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Didaskalia

Astolfi J.-P. (1997). L’erreur, un outil pour enseigner. Paris, ESF


Annick Weil-Barais

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Weil-Barais Annick. Astolfi J.-P. (1997). L’erreur, un outil pour enseigner. Paris, ESF. In: Didaskalia, n°13, 1998. Didactique et
formation professionnelle. pp. 165-167;

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NOTES DE LECTURE

Book reviews

La seconde partie est intitulée «A l’ombre de


WËmimmÊÊÊmÊmÊÊÊÊÊÊÊHÊÊKÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊËÊimiÊÊÊÊÊËÊÊKm
ASTOLFI J.-P.
enseigner. Paris,
(1997).
ESF,L’erreur,
117 p. un outil pour Bachelard et Piaget» (26 p.) Ce sont pour
J.-P. Astolfi, «les deux références
fondamentales » permettant de mesurer les
Cet ouvrage présente en un nombre de pages effets « des processus qui conduisent à
réduit, comme il est d’usage dans la collection l’erreur» (p. 29). Les concepts de schèmes et
«Pratiques et enjeux pédagogiques» dirigée d’ obstacles sont présentés comme constituant
par Michel Develay, un ensemble de les fondements théoriques des analyses et
réflexions, d’analyses et de propositions propositions didactiques présentées dans la
pédagogiques consacrées aux erreurs des troisième partie.
élèves. Il se compose de trois parties Intitulée « Une typologie des erreurs des
d’importance inégale. élèves», la troisième partie est la plus
Dans la première partie intitulée «Quel statut importante de l’ouvrage (41 p.). On y trouve
pour l’erreur à l’école ?» (19 p.), l’auteur une typologie des erreurs, lesquelles sont
évoque deux conceptions dominantes illustrées par des exemples relatifs à
qu’il s’attache ensuite à démonter : les différents secteurs d’enseignements (français,
erreurs conçues comme des «ratés» de mathématiques, physique, biologie, etc.) : les
l’apprentissage des élèves et renvoyant à des « erreurs relevant de la compréhension des
défauts (manque de travail, de capacité, de consignes», « résultant d’habitudes scolaires
motivation, etc.) ou conséquences de ou d’un mauvais décodage des attentes »,
l’inefficacité de l’enseignement donné. Ces « témoignant des conceptions alternatives»,
conceptions négatives de l’erreur se traduisent les « erreurs liées aux opérations intellec¬
par des sanctions des erreurs et/ou par tuelles», « portant sur les démarches
une remise en cause des progressions adoptées» , « dues à une surcharge cognitive» ,
didactiques, le maître étant supposé avoir « des erreurs ayant leur origine dans une
comme idéal un parcours sans faute dans autre discipline» , « des erreurs causées par la
l’acquisition des savoirs disciplinaires. complexité propre du contenu » (pp. 58 et 59).
J.-P. Astolfi explicite les thèses (transmissive, Selon J.-P. Astolfi, «c’est l’analyse précise du
comportementaliste et béhavioriste) qui sous- contenu et de ses obstacles qui fournit la
tendent de telles idées. En référence aux meilleure clé pour comprendre ces erreurs »
modèles constructivistes (de la connaissance (p. 79), affirmant ainsi l’ancrage avant tout
et de l’apprentissage), il défend l’idée que les didactique de ses orientations personnelles :
erreurs sont inhérentes au processus de «... il faut donc se centrer sur le contenu et ses
construction des connaissances : « les erreurs difficultés intrinsèques, pour mieux finalement
commises ne sont plus des fautes condam¬ se centrer sur l’élève, en considérant le sujet
nables ni des bogues regrettables : elles didactique (en italique dans le texte) plutôt
deviennent les symptômes (en italique dans que le sujet psychologique» (p. 81). La grille
le texte) intéressants d’obstacles auxquels la de diagnostic des erreurs proposée par l’auteur
pensée des élèves est affrontée» (p. 15). est assortie de propositions de « médiations
Les erreurs ont un sens et traduisent les et remédiations» récapitulées en un tableau
efforts des élèves pour s’approprier la synthétique (pp. 96 et 97).
connaissance. L’erreur est donc « créatrice »
L’ouvrage se conclut par une partie en forme
et par conséquent « il faudrait se livrer (...)à un de question : « Professionnels du traitement
véritable éloge de l’imperfection» (p. 28). de l’erreur ?» (13 p.) dans laquelle l’auteur

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Notes de lecture

défend l’idée qu’une plus grande profession¬ certains sont contestables : en si peu de
nalisation du métier d’enseignant « pourrait pages, les présentations de Bachelard et de
être l’enjeu d’un traitement plus pertinent des Piaget sont nécessairement sommaires. Par
erreurs des élèves» (p. 1 00). Il incite à «prendre ailleurs, la partie 3 montre à l’évidence que les
à bras le corps le processus didactique». Les cadres théoriques développés par ces auteurs
erreurs étant considérées comme « des ne suffisent pas à caractériser et à interpréter
indicateurs de ce à quoi se trouve affrontée les erreurs. L’étude des erreurs qui fait partie
la pensée des élèves ainsi que des d’un des champs d’études, fondateur des
raisonnements auxquels ils s’essaient» didactiques des disciplines, se nourrit d’autres
(p. 102), leur analyse est essentielle, qu’il cadres théoriques auxquels l’auteur lui-même
s’agisse de comprendre le travail intellectuel fait appel : théorie des situations (Brousseau),
des élèves et de l’accompagner à bon escient théorie de la représentation et des champs
ou de leur renvoyer quelque chose qui leur conceptuels (Vergnaud), modèles psycho¬
signifie qu’ils sont compris par l’enseignant. logiques de la résolution de problèmes, etc. Il
Pour J.-P. Astolfi, «devenir un professionnel existe maintenant des ouvrages généraux
de l’acte d’apprendre suppose qu’on auxquels l’auteur aurait pu renvoyer le lecteur
développe l’habitude d’effectuer des diagnos¬ pour approfondir ces aspects théoriques. Or
tics objectifs en situation » (p. 103), ce qui l’auteur a le plus souvent préféré signaler des
suppose un certain nombre de remises en textes spécialisés. Pourquoi mettre en
cause, comme celle qui consiste à exclure bibliographie la thèse de Samuel Johsua plutôt
l’enseignant de l’analyse didactique. Pour que le manuel écrit avec Jean-Jacques
conclure, l’auteur ouvre des perspectives à Dupin : Didactique des sciences et des
son propos, en faisant des incursions mathématiques, ou encore deux textes
intéressantes du côté de deux thèmes difficiles à trouver de Gérard Vergnaud
d’actualité «erreur et angoisse» et «erreur et plutôt que l’ouvrage qu’il a coordonné
violence». Il lance sans doute un pavé dans la «Apprentissages et didactiques, où en est-
marre en signalant que «nul ne dit que la on ? » dans lequel le lecteur peut trouver une
violence scolaire soit d’abord d’origine interne, synthèse des travaux sur des champs aussi
tant il est clair que bien des établissements divers que les mathématiques, l’accès à l’écrit,
sont le reflet des conditions de vie et des la lecture, les sciences expérimentales,
frustrations sociales ambiantes. Mais l’éducabilité cognitive. En bref, pourquoi
l’ensemble peut faire système, et le vécu présenter encore une fois des auteurs connus
scolaire entre alors dans le jeu comme une en édulcorant parfois leur projet (par exemple,
pièce du mécano» (p. 110). Il appelle à un Piaget est présenté à un moment comme un
contrat pédagogique renouvelé dans lequel théoricien de l’apprentissage), plutôt que de
le travail des erreurs contribue à la renvoyer à la diversité des cadres théoriques
«structuration de règles de vie commune», la nécessaires à l’interprétation des conduites
stabilisation des conditions psychosociales des élèves ? Pourquoi est-il plus utile, dans
au sein du groupe étant «le fruit du travail un argumentaire sur l’importance du sujet
didactique» et non pas «un préalable exigé» traité, de faire appel à Edgar Morin (p. 9),
(P-110). Bourdieu et Passeron (p. 15), Michel Serres
(p. 22), plutôt qu’à des didacticiens comme
Tel qu’il se présente l’ouvrage est un essai à Guy Brousseau, Goery Delacôte, Victor Host,
usage des enseignants et des formateurs par Andrée Tiberghien, qui ont été les pionniers
un chercheur connu en didactique des des études sur les «erreurs» des élèves ? Les
sciences. C’est à ce titre que nous ferons travaux de ces auteurs sont-ils devenus
quelques remarques critiques. obsolètes ?
Nous partageons avec l’auteur son souci de De manière générale, les critères de choix
rendre accessibles aux formateurs et aux des ouvrages présentés en bibliographie sont
enseignants les résultats des recherches en difficilement cernables. Une vingtaine
didactique, ce qu’il fait, dans cet ouvrage, d’auteurs cités dans le texte ne sont pas
avec bonheur (style alerte et imagé, référencés, alors même que certains sont
nombreuses illustrations). Vu le format de connus pour leurs travaux dans le domaine
l’ouvrage, l’auteur a dû faire des choix, mais traité. Par contre, des références non

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Notes de lecture

fondamentales, difficiles à trouver pour le expériences est souvent répété, d’autant plus
public auquel le livre est destiné sont que les contenus d’enseignement deviennent
indiquées. Une présentation de la biblio¬ plus abstraits ou plus théoriques, et parfois
graphie aurait été souhaitable. Peut-être pour pallier une poussée théorique. Mais qu’en
aurait-il été judicieux de classer les références est-il du rôle réel de l’expérience dans
par champ. Faute de repère, le lecteur peut l’apprentissage ? Que font les élèves aux
rester perplexe ou croire que l’établissement prises avec des expériences ? Le temps est
d’une bibliographie a peu d’importance (ce enfin passé des déclarations et des opinions
qui n’est pas vrai pour les mémoires sur ce que doivent être les expériences, et de
professionnels des stagiaires auxquels un la croyance à l’expérience qui permet
tel ouvrage ne manquera pas d’être définitivement de faire comprendre ; la
recommandé). recherche regarde ce qui se passe, interroge,
met en évidence, critique, propose. La thèse
L’auteur affirme, à juste titre selon nous, que de K. Bécu-Robinault est une contribution à
l’analyse didactique des erreurs est essentielle cette entreprise ; elle s’insère d’ailleurs dans
et que, pour ce faire, les enseignants peuvent un effort coopératif européen.
utilement s’appuyer sur les travaux de
recherche. En effet, la compréhension des Dans une première partie, historique, il s’agit
erreurs peut prendre du temps et nécessiter d’étudier «les travaux pratiques dans
des investigations particulières (entretiens, l’enseignement de l’énergie au lycée de 1902
questionnaires, etc.) Mais où trouver ces à 1988». L’auteur s’interroge sur les motifs et
travaux ? L’auteur se contente de donner contraintes qui peuvent expliquer la sélection
les références des exemples qu’il cite et la présentation des expériences pour
(nécessairement en nombre restreint), pas l’enseignement. Certaines expériences
systématiquement d’ailleurs. Les seules figurent dans les manuels ou les travaux
revues citées sont Repères-IREM, La revue pratiques, quels que soient les changements
Française de Pédagogie, Cahiers pédago¬ de programme, comme l’étude de l’effet Joule :
giques, Bulietin de Psychologie (qui ne publie l’interprétation peut changer, mais elles
pas ce genre de travaux) mais ni Aster, ni restent. Y-a-t-il des critères de permanence ?
Didaskalia. Pourquoi n’avoir pas tenté de (faisabilité, «exploitabilité», flexibilité dans
systématiser les connaissances existantes l’interprétation).
en ce domaine (en n’oubliant pas les travaux Dans une seconde partie, empirique, il s’agit
étrangers) ? d’analyser les activités des élèves pour
En bref, un ouvrage sur un sujet important modéliser les phénomènes lorsqu’ils réalisent
déjà largement traité, qui interroge sur la et interprètent des expériences dont la
vulgarisation des travaux en didactique. permanence à travers le siècle semble attester
Comment être concis, intelligible, donner une l’importance : madame Bécu-Robinault a
information honnête et utile aux enseignants ? enregistré des groupes d’élèves (16-17 ans)
On est peut-être face à un problème de type lors de deux séances de travaux pratiques :
quadrature du cercle. Qui s’y risque, une sur «introduction de la puissance», l’autre
inévitablement, s’expose. sur «énergie cinétique-énergie potentielle».
L’analyse du fonctionnement intellectuel des
A. Weil-Barais élèves au moyen d’une grille de lecture en
MÊÊÊÊÊÊÊÊÊIÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊimÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊËmÊÊÊÊmiÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊm «niveaux de modélisation» (théorie/modèle
BÉCU-ROBINAULT K. (1997). Rôle de physique/modèle numérique/mesures/objets
l’expérience en classe de physique dans et événements) et «registres sémiotiques»
l’acquisition des connaissances sur les (de la langue naturelle au schéma). L’étude
met en évidence des tendances à ne raisonner
phénomènes énergétiques. Thèse de
doctorat, Université Claude Bernard que sur un seul «niveau de modélisation», à
Lyon 1 . éviter tout retour aux phénomènes et tout
passage au niveau théorique, et enfin une
sensibilité aux tâches prescrites.
Dire que l’apprentissage d’une science Il y a enfin une partie, qui est en fait l’amorce
expérimentale doit se faire avec des d’une nouvelle direction de recherche : étudier

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