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Cours de français :

Antigone

Jean Anouilh déclare : « J’ai écrit le mythe à ma façon, avec la résonance de la


tragédie que nous étions en train de vivre ».
Comment et pourquoi Jean Anouilh reprend-t-il le mythe d’Antigone
durant la Seconde Guerre Mondiale ?
L’on constate que dans cette pièce de théâtre de Jean Anouilh il n’y a pas de
divisions scéniques comme dans le théâtre classique : Pas d’actes ni de scènes
non plus. Pourtant, Anouilh y respecte les règles des trois unités :
1- Unité de temps : 24 heures.
2- Unité de lieu : le palais de Créon à Thèbes.
3- Unité de l’action : Antigone sera-t-elle sauvée ou non ?
Le dialogue le plus important, ou le face à face entre Antigone et Créon, se situe
au milieu de la pièce (Il correspondant au traditionnel acte III, scène 3).
Antigone d’Anouilh est une réécriture de la pièce de Sophocle voire une
parodie : le Chœur de Sophocle est repris chez Anouilh par le personnage du
Prologue, qui nous présente les comédiens-personnages et annonce dès le
début l’issue tragique de la pièce avant qu’elle ne commence ; en effet le plus
important ce n’est pas la fin mais le pourquoi de cette fin.
Antigone est la fille d’Œdipe et de Jocaste, le roi et la reine de Thèbes.
Après le suicide de Jocaste et l’exil d’Œdipe, les deux frères d’Antigone,
Etéocle et Polynice se sont entretués pour le trône de Thèbes. Créon, frère
de Jocaste et - à ce titre - nouveau roi de Thèbes, décide d’offrir une sépulture
à Etéocle et d’en priver Polynice qualifié de voyou et de traitre. Il avertit par un
édit que quiconque osera enterrer le corps de ce traitre sera puni de mort.
Personne n’ose braver la loi de Créon et le cadavre de Polynice est abandonné
à la chaleur et aux charognards. Mais Antigone refuse cette situation et
malgré l’interdiction de Créon son oncle, elle se rend à deux reprises auprès du
cadavre et tente de le recouvrir de terre. Ismène, sa sœur, informée de cette
décision, refuse de la suivre, craignant sa propre mort.
Qu’est-ce qu’une tragédie ?
La tragédie présente un personnage dont le rang social est élevé (Roi, reine,
prince, princesse….) et qui se trouve face à un dilemme tragique :
Expérimenter sa liberté jusqu’au bout : mourir pour sa liberté ou
obéir aux règles et vivre mais sans liberté d’exercer sa
volonté.
Antigone est face à ce dilemme : elle doit choisir d’entre :
1- Expérimenter sa liberté en recouvrant le corps de son frère, ce qui
entrainera sa mort
ou
2- Obéir aux règles dictées par Créon : laisser son frère sans sépulture, ce
qui lui permettra de rester en vie mais tuera ses conviction, ses idéaux et sa
liberté.
Dans la tragédie, tout est sous le signe de la fatalité (cela veut dire ce qui ne peut
être autrement, ce contre quoi on ne peut rien car c’est ainsi que cela a été
distribué). Les personnages ne peuvent changer le cours de leur destin. Ils
subissent leur sort.
Le rôle des anachronismes :
Les anachronismes dans Antigone d’Anouilh rendent l’action et les
personnages plus proches du spectateur / lecteur contemporain : « cigarettes »,
« cartes », « aller plus vite que les autres avec ses voitures », « dépenser l’argent
dans les bars », etc. sont des éléments appartenant à l’époque de Anouilh ce qui
permet au spectateur et/ ou/au lecteur d’imaginer la situation et la comprendre
mieux.
Le héros dans la pièce de Jean Anouilh :

- Dans Antigone de Jean Anouilh le héros est désacralisé : Œdipe, archétype


de héros tragique, est représenté comme un vieillard humilié, maltraité et bafoué
par ses fils. -
- L’affrontement entre Polynice et Etéocle est réduit à une histoire de
voyous.
- Antigone semble davantage se sacrifier pour elle-même que pour son frère.
L’orgueil remplace l’héroïsme.
- Créon, a des ambitions modestes pour un ROI de tragédie : « J’ai mes
deux pieds sur terre, mes deux mains enfoncées dans mes poches et, puisque je
suis roi, j’ai résolu, avec moins d’ambition que mon père, de m’employer tout
simplement à rendre de l’ordre de ce monde un peu moins absurde, si c’est
possible. ».
L’utilisation de registre courant ou familier montre que les personnages ont
du mal à se dégager d’une humanité ordinaire.
L’absence de transcendance : contrairement à la pièce antique, l’absence de
dieu se fait sentir
tant chez :
qui n’agit plus par conviction, car elle a accepté
Antigone l’image d’imposteur et de voyou que Créon
propose sur son frère.
que chez :
qui refuse la sépulture à Polynice non par impiété
Créon mais simplement par politique, excluant toute
préoccupation religieuse.

Antigone et la seconde guerre mondiale :


Le personnage d’Antigone représente la résistance s’opposant aux lois édictées
par Créon / Philippe Pétain et qu'elle juge injustes. Elle refuse la facilité et
préfère se rebeller, ne voulant pas céder à une prétendue fatalité. Anouilh
s’inspire du geste de Paul Colette, un résistant français qui avait tiré sur Pierre
Laval, chef du gouvernement de Vichy, le 27 août 1941. Anouilh reprend donc
un mythe (récit à l’origine oral puis devenu écrit qui cherche à expliquer
l’origine d’un phénomène ou d’une pratique sociale) antique et l’adapte à un
contexte contemporain de la vie de l’auteur.
Pour conclure, il s’avère important de dire qu’après Anouilh, la pièce est
reprise par Brecht en 1947 puis par le Living Theatre qui, pour exprimer le
conflit des générations et le rejet de tout système, se réapproprie le mythe
d’Antigone.
Aujourd’hui Antigone, que ce soit de Sophocle, de Brecht ou d’Anouilh sont
régulièrement jouées et témoignent de l’intérêt incessant que l’on a pour le
personnage d’Antigone dont le nom est très significatif et énigmatique à la fois:
Est-elle :
- Altruiste ou égoïste ?
- Soumise ou révoltée ?
- De gauche ou de droite ?
- Collaboratrice ou résistante ?
Ces questions nous poussent à poser d’autres telles que :
- Loi naturelle ou loi de la cité ?
- Qu’est-ce que gouverner ?
- Qu’est-ce que résister ?
- Grandir, est‐ce forcément faire des concessions ?
Autant de questions que soulève la pièce d’Anouilh, qui a réussi par
excellence à actualiser le mythe antique laissant à tout un chacun la liberté de
l’interpréter encore et toujours selon sa propre lecture.

Bon courage chère /cher élève.


Prof : EL OMARI

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