie. Depuis 2005, le couple met en
vente son Thor Boyo, un whisky de malt âgé de 3 ans distillé
dans un petit alambic ambulant. Son grand frère âgé de 5 ans et
embouteillé à 59% est disponible depuis 2010. En 2013, un
8 ans a été lancé sous le nom de Sleipnir.

Auvergne
La distillation de whisky est aussi arrivée en Auvergne mais
elle a pris des chemins détournés, à l’initiative d’un drôle de
personnage.

La distillerie de Monsieur Balthazar


Acteur de théâtre à la retraite, Olivier Perrier alias Monsieur
Balthazar distille du bourbon. Quoi de plus normal à Hérisson,
situé en plein… Bourbonnais (Allier) ? Hedgehog (hérisson, en
anglais) voit le jour en 2006. C’est un whisky de 3 ans d’âge
vieilli en fût de cognac. Depuis Monsieur Balthazar a amélioré
sa recette, repris du service en jouant le personnage de frère
Bruno dans le très beau film Des hommes et des dieux (2010)
de Xavier Beauvois et lancé Tronçais, une gamme de single
cask. Il a aussi vendu sa distillerie à un jeune ingénieur
agronome, tout en continuant de veiller… au grain.

Lorraine
En Lorraine, l’eau-de-vie locale est distillée à partir de
mirabelle, moins souvent à partir d’orge maltée. Pas étonnant
donc que La Maison de la Mirabelle soit à l’origine du premier
whisky lorrain.

Grallet Dupic
Hubert Grallet est distillateur de père en fils depuis plusieurs
générations lorsque sa fille se marie avec Christophe Dupic, un
jeune agriculteur céréalier. La Maison de la Mirabelle fera donc
aussi du whisky. En 2007, G. Rozelieures voit le jour. Il est
aujourd’hui disponible en trois versions, vieillies en ex-fûts de
xérès, en ex-fûts de sauternes et fumée en ex-fûts de vin du
Sud-Ouest.

Depuis 2011, il existe aussi sous le nom Lughnasadh dans les


boutiques « En passant par la Lorraine ». La distillerie Grallet
Dupic a aussi sorti en 2012 un whisky d’assemblage de malts
lorrain et alsacien sous le nom « Whisky de France ».

Franche-Comté
En Franche-Comté, deux distilleries coexistent dans cette
région frontalière de la Suisse.

La brasserie Rouget de Lisle


Après quelques essais infructueux, Bruno Mangin fait distiller
en mars 2006 ses premiers brassins chez l’un de ses voisins,
Pascal Tissot, propriétaire de la brûlerie du Revermont. Les
deux premiers whiskies Rouget de Lisle (ex-macvin, ex-vin de
paille) sortent fin 2009. En 2012, il achète son propre alambic
et se lance alors dans la production de trois whiskies : un
whisky de malt, un autre de seigle et un troisième à partir d’un
mélange d’orge et de maïs. En parallèle, il continue à
embouteiller quelques-uns des nombreux fûts en vieillissement
dans son propre chai.

La brûlerie du Revermont
La distillerie de Pascal et Joseph Tissot, basée à Neuvy-sur-
Seille (39), distillait autrefois pour le compte de Rouget de
Lisle, aujourd’hui pour la marque maison Prohibition lancée en
2011. Après un premier essai en fûts de savagnin, la gamme
comprend aujourd’hui des single malts vieillis dans de tout
petits fûts de 114 litres, ex-fût macvin et ex-vin de paille.

Limousin
Depuis peu, le Limousin est devenu acteur et plus seulement
fournisseur (de bois de chêne pour les fûts). Une petite
révolution.

Michard
Chez les brasseurs Michard, les premiers essais ont commencé
en 2005 à partir d’orge récoltée à Pithiviers et d’une levure
maison, patiemment sélectionnée et cultivée. Vendu en
mignonnette à la brasserie exclusivement dans un premier
temps, le whisky de malt a été lancé officiellement en
décembre 2012. Avec succès. Ce qui a conforté Julie et son
père Jean à poursuivre la distillation et les investissements
nécessaires.

Poitou-Charentes
On recense 5 000 alambics en Poitou-Charentes : record
mondial ! Mais on ne se bouscule pour produire du whisky au
pays du cognac. Un comble lorsqu’on sait que la distillation à
repasse – la marque de fabrique du whisky de malt – est
probablement originaire du coin.

Brunet
La distillerie Brunet produit un single malt certifié bio. Une
initiative qui a trouvé un écho favorable de l’autre côté de
l’Atlantique avec Brenne, un single malt exclusivement
disponible sur le marché américain.

Midi-Pyrénées
Aujourd’hui, le whisky s’installe même plein sud comme en
Midi-Pyrénées où les activités de distillation sont pourtant
l’apanage des eaux-de-vie de fruits.

Castan
Après plusieurs dizaines d’années de bons et loyaux services,
l’alambic ambulant de la famille Castan est définitivement
installé à Villeneuve-sur-Vère en 2010. Villanova Berbie, un
single malt certifié bio et vieilli en ex-fûts de gaillac, a été
commercialisé en avril 2013. Castan prévoit de mettre en vente
deux fûts par an. Bon courage pour trouver le seul whisky
tarnais !

Rhône-Alpes
Lyon et ses environs sont restés longtemps à l’écart du micro-
boom de la distillation de whisky en France. Encore
aujourd’hui, aucun whisky rhodanien n’est disponible. Et c’est
dans la montagne qu’il faudra bientôt aller cherche son
bonheur.
Domaine des Hautes Glaces
Jérémy Bricka et Frédéric Revol se sont mis en tête de réunir
sur un même site tous les savoir-faire : agriculture, maltage,
brassage, fermentation, distillation, vieillissement et
embouteillage. Un ingénieux système de droit à tirage permet
d’ores et déjà de réserver sa propre bouteille en attendant la
commercialisation des premiers whiskies. Pas avant 2015.

Champagne-Ardenne
Bénie des dieux pour ses vins, la Champagne-Ardenne ne
connaît pas la même réussite avec le whisky. Deux distilleries
existent pourtant dans cette région réputée pour son agriculture
céréalière, Guillon et la distillerie du Pays d’Othe. Elles
connaissent aujourd’hui des fortunes diverses.

Les embouteilleurs indépendants


Ce tour d’horizon ne serait pas complet sans mentionner les
embouteilleurs indépendants. Ils sont encore peu nombreux en
France mais on peut citer l’armagnacais Ryst Dupeyron
(Captain Burn), le bourguignon Maldant (Mac Malden), la
brasserie La Bercloise (Bercloux), la distillerie du Périgord
(Lascaw) ou les sociétés Black Mountain (BM) et Doz De
Dauzanges (Mysens). Mais le plus célèbre des embouteilleurs
indépendants s’appelle Michel Couvreur. Ce Belge s’installe en
1956 à Bouze-lès-Beaune en plein cœur de la Bourgogne
viticole. Il fait fortune en vendant du vin français aux Anglais
et aux Canadiens avant de s’intéresser aux whiskies et à leur
maturation. À partir de 1976, il sélectionne des eaux-de-vie,
achetées en Écosse, et des barriques en provenance d’Espagne.
Livrés en vrac, les whiskies sont ensuite affinés dans ses caves,
à quelques mètres sous terre. Sa gamme acquiert une petite
réputation auprès des cavistes, autant pour la qualité des
whiskies que le caractère entier du bonhomme. Michel
Couvreur est décédé à l’âge de 85 ans en août 2013 et c’est
désormais son gendre qui gère la société.

En 2013, la France a commercialisé environ 500 000 bouteilles


de whisky (0,25% de la consommation nationale). Au
maximum de leur production, les distilleries françaises
atteindront peut-être le million de flacons. Pas beaucoup plus
dans l’état actuel des choses. Ce sont pour la plupart des
entreprises familiales dont la capacité de production et la
surface financière ne sont pas vraiment compatibles avec une
production à plus grande échelle. Il n’empêche que le secteur
est dynamique et très porteur. C’est la raison pour laquelle un
certain nombre d’autres projets sont en cours de
développement. La brasserie de Fleurac à Ydes (Cantal),
Ninkasi à Lyon ou Dreum à Neuville-en-Avesnois (Nord) sont
potentiellement les prochains whiskies français. Éric Cordelle,
ancien supérieur hiérarchique de Jérôme Kerviel, le trader de la
Société générale, s’est reconverti en distillateur et a construit la
distillerie Moderne à Saint-Quay-Portrieux (Côtes-d’Armor).
Black Mountain Distillerie dans l’Hérault espère construire une
distillerie très prochainement. Mais la porte reste grande
ouverte pour des sociétés de plus grande envergure. La forte
demande mondiale pour le whisky conduira inévitablement les
marques historiques et réputées à choisir leurs marchés.
L’Europe ne sera probablement plus une priorité. Ce qui va
laisser le champ libre à de nouveaux acteurs. Pas étonnant donc
qu’un peu partout en Europe fleurissent de nouvelles
distilleries et marques.

L’Europe continentale, à la recherche du temps


perdu
L’Espagne
En dehors du Royaume-Uni, la plus ancienne distillerie de
whisky européenne, c’est en Espagne qu’on la trouve. Molino
de Arco , située à Palazuelos de Eresma (province de Ségovie)
date de 1959 et produit la marque DYC (groupe Jim Beam).
Depuis 2001, la distillerie familiale Liber à Grenade s’est
lancée dans la production de whisky avec le single malt
Embrujo.

La Belgique et les Pays-Bas


En Belgique, quatre distilleries sont aujourd’hui en activité :
The Owl Distillery (single malt The Belgian Owl) en
Wallonie ; Het Anker (single malt Gouden Carolus),
Radermacher (whisky de grain Lambertus) et Filliers (malts
et grain Goldlys) côté flamand.

La Hollande, berceau de la distillation de grain en Europe (la


société Bols existe depuis 1575 !) et pays à l’origine des taxes
sur l’alcool, ne compte que trois distilleries de malt en activité :
Us Heit (Frysk Hynder), Zuidam (Millstone) et la minuscule
Vallei Distilleerderij (Valley).

L’Allemagne

L’Allemagne a ceci de paradoxal : c’est assurément l’un des


poids lourds de la distillation de whisky en Europe (hors
Royaume-Uni, évidemment) et personne n’est au courant. La
plupart de la production est consommée localement et rares
sont les marques à bénéficier d’une distribution en dehors de
leur pays d’origine. Sachez qu’on produit du whisky dans
16 des 18 Länder . En 2013, 108 distilleries sont en activité,
dont une cinquantaine dans le Bade-Wurtemberg et une petite
trentaine en Bavière.

Tout commence en 1983 avec Robert Fleishmann, considéré


comme le père du whisky allemand. Propriétaire d’une taverne
située à Eggolsheim sur Neuse au nord de Nuremberg
(Bavière), il s’équipe d’un petit alambic typiquement allemand,
plus utile pour distiller du schnaps que du whisky. Les premiers
distillats sont enfûtés dans des petits tonneaux, non bousinés,
de chêne neuf. Devant leur succès au bar, Fleishmann se décide
à embouteiller son premier whisky en 1994, Piraten, un 8 ans
d’âge. Aujourd’hui, Blaue Maus propose une gamme de plus
de dix single malts.

Dans son sillage, plusieurs producteurs de schnaps vont alors


se tourner vers le whisky, en particulier dans le Souabe, entre la
Bavière et le Bade-Wurtemberg. La petite ville d’Owen devient
vite un centre d’intérêt majeur avec la présence des distilleries
Gruel (Teckel single malt dès 1988) et Rabel (Owen single
malt). Le whisky souabe (schwäbischer whisky) devient alors
une réalité avec plusieurs producteurs qui distillent
indifféremment des whiskies de grain – seigle, épeautre ou
blé – ou de malts (nombreux et différents grâce aux brasseries).
On peut citer parmi les plus connues en dehors de
l’Allemagne : Slyrs à Schlierse (Bavière), Spreewälder à
Schlepzig (Brandebourg) et son whisky Sloupisti,
Hammerschmiede à Zorge (Basse-Saxe) dont le single malt
Glen Els existe depuis 2006, Faber à Ferschweiler (Rhénanie
Palatinat) ou Sonnenschein (Rhénanie du Nord-Westphalie).

Avec les États-Unis, l’Allemagne est assurément le spécialiste


des whiskies de grain. Les alambics Carl ou Holstein se prêtent
idéalement à leur distillation. Beaucoup plus légers, et encore
très jeunes, les whiskies allemands n’ont pas encore trouvé leur
place sur le marché mondial. Mais cela ne saurait tarder car ils
sont faciles à produire et à boire. Et la nouvelle génération de
distillateurs arrive aujourd’hui à maturité. Comme ses
whiskies.

La Suisse, l’Autriche et le Liechtenstein


En Autriche et en Suisse, nombre de distilleries ont vu le jour
ces dernières années. Même le Liechtenstein et l’Italie, à la
frontière autrichienne, se sont mis à la production de whisky.

Depuis 1995, les deux premières distilleries autrichiennes –


Roggenhof et ReisetBauer – ont fait plusieurs émules parmi
lesquelles Weutz , Old Raven , Broger et Wolfram Ortner
aujourd’hui en activité.

En Suisse, la distillation n’est redevenue possible d’un point de


vue légal que le 1er juillet 1999. Quatre distilleries se sont
lancées dès cette année-là : Locher (single malt Santis) , les
confidentielles Hagen et Burgdorfer à Burgdorf et la brasserie
Hollen à Lauwil qui a distillé le premier jour de la levée de
l’interdiction. Aujourd’hui, les principales distilleries du pays
sont Whisky Castle (Castle Hill, Fullmoon et Terroir),
Destillatia (Olde Deer) ainsi que Etter à Zoug. Le dernier-né,
Monsteiner Whisky (5 ans d’âge), est produit par la plus haute
brasserie suisse, Biervision à 1 650 mètres d’altitude, juste au-
dessus de Davos. De quoi séduire les grands de ce monde.

Au Liechtenstein, Telser distille le single malt Telsington dans


deux tout petits alambics de 150 litres et 120 litres chauffés au
feu de bois. C’est la dernière en Europe, et peut-être au monde.

L’Italie
L’Italie a été un grand pays consommateur de whisky en
général et de single malt en particulier. On cite souvent la
marque J&B (Justerini & Brooks) – du nom d’un certain
Giacomo Justerini émigré au Royaume-Uni au XVIIIe siècle
après avoir suivi une chanteuse d’opéra britannique – pour
appuyer le propos. Mais c’est surtout pour une poignée
d’embouteilleurs indépendants que le pays s’est taillé une
sacrée réputation auprès des amateurs du monde entier. Les
embouteillages des années 1970 ou 1980 de (Silvano)
Samaroli, Moon Import, Sestante ou Intertrade s’échangent
aujourd’hui à des prix qui défient l’entendement. Quelques-
unes des plus grandes collections de whisky sont italiennes et
plusieurs Italiens – Giuseppe Begnoni, Fernando « Nadi »
Fiori, Massimo Righi ou Diego Sandrin – font toujours la pluie
et le beau temps sur le marché des whiskies de collection.
Depuis 2012, il existe aussi Puni , la première et unique
distillerie italienne de single malts. Oui, malts avec un « s »
puisque la mouture est constituée d’orge, de blé et de seigle
maltés. Le premier single malts européen.

Les pays scandinaves


Les pays nordiques ont toujours eu un rapport particulier à
l’alcool. On le vend dans des magasins d’État et souvent sous
condition. Il a longtemps été produit par des sociétés
nationalisées avec interdiction pour les particuliers ou les
sociétés privées de distiller. C’est l’entrée dans la Communauté
économique européenne qui a permis de libéraliser ce secteur
d’activité. Aujourd’hui, la production de whisky est accessible
à tout un chacun. Ce qui n’a pas manqué de booster le nombre
de distilleries en activité.

En Suède, Mackmyra a ouvert le bal des nouvelles distilleries


scandinaves dès 1999. La société exploite aujourd’hui deux
distilleries, situées dans les environs de Gävle, à 200 kilomètres
au nord de Stockholm. La première, une installation à
l’ancienne dans un ancien village ouvrier, date de 2003. La
seconde dans la périphérie de Gävle est un tour de force
architectural et technique. Imaginez une tour de verre de
30 mètres de haut. À chaque étage, se trouve une des étapes de
la production de whisky. L’ensemble des ingrédients circule
d’un niveau à un autre par gravité. Superbe et ingénieux.
Mackmyra a aussi fait sa réputation en permettant l’achat par
souscription de petits fûts de 30 litres dont une majorité en
chêne neuf suédois qui accélère le vieillissement de ses
whiskies. Aujourd’hui, la Suède compte… une dizaine de
distilleries de single malt en activité : Wannborga , Hven ,
Box , Smögen , Grythyttan , Norrtelje , Bergslagen ,
Gammelstilla et Gotland .

Avec cinq distilleries en activité – Braunstein , Stauning ,


Ørbæk Fary Lochan et Trolden –, le Danemark est l’autre
grand gagnant du boom de la micro-distillation en Scandinavie.
En Finlande, l’État a produit un whisky entre 1981 et 2000 :
Alko était fabriqué à Ilmajoki dans l’usine de Koskenkorva .
Depuis, trois restaurants-brasseries (pour des raisons légales)
ont repris le flambeau : Beer Hunter’s (Old Buck), Koulou
(Sgil) et surtout Teerenpeli . En Norvège, l’unique distillerie
Agder produit Audny depuis 2007.
Chapitre 12

Les Amériques, du bourbon aux


whiskeys

Dans ce chapitre :
Les États-Unis, le retour des pionniers
Canada, après l’hiver le printemps
Les belles promesses de l’Amérique du Sud

L a production de spiritueux aux États-Unis est riche d’une


histoire qui remonte aux pionniers. Mais la Prohibition entre
1920 et 1933 a presque laissé pour mort un secteur d’activité
jusqu’alors florissant et dynamique. Seules six distilleries
eurent l’autorisation de poursuivre leurs activités de distillation
et toutes n’en profitèrent pas, incapables de produire de l’alcool
médicinal, le seul autorisé. Par conséquent, les États-Unis ont
été rayés de la carte mondiale des pays producteurs.

Le Canada a profité de la Prohibition et de sa position


géographique pour devenir un grand pays producteur et
imposer un style de whisky, le sien, avant de décliner peu à
peu. Il revient aujourd’hui sur le devant de la scène et par
l’ouest.
L’Amérique du Sud est scrutée à la loupe par le petit monde du
whisky pour son aptitude à consommer, plus qu’à produire.
Jusqu’à quand ?

Aux États-Unis, le retour des pionniers


La Prohibition (1920-1933) a presque eu raison de la
distillation de whisky aux États-Unis. Il aura donc fallu
cinquante ans pour effacer cette période sombre de l’histoire
des spiritueux. Cinquante ans au cours desquels quelques
distilleries seulement – celles qui étaient les plus solides avant
la Prohibition – ont su profiter de leur situation, dans le
Tennessee et le Kentucky, pour imposer leurs whiskeys, dont ce
fameux bourbon.

Le renouveau est venu du boom des micro-brasseurs au début


des années 1980. Il a entraîné la création des premières
distilleries nouvelles générations. Beaucoup sont partis d’une
feuille blanche, sans aucunement s’intéresser à ce qu’il se
faisait ailleurs, distillant comme aux premiers jours. Ou
presque. Ce qui donne des spiritueux pour certains très
originaux.

La carte d’identité du whiskey


américain
Le whiskey est un spiritueux distillé à partir d’un moût
de céréales fermenté à un degré inférieur à 190 ° proof
(95%), de manière à ce que le distillat ait le goût, les
arômes et les caractéristiques généralement attribués au
whiskey, conservé dans des fûts de chêne et
embouteillé au degré minimum de 80 ° proof (40%).
Depuis le 4 mai 1964, les différents types de whiskeys
sont ensuite définis comme suit :
le bourbon, le whiskey de seigle (rye whiskey ), le
whiskey de blé (wheat whiskey ), le whiskey de malt
(malt whiskey ) ou le whiskey de seigle malté (rye
malted whiskey ) sont des whiskeys élaborés à partir
d’un moût de céréales fermentées avec 51%
minimum, respectivement, de maïs, de seigle, de blé,
d’orge maltée ou de seigle malté, distillés à un degré
inférieur à 160 ° proof (80%) et conservés dans un fût
de chêne neuf, bousiné, à un degré maximum de 125 °
proof (62,5%).
le whisky de maïs (corn whiskey ) est un whiskey
distillé à partir d’un moût brassé avec 80% minimum
de maïs à un degré inférieur à 160 ° proof (80%) et
conservé dans un fût de chêne neuf ou usagé, bousiné,
à un degré maximum de 125 ° proof (62,5%).
Si le whiskey conforme à l’un des types énoncés ci-
dessus a été conservé au moins deux ans ou plus dans
le type de fût en chêne prévu par la loi, il pourra être
appelé « straight whiskey », par exemple « straight
bourbon whiskey » ou « straight corn whiskey ».
L’appellation « straight whiskey » s’applique aussi au
mélange de straight whiskeys produits dans un même
État.
Il existe également deux autres catégories : le whiskey
light (light whiskey ), distillé aux États-Unis à un degré
supérieur à 160 ° proof (80%) et le whiskey
d’assemblage (blended whiskey ), un mélange de
whiskeys qui contient au minimum 20% de straight
whiskeys.
Petite explication de texte
Derrière une apparente complexité, cette réglementation laisse
une vraie souplesse au distillateur puisqu’il est libre de
composer sa propre recette à partir de quatre céréales de base :
le maïs, le blé, le seigle et l’orge. Et c’est là toute la différence
du whiskey américain comparé au whisky européen. Le
premier est un mélange de céréales, le second un assemblage
d’eaux-de-vie.

L’utilisation de fûts neufs pour l’appellation bourbon est


devenue obligatoire le 4 mai 1964. Ce qui n’est plus une
obligation pour tous les autres types de whiskeys, qui peuvent
vieillir en fût usagé depuis le 1er janvier 1970. Le législateur
n’a pas profité de ces deux modifications pour introduire une
taille minimum de fût.

Il existe de nombreuses marques de whiskey light et de


whiskey d’assemblage commercialisées aux États-Unis mais
aucune n’est vendue en Europe. En revanche, le type 2
(whiskey) est de plus en plus courant, en particulier aux États-
Unis, car certaines marques très connues n’hésitent plus à
commercialiser leur whisky après les avoir fait vieillir en fût
usagé. Profitant de leur nom et de leur renommée, elles
préfèrent renoncer à l’appellation bourbon pour faire des
économies.

Un secteur bouillonnant
Depuis la fin de la Prohibition en 1933 jusqu’au milieu des
années 1980, seule une vingtaine de distilleries était en activité
et concentrée dans deux États, le Kentucky et le Tennessee. À
tel point que beaucoup d’amateurs encore aujourd’hui sont
persuadés que l’appellation bourbon est intimement liée à
l’État du Kentucky. Ce qui n’est pas le cas. Et fort
heureusement pour les 175 distilleries en activité aujourd’hui.
À l’origine de cet engouement pour la micro-distillation, des
brasseurs installés depuis plusieurs années qui franchissent une
étape supplémentaire. Mais aussi des Américains qui agissent
comme leurs ancêtres en pionniers, libres et entrepreneurs.
Cette génération presque spontanée de distillateurs fait souffler
un vent nouveau sur le marché américain des spiritueux en
général et du whiskey/bourbon en particulier. Toutes les
expérimentations sont possibles, ce qui peut déboucher sur le
meilleur mais aussi le pire.

L’alternative artisanale
Cette extrême liberté pousse tous les producteurs ou presque à
adhérer à l’American Distilling Institute. Fondé par un pionnier
brasseur, Bill Owens, ce regroupement avait initialement pour
but d’apporter une aide technique et juridique aux nouveaux
venus en partageant les expériences. Il s’est peu à peu
transformé en syndicat protégeant les distillateurs mais aussi
leur esprit artisan. C’est ainsi qu’est né le label « certifié
distillé de façon artisanale » (certified craft distilled ). Il
concerne les spiritueux :

produits par une distillerie indépendante (moins de 25%


du capital peuvent être détenus par un autre alcoolier) ;
dont les ventes doivent être inférieures à 52 500 caisses
de 9 litres (630 000 bouteilles) ou la production inférieure
à 100 000° proof ;
avec un caractère propre au style maison défini par le
distillateur ;
qui supervise tous les aspects de la production.

Une centaine de whiskeys a été labélisée ainsi depuis


juillet 2013. Ils représentent aujourd’hui une alternative aux
grandes marques de bourbon. Même si en raison d’une
production réduite, beaucoup resteront à jamais des produits
locaux, on peut parier que parmi ces marques artisanales
d’aujourd’hui figurent quelques-unes des grandes marques
mondiales de demain. De Jim Beam à Jack Daniel’s, tous ont
commencé ainsi. Petit tour d’horizon des forces en présence,
les historiques, les challengers et les distilleries artisanales

Les historiques

Le Kentucky
Le Kentucky et son bourbon sont aux États-Unis ce que sont
l’Écosse et son single malt au Royaume-Uni. On dit même
qu’il y aurait plus de fûts de bourbon en vieillissement
(5 millions) dans l’État que d’habitants (4,7 millions). C’est
dire. Mieux, les villes de Louisville, Bardstown et Frankfort
forment un triangle d’or, comme Keith, Dufftown et Elgin dans
le Speyside. C’est en effet dans ce territoire du nord du
Kentucky que l’on retrouve toutes les grandes distilleries de
bourbon, pour la plupart mondialement connues. Depuis le
début des années 2000, d’autres distilleries ont ouvert leurs
portes, colonisant peu à peu l’ensemble de l’État.

Tous les principaux producteurs du Kentucky sont regroupés


dans une puissante association, Kentucky Distiller’s
Association. Son rôle est de défendre l’appellation bourbon et
d’en faire la promotion. À ce titre, elle a créé deux circuits de
visites, l’un passe par les distilleries historiques, l’autre par les
distilleries artisanales.

Autour de Frankfort
Située au centre-nord du Kentucky, la ville de Frankfort en est
la capitale. Quatre distilleries sont installées dans ses parages,
parmi les plus mondialement connues. Four Roses produit dix
eaux-de-vie différentes à partir de deux recettes (OE : 75% de
maïs, 20% de seigle et 5% d’orge et OB : 60% de maïs, 35% de
seigle et 5% d’orge) et cinq types de levure : F, K, Q, O et V.
Sa création remonte à 1818 et elle partage des chais de
vieillissement avec sa voisine, Wild Turkey . Elle date de 1869
mais doit son succès à un seul homme : Jimmy Russell qui en
est resté cinquante-cinq ans ( !) le maître distillateur de 1955 à
2010 ! Buffalo Trace est un véritable trésor. Classée
monument historique en 2013, elle peut se targuer de produire
du whisky sans interruption (même pendant la Prohibition)
depuis sa création en 1812.

En 1984, sa marque Blanton’s – avec un cheval ornant le


bouchon – révolutionne le petit monde du bourbon en
commercialisant les premiers single barrels (fût unique). Le
concept a été depuis repris par de nombreuses marques.

Enfin, Woodford Reserve tient une place à part dans l’histoire


du bourbon puisque c’est là que James Crow aurait inventé la
technique du moût aigre (sour mash ), à l’origine de tous les
bourbons dits modernes. C’est aussi l’une des rares aux États-
Unis qui pratique la triple distillation depuis sa réouverture en
octobre 1996. Attention, cependant, son embouteillage vedette
est assemblé à partir de whisky produit ici même et à Early
Times.

Autour de Louisville
La ville natale de Mohamed Ali abrite deux distilleries :
Bernheim/Heaven Hill et la petite Early Times, toutes deux
situées dans la banlieue de Shively.

Early Times date de 1940 et produit deux marques distinctes.


Early Times est un whisky à l’ancienne (79% de maïs, 11% de
seigle et 10% d’orge), Old Forester plus moderne (70% de
maïs, 18% de seigle et 12% d’orge).
L’histoire de Bernheim est une tragédie en deux actes qui se
termine bien. Construite en 1992 pour rassembler la production
de différentes marques sur un même site, elle est fermée en
1999. Entre-temps, la distillerie Heaven Hill située à
Bardstown est entièrement détruite lorsque la foudre tombe sur
l’un de ses chais en 1995. Le malheur des uns faisant le
bonheur des autres, Heaven Hill s’installe à Bernheim. La
distillerie est réputée pouvoir produire des dizaines de marques
à partir de deux recettes, l’une classique, l’autre dans laquelle
le seigle est remplacé par du blé.

Autour de Bardstown
Même si elle est considérée comme la capitale du bourbon, la
ville de Bardstown n’accueille plus qu’une seule distillerie,
Willett , qui a été remise en activité en 2012, de manière plus
ou moins expérimentale. De Heaven Hill, qui a été détruite par
un incendie en 1995, il ne reste que les chais de vieillissement,
gros Lego blanc à perte de vue posés sur une pelouse verte
immaculée.

Cela dit, la ville vaut aussi pour son incroyable musée dédié au
bourbon, le Oscar Getz Museum of Whiskey History et son
festival qui a lieu chaque année en septembre, le Kentucky
Bourbon Festival. C’est aussi de là que partent les deux circuits
de visite de toutes les distilleries du Kentucky : le Kentucky
Bourbon Trail passe par les distilleries historiques et le
Kentucky Bourbon Trail Craft Tour par les distilleries
artisanales.

Mais la région de Bardstown, c’est historiquement le fief de


Jim Beam . Le leader des bourbons américains possède deux
distilleries dans les parages. Celle de Clermont – qui s’est
appelée Old Tub jusqu’en 1942 – date de 1933. Celle de
Boston, construite en 1953, a été rebaptisée du nom de son plus
célèbre distillateur Booker Noe (1929-2004), qui descendait en
droite lignée du fondateur. C’est lui introduit le concept de
small batch (assemblage en lot de moins de dix fûts)
révolutionna l’industrie du bourbon en 1989. Les recettes (deux
ou trois, nul ne sait) de Jim Beam sont toujours restées secrètes.
Chaque embouteillage est assemblé à 50/50 entre les eaux-de-
vie de Clermont et Boston.

Jim Beam produit également les marques Knob Creek et Basil


Hayden (deux bourbons plus marqués par le seigle), Old
Taylor, Old Overholt et le cultissime Old Crow.

À côté d’un aussi illustre voisin, la distillerie Tom Moore a


bien du mal à exister. Elle date de 1899 et n’a été remise en
marche qu’en 1944. Ses marques – Barton, Tom Moore ou
Ridgemont –ne sont pas véritablement distribuées en Europe.

Un peu plus au sud, dans la ville de Loretto, se trouve la


dernière des grandes distilleries historiques du Kentucky :
Maker’s Mark . La distillerie a été remise en état en 1953
seulement par Bill Samuels Sr. Il décida de changer la recette
de ses ancêtres en remplaçant le seigle par du blé : 70% de
maïs, 16% de blé et 14% d’orge. Il imposa ensuite que Maker’s
Mark soit appelé whisky, pas bourbon. Une seconde distillerie,
réplique identique de la première, a été construite à côté en
1996.

Le Tennessee
Cet État frontalier du Kentucky est au moins aussi connu que
son illustre voisin. Car il abrite l’une des marques les plus
mondialement connues : Jack Daniel’s. Il se différencie par une
petite subtilité, le Lincoln County Process (voir chapitre 9).
Derrière ce terme barbare, se cache un procédé relativement
simple : la filtration à travers une épaisse couche de bois.
Depuis 1941, Jack Daniel’s – qui était la seule distillerie en
activité du Tennessee – avait décrété que son whisky n’était pas
un bourbon mais un Tennessee whisky à cause de cette
particularité. Créée en 1956, la distillerie George Dickel en a
aussi adopté le principe. Ce fameux Tennessee whiskey n’a
donc été produit que par deux distilleries pendant de longues
années. Et l’appellation Tennessee whisky n’existe légalement
que depuis le 1er juillet 2013.

Jack Daniel’s
Plus personne ne sait quand Jasper Newton Daniel a construit
sa distillerie. Probablement vers 1866. Plus personne ne sait
non plus pourquoi la version la plus vendue de ce whisky, qui
contient une faible proportion de seigle (8%), porte le nom de
Old n° 7. Comble de l’ironie, la ville de Lynchburg, siège de
Jack Daniel’s se situe dans un comté qui ne voit pas l’alcool
d’un très bon œil… L’interdiction de production a été levée en
1938 mais la vente d’alcool à la distillerie n’est possible que
depuis 1995. Et depuis 2012, Jack Daniel’s est autorisée à faire
goûter ses visiteurs : 1 once (3 cl) par personne maximum.
1 goutte d’eau(-de-vie) au regard des 150 millions de bouteilles
vendues chaque année (deuxième marque mondiale).

George Dickel
La distillerie George Dickel porte le nom d’un émigré allemand
arrivé en 1853 dans le Tennessee où il s’établit en tant que
grossiste… en whiskey. C’est son beau-frère, un certain Victor
Schwab, qui racheta en 1888 la distillerie Cascade dont Dickel
embouteillait et vendait le whisky depuis longtemps (sans
« e », George Dickel pensait que le whisky qu’il vendait était
aussi bon que celui des Écossais). L’actuelle distillerie George
Dickel, située à… Cascade Hollow, date de 1958, son whisky
de 1964.
L’appellation Tennessee
whisky
Voici les termes de cette appellation : Une boisson
alcoolisée ne pourra pas faire l’objet d’une publicité,
être décrite, étiquetée, appelée, marketée et vendue
sous les appellations « Tennessee Whiskey »,
« Tennessee Whisky », « Tennessee Sour Mash
Whiskey » ou « Tennessee Sour Mash Whisky » sauf si
elle a été :
1. Fabriquée dans le Tennessee ;
2. Empâtée à partir de grains dont au moins 51% de
maïs ;
3. Distillée à un degré inférieur à 160 ° proof (80%) ;
4. Vieillie dans un fût de chêne neuf et bousiné ;
5. Filtrée à travers une couche de charbon de bois
d’érable avant son vieillissement ;
6. Logée en fût à un degré maximum de 125 ° proof
(62,5%) ;
7. Embouteillée au degré minimum de 80 ° proof
(40%).
Tout producteur qui violerait ce décret pourrait se voir
infliger une suspension ou une révocation de sa licence
pour une période minimum d’un an.
La filtration sur charbon de bois d’érable préalablement
au vieillissement ne s’applique pas à la distillerie située
dans un comté qui a autorisé la distillation par
référendum entre le 1er janvier 1979 et le 1er janvier
1980, à la condition que cette distillerie ait obtenu sa
première licence entre le 1er janvier 2000 et le 1er
janvier 2001*.
*Cet alinéa a été rajouté pour que la distillerie Prichard,
créée en 2000 dans le comté de Lincoln mais ne
pratiquant pas la filtration sur charbon de bois, puisse
continuer à bénéficier de l’appellation Tennessee
Whiskey.

Les challengers
Pour toute la communauté des micro-distillateurs américains de
whiskey, la figure tutélaire a pour nom Fritz Maytag. Basé à
San Francisco (Californie), ce pionnier de la micro-brasserie (il
a acheté Anchor Brewing en 1965) crée l’événement en 1993
avec Old Potrero, un whiskey de seigle distillé comme au
XVIIIe siècle. Clear Creek en 1985 à Portland (Oregon) est
ensuite la première à commercialiser MacCarthy, un véritable
single malt 100% américain en 1999. Il est suivi par St
George et Charbay , deux autres distilleries californiennes.

À la fin des années 1990 et au début des années 2000, une


seconde vague de distillateurs prend ensuite le relais. Plus
nombreux et mieux organisés, ils vont poser les jalons d’un
renouveau durable et économiquement viable. C’est ainsi que
sont créées les distilleries Edgefield (Troutdale, Oregon),
Lexington (Lexington, Kentucky), Prichard (Kelso,
Tennessee) par Phil Prichard, Copper Fox (Sperryville,
Virginie), Triple Eight (Nantucket, Massachusetts), Green
Mountain (Stowe, Vermont), Nashoba (Bolton,
Massachussetts), Stranahan (Colorado) ou Tuthilltown
(Gardiner, New York).

Les apprentis sorciers


Aujourd’hui, il est absolument impossible de donner le nombre
exact de distilleries qui produisent du whisky aux États-Unis.
Non seulement, il s’en crée tous les jours ou presque, mais
surtout, les nouveaux distillateurs américains, troisième
génération et suivantes, expérimentent tellement et sans cesse
que tous les spiritueux produits ne peuvent pas tous prétendre à
l’appellation single malt, whiskey ou bourbon. Pourtant,
certains spiritueux distillés aujourd’hui deviendront peut-être
malgré eux des whiskeys, après quelques années de
vieillissement. Car la mode est au white dog , ce fameux
distillat que l’on récupère à la sortie immédiate de l’alambic.
Toutes les distilleries artisanales en vendent, en attendant que
vieillisse leur spiritueux. Le succès est tel que même Jack
Daniel’s et Jim Beam y sont allés de leur propre version :
Unaged Rye pour le premier, Jacob’s Ghost pour le second.

Les pionniers des premières années ont laissé aujourd’hui la


place à des apprentis sorciers. Rien de péjoratif dans cette
appellation. La plupart maîtrisent parfaitement la chimie de la
fermentation et la physique de la distillation. Mais en essayant
de nouvelles céréales, de nouvelles recettes, des conditions de
vieillissement différentes, ils sont en train d’écrire une nouvelle
page de la distillation aux États-Unis. Parmi eux, certains se
sont déjà fait remarquer comme Chip Tate, fondateur de
Balcones (Waco, Texas) ou Darek Bell, celui de Corsair
(Nashville, Tennesse). Le premier s’est rendu célèbre avec True
Blue, un whisky distillé à partir d’une variété de maïs… bleu !
Le second a publié un livre qui recense 100 recettes de
whiskies… alternatifs (comprendre différents) !

Il y a environ 500 micro-distilleries aux États-Unis, réparties


dans une quarantaine d’États. 175 d’entre elles produisent des
whiskeys, au sens le plus large du terme. Attention, les États-
Unis sont en train de reprendre la main.
Le Canada, après l’hiver, le printemps
Le Canada est l’un des plus gros pays producteurs de whisky,
encore aujourd’hui, en raison de sa proximité avec les États-
Unis. À tel point que l’on parle d’un style de whisky canadien,
sans que l’on sache très bien à quoi il ressemble. Il faut dire
que les méthodes de production dans ce pays sont très
particulières.

Canadian whisky ou canadian


rye whisky
La définition légale du canadian whisky ou canadian
rye whisky est la même qu’en Écosse. Le whisky
canadien ou le whisky de seigle canadien est un whisky
produit au Canada à partir d’un empâtage de céréales
qui a été fermenté puis distillé et enfin vieilli dans des
fûts de chêne dont la capacité n’excède pas 700 litres
pendant trois ans minimum. Il doit présenter la couleur,
l’arôme et le goût généralement attribués au whisky
canadien. Historiquement et dans les faits, c’est un
assemblage de plusieurs eaux-de-vie, l’une plutôt
neutre, l’autre ou les autres – il peut y en avoir une ou
plusieurs – dite(s) aromatique(s). Le spiritueux neutre
est produit dans un alambic à colonne à partir d’un
empâtage de différentes céréales cuites : blé, maïs, orge
ou seigle. Il peut être redistillé une ou deux fois, en
fonction de la teneur en alcool désirée. Il est mis à
vieillir sous bois et servira de base – comme le whisky
monograin écossais – aux futurs assemblages. Les
spiritueux aromatiques sont distillés – une, deux ou
trois fois – à partir d’un empâtage dans lequel au moins
une céréale domine, souvent du seigle, parfois de
l’orge. Ensuite, les eaux-de-vie sont assemblées en
fonction de la typicité de chacune des marques.

Le whisky canadien est donc un whisky de marque plus que de


distillerie, en raison de l’importance de la recette et de
l’assemblage. En cela, il est proche des blends écossais. À la
différence près que chaque whisky provient généralement
d’une seule et unique distillerie (single blend ?) et que le seigle
(sous forme de céréale et/ou d’eau-de-vie) fait toujours partie
intégrante de la recette. C’est d’ailleurs lui qui a donné ses
lettres de noblesse au whisky canadien. Seul inconvénient de la
définition légale, aucun minimum de seigle n’est imposé, que
le whisky soit nommé canadian whisky ou canadian rye whisky
!

Aujourd’hui, le whisky canadien a perdu de sa superbe,


particulièrement en Europe. Mondialisation et concentration
obligent, les sociétés (Seagram, Hiram Walker) créées par ses
grandes figures (Edgar Bronfmann, Hiram Walker) ont été
absorbées et ne sont plus « canadiennes ». Cependant une
nouvelle génération de distillateurs de single malt, encouragée
par le succès de ce type de whisky, est en train de remettre le
pays sur la carte mondiale du whisky. Et sa production n’est
plus seulement concentrée à l’est du pays même si toutes les
distilleries sont toujours situées au plus près de la frontière
américaine.

Autour de Toronto
Toronto a abrité la plus grande distillerie canadienne, celle de
la société Gooderham & Worts entre 1860 et 1990 (elle
distillait du rhum depuis 1957). Aujourd’hui, cet immense
complexe industriel, dont une partie a été classée monument
historique, est un quartier huppé – Distillerie District – de la
capitale de l’Ontario. Une micro-distillerie, Toronto Distillery
, a vu le jour en 2013, ressuscitant un passé pas si lointain.

De toutes les grandes distilleries historiques du Canada, une


seule est restée en activité, Hiram Walker à Windsor juste en
face de Detroit. Construite en 1858, rebâtie en 1955, elle
produit le célèbre Canadian Club, mais aussi Wiser’s et
Gibson’s, très peu connus en Europe. Lancée en 1965,
Canadian Mist a d’abord été une marque dont le succès
fulgurant a entraîné la construction d’une distillerie sur les
bords du lac Huron deux ans plus tard. La troisième distillerie
de la région est Forty Creek , fondée en 1992 par un vigneron.
John Hall produit du whisky comme on le ferait pour du vin, en
distillant et en élevant ses eaux-de-vie céréale par céréale,
comme des cépages. Ne lui reste plus qu’à les assembler et
c’est ainsi que Forty Creek connaît un grand succès.

Plus à l’est
Glenora créée en 1990 a tenu tête à la Scotch Whisky
Association qui voulait lui interdire de commercialiser ses
whiskies sous la marque Glen Breton. Avec succès puisque le
nom de ce cap de la… Nouvelle-Écosse lui a été officiellement
attribuée en 2010. Deux micro-distilleries ont vu le jour en
2012 dans l’Ontario, Still Water à Concord et Dillon à
Beamsville.

Du côté du Québec, il n’existe plus qu’une seule distillerie en


activité, Valleyfield . Créée en 1945, elle est située juste au sud
de Montréal. Elle produit les marques OFC et Golden
Wedding, pas commercialisées en Europe.

Au centre
Crown Royal a été lancé en 1939 à l’occasion de la visite du
roi britannique George VI, sa femme et leur fille Elizabeth. Ce
whisky est aujourd’hui produit à Gimli, une distillerie
construite en 1969 dans l’État de Manitoba, un peu au nord de
Winnipeg. La distillerie est équipée de plusieurs types
d’alambics, dont certains uniques au Canada (alambic à
chaudière, Coffey still). Ce qui lui permet de produire plein de
styles de whiskies différents pour assembler la marque
canadienne la plus vendue dans le monde.

Une micro-distillerie de whisky a aussi vu le jour dans l’État de


Saskatchewan, à Lumsden en 2011. Last Mountain whisky est
sorti en 2013.

En Alberta
Les grandes plaines fertiles d’Alberta au pied des montagnes
Rocheuses sont idéales pour la production de céréales.
D’ailleurs le Grand Ouest canadien est historiquement un
territoire d’agriculteurs. Trois distilleries sont installées dans
cette région, Alberta depuis 1967, Highwood et Black Velvet
qui existent respectivement depuis 1974 et 1973.

Plus à l’ouest
La Colombie britannique et plus particulièrement la région de
Vancouver attirent l’attention des amateurs aujourd’hui. En
quelques années à peine, cinq distilleries de malt ont vu le jour.
Urban en 2007, Pemberton , Shelter Point et Victoria en
2008 et Okanagan à Vernon (la société avait déjà une
distillerie d’eau-de-vie à Kelowna) en 2011. Urban whisky est
une curiosité : chaque bouteille est vendue avec un morceau de
douelle, supposée infuser le whisky. Selon son producteur,
chaque semaine passée équivaut à une année de vieillissement
supplémentaire. Hum.
Le Canada, après avoir connu une période très faste fin XIXe ,
début XXe , semble revenir sur le devant de la scène. Même si
le marché américain reste toujours celui qui intéresse en
priorité les producteurs de whisky canadien, l’Europe sera
probablement une destination de choix pour la nouvelle
génération de distillateurs. Et particulièrement pour ceux qui
ont fait le choix du whisky de malt. À suivre donc.

Les belles promesses de l’Amérique du Sud


Argentine, Brésil et Venezuela sont trois pays que l’industrie du
whisky scrute avec la plus grande vigilance. Ils représentent
des marchés immenses : les deux premiers en raison de leur
population importante, le troisième car il affiche la plus grande
consommation par habitant (plus d’un litre par an).

Dans cette partie du monde, cependant, la production de single


malts n’existe pas ou presque. On ne recense que deux
distilleries de malt en activité. Union Distillery au Brésil vend
surtout en vrac le single malt qu’elle produit depuis 1972 à
Veranopolis. On peut cependant trouver quelques bouteilles de
Union Club Whisky, la marque maison. La Alazana se situe en
Argentine, à Golondrinas en Patagonie. Elle a été créée en 2011
par deux amateurs.

En revanche, il existe de nombreuses distilleries de grain dans


tous les pays d’Amérique latine. Leurs eaux-de-vie sont
mélangées avec des whiskies écossais, américains ou canadiens
pour produire des marques locales de blends, appelées wisky
nacional ou wiskies criadores . On citera ainsi Drury’s, Natu
Nobilis ou Old Eight au Brésil ; Blender’s Pride, Breeder’s
Choice ou River Queen en Argentine ; Dunbar, Golden’s King,
Gregson’s ou Mac Pay en Uruguay ; Master’s Choice ou Old
Regal au Venezuela.
La législation sud-américaine n’impose qu’un minimum de
deux ans pour l’appellation whisky et un degré minimum de
40%. Malgré des contraintes réduites, les whiskies 100% sud-
américains ne sont pas près d’envahir le monde.
Chapitre 13

Un monde de whiskies

Dans ce chapitre :
Le Japon, dans la cour des grands
L’Inde, un géant en embuscade
Taiwan, l’île au trésor
L’Australie et cette diablesse de Tasmanie
Afrique, le Sud ne perd pas le nord

L’ Asie est le nouvel eldorado du whisky. Pour les producteurs


historiques pour qui le marché asiatique est la promesse de
(nouveaux) lendemains qui chantent. Pour l’amateur également
avec une offre qui ne cesse de s’élargir.

Dans le sillage du Japon, de nouveaux pays producteurs


émergent, tels que l’Inde ou Taiwan. Ils ne sont pas les seuls. À
croire que produire sur une île est un facteur positif,
l’Australie, et plus particulièrement l’île de Tasmanie, sont en
train se tailler une sacrée réputation, dans une effervescence
indescriptible. Seul le continent africain échappe pour le
moment à la folie du whisky, sauf l’Afrique du Sud.

Comme pour le vin, une consommation importante entraîne tôt


ou tard un processus de production. Et c’est encore plus facile
pour le whisky pour qui la notion de terroir n’existe pas. La
bonne surprise peut donc venir de n’importe où. Qui m’aime
me suive !

Le Japon, dans la cour des grands


Grâce au film Lost in Translation (le héros part à Tokyo tourner
une publicité pour le blend Hibiki) de Sofia Coppola sorti en
2003, l’Europe et les États-Unis ont découvert qu’il existait du
whisky japonais. Depuis, il a dépassé le seul cercle des
amateurs avertis. Le whisky nippon connaît en effet un grand
succès dans tous les pays dans lesquels il est disponible.

Précurseur des whiskies du monde, le Japon a ouvert la voie à


un certain nombre de nouveaux pays asiatiques producteurs. Il
entraîne aujourd’hui dans son sillage l’Inde ou Taiwan, fers de
lance d’une production qui ne demande qu’à séduire de
nouveaux palais. Ces trois pays sont parmi les grands
consommateurs de whisky, il y a donc une certaine logique à
les savoir producteurs. Ils ne sont pas les seuls même si les
autres principaux pays consommateurs – Thaïlande, Corée du
Sud, Chine ou Vietnam – de cette région du monde n’existent
pas côté production.

En revanche, Australie et Afrique du Sud, qui apparaissent


régulièrement dans les classements de pays consommateurs,
ont aussi franchi le pas. On peut même parler de véritable folie
en Australie tant le nombre de distilleries en activité est
aujourd’hui important. Et contrairement à ce que l’on pourrait
penser, ces whiskies du monde n’ont d’exotique que l’origine.
Pour le reste, ils s’inscrivent dans la tradition de single malts
les plus classiques. À quelques détails près…

Quatrième pays producteur au monde, le Japon s’est ouvert au


whisky en 1937, lorsque la société Kotobukiya, ancêtre de
Suntory, lança sur le marché le blend Kakubin (que l’on peut
traduire par « bouteille carrée » en français). Cela faisait
pourtant déjà treize ans que la première distillerie de whisky,
Yamazaki, était complètement opérationnelle. Aujourd’hui,
onze distilleries seulement sont en activité au Japon. Cette
extrême concentration des moyens de production n’empêche
pas une très grande diversité de whiskies et de styles. Car
chaque distillerie japonaise est capable de produire des eaux-
de-vie très différentes, grâce à des installations atypiques et une
grande autonomie individuelle. Dans un pays où la concurrence
est très forte, où prime l’esprit de compétition mais aussi
d’excellence, chaque distillerie s’est forgée sa propre identité et
fonctionne en autarcie.

Yamazaki
Agrandie pour la troisième fois en 2013 (après 1968 et 2006),
Yamazaki ne ressemble que peu à la distillerie mise en service
en 1924. Tous les alambics sont de taille et de formes
différentes et tous les types de fûts (ex-bourbon, ex-xérès,
chêne neuf ou chêne mizunara japonais) sont utilisés : le
nombre de whiskies différents pouvant être produit sur place
est presque infini.

Yoichi
Seule distillerie d’Hokkaïdo (cette région ressemble beaucoup
à l’Écosse), Yoichi est aussi la plus artisanale du Japon,
toujours chauffée au charbon de bois. Six alambics, quatre de
première distillation et deux de seconde distillation, produisent
eux aussi une grande variété d’eaux-de-vie, en fonction du
niveau de tourbe (de 0 à 35-50 ppm).

Hakushu
Hakushu, ouverte en 1973, est située dans la ville de Hokuto
(préfecture de Yamanashi), à l’ouest de Tokyo. Dans les années
1980, cette distillerie – ses 36 alambics et ses deux salles de
distillation ( !) – était l’une des plus grandes distilleries du
monde. Aujourd’hui, les douze alambics à repasse tiennent
dans une seule salle. Mais une distillerie expérimentale de
grain vient d’être installée dans l’autre salle. Son single malt
connaît un développement sans précédent.

Miyagikyo
Construite en 1969, Miyagikyo a longtemps hébergé une
distillerie de malt avant d’accueillir aussi une colonne à
distillation continue. En 1999, est rajoutée la paire d’alambics
de type Coffey (fabriqués à Glasgow) de la distillerie
Nishinomiya d’Osaka. C’est avec cette installation que sont
produits trois types de whisky aujourd’hui presque uniques en
leur genre : un whisky 100% maïs, un whisky 100% orge
maltée (le fameux Coffey Malt, qui est embouteillé en tant que
tel) et un whisky distillé à partir d’un mélange maïs/orge
maltée.

Fuji-Gotemba
Créée en 1973, Fuji Gotemba produit des whiskies de malt et
de grain à hauteur de 12 millions de LAP par an. Une quantité
considérable, sans véritable rapport avec sa notoriété. Son seul
single malt est un 18 ans commercialisé exclusivement au
Japon sous le nom de Fujisanroku. Quand on pense que ses
propriétaires ont sacrifié Karuizawa, aujourd’hui fermée et
devenue culte, pour développer Fuji-Gotemba, ça laisse rêveur.

Chichibu
Fondée en 2008, Chichibu porte le nom de la petite ville – au
centre de Honshu, à l’ouest de Tokyo – où elle est située. Elle a
commencé à commercialiser ses whiskies en 2011. Ichiro
Akuto, son fondateur et propriétaire, possède aussi le stock de
la distillerie fermée Hanyu qu’il embouteille dans une gamme
devenue culte, Ichiro’s Malt Card. Sur le site de Chichibu sont
aussi stockés les derniers fûts de deux distilleries mythiques
japonaises, Karuizawa et Kawasaki.

Eigashima
Cette distillerie, aussi connue sous le nom de White Oak (en
fait la traduction de son nom en anglais) a lancé son premier
single malt en 2007. Elle fait parfois vieillir quelques-unes de
ses eaux-de-vie, dans un type de chêne – konara (quercus
serrata ) – très peu utilisé par l’industrie des vins et spiritueux.

Chita
À Nagoya, Chita est la seule et unique distillerie japonaise qui
ne produit que du whisky de grain pour les whiskies
d’assemblage du groupe Suntory, dont l’emblématique et très
réputé Hibiki. Elle fait l’objet d’un embouteillage permanent,
Chita, introuvable en Europe.

Shinshu
Cette distillerie, située à l’ouest de Tokyo dans la préfecture de
Yamanashi depuis 1969, est… déménagée en 1985 dans la ville
de Miyata (préfecture de Nagano). En 1992, faute de ventes, la
production s’arrête jusqu’à sa remise en activité en
février 2011. Ce qui explique cet embouteillage étonnant :
Mars Maltage, 3 + 25. C’est un whisky qui a vieilli 3 ans à
Kagoshima et 25 ans à Miyata.
Monde Shuzu
Située dans la ville de Fuefuki (préfecture de Yamanashi), c’est
la plus petite et la moins connue des distilleries du Japon. Il
faut dire que le single malt produit ici est presque entièrement
destiné aux whiskies d’assemblage. Presque car, en 2010, un
25 ans d’âge a été commercialisé par un embouteilleur
indépendant japonais, la compagnie Tokuoka. Sous le nom de
Usuikyou.

Miyashita
Située au sud-ouest à Okayama, capitale de la préfecture du
même nom, c’est la dernière née des distilleries de whisky du
Japon. Pourtant, son propriétaire, le brasseur Miyashita Shuzo,
s’est lancé dans la production de single malt pour fêter ses
100 ans en 2015 ! Seulement 1 000 litres – après leur
distillation en juin 2012 – ont été enfûtés en ex-barriques de
bourbon.

L’Inde, un géant en embuscade

En 2012, la marque indienne McDowell’s n° 1 est devenue le


whisky le plus vendu au monde – devant Johnnie Walker –
avec des ventes supérieures à 250 millions de bouteilles. Une
petite révolution mais que tout le monde pressentait car parmi
les dix premières marques mondiales, huit sont aujourd’hui
indiennes : McDowell’s n° 1 donc, Officer’s Choice, Royal
Stag, Bagpiper, Old Tavern, Original Choice, Imperial Blue et
Hayward’s.
Il faut dire que le marché local est immense (2 milliards de
bouteilles consommées en 2012 !) et la concurrence pas très
loyale : ce que les producteurs locaux appellent whisky ne peut
prétendre à une telle appellation dans le reste du monde. Il est
distillé à partir de mélasse et assemblé – sans forcément avoir
vieilli – avec, au pire, de l’extrait de malt, au mieux du single
malt écossais.

Il n’empêche que l’on compte environ 150 distilleries de


« whisky » dans ce pays. Malgré quelques règles surprenantes :
le degré minimum doit être de… 42,8% dans la plupart des
États et le vieillissement en fût est interdit dans certains États,
au profit de grandes cuves en bois. Seul un tout petit nombre de
distilleries indiennes produisent du whisky de malt ou de grain,
tel qu’on le connaît. La plupart sont situées dans le Nord du
pays.

Kasauli
Brasserie et distillerie ont été fondées dans les années… 1820
par un Écossais, Edward Dyer. Les quatre alambics à repasse
sont toujours ceux de l’époque même si deux petites colonnes
ont été installées en 1955. La distillerie ne produit pourtant que
du whisky de malt. Autre subtilité, l’eau-de-vie distillée en
colonne vieillit en cuve, celle produite à repasse sous bois !
Solan n° 1 est resté pendant longtemps le whisky le plus vendu
en Inde. Kasauli produit aussi Solan Gold, un single malt 100%
indien.

Amrut
Amrut est située dans la ville de Bangalore au sud de l’Inde.
Elle produit des whiskies de grain et de malt. Seuls les singles
malts sont disponibles en Europe. La forte évaporation (16%
par an en moyenne à cause des conditions météo) accélère le
processus de vieillissement. Malgré la jeunesse des distillats,
plusieurs embouteillages ont gagné des concours de
dégustation à l’aveugle et ont séduit les amateurs.

John Distilleries
John Distilleries a été créée en 1992 à Bangalore pour
commercialiser des blends. En 2008, elle se lance dans la
construction d’une distillerie de malt à Goa. Paul John a été
commercialisé en Europe en 2012 avec des single casks dans
un premier temps puis deux embouteillages réguliers, Paul
John Edited et Paul John Brilliance.

Rampur
Cette toute petite distillerie de malt a été créée en 1993 dans la
ville du même nom, située à l’est de New Delhi dans l’État de
Uttar Pradesh. Son whisky est revendu en vrac et parfois sous
forme de distillat non vieilli.

United Brewery & Spirits


Le leader incontesté des spiritueux en Inde compte des dizaines
de centres de production de spiritueux, dont un nombre
impressionnant de distilleries. Il en possède même une au
Népal, à Biratnagar. Mais une seule produit du single malt, la
distillerie Bethora à Ponda dans l’État de Goa, construite en
1971. Son whisky est vendu sous la marque McDowell. C’est
aussi le nom de la première marque de blend du pays.

Radico Khaitan
Deuxième groupe de spiritueux indien juste derrière UB
Spirits, Radico Khaitan ne possède que cinq unités de
production mais elle peut se targuer de posséder l’une des plus
grosses distilleries d’alcool au monde. Rampur est située dans
la ville du même nom, à l’est de Delhi au nord du pays. Sa
capacité de production frôle les 125 millions de LAP par an
mais seulement 460 000 LAP de whisky de malt. Aucun
embouteillage en tant que tel n’est donc commercialisé.

Dans cette même partie du monde, Murree au Pakistan, créée


en 1861 par un Écossais, produit un vrai single malt avec des
alambics à repasse. Sa vente, interdite aux musulmans, est
réservée aux minorités religieuses pakistanaises : chrétiens,
hindous et parsis. De l’autre côté de l’Inde, Birmanie (les
distilleries Mandalay Shwei et Peace Myanmar ), Laos ou
Vietnam (Lao Lao whisky) revendiquent une production, sans
que l’on sache bien de quel type de spiritueux il s’agit.

Taiwan, l’île au trésor


Le marché chinois fait saliver tous les producteurs de
spiritueux en général et de whisky en particulier. D’autant qu’il
n’y a pas véritablement de production locale clairement
identifiée dans cet immense pays.

Pour trouver la trace d’un whisky de malt en tant que tel, il faut
se rendre sur l’île de Taiwan. Grand pays consommateur de
whisky écossais (dans de top 10 depuis des années), Taiwan
compte une seule distillerie de single malt, King Car ,
opérationnelle depuis avril 2005. Elle est située dans une
région montagneuse tout au nord de cette île indépendante au
large de la Chine. Alors que la législation taiwanaise impose
deux ans de vieillissement, les plus jeunes Kavalan
embouteillés affichent 3 ans minimum. Mais pas beaucoup plus
tant l’évaporation importante et les conditions de maturation
sont à la limite de l’extrême.
L’Australie et cette diablesse de Tasmanie
La colonisation de la Nouvelle-Zélande et de d’Australie par
les Britanniques au XVIIIe siècle aurait pu, aurait dû conduire
aux mêmes résultats qu’aux États-Unis. Les premiers migrants
ont été des Scotch-Irish qui maîtrisaient parfaitement l’art
distillatoire. L’histoire mouvementée de ces deux pays et leur
rapport à l’alcool (les deux pays ont connu une sorte de
prohibition) font qu’aujourd’hui, leur situation est bien
différente. La production en Nouvelle-Zélande, après avoir
quasiment disparu, revient timidement alors que la distillation
explose en Australie, et plus particulièrement en Tasmanie,
cette immense île perdue au sud du continent australien.

En 1992, 153 ans après que la dernière licence de distillation


eut été accordée en Australie (et douze ans après que la
dernière distillerie, Corio, eut fermé ses portes), Bill Lark
reçoit enfin l’autorisation de monter sa distillerie. Il installe
Lark sur l’île de Tasmanie, à Kingston tout au sud, pas très
loin de Hobart (où il déménage en 2001). Depuis, celui qui est
considéré comme le père fondateur du whisky australien aura
fait de nombreux émules : l’Australie compte une vingtaine de
distilleries en activité, dont la moitié en Tasmanie.

Sur la grande île du Sud de l’Australie, elles sont pour la


plupart concentrées autour de Hobart. Pour la simple raison que
c’est ici que se trouve la brasserie Cascade qui fournit le malt
de toutes les distilleries de l’île. Tasmania a vu le jour en 1994,
Old Hobart en 2005. Pas très loin, deux autres distilleries sont
en activité : William McHenry depuis 2011 sur la presqu’île
de Tasman et Redland depuis 2013. Pas étonnant que
Hellyer’s Road , tout au nord de l’île et mise en service en
1997, fasse aujourd’hui figure de vétéran, et de monstre. Ses
deux alambics ont une capacité respective de 60 000 et
30 000 litres ! En plein centre de la Tasmanie, Nant située en
altitude à Bothwell, date de 2005 et Belgrove de 2010. En
vingt ans seulement, la Tasmanie est devenue l’équivalent pour
l’Australie de l’île d’Islay pour l’Écosse.

Sur le continent, deux distilleries seulement sont basées au


nord, Hoochery (fondée en 2005) en Australie occidentale et
Castle Glen plein ouest dans le Queensland au sud-ouest de
Brisbane. Toutes les autres sont situées au sud du continent et
se répartissent équitablement entre les provinces de Victoria
(Wild Swan et Limeburners ), Nouvelle-Galles du Sud
(Bluestill , Dobson’s et Black Gate ) et le Sud de l’Australie
occidentale (Bakery Hill , New World/Starward et Timboon
).

Tous ces whiskies sont, pour la plupart, régulièrement


disponibles en Europe et en France, malgré des quantités
limitées. L’Australie est assurément l’un des pays les plus
dynamiques aujourd’hui dans le monde du whisky. Nul doute
que certaines marques vont dépasser à court terme le seul
cercle des amateurs.

La Nouvelle-Zélande
Comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande avait tout pour
devenir un pays producteur. L’île sud de ce pays des antipodes
pourrait être une province d’Écosse. Tous ses habitants (à
l’exception des Maoris) ont probablement une ascendance
écossaise. D’ailleurs, la capitale de la province d’Otago
s’appelle Dunedin, du nom celte d’Édimbourg, Dun Eideann.
Et pourtant, l’histoire de la distillation de whisky dans ce pays
tient en quelques lignes.

La région d’Hokonui était célèbre pour sa tradition de


distillation clandestine. Un musée, Hokonui Whisky Museum,
dans la petite ville de Gore, retrace aujourd’hui l’épopée de
l’une des plus incroyables familles de distillateurs clandestins,
les McRae. La société Southern Distilleries a relancé la
production de whisky à Timaru et produit deux whiskies, un
blend The MacKenzie et un single malt The Coastal. Elle
embouteille aussi un blended malt dans des bouteilles… de lait
sous le nom de Old Hokonui. Parfois, Southern Grain
embouteille Kaiapoi, un single malt rarissime. Pour déguster du
whisky néo-zélandais, il faut donc se rabattre sur l’énorme
stock de la distillerie de Willowbank (fermée en 1997 et
démontée en 2000), écoulé sous plusieurs étiquettes différentes,
dont Milford et New-Zealand.

Malgré ses origines écossaises, la Nouvelle-Zélande n’est pas


près de faire parler d’elle sur le marché mondial du whisky. Un
comble lorsqu’on sait que ce pays est l’un des rares pays qui
autorisent la distillation domestique sans la moindre déclaration
préalable !

Afrique, le Sud ne perd pas le nord


Produire du whisky suppose d’utiliser des céréales vivrières et
une grande quantité d’eau. Autant de matières premières dont
les Africains ont besoin au quotidien pour autre chose que la
production d’eau-de-vie. Pour le moment, seule l’Afrique du
Sud produit du whisky (minimum légal 43%) sur le continent
noir dans deux distilleries : James Sedgwick près du Cap et
Drayman’s pas loin de Pretoria. La première commercialise
les marques Three Ships (blend et malt), Harriet et Knights
(blends) et Bain’s Cape Mountain (whisky de grain). La
seconde produit le single malt Highveld.

Vous l’aurez donc compris, le monde du whisky est un monde


merveilleux. En raison de sa croissance permanente, il
s’apparente d’ailleurs plus à une galaxie qui jour après jour
croît sans cesse. À côté des étoiles les plus lumineuses (Écosse,
Irlande, États-Unis ou Japon), d’autres plus petites
commencent à capter la lumière et attirer l’attention. C’est en
Europe qu’elles ont le plus de chance d’illuminer les
prochaines années. Mais la route sera longue car les habitudes
tenaces. Peu d’amateurs sont prêts à échanger un single malt
écossais au profit d’un whisky suédois, australien ou belge,
voire français malgré cette tendance locavore qui nous conduit
à consommer local. Et pourtant, le marché mondial va rendre
les marques premium plus rares et donc plus chères. Ce qui va
nous contraindre soit à changer nos habitudes de
consommation, soit à accepter de payer un peu plus cher. Dans
les deux cas de figure, mieux vaudra alors savoir comment
apprécier au mieux son whisky et où l’acheter.
Quatrième partie

Déguster et acheter, quand


l’amateur devient spécialiste

Dans cette partie…

P our déguster un whisky, nul besoin d’un grand cérémonial mais il faut
quand même respecter un certain nombre de principes. Certains relèvent du
bon sens, d’autres sont plus des petits trucs. Lorsqu’on déguste, il faut aussi
savoir mettre tous ses sens en éveil. La dégustation constitue une vraie
expérience sensorielle qui implique la vue, le nez, la bouche et le toucher.
Ensuite, la palette aromatique du whisky est tellement large (au moins aussi
large que celle du vin) que tout n’est plus qu’une affaire de goût(s). Ou plus
exactement de roue. À vous faire perdre la tête.

À tel point que rédiger ses propres commentaires de dégustation peut être
un bon moyen de se souvenir de ce que l’on a aimé (ou pas) et pourquoi. Et
si on ne se sent pas l’âme d’un grand dégustateur, il sera toujours temps de
se plonger dans la lecture des nombreux guides traitant du sujet.

Mais apprécier le whisky, c’est aussi faire l’essai de différents modes de


dégustation, en cocktail ou avec quelques alliances gourmandes.

Pour terminer et pouvoir recommencer, nous vous donnons une liste des
meilleures adresses où acheter, où déguster votre whisky préféré. Ainsi que
quelques trucs pour constituer votre cave à whisky.

Il sera ensuite toujours temps de rentrer dans votre agenda les temps forts
du whisky. Cette fois, c’est sûr, d’amateur vous êtes devenu(e) spécialiste.
Chapitre 14

Le goûter, c’est l’adopter

Dans ce chapitre :
Savoir apprécier un whisky, un art au service de Sa
Majesté
Donner ses sens à l’eau-de-vie
La roue des arômes, une révolution sensorielle

O n ne déguste pas un whisky comme on boit un verre d’eau.


Le but n’est pas de se désaltérer mais bien de se faire plaisir et
d’en apprécier toute la richesse et la complexité. Par
(mauvaise) habitude, on ne respecte pas un certain nombre de
règles, pourtant peu contraignantes et faciles à mettre en œuvre.
Erreur. Car si le bon copain ou le professionnel averti vous dira
toujours de faire comme vous voulez, il est quand même
préférable d’essayer de faire bien ou mieux.

Savoir apprécier un whisky, un art au service de Sa


Majesté
Il n’y a pas de règle unique pour déguster son whisky préféré.
L’un des principaux modes de consommation encore
aujourd’hui, c’est la bonne rasade servie dans un verre timbale
– le fameux tumbler – sur quelques cubes de glace. À tel point
qu’il en est devenu un cliché. Et pourtant, c’est le seul qui soit
réellement proscrit par l’amateur de single malt.

Le choix du verre
C’est l’une des étapes essentielles de la dégustation. Pendant
longtemps, le tumbler ou verre à whisky a eu les préférences
des amateurs. Quelle erreur. Massif et à fond plat, il est
intimement associé à la dégustation de whisky sur glace, un
mode de consommation popularisé à une époque où seuls les
blends étaient disponibles sur le marché.

Aujourd’hui, ce type de verre tend peu à peu à disparaître,


remplacé par une verrerie plus adaptée à la dégustation qu’à la
consommation proprement dite. La tendance qui veut que l’on
consomme moins et mieux est passée par là. Le fond plat du
tumbler et son imposant diamètre obligent à servir une dose
plus importante de whisky. Sa forme libère également les
vapeurs alcooliques sans véritable nuance et ne permet pas
d’apprécier au mieux toute la palette olfactive et aromatique
des single malts. On lui préférera donc un verre sur pied, avec
un fond conique dont les parois iront en se rétrécissant
légèrement, type copita ou INAO, deux verres classiques pour
la dégustation des vins mais également parfaitement adaptés à
la dégustation de whisky.

Le service du whisky
On ne se sert pas tous les jours de son verre à whisky ! Il peut
donc rester stocké longtemps dans un bar ou une armoire. Ou
pire, dans un carton. Et même si ce n’est pas le cas, les eaux
calcaires ou le produit vaisselle font qu’il n’est pas inutile de
bien essuyer son verre avant de se servir quelques centilitres de
son single malt préféré. L’alcool est un formidable révélateur
d’odeurs. Bonnes ou mauvaises.

Lorsqu’on se sert un whisky, il n’est pas nécessaire d’en verser


une trop grande quantité. Deux ou trois centilitres suffisent. En
revanche, il est nécessaire d’attendre avant de commencer à
goûter, déguster ou même tout simplement boire. Il ne faut
jamais oublier qu’un whisky est un spiritueux vieilli. C’est-à-
dire qu’il a passé de longues années en fût avant d’être réduit et
embouteillé puis stocké et transporté. Il a besoin d’aération
pour libérer ses alcools volatiles et vous permettre d’accéder à
sa complexité aromatique. Donnez-lui la chance d’être apprécié
à sa juste valeur. Laissez-lui le temps de s’ouvrir dans votre
verre et de reprendre… ses esprits. Plus un whisky est âgé, plus
il aura besoin de temps pour s’offrir sous son meilleur jour.

Déguster à point
La plupart des grands amateurs et/ ou dégustateurs
appliquent d’ailleurs une petite règle simple : une
minute de repos par année d’ancienneté. Un whisky de
15 ans d’âge s’appréciera donc mieux après un petit
quart d’heure d’attente. C’est encore plus vrai si le
whisky a été embouteillé sans réduction, à son degré
naturel.
Le whisky craint le froid…
L’alcool (éthanol) gèle à une température si basse (– 114,4 °C)
que cela ne peut arriver qu’en laboratoire. Et c’est plutôt une
bonne chose pour l’amateur car comme tous les (grands) vins
et les (vieux) spiritueux, le whisky craint le froid. Et plus
particulièrement le cube de glace. Que le whisky soit servi
avant ou après son ajout, il entraîne invariablement un terrible
choc thermique. Pour dévoiler l’ensemble de sa palette
aromatique, le whisky n’aime pas être brutalisé. Le froid
modifie instantanément ou presque la structure des molécules
de l’alcool. Ce qui condamne les parfums les plus volatils et les
arômes les plus subtils à rester prisonniers jusqu’au retour à des
conditions plus clémentes. Pour éviter ce choc thermique, tout
en ayant la possibilité d’apprécier un whisky servi frais, mieux
vaut placer votre bouteille préférée dans votre réfrigérateur. Un
whisky « frais » qui se réchauffe peu à peu dévoile alors
progressivement l’étendue de sa palette aromatique. Une
expérience étonnante.

L’exception iceball
En parlant de glace, la dégustation d’un bon whisky
façon iceball est aussi une merveilleuse expérience.
Qui commence par la taille d’un glaçon en forme de
boule parfaite, idéalement ajustée à la forme exacte de
votre verre. Les Japonais sont passés maîtres dans cet
art difficile. Le secret : qu’aucune bulle d’air (même
microscopique) ne soit piégée lors de la formation de la
glace. Si tel est le cas, le cube de glace sera totalement
translucide et beaucoup plus facile à tailler (façon de
parler) avec une sorte de mini-pic à glace. La boule de
glace est ensuite placée dans le verre. Lorsque le
whisky est versé dessus, elle tourne sur elle-même dans
un joli effet et de merveilleux reflets. La taille du
glaçon permet au whisky d’être rafraîchi sans que la
glace ne fonde et vienne diluer le précieux nectar.

… mais pas du tout l’eau


C’est l’une des principales controverses entre amateurs. Peut-
on ou pas rajouter de l’eau ? Les Écossais le font
systématiquement et s’étonnent toujours (ils nous aiment bien)
que nous, Français, préférions déguster le whisky sec. Comme
souvent, la vérité est probablement entre les deux. Un bon
whisky embouteillé à 40% n’a généralement pas besoin d’être
allongé. Entre 40% et 46%, cela dépend de sa qualité. Au-
dessus de 46%, c’est plutôt à l’appréciation de chacun. Il faut
savoir deux choses :

Un (très) bon whisky ne paraît jamais si fort alors qu’un


mauvais whisky paraît toujours trop alcooleux et brûlant.
Même embouteillé (et/ou réduit) à 40%.
Rajouter de l’eau est tout sauf une hérésie. À l’exception
des whiskies vendus au degré naturel (autour de… 0,1%
des ventes !), tous les whiskies sont embouteillés réduit
avec de l’eau déminéralisée. Les dégustateurs
professionnels « goûtent » toujours les whiskies réduits
autour de 23%, un degré qui permet d’amplifier les arômes
(nez) tout en conservant le goût (bouche) et les qualités
organoleptiques intrinsèques du whisky.

Le bon compromis, c’est donc probablement de ne pas hésiter à


toujours commencer par goûter son whisky nature et sec.
Ensuite, il sera toujours possible de l’allonger si on en éprouve
le besoin. Le contraire est plus difficile.

L’alcool est plus léger que l’eau


La densité de l’alcool est inférieure à celle de l’eau. Un
petit tour de passe-passe permet de le constater
facilement. Remplissez un verre type long drink haut et
étroit d’eau plate. Placez sur le verre un torchon ou une
serviette propre en prenant soin de laisser flotter le
tissu à la surface de façon à ce qu’il s’imbibe un peu
d’eau. Verser le whisky sur le tissu. Si vous l’enlevez
délicatement, le whisky ne se mélangera pas et flottera
alors à la surface de l’eau. Effet garanti. C’est aussi une
façon très agréable et désaltérante de siroter son whisky
préféré.

Le dram
En Écosse, un verre de whisky est souvent appelé
« dram », un terme d’origine… grecque. Dans
l’Antiquité, « drachme » voulait dire poignée (du verbe
grec « drássomai », attraper) avant de devenir une
unité monétaire qui correspondait à six brins de métal,
que l’on pouvait tenir dans sa main. Au gré des
échanges commerciaux, la drachme est devenue
« dirham » pour les Arabes et « dram » dans le monde
anglo-saxon. Aujourd’hui, dans un pub, si vous
commandez un dram, on vous sert 35 ml de whisky en
Écosse mais seulement 25 ml en Angleterre. En 2013,
les organisateurs du festival écossais Spirit of the
Speyside – qui célèbre le whisky pendant une semaine
chaque année au mois de mai – ont demandé au bureau
national des mesures de Grande-Bretagne (National
Measurement Office ) de réintroduire officiellement le
dram dans les unités légales de mesure. Un dram pour
25 ml de whisky, un grand dram (large dram ) pour
35 ml. La demande a été rejetée sans même avoir été
examinée. Pour tous les Écossais, un vrai… drame.

Que se passe-t-il lorsqu’on boit ?

L’éthanol (alcool éthylique) a un effet sur le corps humain. En


fait, lorsqu’on boit un whisky, le liquide rejoint l’estomac où il
est assimilé par le corps humain. Mais c’est surtout le foie qui a
le plus de facilité à décomposer l’alcool en dioxyde de carbone
et en eau, au rythme d’une dose d’alcool par heure environ.
Évidemment, cela dépend de chaque individu (son poids, sa
taille, son âge, sa morphologie), de la quantité consommée et à
quel rythme mais aussi de… l’état du foie.

Si la quantité d’alcool est trop importante, une partie reste dans


le corps humain et affecte alors particulièrement le cerveau et
le système nerveux. L’alcool a aussi tendance à s’approprier
une part importante de l’eau de notre corps. En effet, en raison
du caractère hygroscopique de l’éthanol (il ne peut pas exister à
l’état pur, seulement associé à une molécule d’eau), toutes les
parties du corps qui ont été à son contact sont desséchées. Ce
qui explique que l’on se réveille la bouche pâteuse et
assoiffé(e) lorsqu’on a trop bu la veille. Et la fameuse « gueule
de bois », c’est tout simplement une déshydratation excessive
du cerveau, un organe qui contient beaucoup d’eau et dans le
quel l’organisme vient se servir en dernier recours. C’est aussi
pour cela qu’il faut toujours boire de l’eau lorsqu’on
consomme de l’alcool.

Pourquoi certaines personnes « tiennent mieux l’alcool » que


d’autres ? Personne ne sait pour le moment. Aucune étude
sérieuse n’a encore pu montrer qu’un facteur en particulier
(génétique ou physiologique) permet d’assimiler plus vite une
boisson alcoolisée. Même entre l’homme et la femme, les
différences sont somme toute mineures puisqu’il s’agit
principalement de la présence d’une hormone en plus faible
quantité et d’un rapport graisse/eau défavorable (à cause de la
taille et du poids, pas d’un problème d’alimentation, bien sûr !).
Donc le seul et unique moyen de profiter au mieux de son
whisky préféré, c’est de déguster AVEC MODÉRATION.

Donner ses sens à l’eau-de-vie


Lors d’une dégustation, quelle qu’elle soit, tous les sens sont
mis à contribution. Ce qui en fait une vraie expérience. Ils
apportent aussi un certain nombre d’informations à notre
cerveau. Ce qui nous permettra d’apprécier au mieux (ou pas)
ce que nous dégustons.

La vue
Avant de déguster son whisky, il est toujours intéressant d’en
apprécier la couleur et les reflets. Évidemment, cela présente
plus d’intérêt si le whisky a été embouteillé à sa couleur
naturelle. La palette chromatique du whisky va du jaune très
pâle à l’acajou le plus foncé, en passant par toutes les nuances
de beige, marron, doré ou bronze. Cela dépend du type de fût
utilisé bien sûr.

Un ex-fût de bourbon n’apportera pas à l’eau-de-vie les mêmes


couleurs qu’un ex-fût de xérès. La taille du fût joue aussi un
rôle important. Un petit contenant de 50 litres colore plus
qu’une barrique de 200 litres et plus. Mais le facteur qui
compte souvent le plus en termes de couleur, c’est le nombre
d’utilisations du fût. Un fût de bourbon, par définition neuf et
bousiné à l’intérieur, apporte tout de suite une jolie couleur
mordorée. Après quelques années (souvent de quatre à huit) de
cette première vie aux États-Unis, ses réutilisations ultérieures
le transforment alors en fût de premier, puis de second
remplissage. Et ainsi de suite. Évidemment, plus un fût est
réutilisé de manière successive, moins il aura d’impact (couleur
mais aussi goût) sur l’eau-de-vie.

La couleur est une chose, ses reflets une autre. C’est plutôt le
facteur durée qui va donner au whisky ses jolis reflets dorés ou
cuivrés. Plus le temps de maturation sera long en fût, plus les
reflets deviendront complexes.

Les jambes du whisky


Passer pour un chimiste grâce à l’effet Marangoni, c’est
savant. Ce physicien italien a étudié les fluides, mais
c’est un certain James Thompson qui découvre que
l’alcool diminue sensiblement la tension superficielle
de l’eau. Un phénomène qui nous fait croire que la
surface de l’eau semble former une « peau ». Cette
propriété permet d’expliquer les jambes (ou larmes)
que forme l’alcool sur la paroi d’un verre. Lorsqu’on
fait tourner son verre, le whisky tapisse l’intérieur du
verre mais presque instantanément, l’éthanol s’évapore.
La tension de surface du liquide augmente alors et le
film liquide se transforme en gouttelette avant de
ruisseler sur la paroi de votre verre. Plus le liquide est
alcoolisé, plus les jambes sont longues.

L’odorat
Sans l’odorat, il n’est pas possible de bien goûter. Mieux, les
maîtres-assembleurs, responsables du goût de toutes les
marques de blends, « goûtent » les whiskies en se contentant de
les sentir. Contrairement à une idée reçue, le nez humain est un
organe d’une incroyable sensibilité. On sent directement par le
nez ou par la bouche et les voies rétro-nasales grâce à des
neurones olfactifs qui tapissent la cavité nasale. Un
professionnel bien entraîné sera capable de déceler l’odeur
d’un composé dilué un milliard de fois. Pour l’amateur lambda,
ce sera un pour un million. Largement de quoi déceler les
différents arômes du whisky et d’en apprécier toutes les
subtilités.

Les molécules aromatiques représentent autour de 0,3% du


contenu de la bouteille. Éthanol, eau et colorant ne sont pas
supposés avoir d’odeur. On appelle ces composés aromatiques
des congénères. Plus de 400 ont déjà été scientifiquement
identifiés dans différents whiskies et tous les experts
s’accordent à penser qu’il en reste au moins autant à découvrir.
Ce qui donne une petite idée de l’étendue de la palette
aromatique du whisky, au moins aussi large que celle du vin.

N’hésitez pas à sentir bouche fermée puis ouverte pour


ventiler la cavité nasale. Sachez également que nos deux
narines ne sentent pas de la même manière, ni les mêmes
arômes. On peut donc alterner entre la droite et la gauche.

Enfin, il est toujours intéressant de sentir les extraits secs. Ce


sont les résidus solides qui tapissent le fond du verre, si vous
les laissez quelque temps après avoir bu, sans le rincer ni le
laver.

Le goût
C’est évidemment le sens qui joue un rôle central dans la
dégustation. Quatre saveurs fondamentales ont été identifiées :
le sucré, le salé, l’acide et l’amer. Une cinquième, l’umami, fait
l’objet de controverses entre experts et gastronomes.

Notre langue est équipée de 10 000 papilles gustatives,


réparties stratégiquement. Le sucré se révèle à la pointe, le salé
sur les côtés avant de la langue, l’acide sur les côtés arrière et
l’amertume en fond de bouche. Attention, ce sont des capteurs
très sensibles et fragiles. Le trop fort degré d’un whisky brut de
fût peut les anesthésier pendant un bon moment. De la même
manière, un amuse-bouche trop marqué en goût ou des gâteaux
apéritifs trop salés dénatureront sans aucun doute le goût de
votre whisky. Le meilleur moment pour déguster ? Une petite
heure après s’être réveillé. Un bon prétexte pour faire la grasse
matinée ou prolonger la sieste.

Le toucher
On oublie trop souvent que le toucher joue aussi un rôle
prépondérant dans la dégustation. Car au-delà des goûts et
arômes perçus, le whisky laisse une vraie sensation en bouche.
Cela peut aller du plus plaisant au plus déplaisant : frais et/ou
pétillant, huileux et cireux (c’est-à-dire qui tapisse l’ensemble
de la bouche et du palais), épicé et poivré ou au contraire
astringent et tannique (c’est-à-dire qui assèche la bouche),
voire alcooleux et brûlant.

Un parfum de whisky
C’est un truc que connaissent bien les dégustateurs
professionnels : se verser un peu de whisky dans la
paume ou sur le dos de la main. Si vous frottez,
certains arômes – les céréales, la tourbe ou les fruits
secs – du whisky vont se révéler avec acuité, comme
un parfum.

On goûte et on déguste le whisky avec tous ses sens en éveil.


Seule l’ouïe n’intervient pas. Sauf au moment où le bouchon de
la bouteille saute et que l’on fait couler le précieux liquide dans
son verre de dégustation.
Le goût de bouchon
Tout comme le vin, le whisky peut présenter ce défaut
appelé « goût de bouchon ». On ne sait pas encore
expliquer scientifiquement ce phénomène même si l’on
connaît les molécules qui en sont à l’origine, les
trichloroanisols (TCA) ou les pentachloroanisols
(PCA). Le plus affreux, c’est qu’une concentration
extrêmement faible dans le bouchon de liège, de l’ordre
du nanogramme (0,000 000 001 g), suffit pour donner
cette odeur nauséabonde de carton mouillé ou de moisi
à son flacon préféré. 5% des bouteilles de vin
présenteraient ce défaut. Ce pourcentage paraît plus
faible pour les spiritueux, peut-être parce que,
contrairement au vin, on stocke le whisky
verticalement, ce qui évite son contact avec le bouchon.
Est-ce mieux ou moins bien, c’est à voir. Pour les
spiritueux, le liège serait traité différemment – collés
et/ou paraffinés –pour offrir au bouchon une meilleure
résistance à l’alcool. Quoi qu’il en soit, la qualité du
liège est évidemment importante. Un liège de qualité
servira à boucher une bouteille plus chère. Le prix à
payer pour éviter l’accident et la désillusion.

La roue des arômes, une révolution sensorielle


La description des arômes du whisky a réellement pris forme
au cours des années 1970. C’est à cette époque que le single
malt a commencé à avoir ses premiers adeptes. Il est alors
apparu important aux producteurs écossais d’avoir une grille de
lecture commune à tous. Le Pentland Scotch Whisky Research
(aujourd’hui Scotch Whisky Research Institute), basé à
Édimbourg, est commissionné à cet effet en 1978. Un groupe
de travail de quatre personnes – deux maîtres-assembleurs
(George Shortreed et Paul Rickards) et deux chimistes du
célèbre laboratoire Tatlock & Thomson (Jim Swan et Sheila
Burtles) – est alors constitué, chargé de définir les arômes de
base du whisky. Il publie la première roue des arômes du
whisky en novembre 1979, un concept révolutionnaire adapté
des travaux sur la bière de trois chercheurs de l’American
Brewing Society : Morten Meilgaard, John Claperton et
C. Dalgliesh.

Elle fonctionne sur le principe d’une roue divisée en différentes


portions (comme un camembert) et trois disques concentriques.
Chaque part décline les principaux arômes en trois sous-
groupes successifs : les arômes primaires, secondaires et
tertiaires. Les premiers correspondent aux grandes familles
d’arômes (céréalier, fruité, floral, tourbé, feinté, soufré, boisé et
vineux), les derniers à ce que l’on peut réellement sentir dans
son verre (vanille, noisette, beurre, orange confite, cuir, etc.).
Huit familles sont ainsi identifiées :

Céréalier : les arômes de céréales viennent des


différents types de grains utilisés mais aussi des différentes
transformations qu’ils subissent (fermentation, distillation).
Ils sont typiques des whiskies du Speyside.
Fruité : les scientifiques parlent d’esters pour
caractériser les arômes fruités qui naissent au cours de la
fermentation et qui sont concentrés par la distillation. Ils
sont typiques des whiskies du Speyside.
Floral : scientifiquement, les arômes floraux sont des
aldéhydes obtenus par l’oxydation de l’éthanol pendant la
distillation. La triple distillation ou l’usage de colonne
favorise leur formation. On les retrouve donc dans les
whiskies des Lowlands (malt ou grain) et les whiskeys
irlandais.
Tourbé : tous les arômes phénoliques sont dus au
séchage de l’orge par la tourbe. Les phénols sont en effet
des composés aromatiques qui se forment lorsque les
végétaux se décomposent. Ils sont emblématiques des
whiskies de l’île écossaise d’Islay.
Piqué : les arômes de cette catégorie viennent des têtes
et queues de distillation. Malgré leur dénomination, ils sont
essentiels au profil aromatique des whiskies. Ils apportent
des arômes souvent déplaisants dans le distillat à la sortie
immédiate de l’alambic. Fort heureusement, ils se
bonifient au cours du vieillissement des whiskies.
Soufré : les composés les plus sulfurés sont éliminés au
moment de la distillation et de la condensation, par le
cuivre qui les piège. C’est d’ailleurs pour cela que les
installations de distillation sont tachées de vert-de-gris. Un
(très bon) signe d’oxydation rendue possible grâce au
soufre. Cependant, ils peuvent apporter une puissance et
une longueur recherchées pour les whiskies d’assemblage.
Boisé : c’est le vieillissement sous bois qui apporte
évidemment les arômes boisés et tanniques. En fonction du
type de fût (petit ou grand) et de la variété du chêne (blanc,
sessile ou pédonculé), ils ont des caractéristiques
différentes. C’est ensuite la durée du vieillissement qui fait
qu’ils sont plus ou moins présents.
Vineux : les arômes vineux, appelés aussi arômes
d’extraction, viennent du vin ou du spiritueux qui a été
précédemment enfûté. Il reste en effet toujours un peu du
précédent liquide dans les douelles. L’eau-de-vie l’extrait
progressivement du bois. En se mélangeant, le vin ou
l’alcool résiduel marque plus moins le whisky de ses
arômes.

Tableau 14-1 : La roue des arômes

Arôme Arôme
Arômes tertiaires
primaire secondaire
Céréalier bouillie porridge, corn-flakes…

purée purée de pommes de


terre…

extrait de extrait de malt,


malt Ovomaltine…

farine farine, poussière, balle


de son…

levure levure, bière, brioche…

Fruité citrique orange, citron,


pamplemousse, zeste…

fruit frais pomme, poire, pêche,


abricot, salade de
fruits…

fruits cuits compote, confiture, tarte


Tatin, pâte de fruits…

fruits secs noix, noisettes, raisins


secs, figues, cake…

solvant chewing-gum,
dissolvant, peinture,
Cellophane…

Floral parfum jasmin, lavande, œillet,


rose, mousse à raser…

plante géranium, violette,


iris…

verdure feuille, épine de pin,


petits pois, pelouse
tondue…

fourrage foin, paille, grange,


sauvage… bruyère, herbe

Tourbé médicinal iode, embrun, goudron,


antiseptique, hôpital…

fumé encens, tourbe, feu de


camp, charbon de
bois…

saumure saumon fumé, hareng,


anchois…

mousse mousse, lichen, terre…

Piqué plastique plastique, bâche, sac…

cuir cuir, peau, sueur,


transpiration…

tabac tabac, théière, thé séché,


cendre de cigarette…

miel miel(s), hydromel, cire


d’abeille, polish…

beurre beurre, fromage(s),


cirage, odeurs
écœurantes…

Soufré soufre allumette, pétard, feux


d’artifice, œuf pourri…

sable sable chaud, amidon,


repassage…

caoutchouc caoutchouc, gomme,


pneu, Bakélite…

décantation eau saumâtre, renfermé,


navet, vieille
chaussette…

Boisé bois neuf résine, sciure, cave à


cigare, bois de santal…

vieux bois camphre, bouchon,


crayon de bois,
poussière, carton…

épice poivre(s), gingembre,


noix muscade…

vanille vanille, crème anglaise,


meringue, caramel,
toffee

grillé pain grillé, réglisse, café


torréfié, fenouil…

Vineux vins mutés xérès, porto, madère,


muscat, floc, pineau…
vins rouges, blancs,
liquoreux…

alcool armagnac, cognac,


rhum, chartreuse…

huile huile(s), crème de


toilette, bougie, olive…

chocolat chocolat(s), crème


fraîche, beurre, noix de
coco…

noix noix, noisettes,


amandes, praliné,
massepain…

Depuis, différentes versions de la roue des arômes circulent.


Whisky Magazine a développé la sienne, tout comme le
magazine américain Malt Advocate . La première est très
complète avec les huit arômes primaires. La seconde, plus
simple, n’en recense que six. Le leader mondial des spiritueux,
Diageo, a développé une carte des flaveurs avec l’aide du
journaliste et expert Dave Broom. Elle fonctionne comme une
boussole avec quatre points cardinaux : fumé au nord, délicat
au sud, léger à l’ouest, riche à l’est. Il suffit ensuite de placer le
whisky dégusté comme on placerait un point sur un graphique
avec des lignes d’abscisse et d’ordonnées. Au centre, le 0 fixe
l’échelle de l’intensité.

Il existe également une roue des arômes spécifiquement dédiée


aux bourbons, développée autour de cinq arômes primaires :
bois, épices, grain, aromates et fleurs/fruits. Dans les années
2000, le Scotch Whisky Research Institute a même proposé
deux autres visions de sa propre roue des arômes. La première
recense désormais dix arômes primaires (céréalier, fruité,
floral, tourbé, piqué, soufré, boisé, vineux, intensité et
complexité) + les quatre saveurs fondamentales et les
sensations nasales et en bouche. La seconde ressemble à un
diagramme avec dix critères (céréalier, fruité, floral, tourbé,
piqué, soufré, boisé, vineux, intensité et complexité)
définissables sur une échelle qui va de 1 à 3. Il suffit ensuite de
relier les points pour découvrir le profil aromatique du whisky.
C’est un compromis très intéressant, facile à comprendre et à
appliquer si l’on veut réaliser ses propres commentaires de
dégustation.
Chapitre 15

Modes de consommation

Dans ce chapitre :
Crèmes, liqueurs et whiskies aromatisés
Cocktails, l’autre art du mélange
Alliances gourmandes, le whisky fait la paire

I l existe bien des façons de déguster un whisky. Les Chinois,


le coupent avec du thé vert, les Sud-Américains l’allongent de
lait de noix de coco. Il ne faut d’ailleurs pas oublier qu’à
l’origine (XVIe siècle), les Écossais le buvaient dilué avec du
miel, des épices et de l’eau chaude. Ce premier mode de
consommation a ainsi entraîné la création des liqueurs de
whisky puis des cocktails au whisky. Il forme aussi des
alliances gourmandes étonnantes ou donne lieu à de véritables
dîners au whisky, très prisés des amateurs.

Crèmes, liqueurs et whiskies aromatisés


Il existe de nombreuses liqueurs ou crèmes de whisky sur le
marché. Plusieurs marques de single malt ou de bourbon ont
ainsi développé un embouteillage spécifique, soit pour toucher
une cible plus féminine, soit pour changer les habitudes de
consommation et faire passer la marque de l’apéritif au dessert
ou au digestif.

Trois marques, une écossaise et deux irlandaises, ont été


cependant spécifiquement créées et dominent aujourd’hui ce
segment très particulier.

Liqueurs et crèmes
Drambuie est la plus ancienne liqueur de whisky du marché.
Sa commercialisation date de 1910 mais son histoire, ou plutôt
sa légende, remonte au XVIIIe siècle. Après la terrible bataille
de Culloden, le prince Charles Edward Stuart (Bonnie Prince
Charlie), défait, échappe aux Anglais en s’enfuyant déguisé en
femme et se réfugie sur l’île de Skye. Il est hébergé
secrètement par la famille MacKinnon avant de réussir à
regagner la France. La légende raconte qu’il remercie ses hôtes
en leur donnant une recette secrète de cette liqueur à base de
whisky de malt écossais, de miel de bruyère, d’herbes et
d’épices. La recette passe de main en main avant que la marque
ne soit déposée pour la première fois en 1893. Dix-sept années
supplémentaires s’écoulent avant son lancement. Si les débuts
sont difficiles, son succès est aujourd’hui planétaire.

Irish Mist n’est pas une crème de whisky mais une liqueur.
Cette marque est une infusion d’herbes et de miel dans un
assemblage de whiskey irlandais et… de whisky écossais. La
recette a été créée en 1829 par Desmond E. William,
propriétaire de la distillerie Tullamore dans la ville irlandaise
du même nom. Il cherchait à reproduire une boisson
traditionnelle irlandaise, le vin de bruyère. Ce n’est pourtant
qu’en 1947 que cette liqueur est commercialisée pour la
première fois. Depuis, la marque est passée de main en main.
Elle appartient au groupe Campari. Son degré a été réduit de
40% à 35%. Elle se boit pure, sec ou sur glace. Elle peut aussi
se mixer.
Baileys Irish Cream est, comme son nom l’indique, une crème
de whiskey, dont la recette inclut du whiskey irlandais, de la
crème mais aussi des herbes aromatiques et du sucre. La
version originale a été lancée en 1974, destinée en premier lieu
au marché américain et ses nombreux habitants d’origine
irlandaise. Elle est aujourd’hui déclinée dans de nombreux
parfums : mint chocolate, crème caramel, café, noisette ou
orange truffe ainsi que des éditions limitées.

Les whiskies aromatisés


Aux États-Unis, les années 2010 ont vu aussi exploser le
nombre de bourbons aromatisés, la plupart au miel, afin de
séduire une clientèle plus féminine et/ou plus jeune. La recette
n’est pourtant pas nouvelle puisque Wild Turkey s’était
positionné sur ce marché dès 1976, avant d’être relancé sous la
marque American Honey. Mais c’est la sortie de Red Stag en
2009 (par le leader mondial des bourbons, Jim Beam) et le
succès de cette liqueur aromatisée à la cerise ( !) qui a créé la
catégorie. Depuis, les nouveautés font florès. Evan Williams
Honey, Early Times Fire Eater, Jim Beam Honey, etc. Même
Jack Daniel’s s’est pris au jeu avec succès sur le segment en
commercialisant son Tennessee Honey. Du coup, l’irlandaise
Bushmills en 2012 et l’écossaise Dewars en 2013, deux
marques très bien implantées aux États-Unis, ont elles aussi
franchi le pas.

Cocktails, l’autre art du mélange


Les premiers whiskies étaient dégustés mélangés avec toute
sorte d’ingrédients. Cette eau-de-vie non rectifiée et dont on ne
coupait ni les têtes et les queues devait être particulièrement
difficile à boire pure, même si son degré alcoolique n’était
certainement pas aussi élevé qu’aujourd’hui. Les deux premiers
« cocktails » sont donc le toddy (ou hot toddy ) et atholl brose .

Toddy & atholl brose


Le premier mélange de l’eau (chaude dans sa version « hot »),
du sucre (ou du miel) et du whisky. Il pouvait aussi être
aromatisé avec du citron, des clous de girofle et/ou de la
cannelle. On n’est pas sûr de l’origine du mot « toddy ».
Certains pensent qu’il vient des Indes où un toddy est une
boisson fermentée à partir de la sève de palmier. D’autres lui
donnent une origine beaucoup plus écossaise. Le Tod était l’un
des nombreux puits qui alimentait Édimbourg. Parfois, en ces
temps de distillation illicite, le whisky était donc appelé
« todian spring » (littéralement source todienne ). Ce qui
pourrait être à l’origine du diminutif toddy .

Le second est un mélange de « lait » d’avoine (brose , en


anglais), de miel et de whisky. Dans les grandes occasions, on
y ajoute aussi de la crème. Le lait d’avoine est une forme
basique de porridge, c’est-à-dire un mélange de flocons
d’avoine et d’eau. Au bout d’un moment, les flocons se
dissolvent dans l’eau. Le « lait » peut être alors filtré ou pas
avant d’être consommé ou utilisé. Le nom de cette boisson
traditionnelle écossaise viendrait du premier duc d’Atholl. Pour
mater une rébellion emmenée par un certain Iain MacDonald, il
aurait fait passer aux belligérants plusieurs jarres du précieux
mélange. Ivres morts, les rebelles ont été capturés sans combat.

La recette : 200 ml de lait d’avoine – 150 ml de crème liquide –


100 ml de whisky – 1 cuillerée à soupe de miel

Diluer le miel dans le lait d’avoine. Ajouter la crème puis le


whisky. Il faut laisser décanter quelques heures au frais avant
de consommer.
Le whisky soda

Apparaît ensuite, avec l’invention de l’eau gazeuse (XVIIIe


siècle), le whisky soda. Pendant longtemps, ce mélange
alcool/eau gazeuse s’est appelé highball . L’origine du terme
highball n’est pas clairement établie même si l’on sait que le
mot « ball » était parfois utilisé en Angleterre pour nommer
une dose de whisky et que ce type de rafraîchissement était
souvent servi dans un grand et haut verre. Il apparaît autour de
1898 même si certains bartenders américains affirment que des
highballs étaient servis à New York dès 1894. Même si un
highball peut être indifféremment composé à partir de rhum
(Cuba libre), de gin (gin tonic), de vodka (Moscow mule), le
whisky écossais, le bourbon ou le whisky canadien sont les
spiritueux le plus souvent utilisés.

Highball et mizuwari ,
quesako ?
Les Japonais consomment souvent le whisky allongé
d’eau plate ou gazeuse. Un mizuwari , c’est une mesure
de whisky pour deux ou trois d’eau. Un highball , c’est
la même chose mais avec de l’eau pétillante.
Évidemment ce mode de consommation suppose
l’utilisation d’un blend, pas de votre single malt hors de
prix ou celui qui affiche plusieurs années de
vieillissement au compteur ! Ce mode de
consommation est encore plus rafraîchissant si on
ajoute… quelques cubes de glace. Oui, oui de la glace.
Comme quoi tout est possible et… appréciable.
Les cocktails classiques
Le succès du single malt a transformé le statut du whisky en
eau-de-vie de dégustation. Un statut peu compatible avec la
consommation en cocktail. Mais les raisons sont plus profondes
et anciennes. Le cognac a positionné les spiritueux vieillis sous
bois vers ce snobisme de bon aloi. La Prohibition aux États-
Unis a aussi joué un rôle non négligeable. Les whiskies
disponibles sous le manteau à cette époque étaient réputés
n’avoir que peu de goût et être de couleur très pâle (pour ne pas
attirer l’attention de la police). Ce qui a ouvert un boulevard à
la vodka et condamné durablement le bourbon et les whiskeys
forts en goût et hauts en couleur.

Pourtant, de nombreux cocktails classiques ont été créés avec


du whisky. Le succès des bars à cocktails d’abord aux États-
Unis et aujourd’hui en Europe a remis au goût du jour les
principales recettes. Mieux, des dizaines de variantes (on les
appelle « twist ») sont apparues dans les verres à mélange ou
les shakers des meilleurs bartenders. Parmi lesquels de
nombreux Français !

Pour réaliser les grands classiques, il faut un matériel de base :

Verre tumbler : timbale large à fond plat ;


Verre highball : verre haut et étroit ;
Verre cocktail : coupe de forme triangulaire
(synonyme : verre Martini) ;
Shaker : gobelet en métal muni d’un couvercle qui
permet de secouer les ingrédients pour les mélanger et/ou
les rafraîchir avec de la glace ;
Verre à mélange : verre de préparation où l’on remue
les ingrédients avec une grande cuillère.
Et quelques ingrédients :

Bitters : c’est le condiment du cocktail. Boisson


alcoolisée (15% minimum) très aromatisée, à base
d’herbes, d’épices ou de fruit. Les marques les plus
connues sont Angostura et Peychaud.
Vermouth : vin fortifié et aromatisé à base d’herbes,
d’épices ou de fruit. Les premiers vermouths, originaires
d’Allemagne, contenaient une forte proportion de plante
absinthe (wermut en allemand). Il existe deux types de
vermouths : sec ou doux. Les grandes marques sont
italiennes (Martini, Cinzano, Carpano) ou françaises
(Noilly Prat, Dolin).

Des cocktails bien dosés


Pour connaître le degré approximatif d’un cocktail, il
existe une petite formule simple : multiplier la quantité
d’eau-de-vie par son degré (et ce, pour tous les
ingrédients alcoolisés), les additionner et diviser par le
centilitrage total du whisky.
Petit exemple avec le bourbon crusta ci-dessous :
40 ml x 40% + 20 ml x 40% + 20 ml x 25% / 40 ml +
20 ml + 20 ml + 20 ml = 29%

Le bourbon crusta
Cocktail créé à la Nouvelle-Orléans au début du XIXe siècle,
sa base première était le brandy ou le cognac (brandy crusta).
On peut indifféremment utiliser du whisky de seigle ou du
bourbon tout comme du curaçao ou du Cointreau. Pour
certains, le mélange des deux liqueurs (orange et cerise) est une
erreur. C’est donc aussi au choix. Le nom vient du sucre qui
habille le rebord du verre.

Recette : 40 ml de bourbon, 20 ml de curaçao ou de Cointreau,


20 ml de jus de citron, 20 ml de liqueur de marasquin et un trait
de cocktail bitters

Mélanger tous les ingrédients dans un shaker. Passer un zeste


de citron sur le bord du verre de service et parer avec du sucre
cristallisé pour la « crusta touch ». Verser le mélange en
passant.

Le Collins
C’est la version allongée du whisky sour, le blanc d’œuf en
moins. Selon le type de whisk(e)y utilisé, il changera de nom :
Sandy Collins avec un whisky écossais, Mike Collins avec un
whiskey irlandais, Captain Collins avec un whisky canadien ou
Colonel Collins avec un bourbon.

Recette : 45 ml de whiskey, 15 ml de jus de citron et une petite


cuillère à café de sucre

Dissoudre le sucre dans un verre à mélange à la cuillère.


Rajouter le whisk(e)y. Allonger d’eau plate ou gazeuse. Servir
dans un verre highball.

Le Manhattan
C’est le roi des cocktails au whiskey. Son origine et son nom
restent un mystère. On en trouve la première trace écrite dans
un livre datant de 1891, The Flowing Bowl signé d’un certain
William Schmidt. Il aurait été créé à l’occasion d’un banquet
donné dans le quartier new-yorkais de Manhattan. La version
originale utilise un whisky de seigle (rye whiskey ).

Recette : 50 ml de whiskey, 20 ml de vermouth doux, un trait


de cocktail bitters

Mélanger à la cuillère (ne pas shaker) les ingrédients avant de


filtrer et de servir dans un verre à cocktail. Le Manhattan est
servi décoré d’une cerise au marasquin plongée au fond du
verre de service.

Les twists
Rob Roy : le whisky est obligatoirement un single malt
écossais. Il a été créé en 1894 par un barman de l’hôtel Waldorf
Astoria à New York à l’occasion de la première de l’opérette du
même nom inspirée de la vie du Robin des Bois écossais,
Robert Roy MacGregor.

Dry Manhattan : le vermouth doux est remplacé par un


vermouth sec.

Perfect Manhattan : vermouths doux et sec sont présents en


quantité égale.

L’irish coffee
Fierté des Irlandais, l’irish coffee a été créé vers 1940 par Joe
Sheridan, le chef du restaurant de l’aéroport de Shannon.
Certains vols transatlantiques avaient lieu en hydravion et
lorsque les passagers atterrissaient en Irlande, ils étaient
souvent complètement congelés. Sheridan les accueillait avec
un café bouillant recouvert d’une épaisse couche de crème. Ce
qui permettait de le boire sans se brûler et tout en se
réchauffant. La recette traversa l’Atlantique en 1952 grâce à un
journaliste du San Francisco Chronicle qui travaillait aussi
derrière un bar, le Buena Vista Café, dans la ville californienne.
Le succès fut immédiat. La recette originale utilise de la crème
liquide (pas de la crème Chantilly), qui peut flotter sur le café
si celui-ci est sucré.

Recette : 80 ml de café chaud, 40 ml de whiskey, 30 ml de


crème liquide épaisse et une cuillère à café de sucre en poudre

Verser le café puis le whisky. Ajouter le sucre en poudre et


remuer jusqu’à sa dissolution complète. Verser au-dessus du
verre la crème liquide épaisse sur le dos de la cuillère afin
qu’elle se répartisse à la surface du café, sans couler.

Le mint julep
Associé au Sud des États-Unis, c’est pourtant dans un livre
publié à Londres en 1803 que l’on trouve la première recette
écrite. « En Virginie, les habitants boivent le matin un verre de
bourbon avec de la menthe écrasée », écrit l’auteur, un certain
John Davies ! Un drôle de petit déjeuner dont le mojito est la
variante rhum.

Recette : 40 ml de whiskey, 2 morceaux de sucre et 4 feuilles


de menthe

Écraser les sucres puis écraser délicatement les feuilles de


menthe dans un verre tumbler. Rajouter de la glace pilée puis le
whiskey. Le Mint Julep est servi avec un brin de menthe pour
décoration.

Le old fashioned
Classique parmi les classiques, il a donné son nom au verre
tumbler dans lequel il est traditionnellement servi. On attribue
sa création au barman d’un club de Louisville (Kentucky) en
1881, en l’honneur du colonel James E. Pepper, célèbre
propriétaire de la distillerie Old Pepper.

Recette : 45 ml de whiskey, 1 morceau de sucre et 2 traits de


cocktail bitters

Écraser le sucre après l’avoir imbibé de cocktail bitters.


Mouiller avec un peu d’eau. Verser le whiskey et remuer à la
cuillère à mélange. Le old fashioned est servi sur glace avec
une tranche d’orange et d’une cerise au marasquin plongée au
fond du verre de service.

Le rusty nail
Bien que ce cocktail basique soit mixé à partir d’ingrédients
typiquement écossais (du scotch et Drambuie), son origine
remonte à la Prohibition américaine. La piètre qualité de
quelques whiskies écossais qui arrivaient jusqu’aux États-Unis
conduisait certains amateurs à les adoucir avec du Drambuie.
N’hésitez pas à utiliser un whisky de malt plutôt qu’un blend,
c’est encore meilleur.

Recette : 45 ml de whisky écossais, 25 ml de Drambuie

Mélanger le whisky et le Drambuie avant de verser dans un


verre à cocktail sur des glaçons.

Le Sazerac
Soyons honnêtes : à l’origine, ce cocktail – né au début du
XIXe siècle du côté de la Nouvelle-Orléans – était à base de
cognac. Les Américains le remplacèrent petit à petit par du
whisky de seigle, puis définitivement lorsque le phylloxéra eut
raison des vignes françaises et du cognac.

Recette : 40 ml de whiskey, 1 morceau de sucre, 3 traits de


cocktail bitters et 1 trait d’absinthe

Rafraîchir un verre en le remplissant de glaçons. Dans un autre


verre, diluer le sucre avec le cocktail bitter. Verser le whiskey.
Vider les glaçons du premier verre. Aviner ce verre avec
l’absinthe. Verser le mélange sucre/cocktail bitters/whiskey
dans le verre de service. Exprimer un zeste de citron au-dessus
du verre avant de le frotter sur le rebord du verre.

Le whisky cola
Beaucoup d’amateurs de single malt ont dégusté leur premier
whisky (un blend) allongé de cola. Et c’est encore un mélange
qui a de nombreux adeptes parmi les jeunes mais aussi aux
États-Unis. Le Jack (Daniel’s) & Coke est l’un des
incontournables de la carte de nombreux bars américains. Il
faut dire qu’un bourbon se prêtera mieux à ce type de mélange
qu’un whisky de malt. Le problème du whisky cola, c’est
souvent le whisky – un blend de mauvaise qualité – et le cola,
toujours beaucoup trop sucré.

Le whiskey sour
Il se situe entre un punch simplifié et le toddy. Sa création est
probablement bien plus ancienne que sa première mention
écrite qui date de 1856, retrouvée sur la carte des cocktails d’un
hôtel de Toronto. Malgré l’apparente simplicité de sa recette, il
faut trouver le bon équilibre entre l’amer et le sucré. Un vrai
whiskey sour est shaké avec un peu de blanc d’œuf, qui aide au
mélange des arômes et apporte la douceur et le soyeux du
cocktail. La version originale est à base de bourbon ou de
whisky de seigle canadien. Il fonctionne aussi très bien avec un
whisky de malt écossais ou un pure pot still irlandais.

Recette : 45 ml de whiskey, 30 ml de jus de citron, 15 ml de


sirop de sucre et une petite cuillère à café de blanc d’œuf

Mélanger au shaker sans glace tous les ingrédients. Rajouter la


glace et shaker de nouveau. Servir dans un verre tumbler, sur
glace (ce n’est pas une obligation). Le Manhattan est servi
décoré d’une tranche d’orange et d’une cerise au marasquin
plongée au fond du verre de service.

Les cocktails vieillis en fût

C’est l’une des tendances les plus intéressantes de ces


dernières années : le vieillissement des cocktails en fût. À
l’origine de cette idée pas si saugrenue, le bartender anglais
Tony Conigliaro dont le bar – sans nom – situé 69 Colebrooke
Row à Londres, est une référence. Au départ, notre homme
préparait des Manhattans en grand volume avant de les loger en
dame-Jeanne de verre. Non seulement, c’était joli à regarder
mais surtout, tous les ingrédients avaient le temps de bien se
marier entre eux avant que le cocktail soit servi et dégusté.
L’étape suivante a été de faire « vieillir » les assemblages,
comme on le ferait pour un… whisky. Aujourd’hui, trouver des
fûts de petite contenance n’est pas difficile. De nombreuses
micro-distilleries les préfèrent pour accélérer le vieillissement
de leurs spiritueux. En revanche, maîtriser le vieillissement
sous bois est bien plus compliqué. Cela nécessite de
nombreuses expérimentations et de goûter chaque jour ou
presque. Le but est d’apporter du fondu, pas un boisé
supplémentaire ou trop astringent. Ceci dit, quand cette
maturation additionnelle est bien conduite, le résultat est
absolument merveilleux. Cela ne marche pas avec tous les
cocktails mais Manhattan, Sazerac ou old fashioned peuvent
ainsi prendre une autre dimension. De nombreux bars servent
aujourd’hui des cocktails vieillis en fût, même en France, à
Paris, Lyon ou Marseille. La boutique LMDW Fine Spirits en
propose même à la vente, en bouteilles.

Le whisky en cuisine
La palette aromatique du whisky est si large – en cela elle
ressemble à celle du vin – qu’il est facile de l’associer avec
succès avec tous types de gastronomie. L’écossaise en tête,
bien sûr, mais pas seulement. Au cours d’un repas, on peut
associer le whisky de différentes façons : comme un ingrédient
de la recette, en recherchant l’accord parfait entre le plat et le
whisky ou en le servant à table comme on le ferait avec un vin
après l’avoir réduit autour de 12-13%.

Pour déjeuner ou dîner au whisky, il faut quand même


respecter quelques consignes de base : ne pas trop saler, ni trop
sucrer. Le sel donne soif car il piège l’eau, comme l’alcool
d’ailleurs. Le sucre sature les papilles gustatives et empêche de
bien profiter de toute la subtilité d’un accord.

Un ingrédient comme les autres ?


Non, en raison de sa puissance alcoolique, le whisky n’est pas
un ingrédient comme les autres. Il faut l’utiliser avec
parcimonie et ne pas en mettre dans les plats susceptibles d’être
aussi appréciés des enfants !

Ceci dit, comme tous les spiritueux et au même titre que


l’alcool en parfumerie, le whisky sert à révéler ou à relever les
arômes d’un plat ou d’une recette. Il permet aussi de prolonger
l’expérience gustative car l’éthanol a cette propriété de servir
de support aux goûts et aux arômes.

Avec les fruits de mer ou le poisson, c’est l’entente parfaite. Et


les possibilités sont presque infinies. On peut se servir d’un
whisky comme du citron ou pour remplacer la sauce à
l’échalote et réveiller l’iode d’une huître. Dans ce cas-là, une
goutte suffit. Pour cela, essayez de garder le goutte-à-goutte
d’un médicament ou de trouver une seringue neuve (pas besoin
de l’aiguille évidemment). Le vaporisateur (de parfum, que
vous aurez préalablement vidé et soigneusement rincé) est
aussi un autre objet du quotidien à détourner. Sur un poisson,
cuit à l’eau, grillé ou fumé, vaporisez un peu de votre whisky
préféré (tourbé ou pas) juste avant de servir. Une merveille !
On peut aussi utiliser le whisky pour flamber une cassolette de
fruits de mer ou comme d’un exhausteur de goût dans une
sauce. Il parfume aussi idéalement toutes les marinades.

Depuis toujours, un débat divise les épicuriens pour savoir si


un whisky tourbé et marin, comme ceux d’Islay, accommode
mieux les poissons et les fruits de mer. Cela se discute. Il vaut
mieux jouer la subtilité que le rapport de force. Un saumon
fumé dans les règles de l’art n’aura peut-être pas besoin d’un
monstre de tourbe pour se révéler délicieux. Au contraire. Tout
est question d’équilibre.

En pâtisserie, le whisky s’utilise, comme n’importe quelle autre


eau-de-vie, pour aromatiser une pâte à gâteau, une pâte à
crêpes ou une crème. Il préférera cependant les desserts sans
cuisson pour donner sa pleine mesure. À cet égard, la mousse
au chocolat avec un trait de whisky tourbé fonctionne
parfaitement. Et plus le chocolat est noir et fort en cacao, plus
ça marche.

Que manger avec son whisky ?


Facile à boire et grâce à l’étendue de son champ
organoleptique, le whisky – qu’il soit malt, blend ou bourbon –
s’accorde avec tout ou presque. Pour que l’alliance fonctionne,
mieux vaut essayer de trouver une saveur, un goût, un parfum
commun qui fera le pont entre le whisky et le plat. Pas besoin
d’un élément forcément dominant. Il peut juste être là de
manière subtile mais il faut qu’il soit présent chez les deux
partenaires. Cela peut être une épice (le poivre, la cannelle, la
vanille), une saveur (fruitée, sucrée, salée) voire une texture
(gras, poudré, soyeux). Peu importe, la complémentarité ne
marche que si le whisky et le plat « communiquent ».

D’une manière générale, le « gras » facilite grandement les


choses car il a tendance à anesthésier la morsure de l’alcool.
C’est d’ailleurs pour cela que les accords whisky et fromages
fonctionnent si bien, tout comme le foie gras, les gibiers et
volailles ou dans un autre registre, le chocolat. Les arômes
fruités ou de fruits secs ou herbacés et céréaliers ou boisés et
légèrement astringents offrent des combinaisons multiples qui
ne demandent qu’à entrer en résonance avec une entrée, un plat
ou un dessert.

On peut aussi créer le pont entre le plat et le whisky, tout


simplement en déglaçant un jus de cuisson, en aromatisant une
sauce ou en flambant des légumes grillés ou croquants.

Pas besoin d’une grande quantité de whisky pour apprécier


toute la richesse d’un accord. À table, en dégustation, le whisky
ne se boit pas comme du vin. Trois ou quatre centilitres
suffisent largement. Il n’y a pas non plus de règles particulières
à respecter. Chacun fait comme il le sent, soit en commençant
par le whisky, soit en commençant par le plat. Le but étant
quand même d’arriver à mélanger un peu des deux en bouche
pour créer de nouvelles saveurs.

On conseillera cependant de ne pas mélanger whisky et vin au


cours d’un même repas. Les meilleurs spécialistes vous le
diront : raisin et grain ne font jamais bon ménage. Même si on
ne s’en aperçoit que le lendemain.

Les accords Malts & Food


Depuis plusieurs années maintenant, la gamme des
Classic Malts (autrefois Cragganmore, Dalwhinnie,
Glenkinchie, Oban, Lagavulin et Talisker et
aujourd’hui Caol Ila, Cardhu, Knockando, Lagavulin,
Singleton et Talisker) joue la carte des alliances
gourmandes sous l’appellation Malts & Food. Le
concept ? Des coffrets cadeaux qui déclinent plusieurs
recettes faciles à mettre en œuvre autour des thèmes
fruits de mer, fromages et douceurs. Bouchées
apéritives salées ou mignardises digestives sucrées et
single malts revisitent l’apéro dînatoire entre ami(e)s.
Et ça marche.

Dîner au whisky
On peut aussi dîner au whisky, sans spécifiquement rechercher
des accords parfaits sur tous les plats. Pour cela, il suffit de
diluer un whisky en l’allongeant avec de l’eau dans une carafe.
Pour réduire à 13% un whisky titrant initialement à 40%, il
suffit de mélanger dans une carafe whisky et eau, la plus neutre
possible, dans une proportion de 1/3-2/3. Selon notre petite
formule de calcul du taux d’alcool après réduction, sur la base
de 35 cl de whisky à 40% : 40% x 35 cl de whisky/35 cl + 70 cl
d’eau = 1 400/105 = 13,33%.
Choisissez plutôt un single malt âgé de 10-12 ans d’une qualité
et d’un prix moyens. Il faut un spiritueux qui tienne la route
mais pas non plus la meilleure bouteille de votre bar. Ce mode
de dégustation n’est pas courant en Europe, ni aux États-Unis.
En revanche, il est relativement répandu au Japon. L’essayer,
c’est l’adopter !

Haute gastronomie et whisky


Rares sont les grands chefs à s’être emparés du whisky et à lui
avoir donné une place de choix sur leur carte. Et pourtant, l’un
des plus grands d’entre eux, Ferran Adria, a fait connaître sa
cuisine moléculaire et révolutionnaire avec des pastilles glacées
de whisky sour (une recette revisitée par Moshik Roth à
Brouwerskolkje en Hollande) qu’il servait à l’apéritif. Il a
influencé le mixologiste anglais Tony Conigliaro (bar
69 Colebrooke Row à Londres) mais aussi Heston Blumenthal.
Ce chef anglais (Fat Duck, à Bray, Royaume-Uni) propose les
whiske(y)s gums, soit cinq mini-bouteilles gélifiées de
Glenlivet, Oban, Highland Park, Laphroaig et Jack Daniel’s,
présentées sur une carte encadrée comme un tableau. Étonnant.
Mieux, Daniel Boulud (restaurant Daniel à New York) a même
fait sa propre cuvée avec la distillerie Dalmore.

En France, La Zygothèque (Paris, 13e ) enchante régulièrement


les épicuriens à la recherche d’accords maltés gastronomiques,
lors de dîners-dégustation (un par mois) dont le succès ne se
dément pas. Le whisky inspire à son chef (et propriétaire) Jean-
Michel Noël des alliances gourmandes entre cuisine
traditionnelle et whiskies de caractère.

Quelques grands noms de la gastronomie française, Jean-


François Piège (Apicius à Paris), Olivier Roellinger en
Bretagne, sont aussi des amateurs avertis mais ils n’ont pas
véritablement donné de prolongement à leur eau-de-vie
préférée en cuisine. Alain Passard (L’Arpège à Paris), Gordon
Ramsay et son second Simone Zanoni (Trianon Palace à
Versailles), Daguin, père et fils (Hegia à Hasparren) ou Éric
Pras (Lameloise à Chagny), tous se sont essayés au menu
whisky. Sans donner suite.

Du coup, la palme revient au chef français David Faure


(Aphrodite à Nice) qui en 2013 a proposé un menu qui
fourmillait… d’insectes. Clou du dîner, le dessert : « cubiques
de pain perdu aux poires, inclusions de grillons en bubble au
whisky ». On vous le disait : le whisky va avec tout.
Chapitre 16

Partager, c’est (se) faire plaisir

Dans ce chapitre :
Les mots pour le dire
Les ouvrages pour le lire
Les concours de dégustation, pour le meilleur et pour le
pire
Les clubs de whisky, les occasions de se réunir
L’agenda du whisky, une année d’enfer

D éguster un bon whisky, c’est avant tout se faire plaisir ou


faire plaisir. Seul ou entre ami(e)s. Chez soi, à l’extérieur ou
sur un salon.

Comment garder le souvenir de ce que l’on a aimé ? Comment


savoir pourquoi un whisky nous plaît plus qu’un autre ? Rien
de plus simple. Il suffit de suivre quelques conseils et d’avoir
un peu de méthode. Mais aussi de savoir de quoi on parle
exactement ou de se laisser guider.

Enfin, il ne faut pas hésiter à échanger avec d’autres amateurs.


Les occasions sont souvent multiples mais les instants toujours
uniques. On aimerait pouvoir garder en mémoire tous ces bons
moments de partage et de dégustation, petits plaisirs
instantanés de la vie lorsque plusieurs paramètres sont
parfaitement alignés. Pour un joli paysage ou le baptême de
votre cousine, il y a l’appareil photo. Pour le whisky, il y a le
commentaire de dégustation.

Les mots pour le dire


Il n’est pas toujours facile de se souvenir des whiskies que l’on
goûte. Le moyen le plus simple, c’est de rédiger ses propres
commentaires de dégustation. Pour cela, il suffit de noter à
chaque étape de la dégustation ce que l’on voit, ce que l’on
sent, ce que l’on goûte et ce que l’on ressent. Un commentaire
de dégustation se décompose donc en plusieurs parties :

L’apparence générale : on note ici souvent la couleur


mais on peut aussi préciser l’aspect du whisky, plus ou
moins consistant, et la forme ou la taille des jambes qu’il
laisse sur le verre de dégustation. Attention à préciser
avant toute chose si le whisky a été coloré artificiellement
ou embouteillé à sa couleur naturelle.
Le nez : il s’agit de répertorier les différentes odeurs du
whisky. Cela se passe en deux étapes : le premier nez
révèle les arômes les plus volatils. Ensuite, un second
bouquet propose des arômes généralement plus complexes.
Attention à ne pas plonger le nez trop précipitamment dans
un whisky embouteillé à fort degré (au-dessus de 50%).
Les muqueuses nasales sont très sensibles et n’aiment pas
être agressées.
La bouche : c’est ici que l’on tente de déceler les goûts
mais aussi la sensation procurée en bouche. Pour cela, pas
besoin d’ingurgiter une trop grande quantité de spiritueux,
ni même de… l’avaler. Un peu d’air et de salive suffisent à
révéler les différentes saveurs du whisky. Il ne faut pas
hésiter à faire tourner le whisky en bouche afin que toutes
les papilles entrent en contact avec le spiritueux. On l’a vu,
chaque groupe de papilles, en fonction de sa place sur la
langue, ne révèle pas les mêmes goûts.

Lorsqu’on déguste, et c’est même essentiel si on veut déguster


plusieurs whiskies, il ne faut pas hésiter à recracher. Facile à
dire mais pas toujours facile à admettre, ni à faire pour des
questions de bienséance mais aussi tout simplement parce
qu’on aime vraiment ce que l’on goûte !

Le commentaire final : il relève principalement de


l’appréciation d’ensemble. Cela peut donc être juste
quelques mots descriptifs ou une comparaison avec un
whisky de référence. Cela peut être aussi une note sur 5,
sur 10 ou sur 100. Lorsqu’on débute et que l’on a du mal à
percevoir les différents arômes ou saveurs, le whisky peut
juste faire l’objet d’une appréciation générale et/ou d’une
note. Le commentaire final devient ainsi le commentaire
de dégustation tout court. Point final.

Un whisky de référence
Les dégustateurs professionnels (et quelques amateurs
avertis) commencent toujours chaque dégustation par
goûter un whisky de référence. C’est généralement un
whisky de base – et évidemment toujours le même –
dont ils connaissent le profil aromatique absolument
par cœur. Cela va leur servir de maître-étalon pour
juger et commenter les autres spiritueux. Mais aussi
s’assurer que tous leurs organes de dégustation (nez et
bouche) sont aussi en état normal de fonctionnement.
Le corps humain est une mécanique de précision
parfaitement capable d’analyser finement et
précisément mais aussi de se dérégler sans crier gare. À
cause d’un début de maladie (grippe ou angine) ou
simplement par la faute d’un aliment ingurgitée
précédemment et dont le goût est tout simplement trop
fort ou incompatible avec une dégustation.

Les mots pour le lire


Si l’on veut juste apprécier un bon whisky pour ce qu’il est,
sans forcément s’embêter à noter ses commentaires de
dégustation, on peut se rabattre sur les nombreux guides
disponibles aujourd’hui sur le marché. Il faut pourtant savoir
que cette littérature est relativement récente. Le premier guide
avec les commentaires de dégustation des principaux whiskies
écossais date de 1987. Malt Whisky Almanach est l’œuvre de
Wallace Millroy, le fondateur de la célèbre boutique
londonienne Millroy’s of Soho.

C’est ensuite un certain Michael Jackson, homonyme du


chanteur américain, qui est devenu la référence incontestée du
genre. Pour toute une génération d’amateurs, son travail n’est
pas étranger à l’engouement qu’ont connu les single malts.
Après s’être fait un nom dans l’univers de la bière (sa première
et autre passion), il publie lui aussi un premier livre sur le
whisky en 1987, The World Guide to Whisky . Mais son
ouvrage de référence reste The Malt Whisky Companion , dont
la première édition est parue en 2004. Comme le guide Parker
pour le vin, ce guide note les whiskies sur 100, seuls ceux au-
dessus de 75 méritant d’être essayés. Il a fait l’objet de
nombreuses rééditions et traductions, dont une en français.
Depuis la disparition prématurée de Michael Jackson en 2007,
un trio d’expert a été chargé des mises à jour régulières. Cet
ouvrage reste un compagnon merveilleux pour tout amateur de
single malt avec plus de 1 000 commentaires de dégustation, un
descriptif détaillé des distilleries écossaises et la présentation
des principaux whiskies du monde.

L’autre référence en matière de guide de dégustation reste The


Whisky Bible de Jim Murray. La première édition est parue en
2003, après que l’auteur anglais ait publié de nombreux
ouvrages sur le whisky depuis le tout premier, Irish Whiskey
Almanach en 1994. Sa « bible », dont le nom fait polémique,
essaie de recenser chaque année tous les whiskies produits un
peu partout autour du monde. Ce qui était déjà difficile à
l’origine devient impossible aujourd’hui. Les whiskies sont
notés sur 100 et The Whisky Bible paraît chaque année début
octobre.

Whisky Magazine , le magazine


des palais & esprits fins
Depuis 1998, il existe un magazine consacré à 100% au
whisky. Whisky Magazine a été lancé au Royaume-Uni
par Damian Riley Smith, dont la famille a longtemps
été liée à la distillerie de Jura sur l’île écossaise du
même nom. Sa rédaction a toujours bénéficié de la
plume experte des meilleurs spécialistes : le regretté
Michael Jackson, Charles MacLean, Dave Broom ou la
Française Martine Nouet.
Cette dernière a accompagné le lancement de sa
version française, publiée pour la première fois en
février 2004 à l’initiative de La Maison du Whisky.
D’abord bimestriel, Whisky Magazine & Fine Spirits
est devenu trimestriel en septembre 2010 lorsqu’il s’est
ouvert aux autres spiritueux. Il est vendu par
abonnement, chez une centaine de cavistes et chez les
marchands de journaux. Tiré à 20 000 exemplaires, il
est aujourd’hui diffusé à 10 000 exemplaires en France,
Belgique, Suisse et au Québec.
Depuis, cette première édition internationale a fait des
émules puisque Whisky Magazine existe aussi en
japonais, espagnol, taïwanais, coréen, grec et italien.
Les différents éditeurs de Whisky Magazine organisent
un peu partout autour du monde les salons de
dégustation Whisky Live. Voir les sites
www.whiskymag.com et www.whiskymag.fr .

La palme de l’exhaustivité revient cependant à un Français,


Serge Valentin. Cet amateur (très averti) s’emploie depuis 2002
à commenter (en anglais) tous les whiskies qu’il déguste sur un
blog devenu culte (et très consulté), whiskyfun.com. La barre
des… 10 000 commentaires publiés devrait être franchie pour
le douzième anniversaire en juillet 2014. Outre son avis et une
sérieuse dose d’humour, Serge Valentin publie les aventures
hilarantes de Pete McPeat et Jack Washback, deux amateurs de
whisky aussi avertis que cyniques. Il est aussi à l’origine d’un
fameux club de collectionneurs, les Malt Maniacs, et d’un
prestigieux concours de dégustation, les Malt Maniacs Awards.
Les concours de dégustation, pour le meilleur et
pour le pire
Les concours de dégustation dédiés aux spiritueux en général et
au whisky en particulier ne sont pas si nombreux que cela. Et
ils sont encore moins nombreux à bénéficier d’une organisation
et d’une réputation suffisantes pour être synonyme de garantie
pour l’amateur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les
marques ne s’appuient que très rarement sur les médailles
décernées pour vanter les mérites de leurs embouteillages. Il
faut dire que l’absence de millésime limite l’intérêt et la
pertinence de tels concours. Toutes les marques mettent un
point d’honneur à rendre leur whisky le plus constant et
régulier possible, blend ou single malt inclus. Il n’empêche, six
concours tirent leur épingle du jeu.

Les Malt Maniac Awards

Révélés chaque 1er décembre, les Malt Maniac Awards sont


assurément le plus intéressant des concours de dégustation. Il
est organisé par une poignée d’amateurs (très) avertis, qui
habitent aux quatre coins de la planète. Tous les échantillons
sont dégustés à l’aveugle et notés sur 100. Le concours
récompense différents types de whisky selon trois catégories de
prix : moins de 50 €, de 51 € à 150 €, plus de 151 €. Une
médaille d’or est décernée à tous les whiskies notés 90 et plus,
d’argent pour ceux entre 85 et 89/100, de bronze pour ceux
notés entre 80 et 84/100.

World Whisky Awards


Les World Whisky Awards sont organisés par Whisky
Magazine et décernés chaque année en mars au cours d’une
grande soirée qui réunit à Londres l’industrie du whisky. Ils
récompensent tous les types de whisky par pays (région, pour
l’Écosse) de production. Un tour final réunissant le gagnant de
chaque catégorie permet d’élire le whisky de l’année.

International Wine & Spirit Competition


Fondé en 1969, l’International Wine & Spirit Competition
existe sous sa forme actuelle depuis 1978. Ses prix sont très
réputés dans l’univers du vin auprès des Anglo-Saxons. C’est
plus récent pour les spiritueux même si parmi les 250 juges
figurent quelques-uns des experts les plus reconnus de la
catégorie. Les résultats sont annoncés en novembre à Londres
au cours d’un banquet.

International Spirits Challenge


La première édition de l’International Spirits Challenge a eu
lieu en 1996. Depuis, ce concours de dégustation dédié aux
spiritueux en général et aux whiskies en particulier s’est taillé
une jolie réputation. Il récompense les embouteillages mais
aussi le packaging, les actions marketing et les revendeurs de
spiritueux. Les résultats sont annoncés en juillet.

Artisan American Spirits Awards


Devant le boom des micro-distilleries aux États-Unis,
l’American Distilling Institute récompense chaque année
depuis 2007 les meilleurs spiritueux américains. Les whiskies
se taillent la part du lion car ils représentent presque la moitié
des eaux-de-vie en compétition. En raison de l’inventivité
débordante des distillateurs américains (ingrédients de base
et/ou méthode de production), il n’est cependant pas toujours
facile de se retrouver dans les innombrables catégories et sous-
catégories.
Concours général agricole
Pour la première fois en 2014, le Concours général agricole –
créé en 1870 – s’est ouvert aux whiskies français. Il
récompense le meilleur de la production hexagonale par des
médailles d’or, d’argent ou de bronze. Qu’ils soient de malt,
d’assemblage ou de grain, les whiskies sont dégustés à
l’aveugle dans une seule et unique catégorie.

Les clubs de dégustation, des occasions de se réunir

Scotch Malt Whisky Society


www.smws.fr

Café Society – 11, rue Tronchet – Paris 8e

La Scotch Malt Whisky Society est aujourd’hui le plus célèbre


club d’amateurs de whisky. Fondé en 1981 par Philipp Hill de
retour d’un séjour dans le Speyside, il compte des milliers de
membres tout autour du monde dans ses différentes branches
anglo-saxonne, américaine, japonaise, hollandaise, suisse ou
espagnole. Et française.

Suite à des difficultés financières et le départ de son fondateur


en 1995, la Society (c’est ainsi que ses membres l’appellent)
appartient aujourd’hui à… LVMH via sa filiale anglo-saxonne
Glenmorangie Plc. Ce qui ne l’empêche nullement d’être
totalement indépendante et de continuer à proposer des
embouteillages exclusifs à ses membres. Comme depuis
l’origine, le nom de la distillerie n’apparaît jamais, remplacé
par un code. Toujours le même pour chaque distillerie (le
1 pour Glenfarclas qui a inauguré une série toujours en cours,
125 pour Glenmorangie). Tous les whiskies sont embouteillés
en fût unique, au degré et à la couleur naturelle. Une véritable
institution dont le siège – The Vaults à Leigh en banlieue
d’Édimbourg –est classé monument historique.

La section française a fêté son vingtième anniversaire en


septembre 2013. Elle possède son propre lieu de rendez-vous :
un bar niché dans le 8e arrondissement de Paris, accessible aux
seuls membres et leurs invités.

La confrérie de l’Ordre des taste whisky écossais


www.cotwe.eu

COTWE – 4, rue Albéric Pont – 69005 Lyon

Branche française de la Brotherhood of Scotch Whisky Tasters,


la confrérie de l’Ordre des taste whisky écossais (COTWE) a
été créée en 1965. Elle revendique un millier de membres
répartis dans quatorze branches françaises : Alpes-Maritimes,
Annecy, Bordeaux, Bouches-du-Rhône, Bourgogne, Franche-
Comté, Pays de Guérande, Pays Roannais, Lyon, Normandie,
Paris/ Île-de-France, Pays de l’Ain, Toulouse-Pyrénées, Var.
Elle se décline aussi en Suisse (Genève, Zurich et Berne) et en
Belgique (Bruxelles).

Le Clan des Grands Malts


Le Clan des Grands Malts – 4, avenue des Terroirs de France –
75012 Paris

Association de loi 1901, le Clan des Grands Malts a été créé en


avril 1997. Il compte plusieurs dizaines de membres actifs dans
ses trois antennes à Paris, Lille et Marseille. De nombreuses
dégustations mais aussi des dîners autour du whisky sont
organisés tous les ans ainsi qu’un voyage, généralement en
Écosse.

Le club de la Maison du Whisky


La Maison du Whisky – 20 rue d’Anjou – 75008 Paris

Avec près de 300 membres actifs, le club de la Maison du


Whisky est l’un des plus gros de France. Créé en 1998 par la
célèbre boutique parisienne, il organise une dégustation par
mois et un voyage par an dans un pays producteur (souvent
l’Écosse, parfois les États-Unis ou le Japon).

Les autres clubs


La France compte de nombreux amateurs de whisky mais en
dehors de Paris, peu d’entre eux se réunissent en club. Les rares
clubs actifs se comptent sur les doigts des deux mains : Whisky
Club Nantais ou le Nantes Whisky Club à… Nantes,
Normandie Whisky à Louviers, les Passionnés du Malt à
Toulouse, Dreoch An Dorius à Brest, Fingle Malt Whisky Club
à Montpellier, Yec’hed Malt à Lannion ou Marseille
Whisky 001 à Marseille.

Whisky Club Nantais : wcn.pagesperso-orange.fr


Nantes Whisky Club : nanteswhiskyclub.fr
Normandie Whisky : www.normandie-whisky.com
Les Passionnés du Malt : passionnesdumalt.free.fr
Dreoch An Dorius :
www.facebook.com/DreochAnDoriusClubBrest
Fingle Malt Whisky Club : finglemaltclub.free.fr
Yec’hed Malt : yechedmalt.blogspot.fr/
Marseille Whisky 001 : www.caves-
damiani.com/club_whisky.htm
Sans faire partie d’un club, on peut s’initier à la dégustation et
au whisky avec des professionnels. La société Haut de Forme à
Paris ou l’Académie de la boutique spiritueux de La Maison du
Whisky à Paris organisent régulièrement des soirées
découvertes.

Le plus francophile des Écossais, Julian Hutchings, parcourt


aussi inlassablement la France pour faire partager sa passion et
son érudition sur le sujet. Et nul besoin d’être un expert ou un
grand connaisseur pour participer à ces soirées souvent (très)
conviviales. Au contraire.

Haut de forme : www.hautdeforme.fr


Académie LMDW Fine Spirits :
www.finespirits.fr/academie/ateliers-whisky
Julian Hutchings : www.degustation-whisky.com

Les grands événements du whisky


Un autre moyen de rencontrer des amateurs et d’échanger dans
une ambiance conviviale, c’est de se rendre à l’une des
nombreuses manifestations organisées en l’honneur du whisky.
Depuis plusieurs années, maintenant le whisky créé
l’événement un peu partout autour du monde mais aussi en
France. Autant d’occasions d’aller à la rencontre des
producteurs ou de découvrir de nouveaux whiskies (marques
et/ou embouteillages).

Avril : The Whisky Fair à Limburg (Allemagne)


Tous les amateurs (avertis) de whisky de collection se
réunissent en avril à Limburg depuis 2002. C’est devenu l’un
des rendez-vous incontournables de l’année. Limburg – au
nord-ouest de Francfort – devient le temps d’un week-end la
capitale mondiale des whiskies. Mais pas de n’importe quels
whiskies. Que les meilleurs. Le salon a fait sa réputation auprès
des amateurs les plus exigeants par une concentration
exceptionnelle de collectors et autres bouteilles rares.
Distilleries, embouteilleurs indépendants, importateurs ou
collectionneurs, tout le monde joue le jeu en apportant ses plus
jolis flacons.

www.thewhiskyfair.com

Mai : Spirit of Speyside à Dufftown (Écosse)


Le Spirit of Speyside se tient chaque année pendant le premier
week-end de mai au cœur du triangle d’or du whisky écossais.
Une cinquantaine de distilleries s’associent aux différentes
animations (plus de 350 en quelques jours à peine !). Visites
privilégiées, dîners dégustation, embouteillages exclusifs mais
aussi parcours de golf, expositions ou randonnées pédestres
sont au programme. Rendez-vous devenu incontournable au fil
des ans, le Spirit of Speyside s’affirme année après année
comme un passage obligé pour tout amateur de single malt.

Renseignements et programme complet sur


www.spiritofspeyside.com

Mai/juin : Feis Ile à Islay (Écosse)


La dernière semaine de mai et jusqu’au premier week-end de
juin, se tient le Feis Ile. Initialement festival musical, il est
devenu au fil des ans l’un des rendez-vous majeurs de l’année
pour tous les amateurs de single malts. Au programme, une
semaine de réjouissances autour du whisky et de la musique,
pendant laquelle chacune des distilleries de l’île est mise à
l’honneur avec une opération portes ouvertes et la vente sur
place d’un embouteillage en édition limitée. Chaque année, des
milliers de visiteurs se rendent sur la petite île au large de
l’Écosse.

www.theislayfestival.co.uk

Juin : Ardbeg Day (mondial)


Chaque année, la célèbre distillerie d’Islay est fêtée tout autour
du monde à l’occasion du Ardbeg Day. C’est probablement
l’un des seuls whiskies capables d’organiser à l’échelle
mondiale une journée de célébration à sa propre gloire. Au
cours de ce Ardbeg Day, un certain nombre de boutiques –
partout dans le monde –triées sur le volet organise des
animations autour de la marque. Elles mettent aussi en vente
une version exclusive, en édition limitée.

www.ardbeg.com

Septembre : Kentucky Bourbon Festival (États-Unis)


Tous les ans, en septembre, Bardstown, la capitale historique
du bourbon, célèbre son eau-de-vie. Des dizaines d’événements
sont organisés un peu partout en ville : dégustations, dîners ou
ateliers cocktail, bien sûr, mais aussi des conférences, des
démonstrations de tonnellerie ou des expositions autour du
bourbon. Musique et sport font aussi partie de la fête. Pendant
six jours, l’ambiance en ville est incroyable.

Septembre : Le Whisky Live à Paris (France)


Depuis 2000 et les premières éditions au Japon et en
Angleterre, le Whisky Live est devenu le principal salon de
dégustation de whisky. Il réunit aujourd’hui aux quatre coins de
la planète les plus grandes marques de whisky et les amateurs
du monde entier. Aujourd’hui, il fait étape dans une vingtaine
de pays (Afrique du Sud, Angleterre, Australie, Belgique,
Canada, Chine, Chypre, Écosse, Espagne, États-Unis,
Hollande, Inde, Irlande, Japon, Russie, Singapour, Taiwan),
dont la France, bien sûr.

Le Whisky Live Paris se tient traditionnellement en septembre.


Il réunit sur trois jours plus de 7 000 amateurs, particuliers et
professionnels. 70 marques de whisky parmi les plus
prestigieuses proposent à la dégustation plus de 300 whiskies.
Il a fêté son dixième anniversaire en 2013. Dans tous les pays,
c’est le grand rendez-vous de l’année.

www.whiskylive.fr ; www.whiskylive.com

Novembre : Aberlour Hunting Club à Paris (France)


Chaque année depuis 2010, à l’occasion de la Saint-Hubert
(patron des chasseurs), Aberlour installe pendant trois jours un
restaurant éphémère. Un grand chef étoilé réalise un menu
d’exception associant chaque plat à un single malt de la gamme
Aberlour. Le nombre de couverts est souvent très limité à une
vingtaine seulement afin de permettre à chaque convive de
vivre une expérience unique.

www.aberlour.fr

L’agenda du whisky, une année d’enfer


On peut apprécier un bon whisky tous les jours de l’année,
seul(e) ou en bonne compagnie. Pour les amateurs, quelques
jours du calendrier sont cependant plus importants que
d’autres.
Le 25 janvier : Burn’s Supper
Le whisky écossais est célébré partout autour du monde à
l’occasion de la date anniversaire de la naissance de Robert
Burns. Tous les ans, le 25 janvier, l’amateur de whisky porte un
toast à la mémoire du plus célèbre poète écossais, véritable
héros national. Les plus courageux en profitent également pour
déguster une bonne portion de haggis (de la panse de brebis
farcie), arrosée comme il se doit d’une généreuse rasade de son
whisky préféré. Ne pas oublier de rendre grâce en début de
repas en déclamant The Selkirk Grace , ni de réciter le célèbre
Adress to a Haggis (premier et dernier versets ci-dessous ainsi
que celui pendant lequel la panse doit être ouverte en deux)
avant de porter un Toast to the Lassies , c’est-à-dire en
l’honneur des femmes présentes et/ou qui ont préparé le Burn’s
Supper. Slainthe !

The Selkirk Grace


Some hae meat and canna eat,
And some wad eat that want it ;
But we hae meat, and we can eat,
And sae let the Lord be thankit.

Certains ont de la nourriture mais ne peuvent manger D’autres


aimeraient manger ce qu’ils trouveraient. Nous avons de la
nourriture et nous pouvons manger, Aussi n’oublions pas de
remercier le Seigneur.

Address To A Haggis
Fair fa’ your honest, sonsie face,
Great chieftain o’ the puddin-race !
Aboon them a’ ye tak your place,
Painch, tripe, or thairm :
Weel are ye wordy o’ a grace
As lang’s my arm.
His knife see rustic Labour dicht,
An’ cut you up wi’ ready slicht,
Trenching your gushing entrails bricht,
Like ony ditch ;
And then, O what a glorious sicht,
Warm-reekin, rich !

Ye Pow’rs wha mak mankind your care,


And dish them out their bill o’ fare,
Auld Scotland wants nae skinkin ware
That jaups in luggies ;
But, if ye wish her gratefu’ prayer,
Gie her a haggis !

Hymne Au Haggis
Bienvenue à toi, honnête et heureux visage,
Grand chef du clan des épicuriens !
Au-dessus d’eux, tu as pris place.
Boyaux, tripes et panses :
Vous valez bien une belle prière,
Aussi longue que mon bras.

L’homme de labeur prend son couteau,


Et te découpe avec adresse,
Pour laisser apparaître tes entrailles luisantes,
En une unique tranchée
Et voilà, Ô quel spectacle magnifique
Fumet puissant et abondant !

Et Vous Puissant qui prenez soin de nous


Qui leur donnez de quoi se nourrir,
La vieille Écosse ne veut pas de nourriture sans goût
qui clapote dans une soupière.
Alors si vous voulez toute sa reconnaissance
Donnez-lui du haggis !
Le 17 mars : la Saint-Patrick
Comme chaque année à l’occasion de la date anniversaire de la
mort de Maewyn Succat, le 17 mars, les Irlandais ainsi que tous
les amoureux de la verte Érin et de whiskey célèbrent saint
Patrick. La Saint-Patrick a été fêtée pour la première fois à
Boston (États-Unis) en 1737, à New York le 17 mars 1756 au
Crown & Thistle Tavern. La parade dans les rues new-
yorkaises existe depuis 1762. Aujourd’hui, elle est fêtée partout
dans le monde et souvent de manière spectaculaire. Elle
rassemble ainsi plus de deux millions de personnes chaque
année sur la Cinquième Avenue à New York et plus de
500 000 à Dublin.

Le 27 mars : International Whisky Day


Depuis 2008, l’International Whisky Day est fêté chaque année
le 27 mars, date anniversaire de la naissance du journaliste et
expert Michael Jackson (1942-2007), le plus célèbre écrivain
du whisky. À l’origine de cette initiative originale, ses amis
journalistes, parmi lesquels Martine Nouet, Charles MacLean
ou Dave Broom. L’objectif de cette journée spéciale est
« d’honorer tous les héros anonymes qui ont fait, font et feront
ce que le whisky est aujourd’hui et ce qu’il continuera d’être
jusqu’à la fin des temps ». C’est aussi l’occasion de lever des
fonds pour combattre la maladie de Parkinson – dont souffrait
Michael Jackson – et/ou aider ses malades à mieux vivre au
quotidien.

www.internationalwhiskyday.org

Le 31 décembre : Hogmanay
Les Écossais changent d’année en fêtant Hogmanay. Une
célébration du Nouvel An qui consiste à se rendre en premier
(first-footing ) chez son voisin ou chez des amis en apportant
un petit cadeau. L’occasion de trinquer avec un verre de
whisky. Aujourd’hui, Hogmanay dure jusqu’au 2 janvier, qui
est aussi un jour férié.
Chapitre 17

Acheter, consommer son whisky


préféré

Dans ce chapitre :
Savoir lire une étiquette
Dix bouteilles pour faire salon
Collectionner le whisky
Les bonnes adresses

P our acheter ou consommer son whisky préféré, rien de plus


facile, les bonnes adresses de cavistes ou bars abondent plus
aujourd’hui en France mais aussi à l’étranger. En revanche, il
n’est pas toujours facile de faire le bon choix et/ou de se
constituer un bar à whisky digne de ce nom, chez soi. Suivez le
guide.

Savoir lire une étiquette


L’étiquette est évidemment le moyen le plus simple pour le
producteur de donner tous les renseignements nécessaires à la
bonne identification du whisky et pour le consommateur de
savoir à quoi correspond la bouteille. En principe… Car, sous
un abord souvent rassurant et facile d’accès, parfois esthétique,
l’étiquette superpose un certain nombre d’informations qui ne
relèvent pas toutes de la même volonté. Certaines mentions
sont en effet des obligations légales et imposées par les États
du pays producteur et/ou d’importation, voire les deux.
D’autres donnent des caractéristiques précises et légalement
encadrées par des directives européennes ou l’Organisation
mondiale du commerce. Mais il ne faut pas oublier que
certaines mentions ou indications ne sont là que pour faire
vendre la bouteille et relèvent plus d’une stratégie marketing ou
de communication. Si certaines étiquettes se contentent du
strict minimum, d’autres fourmillent d’informations
nombreuses et pas toujours très claires. Pas facile dans ces
conditions de s’y retrouver.

Les mentions obligatoires


Dans tous les pays du monde aujourd’hui, le commerce de
l’alcool fait l’objet d’un encadrement strict et contrôlé qui
impose de faire apparaître sur la bouteille un certain nombre de
mentions obligatoires et légales :

La contenance ;
La quantité nette contenue dans la bouteille est exprimée
en millilitre (ml), centilitre (cl) ou litre (l) ;
Le degré alcoolique. En France, il est obligatoire de
mentionner le titre alcoométrique volumique, autrement dit
le degré, pour toute boisson titrant plus 1,2% vol (directive
du 15 avril 1987). Il s’affiche en pourcentage par volume
(% vol.) calculé à une température de 20 °C. Il sera en
pourcentage d’alcool par volume au Royaume-Uni (% ou
ABV pour « alcool by volume ») et en degré proof aux
États-Unis ou certaines bouteilles en provenance des États-
Unis (1% = 2 degrés proof). Dans ce cas précis, pour être
vendue en France ou en Europe, une bouteille doit
obligatoirement faire apparaître son équivalent en
pourcentage alcoolique selon les normes en vigueur
(% vol.).

Le chiffre du titre alcoométrique ne peut comporter qu’une


décimale et la loi accorde une marge d’erreur de 0,3%. Pour un
whisky embouteillé au degré minimum, cette marge d’erreur ne
peut s’appliquer qu’à la hausse puisqu’en dessous de 40% vol.,
le spiritueux ne peut plus s’appeler whisky. À noter que
contenance, degré alcoolique et dénomination doivent
apparaître dans le même champ visuel.

Les mentions complémentaires


Toutes les autres mentions relèvent du marketing et de la
stratégie de communication de la marque. L’appellation Scotch
Whisky garantit que le whisky a été produit et embouteillé en
Écosse. Un single malt écossais doit aussi mentionner sa région
d’origine : Highland, Lowland, Speyside, Islay ou
Campbeltown. Un straight whisky américain sans autre
information sur la date de distillation ou d’embouteillage
assure d’un minimum de quatre ans de vieillissement.

Les mentions « pur malt » ou « pure malt » sont désormais


interdites pour les whiskies écossais. On les retrouve cependant
encore sur beaucoup d’embouteillages et notamment les
whiskies français. Tout simplement parce que cela sonne bien.
En réalité, les whiskies que l’on appelle ainsi sont presque
toujours des single malts.
Le compte d’âge
Le compte d’âge indiqué sur l’étiquette fait toujours
référence au whisky le plus jeune utilisé dans la recette.
Blend ou malt, un 12 ans d’âge ne contient donc que
des whiskies âgés de 12 ans et un jour minimum. Ce
qui n’empêche pas la marque de mettre des whiskies
plus âgés dans son assemblage, si elle le désire pour
améliorer sa qualité ou son goût.
Un whisky produit en Europe sans mention d’âge est
au minimum âgé de 3 ans.

Dix bouteilles pour faire salon


Que l’on soit simple amateur ou véritable geek du whisky, on a
tous notre marque, notre embouteillage de prédilection. Celui
qui nous a fait succomber pour la première fois ou notre petit
chouchou du moment. Mais rien n’est cependant plus pénible
que de ne pas avoir le choix. En fonction du moment, de la
façon dont on se sent ou des amis avec qui on va le partager, on
n’a pas toujours envie du même whisky. D’où l’intérêt de se
constituer un petit assortiment, histoire de ne jamais être pris au
dépourvu. Une dizaine de flacons suffit largement. Mieux vaut
privilégier la rotation des bouteilles que leur accumulation.

1) un single malt écossais classique : Glenfiddich


12 ans ;
2) un single malt tourbé brut de fût : Laphroaig 10 ans
CS ;
3) un single malt écossais de dégustation : Glenfarclas
105 ;
4) un bourbon américain : Maker’s Mark ;
5) un single malt japonais : Yamazaki 18 ans ;
6) un pure pot still irlandais : Redbreast 15 ans ;
7) un whisky de seigle américain : Van Vinkle Rye ;
8) un blend écossais de dégustation : Ballantines
17 ans ;
9) un blend écossais classique Johnnie Walker Black ;
10) un whisky du monde : français, suédois, belge,
indien ou australien.

Bien conserver une bouteille


ouverte
Une bouteille de whisky entamée ne se conserve pas ad
vitam aeternam . Le whisky s’oxyde à la lumière et
s’évapore dans l’air et ce, d’autant plus vite si le niveau
est bas. Pour prolonger la conservation de son whisky
préféré, mieux vaut le garder à l’abri de la lumière. Et
rajouter des billes en verre dans la bouteille permet
d’augmenter le niveau du whisky et de chasser l’air. Le
tour est joué.

Collectionner le whisky
Les collectionneurs de whisky sont de plus en plus nombreux.
Pas seulement pour les mignonnettes, les étiquettes ou les étuis,
comme cela était fréquemment le cas par le passé. Non,
désormais ce sont bien les bouteilles – pleines et intactes – qui
ont leur préférence. Les motivations du collectionneur peuvent
être diverses et variées mais une forte demande et la sortie
d’embouteillages en édition limitée créent les conditions d’un
marché de collection, voire de spéculation.

Ouvrir une vieille bouteille


sans risque
Si vous dénichez un vieux flacon de whisky ou si vous
retrouvez dans votre bar une bouteille qui n’a pas été
ouverte depuis longtemps, le risque est grand de casser
– par précipitation – le bouchon de liège, devenu tout
sec ou collé au goulot. Pour éviter ce genre de
mésaventure, il existe un petit truc tout simple :
retourner la bouteille quelques instants pour humidifier
et/ou lubrifier le liège.

On peut collectionner les whiskies sans thème particulier, juste


pour le plaisir d’accumuler, mais c’est quand même plus simple
d’avoir un fil conducteur. Ils sont nombreux : tous les
embouteillages d’une seule et unique distillerie (mieux vaut en
choisir une nouvelle), un millésime particulier (son année de
naissance), une gamme ou une série particulière. Certains
collectionnent même les whiskies… français ! Tout est
possible, mais mieux vaut garder à l’esprit qu’une collection ou
qu’un embouteillage n’a de valeur que si elle est complète (ou
en parfait état) et si les whiskies sont… bons. Fallait y penser.
Où trouver la bouteille rare ?
Il existe de nombreux moyens de dénicher la bouteille
rare ou celle que vous recherchez activement, en
dehors des cavistes traditionnels. Les sites de ventes
aux enchères classiques (eBay) ou de mise en relation
(Le Bon Coin) sont évidemment des lieux de vente ou
d’échanges qui connaissent un grand succès. Mais sont
aussi apparus des sites spécialisés bien pratiques pour
compléter sa collection, ou au moins savoir ce qui
existe ( www.whiskybase.com ).
Le collectionneur sera aussi attentif aux sociétés de
vente aux enchères historiques. En France, Christie’s
organise régulièrement des ventes consacrées aux vins
et spiritueux. Au Royaume-Uni, plusieurs sociétés se
sont même spécialisées dans les enchères de whiskies
de collection avec des experts et des commissaires-
priseurs qui font aujourd’hui autorité.

www.ebay.fr
www.leboncoin.fr
www.scotchwhiskyauctions.com
www.christies.fr
www.mctears.co.uk
www.bonhams.com
www.mulberrybankauctions.com
www.whisky-onlineauctions.com
Les bonnes adresses
En France, la plus grande partie des whiskies est vendue par la
grande distribution, hyper et supermarchés. La barre des
100 millions de litres écoulés sur douze mois a même été
franchie en septembre 2011. Cela représente 143 millions de
bouteilles (sur les 200 millions vendus chaque année dans notre
pays). Les blends écossais de moins de 12 ans comptent pour
85% des volumes.

Parmi les marques les plus vendues, William Peel se taille la


part du lion avec 25 millions de bouteilles écoulées chaque
année. Suivent Label 5 et Grant’s (13 millions), Clan Campbell
(11 millions), Sir Edward’s (10 millions), Ballantine’s (9
millions), William Lawson (7 millions) et J&B (6 millions).
Johnnie Walker – leader mondial incontesté avec 220 millions
de bouteilles consommées chaque année dans le monde – ne
figure pas dans le top 10 et Jack Daniel’s, son dauphin (140
millions), est la neuvième marque la plus vendue en France (5
millions de bouteilles). (Source : Nielsen)

Le marché français du whisky est ainsi fait qu’on consomme


soit des blends à bas prix, soit des blends de luxe ou des single
malts, sans véritable place pour les marques intermédiaires.
Une situation due à la structure unique du réseau de
distribution, segmenté entre les supermarchés, les cavistes
chaînés et les cavistes indépendants.

Dès la fin des années 1960, les premiers ont joué le jeu du
whisky et au détriment du cognac. Les grandes marques de
blends n’ont eu aucun scrupule (et les stocks suffisants) pour
être vendues en libre-service. Le cognac, pour garder son
image de produit de luxe, préférait être vendu sur la
prescription et/ou la recommandation d’un vendeur.
Aujourd’hui, la plupart des enseignes montent des foires aux
whiskies (fêtes des Pères, à l’automne et/ ou en fin d’année), à
l’image des foires aux vins, et leur succès ne se dément pas
année après année.

Les réseaux de cavistes chaînés, suite au succès des magasins


Nicolas depuis leur rachat par le groupe Castel en 1988, se sont
développés au cours des années 1990. Ils ont largement ouvert
leurs rayons aux whiskies depuis la fin des années 2000. Le
Comptoir Irlandais, Inter Caves, Cavavin ou V&B et les
nouveaux venus Comptoirs des Vignes ou Les Domaines qui
montent proposent tous aujourd’hui une large sélection de
whiskies. Et ce, tout au long de l’année, pas seulement au
moment des fêtes de fin d’année.

www.nicolas.com
www.intercaves.fr
www.comptoir-irlandais.com
www.cavavin.fr
www.vandb.fr
www.comptoirdesvignes.fr
www.lesdomainesquimontent.com

Les cavistes indépendants


Mais la France, c’est aussi un incroyable réseau de cavistes
indépendants. Ils sont environ 4 000 et tous passionnés.
Beaucoup d’entre eux se sont lancés dans cette activité par
amour du vin, mais le succès du whisky les conduit aujourd’hui
à proposer une large sélection de flacons. Certains d’entre eux
sont même aujourd’hui exclusifs spiritueux avec une gamme de
whiskies qui constitue le gros de leur offre. Ils sont présentés
plus précisément dans cette sélection, loin d’être exhaustive.

Alsace
Le Comptoir du Whisky à Mulhouse. Patrick Bertrand est un
amoureux du whisky. Sa passion l’a conduit à ouvrir une
boutique 100% whisky, la troisième française. Une folie en
2003, un vrai succès aujourd’hui. Le Comptoir du Whisky (ex-
Caveau du Couvent) propose 500 whiskies différents. Parmi les
références, quelques embouteillages exclusifs, dont certains de
l’embouteilleur alsacien AWA (Authentic Whisky Alsace).

Le Comptoir du Whisky : 10, rue du Couvent – 68100


Mulhouse –tél. 03 89 46 55 63 – www.comptoir-du-
whisky.com

L’Art du Vin : 113A, route de Strasbourg – 67500 Haguenau –


tél. 03 88 93 14 87

Au Millésime : 7, rue du Temple Neuf – 67000 Strasbourg –


tél. 03 88 22 30 20

Aquitaine
Art & Vin : 2, place du Palais – 33000 Bordeaux –
tél. 05 56 06 35 44

Maison Désiré : 11, cours du Maréchal-Galliéni – 33000


Bordeaux – tél. 05 56 93 06 04

Auvergne
Cave Marcon : place du Marché-Couvert – 43000 Le Puy-en-
Velay – tél. 04 71 09 62 98

Basse-Normandie
Les Caves de Rosel : 7, rue du Clos-Joli – 14740 Rosel –
tél. 02 31 80 05 75

L’Alambic : 8, rue de la Liberté – 50000 Avranches –


tél. 02 33 58 47 41

Bourgogne
Whiskies & Spirits à Beaune. Pendant dix-huit ans, Christophe
Grémeaux a été sommelier pour quelques-uns des fleurons de
la gastronomie française. Sa dernière expérience en tant que
responsable de la sélection des vins et spiritueux dans une
épicerie fine le pousse à franchir le pas. Whiskies & Spirits
ouvre en 2011. Christophe propose plus de 400 références dont
les whiskies de Michel Couvreur.

Whiskies & Spirits : 3, rue de l’Enfant – 21200 Beaune –


tél. 03 80 21 55 19 – www.whiskiesandspirits.com

Bretagne
Cave du Trégor : ZA de Keringant – 22700 Saint-Quay-Perros
–tél. 02 96 48 83 40 – www.cavedutregor.com

Les Caves de mon père : ZAC Kergaradec – 8, avenue Baron-


Lacrosse – 29200 Brest – tél. 02 98 02 34 17 –
www.cavesdemonpere.com

Only Whisky Shop : 26, rue Émile-Zola – 29200 Brest –


tél. 02 98 44 55 44 – www.onlywhiskyshop.com

Whisky & Rhum. C’est une toute petite boutique nichée dans le
vieux Rennes, ouverte et tenue par un jeune couple depuis
2009. Le Français Tristan a rencontré la Polonaise Anna en
Écosse et leur passion du whisky les a conduits à se lancer dans
une aventure (presque) 100% maltée. Au-delà d’une très belle
sélection de whiskies officiels et indépendants, la boutique
propose depuis peu ses propres embouteillages sous l’étiquette
L’Esprit.

Whisky & Rhum : 1, rue Pontgérard – 35000 Rennes –


tél. 02 99 79 35 67 – whisky-rhum.com

Centre
La Cave du Lion d’Argent : 6, avenue du Lion-d’Argent –
36400 La Châtre – tél. 02 54 48 01 13

Aux Trois Fûts : 27, boulevard Jean-d’Arc – 45600 Sully-sur-


Loire – tél. 02 38 44 02 16
Champagne-Ardenne
CPH : ZAC Escarnotières, rue Blaise-Pascal – 51000 Châlons-
en-Champagne – tél. 03 26 22 96 69

Corse
Le Chemin des Vignobles : 16, avenue Noël-Franchini –
20000 Ajaccio – tél. 04 95 51 46 61

Franche-Comté
Les Gourmands Lisent : 12, rue Bersot – 25000 Besançon –
tél. 03 81 65 45 08

La Cave Belfortaine : 220, avenue Jean-Jaurès – 90000 Belfort


– tél. 03 84 26 08 94

Haute-Normandie
La Cave du Beffroi : 6, rue de l’Horloge – 27000 Évreux –
tél. 02 32 31 07 18

Maison Clet : 7, rue Pierre-Mendes-France – 27400 Louviers –


tél. 02 32 40 06 72 – www.cletduvin.fr

Caves Bérigny : 91, quai Bérigny – 76400 Fécamp –


tél. 02 35 27 19 79

Caves Bérigny : 7, rue Rollon – 60, rue Beauvoisine 60000


Rouen – tél. 02 35 27 19 79

Île-de-France
Inter Caves : 4, quai Hyppolyte-Rossignol – 77000 Melun –
tél. 01 64 37 54 15

Épicerie de Longueil : 28, avenue de Longueil – 78600


Maisons-Laffitte – tél. 01 39 62 00 50
La Cave du Gourmet : 1, chemin du Pont-du-Bois –
91530 Sermaise – tél. 01 64 59 42 63

Le Cellier des Marchés : 34, rue de la Mairie – 92320 Châtillon


– tél. 01 40 95 95 06

Grains de Folie : 128, rue de Paris – 93150 Les Lilas –


tél. 01 43 60 34 57

Le Comptoir du Perreux : 19, boulevard Alsace-Lorraine –


94170 Le Perreux-sur-Marne – tél. 01 48 72 20 08

Les Caves de Beauchamps : 45, avenue Anatole-France –


95250 Beauchamp – tél. 01 34 18 24 43

Languedoc-Roussillon
Aux Grands Vins de France : 1-3, rue de l’Argenterie –
34000 Montpellier – tél. 04 67 60 75 48

Limousin
La Halle Aux Vins : 226, avenue du Général-Leclerc –
87000 Limoges – tél. 05 55 37 80 50

Lorraine
Les Domaines : 2, rue Claude-Charles – 54000 Nancy –
tél. 03 83 30 53 39 – www.lesdomaines.eu

Midi-Pyrénées
Chai Vincent : 38, rue d’Astorg – 31000 Toulouse –
tél. 05 61 12 34 51

Nord-Pas de Calais
Les Vins Gourmands : 33, rue Esquermoise – 59000 Lille –
tél. 03 20 30 12 20

La Vigneraie : ZI des Trois Tilleuls, 136, ruelle des Prairies –


59850 Nieppe – tél. 03 20 48 68 38
Calais Vins : ZAC Curie – 40, rue Gutenberg – 62100 Calais –
tél. 03 21 36 40 40

Les Caves des Tours : 10, rue de la République – 62144 Acq –


tél. 03 21 85 31 87

Délépine : rue Verte – 62145 Liettres – tél. 03 21 39 34 43

La Cave Touquettoise : 72, rue de Metz – 62520 Le Touquet –


tél. 03 21 05 63 40

Le Chais : 49, rue des Deux-Ponts – 62200 Boulogne-sur-Mer


–tél. 03 21 31 65 42

Le Chais : 37, route des Bruyères – 62200 Longuenesse –


tél. 03 21 38 61 44

Paris
La Maison du Whisky à Paris. Créée en 1956 par Georges
Bénitah, La Maison du Whisky a compté jusqu’à cinq
boutiques à Paris avant de concentrer son offre dans le seul
magasin de la rue d’Anjou, ouvert en 1968. C’est aujourd’hui
une véritable institution en France mais aussi pour tous les
amateurs partout dans le monde. Un peu comme si un whisky
acheté à la Maison du Whisky était forcément meilleur. Même
pour le client averti, il n’est jamais facile de faire son choix
dans le petit millier de flacons disponibles en permanence, de
30 à 5 000 euros (et parfois plus !). Ici les grandes étiquettes de
single malt se déclinent aussi côté embouteilleurs
indépendants, voire embouteillages maison et exclusifs. Un
petit cabinet de curiosités abrite également une
impressionnante sélection de whiskies de collection. Tous sont
en vente et régulièrement renouvelés. Dirigée par le fils du
fondateur, Thierry Bénitah, l’enseigne est devenue l’un des
principaux distributeurs français sur le segment des whiskies
moyenne, haut et très haut de gamme. La boutique n’a
cependant pas perdu son âme, loin de là, grâce à son
responsable, le (très) connaisseur et facétieux Jean-Marc
Bellier, sosie (presque parfait) d’Elton John.

La Maison du Whisky : 20, rue d’Anjou – 75008 Paris –tél. 01


42 65 03 16 – www.whisky.fr

Lavinia : 3, boulevard de la Madeleine –75001 Paris –tél. 01 42


97 20 20

Legrand et Filles : 1, rue de la Banque – 75002 Paris –tél. 01


42 60 07 12

Bossetti : 34, rue des Archives – 75004 Paris – tél. 01 48 04 07


77

Vin & Whisky : 62, rue Monge – 75005 Paris – tél. 01 45 87 17


95

La Grande Épicerie : 38, rue de Sèvres – 75007 Paris –tél. 01


44 39 80 05

Caves Augé : 116, boulevard Haussmann –75008 Paris –tél. 01


45 22 16 97

Julhès : 54, rue du Faubourg-Saint-Denis – 75010 Paris –tél. 01


48 00 01 40

Renaud : 12, place de la Nation – 75012 Paris – tél. 01 43 07


98 93

La Cave de Tolbiac : 45, rue de Tolbiac – 75013 Paris –tél. 01


45 83 48 83

Les Caves Dargent : 45, rue de Vouillé – 75015 Paris –tél. 01


40 45 09 10
Les Caves du Roy : 24, rue Simart – 75018 Paris –tél. 01 42 23
99 11

Pays de la Loire
Inter Caves : 39, boulevard du Doyenné – 49100 Angers –
tél. 02 41 34 78 67

La Baule Primeurs : 49, avenue Louis-Lajarrige – 44500 La


Baule –tél. 02 40 60 28 86

La Cave du Beffroi : 12, rue de la Paix – 44000 Nantes –tél. 02


40 47 04 12

La Cave Jules Verne : 78, boulevard Jules-Verne – 44000


Nantes –tél. 02 51 89 97 52

Picardie
La Cave de Chantilly : 68, avenue du Maréchal-Joffre –60500
Chantilly – tél. 03 44 21 79 68

Poitou-Charentes
L’Ambassade du Vin : ZAC de la Mude – 79000 Niort –tél. 05
49 75 37 71

Provence-Alpes-Côte d’Azur
Whisky Prestige à Cannes. Chez les di Mercurio, le whisky
était d’abord la passion de Christophe avant de devenir le
gagne-pain d’Aurore. Cette ancienne clerc de notaire n’a pas
hésité une seconde lorsqu’elle a décidé de changer de vie. Elle
aussi s’était prise d’intérêt pour le single malt et son incroyable
palette aromatique. Quelques flacons en provenance d’une jolie
collection viennent idéalement compléter une très belle
sélection de 400 bouteilles.

Whisky Prestige : 15, rue Pasteur – 06400 Cannes –tél. 04 10


22 31 11 – www.whiskyprestige.com
Caves Damiani : 86, boulevard Mireille-Lauze – 13010
Marseille –tél. 04 91 79 61 68 – www.caves-damiani.com

Jacquèmes : 9, rue Méjanes – 13100 Aix-en-Provence –tél. 04


42 23 48 64– www.jacquemes.fr

L’Épicerie : 3, place des Trois-Ormeaux, 13100 Aix-en-


Provence –tél. 04 42 57 45 91

Rhône-Alpes
L’Échanson : rue Belledone – 38920 Crolles – tél. 04 45 04 93

L’Échanson : 24, rue des Trignons – 38570 Goncelin –tél. 04


76 45 79 05

L’Échanson : 1, rue Lakanal – 38000 Grenoble –tél. 04 76 85


05 17

The Whisky Lodge à Lyon, c’est l’autre paradis du whisky en


France. Fondée en 1993 par Gabriel Tissandier, la boutique
située en plein cœur du Lyon commerçant, propose plus de
1 200 whiskies différents. Elle est aujourd’hui animée par le
fils, Pierre, tout aussi passionné et expert. Une affaire de
famille.

The Whisky Lodge : 7, rue Ferrandière – 69002 Lyon –tél. 04


78 42 48 22

Maison Malleval : 11, rue Émile-Zola – 69002 Lyon –tél. 04 78


42 02 07 – www.malleval.com

Cave Valmy : 27, place Valmy – 69009 Lyon – tél. 04 78 83 71


68

Cave Gilles Granger : 15, rue Antoine-Lumière – 69008 Lyon –


tél. 04 78 75 12 51 – www.cavegillesgranger.fr
Outre-Mer
La Maison du Whisky : 47, rue Jean-Châtel – 97400 Saint-
Denis de La Réunion – tél. 02 62 21 31 19

La Maison du Vin : 3, rue Victor-Lamon, place d’Armes –


97232 Le Lamentin – tél. 05 96 57 03 60

Le Cellier du Gouverneur : quai de la République – 97133


Saint-Barthélemy – tél. 05 90 27 99 93

Le Pavillon des Vins : 97, route de l’Anse – 98000 Nouméa –


tél. (+687) 27 80 20

La whisky Web

Il est aujourd’hui devenu très facile d’acheter ses whiskies par


correspondance. De nombreux sites proposent de larges
sélections. Attention aux offres trop alléchantes. Un prix (très)
bas ou la disponibilité d’un whisky en édition limitée ou épuisé
doit inciter à la prudence. Préférez donc les sites spécialisés en
spiritueux et ceux qui affichent la réelle disponibilité des
stocks. Attention également si vous achetez à l’étranger.
Certains embouteillages ne peuvent être importés en France
(centilitrage non autorisé, appellation trompeuse, étiquetage
non réglementaire). Sachez également qu’il règne un certain
flou sur l’acquittement des droits sur l’alcool. Dans les faits, les
taxes sont payées dans le pays d’où part le whisky. Pourtant les
douanes françaises pourraient être en droit de les réclamer. En
raison du faible nombre de transactions, le législateur ne s’est
pas encore penché sur la question mais nul doute que ce sera le
cas si la vente à distance maintient son rythme de croissance.
Acheter sur Internet présente beaucoup d’avantages, surtout
lorsqu’il s’agit d’un cadeau à expédier, mais rien ne remplacera
le conseil d’un professionnel ou le panorama complet d’un
rayon de whisky pour faire son choix.

www.whisky.fr
L’incontournable référence est en ligne depuis 1997 ! À ce
titre, whisky.fr a été l’un des premiers sites marchands
français ! Et il est resté seul de longues années. Le temps de
convaincre les acheteurs potentiels qu’une bouteille pouvait
voyager par La Poste sans casse. Le nombre de références est
évidemment impressionnant (plus de 1 000 en permanence). Et
aucune mauvaise surprise concernant la disponibilité puisque le
stock est mis à jour en temps réel. Un système ingénieux
d’alerte permet d’être prévenu lorsqu’un embouteillage sort ou
revient en stock.

www.cdiscount.fr
Le numéro un français du commerce en ligne propose une large
sélection de whiskies écossais mais aussi américains. Sans
véritable tri, ni sélection, il n’est pas facile de s’y retrouver si
l’on ne s’y connaît pas un minimum. Mais tous les
embouteillages font l’objet d’une fiche descriptive et l’effet
loupe permet de bien lire chaque étiquette.

www.territoirewhisky.fr
Ce site a été créé par deux amateurs de whisky devenus des
vrais pros du commerce en ligne. Leur sélection de
250 whiskies reste classique mais un ingénieux (et tout simple)
système de recherche permet de trouver en quelques clics le
bon whisky pour soi ou à offrir.

www.cote-aperitif.com
Depuis 2007, ce petit site dédié à l’art de l’apéro a réussi à
trouver sa place. On cherche son whisky de prédilection en
décidant si c’est pour l’apéro, pour un cocktail ou une
dégustation. Les rubriques nouveautés ou cadeaux complètent
le dispositif. Simple et efficace.
Whisky bars

Il y a aussi en France quelques très beaux bars à whiskies. À


Paris, le plus connu d’entre eux est incontestablement le
Harry’s Bar (2e ) qui a fêté ses 100 ans en 2012. Le Forum (8e
) est aussi une adresse prisée des amateurs. Le Nikka bar, au
sous-sol du Curio Parlor (5e ), Steaking (6e ) au-dessus du
restaurant ou le Sherry Butt (4e ) valent aussi le détour. Du côté
des bars d’hôtel, celui du Park Hyatt (2e ) est aussi l’occasion
de déguster de précieux nectars dans un cadre chic. Le Bristol,
le George V et le Plaza Athénée (8e ) tirent aussi leur épingle
du jeu. En province, les plus belles sélections se trouvent au
Wallace à Lyon (5e ), à l’Aspen de Samoens (Savoie), au café
Brun à Bordeaux, au Papa Doble à Montpellier, au Carry
Nation à Marseille ou au Macallan à Nantes. En Belgique, le
Fiasko à Aubel propose l’une des plus belles cartes du pays.

Les boutiques duty free


Pendant longtemps, les boutiques duty free ont tiré leur épingle
du jeu grâce aux prix affichés. Aujourd’hui, on y va pour leur
offre. Toutes les marques de whisky ont aujourd’hui compris
que leur cœur de cible – cadre supérieur actif – fréquente
assidûment les aéroports internationaux. Elles développent
donc une offre spécifique pour consommateurs, clients
privilégiés de ces boutiques haut de gamme et luxueuses. Les
magasins duty free sont aujourd’hui le troisième marché pour
le single malt écossais, juste après la France et les États-Unis et
devant l’Allemagne. Les éditions limitées et autres
embouteillages ou gammes exclusifs rendent fous les amateurs.
Le tour du monde en 40 caves
Allemagne
Celtic Whisky : Bulmannstrasse 26 – Nuremberg –tél. (+49) 11
4509 7430
Weinquelle Lühmann : Lübeckerstrasse 145 – Hambourg –
tél. (+49) 40 25 63 91
Whiskey Shop Tara : Rindermark 16 – Münich –tél. (+49) 89
26 51 18
House Of Whisky Ackerbeeke 6 – Obernkirchen –tél. (+49)
5724 399 420
Whiskyworld : Ziegefeld 6 – Grafenau 94481 –tél. (+49) 8555
406 320
World Wide Whisky : Eisenacherstrasse 64 – Berlin
Schöneberg 10823 – tél. (+49) 30 784 501

Andorre
Cava Bénito : avenue Carlemany 82 – 500 Andorre-la-Vieille –
tél. (+37) 682 04 69

Autriche
Potstill, Strozzigasse 37, 1080 Vienne – tél. +43 (0)6641
188 541 – www.potstill.org

Belgique
La Tête d’Or : 13, rue de la Tête-d’Or – 1000 Bruxelles – tél.
(02) 512 34 18
We Are Whisky : avenue Rodolphe Gossia 33 – 1350 Orp
Jauche –tél. 472 134 556
La Cave Saint-Jacques : rue Piquet 21 – 7500 Tournai –
tél. (069) 23 20 20
Broekmans : Molenstraat 19 – 3550 Heusden Zolder –tél. (011)
537 060
Whisky Corner : Kraaistraat 18 – 3530 Houthalen –tél. (089)
38 62 33
Crombé : Engelse Wandeling 11 – 8500 Kortrijk –tél. (056) 211
987
Jurgen’s Whiskyhuis : Gaverlan 70, 9620 Zottegem –tél. +32
(0)93 36 51 06

Canada
Kesington Wine Market : 1257 Kensington road NW – Calgary
–tél. (+1) 403 283 8000

Irlande
Celtic Whisky Shop : 27-28 Dawson street – Dublin –
tél. (+353) 1675 9744

Luxembourg
Vino Selects – Maxivins : 148, route d’Arlon – 8010 Strassen –
tél. 26 31 15 52

Monaco
Les Grands Chais : 11, rue Baron-de-Sainte-Suzanne –98000
Monaco – tél. (+377) 93 30 26 80

Pays-Bas
Whiskyslijterij de Koning : Hinthamereinde 41 –
s’Hertogenbosch – tél. (+31) 73 614 3547
Van Wees : Leuderweg 260 – Amersfoort – tél. (+31) 33 461
53 19

Royaume-Uni
Il existe de nombreux cavistes spécialisés en Angleterre parmi
lesquels on citera à Londres, l’historique Berry Bros & Rudd
qui date de 1698, le classique Milroy’s of Soho créé par les
frères John et Wallace Millroy, le pédagogique The Whisky
Exchange au cœur de Vinopolis des frères collectionneurs
Singh ou la magnifique boutique Hedonism en plein cœur de la
City.

La grande chaîne The Whisky Shop est aussi incontournable


pour ses nombreuses boutiques un peu partout au Royaume-
Uni. Master of Malt, au départ une boutique dans le Kent, est
aussi en train de se tailler une sacrée réputation sur Internet.

En Écosse, les boutiques des embouteilleurs indépendants


Gordon & MacPhail (Elgin) et Cadenhead (Édimbourg et
Campbeltown) débordent de merveilles, tout comme Loch
Fyne Whiskies à Inveraray. The Scotch Whisky Experience,
au-delà de son excellent circuit de visite, propose une jolie
sélection de whiskies.

Berry Bros & Rudd : 3 St. James street, Londres –tél. +44
(0)8709 004 300 – www.bbr.com
Hedonism : 3-7 Davies street, Londres – tél. +44 (0)2079
890 085 –hedonism.co.uk
Milroy’s of Soho : 3 Greek street, Londres –tél. +44 (0)2074
372 385 – www.milroys.co.uk
The Whisky Exchange : Vinopolis, 1 Bank End, Londres –
tél. +44 (0)2074 038 688 – www.thewhiskyexchange.com
The Whisky Shop : 20 boutiques à Londres, Oxford, Norwich,
Birmingham, Brighton, Stoke On trent, etc.,
www.whiskyshop.com
Master of Malt : 8a London road, Turnbridge Wells –tél. +44
(0)8005 200 474– www.masterofmalt.com
Cadenhead : 172 Canongate, Royal Mile, Édimbourg –tél. +44
(0)1315 565 864 ; 30-32 Union street, Campbeltown –tél. +44
(0)1586 551 710 – www.wmcadenhead.com
Gordon & MacPhail : 58-60 South street, Elgin –tél. +44
(0)1343 545 110– www.gordonandmacphail.com
Loch Fyne Whiskies : Main street, Inveraray –tél. +44 (0)1499
302 219 – www.lfw.co.uk
The Scotch Whisky Experience : 354 Castlehill, Royal Mile,
Édimbourg – tél. +44 (0)1312 200 441 –
www.scotchwhiskyexperience.co.uk

Russie
Whisky World Shop : 9 Tverskoy boulevard – Moscou –
tél. (+7) 495 787 9150
Suisse
Canton de Bâle

Paul Ullrich : Schneidergasse 27 – 4001 Bâle – tél. 61 338 90


91

Canton de Genève

Bacchus Spirits : cours de Rive 5 – 1004 Genève –tél. 22 312


41 30

Canton des Grisons

World Of Whisky : Via Dim Lej 6 – 7500 St-Moritz –tél. 81


852 33 77

Canton de Vaud

Magnin Vins : Côte aux Vignes 16 – 1097 Riex – tél. 21 799 11


55
Whisky Time : rue de l’Horloge 6 – 1095 Lutry – tél. 21 791
70 02

Canton de Zürich

Eddie’s Whiskies : Dorfgasse 27 – 8810 Horgen – tél. 43 244


63 00

États-Unis
Park Avenue Liquor Shop : 292 Madison avenue – New York –
tél. (+1) 212 685 2442
Cask : 17 3rd Street – San Francisco – tél. (+1) 415 281 64 86
Cinquième partie

La partie des Dix

Dans cette partie…

A u fil de ces chapitres, vous glanerez des informations pour vous divertir,
vous faire voyager et épater vos amis : les dix endroits mythiques du
whisky, les dix idées reçues, les chiffres les plus affolants de la planète
whiskies. Vous verrez que la belle boisson ambrée est aussi une source
d’inspiration pour de nombreux artistes, qu’ils soient écrivains,
compositeurs ou cinéastes.
Chapitre 18

Whisky folie
L e whisky et ses dix chiffres les plus affolants.

Une bouteille qui vaut de l’or


The Dalmore Trinitas 64 ans est devenu le whisky le plus cher
jamais commercialisé avec un prix de vente conseillé de…
100 000 £ en octobre 2010. Trois bouteilles seulement de ce
single malt ont été produites. D’où le nom de cette série très
limitée. Pour la petite histoire, deux des trois bouteilles ont été
vendues… le jour même de leur mise en vente. Fou.

La doyenne des bouteilles


La plus vieille bouteille de whisky ayant été mise en vente était
âgée d’environ 150 ans. Impossible en effet de dater
précisément ce flacon de Glenavon Special Liquor Whisky
lorsqu’il a été présenté à une vente aux enchères le
29 novembre 2006 au Royaume-Uni. La bouteille a été vendue
14 850 £. L’histoire ne dit pas quel âge avait le whisky
embouteillé, sachant qu’il n’existait pas d’âge légal minimum à
cette époque. Historique.
Un whisky septuagénaire
L’embouteilleur indépendant Gordon & MacPhail a créé
l’événement en 2010 en embouteillant le premier single malt
écossais de 70 ans. Il s’agissait d’une eau-de-vie distillée en
1938 chez Mortlach et enfûtée dans une barrique ayant contenu
du xérès. Il restait en 2010 suffisamment de whisky – et à
46,1%, un degré étonnamment élevé pour un âge si
canonique – pour remplir 54 bouteilles de 70 cl (10 000 £) et
163 flacons de 20 cl (2 700 £). Gordon & MacPhail a récidivé
en 2011 avec un The Glenlivet 70 ans . Exceptionnel.

Le plus fort
On dit souvent qu’un mauvais whisky à 40% paraît plus
alcooleux qu’un très bon brut de fût. Il faut donc une maîtrise
parfaite de toutes les étapes de la production pour proposer des
eaux-de-vie qui titrent plus de… 70%, comme cet
embouteillage de George T Stagg, un bourbon, qui titrait 143 °
(71,5%). Fort.

Le cocktail le plus chic


Servi au Skyview, le bar de l’hôtel Burj Al Arab (Dubaï), ce
cocktail est en fait un old fashioned revisité avec un Macallan
55 ans d’âge. Le cocktail est délicatement remué avec un
bâtonnet de chêne provenant d’un fût de Macallan. Il est servi
sur glace, une glace réalisée avec la même eau qui sert à
fabriquer Macallan, bien sûr. Pour info, le prix de
27 321 dirham a été fixé grâce au nombre d’étages (27) et à la
hauteur de la tour (321) du Bur Al Arab. Les dix cocktails
planifiés ont tous été commandés et bus entre le 16 avril et le
15 décembre 2008. En seulement six commandes. À ce prix
(environ 5 700 euros), le verre en cristal de Baccarat plaqué or
est offert.

Le verre le plus cher


Toujours au Skyview, le bar de l’hôtel Burj Al Arab à Dubaï,
vous pourrez commander un verre du fameux Macallan 55 ans
en carafe Lalique, dont seules 420 exemplaires ont été réalisés.
Il vous en coûtera 4 000 $ les 3 cl. Ce qui valorise la bouteille
de 75 cl à 100 000 $. Soit cinq fois son prix de mise en vente
fixée à 20 000 $. Pas donné lorsqu’on sait que le whisky titrait
40,1%, soit juste au-dessus ses 40% nécessaires pour avoir
l’appellation « scotch whisky ».

La bouteille de whisky la plus chère


515 600 $. Une impériale (6 litres) de Macallan M a été
adjugée 515 600 $ (378 000 €) à Hong Kong le 18 janvier
2014. C’est un record absolu pour une bouteille de whisky,
même si cela n’en fait pas le whisky le plus cher… au litre. En
novembre 2010, une carafe de 1,5 litre du plus vieux Macallan
jamais embouteillé (64 ans) avait été adjugée 460 000 $
(340 000 € de l’époque). Dans les deux cas de figure, les
flacons ont été réalisés par la cristallerie française Lalique et
les ventes étaient organisées au profit d’œuvres caritatives.
Généreux.

La plus grande surface de chai


Jack Daniel’s possède le plus grand stock de whiskies sur un
même site. 81 chais représentant une surface couverte de 400
hectares sont éparpillés sur un site de 2 000 hectares aux
alentours de Lynchburg (Tennessee). Le plus petit chai abrite
6 000 fûts, le plus grand 54 000 pour un total avoisinant les
2 millions de fûts, soit l’équivalent de 400 millions de litres
d’alcool. Cela correspond à huit années de consommation
mondiale. Un comble lorsqu’on sait que Lynchburg est un
comté semi-sec. Dingue.

Le plus grand nombre de dégustations


Serge Valentin, l’un des plus grands amateurs de whisky (aux
deux sens du terme, c’est juste un hobby), anime depuis 2002
un blog, Whisky Fun, qu’il alimente quotidiennement de ses
nombreux commentaires de dégustations. À ce jour, l’Alsacien
a donné son avis sur presque 10 000 whiskies. Ce qui en fait
assurément l’un des plus importants dégustateurs de tous les
temps. Mais au-delà de la quantité, c’est bien la qualité de ses
commentaires, argumentés, drôles et précis, qui ont fait de lui
le plus célèbre des malt maniacs. Son petit truc : il commence
toujours par le même whisky dont il connaît par cœur le profil
aromatique, histoire de s’assurer que son palais est… normal.
Infaillible.

Le plus beau bar à whiskies


Devil’s Place, le bar de l’hôtel Waldhaus Am See’s à Saint-
Moritz en Suisse, est l’une des plus belles adresses pour
déguster l’un de vos whiskies préférés. Avec plus de
2 500 bouteilles disponibles à la carte et des dizaines de
vitrines de display, ce bar situé au cœur des Alpes suisses
propose l’une des cartes les plus impressionnantes. Elle a été
patiemment constituée au cours des années par son
responsable, Claudio Bernasconi. En 1996, il faisait son entrée
dans le livre des records pour sa carte aux 1 000 whiskies.
Trois ans plus tard, ce sont 2 500 bouteilles qui sont proposées.
Diabolique.
Chapitre 19

Dix idées reçues sur le whisky

La distillation, une invention asiatique


Depuis longtemps, on aimerait bien que l’alcool et la
distillation aient vu le jour en Asie. Pensez donc, comment
chrétiens ou Arabes auraient pu participer d’une quelconque
manière à une telle création, œuvre du diable ? Dans l’absolu,
c’est peut-être tout à fait plausible (et probablement vrai), pas
au moyen d’alambic tel qu’on le connaît, et sous l’effet de la
chaleur mais par le… froid. Il est en effet tout à fait possible
d’extraire l’alcool d’un liquide fermenté par congélation.
L’éthanol ne gelant qu’à – 114,4 °C, l’eau d’une bière ou d’un
vin se solidifiera en premier. Prévoir du temps et un hiver froid
et sec.

Saint Patrick, (Saint-) Père du whisky


Une légende populaire attribue l’origine du whisky et de la
distillation aux Irlandais en donnant, parfois, à saint Patrick le
rôle principal. C’est aller un peu vite en besogne. Certes, sa
fonction religieuse lui a donné accès aux connaissances des
moines, réputés pour maîtriser l’art distillatoire. Certes, il est
supposé avoir beaucoup voyagé en France mais aussi peut-être
au Moyen-Orient avant de revenir évangéliser le peuple élu.
Seul petit souci, Maewyn Succat, devenu saint Patrick, a vécu
au Ve siècle alors que la première trace de distillation
alcoolique date du début du XIIe siècle. Qu’il ait découvert
sept siècles avant les autres la fabrication de spiritueux,
pourquoi pas. Après tout, saint n’empêche pas d’être aussi
génie. En revanche, que les Irlandais aient réussi à cacher au
reste de l’humanité pendant aussi longtemps un
rafraîchissement aussi divertissant que l’alcool paraît peu
probable. Eux qui sont si conviviaux.

Le whisky, une boisson d’homme


Ben voyons. Si les clichés ont la vie dure, l’alcool en général et
le whisky en particulier n’échappent pas à la guerre des sexes.
Que les choses soient claires : personne ne naît avec un goût
particulier ou plus prononcé pour les spiritueux. Hommes et
femmes sont aussi de ce point de vue-là parfaitement égaux :
pour rappel, le goût relève beaucoup plus de l’acquis que de
l’inné. Ce qui sous-entend un apprentissage pour lequel le
genre masculin n’a pas de prédisposition particulière. Carcan
social, quand tu nous tiens.

Les single malts, meilleurs que les blends


C’est l’un des principaux préjugés du whisky aujourd’hui. Et
les amateurs, soi-disant avertis, sont les premiers à le relayer.
Pourtant, il ne viendrait pas à l’idée d’un amateur de vin
d’affirmer que les grands bourgognes (monocépage
exclusivement) sont meilleurs que les grands bordeaux, vins
d’assemblage par excellence ? À défaut d’être meilleurs, disons
qu’ils sont différents.
L’eau, l’élément déterminant du goût
Oui, l’eau est assurément l’élément le plus important. Parce
qu’il en faut beaucoup et à toutes les étapes de la fabrication.
Pour faire germer le grain en l’humidifiant. Pour le brasser et
dissoudre ses sucres. Pour réduire le distillat avant la mise en
fût afin que la force alcoolique n’agresse pas le chêne. Pour
diluer enfin le whisky juste avant son embouteillage afin
d’augmenter les volumes, baisser le coût des taxes sur l’alcool
et réduire son degré d’alcool pour mieux le déguster. Pour le
goût on repassera : toutes les eaux utilisées sont neutres !

Le whisky, un alcool fort


Le taux d’alcool est plus fort dans un whisky que dans la bière
ou le vin mais il y a pourtant autant d’alcool dans un demi de
bière (25 cl à 5%) que dans un verre de vin (10 cl à 12%) ou de
whisky (3 cl à 40%) : 1,2 cl d’alcool pur. En effet, le taux est
un pourcentage en fonction d’une quantité, pas une mesure.

Le whisky, un alcool qui réchauffe


Contrairement à ce que l’on pense, l’alcool ne réchauffe pas. Il
ne fait que déplacer la chaleur interne vers la surface du corps.
En réalité donc, l’organisme refroidit plus vite sous l’effet de
l’alcool. Sauf quand il fait aussi plus de 37 °C (la température
moyenne du corps humain) à l’extérieur.

Plus il est foncé, plus il est bon


Hum. Pour rappel, l’eau-de-vie, quelle qu’elle soit, sort du
condenseur claire et transparente comme de l’eau. C’est le
vieillissement sous bois qui va lui donner sa jolie couleur. La
couleur n’a donc rien à voir avec la qualité intrinsèque du
whisky. C’est d’ailleurs une idée préconçue récente née dans
les années 1960, en même temps que le compte d’âge
augmentait et que les flacons devenaient transparents grâce aux
progrès de l’industrie verrière. Et les marques de whisky n’ont
rien fait pour combattre cette idée fausse. Au contraire
puisqu’elles ont encouragé la colorisation artificielle en
l’autorisant. À tel point qu’aujourd’hui, seul 0,1% des whiskies
sont vendus à leur couleur naturelle. C’est tellement rare que
lorsque c’est le cas, c’est (presque) toujours écrit sur la
bouteille.

Les single malts, de loin les meilleurs


C’est probablement l’une des mentions la plus fréquemment
utilisée et elle n’existe pourtant nulle part dans la classification
des différents whiskies. Ce sont les marketeurs de tout poil qui
ont inventé la notion de « pur malt » ou « pure malt » pour faire
encore plus anglo-saxon. Effectivement, cela sonne bien et
c’est rassurant pour le consommateur. Cela ne veut pourtant
absolument rien dire. Soit un whisky est 100% orge maltée et
c’est un single malt (une seule distillerie) ou un blended malt
(plusieurs distilleries), soit c’est un blend (un mélange de
céréales et/ou de distilleries). Pure gruge.

Plus c’est vieux, meilleur c’est


Au cours des années 1980 et 1990, les producteurs de whisky
ont laissé entendre cette affirmation à grand renfort de publicité
et de compte d’âge de plus en plus élevé. Ce n’est peut-être pas
faux, mais la réalité, c’est aussi que le whisky ne s’était pas du
tout vendu dans les années 1970. Les stocks étant (très)
importants, l’âge moyen du whisky a augmenté en attendant
qu’il soit vendu. Quand vous avez un stock qui vieillit, vous
avez plutôt intérêt à dire que le whisky âgé est le meilleur.
Quand c’est le contraire, comme aujourd’hui, les whiskies sans
mention d’âge reviennent sur le devant de la scène. Ceci dit,
aujourd’hui, toutes les étapes de la sélection de la céréale au
vieillissement sont bien mieux maîtrisées. Il n’est plus question
d’âge mais de goût. Le marketing fait le reste.
Chapitre 20

Dix aphorismes maltés


« What butter and whiskey will not cure, there is no cure
for. »

Il n’y a pas de remède pour ce que le beurre et le whiskey ne


guérissent pas.

Proverbe irlandais

« Too much of anything is bad but too much good whiskey


is barely enough. »

Trop (de n’importe quoi) est toujours mauvais. Sauf d’un très
bon whisky, dont c’est à peine assez.

Mark Twain (1835-1910), écrivain américain

« Always carry a flagon of whiskey in case of snakebite.


And further more, always carry a small snake. »

Aie toujours sur toi une flasque pleine de whisky en cas de


morsure par un serpent. Et plus important, aie toujours sur toi
un serpent.

WC Fields (1880-1945), comique américain


« My God, so much I like to drink Scotch that sometimes I
think my name is Igor Stra-whisky. »

Mon Dieu, j’aime tant le whisky écossais que parfois j’imagine


que je m’appelle Igor Stra-whisky.

Igor Stravinsky (1882-1971), compositeur russo-franco-


américain

« There are two things a Highlander likes naked, and the


other one is malt whisky. »

Il y a deux choses qu’un Écossais apprécie dans le plus simple


appareil. Le single malt est l’une d’entre elles.

Sir Robert Bruce Lockhart (1887-1970), agent secret et


journaliste écossais

« There is no such thing as bad whiskey. Some whiskeys


just happen to be better than others. »

Il n’y a pas de mauvais whiskies, seulement certains meilleurs


que d’autres.

William Faulkner (1897-1962), écrivain américain, prix Nobel


de littérature en 1949

« I like my whisky old and my women young. »

J’aime que mon whisky soit âgé et mes femmes jeunes.

Errol Flynn (1909-1959), acteur australo-américain


« Whiskey, like a beautiful woman, demands appreciation.
You gaze first, then it’s time to drink. »

Le whisky, comme une jolie femme, demande du temps. Tu


l’observes longuement d’abord et ensuite vient le temps de la
dégustation.

Haruki Murakami (1949-), écrivain japonais

« Maybe I could go in a whisky cask and everyone can take


a sip… »

Peut-être que l’on pourrait me diluer dans un fût de whisky


auquel tout le monde pourrait venir se servir

Johnny Depp (1963-), acteur américain à qui l’on demandait où


il voulait être enterré après sa mort

« Whisky : n.m. Le whisky est le cognac du con. »

Pierre Desproges (1939-1988), comique français dans Le


Dictionnaire du superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis
(Seuil)
Chapitre 21

Dix futilités pour briller en société

Quatre repasses, qui dit mieux ?


Tous les whiskies écossais sont distillés deux fois. Tous, sauf
Springbank qui est distillé 2,5 fois ( !), Auchentoshan et
Hazelburn qui pratiquent la triple distillation et Mortlach qui
revendique 2,81 fois ( ! ! !) en quatre repasses. Comme chacun
sait, toute règle a ses exceptions.

Whisky ou whiskey ?
Par convention, « whisky » en américain s’écrit « whiskey »,
avec un « y » pour se différencier des Écossais (mais être
confondu avec les Irlandais). Seuls Maker’s Mark et George
Dickel tiennent avec force et obstination qu’on les appelle et
qu’on les écrive whisky. Le premier à cause de ses origines
écossaises. Le second pour exister à côté de son encombrant
voisin du Tennessee, Jack Daniel’s.

Pourquoi faire simple ?


Glen Garioch est le whisky produit par la distillerie
Glengarioch. Old Pulteney, celui de Pulteney. AnCnoc celui de
Knockdhu. Quant à Glen Deveron, il est produit à la distillerie
Macduff, Glen Turner par Glen Moray et Kilkerran par
Glengyle. Encore plus fort, Loch Lomond produit Inchmurrin,
Rhosdhu, Inchmoan et Croftengea. Et Tobermory s’appelle
Ledaig lorsqu’il est tourbé. Auchroisk en raison de son nom
imprononçable opta pour Singleton. Aujourd’hui, ce single
malt peut être aussi produit par Glen Ord, Dufftown ou
Glendullan.

Une mini-distillerie
Edradour est l’une des plus petites distilleries d’Écosse avec
une production d’environ 120 000 litres d’alcool pur par an
(l’équivalent de 430 000 bouteilles). La plus grosse en produit
le double… par semaine.

La fin de la légende Jack Daniel


Jack Daniel – dont on dit qu’il devint propriétaire de sa
distillerie à 20 ans seulement – est mort des suites d’une
infection en 1911, deux ans après avoir donné un coup de pied
dans son coffre-fort qu’il n’arrivait pas à ouvrir. Son gros orteil
cassé s’infecta et on dut l’amputer trois fois : du doigt de pied,
puis sous le genou, enfin en haut de la cuisse. En vain. Son
délicieux Tennessee whiskey ne put rien contre l’horrible
gangrène.

L’assemblage des cent


En 1995, Chivas a mis en vente un embouteillage exceptionnel
assemblé à partir de cent single malts écossais différents. Cette
bouteille est aujourd’hui recherchée par les collectionneurs du
monde entier. Voici la liste des 100 whiskies qui entrent dans la
composition de Chivas The Century Of Malts : Aberfeldy,
Aberlour, Allt a ’Bhainne, Ardbeg, Auchentoshan, Auchroisk,
Aultmore, Balblair, Balmenach, Balvenie, Banff, Ben Nevis,
Benriach, Benrinnes, Benromach, Blair Athol, Bowmore
(Royal) Brackla, Braeval, Brechin, Bunnahabhain, Caol Ila,
Caperdonich, Clynelish, Convalmore, Cragganmore, Craigduff,
Craigellachie, Dailuaine, Dallas Dhu, Dalmore, Dalwhinnie,
Deanston, Dufftown, Fettercairn, Glen Albyn, Glenallachie,
Glenburgie, Glencadam, Glen Craig, Glen Elgin, Glen Esk,
Glenfarclas, Glenfiddich, Glen Garioch, Glenglassaugh, Glen
Grant, Glengoyne, Glenisla, Glen Keith, Glenkinchie, The
Glenlivet, Glenlochy, Glenlossie, Glen Mhor, Glen Moray,
Glen Ord, The Glenrothes, Glen Scotia, Glen Spey,
Glentauchers, Glenturret, Glenugie, Glenury Royal, Highland
Park, Imperial, Inchgower, Inchmurrin, Inverleven, Isle of Jura,
Kinclaith, Knockando, Ladyburn, Lagavulin, Laphroaig,
Ledaig, Linkwood, Littlemill, Longmorn, Macallan, Macduff,
Mannochmore, Miltonduff, Mortlach, Mosstowie, Pittyvaich,
Pulteney, Rhosdhu, Scapa, Speyburn, Springbank, Strathisla,
Strathmill, Tamdhu, Tamnavulin, Teaninich, Tomatin,
Tomintoul, Tormore and Tullibardine. 100 single malts issus de
97 distilleries seulement, dont 12 fermées.

James Chivas et son whisky


Chivas Regal a été créé en 1909, soit vingt-trois ans après la
mort de James Chivas (1810-1886) qui n’aura donc jamais
goûté le blend avec lequel il est devenu si célèbre.
L’Irlandais Aeneas Coffey
Aeneas Coffey (1780-1852), l’inventeur de la colonne à
distiller telle qu’on la connaît aujourd’hui, est l’Irlandais le
plus célèbre né… à Calais.

Pas facile d’être… canadien


Glenora aura bataillé dix ans pour être autorisé à
commercialiser son single malt Glen Breton.

Le trésor de Tormore
Lors de sa construction en 1960, les propriétaires de Tormore
ont enterré une sorte de capsule en cuivre (et de la forme d’un
alambic) contenant des verres et un tregnum (2,25 litres, soit
trois bouteilles) du blend Long John. Pour la déterrer en 2060,
comme c’est prévu, il faudra casser la dalle de béton à l’entrée
de la distillerie.
Chapitre 22

Dix références culte

L’Étoile mystérieuse de Hergé (1942)

« Haddock : Et bien tonnerre de Brest ! Il était temps


que nous arrivions.
Tintin : Pourquoi ? Plus de mazout ?
Haddock : Pis que ça !… Plus de whisky ! ! ! »

Le Capitaine Archibald Haddock apparaît pour la première fois


dans les aventures de Tintin dans l’album Le Crabe aux pinces
d’or (1940-1941, album en 1944). Il y apparaît sous les traits
d’un marin alcoolique avant de devenir le meilleur ami du
reporter belge. Au fil des aventures, sa dépendance disparaît,
remplacée par un fâcheux penchant pour la dive bouteille. Le
whisky est son spiritueux de prédilection, en particulier le Loch
Lomond. Pourtant, à l’époque de la création du personnage, ce
whisky n’existait pas. C’est une invention de l’auteur. Une
distillerie portant ce nom a existé jusqu’en 1810, mais la Loch
Lomond actuelle n’a été créée qu’en 1965.

Whisky à Go Go d’Alexander Mackendrick (1949)


Le livre Whisky Galore d’Edward Montague Compton
Mackenzie (1947) et le film Whisky à Go Go d’Alexander
Mackendrick (1949)

« C’est l’amour qui fait tourner rond la planète ? Pas du


tout. Le whisky la fait tourner deux fois plus vite. »
Norman MacLeod, un des personnages de Whisky
Galore

Fantasme de tout amateur de whisky, l’histoire – inspirée d’une


histoire vraie : le naufrage du SS Politician en 1941 au large de
l’île écossaise de Eriskay – raconte comment les habitants de
deux petites îles des Hébrides récupèrent une partie de la
cargaison de whisky d’un bateau anglais échoué sur la côte et
sur le point de couler. Au-delà de l’affrontement entre les
Anglais et les Écossais, le livre – un peu moins le film – donne
un aperçu des conditions de vie sur une petite île au large du
Nord-Ouest de l’Écosse pendant la Seconde Guerre mondiale
et sur les rivalités entre catholiques et protestants. Sans être
véritablement autobiographique, l’histoire emprunte à la vie de
son auteur. Né en Angleterre dans une famille écossaise (d’où
ce nom composé), Edward Compton Mackenzie (1883-1972)
se convertit au catholicisme en 1914. Il meurt à Édimbourg
mais est enterré sur l’île de Barra. C’est d’ailleurs là que le film
est tourné avec les habitants de cette terre perdue au large de
l’Écosse, qui jouent leur propre rôle. C’est ce qui donne le
caractère authentique du film. Le tournage – qui se déroula
pendant l’été 1948 – prit cinq semaines de retard en raison de
pluies diluviennes qui compliquèrent les prises en extérieur. Le
réalisateur Alexander Mackendrick (1912-1993) est né aux
États-Unis mais vécut en Écosse, d’où ses parents étaient
originaires, une grande partie de sa vie. Pour la petite histoire,
ce classique du cinéma d’après-guerre est sorti aux États-Unis
sous le nom de Tight Little Island , la législation américaine
n’autorisant pas à cette époque les références aux boissons
alcoolisées dans le titre des œuvres culturelles. En France, il
doit son titre au célèbre club de Saint-Germain-des-Prés. Pour
la petite histoire encore, un lot de deux bouteilles rescapées du
naufrage du SS Politician s’est vendu aux enchères 12 050 £ en
mai 2013.

Un roi à New York de Charlie Chaplin (1957)

« Le whisky ! Rien n’est plus rude à avaler… Dans les


pays civilisés, on boit du vin ! »
Le roi Shahdov, héros d’Un roi à New York

Pour le dernier film dont il est l’acteur principal, Charlie


Chaplin (1889-1977) incarne un roi européen déchu obligé de
fuir aux États-Unis. C’est l’occasion pour le grand acteur et
réalisateur britannique de régler ses comptes avec les États-
Unis après avoir été victime du maccarthysme. Dans une scène
devenue célèbre, le roi Shahdov accepte de tourner un spot
publicitaire pour se renflouer financièrement. C’est une
publicité pour un whisky, le Royal Crown. Le roi est assis dans
un fauteuil, verre à la main. Il se sert un verre et doit vanter les
qualités du whisky. Problème : le produit est tellement mauvais
qu’il ne passe pas et Shahdov manque de s’étrangler. La scène
est coupée. C’est de cette séquence que Sofia Coppola s’est
inspirée pour la scène de Lost in Translation où Bill Murray en
acteur déchu et perdu, n’est que le double du roi Shahdov.

Les Tontons flingueurs de Georges Lautner (1963)


« Maître Folace : Y date du Mexicain, du temps des
grandes heures. Seulement on a dû arrêter la
fabrication : y a des clients qui devenaient aveugles,
alors ça faisait des histoires…
Raoul Volfoni : Faut reconnaître, c’est du brutal !
Paul Volfoni : Vous avez raison, il est curieux !
Fernand Naudin : J’ai connu une Polonaise qu’en
prenait au p’tit déjeuner… Faut quand même admettre
que c’est plutôt une boisson d’homme. »

S’il n’a jamais cartonné au box-office, Les Tontons flingueurs


n’en reste pas moins un film culte. Pour les dialogues de
Michel Audiard mais aussi pour la fameuse scène dite « de la
cuisine ». Elle a été écrite et tournée – alors qu’Audiard la
trouvait inutile –en référence à un passage du film Key Largo
pendant lequel des gangsters regrettent le bon vieux temps de
la Prohibition. La scène se déroule autour d’une table qui
comporte de nombreuses bouteilles et rassemble Lino Ventura,
Bernard Blier, Jean Lefebvre, Francis Blanche et Robert
Dalban. Une jeune femme un peu ivre et réclamant du scotch
donne l’occasion à nos cinq hommes de se servir un verre à
boire. Ils jettent leur dévolu sur l’une des seules bouteilles
restantes, une eau-de-vie distillée clandestinement, The Three
Kings. S’ensuit un commentaire de dégustation devenu culte.
Alors qu’il n’a jamais existé et que c’est probablement la
production qui a fourni la bouteille, The Three Kings fait
encore aujourd’hui l’objet de nombreuses recherches. À cause
de son nom anglo-saxon, fans et collectionneurs de tout poil
pensent que c’est un whisky. Erreur si l’on se réfère à la recette
donnée par l’un des protagonistes : « 50 kg de pommes de terre
et un sac de sciure » ! En revanche, parmi les trois bouteilles
posées sur la table – et dont la légende raconte qu’elles ont été
réellement vidées pendant le tournage, ce qui donne toute sa
véracité à la scène – figurent deux flacons de Lawson’s, le
prédécesseur du William Lawson d’aujourd’hui (et une
bouteille du gin Booth’s).

On ne vit que deux fois de Ian Fleming (1964)


Un livre dont sera adapté le film On ne vit que deux fois de
Lewis Gilbert (1967).

« James Bond : Tu n’aurais pas dû mélanger saké et


Suntory. Je ne savais pas que le whisky japonais
pouvait servir à quelque chose.
Dikko Henderson : Tu te trompes à propos de Suntory.
C’est assez bien fait. Et le moins cher, The White Label
(Shirofuda), ne coûte qu’une quinzaine de livres. Il y a
deux versions plus haut de gamme mais qui ne sont pas
meilleures. J’ai visité la distillerie il y a quelque temps
et j’ai même rencontré quelqu’un de la famille du
fondateur. Il m’a dit que l’on ne pouvait faire du bon
whisky que là où l’on pouvait prendre des bonnes
photos. Tu as déjà entendu parler de ça ? Il m’a dit que
c’était à cause de l’effet bénéfique d’une lumière claire
sur l’eau-de-vie. »

James Bond entretient une relation ancienne et régulière avec le


whisky, qu’il soit écossais (Talisker, The Macallan), américain
(Jack Daniel’s) ou… japonais. Dans On ne vit que deux fois ,
Ian Fleming fait voyager son héros (incarné par Sean Connery)
jusqu’au Japon, ce qui permet à la marque Suntory d’être citée
à plusieurs reprises. Elle fait même l’objet de cet improbable
dialogue entre James Bond et son contact sur place, Dikko
Henderson, au lendemain d’une soirée un peu trop arrosée de
saké et de whisky.
La conversation n’est pas reprise dans le film tourné trois ans
plus tard, mais Suntory est très présent au cours d’une scène
qui se passe chez Tiger Tanaka, le patron des services secrets
japonais. Dans le jardin, alors que les deux hommes conversent
en compagnie de la jolie Aki, deux verres de whisky et une
bouteille de Suntory Old sont posés en évidence sur la table.

Dans les années 1990, Sean Connery tournera deux publicités


pour Suntory Crest 12 avec cette chute amusante : « Sean, M se
moque bien de savoir que vous êtes obligé d’arrondir vos fins
de mois. Elle aurait juste préféré que ce ne soit pas en faisant la
promo d’un whisky… japonais. »

La Cité de la peur d’Alain Berberian (1994)

« Commissaire Biales : Vous voulez un whisky ?


Odile Deray : Non, juste un doigt.
Commissaire Biales : Vous voulez pas un whisky
d’abord ? »

L’humour Canal transposé au cinéma a autant d’adeptes que de


détracteurs tant ce film de Les Nuls – Chantal Lauby, Alain
Chabat et Dominique Farrugia – manie l’humour aux premier
et second degrés avec une tonalité très particulière, entre
dérision et vulgarité. Complètement loufoque, l’histoire se
passe pendant la promotion chaotique d’un film d’horreur en
compétition à Cannes. Cette scène accumule les clichés du
premier rendez-vous amoureux et le kitsch de la situation dans
un dialogue de sourds entre Gérard Darmon et Chantal Lauby.
Une nouvelle fois le beau rôle est donné à une bouteille de
William Lawson. Tout sauf un hasard.
L’écrivain Haruki Murakami et le whisky

La Fin des temps (1992)


« Le malabar commença avec deux bouteilles de Wild Turkey,
poursuivant avec une Cutty Sark et trois IW Harpers puis il
détruisit deux Jack Daniel’s, la Four Roses, la Haig, épargnant
une demi-douzaine de Chivas Regal pour la fin. Le bazar était
immense mais pire était l’odeur. »

Kafka sur le rivage (2005)


« Je ne suis pas le vrai Johnnie Walker, voyez-vous. J’ai juste
emprunté son apparence et son nom. Toute personne doit avoir
un nom et une apparence, n’est-ce pas ? »

1084 (livre 1) (2011)

« Elle referma son livre et l’enfouit dans son sac. Puis


elle prit l’initiative : “Vous aimez le Cutty Sark ?” »
Il la regarda l’air étonné. Avec l’expression de
quelqu’un pas très sûr de ce qu’il a entendu. Puis son
visage se détendit.
« Ah… Euh… Le Cutty Sark, répéta-t-il comme s’il
avait enfin compris. Oui, j’aime bien cette marque
depuis toujours, et j’en bois souvent. À cause du voilier
dessiné sur l’étiquette.
– Ah vous aimez les bateaux…
– Oui, j’aime les voiliers. »

On le sait, Haruki Murakami adore le whisky, comme une


réminiscence de son passé de manager et propriétaire d’un bar
dans un club de jazz tokyoïte. Ce spiritueux est d’ailleurs
régulièrement cité dans ses ouvrages. Il y a cette scène dans La
Fin des temps qui voit la destruction d’un bar à whisky (avec
un petit clin d’œil à Charles Bukowski) ou celle de Kafka sur le
rivage qui lui fait réincarner Johnnie Walker pour une
discussion informelle avec un routier pour le moins surpris.
Cutty Sark joue aussi un rôle non négligeable dans Chronique
de l’oiseau à ressort ou sa célèbre trilogie 1Q84 . Au début du
premier tome, Aomamé, son héroïne, jette son dévolu sur un
homme qui commande un whisky soda avec Cutty Sark. Une
héroïne qui aime « bien qu’on ne soit pas obsédé par Chivas ou
autre single malt ». La traduction est-elle fidèle ?

Lost in Translation de Sofia Coppola (2003)


Le succès en Europe des whiskies japonais à partir des années
2000 doit beaucoup au deuxième film de Sofia Coppola. Le
rôle principal de Bob Harris, tenu par Bill Murray, est en effet
celui d’un acteur américain sur le déclin qui accepte de tourner
au Japon une publicité pour un whisky local, Hibiki. Avec ce
17 ans d’âge, les spectateurs français (ils seront près de
9 millions) – parmi lesquels de nombreux amateurs de
whisky – découvrent qu’il existe des whiskies japonais et
depuis très longtemps ! Alors que plusieurs références
japonaises sont déjà disponibles chez les meilleurs cavistes
depuis le début des années 2000, les ventes en France explosent
en passant de 5 000 bouteilles en 2003 à 50 000 bouteilles en
2006. Pour la petite histoire, Francis Ford Coppola avait tourné
à la fin des années 1970 une publicité pour les whiskies
Suntory sous la direction du grand réalisateur japonais Akira
Kurosawa. C’est cette expérience qui inspira sa fille vingt ans
plus tard. Sans oublier les deux références à Charlie Chaplin.
Bob Harris/Bill Murray renvoie au roi Shahdov d’Un roi à New
York (voir plus haut dans ce chapitre). Et la fameuse scène du
tournage, qui vire au dialogue de sourds – à cause d’une
traductrice laconique – entre le réalisateur japonais et l’acteur
américain, est aussi directement inspirée d’une scène du film
Le Dictateur . On y voit Adenoïd Hynkel/Charlie Chaplin
dicter une longue lettre à sa secrétaire en pseudo-allemand.
Cette dernière ne tape finalement que quatre ou cinq lettres sur
sa machine à écrire. Les deux scènes relèvent du même
comique par l’absurde.

Desperate Housewives de Marc Cherry (2004-2012)

« Tom : Oh, j’ai ça pour toi… Un bourbon super cher.


Lynette : Il est 7 h 45 et je suis en enceinte…
Tom : C’est pour Carlos, une sorte de cadeau pour
t’excuser d’être enceinte…
Lynette : Je n’ai pas besoin de ça. Je connais Carlos…
Il s’emporte facilement mais il se calme aussi vite et
redevient raisonnable.
Tom : À ta place, je prendrais quand même la
bouteille… »

On boit beaucoup moins dans Desperate Housewives que dans


Mad Men mais le bourbon Blanton’s tient une place de choix
du côté de Wisteria Lane. Il apparaît à plusieurs reprises
(dialogues extraits de l’épisode 6, Ceux qui nous veulent du
mal , 2009) grâce à Tom, le mari de Lynette, dont c’est le
spiritueux préféré. Et c’est ainsi qu’il est intimement associé à
l’une des meilleures scènes de la série américaine, dans
l’épisode 8 de la saison 8, Nos faiblesses (Suspicion Song ). À
ce stade de la série, le couple est séparé, mais un matin Lynette
reçoit des fleurs de la part de son ex-mari. C’est la date
anniversaire de leur mariage. Elle s’imagine alors que Tom
cherche à la reconquérir et se précipite chez lui, une bouteille
de Blanton’s en cadeau. Alors qu’elle l’attend, Tom arrive avec
sa nouvelle compagne. Désemparée, Lynette se jette sous le lit
avec la bouteille de Blanton’s. Elle prend cependant la décision
de mettre fin à cette inconfortable situation en sortant de sa
cachette, à l’énorme surprise du couple. Tom comprend alors
qu’il a oublié de suspendre son abonnement auprès du fleuriste
chargé d’envoyer chaque année un bouquet de fleurs le jour de
leur anniversaire de mariage. Le monde de Lynette s’écroule et
elle repart avec pour seul réconfort, sa bouteille de Blanton’s.
La Part des anges de Ken Loach (2012)
Le cinéaste britannique Ken Loach – Palme d’or à Cannes en
2006 avec The Wind that Shakes the Barley (Le vent se lève , en
VF) – a pris le monde du whisky pour situer l’action d’un de
ses meilleurs films. Récompensé par le prix spécial du jury une
nouvelle fois à Cannes en 2012, The Angel’s Share raconte la
rédemption d’un jeune homme dont le destin bascule lorsqu’il
se découvre une passion (et un don) pour la dégustation de
whisky. Loin des mélodrames qui ont fait sa réputation, Ken
Loach et son scénariste fétiche, Paul Laverty, signent cette fois
une comédie douce-amère qui laisse aussi la part belle à un
certain suspense autour de la vente aux enchères d’un rare et
précieux whisky. Car c’est bien le petit fût de Malt Mill, un
whisky cultissime, véritable Graal de l’amateur averti, qui se
trouve au centre de toutes les convoitises (et de l’histoire). Le
grand historien et écrivain du whisky, Charles MacLean,
conseiller spécial du réalisateur, y fait même une apparition
remarquée dans le rôle – sur mesure – de l’expert. C’est
d’ailleurs lui qui a suggéré de faire référence à Malt Mill,
plutôt que Port Ellen, un autre grand et cher single malt
disparu. Le meilleur film sur le whisky à ce jour.
Chapitre 23

Dix chansons à boire

Whiskey in the Jar (traditionnel)


« Well shirigim duraham da
Wack fall the daddy oh,
Wack fall the daddy oh
There’s whiskey in the jar. »

C’est assurément la plus connue des chansons traditionnelles


irlandaises et probablement l’une des plus anciennes faisant
référence au whiskey puisqu’on date son origine de la fin du
XVIIIe siècle. Elle raconte les misères d’un bandit de grand
chemin, trahi par son amoureuse. Tous les artistes irlandais
l’ont au moins jouée une fois : de U2 aux Pogues en passant
par les Dubliners. Elle dépasse cependant le strict cadre du
folklore lorsqu’on sait que des groupes comme le trio folk
américain Peter, Paul & Mary ou les hard-rockeurs US
Metallica l’ont aussi intégrée à leur répertoire. Plus récemment
(2011), Nolwenn Leroy en a enregistré une version
convaincante sur la réédition de son album, Bretonne .

Alabama Song (Whiskey Bar) (1927)


« Show me the way
To the next whiskey bar
Oh, don’t ask why
Oh, don’t ask why
For if we don’t find
The next whiskey bar
I tell you we must die. »

Auteur/compositeur : Kurt Weill/Eugen Berthold Brecht ©


Warner/Chappell Music

C’est à Berthold Brecht et Kurt Weill que l’on doit l’un des
grands classiques de la chanson faisant référence au whisky.
Texte (peut-être initialement en allemand) et musique ont été
écrits en 1927 mais en deux étapes. Alabama Song paraît dans
le recueil Hospostille (Liturgies domestiques en français) avant
d’être mis en musique pour un spectacle musical, Mahagonny
Songspiel . En 1930, les deux hommes reprennent la chanson
pour l’opéra Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny .
Boris Vian, The Doors en 1967, David Bowie en 1970, Dalida,
Marilyn Manson ou Dyonisos ont tous repris ce titre, devenu
un classique.

Rye whisky (1948)


« Rye whisky, rye whisky,
Rye whisky, I cry,
If you don’t give me rye whisky,
I surely will die. »

© Vidor Publications Inc.

« Rye Whisky » a été immortalisée pour la première fois par


Tex Ritter (1905-1974), un chanteur country devenu acteur très
célèbre dans l’Amérique des années 1940 à 1960. C’est
d’ailleurs dans un film – Song of the gringo (1936) – que le
grand public découvre le chanteur et la chanson. Elle raconte
les mésaventures d’un pauvre bougre, qui taquine un peu trop
du goulot. Il s’imagine construire une distillerie ou rêve d’être
un canard sur une mare de whisky ! Malheureusement, la
réalité est plus cruelle : il se fait détrousser alors qu’il cuve !
Tex l’enregistre en studio en 1948. Le titre sera souvent repris
par le grand chanteur folk Woodie Guthrie (1912-1967), qui
inscrivait sur toutes ses guitares : « This machine kills fascist »
(cette machine tue les fascistes) mais aussi par l’Australien
Nick Cave.

Cigarettes, whisky et petites pépés (1957)


« Cigarettes et whisky et p’tites pépées
Nous laissent groggy et nous rendent tous cinglés
Cigarettes et whisky et p’tites pépées
C’est ça la vie, mais c’est bon de les aimer »

Compositeur : Tim Spencer – Auteurs : Jacques Soumet /


François Llénas © Hill and Range songs / Marianne Mélodie

Le titre original – Cigarettes, Whisky & Wild Woman – date de


1947 et il est signé Tim Spencer, un chanteur de country-folk
de Nashville qui en enregistre une première version avec son
groupe, Sons of the Pioneers. Il est ensuite adapté en français
par le duo Jacques Soumet/François Llénas et chanté en
français par Eddie Constantine qui lui offre un joli succès et
repris la même année (1957) par Philippe Clay. Deux ans plus
tard, ce morceau donne son nom à un film, réalisé par Maurice
Regamey avec Pierre Mondy, Jean Carmet et Annie Cordy.
Cette dernière en profite pour en signer une adaptation qui
servira de BO. Cigarettes, whisky & p’tites Pépés deviendra
l’un de ses plus gros succès.
V.I.P. (1986)
« V.I.P. most important person to me
V.I.P. bienvenue à Paris-Orly
duty-free, just, just, hail me
V.I.P. première classe, accueil garanti
V.I.P. like a glass of Glenmorangie »

Compositeur : Jean-Noël Chaléat – Auteur : Françoise Hardy ©


Flarenasch

VIP , l’un des plus gros succès de Françoise Hardy sort en


1986, entre les deux albums Quelqu’un s’en va (1982) et
Décalages (1988). La musique est signée Jean-Noël Chaléat, à
qui l’on doit le cultissime Manureva d’Alain Chamfort. En
revanche, c’est Françoise Hardy elle-même qui signe les
paroles. Une première pour la chanteuse. L’acronyme V.I.P.
(Very Important Person ) rentre alors dans le vocabulaire
courant, Glenmorangie dans le bar des particuliers.

Copper Kettle (1953)


« My daddy he made whiskey, my granddaddy he did too
We ain’t paid no whiskey tax since 1792
You’ll just lay there by the juniper while the moon is bright
Watch them jugs a-filling in the pale moonlight. »

Mon père distillait du whiskey, mon grand-père aussi


Nous n’avons pas payé de taxes depuis 1792
Reste juste allongé sous le genévrier tant que la lune brille
À regarder se remplir les cruches au clair de lune.

Auteur/compositeur : Albert Franck Beddoe


© Lyrics Melody Trails Inc. C/O The Richmond Organization
Écrite pour un opéra folk par Albert Franck Beddoe, cette
chanson raconte la vie d’un distillateur clandestin américain.
Elle a été popularisée par Joan Baez qui l’interprétait souvent
en concert. Bob Dylan la reprend en 1970 sur son album… Self
Portrait . Il la transforme en classique, malgré les critiques
acerbes de l’époque sur ce disque bancal aux arrangements
douteux. Le disque a été réédité dans la collection The Bootleg
Series, Volume 10 en août 2013.

One Bourbon, One Scotch, One Beer (1953)


« One more nip and make it strong
I got to find my baby if it takes all night long
One scotch, one bourbon, one beer… »

Auteur-compositeur : Rudolph Toombs © Ambassador Music

Écrite en 1953 par Rudolph « Rudy » Toombs pour Joseph


Amos Milburn, un pianiste noir américain, chanteur de blues à
ses heures perdues, One Bourbon, One Scotch, One Beer a été
rendue célèbre par John Lee Hooker en 1966. La chanson met
en situation un malheureux qui vient de se faire plaquer par sa
copine. Il vient s’enivrer dans un bar dont le serveur n’a qu’une
envie : fermer et aller se coucher. C’est un classique du rhythm
& blues et de ces chansons « call & response » qui mettent en
situation deux personnes dont les voix se répondent.

Mull Of Kintyre (1977)


« Mull of kintyre
Oh mist rolling in from the sea,
My desire is always to be here
Oh mull of kintyre »
Auteur/compositeur : Paul McCartney/Dennis Laine © MPL
communications

Paul McCartney a plus fait pour la presqu’île de Mull que


toutes les versions mythiques de Springbank, la seule distillerie
encore en activité dans ce coin perdu du Sud-Ouest de
l’Écosse. L’ex-Beatles qui y possédait une maison – High Park
Farm acquise en 1966 – en a vanté les mérites et la beauté dans
un titre des Wings resté célèbre, Mull of Kintyre . Enregistré en
août 1977 sans sa femme Linda alors enceinte, le single paraît
en novembre de la même année. C’est un énorme succès en
Europe (sauf en France) et en particulier en Grande-Bretagne
où il est numéro un des ventes. Il devient même le premier
single à dépasser les 2 millions d’exemplaires. C’est la preuve
que les cornemuses – jouées par le pipe band de
Campbeltown ! – peuvent aussi séduire un large public. En
revanche, il connaît un flop retentissant aux États-Unis. Trop
loin, trop perdu, trop écossais.

Just Give’m Whiskey (1985)


Totalement inconnu du grand public, Colourbox était le groupe
de deux frères aussi géniaux qu’un peu autistes, Martin et
Steven Young. Ce sont eux qui ont inventé l’art du sampling
musical, qui consiste à copier-coller des extraits musicaux pour
créer un nouveau morceau. Et le premier de ces titres composé
et enregistré sans (presque) aucun instrument réel s’appelle
Just Give’m Whiskey qui figure sur le seul et unique album
éponyme du groupe. Il doit son nom à l’un des dialogues du
film de science-fiction Mondwest (Westworld écrit et réalisé par
Michael Crichton en 1973) dont il emprunte de nombreux
extraits. Trop en avance sur leur temps, le morceau et l’album
connaissent un échec retentissant. Deux ans plus tard, les deux
hommes reviennent sous un autre nom et avec un autre titre :
Pump Up the Volume , signé MARRS (le M et le S
correspondent à leurs initiales) devient le premier tube techno
de l’histoire.

Auteurs/compositeurs : Martin Young/Steven Young ©


Beggars Banquet

Whisky whisky (2003)


« Whisky whisky et puis tout va bien,
C’est le meilleur des remèdes, pas besoin de vaccin ;
Whisky whisky, jusqu’au petit matin,
On repart tête lourde et la bourse en chagrin. »

Auteur-Compositeur : Tri Yann © Marzelle

Cette chanson à boire qui ouvre Marines (2003), le treizième


album studio du groupe breton Tri Yann, a été composée en
hommage à Alain Stephant, fondateur et patron d’un bar
célèbre, le Ti-Beudeff, sur l’île de Groix au large de Lorient.
Chapitre 24

Dix lieux emblématiques

L’île d’Islay (Écosse)


Islay est non seulement l’une des places fortes du whisky
tourbé écossais, mais elle est aussi une merveilleuse escale
pour tous les amoureux d’une Écosse grandeur nature. Plage de
sable blanc, tourbières à perte de vue ou côtes découpées qui
hébergent une faune et une flore très riches. La petite île vaut
également pour sa lumière irisée et des couchers de soleil
somptueux. Il n’y a pas que le whisky dans la vie !

Les alambics de Glenmorangie (Écosse)


On dit que la salle des alambics de Glenmorangie ressemble à
une cathédrale. En oubliant de préciser que c’est une cathédrale
dont les orgues seraient gigantesques. La taille de la salle, la
hauteur des alambics, la possibilité de les voir d’en haut ou
d’en bas, tout concourt à rendre l’expérience impressionnante.

La malterie de Balvenie (Écosse)


Sept distilleries seulement maltent une partie de leur orge sur
place. La malterie de Balvenie vaut le déplacement car tout est
resté exactement à l’identique depuis sa construction en 1892.
On peut ainsi admirer les deux immenses cuves de trempage
qui se vident dans la salle de maltage proprement dite au rez-
de-chaussée. Là, l’orge est étalée puis retournée et petit à petit
poussée vers une tranchée munie d’une vis sans fin. L’orge
maltée prend alors l’ascenseur pour être séchée. Elle est étalée
au moyen d’une sorte d’arrosoir mécanique qui la projette en
gerbe pour recouvrir tout le sol grillagé du four et son toit en
pagode. Un vrai spectacle. Deux niveaux plus bas, deux fours –
l’un pour la tourbe, l’autre pour l’anthracite – sont alimentés
pour dégager la fumée qui permet de sécher et légèrement
griller la céréale. Ingénieux et authentique.

Hedonism (Londres)
Si vous êtes amateur, amatrice de vins et spiritueux, préparez-
vous à un choc. Visuel et émotionnel. Hedonism est l’une des
plus belles boutiques au monde. C’est aussi (et de loin) la plus
incroyable et impressionnante collection au monde de vins et
de spiritueux en vente chez un caviste. Hors norme. L’amateur
de whiskies y perdra la tête devant les centaines de flacons,
dont quelques-uns uniques.

Harry’s New York Bar (Paris)


Créé par un ancien jockey qui déménagea le Clancy Bar de
New York à Paris, il fut racheté par l’un de ses barmen,
l’Écossais Harry MacElhone (1890-1958) en 1923. Sa petite
Fille Isabelle veille toujours sur cette institution qui a fêté ses
100 ans en 2011. Une publicité parue dans le Herald Tribune fit
beaucoup pour sa réputation en 1924. Elle conseillait
simplement, en arrivant à Paris, de héler un taxi et de dire :
sank roo doe noo (5, rue Daunou, son adresse) et de s’attendre
au pire. Aujourd’hui encore, le bar qui a vu naître les cocktails
Bloody Mary, Blue lagoon ou White lady ne propose que le
meilleur. Et en particulier une incroyable carte de whiskies,
dont certains collectors.

Midleton (Irlande)
Le plus grand alambic en cuivre se trouve à Midleton. Il n’est
plus en activité mais trône majestueusement dans l’une des
salles du centre des visiteurs dont il est l’incontestable vedette.
Construit en 1825, il a une capacité de 31 618 imperial gallons
(143 740 litres, 143,74 mètres cubes !)

Yoichi (Japon)
Yoichi est située tout au nord du Japon, sur l’île de Hokkaïdo.
Installée (presque) au bord de la mer, c’est l’une des dernières
distilleries au monde à chauffer ses alambics (de première
chauffe) au charbon. La distillerie, construite en 1934, est aussi
une merveille d’architecture qui emprunte autant à l’Écosse
qu’au Japon avec ses toits et ses pagodes rouge carmin.
Superbe.

The Brandy Library (New York)


The Brandy Library a été créée en 2004 à New York par un
Français, Flavien Desoblin. Situé dans le quartier de Tribeca,
ce bar-restaurant vaut pour son incroyable bibliothèque dans
laquelle les spiritueux et les whiskies ont remplacé les livres.
Pour faire son choix, la bible recense tous les flacons
disponibles, parmi lesquels une impressionnante collection de
whiskies.

Jack Daniel’s (États-Unis)


Le petit village de Lynchburg dans le comté de Moore au
Tennessee ne compte que 400 habitants. C’est aussi le nombre
d’hectares occupés par les chais ( !) de la distillerie Jack
Daniel’s. Une petite visite s’impose pour mieux comprendre
comment le descendant d’une famille pauvre du pays de
Galles, orphelin, a pu devenir une marque aussi emblématique.

La Maison du Whisky (Paris)


On garde le meilleur pour la fin. Tout amateur, qu’il soit
français ou étranger, se doit de venir acheter son whisky préféré
(ou un autre) dans la célèbre boutique de la Maison du Whisky.
Cette société créée en 1956 a compté jusqu’à cinq boutiques
avant de concentrer ses efforts sur cette adresse, ouverte en
1968. Les 1 000 références en vente forment les rayonnages
d’une bibliothèque et d’un espace de vente. N’oubliez pas de
visiter la petite salle qui héberge les collectors.
Petit lexique anglais du whisky

ABV (Alcool By Volume ) : Degré ou pourcentage d’alcool.


Dans une bouteille de whisky à 40% (ou 40 °), il y a 40%
d’alcool et 60% d’eau.

Ageing : Vieillissement.

Analyzer : Colonne d’analyse ou d’épuisement. Dans une


installation de distillation en continue, c’est la colonne (ou la
partie de la colonne) dans laquelle le brassin est débarrassé de
ces composants les plus volatils par contact avec la vapeur
d’eau. Synonyme : stripping column .

Angel’s share : La part des anges. Nom donné à l’alcool qui


s’évapore du fût au cours du vieillissement.

ASB : American Standard Barrel . Fût standard de bourbon =


200 litres.

Backset (mot américain) : Vinasses restant au fond de


l’alambic après la première distillation. Elles sont composées
de résidus de grain et d’un liquide pas ou peu alcoolisé et très
acide. Synonymes : pot ale ou spent lees (anglais) ; setback ,
sour mash ou stillage (américain), thin slop , yeast back.

Barrel (mot américain) : Fût de whiskey américain de


200 litres.

Barrel proof (mot américain) : Brut de fût. Se dit d’un


whiskey américain ou d’un bourbon qui a été embouteillé sans
être réduit par ajout d’eau. Synomyme : cask strength (anglais).
Batch : Lot ou cuvée (voir Small batch ).

Barley : Orge.

Beer still : (mot américain) Colonne à distiller utilisée par les


distillateurs aux USA. Parfois synonyme de wash still (terme
anglais).

Bilge : Partie ventrue du fût.

Blend : Whisky d’assemblage, composé d’un ou de plusieurs


whisky(s) de malt (orge) et d’un ou de plusieurs whisky(s) de
grain (blé ou maïs).

Blended malt : Assemblage de whiskies de malt, d’au moins


deux distilleries différentes. Le terme a remplacé officiellement
les appellations vatted malt ou pure malt , interdites depuis
2010 par la Scotch Whisky Association pour les whiskies
écossais.

Bonded warehouse : Chai ou entrepôt sous douane, c’est-à-


dire où le whisky est entreposé alors que les taxes sur l’alcool
n’ont pas été payées.

Bothie : Construction sommaire généralement ne comprenant


qu’une seule pièce ou enterrée qui servait à se cacher pour
distiller clandestinement dans les Highlands fin XVIIe -début
XVIIIe siècle.

Bottled in bond : Embouteillé sous douane. Mention légale


synonyme d’une certaine qualité aux USA, car elle signifie
aussi que le whisky est millésimé et qu’il provient d’une seule
distillation.
Bourbon cask ou bourbon barrel : Fût de whiskey américain
(2001). Se dit aussi d’un fût ayant contenu du whiskey
américain.

Bung Hole : Trou de bonde du fût.

Butt : Fût traditionnel d’une contenance de 500 litres qui a


servi au vieillissement du xérès en Espagne. Synonymes :
Sherry butt ou puncheon .

Cask : Fût.

Cask strength (mot anglais) : Brut de fût. Se dit d’un whisky


qui a été embouteillé sans être réduit par ajout d’eau.
Synonyme américain : Barrel proof .

Charring : Bousinage. Opération qui consiste à brûler avec


plus ou moins d’intensité l’intérieur du fût.

Column still : Colonne à distiller, alambic à colonne.

Condenser : Condenseur. Appareillage qui sert à condenser les


vapeurs d’alcool sous forme liquide.

Congener : Congénère. Regroupe l’ensemble des composés


chimiques (esters, acides gras) à l’origine d’une partie du goût
du whisky. Plus de 400 ont été identifiés.

Corn : Maïs. Synonyme américain : maize .

Cratur : Nom parfois donné au whisky par les Écossais (ou les
Irlandais).

Dark grain : Résidu solide après la filtration des vinasses


résultant de la distillation du brassin. Très riches en protéines,
ces résidus sont revendus comme aliments pour bétail.
Devil’s cut : La part du diable. Nom donné à l’alcool qui reste
prisonnier au fond du fût ou dans son bois après sa vidange.

Diastase : Séparation des différents sucres du malt ou des


céréales non maltées, sous l’action des enzymes.

Doubler : Dispositif largement utilisé par les distilleries


américaines qui permet d’augmenter la concentration
alcoolique du distillat de 60-65% à 70-75%. Il est placé entre la
colonne à distiller et le condenseur.

Douglas Fir : Pin d’Oregon ou pin Douglas (pseudotsuga


menziesii ), un bois très prisé des distillateurs pour la
réalisation des cuves de fermentation. Doit son nom à Lord
Douglas qui le rapporta en Europe en 1827.

Draff : Drêche. Résidu solide de l’empâtage après soutirage du


moût, principalement composé de l’enveloppe des grains de
céréales. Très riches en protéines, ces résidus sont revendus
comme aliment pour bétail.

Dunnage warehouse : Chai traditionnel écossais avec mur en


pierre, toit en ardoise et sol en terre battue.

Feints : Têtes et queues de distillation. Ces première et


dernière fractions (respectivement au-dessus de 80% et en
dessous de 60% d’alcool) du distillat sont mélangées ensemble
puis avec les bas vins pour être redistillées.

Feints still : Alambic intermédiaire, entre la distillation du


brassin et de l’alcool collecté lorsque l’on pratique la triple
distillation dans la méthode dite à repasse. Synonyme : low
wines still .

Finish ou finishing : Finition ou affinage. On parle de finition


ou d’affinage lorsqu’un whisky est transvasé d’un type de fût
classique (ex-bourbon ou ex-xérès) à un autre (généralement de
vin) pour gagner en complexité et/ou arômes. La finition ou
l’affinage correspond donc à une période supplémentaire de
maturation.

First-fill cask : Fût de premier remplissage. C’est donc un fût


qui a déjà servi une fois à faire vieillir un vin (xérès, porto,
madère, etc.) ou un spiritueux (bourbon) avant d’être de
nouveau rempli, de whisky cette fois.

Floor malting : Technique de maltage traditionnelle. On étale


l’orge pour le faire germer et le transformer en malt.

Foreshots : Avant-coulées. Très forte en alcool (autour de


85%), cette première fraction du distillat contient de l’acétone
et du méthanol. Très toxique pur.

Fusel oil ou fusel alcohol : Huile ou alcool de fusel (de


l’allemand « fusel » qui signifie « mauvaise liqueur »).
Regroupe l’ensemble des alcools avec plus de deux atomes de
carbone. Ils sont indésirables en trop grande quantité (propanol,
butanol, iso-amyl alcool) pour leur odeur de solvant. D’aspect
huileux (ce qui explique leur nom), ils apparaissent en fin de
distillation. Synonyme : higher alcohol .

Grist : Mouture grossière obtenue après le concassage des


céréales.

Head : Tête de distillation. Forte en alcool (autour de 80%),


cette fraction du distillat contient principalement du méthanol
et des composés indésirables.

Head : Tête du fût.

Higher alcohol : Huile ou alcool de fusel (voir Fusel oil ou


fusel alcohol ).
Hogshead : Fût d’une contenance de 250 litres qui a été
assemblé à partir d’un ex-fût de bourbon auquel on a rajouté
volontairement des douelles pour augmenter sa capacité.

Honey Pot : Fût remarquable pour un producteur de bourbon.

Hoop : Cerclage de fer qui entoure le fût.

Independant bottler : Embouteilleur indépendant. Société qui


embouteille et commercialise du whisky acheté en fût ou en
vrac, sous sa propre étiquette ou dans une gamme qui lui est
propre. Synonyme : négociant.

IB ou Independant bottling : Embouteillage réalisé par un


embouteilleur indépendant.

Irish (ou irish whiskey ) : Whisky irlandais, c’est-à-dire


produit et embouteillé en Irlande.

Kiln : Four servant à faire sécher le grain malté pour en arrêter


la germination.

Kiln drying : Séchage en four. Opération qui consiste à sécher


artificiellement le bois de chêne avant de le découper en
douelle.

King O’ Drinks : Le roi des alcools, c’est-à-dire le whisky,


selon l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson.

Lincoln County Process : Technique employée par les


Américains qui consiste à stériliser un moût avec les lies de
distillation. Ce qui permet aussi d’assurer la permanence du
goût d’un même bourbon. Synonyme : Sour mash technique .

Lomond still : Alambic à repasse de type Lomond, c’est-à-dire


surmonté d’une petite colonne à plateaux.
Low wines : Bas-vins. C’est le mélange eau-alcool, qui titre
entre 20 et 25%, qui résulte de la première distillation, celle du
brassin.

Lie pipe : Colonne ou tube à reflux. C’est le gros tuyau en


cuivre qui relie la tête de l’alambic au condenseur. Synonyme :
lyne arm .

Lyne arm : Voir Lie pipe .

Low wines still : Alambic intermédiaire, entre la distillation du


brassin et de l’alcool collecté lorsqu’on pratique la triple
distillation dans la méthode dite « à repasse ». Synonyme :
feints still .

Maize : Maïs. Synonyme : corn.

Malting floor : Aire de maltage sur laquelle on étale l’orge


pour le faire germer et la transformer en malt.

Marrying cask : Fût de mariage, c’est-à-dire qui sert au


mariage des whiskies après leur assemblage.

Marrying process : Procédé qui implique une période


additionnelle de maturation sous bois après l’assemblage de
plusieurs fûts de whiskies.

Mash : Empâtage, c’est-à-dire la solution qui mélange la


mouture grossière obtenue après le concassage du grain malté
avec de l’eau chaude.

Mashbill (mot américain) : « Recette » qui définit la proportion


de chacune des céréales entrant dans la composition d’un
whiskey ou d’un bourbon. Par extension, mélange de céréales.

Mashtun : Cuve d’empâtage ou cuve-matière, généralement


en inox, dans laquelle le moût s’autofiltre à travers les
composés solides du malt.

Master blender : Maître-assembleur. Personne en charge de


l’assemblage des différents fûts de whisky avant leur
embouteillage.

Master distiller : Maître-distillateur. Personne en charge des


opérations de distillation.

Middle cut : Cœur de chauffe, c’est-à-dire la fraction de


l’alcool distillé qui est gardée.

Misting : Test pour vérifier la qualité distillat au début de la


bonne chauffe.

Moonshine (mot américain) : Whisky de contrebande et par


extension distillation clandestine aux États-Unis, souvent
réalisée de nuit et au clair de lune, moonshine en anglais.

Monkey shoulder : Arthrose de l’ouvrier malteur, en charge de


retourner le malt à l’aide d’une pelle pour l’aérer dans les
malteries traditionnelles.

NAS (No Age Statement ) : Se dit d’un whisky sans mention


ou compte d’âge.

New make (mot anglais) : Distillat à sa sortie de l’alambic.


Totalement incolore.

Non-chillfiltered : Non-filtré à froid. Se dit d’un whisky qui


n’a pas été refroidi et filtré pour en enlever les corps étrangers
(particules de charbon de bois) ou indésirables (acides gras).
Synomyne : unchillfiltered .

OB ou Official bottling : Embouteillage officiel, c’est-à-dire


réalisé par le propriétaire et sous le nom de la distillerie.
Organic : Bio.

Original gravity ( OG ) : Densité initiale (ou primitive) du


moût avant fermentation.

Peat : Tourbe.

Peated : Tourbé.

Penetration line : Ligne plus noire que rouge qui montre à


quelle profondeur le whisky a imprégné une douelle.
Synonyme : red line .

Pig : Jarre en céramique (25 litres) utilisée pour vendre le


whisky avant l’apparition des bouteilles.

Poitin : C’est ainsi que les Irlandais (poteen pour les Anglais)
appellent leur eau-de-vie traditionnelle, domestique et non
vieillie. Par extension, c’est l’alcool produit illégalement en
Irlande.

Pot ale : Résidu aqueux, au fond de l’alambic, après la


distillation à repasse du brassin.

Pot still : Alambic à repasse.

Proof (mot anglais) : Ancienne mesure dans le système de


mesure impérial britannique qui définissait le pourcentage
d’éthanol pur dans un mélange eau/éthanol. 100 ° proof
équivaut à 57,06% d’alcool par volume (ou 48,24% au poids).
L’alcool pur affiche 75,25 ° over proof ou 175,25 °. Jusqu’au
31 décembre 1979, un single malt vendu au Royaume-Uni
titrait donc un peu plus de 70 ° proof (57,06/100x70 = 40%).

Proof (mot américain) : Mesure qui définit le pourcentage


d’éthanol pur dans un mélange eau/éthanol. Un « proof »
équivaut à 0,5% d’alcool par volume. Un bourbon affiche donc
80 ° proof minimum, soit 40% d’alcool.

Proof gallon : Mesure qui correspond à un gallon


(3,78541178l) de spiritueux à 50% d’alcool à la température de
60 °F (15,6 °C). Cela équivaut donc à un peu moins de 5 litres
d’alcool à 40%. (1x100/2/40x3,78 = 4,72 l). Le proof gallon est
la mesure pour déclarer la production d’alcool aux États-Unis.

Puncheon : Fût traditionnel d’une contenance de 500-


550 litres qui a servi au vieillissement du xérès en Espagne.
Synonymes : butt ou sherry butt .

Pure malt : Dénomination impropre qui, réglementairement,


ne définit aucune appellation, ni catégorie. Par le passé,
certains assemblages de whiskies de malt (en provenance d’au
moins deux distilleries différentes) étaient étiquetés en tant que
tels. Par dérive commerciale, on retrouve parfois cette mention
sur des bouteilles de single malt.

Quaich : Petite coupe traditionnelle écossaise en étain pour


boire le whisky avec deux petites anses de chaque côté.

Quarter cask : Petit fût de 125 litres fabriqué spécialement par


l’industrie du whisky – à partir d’un fût de xérès de 500 litres –
pour accélérer le processus du vieillissement sous bois.

Rackhouse (terme américain) : Chai de vieillissement à


étagères en métal. Synonyme : racked warehouse .

Rectifier : Colonne rectificatrice ou de concentration. Dans


une installation de distillation en continue, c’est la colonne (ou
la partie de la colonne) qui permet d’augmenter le degré
alcoolique après la distillation en piégeant la vapeur d’eau, plus
lourde que la vapeur d’alcool.
Red line : Ligne plus noire que rouge qui montre à quelle
profondeur le whisky a imprégné une douelle. Synonyme :
penetration line .

Reek : Nom donné à la fumée produite par la tourbe en se


consumant.

Refill cask : Fût de second remplissage (ou plus). C’est donc


un fût qui a déjà servi une fois à faire vieillir un vin (xérès,
porto, madère, etc.) ou un spiritueux (bourbon) ET une fois au
vieillissement du whisky avant d’être de nouveau rempli. Lors
de la première réutilisation d’un fût, on parle plutôt de first fill
cask (fût de premier remplissage).

Rummager : Pale rotative munie d’une sorte de filet en mailles


de cuivre qui empêche le brassin d’accrocher et de brûler au
fond de l’alambic de première distillation lorsque celui-ci est
chauffé directement.

Rye : Seigle.

Saladin box : Installation semi-automatique qui permet


d’humidifier et de remuer simultanément l’orge afin de la faire
germer. Doit son nom à son inventeur, le Français Jules
Saladin.

Scotch (ou scotch whisky ) : Whisky écossais, c’est-à-dire


produit et embouteillé en Écosse.

Second refill cask : Fût de second remplissage. C’est donc un


fût qui a déjà servi deux fois. La première pour faire vieillir un
vin (xérès) ou un spiritueux (bourbon), la seconde avec du
whisky, avant d’être de nouveau rempli de whisky.

Semi-lauter mashtun : Cuve d’empâtage ou cuve-matière,


généralement en inox, dans laquelle le moût sans cesse remué
est filtré au moyen de grille(s).
Setback (mot américain) : Vinasses restant au fond de
l’alambic après la première distillation. Elles sont composées
de résidus de grain et d’un liquide pas ou peu alcoolisé et très
acide. Synonymes : pot ale ou spent lees (anglais), sour mash
ou stillage (américain), thin slop, yeast back .

Shell & tube condenser : Condenseur multitubulaire à


calandre.

Shiel : Sorte de pelle qui sert à retourner le malt pour l’aérer


dans les malteries traditionnelles.

Sherry : Vin de Xérès. Par extension, vin de liqueur espagnol.

Sherry cask : Fût ayant contenu du xérès ou aviné au xérès.

Single malt : Whisky de malt distillé à partir d’orge maltée


(techniquement cela peut être parfois une autre céréale, blé ou
seigle) dans une seule et unique distillerie.

Single cask : Whisky de malt embouteillé à partir d’un fût


unique.

Small batch : Petit lot ou petite cuvée qui résulte de


l’assemblage d’un petit nombre de fûts (en principe, moins
d’une dizaine).

Small grain (mot américain) : Terme générique pour désigner


toutes les autres céréales que le maïs.

Smuggler : Distillateur clandestin en Écosse.

Smuggling : Distillation clandestine en Écosse.

Sour mash : Littéralement moût aigre ou acide. Technique


employée par les Américains qui consiste à stériliser un moût
ou un brassin avec les vinasses de la distillation. Ce qui permet
aussi d’assurer la permanence du goût d’un même bourbon.

Sour-mash whiskey : Bourbon, whiskey ou Tennessee whisky


qui a été distillé à partir d’un brassin qui a bénéficié de la
technique du sour mash. Obligatoire pour l’appellation
Tennessee whiskey.

Sparge water : Littéralement « eau de rinçage ». Troisième eau


utilisée pour rincer une dernière fois le malt et en extraire tous
les sucres fermentescibles. Cette eau de rinçage sert ensuite de
première eau lors du processus d’extraction suivant.

Specific gravity : Densité du brassin après fermentation.

Spelt : Épeautre. Nom également donné aux résidus de


céréales.

Spent lees (mot anglais) : Vinasses restantes au fond de


l’alambic après la distillation du brassin. Elles sont composées
de résidus de grain et d’un liquide très faiblement alcoolisé et
très acide. Synonymes : pot ale (anglais) ou stillage
(américain).

Spirit safe : Coffre à alcool hermétiquement fermé et plombé


qui recueille le distillat à la sortie de l’alambic au Royaume-
Uni.

Spirit still : Alambic de seconde distillation dans la méthode


dite « à repasse ». Il sert à la distillation des bas vins et produit
l’eau-de-vie proprement dite.

Stave : Douelle. Synonyme : douve.

Still : Alambic.
Stillage (mot américain) : Vinasses restant au fond de l’alambic
après la première distillation. Elles sont composées de résidus
de grain et d’un liquide pas ou peu alcoolisé et très acide.
Synonymes : pot ale ou spent lees (anglais), setback, sour mash
ou stillage (américain), thin slop, yeast back .

Straight : Aux USA, cette mention garantit deux ans de


vieillissement sous bois minimum (et plus de quatre ans si
aucun compte d’âge ou millésime n’est précisé).

Straight bourbon : Se dit d’un bourbon qui a vieilli au


minimum deux ans en fût neuf.

Straight whiskey : Se dit d’un whiskey américain qui a vieilli


au minimum deux ans sous bois.

Stripping run : Première passe d’une distillation à repasse


lorsqu’elle est réalisée à l’aide d’une petite colonne, pas d’un
alambic traditionnel à repasse.

Stripping column : Colonne ou partie de la colonne dans


laquelle le brassin est débarrassé de ces composants les plus
volatils lorsqu’il entre en contact avec la vapeur d’eau.
Synonymes : analyzer ou beer still .

Strong wort : Moût riche en sucres (densité comprise entre


1045-1065 et ph autour de 5,5).

SWA : Scotch Whisky Association. Association qui regroupe


(presque) l’ensemble des producteurs de whisky écossais et qui
régit le scotch whisky.

Swan neck : Col-de-cygne ou chapiteau de l’alambic à


repasse. Est souvent assimilé – à tort – au tuyau qui relie
l’alambic au condenseur. C’est exact pour le cognac, pas pour
le whisky.
Tails : Queues de distillation. Cette dernière fraction du
distillat (en dessous de 60%) est mélangée avec les têtes pour
être redistillée.

Thin stillage : Littéralement « vinasses pauvres ». Résidu


liquide après la filtration des vinasses résultant de la distillation
du brassin. C’est ce liquide très acide (aussi appelé « moût
aigre ») qui est utilisé dans la technique du sour mash
employée par les Américains pour stériliser le moût ou le
brassin suivant. Ce qui permet aussi d’assurer la permanence
du goût d’un même bourbon. Synonyme : sour mash ou
backset .

Thumper : Dispositif largement utilisé par les distilleries


américaines qui permet d’augmenter la concentration
alcoolique des vapeurs d’alcool de 60-65% à 70-75%. Il est
placé entre la colonne à distiller et le condenseur. Il doit son
nom au bruit –coups sourds et répétés – qu’il produit.

Toasting : Toastage. Opération qui consiste à chauffer avec


plus ou moins d’intensité les douelles avant le montage du fût.
Opération qui ne sert pas à cintrer mais à transformer les fibres
du bois pour leur donner plus de goût.

Underback : Cuve qui reçoit le moût juste après la filtration de


la solution qui mélange la mouture grossière obtenue après le
concassage du grain malté avec de l’eau chaude (empâtage).

Unchillfiltered : Non-filtré à froid. Se dit d’un whisky qui n’a


pas été refroidi et filtré pour en enlever les corps étrangers
(particules de charbon de bois) ou indésirables (acides gras).
Synomyne : non-chillfiltered .

Valinch : grande pipette qui sert à prélever un échantillon


directement dans le fût.

Vat : Cuve d’assemblage.


Vatted malt : Assemblage de whiskies de malt, d’au moins
deux distilleries différentes. Le terme a été interdit d’utilisation
depuis 2010 par la Scotch Whisky Association pour les
whiskies écossais. Il a été officiellement remplacé par blended
malt .

Vatting : Assemblage. En Écosse, ce terme est exclusivement


utilisé pour les whiskies de malt. En Irlande, il est synonyme
d’assemblage qui mélange whisky de malt et whisky de grain.

Warehouse : Chai de vieillissement.

Wash : Brassin. Ce moût fermenté s’apparente à une sorte de


bière. Son degré alcoolique est compris entre 5 et 10%
d’alcool.

Washback : Cuve de fermentation, traditionnellement en bois,


aujourd’hui souvent en acier inoxydable.

Wash still : Alambic de première distillation dans la méthode


dite « à repasse ». Il sert à la distillation du brassin et produit
les bas vins. Synonyme : beer still (américain).

Weak wort : Moût faible en sucres (densité comprise entre


1010-1025).

Whiskey : Whisky irlandais ou américain.

White Dog (mot américain) : Distillat à sa sortie de l’alambic.


Totalement incolore.

Worm tube condenser : Condenseur à serpentin.

Wort : Moût, c’est-à-dire le liquide très sucré et d’un jaune


plus ou moins translucide recueilli après la filtration de
l’empâtage. Est très souvent utilisé au pluriel : worts .
Petit lexique français du whisky

Acquit : Se dit d’un prix ou d’une bouteille dont le montant


des taxes n’est pas pris en compte car elles n’ont pas été payées
(acquittées).

Affinage : Période additionnelle de maturation lorsqu’un


whisky est transvasé d’un type de fût classique (ex-bourbon ou
ex-xérès) à un autre (généralement de vin) pour gagner en
complexité et/ou arômes. Synonyme : finition.

Âge : Le minimum légal est de trois ans pour l’appellation


whisky en Europe et dans une grande partie du monde hors
États-Unis. La mention d’âge (par exemple 12 ans) d’un
whisky, c’est l’âge minimum que le plus jeune des whiskies de
la bouteille a passé sous bois. Une fois embouteillé, le whisky
ne vieillit plus. Un 10 ans d’âge embouteillé dans les années
1960 a toujours 10 ans d’âge aujourd’hui.

Alambic à repasse : Grosse bouilloire en cuivre qui impose de


distiller par cuvée et repasse successives. Le résultat de la
première distillation donne les bas vins ou brouillis. Les
distillations suivantes produisent un distillat titrant 70% ou plus
en fonction du nombre de repasse.

Amylase : L’une des trois principales enzymes responsable de


la dégradation de l’amidon en sucres fermentescibles.

Assemblage : Mélange de plusieurs fûts de whisky.

Bas vins : Liquides produits lors de la première distillation.


Leur degré alcoolique est compris entre 20 et 25%. Synonyme :
Brouillis.

Bourbon : Whiskey américain distillé à partir de maïs (51%


minimum). Se dit plus généralement des whiskies américains.

Bousinage : Opération qui consiste à brûler avec plus ou


moins d’intensité l’intérieur du fût.

Brouillis : Voir Bas vins .

Brut de fût : Se dit d’un whisky qui a été embouteillé sans


être réduit par ajout d’eau.

Capsule-congé : C’est la preuve que les droits sur l’alcool ont


été acquittés. Elle peut se présenter sous la formule d’une
capsule de couleur (blanche pour les spiritueux) ou d’un
document papier. Le terme précis de l’administration fiscale est
capsule représentative de droit (ou CRD).

Caisse de 9 litres : Caisse de 12 bouteilles de 75 cl


(12 x 75 cl = 9 litres). Dans le monde des spiritueux, c’est
l’unité de mesure des ventes d’une marque. En Europe, une
caisse de 12 bouteilles ne contient pourtant que 8,4 litres
puisque l’alcool est obligatoirement embouteillé en flacon de
70 cl.

Compte d’âge : Voir Âge .

Condenseur : Appareillage (à serpentin ou multitubulaire à


calandre) qui sert à condenser les vapeurs d’alcool sous forme
liquide par condensation.

Congé : Se dit d’un prix ou d’une bouteille dont le montant


des taxes a été pris en compte car elles ont été payées.

Congénère : Composé aromatique (esters, acides gras) à


l’origine d’une partie du goût du whisky. Plus de 400 ont été
identifiés.

Degré naturel : Degré du whisky tel qu’il était dans le fût. Se


dit d’un whisky dont le degré n’a pas été réduit par adjonction
d’eau avant d’être embouteillé.

Douelle : Planche courbe qui forme la paroi du fût. Synonyme


douve.

Douve : Voir Douelle .

Embouteillage indépendant : Embouteillage réalisé par un


embouteilleur indépendant.

Embouteilleur indépendant : société qui embouteille et


commercialise du whisky acheté en fût ou en vrac, sous sa
propre étiquette ou dans une gamme qui lui est propre.
Synonyme : négociant.

Embouteillage officiel : Embouteillage réalisé par le


propriétaire et sous le nom de la distillerie.

Empâtage : Solution qui mélange la mouture grossière


obtenue après le concassage du grain malté avec de l’eau
chaude.

Ester : Regroupe l’ensemble des alcools très aromatiques


recherchés pour leur odeur fruitée et florale. Ils apparaissent au
cours de la fermentation et sont concentrés par la distillation.

Éthanol : L’alcool potable ou alcool éthylique, celui que l’on


boit. Sa formule chimique est C2 H5 OH. Pur, il bout à 78,5%
mais – hors laboratoire – cet état n’existe pas car il forme un
azéotrope avec une molécule d’eau, azéotrope qui bout à
78,15 °C.

Finition : Voir Affinage .


LAP : Litre d’alcool pur. Unité de mesure de capacité de
production.

Malt : Orge que l’on a laissé germer pour transformer son


amidon en sucre fermentescible. Se dit plus généralement
d’une graine de céréale germée.

Mention d’âge : Voir Âge .

Moût : Liquide très sucré et d’un jaune plus ou moins


translucide recueilli après la filtration de l’empâtage.

Mouture : Farine grossière obtenue après le concassage des


céréales.

Négociant : Voir Embouteilleur indépendant .

Phénol : Composé chimique qui donne son odeur et son goût


si particulier à la tourbe.

PPM : Part par million ou phénol par million. Unité pour


caractériser l’intensité de tourbe d’un whisky
(1 ppm = 0,0001%).

Quercus : Nom latin du chêne.

Quercus alba : Chêne blanc, très commun en Amérique du


Nord. Synonyme : chêne américain.

Quercus robur : Chêne pédonculé, très commun en Europe.


Le pédoncule est cette tige plus ou moins longue qui relie le
gland à son rameau. C’est le chêne star de la forêt du Limousin
en France. Son grain est gros.

Quercus sessiliflora (ou petraea ) : Chêne sessile ou rouvre,


très commun en Europe. Le gland est directement relié au
rameau, sans pédoncule (il est directement « assis », ou sessile
en latin). C’est le chêne star de la forêt du Tronçais en France.
Son grain est fin.

Queue de distillation : Cette dernière fraction du distillat (en


dessous de 60%) est mélangée avec les têtes pour être
redistillée.

Rectificateur : Colonne ou condenseur qui permet


d’augmenter le degré alcoolique en piégeant la vapeur d’eau,
plus lourde que la vapeur d’alcool.

Saccharification : C’est la transformation des sucres


complexes, tels que l’amidon, en sucres fermentescibles grâce
aux enzymes et par hydrolyse.

TAV : Titre alcoométrique volumique, c’est-à-dire le


pourcentage d’alcool par volume, aussi appelé degré.

Touraillage : Ensemble des opérations qui consistent à sécher


la céréale, généralement de l’orge, lors de sa transformation en
malt.

Tourbe : Résidu organique – entre l’humus et le charbon – qui


se forme par décomposition anaérobique et partielle des
végétaux.

Whisky : Eau-de-vie distillée à partir d’une bière de céréales


exclusivement et vieillie en fût (3 ans minimum en Europe).
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Poitin
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Prohibition
Pulteney
Puni
Pur malt
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Rabel
Radermacher
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Raleigh (Sir Walter)
Rampur
Réduction
ReisetBauer
Repasse
Rhazès
Rhum
Rock Of Cashel
Roggenhof
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S
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Séchage
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Speyside
Spreewälder
Springbank
Springbank
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Starlaw
Stauning
Stein (famille)
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Stranahan
Strathclyde
Strathisla
Strathmill
Succat (Maewyn, dit saint Patrick)
Suisse
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Suntory

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Tamnavulin
Teaninich
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Walker (Hiram)
Walker (John)
Walpole (Robert)
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Warenghem
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