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POÉSIE LYRIQUE
LATINE DU MOYEN ÂGE
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POÉSIE LYRIQUE LATINE
DU MOYEN AGE
Dans Le Livre de Poche
« Lettres gothiques »
LA CHANSON DE LA CROISADE ALBIGEOISE.
TRISTAN ET ISEUT (Les poèmes français —
La saga norroise).
JOURNAL D'UN BOURGEOIS DE PARIS.
LAIS DE MARIE DE FRANCE.
LA CHANSON DE ROLAND.
LE LIVRE DE L'ÉCHELLE DE MAHOMET.
LANCELOT DU Lac (tomes 1, 2 et 3).
FABLIAUX ÉROTIQUES.
LA CHANSON DE GIRART DE ROUSSILLON.
PREMIÈRE CONTINUATION DE PERCEVAL:
LE MESNAGIER DE PARIS.
LE ROMAN DE THÈBES.
CHANSONS DES TROUVÈRES.
LE CYCLE DE GUILLAUME D'ORANGE.
RAOUL DE CAMBRAI.
NOUVELLES COURTOISES.
LE ROMAN D'ENÉAS.
Chrétien de Troyes :
LE CONTE DU GRAAL.
LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE.
EREC ET ENIDE.
LE CHEVALIER AU LION.
CLIGÈS.
François Villon :
POÉSIES COMPLÈTES.
Charles d'Orléans :
RONDEAUX ET BALLADES.
Guillaume de Lorris et Jean de Meun :
LE ROMAN DE LA ROSE.
Alexandre de Paris :
LE ROMAN D'ALEXANDRE.
Adam de la Halle :
CEUVRES COMPLETES.
Antoine de La Sale:
JEHAN DE SAINTRÉ.
Louis XI :
LETTRES CHOISIES.
Benoît de Sainte Maure:
LE ROMAN DE TROIE.
Guillaume de Machaut :
LE VorR-Drr.
Marco Polo:
LA DESCRIPTION DU MONDE.
POÉSIE LYRIQUE
LATINE
DU MOYEN ÂGE
Choix et présentation
par Pascale Bourgain
LE LIVRE DE POCHE
Pascale Bourgain est archiviste-paléographe et professeur d'his-
toire littéraire médiévale à l'Ecole nationale des Chartes. Ses
recherches portent sur la transmission par voie manuscrite des
textes, surtout historiques et poétiques, et sur la stylistique latine,
avec l'accent porté sur le rapport du texte et de ce qui le transmet,
les modes d'écriture et de lecture.
La traduction
Les méditations
Méditations bibliques
2. Stans a longe
Stans a longe
3. NOTKER LE BÈGUE
2. Séquence du publicain
Debout au fond,
3. Séquence de Rachel
4. NOTKER LE BEGUE
5. Clangam, filii
Clangam, filii,
ploratione una
5. Séquence du cygne
J
Ovatizans hilarata
jam agebatur ac jucundata
inter alta nimis facta,
et consueta nubium penetrebatur marium
sidera, flumina.
6. Virgines caste
Virgines caste,
virginis summe
decus precinentes
ceteras quoque
condignas laude
post hanc venerantes,
Le chant de l'homme devant Dieu 51
psalmis et imnis,
canticis dignis
sibi colloquentes,
solvant in istis
debite laudis
hostias sollemnes.
juncta latere
sola cum rege
procedit ipsa,
aurata veste x
varietate
circumamicta.
Tanquam dominam
sequitur ipsam
queque beata.
Filie Tyri,
munera ferentes
Le chant de l'homme devant Dieu 53
s'adressant à elle
par des psaumes et des cantiques,
des chants dignes d'elle,
tout enveloppée
d'un manteau doré
et tout chamarré.
Venant à sa suite
les vierges vouées
sont offertes au roi,
au Christ consacrées:
et in his regis
vultum deprecantes,
hostias cunctis
habent puriores,
corpore munde,
corde sanctiores.
Holocaustum domino
offerunt ex integro
virgines carne,
integre mente,
immortalem sponsum
eligentes Christum.
O felices nuptie, E
quibus nulle macule,
nulli dolores
partus sunt graves,
nec pelex timenda,
nec nutrix molesta.
Lectulos harum
Christo vacantes
angeli vallent
custodientes :
ne quis incestus
temeret illas,
ensibus strictis
arcent immundos.
Dormit in istis
Christus cum illis:
felix hic somnus,
requies dulcis,
quo, cum fovetur
Le chant de l'homme devant Dieu 95
immaculées de corps,
de cceur plus saintes encore.
Bienheureuses noces,
oü il n'est point de souillure,
point de ces terribles
douleurs de l'enfantement,
pas de belle-mére à craindre,
pas de nourrice pénible.
virgo fidelis
inter amplexus
sponsi celestis,
dextera sponsi
sponsa complexa,
capiti leva
dormit submissa :
pervigil corde
corpore dormit
et sponsi grato
sinu quiescit.
Approbans somnum
sponsus beatum,
inquietari
prohibet illam:
« Ne suscitetis,
inquit, dilectam, x
dum ipsa volet,
ita quietam. »
Hic ecclesiastici
flos est ille germinis,
tam rosis quam liliis
multiplex innumeris,
quorum est flagrantiis
ager sponsi nobilis
naribus et oculis
eque delectabilis.
étant à l'abri
entre les deux bras
de l'époux céleste,
Comme il apprécie
cet heureux sommeil,
l'époux interdit
qu'on la réveille:
« Ne dérangez pas,
dit-il, mon aimée, D
tant qu'elle le veut,
ainsi apaisée. »
Embellies d'habits
tant de lin que de pourpre,
dans la main gauche des lys,
dans la droite des roses,
la téte ennoblie
d'une double couronne,
elles suivent les voies
de l'agneau sans tache.
58 Poésie lyrique latine du Moyen Áge
Crebro saltus
dat hic agnus,
inter illas discurrendo,
et cum ipsis
requiescit
fervore meridiano.
In earum pectore
cubat in meridie,
Virgo quippe
cum sit ipse
virgineque matre natus,
Le chant de l'homme devant Dieu 59
et avec elles
prend son repos
dans la chaleur de midi.
Et comme il est
lui-même vierge
et né d'une mére vierge,
60 Poésie lyrique latine du Moyen Áge
virginales
super omnes
amat et querit amplexus.
7. GOTTSCHALK D'ORBAIS
i] aime et recherche
plus que les autres
les caresses virginales.
Ecoute ce chant,
sainte communauté
des vierges consacrées,
7. Ut quid jubes
intra mare?
O cur jubes canere?
«Exulego diuscule
hoc in mari sum, domine,
annos nempe duos fere
nosti fore, sed jam jamque
miserere.
Hoc rogo humillime.
Propterea, piissime,
miserere jam, domine,
pietatis, rector clare,
famulique, rex eterne,
memorare.
Prono posco pectore.
Reduc me velocissime,
o ductor clementissime.
Nolo hic me |magis esse,
pater sancte, flatus alme
Le chant de l'homme devant Dieu 65
« Tu es béni, seigneur,
Pére, Fils et Protecteur,
Dieu triple, Dieu unique,
Dieu de grandeur, Dieu de bonté,
Dieu de justice. »
Cela je chante volontiers.
veridice.
Hoc rogo precipue.
8. MARBODE
in interiori meo,
quod est patens soli Deo,
dans rugitum sicut leo
pro peccatis meis fleo.
de vérité,
c'est ce que j'implore instamment.
» B» *
Raby, p. 210.
O condicio misera!
Considera.
quam aspera
sit hec vita, mors altera,
que sic immutat statum!
Cur non purgas reatum
sine mora,
cum sit hora
tibi mortis incognita?
et in vita
caritas que non proficit
prorsus aret et deficit
nec efficit
beatum.
Si vocatus ad nuptias
advenias
sine veste nuptiali, x
a curia regali
expelleris,
et obviam si veneris
Sponso lampade vacua,
es quasi virgo fatua.
Ó condition de misére!
Considére
combien amére
est cette vie, autre mort
qui change ainsi notre sort!
Pourquoi ne pas purger ta faute
sans nul délai,
puisque l'heure
de la mort t'est inconnue,
puisqu'en cette vie
la charité qui ne progresse pas
du coup régresse et disparaît
et ne te rend pas
bienheureux.
Inspiré du Cantique 5, 2.
Raby n? 115, p. 158.
76 Poésie lyrique latine du Moyen Áge
12. ABÉLARD
Ad paternum palatium,
ad patris scandens solium,
sponse clamat:
Dilecta, propera,
sede mecum
in patris dextera.
13. ABÉLARD
Est in Rama
vox audita
Rachel flentis
super natos
interfectos
ejulantis.
Lacerata
jacent membra
parvulorum,
et tam lacte
quam cruore
rigant humum.
His incumbens
orba parens
ejulando
recollecta
fovet frusta
sinu pio.
Tundit pectus,
scindit sinus
cecus furor,
quem maternus
et humanus
facit amor.
Le chant de l'homme devant Dieu 79
13. Hymne
pour la féte des Innocents, à laudes
Interfecti
sunt inviti
sed pro vita:
meritorum
fuit nullum,
merces multa.
Merces ipsa
fuit vita,
quam et ipsi
moriendo,
non loquendo,
sunt confessi.
HILDEGARDE DE BINGEN
14. Antiphona
Ils ont
D
été tués, malgré FAReux, mais^ pour que7, vive la vie.
Ils n'y ont eu aucun mérite, mais quelle récompense!
HILDEGARDE DE BINGEN
15. Responsorium
HILDEGARDE DE BINGEN
16. Antiphona
15. Répons
pour la féte des Innocents
16. Antienne
Fulcite floribus
fessam languoribus,
stipate citreis
et melis aureis :
nimis edacibus
liquesco facibus.
Huc odoriferos,
huc soporiferos
ramos depromite,
rogos compromite,
ut phenix moriar!
in flammis oriar...
Ó filles de Sion,
écoutez-moi enfin!
Regardez mon état,
dites à Celui que j'aime:
je suis blessée d'amour
et je me meurs d'amour.
Recouvrez-moi de fleurs,
je m'éteins de langueur,
couvrez-moi de citrons
et de pommes dorées:
je me consume et fonds
sous des feux trop voraces.
O pia gratia
sic morientis,
ozelus, o scelus,
invide gentis!
Ofera dextera
crucifigentis,
olenis in penis
mens patientis!
O verum eloquium
justi Simeonis!
Quem promisit gladium
sentio doloris.
Gemitus, suspiria
lacrimeque foris
vulneris indicia
sunt interioris.
Parcito proli,
mors, michi noli,
tunc michi soli
sola mederis.
Le chant de l'homme devant Dieu 91
Oh généreuse bonté
de qui peut mourir ainsi!
Jalousie criminelle
d'un peuple saisi d'envie! »
Oh main féroce
de qui enfonce les clous!
Oh douceur dans les supplices
de celui qui les supporte!
Morte, beate,
separer a te,
dummodo, nate,
non crucieris.
Reddite mestissime
corpus vel exanime,
ut sic minoratus
crescat cruciatus
osculis, amplexibus!
hodie proponitur,
quem in sacre mensa cene
turbe fratrum duodene
datum non ambigitur.
CANTINE, PO
LJ
, E- . he's.
TS VAR
II
LE CHANT DE L'HOMME
DEVANT LUI-MEME
La condition humaine
La vieillesse et la mort
Emotions collectives
LE CHANT DE L'HOMME
DEVANT LUI-MEME
22. GAUTIER DE CHÁTILLON
in senectute querula,
dum caligabit-oculus,
mente ministrans sedula
plus proderis quam masculus.
Zr
In Fortune solio
sederam elatus,
prosperitatis vario
flore coronatus ;
Quicquid enim florui,
felix et beatus,
nunc a summo corrui
gloria privatus.
Le chant de l'homme devant lui-méme 125
20°
27. ABÉLARD
Virorum fortissimum,
nuntiatum per angelum,
Nazareum inclitum,
Israelis clipeum,
cujus cor vel saxeum
non fleat sic perditum ?
Exaustus viribus,
orbatus oculis
Le chant de l'homme devant lui-méme 127
Clausus carcere
oculorumque lumine
jam privatus,
quasi geminis
ad molam sudans tenebris.
est oppressus ;
ludos martios
plus exercere solitos
frangit artus.
Hos cibario
vix sustentans edulio
jumentorum,
quod et nimius
labor hic et insolitus
sumit rarum,
crebris stimulis
agitatur ab emulis
ut jumentum.
Quenam munera
per tanta tibi scelera
conquisisti ?
Nulli gratia
per longa manet tempora
proditori.
Le chant de l'homme devant lui-méme 129
peinant à la meule,
il est accablé
de doubles ténébres.
à coup d'aiguillons
il est poussé par des envieux
comme une béte.
La reconnaissance
ne dure jamais bien longtemps
envers un traitre.
130 Poésie lyrique latine du Moyen Áge
A jocis ad seria à
fertur mens diu concita ;
tam leva quam dextera
columnis applicita
hostium et propria
miscet dolor funera.
O semper fortium
ruinam maximam
et in exitium
creatam feminam! x
David sanctior,
Salomone prudentior
quis putetur?
At quis impius
magis per hanc vel fatuus
repperitur ?
Quis ex fortibus
non ut Samson fortissimus
enervatur ?
Adam nobile
divine plasma dextere
mox hec stravit,
Le chant de l'homme devant lui-méme 131
Oh toujours la pire
ruine des hommes forts,
femme, créée
pour leur malheur! ;
Pourrait-on trouver
plus saint que David,
plus sage que Salomon?
quam in proprium
acceperat auxilium
hostem sensit.
Ex tunc femina
virorum tela maxima
fabricavit.
Sinum aspidi
vel igni prius aspidi,
quisquis sapis,
quam femineis
te committas illecebris,
nisi malis
ad exitium
properare certissimum
cum predictis.
Lai lyrique.
Voir n° 12 et 13.
que de te confier
aux délices féminins,
si tu ne veux
courir à ta perte
combien certaine, 7
comme ceux-là.
serviens ad oculum,
seducebat seculum.
Voluptatis premio
meretricis gremio
Le chant de l'homme devant lui-méme 139
La perfide habilement
fait l'essai de ce qu'elle entend.
Mais tous les liens se coupent
comme des fils d'étoupe.
Trois fois à cette femelle j'ai résisté,
la quatriéme j'ai cédé.
Moi jusqu alors invaincu,
une femme m'a vaincu.
Récompense voluptueuse,
sur le sein de la putain
140 Poésie lyrique latine du Moyen Áge
Orbaverunt lumine
consecratum numine.
Tanto perit fulmine
qui se credit femine.
Perfero ludibria,
risus et obprobria.
Quando festa veniunt,
ludere me faciunt.
Le chant de l'homme devant lui-méme 141
Crines creverunt,
vires venerunt,
hostes riserunt,
postes ruerunt.
Ludens lugebam,
lugens dolebam,
risi plangendo,
lusi plorando.
Columnas arripui,
totam domum subrui.
Glorianter crucior,
crucianter glorior.
Fere tria milia
occidi par atria.
Pro tanta victoria
Samson sit in gloria.
xiII* siècle.
Anna soror,
ut quid mori
tandem moror ?
Le chant de l'homme devant lui-méme 143
Anne, ma sceur,
pourquoi faire demeure
à mourir enfin?
144 Poésie lyrique latine du Moyen Áge
Cui dolori
reservor misera?
O ha nimis aspera
vite conditio!
Mortis dilatio
mihi mors altera.
Ut exponat .
me tormentis
vela donat
ille ventis,
non horret maria.
O ha fides Phrygia,
o fides hospitis,
que sic pro meritis
rependit odia!
Abit ille, ]
querens Scylle
se vel Charybdi tradere.
Aquiloni
quam Didoni
magis elegit credere.
Festinat classem solvere
cum federe,
nec date memor dextere
dat temere
vela fidemque ventis!
Hospes, abi!
quid elabi
furtive fugam rapere?
Quid laboras?
Dido moras
nullas festinat nectere,
sed brume tamen sidere
vult parcere
tibi prolique tenere
nec tradere
vos Nerei tormentis.
Le chant de l'homme devant lui-méme 145
Il s'en va, 4
pour se jeter
sur Charybde ou sur Scylla.
Il préfére
se confier
à l'aquilon qu'à Didon.
Il s'empresse de dégager
sa flotte ainsi que son serment,
oublieux de son engagement
il donne hardiment
ses voiles et sa foi aux vents!
Hóte, va-t'en!
Pourquoi t'esquiver
et t'enfuir furtivement ?
Pourquoi prendre tant de peine?
Didon ne cherche pas en háte
à retarder ton départ,
mais par ce temps d'hiver,
elle veut t'épargner,
toi et ton tendre enfant,
et ne pas vous livrer
aux dangers de la mer.
146 Poésie lyrique latine du Moyen Âge
Quid, Enea,
natum dea
te jactas Cypride ?
ha perfide,
genus quid jactitas ?
Vultus quos astruit
illa redarguit
mentis atrocitas.
Parentem serenissimo
vultu promittis Cypridem,
sed matrem tibi tigridem
teste fateris animo.
Sed querelis
his crudelis
hospes non flectitur.
Quid igitur,
quid restat misere ?
quid agam, misera?
Mors agat cetera!
Mors mihi vivere.
Mors vite claudat orbitam,
mors mali tollat cumulos.
Insignes ferat titulos,
qui sic delusit hospitam.
An expectem destrui
que statui
urbis nove menia ?
Nos odia
dire cingunt Lybies.
Hinc Yarbas* emulus
Numadumque populus,
inde fratris rabies
nos odiis et preliis infestat.
Le chant de l'homme devant lui-méme 147
Pourquoi, Énée,
tant te vanter
d'étre fils de Cypris la déesse?
Ah perfide, et pourquoi
t'enorgueillir de ta naissance?
La beauté qu'elle modèle en toi,
la noirceur de ton âme
la dément!
Par ton superbe visage,
tu assures être fils de déesse,
mais par ton âme sauvage,
tu t'avéres fils de tigresse.
Ipsa me perdidi:
quid Phryges arguo?
Merori subdidi
vitam perpetuo.
Heu me miseram,
igni credideram -
nunc uri metuo.
xiir* siècle (P. Dronke, dans Aspetti della letteratura latina del
secolo x111, 1986, p. 38-39).
Le chant de l'homme devant lui-méme 149
Ce genre de supplice
est pour moi trop grand, je le sens,
si je n'ai le secours d'une épée.
Anne ma sceur lumineuse,
toi qui fais partie de mon áme,
arrache-moi aux maux qui me torturent.
Combien de temps vais-je souffrir?
Pour ne pas toujours mourir,
tue-moi une seule fois.
30. ANGILBERT
LE CHANT VENGEUR
LE CHANT VENGEUR
33. HUGUES PRIMAT
8 p, laisses monorimes.
Vers 1150.
34. HILAIRE
Éd. Häring, dans Studi medievali, 1976, p. 936. Éd. M.L. Bulst
et W. Bulst, Leiden/Cologne, 1989.-
In diebus juventutis
timent annos senectutis,
ne fortuna destitutis
desit eis splendor cutis.
Et dum querunt medium,
vergunt in contrarium;
fallit enim vitium
specie virtutis.
Le chant vengeur 183
viciorum senectute
pueratus desipit.
premiis alliciunt.
Ore lambunt, manu palpant,
dando semet sic exaltant,
dando laudem faciunt.
Respondit Caritas:
«Homo, quid dubitas ?
Quid me sollicitas ? :
Non sum quo mussitas,
nec in euro nec in austro,
nec in foro nec in claustro,
nec in bysso vel cuculla,
nec in bello nec in bulla:
de Jericho sum veniens,
ploro cum sauciato,
quem duplex Levi transiens
non astitit grabato. »
O vox prophetica,
o Nathan, predica:
culpa Davitica
patet non modica!
Dicit Nathan: « Non clamabo,
neque David planctum dabo.
Cum sit Christi rupta vestis
contra Christum Christus testis. »
Ve, ve vobis, hypocrite,
qui culicem colatis!
Que Cesaris sunt reddite,
ut Christo serviatis!
La Charité répond:
«Homme, pourquoi douter?
Pourquoi me harceler?
Je ne suis pas oü tu vas chercher,
ni à l'est ni au midi,
ni sur la place ni au couvent,
ni sous le lin ni sous la bure,
ni au combat ni au pouvoir:
Je viens toujours de Jéricho
et je pleure avec le blessé,
celui que n'ont pas assisté
sur son lit de douleur,
les deux prêtres qui sont passés. »^
Voix du prophéte,
Ô Nathan, élève la voix:
la faute de David
apparait trop énorme!
Nathan répond: «Je ne crierai pas,
sur David je ne pleurerai pas.
Puisque la robe du Christ est déchirée,
contre le Christ c'est le Christ qui témoigne.»
Malheur à vous, hypocrites,
tout occupés de moustiques!
Rendez à César ce qui est sien
pour rendre au Christ votre service.
Bulla fulminante
sub judice tonante,
reo appellante,
sententia gravante,
veritas supprimitur,
distrahitur
et venditur,
justicia prostante ;
itur et recurritur
ad curiam, nec ante
quid consequitur
quam exuitur quadrante.
Si queris prebendas,
vitam frustra commendas ;
mores non pretendas,
ne judicem offendas! E
Frustra tuis litteris
inniteris,
moraberis
per plurimas kalendas,
tandem exspectaveris
a ceteris ferendas,
paris ponderis
pretio nisi contendas.
Pape janitores
Cerbero surdiores.
In spe vana plores,
nam etiamsi fores
Orpheus, quem audiit
Pluto deus
Tartareus,
non ideo perores,
malleus argenteus
Le chant vengeur 195
ni feriat ad fores
ubi Proteus
variat mille colores.
2 (6 p + Wo PE SPORT D PR PE
aaaabbbababa.
Début xii siècle.
Voir n? 10.
Perpendite subtiliter:
cum vendant missam viliter
Le chant vengeur 197
39.
et peccent in alterutrum
sumendo plus vel modicum,
quod anhelant ad munera,
finis est avaritia.
Carmina burana 9.
40.
Rumor letalis
me crebro vulnerat
meisque malis
dolores aggerat.
Me male multat -
vox tui criminis,
que jam resultat
in mundi terminis.
Invida Fama
tibi novercatur:
cautius ama,
ne comperiatur!
Quod agis, age tenebris,
procul a Fame palpebris!
Letatur amor latebris
cum dulcibus illecebris
et murmure jocoso.
Nulla notavit
te turpis fabula,
dum nos ligavit
amoris copula,
sed frigescente
Le chant vengeur 201
41.
nostro cupidine,
sordes repente
funebri crimine.
Fama letata
novis hymeneis
irrevocata
ruit in plateis.
Patet lupanar omnium
pudoris, en, palatium,
nam virginale lilium
marcet a tactu vilium
commercio probroso.
s'est refroidi,
survint le scandale
de ta faute fatale.
La voix publique, mise en joie
par tes récentes liaisons,
inarrétable,
court sur les places et les voies.
Le palais clos de ta pudeur
s'est fait bordel ouvert à tous,
car ton lys virginal
se flétrit sous des mains immondes
en un commerce ignominieux.
Je pleure la fleur
de ton áge tendre,
plus resplendissante
quel'étoile du soir.
Je pleure ton áme, jadis
douceur de colombe,
amère à présent
comme fiel de serpent.
Ceux qui te prient poliment 4
sont chassés d’un mot méchant,
ceux qui te donnent des présents
sont accueillis dans ton lit.
Ils peuvent s’en aller,
ceux qui ne t'ont rien donné:
tu prends aveugles et boiteux,
mais les hommes de valeur, tu les leurres
avec ton charme vénéneux.
LE CHANT DE L'INSTANT
SAVOUREUX
L'amour heureux
L'attrait de la provocation
Peines d'amour
Ballades et pastourelles
In adolescentia
suadet nos lascivia
currere per omnia,
nihil jubet cavere ;
nulla est infamia
hic legem non habere.
Senis obstinacio
est abhominacio;
juvenis religio
fere nusquam laudatur -
viret in principio,
sed in fine siccatur.
Omittamus studia,
dulce est desipere,
et carpamus dulcia
juventutis tenere!
Res est apta senectuti
seriis intendere
[59]
Le chant de l'instant savoureux 217
43.
44.
Imitemur superos!
Digna est sententia,
et amoris teneros
jam venantur otia.
Voto nostro serviamus!
Mos est iste juvenum. x
Ad plateas descendamus
et choreas virginum!
Vacillantis trutine
libramine
mens suspensa fluctuat
et estuat
in tumultus anxios,
dum se vertit
et bipertit
motus in contrarios.
O langueo!
Causam languoris video,
nec caveo,
vivens et prudens pereo!
Me cavare studio
vult Ratio.
Sed dum Amor alteram
vult operam, x
in diversa rapior:
Ratione
cum Dione
dimicante crucior.
O langueo...
Sicut in arbore
frons tremula
navicula
levis in equore,
dum caret ancore
subsidio,
contrario
flatu concussa fluitat,
sic agitat,
sic turbine sollicitat
me dubio
hinc Amor, inde Ratio.
Le chant de l'instant savoureux 221
J'en dépéris!
Je vois la cause de mon souci,
mais sans rien faire,
je vois, je sais, et je me perds!
La Raison
veut que j'étudie.
Mais comme l'Amour
a d'autres options,
je suis aspiré
de divers cótés.
Vénus combat la Raison
et leur lutte me torture.
J'en dépéris...
O langueo...
Sub libra pondero
quid melius,
et dubius :
mecum delibero.
Nunc menti refero
delicias
Venerias:
que mea michi Florula
det oscula,
qui risus, que labellula,
que facies,
frons, naris aut cesaries.
O langueo...
His invitat
et irritat
Amor me blanditiis,
sed aliis
Ratio sollicitat
et excitat
me studiis.
O langueo...
Nam solari
me scolari
cogitat exilio.
Sed, Ratio,
procul abi! vinceris
sub Veneris
imperio.
O langueo...
Séquence à refrain.
Pierre de Blois, mort en 1212, fit carriére à la chancellerie des
rois Plantagenét en Angleterre. Voir n° 55, 58, 82, 84.
Le chant de l'instant savoureux 223
J'en dépéris...
Sur la balance je soupése
ce qui vaut mieux,
mon esprit douteux
avec lui-méme délibére.
Par moments je me remémore
les plaisirs d'amour heureux,
les baisers que me donne
ma petite Fleur,
son rire, ses lévres, ses traits,
son front, son nez, ses cheveux...
J'en dépéris...
J'en dépéris...
4T.
Stetit puella
rufa tunica ;
Si quis eam tetigit,
tunica crepuit.
eia!
Le chant de l'instant savoureux 221
48.
Stetit puella
tanquam rosula:
facie splenduit
et os ejus floruit.
eia!
49.
Ecce gratum
et optatum
ver reducit gaudia:
purpuratum
floret pratum
sol serenat omnia.
Jam jam cedant tristia!
estas redit,
nunc recedit
hiemis sevitia.
Jam decrescit
et decrescit
grando, nix et cetera,
bruma fugit
et jam sugit
veris tellus ubera.
Illi mens est misera,
qui nec vivit,
nec lascivit
sub estatis dextera!
Le chant de l'instant savoureux 251
50.
Voici l'agréable
et le désirable
printemps qui ramène la joie:
déjà le pré :
fleurit empourpré,
sous le soleil tout est serein.
Que disparaisse la tristesse!
L'été revient
et fuit au loin
l'hiver avec tous ses chagrins.
Gloriantur
et letantur
in melle dulcedinis,
qui conantur
ut utantur
premio Cupidinis.
Simus jussu Cypridis
gloriantes
et letantes
pares esse Paridis!
Que se glorifient,
que se réjouissent,
que soient enivrés de douceur
ceux qui s'efforcent
d'user à force
des récompenses de l'Amour.
Selon les ordres de Cypris
glorifions-nous,
réjouissons-nous
d'étre les pareils de Páris!
Sida
Importuna Veneri
redit brume glacies,
redit equo celeri
Jovis intemperies ;
cicatrice veteri
squalet mea facies:
amor est in pectore,
nullo frigens frigore.
Elementa vicibus
qualitates pariant,
dum nunc pigrant nivibus,
nunc calorem variant;
sed mea singultibus
colla semper inhiant:
amor est in pectore,
nullo frigens frigore.
23:
54.
Orpheus in mentem
trahit impellentem
ventum lenem segetes maturas,
murmura rivorum per harenas puras,
circulares ambitus molendinorum,
qui furantur somno lumen oculorum.
in gramine
cum virgine
speciosa.
Si variarum
odor herbarum
spiraverit,
si dederit
torum rosa,
dulciter soporis alimonia
post Veneris defessa commercia
captatur,
dum lassis instillatur.
O in quantis
animus amantis
variatur vacillantis!
Ut vaga ratis per equora,
dum caret ancora,
fluctuat inter spem metumque dubia,
sic Veneris militia.
Dudum militaveram,
nec poteram
Le chant de l'instant savoureux 245
dans l'herbe
avec une vierge
superbe.
Si le parfum d'herbes variées
imprègne l'air,
si la couche est faite de roses,
il est doux de chercher,
une fois épuisés les plaisirs de Vénus,
l'aliment du sommeil, versé
goutte à goutte aux amants lassés.
- En quels tourments
l'àme de l'amant
vacille-t-elle variablement !
Comme un bateau errant sur l'océan
privé de son ancre
flotte indécis entre espoir et crainte,
telle est de Vénus la contrainte!
À
Visu, colloquio,
contactu, basio
frui virgo dederat ;
sed aberat
linea posterior
et melior .
amori,
quam nisi transiero
de cetero
sunt que dantur alia
materia
furori.
Ad metam propero,
sed fletu tenero
mea me sollicitat,
dum dubitat
solvere virguncula
repagula
pudoris.
Flentis bibo lacrimas
dulcissimas ;
sic me plus inebrio,
plus haurio
fervoris.
Delibuta lacrimis
oscula plus sapiunt,
blandimentis intimis
mentem plus alliciunt.
Ergo magis capior,
et acrior
vis flamme recalescit.
Sed.dolor Coronidis
Le chant de l'instant savoureux 247
Baignés de pleurs,
les baisers ont plus de saveur,
ils aimantent l'esprit
aux plus secrétes caresses.
Et je suis donc toujours plus pris,
et plus violent
se fait le feu de mon ardeur.
Mais la douleur de Coronis
248 Poésie lyrique latine du Moyen Áge
se tumidis
exerit singultibus
nec precibus
mitescit.
et subridens tremulis
semiclausis oculis,
veluti sub anxio
suspirio
sopita.
56.
Suis
Virginis egregie
ignibus calesco
et ejus cotidie
in amore cresco;
sol est in meridie
nec ego tepesco.
Amoris solamine...
Amoris solamine
virgino cum virgine;
aro non in semine,
pecco sine crimine.
Ipsa vivere
michi reddidit! >
Cessit prospere,
spe plus accidit
menti misere;
que dum temere
totam tradidit
se sub Venere,
Venus ethere
risus edidit
leto sidere.
Desiderio
nimis officit,
dum vix gaudio
pectus sufficit
quod concipio,
dum venerio
Flora reficit
me colloquio,
Le chant de l'instant savoureux 254
Sepe refero
cursum liberum
sinu tenero,
sic me superum
addens numero;
cunctis impero,
felix, iterum
si tetigero
quem desidero,
sinum tenerum
tactu libero.
quand en l'embrassant
le miel que je bois
m'enivre et m'enchante.
Libre ma caresse
retourne sans cesse
à son tendre sein,
ainsi je me joins
au nombre des dieux ;
comme un empereur,
heureux, si je peux
caresser encore
ce que je désire,
son si tendre sein
tout à mon plaisir.
D.
Sedet in ore
rosa cum pudore,
pulsatus amore
quod os lamberem,
hei lamberem, hei lamberem, hei lamberem,
luxuriando per caracterem.
unius in amore
puelle vulneror
multimodo dolore,
per quem et atteror.
Ut mei misereatur
et me recipiat,
Le chant de l'instant savoureux 261
60.
En ce début de printemps,
la saison si douce,
Sous un soleil triomphant
qui le froid repousse,
et ad me declinetur,
et ita desinat.
ENM
62.
Exiit diluculo
rustica puella,
cum grege, cum baculo,
cum lana novella.
Conspexit in cespite
scolarem sedere —
« Quid tu facis, domine?
veni mecum ludere!»
63.
64.
Nutibus me indicant,
dignam rogo judicant,
quod semel peccaverim.
Ex eo vim patior,
jam dolore morior,
semper sum in lacrimis.
Ob patris sevitiam
recessit in Franciam
a finibus ultimis.
Sum in tristitia
de ejus absentia
in doloris cumulum.
és
66.
J- P4 EST
E RE Hine f
V
LE CHANT NARQUOIS
La parodie
L'amour démystifié
Refocillatus, Domino
grates agit et socio;
dehinc rastellum brachiis
tentat movere languidis.
Castigatus angustia
de levitate nimia,
cum angelus non potuit,
vir bonus esse didicit.
Réconforté, il remercie
le Seigneur et son compagnon;
puis il s'évertue à manier
le ráteau d'un bras affaibli.
Heriger, urbis
Maguntiacensis
antistes, quendam
vidit prophetam
qui ad infernum
se dixit raptum.
Heriger illi S
ridens respondit:
«Meum subulcum
illic ad pastum
nolo cum macris
mittere porcis. »
Johannes Baptista
erat pincerna
atque preclari
pocula vini
porrexit cunctis
vocatis sanctis. »
Le chant narquois 289
68.
Heriger, l'archevéque
de Mayence, vit un jour
une sorte de prophéte
qui disait
qu'il avait
été ravi en enfer.
Comme il racontait
bien des choses à ce sujet,
il ajouta que l'enfer
était tout entier
de toutes parts entouré
d'épaisses foréts.
Heriger, en riant, y
répondit au charlatan:
«Je n'enverrai pas
mon garçon porcher
là-bas páturer
avec les porcs maigres.»
L'escroc raconta:
«Je fus transporté
au temple du ciel,
et j'ai vu le Christ
assis tout content
en train de manger.
Heriger ait:
« Prudenter egit
Christus, Johannem
ponens pincernam,
quoniam vinum
non bibit unquam. »
m)
« Mendax probaris
cum Petrum dicis
illic magistrum
esse cocorum,
est quia summi
janitor celi.
Honore quali
te Deus celi
habuit ibi ?
Ubi sedisti ? ,
Volo ut narres
quid manducasses. »
Respondit homo:
« Angulo uno
partem pulmonis
furabar cocis.
Hoc manducavi
atque recessi. »
Heriger illum
jussit ad palum
loris ligari
scopisque cedi,
sermone duro
hunc arguendo:
«Si te ad suum
invitet pastum
Christus, ut secum
Le chant narquois 291
Heriger répond:
«Le Christ a été malin
en faisant de Jean
son échanson,
puisqu'il ne boit
jamais de vin!»
bu
Et le Dieu du ciel,
avec quel honneur
t'a-t-il donc reçu? r
Où t'a-t-on placé?
Dis-moi donc un peu
ce que tu as mangé.»
L'homme répondit :
« Dans un coin caché
j'ai volé aux cuisiniers
un bout de poumon;
quand je l'ai mangé,
je m'en suis allé.»
Heriger le fit
lier à un pieu
avec des courroies
et frapper de verges,
en lui reprochant
fort sévèrement :
« Si le Christ
t'invite à sa table
afin qu'avec lui
292 Poésie lyrique latine du Moyen Áge
capias cibum,
cave ne furtum
facias spurcum. »
Advertite,
omnes populi,
ridiculum
et audite quomodo
Suevum mulier
et ipse illam
defraudaret.
Constantie
civis Suevulus
trans equora
gazam portans navibus,
domi conjugem
lascivam nimis
relinquebat.
Vix remige
triste secat mare,
ecce subito
orta tempestate
furit pelagus,
certant flamina,
tolluntur fluctus,
post multaque exulem
vagum littore
longinquo nothus
exponebat.
Le chant narquois 293
tu prennes un repas,
ne t'en va donc pas
voler comme un goujat! »
Un habitant de Constance,
un petit Souabe,
transportant ses trésors
à travers les mers
sur ses navires,
laissait à la maison sa femme
un peu trop légére.
Nec interim
domi vacat conjux:
mimi aderant,
juvenes secuntur,
quos et immemor
viri exulis
excepit gaudens
atque nocte proxima
pregnans filium
injustum fudit
justo die.
Duobus
volutis annis,
exul dictus
revertitur.
Occurrit
infida conjux
secum trahens
puerulum.
Datis osculis
maritus illi:
« De quo, inquit, puerum
istum habeas,
dic, aut extrema
patieris. »
At illa
maritum timens
dolos versat
in omnia.
« Mi», tandem,
«mi conjux, inquit,
una vice
in Alpibus
nive sitiens
extinxi sitim.
Inde ergo gravida
istum puerum
damnoso foetu
heu gignebam. »
Le chant narquois 295
Transfretato mari
producebat natum
et pro arrabone
mercatori tradens
centum libras accipit
atque vendito
infante dives
revertitur.
Ingressusque domum
ad uxorem ait:
« Consolare, conjux,
consolare, cara:
natum tuum perdidi,
quem non ipsa tu
me magis quidem
dilexisti.
Tempestate orta
nos ventosus furor
in vadosas sirtes
nimis fessos egit,
et nos omnes graviter
torret sol, at il-
le nivis natus
liquescebat. »
Sic perfidum
Suevus conjugem
deluserat,
Le chant narquois 297
Il traverse la mer
et met en vente
le petit:
il le livre en gage
à un marchand,
en reçoit cent livres
et l'ayant vendu
s'en retourne enrichi.
Ainsi le Souabe
a joué sa femme perfide
298 Poésie lyrique latine du Moyen Áge
70. ARCHIPOETE
ex)
Ecce mee proditor pravitatis fui,
de qua me redarguunt servientes tui;
sed eorum nullus est accusator sui,
quamvis velint ludere seculoque frui.
(ie)
71. ARCHIPOETE
72. ARCHIPOÈTE
Orientis partibus
adventavit Asinus
pulcher et fortissimus,
sarcinis aptissimus.
Hez, sire asnes, car chantez,
belle bouche rechignez,
vous aurez du foin assez
et de l'avoine a plantez.
Du côté de l'Orient ,
voici qu'est arrivé l'Ane,
bien fort et bien beau
et bon porteur de fardeaux.
Hi han, sire âne, chantez,
belle bouche rechignez,
vous aurez du foin assez,
de l'avoine en quantité.
Aurum de Arabia,
thus et myrrham de Saba
tulit in ecclesia
virtus asinaria.
Hez, sire Asnes...
Sa vigueur asinienne .
a porté dans cette église
l'or d'Arabie, l'encens
et la myrrhe de Saba.
Hi han, sire áne, chantez...
aspernare vetera.
Hez va, hez va! hez va hez!
bialx Sire Asnes, car allez,
belle bouche, car chantez !
« Si te scivissem, asine,
moriturum frigore,
te induissem syndone. »
Ohe, ohe, morieris asine?
Exclamavit rustica
voce satis querula,
obstante vicinia.
Ohe, ohe, morieris asine?
Ullulavit rusticus
magnisque clamoribus,
trahens crines manibus:
Ohe, ohe, morieris asine ?
En voyant
son áne mort,
le paysan
pleure son sort:
Ohé ohé l'áne, t'en vas-tu mourir ?
La paysanne poussait
des cris plutót lamentables,
malgré tout le voisinage.
Ohé ohé l'áne, t'en vas-tu mourir?
« Crucem do papalibus,
aures cardinalibus
caudamque minoribus —
Ohe, ohe, morieris asine? :
viscera vulturibus
priapumque viduis
una cum testiculis. »
Ohe, ohe, morieris asine ?
«Je donne
ma croix aux gens du pape,
mes oreilles aux cardinaux,
ma queue aux frères mineurs —
Ohé ohé l'áne, t'en vas-tu mourir?
Rusticus et famuli
portant corpus asini
ad pasturamque lupi.
Ohe, ohe, morieris asine.
13.
70:
T0!
80.
tali remedio
de spinis hostium uvas vindemio*.
et en contrepartie
je vendange la vigne aux ronces ennemies*.
ACRMATS/ 6:
330 Poésie lyrique latine du Moyen Áge
Volo resipiscere,
linquere, corrigere,
quod commisi temere ;
Le chant narquois 333
deinceps intendam
seriis, pro viciis
virtutes rependam.
Cum animadverterem
venerando Venerem
me lavare laterem*,
sensi quod succumberem
nisi culpam veterem
cum animadverterem.
Cum animadvertero
que, quanta, quot egero,
recte flere potero,
nisi declinavero,
nisi me de cetero
cum animadvertero.
Cum animadverteris
in quibus deliqueris,
boni nihil operis,
nihil, inquam, reperis,
ergo nisi falleris
cum animadverteris.
Cum animadvertere
te potes in scelere,
vertere, revertere,
dum potes, resurgere,
83.
Cum animadvertitur,
dum in carne vivitur,
quid a nobis agitur,
nihil si quis agitur
ratione regitur,
cum animadvertitur.
Invehar in Venerem
nisi resipiscat
et dediscat
veterem
malignandi spiritum
quo principiis
blanditur
et blandiciis
molitur
tristem letis exitum.
Prius de ludibrio
Veneris incertus,
Le chant narquois 837
nunc expertus
sencio
quam sit male fidei.
Non exaudior
blanditus,
unde blandior
invitus,
et invitor invehi.
sit odium,
quod initum per odium
consorcium
divorcium
per gaudii contrarium
sorciatur!
In odium converti -
nec jus amoris certi
nec finis est probandus.
Amorem enim odio
si finio,
Si vitio
per vitium subvenio,
desipio ;
si studio
sanitatis insanio,
non sanandus.
85.
Non contrecto
quam affecto;
ex directo
ad te specto
et annecto
nec deflecto
cilia.
Experire, filia,
virilia:
semper sunt senilia
labilia,
sola juvenilia
stabilia ;
hec sunt ustensilia
Le chant narquois 345
86.
Je ne touche pas
celle que je veux:
de facon directe
je t'inspecte,
je m'attache à toi
et ne détourne pas
les cils.
Essaie donc, ma fille,
les attributs virils :
ceux qui sont séniles
sont toujours débiles,
seuls les juvéniles
sont stabiles;
c'est un ustensile
346 Poésie lyrique latine du Moyen Áge
agilia,
facilia,
gracilia,
fragilia,
humilia,
mobilia,
docilia,
habilia,
Cecilia,
et si qua sunt similia*.
Post fervorem
celi rorem,
post virorem
album florem,
post candorem
dant odorem
lilia.
Experire, filia,
virilia:
semper sunt senilia
labilia,
sola juvenilia
stabilia ;
hec sunt ustensilia
agilia,
facilia,
gracilia,
fragilia,
humilia,
mobilia,
docilia,
habilia,
Cecilia,
et si qua sunt similia.
agile,
facile,
gracile,
fragile,
ductile,
mobile,
docile,
habile,
fece
et tous les -ile qu'on voudra*.
Aprés la chaleur,
ils donnent la fraicheur,
aprés l'éclosion,
la floraison,
aprés la blancheur,
ils donnent l'odeur,
les lys.
Essaie donc, ma fille,
les attributs virils:
ceux qui sont séniles
sont toujours débiles,
Seuls les juvéniles
sont stabiles;
c'est un ustensile
agile,
facile,
gracile,
fragile,
ductile,
mobile,
docile,
habile,
Cécile,
et tous les -ile qu'on voudra.
pe »
" 5 FU. y i.
Table
V. LE CHANT NARQUOIS
LL
TT
TT
82253 14908 8
31/4908/5 prix TC 448
Code Prix LP12
fol.
Paris
fr.
v?
BnF
2255
277
Couv
ms.