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UNE FENÊTRE OUVERTE SUR LE MONDE

Nos 8-9
1955
(8' année)

France : 50 frs
Belgique : 10 frs
Suisse : 0,70 fr

uméro spécial

6 8 pages

Le soleil et le vent
au service de l'homme

la pluie artificielle :
espoirs et réalités

Une merveille : la
culture sans terre

L'Art fleurit en
LE CHAMEAU A LIVRE
plein Sahara
SON SEÎRET ¿voir p.iB)
VIEUX JOE

FAVEUR DE PLUIE'
Faire Éomber la pluie à volonté
a toujours été #ri rêve cher a
l'homme. Il s'e|t traduit par de
traditionnelles cérémonies. Au¬
jourd'hui encore, bien des tribus
" >qaf ^ f
primitives se tournent vers le
« faiseur de pluie » en période de
sécheresse. Mirrtúlee (de Thurra-
- f. x vjEs HI
bareè) - appelé plus familière¬
l>Ti ment Vieux Jóe, le Faiseur de
Pluie, est un aborigène austra¬
'»>/. lien qui continue à pratiquer les
sw rites anciens. Cette photo est
tirée du film « The Back of
Beyond » qui décrit la vie dans
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±^¿ les déserts de l'Australie.

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Le Courrier. N" 8-9. 1955

Le
Courrier NOTRE COUVERTURE
UNE fíNtlñt OUVERT! SU* II MONDE

Comment un chameau peut couvrir des dis¬


Nos 8-9 - 1955 tances incroyables sans boire d'eau n'est plus
un mystère : une équipe de chercheurs tra¬
8e ANNÉE vaillant au Sahara sous les auspices de l'Unesco
a résolu le problème. Ici, un chameau est pesé
après avoir été privé d'eau pendant huit jours.
SOMMAIRE Voir en page 28 quelques-unes des révéla¬
tions étonnantes faites sur le chameau.
PAGES

Copyright Schmidt-Nielsen
3 EDITORIAL

4 LA TERRE A SOIF

par James Swarbrick

6 A LA CONQUETE DU DESERT
par B.T. Dickson

14 95 SAVANTS AUSCULTENT L'infinie variété de la vie est un des sujets qui intriguent
...les sables le plus ceux qui aiment la nature, et surtout, les hom¬
mes de science qui consacrent leur existence à compren¬
17 AUTANT EN APPORTE LE VENT dre le monde. L'extraordinaire faculté d'adaptation des
par E. W. Goldlng plantes et des animaux aux conditions diverses de la vie ne
constitue pas le moindre aspect de son attrait. -D'innombra¬
20 L'ÉNERGIE SOLAIRE DOMESTIQUÉE bles générations, soumises au processus de la mutation, ont
par Gerald Wendt modifié peu à peu leurs habitudes, leur anatomie et leur
25 LE GÉANT DES PYRÉNÉES
physiologie afin de s'adapter à la vie des profondeurs de
l'océan, des sommets des arbres de la jungle, ou même du
par Daniel Behrman
sous-sol. Chaque espèce s'est merveilleusement assimilée à uh
28 LE CHAMEAU - FABLE ET RÉALITÉ type spécifique de milieu, mais en même temps, chaque espèce
est absolument inadaptée à la vie dans une autre ambiance.
par Bodil et Knut Schmidt-Nielsen

3 3 L'ART FLEURIT EN PLEIN SAHARA


Il n'existe qu'une seule espèce d'animal qui possède le pou¬
voir de vivre n'importe où sur la terre (sauf sous l'eau) :
par Jean Gabus
l'homme. Il s'est adapté, non pas tellement en changeant sa
42 CULTURE SANS TERRE nature au cours des générations, mais surtout en adaptant à
par J.W.E.H. Sholto Douglas lui-même son propre milieu par l'invention de vêtements
contre le froid, d'abri contre les orages, du feu pour rendre
48 UNE ÉQUATION A TROIS INCONNUES mangeables les aliments durs, des outils pour mater le sol.
par H.I.S. Thlrlaway L'homme a su rendre plus ou moins habitable chaque coin du
monde, ou presque.
51 PLUIE SUR MESURE
...un rêve millénaire Cependant, il reste encore de vastes régions quasi déser¬
tiques, où ne peuvent vivre que les hommes dont les besoins
56 INVOCATION AUX DIEUX sont limités, et qui s'accommodent de la solitude. « Terra
...de l'eau deserta », comme les appelaient les Romains d'où le nom
moderne de « désert ». Ces terres ne sont pas forcément
58 LE MYTHE DES TROPIQUES
chaudes, car il existe des déserts dans l'Arctique et sur les
par W.S.S. Ladell plateaux hauts et froids. Mais les déserts sont toujours secs,
60 UN DÉSERT SATURÉ D'HUMIDITÉ leur végétation est éparse, leurs animaux peu nombreux et les
hommes y vivent dans la pauvreté.
par G. de Réparaz
Une définition pratique de la science est celle qui constate
64 NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT
que le meilleur emploi de l'intelligence de l'homme consiste
66 LATITUDES ET LONGITUDES
dans l'amélioration de la condition humaine. Ainsi, le désert
demeure un des plus grands défis que l'homme et la science
se doivent de relever. Plus que le quart de la superficie totale
des terres émergées est presque inutilisable : trop de soleil,
pas assez de pluie. Afin d'améliorer les conditions de la vie
Mensuel publié par
dans le désert, il faudrait modifier le climat ou au moins le
L'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science
temps, et cette tâche a toujours été au-dessus des forces de
et la Culture.
l'homme.
Bureaux de la Rédaction :
Avant que la science puisse agir, il faut qu'elle comprenne.
Unesco, 19, avenue Kléber, Paris- 16*, France.
Elle doit connaître les causes de la sécheresse et les raisons
Directeur-Rédacteur en Chef : du manque de pluie ; elle doit saisir la structure géologique
Sandy Koffler. des roches, les différents types de sols et de sables afin de
découvrir les nappes d'eau souterraines. Elle doit s'assimiler
Secrétaires de rédaction :
les méthodes employées par les plantes et les animaux du
Edition française : Alexandre Leventis. désert pour s'accommoder de l'austérité ; elle doit étudier le
Edition anglaise : Ronald Fenton. vent et le soleil afin d'apprendre à les mettre à son service en
Edition espagnole : Jorge Carrera Andrade. employant leur énergie à l'amélioration des conditions de vie.
Maquettiste : En outre, le problème est si vaste qu'il pèse sur l'existence des
peuples d'au moins trente-sept pays. Dans ce domaine,
Robert Jacquemin.
aucune nation ne peut beaucoup accomplir à elle seule, mais
Chargés de la diffusion : ce que peut réaliser une nation, toutes les autres' peuvent en
Jean Groffîer. bénéficier. Le problème des terres arides est au premier chef
U.S.A. : Henry Evans, d'ordre international, il ne sera résolu qu'en faisant le meil¬
leur emploi de l'intelligence humaine et ce, à l'échelle mon¬
diale. C'est pourquoi l'Organisation des Nations Unies pour
l'Education, la Science et la Culture, depuis ses débuts, s'est
Sauf mention spéciale de copyright, les articles et documents paraissant dans
attelée à ce problème.
ce numéro peuvent être reproduits à condition d'être accompagnés de 11 men¬
tion : Reproduit du « Courrier de l'Unesco ». Les articles ne doivent pas être
reproduits sans leur signature.
C'est parce que l'Unesco a déployé tant d'efforts à l'étude
Les manuscrits non sollicités peuvent être retournés ä condition "d'être de ce problème complexe que le Courrier consacre le présent
accompagnés d'un coupon-réponse international. numéro spécial à la grande campagne entreprise pour rendre
Les articles paraissant dans le «Courrier» expriment l'opinion de leurs auteurs,
les déserts habitables et étendre le royaume de l'homme jus¬
non pas nécessairement celles de l'Unesco ou de la Rédaction.
Abonnement annuel au «Courrier»: 300 francs lr.\ 6/-; ou % 1.50 par mandat qu'aux régions les plus lointaines, les plus sèches et, en bien
C.C.P. Pans 12598-48, Librairie Unesco, 19, Av. Kleber, des cas, les plus plaisantes de cette planète.
MC. 55. I. 94. F.

Gerald Wendt.
L'Unesco s'attaque
à un problème mondial

LA TE
par James Swarbrick

Un des objectifs de l'Organisation


des Nations Unies pour l'Edu¬
cation, la Science et la Cul¬
ture est d'améliorer les conditions
de vie de l'homme par la recherche
scientifique. Peu de temps après la
création de l'Unesco, ce noble dessein
allait être mis à l'épreuve de la réalité
brutale : sur plus du quart des terr
émergées ne peut vivre et fort ch¿-
tivement qu'une population clairse¬
mée, parce qu'elle manque d'eau.
Le problème est aussi vaste que la
Terre : La zone aride s'étale à travers
toute la carte du monde, depuis l'Atlan¬
tique jusqu'au grand désert de Gobi, en
Chine, en passant par. l'Arabie, le
Sahara et le Pakistan. Une autre zone
s'étend du nord au sud, non loin de la
côte du Pacifique, presque depuis
l'Alaska jusqu'à la pointe de l'Amérique
du Sud, interrompue seulement par les
régions humides de l'Amérique centrale.
L'Afrique du Sud est en grande partie
désertique, et aussi toute l'Australie, à
l'exception de sa bordure orientale. Et
partout des problèmes se posent, ana¬
logues sinon tout à fait les mêmes.
On s'y attaquait déjà, en fait, dans
beaucoup de pays, mais chacun travail¬
lait pour son compte. La première ini¬
tiative de l'Unesco a consisté à orga¬
niser une enquête sur les recherches en
cours : on a établi le répertoire de
près de cent" institutions de recherches
consacrant au moins une partie de leur
activité aux problèmes des zones arides.
Il porte sur vingt-trois pays, non
direction du « Comité Consultatif de de la sécheresse et d'aménager l'em¬
compris les pays de l'Union soviétique
qui n'étaient pas alors membres de .recherches sur la zone aride », composé ploi de l'eau dont on dispose.
l'Unesco. Cette enquête a montré que la de neuf membres de nationalités di¬
Lorsque la pluie atteint le sol, les
recherche n'existait que dans les pays verses, et spécialistes des différentes couches superficielles en retiennent une
sciences intéressées. Les sessions du
partiellement arides, tels que les Etats- partie, qui est utilisée par les plantes,
Unis, capables de tirer de leurs régions Comité sont suivies par des représen¬ ou qui s'évapore. Une certaine quantité,
fertiles assez de richesse pour faire tants des Nations Unies, ceux des Insti¬ toutefois, pénètre dans la terre d'où elle
face aux dépenses nécessaires. Les pays tutions spécialisées qui s'occupent de est drainée par les ruisseaux et les ri-'
complètement arides ne le peuvent pas, ces . problèmes (telles l'Organisation vières, ou bien elle demeure dans le
et c'est eux, cependant, qui en ont le pour l'Alimentation et l'Agriculture, sous-sol, cheminant très lentement à
plus grand besoin. La seule solution l'Organisation Mondiale de la Santé et travers les roches perméables. Si, en
était, de toute évidence, d'entreprendre l'Organisation Météorologique Mon¬ forant, on peut atteindre ces couches
une action d'ordre international qui diale), et d'un certain nombre d'asso¬ rocheuses, on pourra pomper l'eau et
concentrerait sur l'étude de ce pro¬ ciations internationales de savants et
l'employer pour les besoins domestiques
blème les recherches des spécialistes de d'ingénieurs, comme l'Union géogra¬ et pour irriguer le sol; ou bien, si la
nombreuses disciplines différentes, et phique internationale et la Conférence nappe aquatique se trouve entre deux
dont les résultats profiteraient aux Mondiale de l'Energie.
couches de roches imperméables, l'eau
zones arides où qu'elles soient. jaillira comme celle d'un puits artésien.
Ce que l'Unesco tente de faire par son Bien qu'elles soient, au total, peu
programme de recherches sur la zone On emmagasine l'eau abondantes, les pluies des zones arides
aride, c'est d'éveiller en tous pays l'at¬ provoquent souvent des inondations qui
dans le sous-sol
tention du public sur ce problème des amènent des phénomènes d'érosion, les
déserts, c'est d'encourager les recher¬ eaux détachant et entraînant ensuite
ches visant à le résoudre, et d'enseigner Un des grands problèmes communs le sol superficiel : non seulement ces
aux gens comment appliquer les résul¬ à toutes les zones arides, c'est le pluies ne servent à rien, mais encore
tats de cette recherche à leur vie quo¬ manque d'eau. L'eau peut faire elles appauvrissent la région. Il est
tidienne. Le travail s'effectue sous la totalement défaut, parce que les pluies donc indispensable d'endiguer les ri¬
sont rares ou nulles, ou bien être peu vières et de construire des réservoirs
abondante parce que les pluies, lors¬ pour emmagasiner les eaux de crues.
James SWARBRICK, chargé de l'exécution du pro¬ qu'elles tombent, ne fertilisent pas une Les anciennes civilisations du Moyen-
gramme de l'Unesco pour les zones arides, est secré¬ végétation utile : de sorte que, pour Orient et du bassin méditerranéen
taire du Comité Consultatif de Recherche sur la Zone
certaines régions arides, il s'agit de dé¬ connaissaient fort bien l'art de conser¬
Aride, constitué par l'Unesco. Chimiste, James Swar¬
brick travaillait auparavant à la section scientifique couvrir de l'eau et, pour d'autres, de ver ces ressources. A l'heure actuelle,
du British Council. protéger la population contre les effets l'Inde est, de tous les pays du monde, le
Le Courrier. NJ 8-9. 1955

ront besoin d'être plus profonds et le scientifique de ce qu'une région donnée


débit d'écoulement faiblira. En outre, peut produire et ne peut pas produire;
« BENI-ABBÈS LA même si toutes ces ressources étaient ces méthodes ne sont malheureusement
SCIENCE DANS LE complètement utilisées, il subsisterait pas toujours appliquées et il est encore
DESERT », est un film que de vases zones arides qui demeureront trop de régions du monde où, par igno¬
l'Unesco vient de terminer. inexploitées. rance, par négligence, ou faute de
Il montre le travail effectué Si l'on pouvait trouver une méthode moyens, la terre retombe en friche, le
dans un centre de recherches économiquement viable pour débarras¬ pâturage devient steppe et la steppe
désert.
situé dans le désert sud- ser de son sel l'eau de mer, et dessaler
algérien. Ce film sortira en aussi des eaux souterraines qui en sont L'Unesco se propose de guider et de
octobre prochain. Ici, une trop souvent chargées, on aurait sans coordonner les nombreuses recherches
caravane part pour un doute réalisé le plus grand progrès ini¬ entreprises dans tous ces domaines par
voyage à travers le désert. tial pour la remise en état des déserts. une douzaine de pays, et de faire en
L'Unesco consacre maintenant à ce sorte que tout progrès réalisé en quel¬
problème une attention toute parti¬ que domaine et quelque pays que ce
culière. On verra sur la carte qui figure soit tombe en partage à tous les cher¬
à la page 8 que la plupart des régions cheurs du monde entier. Le Comité
désertiques sont situées non loin des Consultatif de recherches sur la zone
côtes, et principalement des côtes occi¬ aride se réunit deux fois par an pour
dentales des différents continents. Les discuter en détail des progrès ac¬
déserts du littoral du Chili et du Pérou complis. Une fois par an, l'un dés pro¬
en sont des exemples typiques. Alors blèmes majeurs de la recherche fait le
que la mer est toute proche, il faut y sujet d'un stage d'études où sont invités
amener, par des pipe-lines ou même les savants du monde entier. Le pro¬
des wagons-citernes, l'eau des régions chain stage d'études aura lieu en octo¬
situées de l'autre côté des Andes. On bre 1955 en Australie, et sera consacré
n'a pas trouvé jusqu'ici pour dessaler à l'étude du climat. Au cours des an¬
l'eau de mer de procédé assez écono¬ nées précédentes, on a traité de l'hydro¬
mique pour que l'eau douce ainsi pro¬ logie, . étude des ressources en eau
duite puisse servir à irriguer les dé¬ (Ankara, Turquie, 1952) de l'écologie
serts. On pourrait aussi augmenter les végétale (Montpellier, France, 1953), et
ressources en eau en provoquant des de l'énergie éolienne et solaire (Nou¬
pluies artificielles. Depuis quelques an¬ velle Delhi, Inde, 1954).
nées, les recherches ont été très pous¬
sées dans ce sens et ont donné des
Le soleil renaîtra
résultats, sans qu'on puisse toutefois
tenir pour certaine l'efficacité d'une à Phlnix (Arizona)
méthode déterminée (voir page 51).
La question de l'énergie électrique IE Comité autorise la mise en

dans les zones arides est à peine moins route d'un certain nombre de

angoissante que celle de l'eau. Il en projets tels que l'établissement


faut pour pomper l'eau, pour les be¬ de cartes indiquant avec exactitude
soins domestiques, pour les travaux les conditions des régions arides. Cer¬
agricoles, pour l'industrie, pour l'exploi¬ tains crédits sont en outre alloués à
tation des richesses minérales. Il en des recherches particulières telles que
faut avant tout pour combattre la ten¬ la mission du Pr. Schmidt-Nielsen
*^7 £ '* pour l'étude de la physiologie du cha¬
tation, bien puissante en pays aride,
d'abattre et de transformer les arbres meau (voir p. 28), et l'étude du rôle de
et les abustes en combustible. la rosée dans la formation de l'humi-
dtié nécessaire à la croissance végétale,
T? Il est tout aussi important d'em¬
menée par le professeur S. Duvde-
pêcher le désert de s'étendre que de
remettre en état des déserts vieux de
vani, de l'Université hébraïque de Jé¬
rusalem. M. Duvdevani a découvert
milliers d'années. Les terres qui confi¬
que certaines plantes peuvent absor¬
nent aux déserts sont dans une position
ber l'eau de la rosée par leurs feuilles
d'équilibre très délicate, et faute de
et la faire passer dans leurs racines
prendre de grandes précautions pour
et même dans le sol pour l'y conserver.
leur exploitation et surtout leur culture
plus expert en matière d'irrigation par cet équilibre se détruit et le désert Le Comité accorde en outre son assis¬
les eaux de fleuves, mais partout où des avance inexorablement. Les méthodes tance à certaines réunions internatio¬
fleuves traversent des régions arides, le préventives contre l'érosion sont bien nales patronnées par des autorités
développement systématique de ces res¬ connues. Elles comprennent la culture locales. Au printemps de 1955, par
sources est en bonne voie. suivant les courbes de niveau, l'emploi exemple, il a accorde son
de coupe-vents, la prévention des inon¬ aide à rAmerican Associa- Su,te
L'évaporation des eaux emmagasinées
dations et, avant tout, la connaissance tion for the Advancement page 63
risque de représenter en zone aride une
perte considérable. On peut y parer en
construisant des réservoirs plus pro¬
fonds et de surface moins étendue
qu'on ne le fait en général. Une solu¬
tion plus radicale encore consiste à
.laisser les eaux gagner le sous-sol à
travers des couches filtrantes spéciale¬
ment préparées et à les emmagasiner « L'Etat major de l'Unes¬
co dans la lutte contre le
en attendant de les pomper selon les
désert les neuf hommes
besoins. du Comité Consultatif de
Recherches sur la Zone
Aride. Au premier rang
(de gauche à droite) :
Georges Aubert, spéci¬
Un pipe-line amène l'eau aliste des sols, Franc B.
T. Dickson, pathologie
au bord de la mer des plantes, Australie;
J. Swarbrick, Unesco.
Au deuxième rang (de
Les ressources en eau nappes gauche à droite) : Gilbert
souterraines ou eau de ruisselle¬ F. White , géographe,
ment ne représentent qu'un U.S.A., Processeur H.
O'R. Sternberg, géogra¬
complément insuffisant lorsqu'il s'agit phe, Brésil ; Professeur
de suppléer aux eaux de pluies. Il faut R. E. G. Pichi-Sermolli,
donc déterminer par la recherche les botaniste et écologiste
des plantes, Italie ; Sou-
quantités qui pourront ' être utilisées bhi Mazioum, hydrologis¬
sans danger de voir épuiser la nappe te, Syrie; Herbert Greene,
souterraine, faute de quoi les eaux spécialiste des sols,
Grande-Bretagne; S.N.
baisseront progressivement, les frais de Nagir. météorologiste, Pa¬
pompage augmenteront, les puits au kistan, (Photo Unesco;
A LA CONQUÊTE
DU DÉSERT

(Copyright Hulton Press Ltd. Picture Post.)


(Photo Unicef.)

DANS LE « PAYS DE LA SOIF» du nord-est du Brésil, les habitants de Campiña Grande attendent leur tour de tirer de l'eau du puits. Chaque géné¬
ration creuse plus profondément pour atteindre la précieuse fraîcheur. (Voir dans le N" 2-1955 du «Courrier» l'article sur le «Polygone de la sécheresse».)
Le Courrier. N" 8-9 1955

Les régions arides, où qu'elles soient situées, et notam¬ jouer qu'un rôle minime dans le développement de nouvelles
ment dans les pays chauds, sont caractérisées par un zones de production ou la remise en valeur de vastes régions
ciel diurne d'un bleu intense, des distances immenses autrefois fertiles et stériles à présent. Je veux parler des
baignées d'une lumière qui miroite, une ' végétation clair¬ millions d'hectares des vallées du Tigre et de l'Euphrate, de
semée, une population animale et humaine encore plus rare l'Indus-Chenab et du Nil, et de la zone aride septentrionale
et des pluies irrégulières et peu abondantes qui n'atteignent de Ceylan où subsistent encore les restes d'anciens canaux.
pas 250 millimètres dans les années les plus favorisées. Et On estime par exemple, qu'en Amérique latine près de 6
cependant nous nous souvenons que de puissantes civilisa¬ millions d'hectares sont susceptibles de développement et
tions ont existé dans des zones arides traversées par de qu'on pourrait disposer dans le Moyen-Niger, pour -la cul¬
grands fleuves : le Tigre et l'Euphrate, l'Indus et le Nil.
ture, d'une région plus étendue que les terres productives
Quelle est donc en termes de superficie l'importance du d'Egypte. La remise en valeur de ces antiques régions et le
problème ? Il est difficile d'obtenir des chiffres précis sur le développement des nouvelles exigent que des institutions de
sujet, mais on estime généralement que la surface totale des recherche, des gouvernements et des organismes des Nations-
terres émergées est très approximativement de l'ordre de Unies, sans oublier les autorités financières internationales,
combinent tous leurs efforts.
cent millions de kilomètres carrés dont 10 % environ, soit
dix millions, sont maintenant cultivés sous une forme quel¬ Examinons à présent certains des problèmes qu'ont à ré¬
conque. Mais on estime à près de 25 millions de kilomètres soudre ceux qui sont chargés du développement des zones
carrés l'étendue des terres arides, soit
près d'un quart de la surface des terres
émergées. Cela revient à dire que la
zone aride est au moins deux fois et
demie plus étendue que les régions
actuellement sous culture.

La fin de la première guerre'mondiale


a marqué le terme des grandes coloni¬
sations et du développement des terres
nouvelles par l'initiative d'individus
audacieux qu'animaient l'esprit d'aven¬
ture ou le désir d'une vie plus libre. La
seconde guerre mondiale allait faire
comprendre soudain de quelle manière
précaire la plupart des pays vivaient,
et comment ce niveau de vie portait en
soi les germes les plus propres à faire
renaître les luttes ameres qui déchirent
les peuples.

par B. T. Dickson

Nous savons à présent que Malthus


n'était après tout qu'en avance sur son
siècle, et nous sommes bien obligés de
nous demander si les besoins alimen¬
taires des peuples peuvent être satis¬
faits par les ressources actuelles aidées
de toute l'expérience technologique
dont nous disposons. Deux solutions
peuvent être envisagées : l'une, c'est la
réduction du taux de croissance de la
population mondiale, l'autre l'augmen¬
tation de la production alimentaire
dans une mesure telle que les gens
soient non seulement assurés d'un
minimum, mais encore d'un régime ali¬
mentaire proche du maximum souhai¬
table. Les spécialistes de la zone aride,
dont nous sommes, n'ont que peu de
pouvoir sur le taux de la croissance de
la population, ou même pas du tout. SEUL SUR UNE « ILE », cet arbre est isolé par les vents du désert qui ont balayé la terre qui l'entou¬
Mais quant à la seconde de ces solu¬ rait. En vain ses racines cherchent de quoi manger et de quoi boire, car l'érosion a détruit toute vie.
tions, nous sommes certains qu'on peut (Photo USIS.)
augmenter les ressources alimentaires
mondiales en accroissant la production
dans les zones actuellement sous culture et en étendant la arides. Je propose de les grouper dans l'ordre suivant : l'eau,
culture à de nouvelles régions insuffisamment exploitées les sols, les plantes, les animaux et l'homme.
jusqu'ici.

En appliquant dans toute la mesure possible les connais¬ Les arbres révèlent le
sances techniques dont nous disposons aux régions actuel¬
lement improductives, on peut parvenir à accroître consi¬ temps qu'il faisait en 1736
dérablement la production alimentaire des exploitations
privées. L'Inde, par exemple, possède un système d'irrigation L'eau compte avant tout, pour des raisons évidentes, et il
très développé, et nulle part dans le monde, l'alimentation est indispensable de bien connaître les ressources en eau
d'une population aussi nombreuse n'est au même point tri¬ d'une région afin de les utiliser de façon rationnelle en
butaire de l'irrigation pour son alimentation : et pourtant vue du développement dé la production alimentaire, des usa¬
on évalue à 10 % seulement du débit général des fleuves de ges domestiques et industriels. Au désert, la moindre goutte
l'Inde les quantités utilisées à cette fin. d'eau est réservée à la conservation de la vie, alors que dans
Si nous en venons à examiner les possibilités qu'offrent les grands centres urbains nous n'avons qu'à tourner un ro¬
binet pour que l'eau coule à flot, encore que parfois certaines
les zones arides, on s'aperçoit que l'entreprise privée ne peut
restrictions soient imposées à l'usage que nous en faisons.
Dans d'autres pays, l'eau douce venant des grandes chaînes
de montagnes s'écoule pendant plusieurs milliers de kilo¬
M. B. T. DICKSON, botaniste australien, d'origine britannique, est une des plus
hautes autorités mondiales en matière d'adaptation des plantes et de biologie des mètres jusqu'à la mer et va former jusque dans l'océan une
terres arides. Il fait partie, depuis 1929, de la « Commonwealth Scientific and sorte de delta d'eau douce d'énormes dimensions.
International Research Organisation », en Australie, dont il a dirigé la « Division
of Plant Industry ». L'article ci-dessus est une version légèrement abrégée d'un rap¬
Quelle est l'origine de ces ressources, grandes ou petites ?
port intitulé « The Challenge of Arid Land Research and Development for the Benefit
of Mankind ». (Comment l'humanité peut bénéficier des recherches sur les régions C'est la pluie, et c'est le début de ce qu'on appelle
arides et de leur développement) présenté au colloque International sur les zones le cycle hydrologique. Une partie des pluies pénè¬
arides, organisé à Albuquerque, dans l'Etat du Nouveau-Mexique (U.S.A.), sous les
auspices de l'Association américaine pour l'Avancement des Sciences. Cet article sera
tre dans le sol, une autre s'écoule dans les cours
publié « in extenso » par l'Association dans le compte rendu général des réunions. d'eau, une autre partie encore s'évapore, une
tes qu'aux époques suivantes et le fait semble confirmé par
A LA CONQUÊTE des documents historiques faisant allusion à des récoltes
abondantes au cours du xvnr siècle.

Tixeront estime que l'étude des ruines des systèmes d'irri¬


DU DÉSERT ««-; gation arabes et romains, celle de certains textes historiques,
de la continuité des méthodes de culture, ainsi que des espè¬
ces végétales cultivées indique que le climat est stable et
n'est pas devenu sensiblement plus sec. De même, il a été dit
lors de la conférence de l'Unesco sur la zone aride qui a eu
autre enfin est absorbée puis exsudée par la végétation. Les lieu à Jérusalem en 1953, que tous íes témoignages d'ordre
eaux évaporées ou exsudées par les plantes, de même que les historique, botanique et archéologique sont concordants et
eaux fluviales, peuvent voyager sur de grands parcours mais montrent que le climat n'a guère changé au cours des quel¬
finissent toujours par retomber en pluie, en neige, en grêle, que quatre-vingts dernières années en Israël et dans l'Inde.
en brouillard ou en rosée.
Tixeront souligne, au sujet des périodes de sécheresse, qu'il
Il peut se faire que dans certaines régions tropicales, les faudrait être renseignés sur les probabilités statistiques du
pluies dépassent la capacité d'utilisation de l'homme, comme
phénomène, et il demande instamment que l'on étudie tous
c'est le cas dans la région de l'Amazone, mais dans les zones
les facteurs climatiques de nature à provoquer la sécheresse
arides et semi-arides la pluviosité est basse et il est indis¬ ou l'inondation.
pensable de ne l'utiliser qu'aux meilleures fins. Il en est ainsi
même lorsqu'une région aride utilise des précipitations ve¬ Dans la pratique, les données de source historique ou
nant d'ailleurs, comme c'est le cas en Egypte, où les ressour¬ archéologique ont été exploitées très utilement en Tunisie.
ces en eau de la vallée du Nil dépendent surtout des pluies Les plantations d'oliviers où l'on a adopté les mêmes distan-
tombées sur les hautes terres d'Abyssinie.

L'un des premiers problèmes du cycle hydrologique des


zones arides réside dans la difficulté d'évaluer exactement
des précipitations ; les pluies étant toujours rares, elles peu¬
vent en outre être de caractère très local et extrêmement
sporadique, et cette distribution incertaine, tant dans l'es¬
pace que dans le temps, entraîne des écarts considérables qui
interviennent lorsqu'il s'agit de calculer avec précision.

On sait que des civilisations très évoluées fleurissaient


autrefois là où ne s'étendent plus que des régions arides.
On découvre dans les fouilles des restes de réservoirs, de ca¬
naux, de fortifications et d'habitations humaines qui permet¬
tent de présumer que des populations importantes se li¬
vraient là à des cultures intensives et extensives. C'est le
cas dans l'Inde, le Pakistan, l'Afrique du Nord, le Proche-
Orient. Même dans la région désolée de Lob-Nor, en Asie
centrale, on a retrouvé les restes de villes, d'oasis et de sys¬
tèmes d'irrigation. La disparition de ces civilisations a pu
être provoquée par de graves changements climatiques ou
bien par l'action de l'homme, indifférent à l'avenir de l'hu¬
manité.

Tixeront, en Tunisie, se demandant s'il est possible de pré¬


voir longtemps d'avance les conditions climatiques à venir,
a fait observer que nous ne disposons pas encore d'une docu¬
mentation assez sure, mais il nous apprend pourtant qu'en
Tunisie on a utilisé certains documents fournis par la nature,
comme, par exemple, les anneaux d'âge des arbres, et d'au¬
tres, d'ordre humain, tels que les enseignements de l'archéo¬
logie. Le service météorologique de Tunisie a étudié les
variations du climat d'Ain-Draham de 1736 à 1955 en exami¬
nant les anneaux d'âge d'un chêne. H a pu conclure que
de 1736 à 1790, les pluies ont été sensiblement plus abondan

Très aride.

ces d'implantation qu'au temps des Romains ont très bien


réussi en culture sèche. De même les puits, les citernes et les
canaux d'irrigation d'origine romaine peuvent guider le
choix d'un emplacement ou d'un genre d'utilisation.

Les isotopes radio-actifs


surveillent les infiltrations

Dans les zones semi-arides et arides, l'exsudation et l'éva-


poration sont les principaux facteurs de la recircula¬
tion des eaux par la formation des pluies dans l'atmos¬
phère, mais il est assez difficile de les mesurer à cause des
différences portant sur la couverture végétale. Il est bien évi¬
dent que, dans certains cas, une augmentation des cultures,
des pâturages ou de la couverture sylvestre risque de dimi¬
nuer considérablement la capacité des ressources en eau sou¬
terraine, et il faut arriver en général à équilibrer les besoins
des cultures et les ressources en eau. Des expériences faites
en Afrique du Sud montrent que la proportion des eaux de
pluie infiltrées qui dépassent la zone d'enracinement des her¬
bes du veldt n'est que de 3 % environ. Les phreatophytes
L'EMBLÈME DE L'ARIZONA, Etat des U.S.A., est le Sagnaro, ou cactus comme la luzerne des Etats-Unis dont les racines s'enfon¬
géant, qui donne des fruits comestibles dont les Indiens tiraient de la farine. cent jusqu'à la couche aquatique sont remarquables par leur
Les cactus que l'on voit ci-dessus ont environ 200 ans. (Photo Swarbrick.) abondante exsudation.

8
Le Courrier. N> 8-9. 1955

Afin d'évaluer les besoins d'une région en eau, où qu'elle se expériences pratiquées dans tous les puits ou forages, recon¬
trouve, il faut recourir à l'un des moyens qui permettent de naître les couches traversées, la qualité et l'abondance des
mesurer l'évaporation et l'exsudation ; si étrange que cela nappes, etc. Une enquête de ce genre doit permettre d'évaluer
puisse paraître, nous ne sommes pas encore parvenus ce¬ le volume total des réserves souterraines, de délimiter l'em¬
pendant à chiffrer avec exactitude les résultats que nous placement et la profondeur d'une source confinée ou de
fournissent les bassins d'évaporation. M. Thornthwaite, qui l'écoulement d'une source libre, ainsi que la région d'écoule¬
a consacré toute une vie de recherches à l'étude du climat, ment dans la nappe aquifère.
préconise, pour évaluer les besoins en eau d'une région, une
méthode qui permet, le niveau des pluies et l'importance de
Sous le Nil -. une rivière
l'évapotranspiration étant connues, de déterminer quelles
sont les quantités supplémentaires éventuellement nécessai¬ souterraine de 900 km
res pour l'irrigation.

Des réservoirs spécialement conçus, d'une superficie de 4 L existe sous le Nil une rivière souterraine d'environ-
mètres carrés et profonds de 70 centimètres, où certaines I 900 kilomètres de long, allant d'un point situé à 120 kilo-,
plantes peuvent être cultivées dans des conditions normales, mètres environ au sud de Louqsor, jusqu'à 100 kilomètres
ont été récemment installés sur un certain nombre de points, environ au nord du Caire. Selon Mohammed El Sayed Ayoub,
chaque réservoir étant entouré par une large zone-tampon ancien inspecteur général des Services du Contrôle du Nil, la
destinée à assurer plus de précision dans les résultats, mais largeur moyenne de ce fleuve souterrain est de 10 kilomètres,
leur nombre n'est pas encore assez considérable pour nous la couche de sable et de limon sur laquelle il coule est située
renseigner sur les différences existant d'une région à l'autre. à une profondeur qui varie entre 100 et 300 mètres, et le
Entre temps, Thornthwaite et ses collègues sont parvenus à volume des eaux en réserve peut atteindre près de 500 mil¬
la conclusion que le calcul de l'évapotranspiration potentielle lions de mètres cubes ; les eaux mettent près de cent ans à
atteindre la tête du Delta. On
prévoit, pour chaque année, l'em-
1 ploi de 1.400 millions de mètres
cubes pour le nouveau program¬
me d'irrigation, portant sur près
2 5 % DES de 10.000 hectares; un milliard de
TERRES SONT mètres cubes sont absorbés par la
végétation et près de 4 milliards-
DÉSERTIQUES de mètres cubes s'écoulent dans
le delta, inemployés.
25 % des terres émergées
La grande nappe aquifère si¬
sont désertiques ou semi-
tuée sous le Nil et le Nil lui-mê¬
désertiques, ce qui repré¬
me reçoivent leurs eaux de sour¬
sente 12.800.000 hecta¬
ces éloignées, mais s'ils étaient
res de terres improductives
tributaires des pluies locales pour
qui reçoivent une précipi¬
les infiltrations et les eaux de
tation d'eau annuelle Infé¬
surface, ils seraient à sec six
rieure à 25 centimètres.
mois par an.
La carte ci-contre montre

que de nombreux déserts Je voudrais vous raconter, à


sont riverains d'une mer cette occasion, l'histoire d'une au¬
ou d'un océan. L'Unesco tre grande région aride qui est
consacre actuellement à .en train d'être fertilisée et dont
ces déserts côtiers (qui la remise en valeur est le fait
totalisent 30.000 km de d'une organisation régionale
côtes) une étude particu¬ comparable à celle de Tennessee
lière, car ils offriront des Valley Authority. Je veux parler
possibilités de transfor¬ de la région désertique du Thal
mation plus immédiates que dans le Pakistan occidental. Elle
les autres déserts dès que forme une zone triangulaire de
la distillation de l'eau de près de 2 millions d'hectares dont
mer sera pratiquement la base, située au nord, le long
réalisable sur une grande de la chaîne du Sel, à 100 kilo¬
échelle. Cette carte a été mètres environ, et dont la lon¬
établie d'après des docu¬ gueur atteint 280 kilomètres en¬
ments spécialement pré¬ viron jusqu'au sommet de ce
parés pour l'Unesco par triangle, vers le sud, et qui se
Peveril Meigs, de la Com¬ trouve située dans le Punjab, enr
mission de la Zone aride tre l'Indus, le Jhelum et le Chu-
de l'Union Géographique nab. Selon la tradition confirmée
internationale. par des observations géologiques,
l'Indus coulait, jadis, au milieu
de cette région où il a déposé
d'énormes quantités de sable et
d'apports de ruissellement avant
peut être réalisé partout à partir de données ne portant que que son cours ne se détourne vers l'ouest.
sur la température de l'atmosphère et la latitude. Ces don¬ La végétation consiste en courtes broussailles et en herbe
nées permettent de déterminer les besoins d'une région en rare que paissent les chameaux. On n'y trouve aucune trace
eau et de tenir, en quelque sorte, une comptabilité en vue d'une occupation humaine antérieure au xiv" siècle, époque à
d'utiliser au mieux les eaux d'irrigation. laquelle l'empereur Sher Shah Sun a fait construire quelques
bassins d'un demi-hectare chacun.
Après avoir parlé brièvement des pluies, en prenant ce
terme dans un sens très général, nous pouvons passer tout C'est en 1870 qu'on a examiné, pour la première fois, la
naturellement aux pluies envisagées comme distinctes de possibilité de développer la région du Thal, mais rien n'a été
l'évapotranspiration. Une partie des eaux de pluie s'infiltre fait avant 1901, date à laquelle un Colonisation Bill autorisa
dans le sol et dans les autres couches géologiques et parvient la construction d'un canal dans la région du Shamlat ; mais
dans le sous-sol où elle s'accumule ou s'écoule lentement vers aucune suite n'y a été donnée avant 1936, la distribution des
la mer, sur des couches qui favorisent cet écoulement. La mé¬ eaux de l'Indus et de ses grands tributaires étant alors envi¬
thode la plus couramment employée pour déterminer le sagée. Les travaux afférents au projet de mise en valeur du
volume de l'infiltration consiste à examiner les données rela¬ Thal ont commencé en 1939, mais ils ont été suspendus à
tives à l'utilisation et à la baisse de l'eau des puits, mais il cause de la guerre et, lorsqu'en 1947, la masse des réfugiés,
existe à présent des isotopes radioactifs permettant d'observer venant de l'Inde, est arrivée au Pakistan, les canaux étaient
le mouvement de l'eau à travers les couches perméables. Les déjà ensablés. Quelque 250.000 réfugiés ont été installés dans
Etats-Unis possèdent près de 7.000 puits d'observation et 5 % la région du Thal.
d'entre eux environ sont dotés d'appareils automatiques d'en¬
A la fin du mois d'août 1949 a été créé le Thal Development i ClVJLVlliCIl
registrement.
Authority, organisme chargé de tout ce qui tou¬
L'étude des eaux souterraines exige avant tout la connais¬ che au développement d'une région de près de
sance géologique du terrain et si possible les services de géo¬ 400.000 hectares, et 300.000 hectares environ ont
logues qui feront leurs relevés avec ou sans l'aide de la géo¬ été confiés à des entreprises privées aidées par la
physique. On pourra enregistrer exactement les résultats des T.D.A.
A LA CONQUÊTE
DU DÉSERT
(suite)
Deux responsables: l'homme, la chèvre
On a jugé indispensable d'équilibrer le développement agri¬ consacrés à ce sujet. Qu'il me suffise de vous rappeler cer¬
cole par la création de villages, de petites villes et d'entre¬ taines caractéristiques de ces sols, tel que le fait qu'ils ne
prises industrielles, et il existe à présent dans la région des contiennent guère de matières organiques, donc peu d'azote,
raffineries de sucre, des filatures de coton, une filature de le fait aussi qu'ils sont généralement alcalins plutôt que
laine, et une fabrique de ciment. Quelque six cent quarante acides et peuvent donc présenter, lorsqu'il s'agit d'irrigation-,
villages ont été créés, chacun comptant 40 ou 50 maisons des problèmes touchant la perméabilité, et enfin qu'ils ren¬
pour une superficie totale de 50 hectares environ, chacun ferment parfois des quantités élevées de sels solubles. En
entouré de jardins, et disposant d'une réserve boisée de dépit de quoi, s'ils sont traités avec des engrais appropriés
25 hectares à proximité. les rendements des récoltes dans les terrains irrigués peuvent
être extrêmement élevés et des communautés prospères et
Chaque colon a droit à six hectares environ de terres
importantes peuvent y être créées comme on le voit aux
situées à moins de 2 kilomètres de son village et qu'il doit
Etats-Unis et en Australie.
tenir en bon état de culture.

Les pouvoirs de la T.D.A. s'étendaient, primitivement, sur


près de 750.000 hectares irrigables, mais un plan plus vaste Ne pas confondre
a été mis à l'étude en 1953, portant sur une partie des
1.500.000 hectares qui ne sont pas susceptibles d'être irrigués
agriculture et littérature
par des canaux. Dans certaines zones, des puits de maçon¬ Il semble peu probable que le climat se soit détérioré
nerie sont utilisés depuis longtemps pour fournir l'eau à de
depuis que l'homme use ou abuse de la terre pour sa sub¬
petites propriétés. La nappe aquifère est formée par des sistance. Mais les effets de la pluie ont été néanmoins
couches de sable supportant un plan d'eau abondant situé
sérieusement combattus par l'abus que l'homme a fait de la
entre 12 et 18 mètres de profondeur, de sorte qu'on a pu y
charrue, de la hache et des troupeaux, et surtout des trou¬
installer des puits tubes. Le succès de ces installations reste
peaux de chèvres. Il a transformé ainsi des régions margi¬
aléatoire car l'infiltration est importante et l'évaporation
nales en véritables déserts, et c'est dans ce sens que l'on a pu
considérable pendant l'été où la température atteint jusqu'à
dire que le désert avance. Tout effort pour réaménager les
49", mais on espère que chaque puits pourra permettre d'ir¬
régions marginales en vue d'améliorer la production et les
riguer 75 hectares environ. Au début de. l'année dernière
conditions de vie exige nécessairement que toute la couver¬
l'Australie a fourni les éléments de ces puits tubes à la
ture végétale existante, naturelle ou cutivée, soit connue,
T.D.A., dans le cadre du plan de Colombo.
qu'on en étabisse des cartes, ainsi que de l'utilisation des
Dans les zones arides et semi-arides, où il est indispensable sols, comme d'ailleurs la F.A.O., d'accord avec les auto¬
que les réserves d'eaux souterraines se rechargent très sou¬ rités nationales, est en train de le faire ou s'y prépare.
vent, les périodes sans pluie sont de longue durée et ne sont La tâche essentielle est de tenter de régénérer la couverture
interrompues que par des précipitations orageuses qui s'écou¬ végétale, et cela sans que la population soit empêchée d'en
lent très rapidement, chargées ' de quantités stupéfiantes tirer sa subsistance. Pour mener à bien cette tâche, il est
d'apports de ruissellement allant du limon aux blocs de
indispensable de disposer de parcelles entourées de clôtures
rochers. Ces eaux d'orage, on le sait, disparaissent relative¬ ou protégées en tout cas contre les troupeaux, afin d'étudier
ment vite, et la question est de savoir comment employer uti¬ les phénomènes de régénération naturelle qui peuvent s'y
lement ces ressources souvent considérables en étalant et en
produire et dont les résultats sont souvent surprenants. Ce
ralentissant la course des eaux par l'emploi de barrages et de
qu'il ne faut absolument pas faire, c'est passer d'une
réservoirs, par le choix de sites de filtrage et ainsi de suite. région du monde à l'autre et commencer immédiatement
à appliquer une méthode quelconque en imaginant qu'elle
donnera des résultats.
On demande une
Il est dangereux de bouleverser la surface des sols, même
baguette magique dans une bonne intention, parce qu'on risque l'érosion ou
la scarification des jeunes plants par l'action des vents
Le corps humain, comme celui des animaux et des plantes chargés de sable qui soufflent pendant la saison chaude. J'ai
renferme une proportion d'eau si élevée qu'il n'est pas vu la chose se produire au Pakistan, dans le désert de Thal,
étonnant de voir l'importance de cet élément dans la où nous faisions des expériences sur un certain nombre de
vie. J'ai parlé, au début, des rapports qui existent entre" végétaux. Il semble indispensable de prévoir des abris quel¬
la population et les ressources alimentaires. Il en existe du conques-contre ces vents dévastateurs etil faut commencer
même genre entre la population et les ressources en eau. à en établir autour des plants en nourrice, et dans des par¬
Rien d'étonnant dès lors si l'esprit humain se tourne vers celles convenablement aménagées contre les vents les plus
celles de ces ressources qui semblent illimitées, les mers fréquents. Les horizons infinis du désert sont passionnants
et les océans, et souhaite qu'il soit un jour possible de lorsqu'il s'agit de les décrire, mais ne valent rien pour l'agri¬
transformer d'immenses quantités d'eau de mer en culture.

eau douce. Un homme bien intentionné m'a même


demandé un jour si l'on ne pourrait pas construire, Le Tripolium hirtum (trèfle)
à travers le désert du Négev, un canal allant de la
Méditerranée à la mer Morte, et utiliser l'eau de mer de Turquie émigré en Californie
transformée en eau douce pour irriguer le désert et pour
élever le niveau des eaux de la mer Morte. Eh ! bien, la Pour ma part, je viens d'un pays où il a fallu acclimater'
réponse c'est que, s'il s'agit de produire à bon compte de toutes les sortes de végétaux alimentaires imaginables
destinées à l'homme et aux animaux domestiques, à
grandes quantités d'eau douce à partir de l'eau de mer, la
réussite n'est pas pour demain. Nous ne tenons pas encore l'exception de certaines herbes et de certains arbres comme
la baguette magique, mais les recherches se poursuivent dans le mulga (qui est un acacia) . Nous avons acclimaté avec suc¬
cès toutes les sortes d'arbres fruitiers et de légumes qui pous¬
bien des régions, et il est peu douteux qu'un jour viendra où
dans certaines zones arides il sera possible de fournir de sent partout ailleurs et nous continuons nos recherches pour
l'eau de mer transformée en eau douce, à meilleur compte, un grand nombre de graminées et de légumineuses. On en
par exemple, que de l'eau amenée de régions très éloignées. fait autant aux Etats-Unis, où je crois que les essais prati¬
qués sur des végétaux venus du monde entier s'élèvent à plus
M. Everett Howe, de l'Université de Californie, a préparé de 65.000. Nous avons obtenu notamment des résultats tout à
pour l'Unesco un excellent résumé sur l'état des recherches
fait remarquables grâce à l'acclimatation du trèfle souter¬
sur l'utilisation des eaux salines et M. Sheppard Powell, rain ; ils se traduisent par des millions et des millions pour
membre du groupe consultatif du Ministère de l'Intérieur les éleveurs de moutons d'Australie méridionale. Le Phalaris
des Etats-Unis, nous a parlé du Saline Water Conversion tuberosa et le faux seigle (Lolium spp.) dans le sud, le
Program américain. Ce programme a été autorisé par le Censhrus spp. dans l'ouest et 1' « Herbe de Rhodes » dans la
Congrès des Etats-Unis aux termes de la' Public Law 448 et
région de Queensland en sont d'autres exemples. Aux U.S.A.,
les projets de recherches, financés conformément à la loi "on utilise comme nous cette luzerne que les Américains
par des subventions, donnent déjà des résultats très féconds,
appellent alfalfa, d'un nom se rapprochant davantage du
en permettant notamment d'évaluer la qualité et le coût de nom arabe qui veut dire « bonne herbe ». J'en parle pour
production de l'eau douce obtenue à partir des ressources
montrer quel vaste champ offre l'étude des végétaux, notam¬
d'eaux salines.
ment des graminées et des légumineuses pouvant être accli¬
J'en arrive maintenant à l'examen de ce qui constitue la matées dans les zones arides anciennes. Il reste encore beau¬
base de la production alimentaire à l'échelle des besoins coup à faire dans ce domaine, et nous avons été
mondiaux je veux dire le sol. Je ne me propose pas d'en¬ heureux d'entendre le Dr Whyte nous parler du (Suite
trer dans des détails au sujet des sols arides parce que vous travail effectué actuellement à la F.A.O. sous sa p. n.)
connaissez tous les excellents ouvrages que le D'Kellog a direction.

10
Le Courrier. N" 8-9. 1955

&m

...ET LE DÉSERT
FLEURIRA

Depuis plusieurs années des travaux ont été '


entrepris sur une vaste échelle pour mettre en
valeur les terres désolées de la région de Négev,
dans le sud d'Israël. Un pipe-line (ci-dessus),
traversant le Négev d'un bout à l'autre, est en
construction. Il amènera l'eau directement du

nord aux terres desséchées du sud. D'autre part


(ci-contre et en bas) des savants de l'Institut
Géologique font une prospection des eaux
souterraines en étudiant notamment la structure

des rocs et des sols. La photo de gauche montre


un agronome travaillant au laboratoire de l'Insti¬
tut hébraïque de Jérusalem. En 1952 un colloque
réunissait dans cette ville les spécialistes
mondiaux sous les auspices de l'Unesco.
(Photos Unesco.)

Il
LE SOURCIER

MODERNE

La recherche et l'étude des


eaux souterraines sont effec¬ (Copyright Rapho, Paris.) (Copyright J. Belin, Maroc

tuées près de Rabat, au Maroc,


grâce à la méthode gravimé-
trique. Les appareils moder¬ au désert, c'est le nomadisme, et s'il est vrai que le déplace¬
nes enregistrent des variations ment des troupeaux d'une région de pâturages à l'autre est
de gravité et révèlent la struc¬ chose inévitable, il ne s'ensuit pas que les bergers, eux,
ture du sous-sol (photo de doivent rester des nomades. Il n'est besoin que de vous rap¬
gauche). La photo de droite peler combien, dans le nomadisme, l'existence des hommes,
montre un canal d'irrigation des femmes et des enfants diffère de celle des autres habi¬
amenant l'eau à des planta¬ tants des pays secs. Toute modification de leur genre de vie
tions de palmeraies, au Maroc. entraîne fatalement pour ces populations nomades une véri¬
table réadaptation sociale.

Dans les études qui forment la base indispensable de ces 0° à 42° : le régime
acclimatations, on trouvera ample matière aux recher¬
de l'accordéon
ches sur la sélection et la génétique des espèces qui
semblent pouvoir s'adapter le mieux. Nous avons réussi, par
exemple, l'acclimatation de certaines espèces de trèfle, et il MLadell, directeur du Centre de recherches physiologi¬
se peut que le Trifolium hirtum, originaire de Turquie et ques des climats chauds de Nigeria, traitant de l'in-
maintenant acclimaté en Californie produise des écotypes. * fluence du milieu dans les régions arides, souligne les
écarts de température auxquels l'homme est soumis dans ces
Il est indispensable, évidemment, de savoir quels sont les climats, comme à Basra, par exemple, où la moyenne men¬
facteurs physiologiques qui permettent aux plantes déser¬ suelle minimum varie de 0 à 28° C. et la moyenne mensuelle
tiques et semi-désertiques de survivre pendant de longues maximum, de 19 à plus de 42° C. Dans ces conditions, la
périodes avec peu d'eau et dans des conditions d'insolation nébulosité est rare et la couverture végétale très clairsemée,
excessive, accompagnées de températures diurnes très élevées de telle sorte que le sol diffuse de la chaleur et que l'air
et de très basses températures nocturnes. chargé de poussières en diffuse encore plus. Quand les vents
Le colonel Omar Graz, directeur du Projet de développe¬ s'y ajoutent, le dessèchement du corps humain peut être plus
ment des régions désertiques d'Egypte, insiste, lui aussi, sur rapide qu'il n'est physiologiquement souhaitable. Ladell parle
la nécessité d'une connaissance approfondie des bases écolo¬ aussi de 1' « -acclimatisation » à la chaleur, par quoi il entend
giques, génétiques et physiologiques permettant la sélection les modifications physiologiques qui ont pour effet une amé¬
lioration du travail à la suite de l'exposition dans un milieu
des plantes et des animaux les mieux adaptés aux conditions
de la zone aride, *et il a souligné l'importance de la tolérance chaud, et il estime que l'homme peut vivre dans des condi¬
à la chaleur et de la capacité des animaux à maintenir leur tions plus dures que celles des régions les plus chaudes du
monde.
température en dépit de la chaleur ambiante, question sur
laquelle il nous reste beaucoup à apprendre. Les habitations des pays chauds doivent être bien conçues
fraîches pendant le jour et assurant la nuit une protection
Quel que soit le travail de recherche accompli dans l'un
suffisante ; les maisons de pisé aux murs épais et aux
des domaines que nous avons envisagés ou dans tous ces
étroites fenêtres du Proche-Orient, du Pakistan et de l'Inde
domaines, le résultat final qu'on se propose, c'est le bien de
en offrent d'excellents exemples.
l'humanité, et c'est pourquoi nous en arrivons à parler de
l'homme lui-même, de son bien-être et des conditions de son L'eau est indispensable à la vie, et il semble bien regret¬
existence. Un des aspects remarquables de la vie de l'homme table que les croyances ou les traditions religieuses empê-

12
Le Courrier. N" 8-9. 1955

De nombreuses terres arides

des U.S.A. sont devenues mira¬

culeusement fertiles grâce à


l'application de gigantesques
chent les habitants du désert d'utiliser des réservoirs de fer plans d'irrigation. Les pa/sages
galvanisé pour recueillir les eaux de pluie. sont coupés de lignes droites
Les habitants du désert souffrent souvent des brûlures de et courbes représentant no¬
la chaleur, sont souvent atteints de dénutrition, et d'une tamment des canaux d'irriga¬
déficience de vitamines A qui risque de retarder la cicatrisa¬ tion et des terrasses aména¬

tion des plaies. gées pour combattre l'érosion.


Nous autres, qui vivons dans des conditions confortables, (Photos US/S.)
nous avons peine à nous rendre compte de ce que c'est que de
se passer de gaz et d'électricité, d'adduction d'eau, de réfri¬
gérateur et de radio, d'habiter des locaux non climatisés,
d'être privés de bonnes routes et de voitures rapides, etc. de la Smithsonian Institution fait, depuis longtemps,
Mais des milliers et des milliers de gens vivent, cependant, de pionnier dans ce domaine.
dans des régions où l'énergie électrique est inconnue,' et qui Vous voyez que je n'ai fait qu'effleurer . quelques-uns des
n'ont ni charbon ni pétrole. C'est là qu'il faut penser à aspects des nombreux domaines de recherches qu'il est indis¬
exploiter les sources d'énergie que sont les vents et le soleil. pensable d'explorer pour parvenir aux résultats que nous
souhaitons.
On trouve au Danemark d'excellents générateurs éoliens
dont la capacité atteint 70 kW, et deux prototypes de 100 kW
fonctionnent actuellement au Royaume-Uni ; on étudie en Des milliards qui seraient
outre en ce moment très attentivement la question du réglage
bien employés
automatique par vents variables, afin d'utiliser au maximum
la puissance du vent. Le choix du site est très important Tout travail doit commencer par l'examen du terrain, et
lorsqu'il s'agit d'installer une éolienne. dans le cas présent, c'est des terrains qu'il faut dire; il
s'agit d'une opération extrêmement complexe qui
En .utilisant l'énergie éolienne, soit directement, soit trans¬
"exige un travail d'équipe de la plus haute qualité. Je ne fais
formée en électricité, pour pomper l'eau des puits ou des
pas fi de l'effort individuel, et certaines des plus hautes
canaux, on pourra ne. plus avoir recours au travail des buufs contributions à la connaissance sont l'tuvre des Newton et
ou des buffles, utilisés souvent à cette fin. Les cultures four¬
des Einstein. Mais il s'agit avant tout de
travailler en
ragères destinées à l'alimentation de ces animaux domes¬
équipes, et ces équipes doivent grouper non seulement les
tiques pourront être remplacées par des cultures alimen¬
individus, mais les Universités et les Institutions de recher¬
taires pour la consommation humaine.
ches, et les peuples enfin, en d'autres termes, les Organisa¬
On a déjà employé l'énergie solaire pour cuire les ali¬ tions des Nations Unies.
ments et chauffer l'eau, et l'on a assisté, en novembre der¬
nier, à des démonstrations de matériel en action à la Nou¬
Je me dis souvent qu'il est bien dommage que les milliards
employés à défendre une partie de l'humanité contre l'agres¬
velle-Delhi (Inde). Reste à réduire le prix de revient de ces sion éventuelle d'une autre partie de l'humanité, ne puissent
appareils pour les mettre à la portée de l'Indien moyen. En
être consacrés à des recherches de ce genre, pour le plus
Californie, des chauffe-eau ont été installés sur les toits des
grand profit de l'humanité. Imaginez, par exemple, que nos
immeubles ; ils sont pourvus de réservoirs calorifuges.
jeunes gens appelés sous les drapeaux puissent choisir de se
Des recherches et des expériences multiples sont actuelle¬ consacrer pendant un certain temps à l'une des activités dont
ment consacrées à un projet de moteur solaire. Le Dr Abbott, nous venons de parler. Mais voilà de l'utopie !

13
95 SAVANTS
auscu Itent es saoies bl
Une portion importante du territoire des Etats-Unis d'Amé¬
rique pays d'une si grande richesse agricole est déser¬
tique ou semi-aride. La vaste région qui forme le tiers
occidental du pays et qui s'étend sur près de 3.000 kilomètres
du nord-ouest au sud-est, et sur 1.500 kilomètres à l'est du Paci¬
fique, n'est arrosée, si l'on excepte quelques vallées fertiles au
nord-ouest, que par les torrents des hautes chaînes montagneu¬
ses qui la traversent. Les terres irriguées ont un rendement
prodigieux, mais elles ne couvrent qu'une très petite surface.

Les Américains songent actuellement aux moyens d'exploiter


les terres non irriguées de cette région. C'est pourquoi les culti¬
vateurs et les hommes d'affaires de la vallée du Rio Grande,
dans les Etats du Texas et du Nouveau-Mexique, ont organisé t
une conférence internationale avec le concours de l'Unesco, de
l'American Association for the Advancement of Science et de la
National Science Foundation. Cette conférence s'est réunie à
la fin du mois d'avril dernier à l'Université du Nouveau-Mexique,
dans la vieille cité d'Albuquerque. Elle a groupé soixante-quatre
spécialistes de la zone aride représentant 26 pays et 400 experts
américains.

L'élément essentiel du programme était une excursion de


deux jours à laquelle ont pris part 95 experts représentant
20 pays de la zone aride. Les participants ont parcouru
mille kilomètres de désert et l'on peut dire que jamais encore
un désert n'avait été ainsi « ausculté ». Un des savants
devait déclarer par la suite : « Nous avons pu échanger des
idées dans une atmosphère parfaitement détendue, évoquer
presque tous les problèmes de la zone aride dans la mesure où
ils affectent la vie et la prospérité de la population. Nous avons
pu aussi nouer de solides amitiés avec des collègues d'autres
pays, et jeter en commun les bases d'une cordiale coopération
internationale. »

Partie de la ville d'Albuquerque, sur le Rio Grande (un mince


filet d'eau qui porte bien mal son nom), l'expédition franchit un
col de montagne pour s'enfoncer dans l'Estancia Valley, région
sans eaux de surface, mais où la présence d'une nappe souter¬
raine très profonde (que les pompages ne tarderont pas à épui¬
ser), permet de pratiquer la culture en grand des haricots.

Après avoir longé des lacs salés asséchés témoins de l'abon¬


dance des précipitations à une époque plus ancienne, elle attei¬
gnit, un plateau où des traces de labours et des ruines d'habi¬
tations attestent que la région n'a été que récemment conquise
par le désert. A Gran Quivira, les pans de murs qui restent de
l'église prouvent que les colons espagnols d'il y a trois siècles
n'ont pas su, comme les Indiens autochtones, vivre et prospérer
sur ces terres pendant des générations.

Plus au sud encore s'étend le désert le plus décharné de tous


le « mal pais » (mauvais pays) formé d'une coulée de
lave moins de dix fois séculaire, épaisse de 32 m, cou¬
vrant 317 km. carrés. Puis viennent d'incomparables sables
blancs : le désert à l'infini. Le deuxième jour, partie de El Paso,
l'expédition remonta la vallée bien irriguée du Rio Grande, se
dirigeant vers le ranch expérimental du State College of New
Mexico. Avant de revenir à Albuquerque, les experts purent ins¬
pecter le barrage, le lac artificiel et le système d'irrigation de
Elephant Butte, qui datent de 1915.

Les photographies prises au cours de cette excursion d'études


et publiées ici sont éloquentes. Les savants n'ont absolument
pas l'air de savants. Ils n'ont presque rien fait rien encore
pour améliorer les terres qu'ils parcourent ; mais l'avenir des
régions arides dépend d'eux et de leurs collègues. Sous la direc¬
tion du Comité consultatif de recherches sur la zone aride, créé
par l'Unesco, ils pourront, maintenant qu'ils se connaissent bien,
faire en sorte qu'une amélioration réalisée en un point quelcon¬
que de la zone aride soit rapidement étendue à l'ensemble de
cette zone.

14
Le Courrier. N° 8-9. 1955

(Photos Unesco.)
¿Í*A ¿XA« . t a í I I

SABLES BLANCS
li OCÉAN DE NEIGE

« White Sands » (sables blancs), dans l'Etat américain du Nouveau Mexi¬

r que, offre sur 43 km. de long et 700 km2 de surface, d'immenses étendues
de dunes d'une blancheur de neige. C'est le plus grand désert de gypse
du monde. Il y a bien longtemps, des dépôts de gypse provenant des
o montagnes environnantes furent entraînés par des cours d'eau dans un
lac qui recouvrait alors la région. Le climat étant devenu aride l'eau de
ce lac s'évapora et le gypse, cristallisé, fut réduit en poudre par le
vent. Les photos I et 2 montrent les savants participant au congrès
d'Albuquerque sur la zone aride, gravissant les dunes comme de jeunes
garçons. Au cours de la même excursion, les experts visitèrent les ruines
des bâtiments religieux de Gran Quivira (photo 3) élevés en .1640 par
une Mission espagnole et abandonnés quinze ans plus tard à cause de la
sécheresse et des attaques des Indiens. On voit ¡ci Albert H. Reid, du
U.S. Forest Service de l'Etat du Colorado, et Pedro Armillas (il porte la
barbe) Professeur d'archéologie à l'Ecole nationale d'anthropologie de
Mexico. La dernière photo (n°'4) représente les savants examinant
« Elephant Butte », vestige d'un ancien volcan. Là est édifié sur le Rio
Grande un barrage de 60 km. de long qui irrigue 320.000 hectares.

15
95. SAVANTS
(Suite)

I i IW -
~9i\ \ j

(Photos Unesco.)

VOYAGE AU PAYS

DE LA MORT

Dans l'aride et sauvage vallée du Nouveau-Mexique appelée Jornada


del Muerto, le New Mexico State College of Agriculture poursuit
sur une grande échelle des expériences agricoles. Au cours des vingt
dernières années, plus decent variétés de graminées y ont été étudiées.
* -
Un des dirigeants de ces expériences (K.A. Valentine, qui utilise un haut-
parleur) expose aux savants du congrès d'Albuquerque les résultats
obtenus dans la culture du désert (photo I). Jens Clausen, botaniste de *
Californie, prend des notes tandis qu'un autre savant photographie
les champs d'expérience de Jornada (photo 3). Venus d'Ethiopie, du
Mexique, du Pakistan et des U.S.A., plusieurs spécialistes se penchent
sur un « cas » Intéressant (photo 4). Une halte dans le désert (photo 2).
De même, près de Elephant Butte (photo 5), Valliolah Vasiradeh, du
ministère iranien de l'Agriculture, examine une formation volcanique.

16
Le Courrier. N° 8-9. 1955

Une énergie prodigieuse...

AUTANT EN
APPORTE
LE VENT

Depuis des siècles, des peuples il faudra beaucoup de travail.


nomades mènent dans des déserts
P o r E . W . G o I d i n g
L'homme peut parfois subsister sans
ou des semi-déserts une existence travailler, mais le travail est indispen¬
précaire. Ils errent avec leurs trou¬ sable à l'amélioration de son sort. Même
peaux de moutons, de chèvres et par¬ en se donnant beaucoup de peine,
fois de chameaux à la recherche des coles » du désert ; mais c'est aussi un l'homme ne peut, sans le secours de
lieux que les pluies saisonnières ont moyen sûr d'entretenir le désert. La l'énergie mécanique, améliorer sensible¬
recouverts d'une mince couche de gra¬ végétation n'a jamais la possibilité de ment sa condition. Dans les pays agri¬
minées et d'autres végétaux dont leurs se développer suffisamment pour don¬
coles de climat tempéré, la mécanisa¬
bêtes puissent se nourrir. Cette végéta¬ ner de l'ombre et pour retenir les pluies
tion a été la clé du développement ;
tion est rapidement consommée, et les irrégulières qui ruissellent rapidement
pour obtenir une productivité élevée, il
animaux broutent alors les feuilles des sur une surface dénudée en l'érodant
faut des machines qui aident l'homme
buissons qui réussissent à vivre dans de façon désastreuse. L'homme lui-
à tirer de son effort le parti maximum.
ces plaines sans arbres. Ce mode de même aggrave encore les méfaits de cet
Dans les pays insuffisamment dévelop¬
vie libre et indépendant n'est pas dénué excès de pâturage en coupant les buis¬
pés, la vie est inévitablement plus dure
de risques. Lorsque la pluie vient à sons pour faire du feu.
et le concours de l'énergie mécanique
manquer, les animaux, et peut-être Pour rendre ces terres désertiques est encore plus nécessaire, qu'il s'agisse
aussi leurs maîtres, sont condamnés à de pomper l'eau, de cultiver la terre, de
capables d'assurer à leur population
mourir de faim s'ils ne réussissent pas moudre le grain, de préparer les ali¬
une existence moins précaire, et pour
à gagner assez rapidement des régions leur permettre ensuite de contribuer à ments, de s'éclairer, de se
plus humides. nourrir le reste du monde car les sols chauffer, . de produire ' du
Certes, le nomadisme est un moyen désertiques sont souvent fertiles lors¬ froid, ou d'accomplir bien
d'utiliser les maigres « ressources agri- qu'on leur fournit suffisamment d'eau d'autres tâches domestiques

B ET CHEVAUX (VAPEUR). Lapuissance développée par une paire de boeufs ou un chameau en tirant d'un puits quelque 3.000 litres
par heure d'une profondeur de 9 à 12 mètres, ne représente qu'une petite fraction de cheval-vapeur. Une éolienne, même très rudimentaire, peut facile¬
ment faire le même travail si elle est actionnée par les vents modérés qui soufflent dans les pays d'Orient plusieurs heures par jour. (Photos E. VV. Golding.)

17
et agricoles. D'où tirer cette énergie ? voit aujourd'hui beaucoup plus loin que
On peut évidemment l'importer, mais le simple pompage de l'eau par des
Une énergie cela entraîne de gros frais. Pour les éoliennes, et l'on songe à produire d'im¬
besoins d'une population clairsemée, le portantes quantités d'énergie électrique
prodigieuse transport de l'énergie électrique que au moyen de générateurs actionnés par
le vent.
produirait une centrale lointaine a des
(Suite) chances d'être aussi coûteux que le Ces appareils seront probablement
transport de l'huile lourde qui alimen¬ assez semblables aux petites éoliennes
terait des centrales locales à moteurs à deux pales dont on 'se sert pour re¬
Diesel. Peut-être, dans un avenir dont charger les accumulateurs qui éclairent
nul ne peut préciser l'éloignement, des certaines maisons de campagne ; mais
centrales nucléaires relativement peti¬ les dimensions en seront bien plus gran¬
tes pourront-elles être expédiées « en des. En Grande-Bretagne et au Dane¬
colis » pour un prix qui en rende l'em¬ mark, on essaie actuellement des
ploi rentable ; mais même la plus petite machines dont la puissance va jusqu'à
d'entre elles sera presque certainement 100 kW ; d'autres ont été conçues en
trop grande pour les besoins d'une col¬ France et en Allemagne.
lectivité isolée. En tout cas, attendrons- L'énergie du vent est proportionnelle
nous de nombreuses années avant d'es¬ au cube de sa vitesse, de sorte que lors¬
sayer de mettre en valeur ces régions que cette vitesse est doublée, l'énergie
où, très souvent, l'eau indispensable se
trouve dans le sol à une assez faible
profondeur, d'où il suffirait d'un peu
d'énergie, quelle que soit l'origine, pour
la pomper et pour pouvoir ainsi irriguer
le désert ?

UNE question vient alors à l'esprit :


« Existe-t-il sur place des sources
d'énergie que l'on pourrait
utiliser, au lieu de chercher à faire
venir cette énergie ailleurs ? » Oui, il
en existe souvent. L'intensité de l'inso¬
lation caractérise de nombreuses
régions désertiques ; les rayons solai¬
res pourraient être utilisés pour chauf¬
fer de l'eau, pour distiller des eaux
salines, pour cuire les aliments et peut-
être, ultérieurement, pour produire de
l'énergie, lorsqu'on sera parvenu à
construire pour un prix économique des
machines à énergie solaire. Le fait que,
dans le désert, le plein soleil fournit
une énergie équivalant à un cheval
vapeur, environ par mètre carré rend
certainement l'idée séduisante.

Souvent le vent souffle assez fort


pour que l'on puisse produire de l'éner¬
gie au moyen d'un genre d'éolienne. Il
n'est pas rare qu'un vent de 25 kilo¬
mètres à l'heure (souvent davantage)
souffle pendant la journée ; un calcul
facile montrera qu'à cette vitesse le
vent a une énergie de 20 chevaux-
vapeur pour une surface verticale de
8 mètres carrés environ, que pourraient
balayer en tournant les pales d'une
éolienne. Toute cette énergie ne peut
être captée par la machine ; mais si
celle-ci en extrayait, ne fut-ce qu'un
dixième, ceci constituerait une quantité
d'énergie extrêmement utile.
Dans les pays d'Orient, on voit fré¬
quemment un chameau ou une paire du vent devient huit fois plus grande.
de b occupés à tirer l'eau d'un Il est donc très important de choisir
puits ; mais la puissance que ces ani¬ avec beaucoup de soin l'emplacement
d'une installation éolienne. Les som¬
maux développent lorsqu'ils élèvent
quelque 3.000 litres par heure d'une pro¬ mets des collines sont tout désignés, en
fondeur de 9 à 12 mètres, ne représente raison de leur bonne exposition ; même
guère qu'une petite fraction de cheval- 1 si l'on se propose surtout de pomper
vapeur. Une éolienne, même très rudi- de l'eau, il y aura peut-être intérêt à
mentaire, peut facilement faire le même installer la machine sur une colline,
travail si elle est actionnée par les d'où l'on enverra électriquement à la
vents modérés qui soufflent dans ces pompe l'énergie produite, plutôt que de
régions plusieurs heures par jour. De l'installer tout près du puits, où la
fait, il existe déjà des régions assez vitesse du vent risque d'être beaucoup
vastes, par exemple'en Afrique du Sud, plus faible. Toute l'énergie électrique
où l'approvisionnement en eau se fait supplémentaire produite dans le pre¬
au moyen d'éoliennes.- mier cas pourra être affectée à d'autres
usages domestiques ou agricoles.
Depuis quelques années, encouragés
par les progrès rapides que l'aérodyna¬ Dans l'ensemble, les recherches ac¬
mique a faits pendant la guerre, plu¬ tuelles s'orientent vers deux principales
sieurs pays s'intéressent beaucoup aux séries d'usages, dont l'ordre de gran¬
possibilités d'utilisation de l'énergie deur diffère. Dans la première série,
'éolienne. Des comités nationaux se sont celle des usages à grande échelle, figu¬
constitués à cette fin en Angleterre, rent des générateurs actionnés par le
en France, au Danemark, en Inde, en vent, qui fournissent directement aux
Israël, aux Pays-Bas et en Espagne. On réseaux d'utilisation l'énergie électri-

18
Le Courrier. N° 8-9. 1955

que qu'ils produisent. On économise équivalent à celui d'une paire de b rir à des charges telles que le pompage
ainsi le combustible qu'il aurait fallu ou le chauffage de l'eau, qui consti¬
brûler dans des centrales thermo-élec¬
Quelques chiffres fixeront les idées : tuent en elles-mêmes une accumulation
une éolienne de 10 kW, bien conçue et d'énergie, et réduire au minimum l'em¬
triques pour produire la même quantité
d'électricité. bien située, pourrait fournir annuelle¬
ploi des batteries d'accumulateurs.
ment de 15.000 à 20.000 unités d'énergie
Partout où il existe des réseaux de électrique, chacune de ces unités per¬ Des constructeurs de plusieurs pays
distribution d'énergie électrique suffi¬ mettant de pomper quelque 20.000 litres mettent actuellement au point diverses
samment étendus et des vents assez d'eau d'une profondeur de 15 mètres. machines ; mais leurs plans doivent re¬
forts (ou lorsque le coût du combustible Pour ce qui est du prix de revient, poser sur des données que seule peut
fournir l'observation locale. Il est d'ail¬
est suffisamment élevé) pour que l'ex¬ l'énergie éolienne est plus avantageuse
ploitation de l'énergie éolienne soit ren¬ que celle des moteurs à explosion (qui, leurs parfois possible de commencer la
table, ces puissantes machines pour¬ dans une région éloignée, pourrait coû¬ mise en . valeur d'une région à l'aide
raient jouer un rôle important. Mais, ter de 12 à 16 francs par unité, rien d'éoliennes rudimentaires, construites
dans les régions désertiques à popula¬ que pour le combustible), sauf si la avec des matériaux disponibles sur
tion clairsemée, des machines plus vitesse du vent est très faible. Mais, le place.
petites, d'une puissance de 10 à 100 kW, plus souvent, ce n'est pas avec l'énergie Il serait urgent d'avoir sur ces régions
ont toutes chances de rendre de plus des moteurs à explosion que l'énergie des renseignements météorologiques ;
grands services. Ces régions ne possè¬ éolienne se trouve en concurrence, mais mais les observations devront être fai¬
dent pas de grand réseau de distribution avec la traction animale : un groupe de tes dans des sites judicieusement choi¬
électrique ; et l'énergie éolienne devra quatre bmufs, avec deux hommes pour sis et présentées sous une forme appro¬
priée. Il importe d'être renseigné sur
la vitesse des vents au cours d'une an¬
née, sur la durée des périodes calmes,
sur les heures de la journée où le vent
s'élève, sur les tempêtes de sable et
autres particularités météorologiques
locales. Il peut arriver qu'en un site
où la vitesse moyenne du vent est fai¬
ble, il y ait dans la journée quelques
heures où le vent est parfaitement uti¬
lisable, les périodes calmes correspon¬
dant aux heures de nuit.

Dans la région de Tripoli, au Liban, une


UNE question très importante mérite
ingénieuse combinaison dss énergies solaire
d ' être expérimentée pratique¬
et éolienne permet de tirer du sel de la ment : comment combiner les
mer. L'énergie éolienne, fournie par de différentes ressources énergétiques
simples moulins, élève l'eau salée jusqu'aux (éolienne, solaire et animale) de ma¬
nière à satisfaire tous les besoins sans
bassins d'évaporation (situés parfois à
avoir à mettre en réserve de l'énergie
plusieurs mètres au-dessus du niveau de
dans des accumulateurs sauf peut-
la mer). L'énergie solaire complète l'opéra¬ être une petite quantité pour l'éclai¬
tion en évaporant l'eau de chaque bassin en rage ?

deux semaines environ. Les moulins moder¬ De nombreuses possibilités doivent


nes tels ceux représentés dans la colonne être envisagées, par exemple l'accumu¬
lation de la chaleur dans des solides
de gauche traduisent les progrès réalisés
pleins, dans des liquides ou dans ces
par différents pays dans leurs recherches. cristaux fondus qui restituent leur cha¬
(Photos E. W. Golding.) leur latente en se solidifiant à nou¬

.
veau ; certains travaux agricoles peu¬
vent aisément se faire à mesure que
l'énergie est produite ; d'ailleurs (si
nous osons faire cette suggestion dans
un article qui traite des régions déser¬
tiques, où la matière végétale est si
précieuse) on disposera parfois de quel¬
ques débris inutiles pouvant servir de
combustible pour ces petites machines
à vapeur portatives qui viennent d'être
mises au point en Grande-Bretagne.
Ces machines pourront fournir la fai¬
ble quantité d'énergie nécessaire pour
les moments où il n'y a ni vent ni
y être employée seule ou, de préférence, les conduire, puise en une heure moins soleil.
conjuguée à l'énergie solaire, en vue de de la moitié des 20.000 litres d'eau dont
satisfaire les besoins de la population. il vient d'être question. En outre, ces Nous dirons en conclusion qu'il existe
Pour utiliser judicieusement ces deux bqufs coûtent cher à acheter ; ils ne souvent des ressources en énergie suf¬
sources d'énergie, on tiendra compte de peuvent travailler que pendant cinq ou fisantes pour satisfaire les besoins de
six ans, et chacun consomme annuelle¬ collectivités isolées et assurer la mise
leurs caractères propres.
ment de 10 à 15 tonnes de fourrage. en valeur de régions désertiques ou
semi-désertiques. On construit actuelle¬
Il semble donc évident qu'il faudrait
ment des machines de modèles appro¬
exploiter les ressources locales en éner¬
priés ; mais ce qui importe surtout en
gie éolienne et solaire. Mais cela exige
ce moment, c'est de choisir de façon
IL existe déjà au moins deux types que trois conditions principales soient
judicieuse les emplacements de ces
de générateurs éoliens d'une dizaine remplies. Il faut construire pour un
machines, de les installer intelligem¬
de kW ; il est intéressant d'exami- prix suffisamment bas des machines
ment, de prévoir dans le détail la com¬
îer quels avantages deux ou trois de d'un type approprié. Il faut installer
binaison de leurs divers usages.
ces machines, installées en un lieu fa¬ ces machines dans des sites favorables,
vorable, pourraient apporter à une col¬ pour en obtenir le rendement maxi¬
lectivité de 30 à 40 familles. Ces instal¬ mum. Enfin, il faut s'organiser de façon M. E.H". Golding est chef du Département de
lations pourraient fournir toute l'éner¬ à tirer de ce rendement tout le parti ¡'electrification rurale et de l'énergie éolienne
à l'Association britannique de la Récherche
gie nécessaire à l'éclairage, aux ventila¬ possible.
électrique, à Londres. C'est lui oui a dirigé la
teurs, aux postes de radio et aux petits Ni le vent ni le soleil ne permettent première installation à l'énergie éolienne fonc¬
tionnant en Grande-Bretagne (dans les îles
appareils ménagers ; elles pourraient de produire de l'énergie de façon con¬ Orkney). En 1951, il a accompli en Israël une
pomper toute l'eau nécessaire aux usa¬ tinue et l'accumulation est coûteuse. mission d'assistance technique sous les auspices
ges domestiques et actionner, en outre, Nous devons donc nous arranger pour de l'Unesco. En 1954, il a accompli une autre
mission à Haïti pour l'Organisation Météoro¬
pour les besoins de l'irrigation, plusieurs utiliser cette énergie à mesure qu'elle logique Mondiale, toujours dans le domaine de
pompes fournissant chacune un travail est produite. Pour cela, il faudra recou l'énergie éolienne.

19
L'homme a domestiqué...

L'ÉNERGIE
SOLAIRE

par Gerald Wendt

IE soleil est la source de toute vie sur la terre. Partout où face du toit d'une petite maison), est l'équivalent de 558 kilo¬
il y a de l'eau, les feuilles vertes utilisent l'énergie so- watts-heure d'électricité, à 66 kilogrammes de charbon, ou à
"^ laire pour donner des aliments et du combustible. Le 54 litres d'essence. Utilisée à un rendement de 5 pour cent
soleil produit ainsi chaque année des centaines de millions de seulement, la lumière solaire inondant une aussi petite sur¬
tonnes d'amidon, de sucre, et, moins directement, de graisses face fournirait 28 kilowatts-heure ou 38 chevaux vapeurs-
et de protéines pour l'alimentation humaine. Chaque année, heure de travail par jour. Comment résister à la tentation de
il fait pousser 10.000 millions de tonnes de bois. Au cours des chercher à utiliser cette énergie ?
époques révolues, il a fourni les nombreux milliards de tonnes
de végétation maintenant enfouis sous terre sous forme de On pourra sans doute un jour utiliser le soleil sur une
charbon. A cause du manque d'eau, ceci ne peut se produire grande échelle pour faire fonctionner des usines. Ce jour est
sur les terres arides. Cependant, il est possible d'utiliser le encore lointain, mais à l'heure actuelle les besoins des zones
soleil, cette grande ressource des déserts, sous forme d'énergie arides sont plus modestes : il y faudrait de petites machines
capable de remplacer le carburant, sinon pour produire de la destinées à pomper l'eau des puits et des courants souter¬
nourriture. rains.

La quantité d'énergie que représente la lumière solaire est Au cours du colloque sur l'utilisation de l'éner¬
colossale, et nous ne pourrons jamais en utiliser la totalité. gie solaire que l'Unesco a organisé à la Nouvelle- (Suite
La lumière qui tombe chaque jour sur cent mètres carrés de Delhi en octobre 1954, le professeur Farrington page 22)
surface plane (un carré de dix mètres de côté, environ la sur- Daniels, de l'Université de Wisconsin (U.S.A.),

Photo Bureau d'Information, Gouv. de l'Inde.

MARMITES

SOLAIRES
Dans le Moyen-Orient, une « cui¬
sinière » solaire efficace et solide

a été conçue et perfectionnée par


un Libanais, M. Tarcicl, qui fut
jusque tout récemment repré¬
sentant du Yemen aux Nations
Unies. Son four va être construit
au rythme de 18.000 par an par
une firme égyptienne qui le diffu¬
sera largement dans le commerce.
La photo du haut de la page 21 re¬
présente M. Tarcicl et son four solai¬
re, dont le foyer, situé au centre du
réflecteur courbe, peut supporter
des récipients de cuisine assez
volumineux. Sur les photos du bas
de la page 21, M. Tarcici montre
comment son four se démonte et se
range facilement dans une valise,
et comment une feuille de papier,
placée sur le foyer, se consume
immédiatement. En Inde également
(ci-contre) un four solaire simple
est fabriqué sur une large échelle.
Il consiste en une plaque métallique
concave qui concentre les rayons
du soleil sur un anneau de fer. On
peut y installer une marmite fonc¬
tionnant sous pression dans laquelle
des légumes sont cuits parfaitement
en moins d'un quart d'heure.

20
Le Courrier. N° 8-9. 1955

Photos Wînslow, Université américaine de Beyrouth.

21
GRACE AU SOLEIL :

SOUDURE ET VAPEUR

L'Union Soviétique, qui comporte 2.600.000 km carrés de


terres arides, a consacré des années de recherches à élaborer

des méthodes pratiques pour capter l'énergie solaire.


L'U.R.S.S. a déjà annoncé qu'elle avait mis au point un appa¬
reil capable de produire de la vapeur grâce à l'énergie solaire.
La photo ci-contre en haut montre un de ces réflecteurs,
miroir géant de plus de dix mètres de diamètre, qui concentre
les rayons solaires de telle sorte que la chaleur dégagée peut
produire de la vapeur. Ces appareils sont susceptibles de
faire fonctionner des fabriques de conserves et des usines
frigorifiques; ils peuvent aussi servir à distiller l'eau de mer.
. Récemment, un appareil utilisant l'énergie solaire a été intro¬
duit dans l'industrie, il produit 33.000 tonnes de vapeur par
an. Les techniciens soviétiques ont montré que les distillateurs
utilisant l'énergie solaire constituent la façon la plus écono¬
mique de purifier l'eau pour les troupeaux des pâturages isolés
du désert. La photo ci-contre en bas montre l'intérieur d'une
installation similaire. La photo de la page 23 représente la
soudure du métal réalisée grâce à l'énergie solaire au Labo¬
ratoire expérimental de Tachkent, dans le Turkestan sovié¬
tique. (Photos Bureau d'Information soviétique).

ENERGIE énonça ainsi le problème: « Contentons- est efficace,' mais présente une difficulté : il faut modifier la
nous de machines solaires qui transfor¬ position de la lentille à mesure que le soleil se déplace.
ment en travail utile de un à cinq pour
SOLAIRE cent seulement des radiations solaires
Quoi qu'il en soit, c'est à partir de ce principe simple que
l'Institut national de Physique de la Nouvelle Delhi, en Inde,
qui les touchent, mais insistons pour
(Suite) a mis au point un appareil destiné aux usages domestiques.
obtenir des machines simples et bon
Il s'agit d'une calotte métallique concave posée sur un pied.
marché, qui ne nécessitent pas de répa¬
Les rayons solaires, réfléchis par la surface polie, se concen¬
rations compliquées. » Une telle machine
trent sous un anneau métallique placé au centre de la calotte.
ne devrait pas coûter plus cher qu'un cheval, un buffle ou un
Une casserole pleine d'eau ou de riz, placée sur l'anneau,
chameau ; elle devrait durer autant que l'animal et libérerait
absorbe ainsi les rayons solaires qui frappent une surface
au bénéfice de l'homme la portion de sol utilisée jusqu'à pré¬
d'environ un mètre carré, et peut être portée à ebullition en
sent pour nourrir cet animal. En Inde, elle permettrait de
vingt ou trente minutes. Cette cuisinière solaire va être fabri¬
consacrer aux engrais les bouses de vaches utilisées à l'heure
quée en série, et devrait rendre de grands services en permet¬
actuelle comme combustible domestique. Dans toutes les
tant d'épargner un combustible déjà rare, notamment dans
régions arides, elle sauverait les buissons arrachés pour faire
les vastes régions arides de l'Inde.
du feu; si on les laisse croître, ils fixeront les dunes.
Un temps nuageux n'annihile pas nécessairement l'effica¬ Lorsqu'il faut obtenir assez d'énergie pour actionner une
cité des machines solaires, affirme le professeur A. E. M. pompe, il est .préférable d'employer de longs miroirs cylin¬
Bleksley, de l'Université de Witwatersand (Afrique du Sud). driques. Un tube de verre plein d'eau placé au foyer de ces
Le professeur fit à la Nouvelle Delhi une communication sur miroirs sert de chaudière. Selon les miroirs employés, il a été
les mesures faites, au cours des quarante dernières années, possible d'obtenir sous forme de vapeur une énergie de trois
sur la quantité de radiations solaires à des endroits et sous ou quatre kilowatts ; cette énergie peut être attelée à une
des climats différents. Il déclara aux participants du colloque: dynamo, et transformée en électricité capable de faire fonc¬
« Excepté le cas relativement rare d'un ciel complètement tionner un moteur, donc une pompe.
couvert par une couche de nuages noirs, la présence de radia¬
tions diffuses sert à compenser largement la perte de radia¬
tions directes due soit à des nuages fins ou dispersés, soit aux La nuit, la chaleur est mise en sommeil
quantités de poussière qui se trouvent dans l'atmosphère.
(Quoique la lumière solaire contienne beaucoup d'énergie, Au cours du même colloque, le professeur V. A. Baum, chef
elle ne peut être utilisée directement, car elle est extrême¬ du laboratoire héliotechnique de l'Institut énergétique
ment diffuse. Nulle part sur la terre, on ne peut utiliser direc¬ G. N. Krzhizhanovsky, de Tachkent, en U.R.S.S., pré¬
tement la chaleur solaire pour faire bouillir de l'eau. La plus senta un remarquable rapport. Il déclara que les savants
haute température qui ait été enregistrée (en 1922, à Aziziya, soviétiques avaient réalisé des réflecteurs composés d'un mi¬
Libye), était de 58 degrés centigrades, alors que l'eau ne bout roir parabolique de dix mètres de diamètre, capables de pro¬
qu'à partir de 100 degrés. C'est pourquoi il est nécessaire, pour duire 50 kg de vapeur par heure sous une pression d'environ
obtenir la température voulue, de capter les rayons solaires 8 kg par centimètre carré. Ces appareils ont été employés
sur une surface relativement étendue et de les concentrer en comme force motrice dans des fabriques de conserves, pour
un point donné : c'est ainsi que procèdent les enfants qui distiller de l'eau, faire fonctionner des réfrigérateurs, et pour
allument une feuille de papier avec une lentille. Ce procédé chauffer un laboratoire.

22
Le Courrier. N» 8-9. 1955

Des appareils semblables ont été également mis au point On peut également envisager l'emploi de batteries d'ac¬
pour transformer l'eau salée en eau douce. Un distillateur de cumulateurs; en principe, ce serait même l'idéal. Les batte¬
ce genre produit actuellement environ 1.100 litres d'eau pure ries au plomb employées dans l'industrie automobile ont
par jour, en ne consommant qu'une livre dé vapeur par litre. atteint un haut degré de perfection ; cependant, elles sont
C'est le procédé le plus économique qui permette de fournir encore trop onéreuses et demandent trop de soins pour être
l'eau nécessaire aux pâturages du désert de Kara Kour. Un employées communément dans les régions non industrielles.
seul distillateur a produit en un an 75.000 tonnes d'eau pure, « Mais, déclare le Dr. Daniels, employées avec une machine
et 12.000 tonnes de glace. solaire les batteries n'ont pas besoin d'être puissantes, ro¬
bustes, et de faibles dimensions ; elles n'ont pas à fournir un
Un des grands inconvénients de l'énergie solaire est son haut amperage, n'ont pas à être instantanément et complète¬
action intermittente. Il n'est pas possible de faire briller le ment réversibles. Si l'on peut ignorer ces servitudes des batte¬
soleil pendant la nuit, ni pendant les jours de forte nébulo¬ ries au plomb actuellement en usage sur les automobiles, il
sité. Si cela ne gêne pas sérieusement le pompage de l'eau est possible de mettre au point de nouvelles combinaisons
d'irrigation, la fabrication de l'électricité destinée à l'éclai¬ chimiques et de nouveaux types d'électrodes. En cas d'emploi
rage des villages et des maisons, l'une des tâches importantes généralisé, le coût de telles batteries ne serait pas le dixième
d'une machine solaire, nécessite évidemment la mise en de celui des batteries au plomb actuelles. »
réserve de l'énergie.

Dans un texte soumis à la Conférence des Nations Unies


sur les emplois pacifiques de l'énergie atomique, le professeur Le soleil tombe dans la trappe
Farrington Daniels a fait, en ce qui concerne le stockage, les
propositions suivantes : la première, et la plus simple, est de Entre autres emplois de l'énergie solaire, il convient de
pomper de l'eau pendant la journée jusqu'à un réservoir mentionner le chauffage des maisons et des eaux domes¬
élevé, et de la laisser retomber la nuit à travers une turbine tiques. Dans beaucoup de régions désertes, la tempéra¬
actionnant une dynamo. Pendant plusieurs années, une mine ture, très élevée durant la journée, est cependant- désagréable¬
du Nouveau Mexique (U.S.A.), a été éclairée jour et nuit par ment froide la nuit. Il faut alors emmagasiner la chaleur
l'électricité produite par une dynamo et une machine solaire. solaire pendant la journée, et la restituer la nuit. Comme il
Un miroir parabolique réfléchissait la lumière solaire sur une n'est plus indispensable de fabriquer de la vapeur ou d'attein¬
chaudière. Celle-ci actionnait une machine à vapeur qui dre une haute température, le problème de recueillir l'énergie
pompait l'eau jusqu'à un réservoir de 20.000 litres placé à solaire est beaucoup plus simple. On emploie en général une
sept mètres au-dessus du sol. On peut penser que si l'énergie « trappe à chaleur », sorte de boîte isolée placée sur le toit
solaire se développait, les communautés les plus favorisées et exposée au soleil. La boîte est noire à l'intérieur pour
seraient celles proches d'un plateau assez élevé permettant absorber la chaleur, et couverte d'un verre ou d'une mince
de construire aisément un réservoir d'énergie hydroélec¬ feuille de matière plastique transparente. Par cette ouverture,
trique. Les mines abandonnées peuvent être également uti¬ les rayons pénètrent dans la boîte, où les radiations lumi¬
lisées ; l'eau pompée pendant la journée serait alors dirigée neuses à ondes courtes sont transformées en radiations calo¬
la nuit vers une turbine placée au fond. Les villes côtières riques à ondes longues qui ne traversent pas le
pourraient, de leur côté, utiliser des cloches de plongée verre ou la matière plastique. L'intérieur de la
comportant de vastes réservoirs que la pompe viderait pen¬ boite devient ainsi très chaud. L'air chaud qu'elle
dant la journée. contient est alors conduit à un accumulateur
ENERGIE

SOLAIRE

''^ 4t:^^-*- . ... -u

CETTE BATTERIE de miroirs solaires donne de la chaleur qui est utilisée pour procurer de l'énergie à des petits moteurs électriques ou à vapeur.
Conçue par le Laboratoire national de Physique de la Nouvelle Delhi, elle consiste en un ensemble de miroirs plats (à gauche) qui réfléchissent et concen¬
trent les rayons du soleil. Chaque miroir est fixé sur un support indépendant (à droite). Tous les miroirs peuvent être conjugués en un seul groupe grâce
à un dispositif automatique, afin de concentrer les rayons dans un seul faisceau. (Photos Bureau d'Information de Presse du Gouvernement de l'Inde).

plein de gravier ou de roche écrasée, qui, une fois chauffés elle est remarquablement efficace. Le courant est d'environ
par l'air, conservent la chaleur. La nuit, un courant d'air 25 milliampères par centimètre carré, ou 2,3 ampères par
frais traverse l'accumulateur, absorbe la chaleur des graviers, mètre carré à un voltage de 0,3 volts. Ceci indique un haut
et va chauffer la maison. rendement dans l'emploi de la lumière solaire, 8 % en
moyenne, jusqu'à 11 % dans certains cas. L'avenir de cette
Le chauffage de l'eau pour l'usage domestique s'opère de la
méthode de production directe d'électricité ne dépend que de
même façon : l'eau d'un réservoir étant chauffée par le cou¬
la possibilité de produire un silicium très pur à bas prix, ce
rant d'air chaud produit par la « trappe à chaleur » du toit.
métal étant bon marché sous sa forme courante.
Par exemple le village russe de Firusa, près d'Asshabad, dis¬
pose d'un collecteur de chaleur solaire d'une surface de Il apparaît donc, pour conclure, que l'utilisation de la
95 mètres carrés, qui peut produire en une journée 10,5 tonnes lumière solaire pour la production de chaleur et d'énergie a
d'eau à la température de 50" centigrades. été négligée dans le passé, sans doute parce que les recher¬
ches se sont poursuivies dans des pays hautement industria¬
L'énergie solaire pourra même, dans l'avenir, être utilisée
lisés, où le charbon se trouve en grandes quantités, et où la
de façon complètement nouvelle. En avril 1954, le laboratoire
lumière solaire ne peut guère rivaliser, avec lui.
des Téléphones Bell annonça la mise au point d'une batterie
solaire capable de transformer la lumière solaire en électri¬
cité sans passer par l'intermédiaire de la chaleur. Cet appa¬
GERALD WENDT, journaliste et écrivain scientifique américain, a occupé le poste de
reil emploie deux minces jetons de silicium très pur en
Chef de la Division de l'Enseignement et de la Diffusion de la Science au Départe¬
contact l'un avec l'autre. Ce métal ainsi raffiné coûte, à
ment des Sciences Exactes et Naturelles de l'Unesco. Ancien professeur de chimie à
l'heure actuelle, 292.000 francs le kilo. Même quand les jetons l'Université de Chicago, ancien doyen du Pennsylvania State College, il s'est consacré
sont très minces, une telle batterie coûte très cher ; elle n'est depuis plusieurs années à l'étude de la science et de ses conséquences sociales.
encore utilisée que pour fournir l'énergie électrique aux sta¬ Gerald Wendt était conseiller scientifique de la Radio des Nations Unies à la récente
tions d'amplification des lignes téléphoniques rurales. Mais Conférence atomique de Genève.

TENIR AU FRAIS à l'aide

de l'énergie solaire est main¬


tenant une possibilité scien¬ flffl^Jdr
tifique grâce à l'appareil
producteur de vapeur expé¬
rimenté au Laboratoire na¬

tional de Physique de la
Nouvelle Delhi, Inde. Les
techniciens Indiens mettent

au point des machines fonc¬


tionnant à l'énergie solaire,
qui assurent la climatisation,
la réfrigération, qui servent
de fourneaux et produisent
de l'énergie Industrielle à
bon marché. (Photo Bureau
d'Information de Presse du

Gouvernement de l'Inde).

24
Le Courrier. N° 8-9. 1955

LE GEANT DES PYRENEES


fait fondre 50 kg de fer en 1 heure
par Daniel Behrman

Derrière les douves d'une sévère place forte du xvir* siè¬ il se servait indifféremment comme cendriers. Comme j'en
cle située dans le sud de la France, une équipe de montrais un :
savants français a réussi à transformer en une réalité C'est du quartz fondu au four solaire, m'a-t-il indiqué,
économique quotidienne ce rêve séculaire : exploiter l'énergie tout en y jetant une allumette...
solaire.
Le professeur Trombe et son adjoint m'ont ensuite expliqué
Nous sommes à Mont-Louis, ville des Pyrénées-Orientales comment, en 1946, ils avaient songé à utiliser l'énergie
qui se trouve près de la solaire pour produire
frontière espagnole, à les hautes températu¬
1.600 mètres d'altitude. res nécessaires au trai¬

On y utilise l'énergie tement des minéraux.

solaire pour fabriquer


En employant
notamment de la zir-
l'énergie solaire, a pré¬
cone produit réfrac-
cisé le professeur
taire employé pour le
Trombe, on peut éviter
revêtement des . fours d'introduire dans les
à un prix de revient substances du carbone
inférieur de 25 % à
ou d'autres impuretés,
celui obtenu par les
car l'énergie est pro¬
procédés classiques à duite indépendamment
l'électricité.
de toute réaction chi¬
L' « usine » se compo- . mique.
se de deux miroirs
En outre, le métal¬
géants qui multiplient
lurgiste peut ainsi ré¬
20.000 fois l'énergie so¬
gler de façon très pré¬
laire déversée sur la
cise les conditions de
terre, de façon à pro¬
L'atmosphère intérieure
duire une température
de son four.
de 3.000°C. (le fer fond
à 1.539°C.) à l'entrée Tout a commencé

d'un four solaire grand modestement à l'Obser¬

à peu près comme un vatoire de Meudon, près


de Paris. Le climat de
petit tonneau.
l'Ile-de-France n'était
C'est là l'auvre
certes pas le climat
du professeur Félix
rêvé pour leurs expé¬
Trombe, directeur du
riences, et ils ne dispo¬
' laboratoire d'é n e r g i e
saient, comme miroirs
solaire de Mont-Louis,
paraboliques, que des
et de Marc Foex, son
réflecteurs de projec¬
adjoint : préfiguration teurs de DCA. Du
de l'industrie future,
moins ont-ils pu cons¬
résultat de plus de tater qu'ils étaient sur
vingt années de recher¬ la bonne voie.
ches sur le traitement
des métaux à haute En 1949, le général
Voici le point crucial du four solaire du Laboratoire de Mont-Louis, dans les Pyrénées
température et de neuf françaises, où les rayons du soleil (matérialisés ici en projetant de la poudre d'alumi¬ Paul Bergeron, direc¬
nium dans le faisceau lumineux) convergent en produisant une température de 3.000°C. teur du Comité d'ac¬
années d'expériences
sur l'énergie solaire. (Photo Laboratoire d'Energie Solaire de Mont-Louis.) tion scientifique de la
Défense Nationale
Le Courrier de
française, satisfait des
l'Unesco m'a récemment envoyé comme correspondant à expériences auxquelles il avait assisté, leur a offert un nouvel
Mont-Louis. Je m'attendais à y trouver un décor à la Jules emplacement à Mont-Louis, en Cerdagne, région particuliè¬
Verne, et je n'ai pas été déçu. rement ensoleillée des Pyrénées.

Construite en 1676 par le marquis de Vauban, grand archi¬ Il y a maintenant à Mont-Louis vingt chercheurs, et
tecte militaire de Louis XIV, la forteresse de Mont-Louis n'a vingt-cinq autres au laboratoire parisien du professeur
guère changé depuis. On accède au laboratoire d'énergie Trombe. Les travaux sont financés conjointement par la
solaire en traversant un fossé sur un pont gardé par de Défense Nationale Française et surtout par le Centre national
grandes portes de bois garnies de clous, les mêmes qu'il y a Français de la recherche scientifique.
trois cents ans.
Nous faisons nos appareils nous-mêmes, m'a dit le pro¬
fesseur Trombe. Nous constituons une équipe qui a foi dans
Un grand homme mince, d'une bonne quarantaine d'an¬
l'utilité de ses efforts.
nées, chaussé d'espadrilles à semelles de corde, était juché au
sommet d'un échafaudage; je lui demandai où je trouverais Le professeur Trombe et M. Foex ont trouvé dans ce coin

M. le professeur Trombe. de Cerdagne un « micro-climat » de 750 kilomètres carrés


seulement d'étendue, protégé par les montagnes contre le
Je descends tout de suite, m'a-t-il répondu. Excusez- vent du Nord, appelé le carcanet, et contre le vent humide
moi, nous établissons nos plans à mesure que nous pro¬ du Sud-Ouest qui souffle en rafales de l'Atlan¬
gressons. tique.
Suite
Le professeur Trombe m'a mené à son bureau et s'est assis A Mont-Louis, le laboratoire d'énergie solaire ,,
devant une table couverte de grands vases blancs, dont peut compter sur deux cents jours de soleil par

25
LE GÉANT DES PYRÉNÉES
(Suite)

LA « GRANDE INSTAL¬

LATION » de 75 Kw

est photographiée ici dans


son ensemble. A gauche le
miroir parabolique géant
(dont un gros plan se trouve
en page 68) ; au centre,
sous le hangar, le four pro¬
prement dit;- à droite le
miroir plan (orienteur). Les
rayons du soleil sont captés
par l'orienteur, dirigés sur
lé parabolique qui lui-même
les renvoie dans le four.

Ainsi, 50 kg. de fer peuvent


être portés à leur point de
fusion (1539° C.) en une
heure. (Photo Laboratoire
d'énergie solaire, Mont-Louis).

an, alors qu'à Meudon, il n'en avait que cinquante. Pour Un des mécaniciens du laboratoire a actionné devant moi
l'énergie solaire, nous a expliqué le professeur Trombe, ce le mécanisme pour me faire voir comment le miroir plan
sont les régions proches des tropiques du Cancer ou du pouvait se mouvoir. On aurait dit un grand animal aveugle,
Capricorne qui sont les régions idéales ; plus près de l'Equa¬ se tournant lentement pour adorer le soleil.
teur, l'atmosphère est trop humide.
Par la plate-forme située entre les deux miroirs, le profes¬
La première grande difficulté qu'ils orit dû surmonter en seur Trombe m'a mené rapidement dans le petit hangar qui
1949 était d'ordre financier : Pour fabriquer un miroir para¬ abrite le four. Le temps était couvert, mais je pouvais sen-,
bolique de 2 mètres seulement de diamètre, il faut 1 mil¬ tir la chaleur qui émanait du miroir.
lion 500.000 francs...; or le miroir parabolique employé actuel¬
Il faut faire attention ici, m'a-t-il dit, un jour ce
lement à Mont-Louis a plus de 10 mètres de diamètre !
miroir a brûlé le pardessus d'un visiteur très important.
Le professeur Trombe et M. Foex ont résolu ce problème
avec un budget modeste... et de riches ressources d'ingénio¬ Le four se trouve dans l'axe du miroir parabolique. Sous
sité. Leur miroir parabolique, le plus grand du monde, se l'action d'un bouton de commande, il s'est mis à tourner
compose seulement de 3.500 petits losanges de verre à vitre. rapidement. Le professeur Trombe m'a expliqué alors que
Chacun de ces fragments de verre n'a que 1,5 mm d'épais¬ la force centrifuge projette la matière minérale à traiter
seur et des vis réglables permettent de les gauchir, de contre les parois cylindriques du four et qu'ainsi se forment
manière à donner à l'ensemble une courbure parabolique. les « vases » que j'avais vus sur son bureau.

On commence par fabriquer dans le four un produit réfrac-


Comme un grand animal taire, comme la zircone, qui constitue ainsi un creuset où
l'on peut ensuite produire des métaux d'une grande pureté.
aveugle qui adore le soleil
La puissance actuelle de la centrale solaire de Mont-Louis
En activité, le four solaire est un instrument étrange à
est évaluée à 75 .kilowatts (pour obtenir un four électrique de
contempler. Près d'un mur de la forteresse se trouve un
puissance équivalente, il faudrait une dynamo actionnée par
miroir plan de 135 mètres carrés, dont l'orientation est
un moteur de 100 CV). Le professeur Trombe m'a confié
réglée grâce à un dispositif à coulisse placé derrière.
que des plans étaient en cours de mise en éuvre pour la
Ce miroir, composé lui-même de 520 petits miroirs, est construction d'une centrale solaire de 1.000 kilowatts (équi¬
destiné à recevoir les rayons du soleil sous tous les angles, valant à une génératrice de 1.300 CV).
pour les envoyer dans le miroir parabolique fixe installé à
25 mètres de là. Celui-ci, à son tour, fait converger les rayons . On n'a pas encore choisi l'emplacement de cette nouvelle
dans l'orifice du four solaire placé entre les deux miroirs, et centrale, mais elle comprendra un miroir parabolique de
dont les dimensions sont sensiblement celles d'un hublot de 35 mètres sur 50, ayant une superficie de 1.500 mètres carrés.
petit bateau. Grâce à ce nouveau miroir, le professeur Trombe espère
Toutes ces opérations se font automatiquement. Un des pouvoir obtenir des produits réfractaires à un prix inférieur
éléments du miroir plan envoie l'image du soleil entre des de moitié à celui de la fabrication au four électrique. D'ail¬
cellules photoélectriques. A mesure que le soleil avance, leurs, même avec le miroir actuel, l'installation de Mont-
l'image fait de même et les cellules réagissent en comman¬ Louis serait amortie en cinq ans si elle limitait son activité
dant les pistons qui modifient l'orientation du miroir plan. à la fabrication de produits réfractaires.

26
Le Courrier. N» 8-9. 1955

Naturellement, ce. n'est pas le cas, m'a fait observer le 1.000°C. Je ne vois donc pas pourquoi une centrale solaire ne
professeur Trombe, nous sommes un laboratoire de recher-. pourrait fournir de l'énergie pendant les heures de pointe de
ches et non une usine. Mais en exploitant le four commercia¬ la soirée, mais naturellement il faudrait un moteur auxiliaire
lement 30 jours par an seulement, nous fabriquons deux pour les jours sans soleil. La rentabilité de l'énergie solaire
tonnes de produits réfractaires et comme ils sont d'une très dépend de la possibilité de recourir à d'autres sources
grande pureté, il n'est pas difficile de les vendre. d'énergie.

Que réserve l'avenir ? Selon le professeur Trombe, Alors que je m'apprêtais à quitter Mont-Louis, le professeur
« l'exploitation de l'énergie solaire sera fonction des besoins Trombe et M. Foex m'ont montré un autre dispositif pro¬
mondiaux et des problèmes que posent les méthodes actuelles ducteur d'énergie qui a été, lui, nettement supplanté... A
de production d'énergie ». moins de quinze mètres du four à haute température et du
A Mont-Louis, comme ailleurs, on procède à des expé¬ plus grand miroir parabolique du monde, une porte s'ouvre
riences de chauffage des maisons par le soleil. On s'occupe sur une salle humide, où l'on distingue dans la pénombre une
également de produire de la réfrigération avec cette source roue de bois de 5 mètres de haut.

d'énergie; ce paradoxe n'est qu'apparent, car il a été maintes


Voici le Puits des forçats, m'a dit le professeur Trombe.
fois démontré que l'énergie solaire pouvait remplacer l'élec¬ Il fonctionnait à la manière d'une cage à écureuil, mais
tricité ou le gaz dans l'industrie du froid; aussi n'est-il pas c'était un homme qui était dans la cage et la faisait tourner,
du tout impossible d'imaginer en plein Sahara une maison pour tirer de l'eau à un puits secret.
climatisée grâce au soleil !

A 15 mètres du four,
le Puits des forçats
Le professeur Trombe est convaincu que l'énergie solaire
offre actuellement le moyen le plus économique de pro¬
duire les hautes températures nécessaires à certaines
opérations métalliques. La grande difficulté est de transfor¬
mer cette énergie en puissance motrice.

Dès que nous essayons d'employer les rayons solaires


pour chauffer une chaudière, nous nous heurtons à cet incon¬
vénient que la machine à vapeur est, de tous les moteurs, celui
qui a le plus faible rendement. Elle ne transforme en énergie
que 5 % des calories qu'elle consomme; aussi ne peut-elle
rivaliser avec le moteur Diesel quand il s'agit de faire mar¬
cher une petite centrale thermique dans des régions
isolées.

Mais le professeur Trombe croit possible d'utiliser la radia¬


tion solaire pour actionner des turbo-génératrices d'au moins
100 CV. Il déclare à ce sujet :

Je ne pense pas que la production d'énergie après le


coucher du soleil pose de problème. Certains matériaux per¬
mettent d'emmagasiner de la chaleur et, dans notre petit
four, nous avons mesuré à minuit une température de

LE MIROIR PLAN de 135 mètres

carrés s'oriente automatiquement


(grâce à un dispositif à coulisse) de
façon à recevoir les rayons du soleil
sous tous les angles. Il se compose
lui-même de 520 petits miroirs.
(Photo Laboratoire d'énergie solaire.)

27
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(Copyright Schmidc-Nieken.)

RESPIREZ A FOND 1 Le chameau n'est jamais essouflé; il ne i-espire pas la bouche ouverte, même dans le torrlde Sahara et transpire si peu que sa peau
paraît toujours complètementsèche. Ici, M. Schmidt-Nielsen utilise un appareil spécial pour mesurer la consommation d'oxygène d'un de ses sujets d'expérience.
28
Le Courrier. N° 8-9. 1955

LE CHAMEAU
fable et réalité
par Bodil et Knut Schmidt-Nielsen

Les aptitudes exceptionnelles du chameau et son aspect


étrange suscitent depuis des siècles la curiosité des
voyageurs, des naturalistes et des zoologues. Les légen¬
des et les fables se sont mêlées aux faits d'observation et l'on
a raconté des histoires étonnantes où il était difficile de dis¬
tinguer le vrai de l'imaginaire.
Le chameau rend de précieux services dans nombre de
régions désertiques, dont il est souvent l'animal domestique
le plus important. Non seulement il est la principale bête de
somme, mais il fournit aussi du lait et de la viande; sa peau,
une fois tannée, donne un cuir dont on fait des chaussures
et des harnais, et sa laine sert à fabriquer des vêtements ei
des tentes. Malgré les progrès effectués sur le plan technique,
il est probable que le chameau conservera encore longtemps
la place qu'il occupe actuellement dans l'économie des'
régions désertiques. Certaines informations précises sur ce
remarquable animal sont donc particulièrement utiles.
Selon la légende, le chameau est capable de traverser le
désert le plus torride sans boire ni manger. Il est certain que
le chameau possède à cet égard des aptitudes peu communes,
et le succès auprès du grand public des récits d'aventures
dans le désert a éveillé un grand intérêt pour l'endurance de
cet animal.

(Copyright Schmidt-Nielsen) On est surpris d'apprendre combien sont rares les connais¬
sances scientifiques que l'on possède sur cet animal dont
dépend la vie des populations de très vastes régions du globe.
Contrairement à ce que l'on croit généralement, le chameau ne possède de
réserve d'eau ni dans son estomac ni dans sa bosse ni dans aucune autre
Jusqu'à une date toute récente, la science était incapable de
répondre à de nombreuses questions aussi courantes que les
partie de son corps. S'il fait preuve, en effet, d'une résistance à la soif peu
suivantes :' Combien de temps le chameau peut-il résister à
commune, le chameau ne boit que quand il a soif.
la soif ? Pourquoi le chameau peut-il se passer d'eau dans
des conditions aussi difficiles ? Le chameau a-t-il dans son
(Photo Zôhrer)
corps une réserve d'eau ? Quel rôle joue sa bosse ?, etc.
Une meilleure connaissance du chameau et de ses fonc¬
tions organiques contribuerait pour une grande part à l'éva¬
luation des possibilités des terres arides et des programmes
de modernisation agricole. Des renseignements plus précis
sur les particularités qui permettent au chameau de subsister
dans le désert aideraient peut-être également à déterminer
les caractéristiques grâce auxquelles d'autres animaux,
comme les moutons et les bovins, peuvent supporter un cli¬
mat aride. Aussi était-il naturel que l'Unesco, entre autres
institutions, donne son appui à une expédition au cours de
laquelle des chercheurs de la Duke University (U.S.A.) se sont
efforcés de répondre à un grand nombre des problèmes non
encore résolus que pose le chameau.

On peut vivre sans boire


à condition de manger
Notre équipe comprenait, outre les auteurs de cet article,
deux collaborateurs, M. T. R. Houpt, de l'Université
de Pennsylvanie, et un médecin danois, le Dr S. A. Jar-
num. Nous avons effectué nos recherches en 1953-1954
dans le Sahara algérien, en utilisant comme base une station
française : le Centre de recherches sahariennes. Nos
travaux ont été considérablement facilités par l'appui
et par l'aide que nous ont apportés M. Menchikoff , ^^k
directeur de ce Centre, et les autorités françaises
locales, représentées à Béni-Abbès par le capitaine
Lepage.

Knut Schmidt Nielsen et sa femme Bodil forment une équipe de zoologistes


qui collaborent à l'étude de la physiologie des mammifères du désert. Knut
Nielsen, un Norvégien, a fait ses études à Copenhague sous la direction
d'August Krogh, Prix Nobel de physiologie et: de médecine, dont il a épousé
la fille. Tous deux sont arrivés aux U.S.A. en 1946 et professent à la
Duke University. En 1954, grâce à une subvention de ¡'Unesco, Ils ont poursuivi,
au centre de Béni-Abbès, en Algérie, des expériences sur les capacités d'absorp¬
tion d'eau et de résistance à la chaleur des chameaux.

29
(Copyright Schmidt-Nielsen)

CHAMEAU (suae)

VY

^r^WAMt

Si l'on pose la question : « Combien de temps un homme inquiétant. 'Nous en avons conclu que le chameau peut aisé¬
peut-il vivre sans eau ? », la réponse dépendra des circons¬ ment se passer d'eau plus de deux semaines en hiver, même
tances. Dans le désert, en été, il vivra peut-être un jour ou s'il est nourri d'aliments secs.

deux; mais dans un climat frais, il pourra résister plus long¬ Le chameau continue à consommer de l'eau pendant les
temps, peut-être pendant une semaine. En outre, si cet périodes où il est ainsi privé d'eau. Chez lui comme chez tous
homme dispose d'aliments aqueux comme le melon, il pourra les mammifères, la formation de l'urine exige de l'eau et la
subsister pendant plus longtemps encore. Il pourrait même respiration s'accompagne d'une evaporation d'eau par les
se passer complètement d'eau potable, s'il avait une pro¬
poumons.
vision suffisante de fruits juteux tels que pommes, oranges,
tomates et melons. Cette déperdition régulière d'eau s'est traduite chez notre
animal par une perte de poids correspondant à la quantité
Il en va de même pour le chameau; le temps qu'il peut d'eau utilisée. Il a continué à manger et, s'il avait eu de l'eau,
rester sans boire dépend des conditions extérieures, notam¬ il aurait gardé son poids normal. Au bout de seize jours, il
ment : quantité de nourriture absorbée et teneur en eau but une quantité d'eau correspondant à celle qu'il avait dé¬
de cette nourriture, charge portée, distance à parcourir, tem¬ pensée, ce qui lui rendit son poids précédent.
pérature, enfin race et état physique de l'animal. Il est donc
impossible de dire combien de jours un chameau quelconque Cette expérience ne nous a pas indiqué le degré de déshy¬
dratation auquel l'organisme du chameau est capable de
peut rester privé d'eau.
résister. Nous aurions pu la poursuivre pour trouver la
Il existe deux espèces de chameaux : celui à une bosse et réponse à cette question, mais nous avions d'autres problèmes
celui à deux bosses. Ceux que nous avons étudiés à Béni- urgents à étudier et nous avons décidé d'attendre l'été. Le
Abbès étaient des chameaux à une bosse, ou dromadaires. Le taux de déperdition d'eau serait alors beaucoup plus élevé,
chameau à deux bosses, ou chameau de Bactriane, vit dans et l'on obtiendrait en beaucoup moins de temps une grave
les déserts et les hauts plateaux de l'Asie centrale, tandis que déshydratation.
le chameau à une bosse se trouve dans les déserts torrides
Vers la fin du mois de juin, nous avons laissé sans eau
de l'Arabie et de l'Afrique du Nord.
pendant huit jours un chameau pesant 450 kilos. Au terme
de l'expérience, il avait perdu 100 kilos. Il était alors en assez
mauvais état par suite du manque d'eau; lorsqu'on lui donna
C'est un ruminant,
à boire, il absorba en dix minutes 103 litres d'eau. Cette
non un épargnant expérience montre que le chameau peut perdre environ le
quart de son poids d'eau, et boire en quelques minutes une
L'observation des chameaux nous a bientôt permis de quantité d'eau équivalente. Un autre chameau qui avait été
constater que ceux que l'on faisait paître l'hiver soumis, à la même époque, à une expérience plus poussée,
n'étaient pas abreuvés. Le fait n'a rien de surprenant fut laissé sans eau du 5 au 22 juin, soit pendant 17 jours. Vers
car s'il pleut, la végétation du désert
contient un volume d'eau considérable.
Nous avons examiné un certain nom¬
bre de ces chameaux que l'on amenait
à Béni-Abbès pour les livrer à la bou¬
cherie. Us étaient restés sans boire
pendant un ou deux mois, et l'on aurait
pu penser qu'ils étaient particulière¬
ment altérés; mais ce n'était pas le
cas. Ils ne manifestaient nul intérêt
pour l'eau qui leur était offerte. Cepen¬
dant, les pluies d'hiver sont très irré¬
gulières; dans les hivers secs qui em¬
pêchent la pousse habituelle de la
végétation nouvelle, il faudrait certai¬
nement abreuver les chameaux.

Pour déterminer la quantité d'eau


dont cet animal a besoin, il nous fal¬
lait donner à quelques chameaux une
nourriture sèche, au lieu de leur pâture
ordinaire. Nous leur avons donc donné
du foin et des dattes sèches. Les dattes
destinées aux chameaux diffèrent des
dattes tendres et sucrées réservées à la
consommation humaine ; elles sont
sèches, dures et' moins sucrées. Nous
avons appliqué à un chameau ce régime
alimentaire sec pendant plusieurs pé¬
riodes prolongées, la plus longue étant
de seize jours en janvier. A la fin de
l'expérience, le chameau était assez
alteré,- mais son état n'était nullement

30
Le Courrier. N5 8-9. 1955

la fin de cette période, les deux animaux étaient en assez lière. Le chameau est un ruminant, et son estomac, comme
mauvais état, et ils avaient perdu leur appétit. Ils parais¬ celui de la vache et du mouton, est divisé en plusieurs par¬
saient maigres et efflanqués. Leur abdomen était creusé et ties ou compartiments. La première partie, qui est la plus
ramené contre la colonne vertébrale, leurs muscles étaient volumineuse, est la panse, où s'accumule le fourrage gros¬
contractés, leurs pattes décharnées semblaient encore plus sièrement mastiqué. Dans les parois de la panse du chameau,
longues que d'habitude. Dans cet état, ils auraient été inca¬ il y a certains alvéoles que l'on ne retrouve pas chez les
pables d'effectuer un gros travail ou un long parcours. autres ruminants, fait intéressant que l'on a rattaché à la
légende de la réserve d'eau. Cependant, le volume de ces
Ces deux chameaux avaient été exposés au vent et au soleil
petits alvéoles, dits « poches à eau », est si faible (5 à 7 litres)
brûlants du désert, mais on ne les avait pas fait travailler.
qu'ils ne sauraient contenir la réserve d'eau nécessaire pour
D'après cette expérience, il semble que, dans une marche couvrir les besoins d'un animal de cette taille.
d'été à travers le désert, même les meilleurs chameaux ne
pourraient pas être laissés sans eau pendant beaucoup plus La panse des chameaux renferme effectivement d'impor¬
d'une semaine. Toutefois, les facteurs qui entrent ici en jeu tantes quantités de liquide, mais cette caractéristique est
sont si nombreux que des recherches approfondies, faites commune à tous les ruminants. Toutefois, pour établir avec,
dans des conditions diverses, seraient nécessaires pour pou¬ certitude que le chameau ne met pas d'eau en réserve, nous
voir formuler des règles précises. avons analysé le liquide contenu dans l'estomac d'une dou¬
zaine d'animaux. Il s'agit d'un liquide vert, fétide et nau¬
On peut affirmer, malgré tout, que le hameau peut vivre séabond, qui n'a guère de rapports avec l'eau potable.
sans eau beaucoup plus longtemps que
les autres mammifères, y compris'
l'homme. Dans des conditions analo¬
gues, il est probable qu'un homme se¬
rait très affaibli et dans un état cri¬
tique, après une journée de voyage
dans le désert et qu'il mourrait de soif
au cours de la deuxième journée.

De nombreux voyageurs ont supposé


que la résistance du chameau à la soif
s'explique par la présence d'une réserve
d'eau dans son estomac ou dans d'au¬
tres parties de son corps. A l'appui de

*f

15 :.''.. ..V

cette thèse, on cite souvent l'histoire


bien connue de l'Arabe qui se trouve
privé d'eau en plein désert et qui,
comme ultime ressource, tue son cha¬
meau et boit l'eau qu'il trouve dans son
estomac.

Il est facile de comprendre comment


l'idée d'une réserve d'eau a pu prendre
naissance. Avant d'entreprendre un
long voyage dans le désert, on abreuve,
bien entendu, les chameaux. Si ceux-ci
n'ont pas bu depuis quelques jours, ils I
absorbent alors de grandes quantités
d'eau; pour l'observateur dénué d'es¬
prit critique, il peut sembler qu'ils boivent abondamment en L'analyse chimique révèle qu'il se rapproche beaucoup des
prévision des besoins à venir. sucs digestifs, et que sa teneur en sel l'apparente plutôt au
sang qu'à l'eau. En outre, les prétendues « poches à eau »
contiennent habituellement des aliments mastiqués, mais
La bosse du chameau : peu de liquide. Nous n'avons donc trouvé aucune confirma¬
tion scientifique de la légende de la réserve d'eau.
un mets de choix
Bien qu'assez peu appétissant, le liquide contenu dans l'es¬
Or, nous savons que les chameaux boivent une quantité tomac du chameau pourrait fort bien être bu en cas d'absolue
d'eau correspondant à celle qu'ils ont perdue pendant nécessité. L'histoire de l'Arabe qui, pour sauver sa vie, tue
la période où ils sont restés sans eau, mais qu'ils r.e son chameau afin de boire le liquide contenu dans son
boivent pas plus qu'il n'est nécessaire pour compenser cette estomac, est peut-être exacte, mais on se trompe en suppo¬
déperdition. Nous n'avons observé aucun chameau boire une sant que le liquide est de l'eau mise en réserve.
quantité d'eau supplémentaire qui pût être considérée comme
On a prétendu aussi que la bosse du chameau contient la
mise en réserve.
réserve d'eau de l'animal. Mais cette bosse est
La croyance en l'existence d'une réserve d'eau chez le cha¬ presque exclusivement composée de graisse; elle Suite
meau est fort répandue et elle se trouve renforcée par le fait constitue une réserve d'énergie, tout comme la page 32
que l'estomac de cet animal a une structure assez particu graisse des autres animaux. H est un fait curieux :

31
de I 00 kg en I 00 litres en
IL MAIGRIT IL BOIT 10 minutes
8 jours

la graisse de plusieurs animaux d'éléments solides et deux tiers d'eau. Seule une faible frac¬
CHAMEAU (suite) vivant dans des climats chauds tion de cette eau peut être perdue sans que se manifestent
se trouve rassemblée en un seul des symptômes graves. L'organisme réagit par un impérieux
endroit du corps, au lieu d'être désir de boire qui, s'il n'est pas satisfait, se transforme vite
répartie sur l'ensemble de ce¬ en une sensation de malaise, de gêne et d'irritation. Ces
lui-ci. Le boeuf zébu a une bosse sur les épaules et, chez le symptômes disparaissent rapidement avec l'absorption d'une
mouton à large queue, la graisse est accumulée sur la queue, certaine quantité d'eau ou de quelque autre boisson.
d'une taille énorme. Pour les Arabes, la bosse du chameau
est un mets de choix, si bien que, lorsque ces animaux sont
livrés à la boucherie, la bosse atteint souvent un prix plus L'homme qui transpire
élevé que la viande.

Bien que la bosse ne contienne manifestement pas d'eau,


trop meurt de fièvre
il y a une parcelle de vérité dans la croyance selon laquelle
le chameau tire de l'eau de sa bosse. Toute combustion de Si la déshydratation se poursuit et si la déperdition d'eau
matières organiques entraîne la formation d'eau. Qui n'a dépasse 5 % du poids du corps, les symptômes s'aggra¬
remarqué, lorsqu'on place un pot d'eau froide sur le feu, la vent. Des troubles organiques apparaissent, la salive se
condensation d'eau qui se produit sur l'extérieur du réci¬ raréfie et la bouche se dessèche. La langue colle à la bouche,
pient ? Cette eau provient de l'oxydation de l'hydrogène que et l'air pénètre dans les poumons à une température insup-
renferme le combustible. De même,' il se forme de l'eau portablement élevée. La voix s'éraille et les erreurs des sens
lorsque la graisse s'oxyde dans l'organisme. Cette oxydation s'aggravent. L'homme cesse d'être maître de ses mouve¬
exige de l'oxygène, et l'air inspiré dans les poumons est ments; son jugement et son moral sont atteints. La phase,
expiré, saturé de vapeur d'eau. La quantité d'eau qui se perd dite expressivement de la « bouche pâteuse », intervient lors¬
ainsi dépend de la température et de l'humidité, mais que la perte de poids atteint 6 à 8 %.
d'ordinaire, chez le chameau, l'eau s'évapore par les poumons
Les symptômes d'une déperdition d'eau supérieure à 10 %
presque aussi rapidement qu'elle se forme. Dans ces condi¬
du poids du corps sont surtout connus par les récits de voya¬
tions, la graisse de la bosse ne représente pas une bien
geurs qui se sont égarés dans le désert; ces récits sont iné¬
grande réserve d'eau supplémentaire, comme on l'a cru un
vitablement assez imprécis. Le sujet délire; il perd l'ouïe
moment. Mais chez un autre animal du désert, le rat-kan¬
et devient insensible aux chocs et aux blessures; lorsqu'il se
gourou, le cycle de l'eau repose entièrement sur l'eau qui
coupe, il n'apparaît ni sang ni exsudât dans la coupure. Si
résulte de l'oxydation des aliments.
la déperdition d'eau atteint 12 %, le sujet ne peut plus
avaler; au-delà de ce stade, il est probablement incapable
de se rétablir sans aide. Au stade final de la déshydratation,
Le chameau préfère la la guérison est impossible : la perte de conscience est le seul
fièvre à la transpiration soulagement de l'agonisant.

Si la chaleur n'est pas excessive, la vie pourra peut-être se


La plupart des animaux à sang chaud maintiennent leur prolonger jusqu'à ce que la déperdition d'eau atteigne 20 %.
corps à une température de 37 à 40° C. Chez l'homme, Mais dans un désert torride, la mort survient lorsque la
la température n'augmente pas sous l'effet de déperdition est de 10 à 12 %. Ce phénomène a été décrit par
la grande chaleur du désert, bien qu'elle puisse être supé¬ le physiologiste américain Adolph, sous le nom de « mort par
rieure à celle de son corps. Tout objet inanimé placé dans le brusque poussée de température » (explosive heat death),
même milieu s'échaufferait, comme les rochers qui peuvent parce que la mort est soudaine et associée à une montée
atteindre dans les déserts 60° C. ou davantage. Dans un tel rapide de la température. Cette poussée brutale est due
milieu, l'homme combat l'élévation de température par une au fait que le sang s'épaissit et devient plus visqueux à
évoporation d'eau, qui apparaît à la surface de son corps mesure que la déshydratation s'accentue. Le c qui doit
sous la forme de sueur. fournir un effort accru pour faire circuler ce sang épaissi,
se fatigue; la déshydratation s'aggr avant il arrive un
Il existe aussi chez le chameau un mécanisme de thermo¬
moment où le c ne peut plus soutenir cet effort. La
régulation, la transpiration empêchant la température du
circulation se ralentit alors; la chaleur produite par le méta¬
corps de dépasser un certain point critique. Mais le chameau
bolisme n'est plus éliminée; à ce moment, la température du
est capable d'utiliser certaines variations de la température
corps s'élève rapidement et la mort survient bientôt.
de son corps pour économiser une partie de l'eau nécessaire
au maintien d'une température modérée. Au lieu de mainte¬ Ceci étant, nous avons constaté avec surprise que le cha¬
nir cette température constante à mesure que la tempéra¬ meau peut perdre jusqu'à 30 % de son poids pendant les
ture extérieure augmente, le chameau laisse sa température périodes de pénurie d'eau, dans un désert torride. La chose
s'élever lentement jusqu'à un maximum de près de 41° C. semble plutôt incroyable au physiologiste averti, et il nous
Pendant la période où sa température augmente, le chameau a paru intéressant de rechercher les particularités physio¬
perd très peu d'eau, alors qu'un homme devrait transpirer logiques qui permettent au chameau d'échapper au phéno¬
continuellement pour maintenir la température de son corps mène de la brusque poussée de température.
à un niveau moins élevé.

II est évident que le chameau serait dans une situation


encore plus favorable si la température de son corps pouvait Le rat-kangourou transpire
être plus basse qu'à l'habitude au matin d'une chaude jour¬
née. Il lui faudrait alors plus de temps pour atteindre la tem¬ sans faire de température
pérature critique à partir de laquelle il doit commencer à
Si l'on pouvait démontrer qu'en période de déshydratation
transpirer pour éviter toute nouvelle élévation de tempéra¬
le chameau conserve son volume de sang, sans déperdi¬
ture qui entraînerait la mort. C'est précisément ce que fait
tion de l'eau du sang, on prouverait qu'il garde
le chameau : pendant les nuits fraîches, il cède de la chaleur,
une circulation normale. Il est possible de mesurer le
si bien que, le matin, sa température peut descendre
volume sanguin en injectant dans le sang un colorant non
jusqu'à 34° C.
toxique et en déterminant le taux de dilution de ce colorant
La température du corps du chameau varie donc réguliè¬ une fois qu'il est uniformément réparti dans le sang; cette
rement de plus de 6° C. Dans des conditions analogues, les méthode est complètement inoffensive. Chez un chameau qui
variations quotidiennes de température chez l'homme sont avait perdu 50 litres d'eau (soit 20 % de son poids), on a
d'environ Io C. Les variations de température du chameau ainsi trouvé que la diminution du volume du sang était
constituent un mécanisme qui règle remarquablement la inférieure à 1 litre. Le reste de l'eau perdue provenait donc
consommation de l'eau, ce qui ressort des deux faits sui¬ des tissus et des liquides interstitiels. A cet égard, le chameau
vants : premièrement, cette température ne varie l'hiver que est beaucoup mieux partagé que les autres mammifères, chez
de 2° C. environ; deuxièmement, si on laisse le chameau lesquels l'épaississement du sang est la cause principale de
boire librement, les variations de température seront éga¬ la mort par brusque poussée de température.
lement de l'ordre de 2° C. Les variations beaucoup plus
Bien qu'il ait besoin de moins d'eau que les autres mam¬
importantes que l'on constate lorsque le chameau est privé
mifères, le chameau doit boire si sa nourriture n'est pas riche
d'eau font partie d'un système physiologique destiné à réduire
en eau. Il existe toutefois dans les déserts de
la dépense d'eau.
nombreux animaux sauvages qui vivent à une Su,te
Le corps humain contient normalement environ un tiers telle distance de toute eau libre qu'il faut bien page 63

32
Le Courrier. N" 8-9. . 1955

Pris entre ces deux pôles, le désert


et l'Islam, l'art saharien ne pour¬
rait être et c'est le cas, le plus
souvent sans doute qu'un art d'en¬
lumineurs importé d'Orient, ou encore
un art de tapis appliqué au cuir, au
bois et au métal, un de ces « arts mi¬
neurs », puisque, selon Malraux, « il
n'exprime pas l'homme ».
Or, même dans l'enchevêtrement
des décors géométriques, malgré la
contrainte d'une stylisation presque
inhumaine, la présence de l'individu
subsiste. Les Sahariens, par l'intermé¬
diaire des « Enhaden » touareg, des
« Mâlemin » maures, nous racontent
leur histoire.

Ils nous parlent des puits, des trou¬


peaux, des gazelles, de leur maison
avec son pauvre mobilier, de Dieu, et
aussi bien entendu des « Djenoun »,
ou encore des « Peuples du Vide », des
« Fils du Diable », du mauvais eil, des
scorpions et des vipères, de la soif et
du vent de sable.

Ce ne serait qu'un art de la peur,


s'il ne nous révélait en même temps
une prise de position positive de
l'homme en face de l'Univers, l'idée
d'une main-mise sur des forces supé¬
rieures assez inquiétantes, accessibles
à des rites, à des décors symboliques
semblables à des actes de foi.

Le signe du « bon

L'Art fleurit en plein


ceil », un tapis
tissé sur métier

vertical, une da¬


gue exécutée par
un bijoutier, au¬
tant d'actes de foi,
émouvants comme

des prières tracées

A H A R A
dans le sable, écri¬
tes en fils de

laine ou gravées
au burin sur le

cuivre ou l'argent.
(Copyright par
Jean Gabus.)

par Jean Gabus

Pris dans ce sens, cet art bouclier


est plus près de la conquête que de la
soumission. Le nomade finit par croire
à un apprivoisement du vent, des pis¬
tes et des puits, à un accord avec les
gazelles, les autruches, les outardes et
les pintades. Il se sent libéré d'une
partie de ses craintes, maître du désert
et de sa propre route.

Toutefois, cette magie imitatrice


n'empêche pas l'artisan de se montrer
réaliste, voire trivial. Ainsi les deux
nattières Aïcha et Lâila, qui trem¬
blaient de froid sur une natte devant
leur tente par un petit matin saha¬
rien, réclamaient « un peu de thé brû¬
lant pour leur réchauffer les os » à
sept heures, « encore juste trois verres
de thé avec beaucoup de sucre ! » à
onze heures, « parce qu'elles
ont mal dans le dos, qu'elles (Suite
doivent retrouver des forces, page 36)

JEAN GABUS, directeur du Musée d'Ethnographie de


Neuchâtel (Suisse!, a exécuté, de 1942 à 1953, huit
missions de trois à six mois chacune au Sahara, de
la Mauritanie au Fezzan. Ses travaux sur l'Afrique,
et notamment le Sahara, font autorité. Jean Gabus a
fait paraître la première partie (Les Hommes et les
Outils) de son ouvrage « Au Sahara ». Editions de
la Baconnière S.A., Boudry-Neuchâtel (Suisse). Les
photographies de Jean Gabus publiées dans le présent
numéro sont pour la plupart tirées de cet ouvrage.
Les deux autres parties de « Au Sahara » Les
Arts et les Bijoux, et Les Techniques et le Mobilier
sont en préparation. Les dessins de Hans Erni sont
tirés d'un autre ouvrage de Jean Gabus : « Initiation
au désert », Editions Rouge S.A. Lausanne.

33
SAHARA (suae)

34
Le Courrier. N' 8-9. 1955 '

CROQUIS ET GOUACHES DE HANS ERNI

REPRODUCTION INTERDITE

35
SAHARA

(suite) Les poésies brûlantes des Touareg

sinon le pinceau tomberait tout seul de amulettes et par des décors symbo¬ d'une technique des bijoutiers maures :
leurs doigts ! », puis toujours du thé, liques. ces petits fils d'argent adroitement fa¬
les cinq verres maures, _ cette fois-ci à çonnés en « waou » jumelés (un U dont
Ils admettent tout cela, mais sans se
les extrémités s'achèvent en bouclette)
quinze heures, « parce 'qu'il fait trop poser trop de questions. Ce sont les réa¬
chaud ! ». à la pointe d'une aiguille et qui per¬
lités mythiques de la vie quotidienne,
mettent des compositions variées dési¬
les petits rappels' constants des sautes
Mais, de leurs mains de vieilles fem¬ gnées par le terme hassanya de
d'humeur du vent, de la terre, des ar¬
mes, des mains fines et sèches, demi- « nach ». Ici, loin des centres techni¬
bres, des objets, contre lesquels il est
mortes, elles tressaient aux lacets de possible de lutter en prenant un cer¬
ques traditionnels, la figure en croix
cuir sur les nattes les motifs du « rire est restée élémentaire. Ces incrusta¬
tain nombre de précautions aussi sim¬
de la jeune fille », des « ailes de la tions sont les unes en cuivre : « une
ples que celles de manger, boire et dor¬
tourterelles » et elles assuraient : protection contre les blessures », les au¬
mir. Us nous révèlent donc à travers
« C'est du bonheur pour la maison ! ». tres en argent : « la bénédiction de
leur art cet état de « symbiose avec la
Dieu ! ».
nature » dont nous parle Radcliffe-
Quand, dans le campement d'Ould
Brown. Leur religion, y compris sa Sur la garde, nous retrouvons les
Oumer, émir du Trarza, Meïmouna pei¬
part de magie, s'intègre à l'existence. petites appliques de cuivre habi¬
gnait sur un faro (tapis en peau de
mouton) des motifs symboliques desti¬ Un poignard de l'Adrar des Iforas tuelles protégeant contre l'influence
nés à maintenir la maléfique du fer. Elles
prospérité dans la mai¬ sont gravées de mo¬
son du maître, elle ne tifs touareg, dans le '
paraissait nullement style des « sourcils du
transfigurée par la diable » décorant les

magie de son art. Elle cadenas, avec en plus


crachait, se mouchait deux motifs floraux

avec les doigts, émet¬ d'origine arabe. La fi¬


tait des plaisanteries nesse de l'exécution
de vieux troupier et indique une origine
maure.
supputait les mètres de
guinée bleue, les poi¬ Une petite croix dans
gnées de sucre et de un cercle, placée seule
thé, les mesures de mil en avant de la gravure
qu'elle recevrait pour principale, défend l'ar¬
son ouvrage.
me et son propriétaire
contre le mauvais
A Oualata, l'une des comme elle le fait sur
dernières initiées des
la garde d'une noble
décors muraux Aïe, « takouba ».
nous parlait longue¬
ment et avec onction Une arme aussi

du sens des figures : la curieuse (à cause de la


« Mère des Hanches », forme imposée par la
la « Pierre Sacrée des baïonnette), la seule
Ablutions », les « Lam¬ de ce genre que nous
pes de Vie Eternelle ». connaissons, méritait
Mais il suffisait d'un d'être signée. Elle le
rien, du passage d'un fut par le forgeron
berger portant une ca¬ Habaîa ag Mohammed.
lebasse de lait, des Or, ce personnage ap¬
appels d'un marchand partient au groupe
de viande pour lui maure des Almoucha-
rappeler les réalités de kares de Mentes et
la vie, pour qu'elle Tillia, fixé dans le pays
ajoutât brusquement depuis 1887 et actuel¬
au milieu des ruines de lement en voie de

cette ville sainte qui « targuisation ». Pour


est en train de mourir
Carte indiquant les itinéraires des missions Gabus de 1942 à 1953 et faisant cette raison, Habaîa
de faim et de soif : connait encore le has¬
mention de quelques-unes des localités et tribus dont il est question dans le
« Mais il y a d'abord présent article. Ce document (copyright) est tiré d'un livre de Jean Gabus. sanya à côté du tama-
mon ventre! Le remplir chek et grave donc
chaque jour est plus en caractères arabes,
important que de pein¬ fier de ses origines,
dre des murs ! » . son nom dit à la
résume assez bien tous les éléments manière maure, un peu comme on
Cette trivialité d'exécutante signifie dont il faut tenir compte lors de déploierait l'arbre généalogique de ses
l'empreinte d'une caste, crainte et mé¬ l'exécution d'une arme : l'origine ancêtres: Badi Habia ben Mokhammed.

prisée, l'accoutumance à un métier de étrangère du fer, la valeur magique des


Le propriétaire de l'arme voulut l'en¬
semi-magicien, mais aussi le fait qu'un matériaux, la symbolique des décors. noblir à son tour, et là, apparaît toute
terme trop précis peut éveiller l'atten¬ C'est en même temps l'histoire d'une la différence entre les Maures et les
tion des esprits et attirer ses repré¬ frontière ethnique et linguistique entre Touareg. Quand on est acompagné
sailles. En fait, ces artisans croient à la les Maures et les Touareg, avec son d'une escorte de goumiers maures, ils
valeur prophylactique de leurs sym¬ dualisme culturel.
parlent en cours de route de leurs an¬
boles, même s'ils ne l'expliquent pas. cêtres, de Dieu et de leur solde ; les
L'arme, une dague ou « telkenchert » Touareg composent des vers à l'inten¬
Les décors touareg offrent des sym¬ fut achetée à Tin Reïden dans le
tion de leur belle : « Celle aux tempes
boles qui évoluent dans le même Tamesnar à un certain Targui : bleuies, celle aux dents blanches... Je
domaine que ceux des Maures. Ils se Babou ag Graba, de la tribu des Ibote- n'ai que la nuit pour accompagner la
défendent contre le mauvais nanten. La lame est, une baïonnette douleur de ton absence ! » et ils sont
croient à la valeur curative et prophy¬ française à coupe losangique, vendue prêts à faire un écart de deux cents
lactique du cuivre, de la cornaline, à par quelque tirailleur sénégalais du kilomètres pour aller les réciter au son
l'influence maléfique du fer et beau¬ poste de Kidal. du violon. C'est donc dans l'esprit des
coup à tous ces peuples infernaux du « cours d'amour » des « carrousels de
Néant, de la Nuit, de la Dune, les Kel Le manche est maure par sa forme chameaux », des courses éperdues à dos
Esouf, les Kel Ehod, les Kel Ténéré, mais, en Mauritanie, on le dirait d'ins¬ de méhari avec pour seule
contre lesquels ils se protègent par piration marocaine. Les décors incrus¬ récompense une echarpe par- (Suite
l'observation de certains rites, par des tés dans le bois sont issus également fumée, que Babou ag Gaba page 40)

36
Le Courrier. N" 8-9. 1955

37
SAHARA (suite)

OUBLIES DE DIEU
En plein cour du Sahara vivent les Touareg,
tribu d'origine berbère dont le nom, donné par
les Arabes, signifie « Oubliés de Dieu ».
Toutefois, les Touareg s'appellent eux-mê¬
mes Imshar ou nobles. Montés sur des méha¬
ris (chameaux blancs très rapides), les guer¬
riers Touareg peuvent couvrir des distances
incroyables, même pendant la saison la plus
chaude. Musulmanes, leurs femmes ne sont
cependant pas voilées, mais les hommes le
sont généralement, afin de protéger leur
visage contre le soleil et les vents du désert.
La photo ci-dessus à droite montre un noble
Targui du Hoggar (Touareg est le pluriel de
Targui), celle de gauche, une jeune fille de
la même tribu qui porte, peinte sur le visage
à l'occasion d'une fête, une croix d'Agadès
ornée de triangles verts. Le triangle est un
symbole destiné à écarter le « mauvais iil ».
Ci-contre, un Targui brandit un ériarme bou¬
clier appelé « arar » fait d'une peau d'oryx
(sorte d'antilope). Malgré son poids et son
encombrement, le Targui est très fier de son
bouclier. Il l'utilise non seulement comme
une arme, mais comme « brise-vent », et le
fixe à la selle de son chameau. Le bouclier
est décoré d'une croix de Saint-André et de
signes symboliques possédant les qualités
magiques pour éloigner les mauvais esprits.

Photos copyright (1) Jean Gabus. (2) G. Tairraz tirée de


l'ouvrage « Le Grand Désert », par R. Frison-Roche et
G. Tairraz, Editions Arthaud, Paris. (3) Ludwig Zöhrer.

38
Le Courrier. N" 8-9. 1955

39
Niger : Type de grand pendentif du Hoggar Mauritanie : pendentif de bois incrusté d'argent Mauritanie : Croix dite du Trarza

Chez les tribus du Niger, les calebasses for¬


ment une partie essentielle du mobilier nomade.
Elles sont décorées au fer à pyrograver (photo),
ou par excision. On peut aussi les peindre.

SAHARA (suite)

dédia son poignard à une femme. Et il


fit inscrire en tifinar : « Je veux (ou
j'aime) Touantine ! ».
Ainsi, par tous ces décors d'objets,
de maisons ou d'outils, nous rejoignons
les rites de tissage observés à Salé
(Maroc) : « Sois aussi chaud à l'
et piquant au goût ! » dit-on en fro-
tant les fils de chaîne au piment rouge.
« Je t'asperge dans ce monde pour que
tu répondes dans l'autre ! » ajoute-
t-on, en humectant les fils à l'aide du
peigne. Ce sont encore les rites des
liens brûlés : « Donne au tapis la cha¬
leur qui séduit ! » puis les ouvertures
taillées dans les fils de chaîne avant la
tombée du métier : la « porte de la
Vierge », les « fenêtres du Paradis ! »

Sur les tapis berbères du Haouz, les


« chichaoua », les tisserands exécutent
en fils de laine ce que les Maures pei¬
gnent sur leurs « faro » et leurs
« Ghlaf » : des tentes, des peignes et
des théières, l'eau en ruisselets si¬
Niger : Croix d'Agadès. Tout ce qui est brillant lutte contre le mauvais iil. Ainsi, les miroirs, le verre et nueux, des scorpions, des vipères et les
l'éclat des parures. (Toutes les photos de cette double page sont copyright par Jean Gabus.) scolopendres.

40
Le Courrier. N" 8-9. 1955

Mauritanie : chevalière en argent de Boutilimit

A Mederdra comme dans tout le Sahara, les A Oualata, en Mauritanie, des potières décorent les murs au doigt à l'aide d'une couleur, faite d'un
artisans expriment dans le travail des coffres mélange de terre ocre et de gomme. Le motif placé à droite et à gauche des portes d'entrée représente,
leurs joies et leurs peurs qui, pour le profane, au centre, la « Pierre des Ablutions », puis autour « La Chaîne », qui symbolise la protection de la
ne sont que cercles, ^triangles et courbes. maison et enfin quatre figures, les « Lampes de vie éternelle », c'est-à-dire des lampes à huile.

La potière kabyle trace elle aussi, puits ! », « Hâz ould el Routh : Un la cuisson de ses cruches et de ses mar¬

sur l'englobe de ses cruches ou de ses gras pâturage ! » et, il faut des yeux mites le travail de toute une se¬
jarres, une ligne brisée pour le serpent, de chameau affamé ou de poète pour maine ! ' s'efforce d'apaiser la viva¬
des points pour les traces d'une per¬ découvrir dans ce lieu les quelques cité des flammes sous des charges de
drix, des losanges pour un gâteau de boursouflures hérissées du hâz sous le balle de mil, de retenir ses savants
miel et un damier pour symboliser la sable ! échafaudages de crottes de chameau
« djamaâ », assemblée des hommes par de fines baguettes vertes, elle es¬
N'est-ce pas à des sentiments sem¬
libres, la « Landsgemeinde » des mon¬ quisse vite, elle aussi, sur le sable le
blables que nous obéissions quand, en¬
tagnes du Djurdjura et des Hauts-Pla¬ signe du « bon ».
fants, nous prenions possession des
teaux. Or, tous ces motifs, qui conservent
forêts, des rochers, des cascades, des
Les Mozabites tissent la maison, des champs par la seule magie des mots : leur sens de magie pure, d'appels, aux
le Grand-Fort, les Troglodytes, la dieux ou aux esprits, sur le sable, sont
peignes, des ciseaux, des serpents, des
Grotte du Chat Sauvage, le Petit Pré, les éléments fondamentaux des décors
scorpions, l'lil en forme de losange, le
l'Arbre Tabou. Des promeneurs pou¬ sahariens.
chiffre cinq, les doigts.
vaient passer dix fois, cent fois à tra¬ Et il semble bien que, si l'un des cri¬
Nous rejoignons encore les pensées vers nos propriétés, ils ne profanaient tères de l'art devait être l'expression
et les gestes des plus pauvres des rien, ne volaient rien, puisqu'ils du drame humain sous ses multiples
nomades sahariens, les Nemadi, quand n'avaient pas la clef de ces arbres, de formes, les Sahariens nous offrent un
ils cherchent à apprivoiser par des ces pierres. Ah ! s'ils avaient dit : Pe¬ art authentique.
mots la barrière dangereuse des dunes tit-Pré, Chat Sauvage ! ...
vives de l'Aklé et donnent à des lieux De plus, nous savions par le tifinar
Quand l'eau manque, que les cha¬ ou les caractères araoes du hassanya
de mort des expressions de tendresse :
meaux s'écroulent sur cette route de
« Nebket Naada » : la Dune Ronde, son que les artisans sahariens ne remplis¬
haute chasse des Nemadi, les femmes saient pas seulement des surfaces
sable si doux pour la nuit, une robe de
tracent une croix tréflée sur le sable.
gazelle ! », « Elmourich » : la Forêt ! cuir, bois ou métal de décors géo¬
C'est « Téréjanna », l'oiseau du Paradis métriques par pure tradition artisa¬
Il n'y a guère que trois épineux et
qui intercédera auprès du Prophète en nale, mais qu'ils en faisaient parfois
quelques touffes d'alfa ! mais ils ajou¬
faveur des chasseurs malheureux.
tent avec enthousiasme pour tant des messages personnels. Ainsi,
d'ombre et de miraculeuse fraîcheur : Et quand une potière de l'Azaouak ou ce court poème et cette explo- (Suite
« Nos chameaux y seront comme au dans le Hoggar observe avec inquiétude sion d'orgueil de Khadijettou page 65)

41
« Hydroponique » :

CULTURE

SANS TERRE
par J. W. E. H. Sholto Douglas

DEPUIS l'Essai sur le principe de la


population publié par Malthus en
1798, l'humanité a été périodi¬
quement mise en garde contre le dan¬
ger de famine qui la menace, la popu¬
lation du globe augmentant plus vite
que la production de denrées alimen¬
taires. Heureusement, cette sombre
perspective ne s'est pas encore concré¬
tisée. Elle appartient encore au
domaine du possible, mais les immen¬
ses progrès de l'agronomie et la pro¬
duction accrue qui en est résultée sem¬
blent avoir prévenu un tel désastre, au
moins pour le moment. Cependant, rien
ne serait plus insensé que de se lais¬
(USIS)
ser aller à un optimisme béat. Il se
peut qu'il y ait, dans certaines régions,
surabondance de nourriture, mais cela
n'empêche pas que d'autres soient en
proie à la famine. Les trois quarts au
Toutes les grandes villes pourraient produire elles-mêmes les légumes nécessaires à leur popu¬
lation en adoptant la « culture sans terre » (hydroponique) science nouvelle qui permet de faire
pousser des plantes en se passant totalement de terre. Non seulement les tomates, le riz, les
M. Sholto Douglas, agronome britannique, dirige
pommes de terre, la laitue, les pois, les haricots verts et bien d'autres légumes ont été cultivés avec depuis 1946 les essais de culture sans terre entrepris
succès par cette méthode, mais le rendement ainsi obtenu est plusieurs fois supérieur à celui des procédés à l'Institut agricole du Bengale occidental et aux
agricoles classiques de culture avec sol. La photo de droite montre un arboriculteur américain cultivant centres expérimentaux de Darjeeling et de Calcutta. Il
est le promoteur des méthodes hydroponiques em¬
des pommes dans de grands pots remplis de sable stérile auquel les éléments nutritifs sont ajoutés en ployées dans le Bengale, et l'auteur d'un livre sur le
quantités variables. La photo ci-dessus montre comment l'hydroponique est appliquée au Japon. même sujet.

42
Le Courrier. N" 8-9. 1955

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(Copyright International News Photo)

moins de l'humanité sont sous-alimen- permet à des pays dont la terre n'est cheurs californiens qui réussirent brus¬
tés. Bref, le problème général du ravi¬ pas fertile de produire tout ce qu'il quement à obtenir des récoltes sans
taillement est toujours loin d'être faut pour nourrir leur population. employer la moindre parcelle de terre,
résolu, et il risque d'en être ainsi tant en faisant pousser ces plantes en plein
L'hydroponique est l'art et la science
qu'on n'appliquera pas en grand des air dans des solutions nutritives ou sur
de faire pousser des plantes sans le
méthodes nouvelles de production de support d'un sol, en les nourrissant au des supports inertes imbibés de telies
denrées alimentaires dans les pays où moyen de solutions chimiques. Ces solutions, donnèrent naissance à une
ces denrées manquent le_ plus. plantes peuvent pousser en l'absence
nouvelle méthode de culture.

La culture sans terre est, parmi ces de toute matière organique, pourvu
L'étude de la nutrition des plantes
nouvelles méthodes, une de celles qui simplement qu'on leur fournisse arti¬
remonte à des milliers d'années, bien
semblent appelées au plus brillant ave¬ ficiellement les éléments nutritifs
avant l'époque d'Aristote. L'histoire
nir. Bien des gens ignorent encore qu'elles puisent ordinairement dans
ancienne relate diverses expériences
qu'on peut aujourd'hui cultiver des le sol par leurs racines. Les principes entreprises par Théophraste (372-287
plantes vivrières en se passant entière¬ fondamentaux de la culture sans terre
av. J.-C), et nous possédons plusieurs
ment de terre arable. Connue égale¬ ne sont pas nouveaux : il y a, en effet,
écrits de Dioscoride sur la botanique et
ment sous le nom d'hydroponique près d'un siècle que les chercheurs y les questions connexes, qui datent du
terme tiré du grec et signifiant « tra¬ ont recours pour faire pousser dans premier siècle après Jésus-Christ.
vail de l'eau », par opposition à la géo- leurs laboratoires les plantes qui ser¬ Pourtant, le premier qui ait abordé le
ponique ou agriculture qui signifie vent à leurs expériences de physiologie,
problème d'un point de vue scientifique
« travail de la terre » cette méthode, mais, il y a quelques années encore, est J. Woodward qui, vers la fin du
qui consiste à faire pousser des plantes personne n'avait jamais songé à les XVir siècle, procéda en Angleterre à
sans se servir de terre est désormais adapter ou à les appliquer à la produc¬ des expériences sur la culture en milieu
entrée dans la pratique courante. De tion de denrées alimentaires destinées
aqueux afin de déterminer si les plan¬
nombreuses installations fonctionnent à la consommation familiale ou à la
tes se nourrissaient de l'eau ou des
avec un grand succès en différents pays vente. Les expériences de culture en particules solides du sol.
et dans des conditions climatiques milieu aqueux avaient même pour uni¬
extrêmement diverses. En rendant la que objet de permettre aux agriculteurs' Handicapés par le man¬
production de denrées alimentaires de tirer un meilleur parti de leurs ter¬ que de matériel, les cher¬
indépendante du sol, l'hydroponique res. Mais les succès étonnants de cher- cheurs d'autrefois ne pou-
CULTURE

TERRE (Suite)
SANS
Les petits pois poussent sur le balcon
vaient faire que peu de progrès. Mais expérimentale du gouvernement du les produits cultivés sans terre sont
la chimie moderne, qui s'est constituée Bengale, à Kalimpong (Inde), entreprit plus savoureux que ceux de l'agricul¬
au cours des . xvir3 et xvnr siècles, de rechercher une technique simple et ture ordinaire. Rien d'autre ne diffé¬
était appelée à révolutionner la recher¬ pratique, susceptible .d'être couram¬ rencie, de ce point de vue, la plante
che scientifique. Les expériences de sir ment utilisée. En 1948, elle put annon- nourrie de produits chimiques de celle
Humphrey Davy, inventeur de la lampe cer la mise au point du système ben¬ qui a poussé naturellement, et les ana¬
de sécurité des mineurs, lui permirent gali d'hydroponique, qui apportait des lyses n'ont pu déceler entre elles
de mettre au point une méthode de modifications notables à tous les sys¬ aucune différence quant à leur teneur
décomposition chimique au moyen d'un tèmes antérieurs. en vitamines. Des produits spéciaux
courant électrique. Les chimistes ayant une valeur alimentaire particu¬
Aujourd'hui, l'hydroponique est
découvrirent certains constituants lière par exemple, des tomates à
reconnue comme une branche de
encore inconnus de la matière et forte teneur en calcium et destinées à
l'agronomie. Ses progrès ont été rapi¬
purent désormais fractionner un corps l'alimentation des jeunes enfants
des, et les résultats obtenus depuis cinq
composé en ses éléments constitutifs. peuvent ainsi être obtenus à volonté.
ans dans divers pays au Bengale et
En 1842, la liste de neuf éléments esti¬
ailleurs ont prouvé sa valeur prati¬
més essentiels à la croissance des végé¬
que et les avantages très nets qu'elle
taux avait été dressée, et les découver¬
présente sur la culture normale en
tes des savants allemands Sachs et
pleine terre. Ses deux mérites princi¬
Knop (de 1859 à 1865) aboutirent à la
paux sont qu'elle donne des rendements
mise au point d'une technique de
bien supérieurs à ceux de l'agriculture
culture sans sol, en laboratoire. On
et qu'elle peut se pratiquer en des lieux
constata qu'en diluant dans l'eau cer¬
où l'agriculture et l'horticulture ordi¬
tains produits chimiques, on obtenait
naires sont impossibles. Ce n'est pas
une solution nutritive capable d'entre¬
seulement une entreprise rentable ; elle
tenir la vie végétale, si bien que, dès
permet aussi aux habitants des villes
1920, la préparation en laboratoire de
populeuses de faire pousser des légu¬
cultures sur cuves était normalisée, et L'ESSOR de la culture sans terre date
mes verts sur leurs appuis de fenêtres
les méthodes d'expérimentation bien du moment où cette méthode,
ou sur le toit de leurs maisons. Les
au point. ayant dépassé le stade du labora¬
citadins et les habitants des cités
ouvrières disposent souvent de balcons, toire, a été adoptée par des services
de cours et de trottoirs dont ils ne peu¬ gouvernementaux et des sociétés com¬
vent guère tirer parti. Grâce à l'hydro¬ merciales. La première grande instal¬
ponique, tous ces recoins peuvent être lation fut celle de la compagnie Pan-
aménagés de façon à produire réguliè¬ American Airways, qui aménagea un
rement quantité de légumes verts. Les hydroponicum au milieu du Pacifique,
'toits d'usines et les routes désaffectées sur l'île lointaine et désolée de Wake,
sont utilisables de la même façon. afin d'approvisionner régulièrement
en légumes verts les passagers et les
La culture sans terre peut être avan¬ équipages de ses avions. En 1945, le
tageuse, non seulement pour les habi¬ ministère de l'Air britannique entre¬
tants des villes, mais aussi pour ceux
prit des travaux préparatoires de
des campagnes. Les déserts, les éten¬ culture sans terre à la base aérienne de
IL n'en reste pas moins qu'en 1928 on
dues rocheuses et caillouteuses des
ne concevait guère la possibilité Habbaniyah, dans le désert d'Irak,
montagnes, les régions stériles peuvent ainsi que dans l'île aride de Bahrein
d'obtenir des récoltes sans terre,
devenir productives à peu de frais. H (golfe Persique), où se trouvent d'im¬
tant on mesurait mal l'importance des
n'est pas exagéré de dire que, pour le portants champs pétrolifères. Jus¬
découvertes faites. Cette année-là,
travailleur qui ne possède pas de terre, qu'alors, Habbaniyah, importante
Robbins, qui travaillait à la station
l'invention de l'hydroponique pourrait escale des lignes de communication
expérimentale du New Jersey, déclara
avoir des conséquences aussi impor¬
que l'horticulture dans le sable lui alliées pendant la guerre, devait faire
tantes que l'abolition de l'esclavage en venir par avion, de Palestine, tous les
paraissait possible tant sur le plan des
eut pour les esclaves. légumes nécessaires à la garnison.
recherches qu'à des fins commerciales.
Biekart et Connors, de la même insti¬
L'armée américaine possède un ser¬
tution, devaient lui faire écho peu
vice spécial d'hydroponique. Certaines
après. A l'Université d'Etat de l'Ohio,
de ces installations dont l'exploita¬
Laurie publia un compte rendu des Les produits chimi¬ tion a le mieux réussi sont . celles des
essais de culture auxquels il venait de
bases militaires, notamment celles de
procéder en serre avec du sable lavé. ques donnent un la Guyane britannique, d'Iwoshima et
De nouveaux progrès marquèrent l'an¬
de l'île de l'Ascension. Le commande¬
née 1929, celle où le professeur W. F.
meilleur goût. ment des troupes américaines au Japon
Gericke, de l'Université de Californie,
a commencé avec seize installations de
réussit à faire pousser des pieds de
deux hectares consacrées à la culture
tomate de 7 m 60 de haut. Même les
maraîchère ; certaines sociétés pétro¬
critiques les plus incrédules furent
MAIS ce ne sont pas là les seuls lières dont les puits sont situés dans
impressionnés. Un nouveau facteur
avantages des méthodes nouvel¬ diverses îles arides ou isolées des
venait soudain d'apparaître et commen¬
les : les plantes cultivées par l'hy¬ Antilles (notamment Aruba et Curaçao,
çait à faire sentir son influence dans
droponique poussent plus rapidement, au large des côtes du Venezuela) ont
le monde des agriculteurs et des agro¬
échappent, dans une très large mesure, trouvé dans la culture sans terre un
nomes. Une technique aussi nouvelle
aux maladies du sol, et donnent très moyen très précieux d'assurer de façon
devait forcément susciter un très vif
régulièrement des produits d'excellente régulière le ravitaillement de leur per¬
intérêt. La presse américaine la salua
qualité. En outre, la superficie des sonnel en légumes verts. Sur le terri¬
comme l'une des plus sensationnelles
cultures est très réduite et les mauvai¬ toire même des Etats-Unis s'étendent
inventions du siècle, et, emportée par
ses herbes pratiquement inconnues ; la de vastes hydropanicums commerciaux,
son enthousiasme, annonça la pro¬
normalisation des méthodes et l'emploi notamment dans l'Illinois, l'Ohio, la
chaine disparition de l'agriculture. Pré¬
de dispositifs automatiques permettent Californie, l'Indiana et la Floride. Les
tentions extravagantes que rien, à
de réduire la main-d' et les prix New Yorkais s'adonnent de plus en plus
l'époque, ne pouvait justifier. Heureu¬
de revient, et suppriment les travaux au jardinage sur les gratte-ciel. En
sement, des chercheurs compétents et
manuels pénibles. Comme de nombreu¬ U.R.S.S., en France, au Canada, en
diverses institutions scientifiques conti¬
ses plantes peuvent ainsi être cultivées Union Sud-Africaine, en Allemagne, et
nuèrent d'accorder à l'hydroponique
hors de saison, il en résulte naturelle¬ dans d'autres pays, l'hydroponique
une très grande attention.
ment une régularisation des récoltes ; retient l'attention des agronomes. Les
C'est grâce à la guerre de 1939-1945 de plus, la saleté et les mauvaises fleuristes anglais qui cultivent les
que l'hydroponique se répandit dans odeurs sont éliminées. Comme les bacs lets ont en partie abandonné la culture
de nombreux pays et'que les agronomes sont drainés, il n'y a plus d'eaux sta¬ en pleine terre pour la culture sans sol.
du monde entier commencèrent à aper¬ gnantes. D'autre part, l'hydroponique Des expériences ont même .
cevoir les immenses possibilités de la ne modifie nullement le goût des pro¬ montré que les pieds poussant Su;te
culture sans terre. En 1946, la station duits récoltés ; on peut même dire que sur lits de gravier donnaient page 46

44
Le Courrier. N" 8-9. 1955

Les hydroponicums (établissements où est pratiquée la culture sans terre) sont capables de produire des
UNE DES PLUS millions de tonnes de denrées alimentaires. D'immenses territoires pourraient ainsi devenir productifs, et
il serait même possible d'obtenir des récoltes dans les régions arides telles que le Sahara, les déserts d'Arabie
VASTES SERRES ou d'Asie centrale, les montagnes rocheuses du Japon et les territoires incultes d'Australie, du Canada et de
Patagonie. La photo de gauche montre la « ferme hydroponique » de Tokio, où des légumes sont cultivés dans
une immense serre de deux hectares, une des plus vastes du monde. Celle de droite représente un agronome
DU MONDE américain expérimentant la culture sans terre du soja à Beltsville, dans l'Etat de Maryland. (Photos USIS.)

C'est aux U.S.A. qu'est née et s'est développée plus que dans aucun autre pays la culture sans terre. Parmi les
L A I T U ES différents procédés utilisés, beaucoup sont inaccessibles au grand public, mais quand le matériel nécessaire
est abordable les résultats s'avèrent excellents. Ainsi, une grande partie de la récolte de tomates de Californie
ET TOMATES est obtenue par la culture sans terre. L'armée et l'aviation américaines utilisent cette méthode outre-mer pour
procurer des légumes frais à leur personnel. La photo de gauche montre des tomates cultivées à Hawaï et
qu'examine un aviateur; celle de droite représente des travailleurs agricoles japonais faisant pousser des
SUR GRAVIER salades à la «ferme hydroponique » de l'armée américaine à Iwojima, dans le Pacifique. (Photos USIS.)

45
CULTURE

SANS TERRE
(Suite)

i.

DES BACS DE CIMENT remplis


de gravier servent de « champ
modèle » où l'on plante les semen¬
ces. Cette photo a été prise aux
-.; ": 7^-&^|. installations hydroponiques améri¬
caines de Chofu. au Japon. (USIS.)

en moyenne 10,5 fleurs contre 8,9 pour


les pieds cultivés en pleine terre et que GEOPONIQUE CONTRE HYDROPONIQUE
l'hydroponique abaissait le prix de re¬
Ce tableau indique quelques rendements atteints par l'hydroponique avec, en regard, ceux
vient de 28 %.
qu'on obtient par les méthodes classiques de culture en pleine terre (appelées " géoponique ").
Bien d'autres plantes sont cultivées avec succès dans les installations hydroponiques : pois, fèves,
oignons, choux, avoine, soja, concombres, aubergines, courges ou courgettes, blé, navets, carottes,
lin, sorgho, millet, haricots noirs, pois chiches, radis, haricots d'Espagne, piments ou poivrons,
luffas, coloquintes, trichosanthe, citrouilles, pyrèthre, canne à sucre.

Il n'est pas sans intérêt de noter que Produits Meilleur rendement en agriculture Rendement hydroponique
l'hydroponique se pratique depuis
des siècles, sous une forme pri¬ Tomates 5.4 kg par pied (Etats-Unis) 12,5 kg par pied (variété Sutton's Majestic,
mitive, au Cachemire. Les visiteurs qui Université de Californie)
ont parcouru ce pays ont pu observer, 5 kg par pied (Royaume-Uni) 7,5 kg par pied (variété Stonor's M. P.,
flottant sur les lacs qui abondent dans Jealott's Hill Research Station, Grande-
Bretagne)
cette région, de légers radeaux de
4.5 par pied (Inde) 10,3 kg par pied (variété Best of All,
branchages recouverts de végétaux Hydroponlc Research, Inde)
pourris, sur lesquels les paysans font Moyenne à l'hectare : de 12,5 à 125 tonnes Moyenne à l'hectare : de 375 à 500 tonnes
pousser diverses plantes : trouvant là Riz 1.010 kg à l'hectare (Inde) 5.600 kg à l'hectare (semé à la volée)
en abondance eau et substances nutri¬ 3.360 kg à l'hectare (Italie, Japon) 10 tonnes à l'hectare (transplanté, Ben¬
gale-occidental)
tives, ces plantations sont très produc¬
Pommes déterre 74 tonnes à l'hectare (Californie) 160 tonnes à l'hectare (Dr W. F. Gericke,
tives. Une société commerciale s'est
Californie)
constituée pour introduire la culture 30-37 tonnes à l'hectare (Royaume-Uni) ; 175 tonnes à l'hectare (Station agricole
sans terre aux îles Bahama, tandis que 22 tonnes à l'hectare (Bengale) de Kalimpong, Inde)
les méthodes simplifiées mises au point Maïs 2.230 kg de grain à l'hectare (Bengale du 6.700 kg de grain à l'hectare (Bengale)
au Bengale se répandent rapidement Nord)
Laitues 10 tonnes à l'hectare (Bengale du Nord) 24 tonnes à l'hectare (Hydroponlc Re¬
dans l'Asie du Sud, les régions limitro¬
search, Inde)
phes, l'Afrique orientale et l'Afrique du
Betteraves 10 tonnes à l'hectare (Bengale du Nord ; 22,5 tonnes à l'hectare (Secteurs expéri¬
Sud. L'Australie et la Nouvelle-Zélande secteurs expérimentaux de Calcutta) mentaux de Calcutta)
portent également un grand intérêt à Haricots verts 103 kg par planche de 100 m' (variété 285 kg par planche de 100 m1 (variété
ces techniques nouvelles. En Inde, on naine, Canadian Wonder, Bengale du naine, Canadian Wonder, Hydroponic
Nord) Research, Inde)
trouve dans les grandes villes des mil¬
Choux-fleurs De 11,2 à 17 tonnes à l'hectare (Bengale) 36 tonnes à l'hectare (Bengale)
liers d'hydroponicums qui produisent
Trèfle Jaune De 5,6 à 8,9 tonnes à l'hectare (Bengale) 21 ,3 tonnes à l'hectare (Bengale)
des légumes pour une nombreuse popu¬
lation.

Personne n'a jamais prétendu que


l'hydroponique dût remplacer l'agricul¬
ture, mais il est certain qu'on pourrait
à peu de frais et sans grandes difficul¬
tés faire fructifier les terres incultes,
les roches, voire les toits et les balcons
des maisons, en fait tout emplacement
suffisamment ensoleillé où l'eau ne
manque pas. Dans les régions relative¬
ment froides, les planches pourront
être protégées au moyen de cloches en
matière plastique et chauffées artifi¬
ciellement pendant l'hiver. Partout où
l'eau est rare, plutôt que de la gaspiller
comme on le fait en employant les UNE « USINE »
méthodes ordinaires d'irrigation qui DE CÉLERI à Monte-
en laissent perdre plus de la moitié par bello, Californie. Le
evaporation on en tirera un bien céleri pousse dans le
meilleur parti en la dirigeant sur les sable, nourri par une
hydroponicums. L'hydroponique permet solution chimique.
de multiplier les cultures dérobées et Comme dans plu¬
de semer bien plus serré qu'avec les sieurs autres Etats des

méthodes ordinaires d'horticulture, si U.S.A., il s'agit d'un


bien que certains rendements sont « hydroponicum »
extraordinaires. Il n'est plus nécessaire commercial. (USIS.)

46
Le Courrier. N° 8-9. 1955

de pratiquer l'assolement, et le citadin


peut récolter chez lui tel ou tel légume
tout au long de l'année. La ménagère
peut utiliser toutes sortes de vieux ré¬
cipients pour y faire pousser' très rapi¬
dement ce dont elle a besoin.

Un comité de recherche du gouver¬


nement américain a inscrit la
culture sans terre au nombre des
dix techniques dont le développement
revêt le plus d'importance. C'est un
fait qu'en permettant aux pays surpeu¬
plés qui manquent de terres cultivables
d'accroître dans d'énormes proportions
leur production de denrées alimentaires,
l'hydroponique peut, à brève échéance,
devenir génératrice de profondes trans¬
formations sociales. La population de
l'Inde, par exemple, augmente de cinq
millions d'unités par an, si bien qu'en
1990, le territoire de l'Union indienne
comptera plus de cinq cents millions
d'êtres humains. Il est évidemment im¬
possible d'accroître dans la même me¬
sure la superficie des terres cultivées,
et la seule façon d'éviter qu'une autre
famine ne dévaste le pays d'ici une
génération est de donner à chaque fa¬
mille qui ne possède pas de terre la
possibilité de produire elle-même, à do- .
micile, au moyen d'un hydroponicum,
les légumes dont elle a besoin. L'acti¬
vité déployée par les institutions de re¬ Copyrighc STEP-Jean Gugliemi

cherche du pays et les campagnes pu¬


blicitaires qu'elles ont organisées
constituent un premier pas dans cette
direction. Le Japon surpeuplé fait face
JAMAIS DE PLUIE MAIS
à des problèmes aussi graves : les trois
quarts de ce pays sont en effet monta¬
gneux et impropres à l'agriculture
DES TROMBES D'EAU
classique. Aussi l'hydroponique présen-
te-t-elle pour les Japonais un immense Contrairement à l'opinion généralement répandue, l'eau n'est pas totalement inconnue
intérêt. L'application en grand des dans les grands déserts du monde. Mais quand elle tombe, c'est souvent sous la forme de
techniques de culture sans terre en brefs et torrentiels orages. Aucun cours d'eau permanent ne peut exister dans le désert
Afrique du Nord permettrait la mise en car les pluies y sont trop irrégulières. (Les fleuves tels que le Nil, qui coulent à travers le
valeur du Sahara, et les rivages méri¬ désert, prennent leur source en dehors de la zone désertique). Ça et là, cependant, au
dionaux de la Méditerranée retrouve¬ milieu des étendues les plus désolées fleurissent quelques oasis verdoyantes dues géné¬
raient ainsi la prospérité qu'ils ont ralement à l'apparition à la surface d'eaux souterraines. La photo ci-dessus a été prise dans
connue à l'époque romaine. En Austra¬ une oasis algérienne inondée à la suite d'un orage. Un autre aspect du désert est fourn-
lie, la mise en valeur du désert central, par la photo ci-dessous, qui montre dans une oasis l'antique cité syrienne de Palmyre,
grâce à l'hydroponique, ouvrirait des avec ses palmeraies. Derrière les enclos, les jeunes palmiers sont protégés des vents.
possibilités presque illimitées.
Photo O. M. S.

On croit que l'hydroponique est une


technique complexe et coûteuse.
2** ^^3è^
Rien n'est plus faux tout au
moins si l'on applique les nouvelles
méthodes simplifiées mises au point
au Bengale. On peut, en effet, produire
des récoltes à très peu de frais. Dans
les pays pauvres, comme l'Inde, rares
sont ceux qui ont les moyens d'acheter
un matériel coûteux. Les promoteurs de
la méthode bengali d'hydroponique ont
pour devise : « Installation peu coû¬
teuse, entretien simple, fonctionnement
économique. » Applicable, à quelques
variantes près, dans n'importe quelle
région, elle a donné de bons résultats
dans de nombreux pays. D'ailleurs, les
recherches se poursuivent et permet-'
tront sans doute d'y apporter encore
des perfectionnements.

L'article ci-dessus est une version abrégée d'une


longue étude sur la culture sans terre, publiée sous la
signature de M. Sholto Douglas par la revue scienti¬
fique trimestrielle de ¡'Unesco « Impact, Science et
Société » (Vol. VI, n" 1, mars 1955). « Impact » esf
vendu au numéro par les agents généraux de l'Unesco
(voir liste page 64) au prix de 125 francs ; S 0.50 ;
2/6. Le prix de l'abonnement annuel est de 450 francs ;
S 7.75; 9/6.

47
Le voyageur qui, parti de Karachi, sur la côte méridionale
du Pakistan occidental, se dirige vers Lahore, dans le
Pendjab, ou parcourt le plateau du Baloutchistan, est
frappé par l'immensité des terres stériles qui s'étendent,
monotones, à perte de vue. Les seules oasis dans ce désert

Equation sont les bandes de terres irriguées et cultivées le long des


cours d'eau ou des canaux et quelques vergers isolés, arrosés
par des eaux souterraines ou par des « kare2;es » ces
canaux souterrains qu'alimentent de maigres réservoirs creu¬

à trois sés au flanc des collines dénudées, à des kilomètres de dis¬


tance. Mais les nombreux cultivateurs qui ne disposent ni
d'une source ni d'un réservoir labourent leur terre, l'engrais¬
sent comme ils peuvent, puis attendent de la Providence

inconnues qu'elle leur envoie la pluie.


Les terres arides et semi-arides du Pakistan occidental
couvrent près de 650.000 km2, dans le Baloutchistan, le Sind
et la majeure portion du Pendjab. Les précipitations
annuelles ne dépassent pas 12 cm en moyenne au Balout¬
chistan, et 25 cm ailleurs, sauf dans l'extrême nord du pays
où elles atteignent près de 1 m 25.

PLUIE Pour mettre en valeur les terres arides du Pakistan i


d'ailleurs i il faut procéder à des recherches scientifiques et
en appliquer les conclusions. Parmi les problèmes à étudier,
et

on peut citer les suivants : Comment augmenter la pluvio¬


sité ? Ou tirer davantage d'eau du sous-sol ? Comment

EAU conserver l'eau disponible et l'utiliser de façon économique


pour la culture ? Comment tirer parti des énormes quantités
d'énergie solaire que reçoivent ces terres ?
Le Service météorologique national participe directement
à certaines entreprises qui visent à accroître la productivité
de la région aride du Pakistan occidental. Le météorologue

SOLEIL peut coopérer utilement aux recherches dans des domaines


en dehors de sa compétence propre, mais deux problèmes au
moins l'intéressent directement : celui de la pluie artificielle
et celui de l'utilisation de l'énergie solaire.
Le Service météorologique du Pakistan a créé à Quetta,
avec l'aide technique de l'Unesco, un observatoire de géo¬
physique qui est équipé pour des recherches sur la produc¬
par H.I.S. Thirlaway
tion de la pluie artificielle, sur les besoins en eau des plantes
désertiques, sur l'exploitation de l'énergie solaire, et aussi sur
l'hydrologie de la zone aride, notamment sur les eaux sou¬
terraines.

48
Le Courrier. N° 8-9. 1955

LES BERGERS

GUIDENT

LES EXPERTS

Mesurer les dimensions d'une goutte de pluie, la propa¬


gation d'une onde de choc, l'écoulement de l'eau,
l'énergie solaire ces activités semblent n'avoir guère
de rapports entre elles. Pourtant, à l'Observatoire de
géophysique de Quetta, au Pakistan, un groupe d'experts
de l'Unesco travaille à réunir ces données apparemment
' disparates pour trouver la solution du problème passion¬
nant que la nature pose à l'humanité dans les régions
aujourd'hui arides et pauvres en énergie. Leurs recher¬
ches portent par exemple sur la construction d'un bon
prototype de four solaire domestique (photo de gauche),
ou sur la mesure de la quantité d'eau nécessaire aux
plantes (photo du milieu). Pour certaines expériences
de géophysique, les bergers de la région (photo de
droite) sont des guides Irremplaçables, et rendent de
grands services dans la prospection des ressources
naturelles. (Photos Schwab, Unesco et Karl Wienart)

Le Service météorologique' se proposait de rechercher s'il mations de nuages cumuliformes, qui absorbent facilement
est possible d'augmenter artificiellement la pluviosité dans les substances employées pour provoquer la formation de
les régions arides et, dans l'affirmative, si une aussi vaste grosses gouttes.
entreprise serait rentable à long terme.
Deux expériences furent effectuées : l'une à Mardan en
M. Fournier d'Albe, expert français de l'Unesco depuis près juillet 1953, l'autre dans le Pendjab central pendant la mous¬
de trois ans, coopère avec le Service à l'étude méthodique de son de 1954. Les expériences de Mardan ont montré qu'on
ce problème. Il a commencé par faire prendre régulièrement, n'obtient aucun résultat en pulvérisant des solutions de sel
deux fois par semaine, des échantillons d'atmosphère au ras sur le sol, mais que la méthode qui consiste à ensemencer
du sol : à Karachi, Hyderabad, Lahore, Peshavar et Quetta. l'atmosphère à partir du sol au moyen de la substance
Ces échantillons furent analysés à l'Observatoire de géophy¬ hygroscopique la plus commune le sel ordinaire -pré¬
sique de Quetta en vue de déterminer la concentration natu¬ sente une certaine efficacité. M. Fournier d'Albe et l'équipe de
relle des particules hygroscopiques dans l'atmosphère du jeunes savants pakistanais qui travaillent sous ses ordres à
Pakistan occidental.
Quetta ont mis au point une nouvelle méthode qui permet
d'ensemencer directement l'atmosphère au moyen de parti¬
L'homme ne peut espérer influer que sur un seul des fac¬
cules de sel de la grosseur voulue.
teurs dont dépend la formation des nuages et la pluie. Il
n'est pas en son pouvoir de modifier les dimensions d'un
nuage ou d'en accroître la teneur en eau ; mais seulement
d'augmenter le calibre des gouttes en suspension dans le
Un milliard de particules par seconde
nuage, lorsque ces gouttes sont trop petites pour tomber sous
Des calculs précis ont montré que, pour atteindre la base
forme de pluie. On y parvient en « chargeant » le nuage de
particules hygroscopiques. Celles-ci forment des gouttes de du nuage, une particule de sel lancée du sol doit peser
quatre centièmes de millimètres de diamètre environ qui, entre un millième et un centième de microgramme. Il
absorbant les gouttelettes minuscules en suspension dans le
faut donc, pour obtenir un effet quelconque, réduire les grains
nuage, finissent par devenir assez grosses (un millimètre de
de sel à ces dimensions. En outre, le sel étant hygroscopique,
il faut le garder au sec pendant toute la durée de la prépara-
diamètre environ) pour tomber en pluie. C'est le principe de
ration, jusqu'au moment où il est lancé dans l'atmosphère.
« l'ensemencement » des nuages au moyen de particules
C'est pourquoi le broyage du sel fut effectué à Quetta, où
hygroscopiques.
l'humidité de l'atmosphère est très faible à l'époque où eut
lieu l'opération. Les moulins à sel ordinaires employés au
Pakistan convenaient à merveille pour réduire les blocs à des
Le sel ordinaire : extraordinaire
particules de la grosseur voulue. Le sel moulu fut placé dans
des bidons que l'on boucha hermétiquement.
Encore faut-il déterminer si le nuage manque effective¬
ment de particules hygroscopiques de dimensions suffi¬ La technique d'ensemencement mise au point est écono¬
santes. M. Fournier d'Albe, après avoir analysé la teneur mique, efficace et n'exige qu'un matériel de fortune. Le dis¬
en particules hygroscopiques de l'atmosphère du Pakistan positif adopté se révéla tout à fait satisfaisant. A l'aide d'un
occidental, a conclu qu'il serait vain d'essayer d'augmenter soufflet de modèle courant auquel est fixé un tamis métal¬
la pluviosité dans le Sind (province méridionale du Pakistan lique portant des charbons ardents, on introduit de l'air
occidental), où les noyaux hygroscopiques ne sont que trop chaud à haute pression dans le bidon contenant les
s parti¬
paru-

abondants et où le manque de pluviosité est dû à la faible cules de ssl. L'air chaud sort du bidon par un
épaisseur de la couche de nuages. Mais il n'en va pas de tuyau d'échappement entraînant les particules
même dans le Pendjab central et septentrional : là, les de sel auxquelles il imprime une forme ascen¬
noyaux hygroscopiques sont insuffisants, et il existe des for sionnelle suffisante pour qu'elles ne soient pas

49
A 10 ans l'arbre fruitier répondra à la question
emportées par les tourbillons d'air au torchis groupées sur les bords de la vallée, où des sources
ras du sol. Les essais ont montré que, d'eau potable jaillissent des roches calcaires. Le reste de la
EQUATION
grâce à cette méthode, le contenu population, trop pauvre pour s'acheter des vêtements chauds,
(suite) d'un bidon de particules de sel peut avait émigré vers les plaines au climat plus doux. Ceux qui
être projeté dans l'atmosphère en restaient labouraient des champs desséchés, dans l'espoir
moins de trois quarts d'heure, ce qui représente, mathéma¬ que les pluies saisonnières de février et de mars feraient ger¬
tiquement parlant, la projection de près de mille millions de mer la récolte.

particules par seconde. Le dispositif complet revient à 75 rou¬ Lorsque des puits tubulaires auront été installés pour pom¬
pies pakistanaises, soit 8.000 francs environ. per les eaux souterraines dont la présence a été décelée, il
Deux appareils installés, l'un sur le toit de l'Office météo¬ deviendra possible d'irriguer la vallée ; la population s'ac¬
rologique de Lahore, l'autre, sur celui de l'école secondaire de croîtra et, pour la première fois, disposera de ressources suf- ,
Jauharabad, dans la région du Thal (à quelque 300 km à Asantes pour s'habiller chaudement et se chauffer, ce qui
l'ouest-nord-ouest de Lahore), ont fonctionné de l'aube au rendra inutiles les migrations annuelles.
coucher du soleil, les jours de vent d'est, soit au total pen¬ Chaque soir, au coucher du soleil, après avoir fait leurs
dant 39 jours au cours des deux mois que durèrent les essais. observations, les sismologues rangeaient leur matériel, allu¬
' La station de Lahore était dirigée par M. A.M.A. Lateef, celle maient leurs lampes et s'installaient sous la tente devant une
de Jauharabad par M. S. I. Rasool deux jeunes savants collation bien méritée. On n'entendait plus que le bourdon¬
enthousiastes qui avaient travaillé sous les ordres de nement des groupes générateurs portatifs qui rechargeaient
M. Fournier d'Albe depuis le début de sa mission au Pakistan. les batteries pour les « sondages » du lendemain.
L'augmentation de la pluviosité dans les régions ensemen¬
cées permet de croire à l'efficacité de cette méthode. Les sta¬
tistiques montrent que la pluviosité dans les régions ense¬
mencées a été nettement supérieure à la moyenne des qua¬ 330 jours de soleil par an
rante dernières années, dans ces régions et dans les régions
voisines. L'expérience entière n'a pas coûté plus de Quatre semaines de recherches, sur toute la longueur de
5.000 roupies pakistanaises, y compris les traitements du per¬ la vallée, ont permis de dessiner avec précision le pro¬
sonnel et les achats de matériel et de fournitures. Cette fil de la couche souterraine et de déterminer les empla¬
méthode ne dépasse donc pas les possibilités locales. De nou¬ cements des puits tubulaires de façon à obtenir le meilleur
veaux essais sont prévus en 1955, à la même saison, pour rendement. Les sismologues et leurs explosifs ont cédé la
confirmer les résultats de 1954. On espère ainsi pouvoir place aux foreurs et à leurs machines. ''
mettre au point un programme régulier de production de Lorsqu'on a trouvé de l'eau, et installé le dispositif d'irri¬
pluie artificielle pour les régions arides du Pendjab. gation, il semblerait que la tâche des savants et des ingé¬
nieurs soit finie : il n'y a plus qu'à faire pousser les plantes.
Mais, partout dans le monde, dans les régions irriguées, on a
La profondeur se calcule au chronomètre tendance à gaspiller l'eau. Une matière si précieuse doit
être économisée jalousement.
La longue vallée qui va de Nastung, dans l'Etat de Kalat,
à une cinquantaine de kilomètres plus au sud, comprend Combien faut-il d'eau à un arbre fruitier ? C'est au savant
une succession de vergers verdoyants séparés par des de répondre. L'Observatoire de Quetta possède cent arbres
espaces stériles. Les vergers autour de Mästung sont arrosés fruitiers de vingt espèces différentes, soit cinq variétés par
par des sources souterraines profondes ; les champs plus au espèce. On mesure les quantités d'eau fournies à chaque
sud, sont à la merci d'une période de sécheresse. arbre : certains en reçoivent en abondance, d'autres très
peu. Chaque jour, on mesure et on compare la pousse et
Au début de février 1955, le service sismologique de l'Obser¬
l'état général des arbres. Ceux-ci ont maintenant trois ans.
vatoire, sous la direction de M. H.I.S. Thirlaway, expert de
Lorsqu'ils en auront dix, on pourra répondre avec précision
l'Unesco, s'est transporté avec ses instruments dans cette
à la question : « Combien faut-il d'eau à un arbre fruitier ? »
vallée pour déterminer, avec la coopération de la Geological
Ainsi, on pourra ménager et utiliser de façon plus ration¬
Survey of Pakistan, l'épaisseur des couches de gravier
nelle et plus économique les ressources en eau.
aquifère.
Avant la création de l'Observatoire de géophysique de
Cette haute vallée typique, large d'une dizaine de kilomè¬
Quetta, on n'avait jamais mesuré régulièrement au Pakistan
tres, avait été choisie pour servir à cette expérience sur la
la quantité d'énergie que représente le rayonnement solaire
suggestion de M. Chleq, de l'Administration dé l'assistance
à la surface de la terre. La section de physique atmosphé¬
technique des Nations Unies, qui dirigeait une entreprise-
rique, créée à Quetta par M. Fournier d'Albe et ses assistants
pilote dans la même région. Les travaux ont été financés par
pakistanais, a entrepris de mesurer cette énergie, à l'aide de
les autorités du Baloutchistan.
compteurs normaux. Les observations, commencées en octo¬
L'équipe de l'Observatoire, dirigée par M. Moiduddin bre 1952, se poursuivent encore. Elles ont déjà fourni des
Ahmed, et celle de la Geological Survey, conduite par données d'une valeur incomparable, la moyenne des jours
M. Mannan Khan, ont travaillé en coopération, sous l'auto¬ ensoleillés étant à Quetta de 330 par an. M. Shafi Ahmed, qui
rité de M. Thirlaway et de M. Chleq, pour explorer ce qui est s'est spécialisé dans ce domaine, a fait une première analyse
la ressource la plus précieuse du Pakistan : l'eau. de ces données. Celles-ci représentent une documentation de
base indispensable pour toute tentative sérieuse d'exploiter
La méthode employée courante en sismologie est
celle de la réfraction des ondes de choc. On enregistre à une
l'énergie solaire.
station centrale, au moyen d'appareils de détection spéciaux
placés à 30 cm de profondeur, les temps de propagation des
ondes provoquées par une série d'explosions se produisant à On construit son four comme sa maison
des distances comprises entre 90 m et 1,5 km eviron. Les
ondes se propagent à une profondeur qui augmente avec la
MA.M.A. Lateef a mis au point un prototype de four
distance. Ainsi, lorsque l'explosion a lieu à 300 m, les ondes se
solaire, à la fois économique et facile à fabriquer.
propagent à une quinzaine de mètres de profondeur.
C'est un paraboloide d'argile (on trouve de l'argile
Le temps de propagation varie suivant la nature du sous- molle au pied des collines qui entourent Quetta) qui est placé
sol ; il peut être mesuré en millièmes de seconde, l'explosion dans une caisse en bois, revêtue de plaques de fer-blanc poli.
étant enregistrée par la rupture d'un fil électrique enroulé Les aliments sont suspendus ou attachés à une barre, de
autour de la charge de dynamite. La profondeur de la couche façon à se trouver au foyer du paraboloide. Ce prototype,
aquifère est calculée d'après les temps de propagation. légèrement modifié pour répondre aux besoins locaux, sera
Entre 300 et 1.500 mètres de distance, les ondes enregistrées essayé au cours de l'été. Il existe déjà de bons fours solaires,
avaient été transmises par une couche rocheuse, située à une mais ils coûtent trop cher. Le but est d'arriver à ce que cha¬
profondeur de 120 à 180 mètres. La nature du terrain semble cun sache fabriquer son four, comme il sait construire sa
maison.
indiquer que cette couche profonde constitue le socle de la
vallée ; sur ce socle repose la couche de gravier aquifère que
l'on peut exploiter au moyen de puits tubulaires.
M. H.I.S. Thirlaway, séismologiste britannique, est membre du Département de Géo¬
Pendant près de quatre semaines, tous les jours, de l'aube logie de l'Université de Sydney. Depuis 1951, il travaille au Pakistan avec une équipe
au crépuscule, des explosions ébranlèrent à intervalles régu¬ de savants de l'Unesco qui coopère avec les autorités pakistanaises à la mise en
valeur des ressources naturelles du pays, tant au-dessus qu'au-dessous du sol. M. Thir¬
liers le silence séculaire de la vallée. C'était l'hiver, et quel¬ laway a pris une grande part à la création de l'Observatoire de Géophysique de
ques habitants seulement étaient restés dans les maisons de Quetta.

50
Le Courrier. N" 8-9. 1955

Un rêve millénaire...

PLUIE

SUR

MESURE

Une fusée est projetée dans les airs afin d'obtenir la dislocation
d'un tourbillon de grêle, l'obligeant à tomber en pluie avant
qu'il ne provoque de dégâts. Le schéma indique le processus
de l'opération qui tend à la formation, en partant de l'iodure .

d'argent, de myriades de cristaux qui congèlent par leur contact


les gouttelettes d'eau en surfusion dans les nuages. (Docu¬
ments Centre national de Défense contre la Grêle, Paris).

51
PLUIE SUR

MESURE

(Photo General Electric Co., U.S.A.)

Des expériences sont en cours depuis plusieurs


années dans différentes parties du monde pour étu¬
dier la possibilité de provoquer artificiellement des
chutes de pluie. Les appareils les plus modernes sont
employés à cet effet, comme le radar (à droite) qui
permet d'observer la présence de pluie dans les
nuages ensemencés. Des avions sont transformés en
laboratoires-volants et leur nez (ci-dessus) est
équipé pour mesurer les conditions atmosphériques
au cours des expériences d'ensemencement. La photo
d'extrême-droite donne une vue d'un cumulus

ensemencé avec de la neige carbonique 13 minutes


après l'opération : le nuage est monté.en flèche de
plus de 1.600 mètres et la pluie tombe de sa base.

En dépit de nombreuses expériences, dont certaines furent ter » l'eau que renfermaient ces nuages à tomber sur une
spectaculaires, aucune méthode dont l'application per¬ zone où le besoin de pluie se faisait sentir et où les proprié¬
mettrait à coup sûr de provoquer de la pluie n'a été taires acceptaient de payer le prix, au lieu de permettre aux
mise au point. Les périodes de sécheresse demeurent iné¬ nuages de poursuivre leur route et de répandre leur pluie
vitables et les zones arides sont toujours arides. Cela veut ailleurs. Des nuages orageux ont été également attaqués de
dire qu'il n'existe présentement aucune méthode dont l'em¬ façon à faire tomber l'averse plus tôt qu'il n'eût été normal
ploi serait, de façon absolument certaine, couronné de suc¬ et pour éviter que les manifestations orageuses n'entraînent
cès. Et, cependant, de nombreuses expériences sont encou¬ des inondations ou des chutes de grêle.
rageantes. L'Organisation Météorologique Mondiale, dont le Ces cas constituent quelques exemples de ce que l'on consi¬
siège est à Genève et qui est l'une des institutions spéciali¬ dère actuellement comme les conditions les plus promet¬
sées des Nations Unies, a estimé les résultats « non teuses en matière de pluie provoquée. Elles n'ont que peu de.
concluants » ; mais, dans un rapport préliminaire, publié en relations avec les zones où il pleut rarement. Le rapport de
1953, elle a préconisé « d'entreprendre, dans toutes les régions l'Organisation Météorologique Mondiale, basé sur l'étude cri¬
où il existe une possibilité de succès, des expériences nou¬ tique des résultats obtenus dans cinq zones du globe, ren¬
velles, scientifiquement préparées et rigoureusement contrô¬ ferme les mots suivants : « Les conditions météorologiques
lées ».
les plus favorables au déclenchement artificiel des précipi¬
Il est bien établi qu'il existe des limites au-delà desquelles tations doivent être recherchées dans les régions et au cours
tout espoir de provoquer de la pluie serait vain. Avant tout, des saisons où les précipitations naturelles sont les plus pro¬
il faut qu'il y ait des nuages, et il n'est pas du pouvoir de bables. »
l'homme d'en fabriquer. Il existe, d'ailleurs, de nombreux Les méthodes employées pour provoquer des chutes de
types de nuages peu épais et brumeux qui ne peuvent mani¬ pluie sont basées sur deux théories de la formation natu¬
festement pas donner de pluie, naturellement ou artificielle¬ relle de la pluie. La première s'applique, en général, aux
ment. De tels nuages ou encore un ciel clair et brûlant latitudes tempérées et aux latitudes élevées du globe. Ici, le
sont malheureusement caractéristiques des déserts, de sorte phénomène de la formation naturelle de la pluie au sein
que c'est là où l'on a le plus besoin de pluie que l'espoir d'en du nuage débute par l'apparition de cristaux de glace mi¬
provoquer est généralement le plus faible. nuscules dans la partie supérieure froide du nuage qui
En second lieu, les expériences qui ont semblé couronnées s'étend au-dessus du niveau de congélation. Dans certaines
de succès ont été faites sur des « cumulus » bourgeonnants conditions, il peut ne pas exister de cristaux de glace en
et développés en altitude, caractéristiques des orages, et sur nombre suffisant, et, en de tels eas, une introduction arti¬
quelques autres types de nuages qui produisent naturellement ficielle de cristaux de glace dans le nuage peut être un
de la pluie. Aussi l'effort principal a-t-il consisté à « inci- moyen de provoquer de la pluie. De nombreuses expériences

52
Le Courrier. N" 8-9. 1955

(Photos officielles australiennes.)

de pluie provoquée ont donc visé à produire des cristaux coup plus grosses que toutes les gouttelettes constituant ce
de glace dans des nuages de types choisis. nuage. Cela a été réalisé en répandant dans le nuage, soit
de l'eau, soit de très petites particules hygroscopiques (qui
Une méthode bien connue a consisté à « ensemencer » les
absorbent l'eau), telles que des cristaux de sel, qui, sur-le-
nuages avec une substance très froide, communément appe¬
champ, forment des gouttelettes d'eau.
lée carboglace, qui est, en fait, la forme solide ou congelée
du gaz carbonique. Les particules du carboglace tombent en Des résultats encourageants ont été obtenus au Pakistan.
traversant le nuage et laissent derrière elles un sillage d'air Dans la province de la frontière nord-ouest, près de la passe
très froid dans lequel les cristaux se forment spontanément. de Khyber, entre le 25 et le 31 août 1953, des jeeps de l'ar¬
mée de l'Air du Pakistan ont répandu une solution de sel
sur les routes partant de la ville de Mardan. On prévoyait
que le vent transporterait les particules de sel du sol à des
Une autre méthode consiste à introduire dans le nuage milliers de mètres dans l'atmosphère, où elles provoqueraient
de minuscules cristaux d'iodure d'argent. Ceux-ci res¬ la formation de gouttes dans les nuages chargés d'humidité.
semblent aux cristaux de glace du point de vue de la Des observateurs dispersés rapportèrent que, à la suite de
forme et de la structure, et, dans certaines conditions, ont un cette expérience, une hauteur de pluie de cinq centimètres
effet semblable à celui des cristaux de glace. L'iodure d'ar¬ fut relevée dans la zone située autour de Mardan.
gent peut être produit sous forme de fumée par des généra¬
En septembre de la nême année, des essais au cours des¬
teurs au sol ; il peut aussi être emporté par un avion.
quels la solution saline fut répandue directement dans les
La deuxième théorie de la formation naturelle de la pluie nuages, sous forme de fines gouttelettes, furent également
s'applique, en général, mais non exclusivement, aux régions effectués au Pakistan. Quatre des cinq vols exécutés demeu¬
tropicales, où il arrive très souvent que la partie supérieure rèrent sans résultat ; mais au cours du cinquième, l'avion
des nuages n'atteint pas la température de congélation. Ici, laissa derrière lui une succession d'averses tombant trente
le processus de formation de la pluie commence lorsque, ou quarante minutes après qu'il eut ensemencé chaque
dans le nuage, quelques-unes des gouttelettes sont tellement nuage.
plus grosses que toutes les autres qu'elles se meuvent de
façon différente au sein du nuage et, ainsi, entrent en col¬ A en juger d'après ces expériences, et d'autres similaires,
lision avec les plus petites. De cette façon, elles deviennent l'ensemencement des nuages par avion ne semble pas ren¬
plus grosses encore et ce jusqu'à ce qu'elles soient de dimen¬ table dans une zone aussi étendue que le Pakistan
sions suffisantes pour sortir du nuage sous la forme de occidental ; mais l'emploi du sel au sol est très
pluie. C'est pourquoi des expériences ont été conduites en prometteur. Ce que les météorologistes du Pakis¬
vue d'introduire, dans le nuage, des gouttelettes d'eau beau tan espèrent pouvoir réaliser, c'est « tirer » de

53
PLUIE SUR MESURE
(Suite)

la pluie des nuages qui défilent au-dessus du Pakistan occi¬


dental en période de mousson d'été, en utilisant l'action
hygroscopique du sel dans les zones comme le Béloutchistan
et la province frontière du nord-ouest, où il n'existe, norma¬
lement, que très peu de noyaux hygroscopiques dans l'air.
En 1954, au cours d'une nouvelle série d'expériences, une
méthode différente et peu coûteuse d'ensemencement des
nuages fut appliquée au Punjab. (Voir, en page 48, l'article
sur les expériences menées par l'Unesco au Pakistan.)
Dans l'Union sud-africaine, des nuages à une température
inférieure au point de congélation ont été ensemencés avec
de la carboglace, et l'observation du nuage au radar montra
la formation de gouttes de pluie ; mais aucune mesure de
la pluie réellement tombée ne fut effectuée. La preuve fut
ainsi faite que l'ensemencement, avec de la carboglace tout
au moins, active effectivement la précipitation de telle sorte
que celle-ci se produit plus tôt qu'elle n'aurait lieu autre¬
ment. Des expériences ont été faites, aussi, en Afrique orien¬
tale britannique pendant la saison des pluies, de janvier à
avril 1952, expériences au cours desquelles de l'iodure fut
transporté par ballon jusque dans le nuage et dispersé dans
celui-ci par l'explosion de petites charges de poudre. Des
pluviomètres au sol accusèrent une légère augmentation de
la quantité de pluie tombée. Des expériences analogues ont
été faites en utilisant des particules hygroscopiques. Dans
les deux cas, on constata que plus de pluie était tombée à
quelque distance sous le vent du point d'ensemencement,
mais que, à la verticale de ce point, il y avait une diminution
de la hauteur de pluie recueillie.
En Inde, de la neige carbonique et de l'iodure d'argent ont
été tous deux employés pour ensemencer des nuages froids,
et des gouttelettes d'eau ont été dispersées dans les nuages
dont la température était supérieure au point de congéla¬
tion. Ces expériences furent faites au cours de la mousson
d'été, alors que la pluie tombe naturellement, de telle sorte
qu'il fut difficile d'interpréter les résultats.

En Amérique du Sud, de nombreuses expériences ont été


faites. Au-dessus des sierras de Cordoba et de San Luis,
en Argentine, un nuage fut ensemencé à la tempéra¬
ture de C avec de la carboglace, mais il fut impossible
de prouver que cette tentative avait provoqué une chute de
pluie. De même, des expériences furent faites au Pérou sur
des cumulus, mais il fut impossible de dire si la pluie qui en
tomba était naturelle ou provoquée.
En Australie, des conclusions plus solides furent tirées
d'expériences faites sous la direction de M. E.-G. Bowen, de
l'Organisation de la Recherche scientifique et industrielle du
Commonwealth. En ensemençant un « nuage convenable »,
on obtint certainement de la pluie, la quantité variant de
1 mm en bordure de la zone touchée par l'averse à 13 mm
au centre de cette zone. :

En Amérique du Nord, une expérience, qui eut un grand


retentissement, a été tentée par M. Irving Langmuir, dans
le Nouveau-Mexique. M. Langmuir utilisa au sol un généra¬
teur à iodure d'argent et procéda régulièrement à des ense¬
mencements hebdomadaires, employant environ 1 kg d'io-
dure d'argent par semaine, pendant une longue période. Un
grand nombre d'autres expériences ont été faites, et une
étude sérieuse des résultats a fait ressortir un accroissement
significatif de la quantité de pluie (environ 10 % de plus que
la normale). Aussi, la tendance est-elle maintenant de re¬
chercher un accroissement relativement faible de la quan¬
tité de pluie au lieu d'essayer de produire de la pluie là où
. il n'en tombe pas du tout.
Le rapport de l'Organisation Météorologique Mondiale
contient une critique défavorable de la plupart des expé¬
riences passées : celles-ci ne comportent pas de méthode
convenable permettant de mesurer avec exactitude la quan¬
tité de pluie provoquée et de faire le départ entre cette der¬
nière et la pluie naturelle. En conséquence, l'Organisation
recommande, en vue des expériences futures, d'élaborer des
méthodes précises de mesure de la pluie tombée. Il convien¬
dra spécialement et avant tout de considérer chaque opé¬
ration faite sur un nuage comme une expérience scienti¬
fique, qui permettrait de comprendre le rôle des facteurs
essentiels qui concourent à la formation de la pluie et le
mécanisme grâce auquel de la pluie peut être provoquée,
plutôt que comme une opération pratique visant à faire
tomber, séance tenante, de la pluie sur le sol, au-dessous
du nuage.

54
LABORATOIRES

VOLANTS

Depuis I 946, des savants australiens


combinent les expériences de labo¬
ratoire avec celles menées à bord

d'avions pour étudier la pluie arti¬


ficiellement provoquée. (I) Dans la
carlingue, des spécialistes observent
les indications fournies par leurs
Instruments sur les gouttelettes d'eau
contenues dans les nuages. Ces indi¬
cations, recueillies sur une bande de

papier roulant, sont transmises par


un autre appareil (2) accroché à une
aile. Un radar installé dans l'avion

(3) est également utilisé pour étudier


le comportement des nuages. D'autre
part une « chambre à nuages », haute
de 4 mètres (6), reconstitue en labo¬
ratoire les conditions existant à

l'intérieur des nuages. Une cheminée


de bois permet de créer un appel
d'air régulier à l'intérieur de la
chambre vitrée, dans laquelle de
l'eau est projetée. Les gouttelettes
montent avec l'air qui les aspire, se
heurtant puis se combinant les unes
aux autres. Leur comportement est
enregistré (4) par une camera mobile.
Sur cette image, deux gouttes qui
n'en font plus qu'une (à gauche)
commencent à tomber vers la base

du nuage. La photo (5) montre un


courant de sel destiné à ensemencer

les nuages, et projeté d'un avion.


(Photos officielles australiennes.)
Homme-Oiseau de la tribu Toma,
Guinée française, exécutant la danse
des « faiseurs de pluie ». (Copyright
Musée de l'Homme, Paris.)

Masque de cérémonie d'un « faiseur de pluie »


aborigène de l'Australie, (Photo Unesco.)

INVOCATION AUX DIEUX DE L'EAU


Les terres les plus arides du monde ne vaudraient rien et leurs habi¬
tants mourraient de faim si elles n'étaient arrosées par la pluie et
fertilisées par l'Irrigation. De tout temps, le besoin de pluie et la
peur de la sécheresse ont placé en haut rang dans la hiérarchie
des croyances et des mythologies les dieux de la pluie e.t les céré¬
monies célébrant leur culte. Dans la Rome et la Grèce antiques,
Zeus ou Jupiter, brandissant la foudre et le tonnerre, étaient les
dieux de la pluie et de la fertilité. Dans de nombreuses parties du
monde les reptiles, les serpents et les dragons étaient générale¬
ment associés à l'idée de pluie et d'eau. Le dragon chinois, par
exemple, représentait l'eau sous toutes ses formes : la pluie,
source de vie, et les rivières, sans lesquelles la terre serait désolée,
aussi bien que la tempête et la mer, et la marée mystérieuse et le
flux des eaux. En Inde, et ailleurs à travers l'Asie orientale, le dieu-
Tlaloc, dieu de la serpent Naga jouait un rôle similaire. Les Grecs considéraient
le chêne comme l'arbre des dieux et en plongeaient une branche
pluie des Aztè¬
ques. Sur les pla¬ dans l'eau pour provoquer la pluie. Les Romains jetaient des
teaux du Mexique images dans le Tibre et les Teutons aspergaient d'eau une fille
nue. Les Druides se rendaient en procession aux puits et. aux
on ne pouvait sur¬
vivre que si les sources sacrés pour taper sur la surface de l'eau ou en verser sur
cercles de ses des pierres spéciales. Les Hébreux de l'antiquité considéraient la
yeux, les volutes pluie comme une bénédiction accordée par Dieu à ceux qui obéis¬
et les crocs de sa saient à la Loi. Pour les Aztèques, dans le Mexique semi-aride,
moustache le vou¬ Tlaloc, le dieu de la pluie, était une des plus hautes divinités.
laient bien. (Copy¬ Aujourd'hui, les cérémonies et les danses organisées pour faire
right Musée de tomber la pluie existent encore un peu partout dans le monde.
l'Homme, Paris.) Des « faiseurs de pluie » continuent à projeter de l'eau, à utiliser
des flammes pour ¡miter la foudre, à provoquer des nuages de
fumée et à employer des tambours, des claquettes et des grelots
(probablement pour reproduire le grondement du tonnerre ou le
bruit de l'averse). Dans certaines tribus africaines, des cérémonies
semblables durent plusieurs jours et entraînent le sacrifice de
poulets, de chèvres et d'autres animaux pour contenter les dieux.

56
Le Courrier. N» 8-9. 1955

Les Dagons, tribu


duSoudanfrançais,
croient que ces
personnages aux
bras levés relient
la Terre au Ciel et
assurent ainsi d'a¬
bondantes chutes

de pluie. (Musée
de l'Homme, Paris,
copyright Draeger.)

57
LE MYTHE

DES

TROPIQUES
par

W. S. S: Ladell

Il n'y a que les chevaux qui suent; de l'importance. Les glandes sudori-
les messieurs transpirent et les pares commencent à fonctionner, à
dames sont luisantes. Aussi long¬ mesure que la sueur s'évapore par la
temps que l'humanité n'imitera pas le peau, s'élimine la chaleur dont on ne
cheval, il ne saurait y avoir de vie pro¬ pourrait se débarrasser ni par convec¬
ductive sous les Tropiques. Selon toutes tion ni par irradiation.
les indications que fournit la science, Tout ce qui empêche la déperdition
l'homme est un animal tropical. Les de chaleur par ces deux moyens
tests physiologiques n'ont jamais pu réduira donc la température à laquelle
prouver jusqu'ici que le noir soit en entre en jeu le mécanisme de la suda¬
rien mieux adapté que le blanc à la tion; par exemple, une circulation
vie dans les pays chauds; néanmoins, insuffisante de l'air sur la peau ou,
on voit subsister le mythe qui veut que
bien entendu, le vêtement. De même,
les Tropiques ne conviennent pas à lorsque s'accroît la somme totale de
l'homme blanc et que le séjour à ces chaleur qu'il faut perdre, la sudation
latitudes mine l'énergie physique et doit commencer plus tôt; cette chaleur
mentale de ceux qui sont nés dans les excédentaire peut provenir d'un travail
zones tempérées. Au mépris de cette musculaire (on produit deux fois plus
fable, on a pourtant peuplé avec succès de chaleur en marchant à trois kilomè¬
le Queensland et l'on compte dans les
tres-heure qu'en restant paisiblement
Etats du Sud de l'Amérique bien des
assis) ; elle peut aussi être . reçue de
régions prospères qui, en vertu de leur l'extérieur : par exemple, si l'on sta¬
climat, seraient qualifiées de « tropi¬ tionne au soleil quand la chaleur cau¬
cales » si elles se trouvaient situées
sée par la radiation solaire est
ailleurs.
supérieure à celle que produit une
C'est la paresse humaine qui est à promenade à trois kilomètres-heure, ce
la source de ce mythe. Comme les qui arrive.
autres animaux, l'homme produit de la
chaleur; plus il travaille et plus il en
produit. Dans les climats chauds, il
s'agit pour le corps de se débarrasser
de cette chaleur métabolique. Pour y
parvenir, les tissus superficiels s'échauf¬ A condition qu'il s'habille de façon
fent jusqu'à ce qu'ils atteignent la rationnelle, qu'il se tienne à l'abri
température interne du corps, et le du soleil dans un endroit aéré,
sang irrigue la peau qui, de ce fait, et qu'il n'accroisse pas en travaillant
devient rouge et brûlante. Ainsi la production de chaleur, l'homme peut
échauffée, la peau irradie de la chaleur d'ordinaire s'empêcher de suer; mais
vers le milieu plus frais qui l'entoure s'il doit mener sous les Tropiques une
et l'air frais qui caresse la peau absorbe vie productive, il lui faut accepter de
cette chaleur. suer; sur de vastes régions de la terre,
si les gens sont mal nourris, c'est (au
La déperdition de chaleur obtenue
moins en partie) parce que, de par son
par ces deux moyens suffit au début,
mais elle s'effectue plus difficilement à
tempérament, l'homme répugne à suer.
Cette même paresse d'origine physiolo¬
mesure que la température s'élève, et
gique conduit à des difficultés écono¬
quand celle-ci atteint 31 degrés centi¬
grades il faut que l'homme soit inactif
miques, à la saleté, à la maladie, créant
ainsi un cercle vicieux: car ce sont la
et nu pour se débarrasser de sa chaleur
saleté, la maladie et la sous-alimenta¬
métabolique. S'il fait plus chaud, la
température du corps augmente, et le
tion qui tuent, sous les Tropiques, non
point le climat.
troisième mécanisme , de refroidisse¬
ment, l'évaporation de la sueur, prend Les tests prouvent qu'un homme des
climats tempérés réagit mal au travail
dans les pays chauds lorsqu'il s'y essaie
pour la première fois : la dilatation
M. LADELL, physiologiste britannique, a consacré plu¬
sieurs années de recherches à l'influence du cadre
des vaisseaux sanguins superficiels
tropical sur le corps humain. Il est actuellement Direc¬ attire le sang d'autres régions du corps,
teur du Centre de recherches physiologistes sur le cli¬ ce qui accélère les battements du c
mat chaud, à Lagos, dans le Nigeria. M. Ladell est
Copyright et peut provoquer des vomissements ou
également « Senior Medical Resea'ch Officer » du Ser¬
l'évanouissement. La sudation est lon-
vice britannique de recherches coloniales.

58
Le Courrier. N" 8-9. 1955

gue à se déclencher, et n'est point Mais il voit autour de lui les autoch¬ velles et des potins; la nostalgie incite
abondante. Mais, avec l'entraînement, tones s'appliquer .à l'indolence, dormir à boire davantage, si bien que, presque
le corps compense la dilatation des aussi souvent qu'ils le peuvent, éluder à son insu, une communauté d'immi¬
vaisseaux par un accroissement du tout travail physique pénible. L'immi¬ grants se trouve bientôt atteinte d'al¬
volume sanguin, ce qui fait disparaître grant se dit alors qu'ils sont certaine¬ coolisme léger mais chronique et
ces inconvénients; bientôt l'homme sue ment mieux placés pour savoir com¬ contracte ainsi la « neurasthénie tropi¬
plus vite, et plus libéralement : il est ment il faut vivre; il se met donc, lui cale ». Il se pourrait que les meilleurs
« acclimaté à la chaleur ». Des tests aussi, à raccourcir ses heures de travail colons sous les Tropiques soient les
effectués sur des habitants des Tropi¬ et à faire tous les après-midi une lon¬ Musulmans, à qui leur religion inter¬
ques, tant en Asie qu'en Afrique, ont gue sieste d'où il se réveille plus abruti dit l'alcool. Mais il n'est pas besoin
montré, chose surprenante, que ces que revigoré pour reprendre sa journée. d'interdire les boissons alcooliques; il
gens réagissent comme les hommes suffit de reconnaître qu'il est naturel,
non encore entraînés des climats tem¬ qu'il est bon de boire de l'eau quand
pérés, plutôt que comme des individus on transpire, et que c'est là un signe,
« pleinement acclimatés ». non de faiblesse, mais de bon sens.

Il est rare, en effet, que l'indigène Le moyen de mener sous les Tropi¬
des Tropiques travaille dur à la cha¬ ques une vie productive est le même
leur; il préfère en prendre à son aise, En suant, l'homme perd de l'eau, que partout ailleurs : fuir la paresse.
se mouvoir lentement, et faire de fré¬ qu'il lui faut remplacer. Physio- Une communauté qui vit sous les Tro¬
quents petits sommes; il évite de suer logiquement, mieux vaut boire; piques doit être prête à travailler aussi
et réduit au minimum son activité on sue; mais comme on désapprouve dur qu'elle ferait dans un climat tem¬
agricole, vivant autant que faire se souvent celui qui boit quand il tra¬ péré, et ne pas craindre la chaleur.
peut,, comme Adam faisait au Paradis. vaille, c'est le soir que les hommes ont
Il faut enseigner aux gens des Tro¬
L'immigrant en pays tropical, parce à combler d'importants déficits en eau.
piques qu'ils ne sont pas comme le
qu'il travaille et s'amuse énergique- L'eau pure est une boisson bien terne,
bétail qui, faute de pouvoir suer suffi¬
ment, s'acclimate plus complètement; de sorte qu'on a tendance à combler le
déficit avec des boissons alcoolisées
samment, doit se reposer la moitié du
situation paradoxale : il travaille plus
jour pour éviter les coups de chaleur,
facilement à la chaleur que les natifs plus séduisantes; compatriotes et amis
quand ce serait au risque de se laisser,
du pays. se rassemblent pour échanger des nou
mourir de faim. Les hommes sont nés
avec des glandes sudoripares qui leur
permettent de travailler en sécurité à
la chaleur. Il faut avoir accompli le
gros du labeur journalier avant de
faire un somme. Que les communautés
établies dans ces régions deviennent
des sociétés complètement intégrées,
où l'isolement et l'ennui ne soient plus
le lot de chacun une fois achevé le
labeur quotidien, et où l'immigrant ne
soit plus séparé qu'exceptionnellement
de sa femme et de sa famille, alors que
c'est trop souvent la règle.

Il faut lui fournir des distractions,


de façon que l'alcool joue de nouveau
dans la vie son rôle normal : qu'au lieu
d'être pour tous un passe-temps favori,
il redevienne un utile lubrifiant social.
Avec une véritable vie de famille, et
pour peu qu'on facilite l'accès à la
culture, le travailleur intellectuel, lui
aussi, peut jouer son rôle. Mais avant,
tout, il faut accepter de suer; quand
beaucoup de sueur aura coulé, alors,
mais alors seulement, la communauté
sera capable de s'offrir des fantaisies
luxueuses, comme celle d'améliorer le
climat par la climatisation.

59
PARADOXE : UN DÉSERT
SATURÉ D'HUMIDITÉ

Texte et photos

par

Gonzalo

de Reparaz

EN PLEINE ZONE

ARIDE, voici une vallée

caractéristique de la côte
sud du Pérou, non loin

d'Arequipa. Un Institut
de Recherches sur la

Zone Aride est en cours

d'organisation au Pérou,
avec l'aide de l'Unesco,
dans le but de mobiliser

toutes les ressources.de

la science et de la techni¬

que pour rendre produc¬


tifs les 2.500 km de

terres stériles resserrées

entre la côte du Pacifi¬

que et la chaîne des


Andes s'étendant à l'est.

60
Le Courrier. . N" 8-9. 1955

La région côtière du Pérou, cette longue frange de plus de d'eau. Certains sont encore en usage; d'autres sont aban¬
deux mille kilomètres enserrée entre la Cordillère des donnés, comme les terres qu'ils irriguaient autrefois.
Andes et la mer, est une zone aride unique en son genre.
Des bouleversements tout récents en ont fait ce qu'elle est En réalité, cette civilisation n'est pas morte. Jamais les
actuellement, et ces bouleversements continuent. A Lima, le hommes qui cultivent les oasis fluviales de la côte péruvienne
nombre des tremblements de terre est en moyenne de deux n'ont cessé de travailler la terre de leurs lointains ancêtres.
cents par an, mais la plupart de ces séismes ne sont perçus Aujourd'hui encore, ces oasis constituent l'une des plus
et enregistrés que par les sismographes. Ils prouvent simple¬ grandes richesses du pays. Il est vrai que la zone côtière aride
ment combien la croûte terrestre est encore instable, jeune et n'est cultivée que dans une proportion de 3 %, soit en tout
en pleine évolution dans ces régions. un demi-million d'hectares. Mais leur rendement est extraor¬
dinaire, l'un des plus élevés du monde. L'exportation des pro¬
Cette étroite bande littorale qui court d'un bout à l'autre duits de ces oasis (coton, sucre et riz) a représenté en 1953
du pays est traversée par une quarantaine de cours d'eau cinquante et un pour cent des exportations péruviennes.
qui en font la richesse. Ces cours d'eau ont des caractéris¬
tiques communes, au moins dans une bonne partie de la côte; Le coton est appelé au Pérou « l'or blanc », et chaque
coupant la sierra au fond de vallées et de canons, ils s'épan- hectare de blé donne en moyenne une récolte de plus de
dent dans la brève plaine côtière, alimentant des zones bri¬ quatre tonnes par an dans la province d'Arequipa. Mais la
guées plus ou moins vastes. surface cultivée est insuffisante, il est
donc indispensable
d'exploiter au maximum la zone côtière en étendant les oasis
Vus du haut des airs, ils forment des rubans longs et jusqu'à la limite des possibilités et en tirant parti des régions
semi-arides grâce aux
techniques nouvelles de
travail des sols.

Dans le développe¬
ment de cette zone
côtière, les ressources
d'eau souterraine qu'u¬
tilisaient autrefois les
Indiens sont d'une im¬
portance primordiale.
Dans le Pérou méridio¬
nal, là où il n'y avait
que le sable et le dé¬
sert, les exploitations
agricoles ont surgi com¬
me des champignons
ces trois dernières an¬
nées. Ce sont les eaux
sous-jacentes qui ont
permis la plantation
d'un nombre considé¬
rable d'hectares de co¬
ton. Dans la pampa de
Los Castillos, près d'Ica,
quatre cents puits ont
été forés pendant la
dernière décade. Des
études plus approfon¬
dies de ces eaux sou¬
terraines sont néces¬
saires afin d'exploiter
plus complètement leurs
ressources. C'est pour¬
quoi l'Unesco a accordé
une bourse à un ingé¬
nieur agronome péru¬
vien pour qu'il puisse
UNE VALLÉE TYPIQUE de la zone aride du Pérou : le rio Ocona. Une de ces rivières côtières dont une partie des se spécialiser en Inde
eaux abondantes pendant certains mois de l'année se perd dans la mer, mais qui pourraient permettre d'agrandir et en Californie dans la
les riches oasis fluviales de la région. Des travaux sont actuellement entrepris dans ce but. Il y a des siècles, les Indiens recherche et l'utilisa¬
amenaient de l'eau dans cette région grâce à des centaines de km de canaux, dont quelques-uns sont encore en usage. tion des eaux souter¬
raines.

encaissés, quelquefois bordés de terrains cultivés adossés à Mais comment ces eaux peuvent-elles exister sous ces
chaque berge, s'élargissant dans la plaine. Mais il n'y a pas terres arides? Elles proviennent en partie d'infiltrations de
que l'eau des rivières. Il y a aussi l'eau souterraine, que les cours d'eaux descendant des Andes. Mais aussi, et dans une
Indiens ont connue bien avant l'arrivée des Espagnols. proportion non négligeable, des brouillards si épais qui carac¬
térisent une partie de la côte et qui, condensés, pénètrent
Les archéologues ont trouvé les vestiges d'une civilisation sous terre.
agraire complexe qui a permis le développement d'une haute
culture. Les de ses artistes, de ses ingénieurs hydro¬ La côte péruvienne, en apparence si uniforme, a plusieurs
logues prouvent toute l'étendue des talents des Indiens. C'est climats très différents. Dans le Nord, l'extrême sécheresse
grâce à ces ingénieurs qu'ont été construits, souvent dans les ambiante contraste avec l'humidité du sous-sol, ce qui per¬
conditions les plus difficiles, des centaines de kilomètres de met à une végétation steppique de s'étendre sur de vastes
canaux qui ont permis d'arroser les terres arides de la côte. étendues. Plus au Sud, surtout dans la partie centrale de la
Ces canaux allaient chercher de l'eau en pleine Cordillère des côte qui environne Lima, un ciel gris cache le soleil pendant
Andes, parfois à cent kilomètres et plus; en amont des cours plusieurs mois de l'année : on assiste alors au paradoxe d'un
pays sans pluie et très aride dont l'atmosphère est constam¬
ment saturée d'humidité.
Le professeur DE REPARAZ, géographe et cartographe portuguais, a consacré de
nombreuses années à l'étude de la climatologie et de la géographie économique de
I Amérique latine et de la péninsule ibérique. Il est le chef de la Mission d'assistance
technique de l'Unesco au Pérou. Le professeur de Reparaz est l'auteur de nombreux
ouvrages sur la géographie, la climatologie et l'économie latino-américaines et ibé¬
riques. Il a écrit également des livres sur l'artá l'histoire et la littérature de ces pays.
Plus avant vers le Sud, le tableau change une
fois de plus du tout au tout. Là, le soleil règne
en maître absolu et la sécheresse de l'air atteint
*
61
à cause de ces deux facteurs, courant superficiel et eaux de
DÉSERT SATURE D'HUMIDITE (suite) profondeur, que le climat de cette région subtropicale est
infiniment moins chaud qu'il ne devrait l'être normalement.
C'est à cause d'eux que la terre est aride.
un maximum. La « ville blanche » d'Arequipa, au pied de ses
Aride, mais non désertique, car la plupart des sols de cette
trois volcans éteints et couverts de neige, est la capitale de ce
zone côtière donnent des récoltes excellentes dès qu'un peu
royaume du soleil.
d'eau vient éteindre leur soif. Et beaucoup peut être fait
Dans chacune de ces trois régions si différentes, l'homme
pour transformer une bonne partie de cette zone aride en
lutte dans des conditions très diverses. Dans le Nord, les
région productrice.
, solutions seront sans doute les plus simples, car la dévia¬
tion des eaux des rivières voisines de la frontière de l'Equa¬ Enfin, c'est aussi à ces eaux exceptionnellement froides
teur offre de grandes possibilités. Pour arroser l'oasis flu¬ qu'est due l'extraordinaire richesse de l'Océan le long du
viale de Piuria, jusqu'alors toujours à court d'eau, on vient littoral. Peu de mers offrent le spectacle d'une vie compa¬
de dévier le Quiroz. Dès la première année, l'acroissement de rable à celle-ci, et les meilleurs témoins de cette abondance
la production du coton avait couvert les frais de construction sont ces oiseaux à guano qui fourmillent sur le chapelet
du canal, fait unique au monde. Plus au Sud, les rios Chan- d'îlots que l'on trouve tout au long de la côte.
cay, Santa et d'autres encore offrent également de vastes Sans la richesse inouïe, mais non inépuisable, de ces eaux,
possibilités. comment satisfaire l'appétit vorace des trente à quarante
Au bénéfice du rio San Juan, on a dévié, il y a quelques millions d'oiseaux (leur nombre varie avec les années), pro¬
années, l'eau de quel¬ ducteurs du précieux
ques lagunes de la Cor¬ engrais connu sous le
dillère, à plus de quatre nom de guano. La den-
mille mètres, qui se ' sité de la population de
ces îles minuscules est
déversaient auparavant 200.000 HABITANTS A L'HECTARE
dans le bassin de fantastique, si bien
l'Amazone. On va faire qu'à certains moments,
de même maintenant les oiseaux à guano,
pour le rio lea, travaux guyanes, piqueros et
d'Hercule qui permet¬ alcatraces ou pélicans,
tront d'étendre les oa¬ atteignent le chiffre
sis et d'accroître la pro¬ presque incroyable de
duction. deux cent mille à l'hec¬
tare.
Mais la réalisation de

ce projet est encore in¬ C'est grâce à cette


suffisante, à l'heure ac¬ richesse de l'Océan que
tuelle, pour les besoins trois cent mille tonnes
du pays. Aussi des plans de guano ou presque
plus vastes s'ébauchent. ont pu- être tirées de
Tels par exemple ceux ces îles ces dernières
des gens d'Arequipa, . années par la Compa¬
qui s'attaquent à la so¬ gnie Péruvienne de
40 MILLIONS D'OISEAUX DE MER s'ébattent sur le rivage des îles de
lution des problèmes Guano. Or, de nos
la côte du Pérou. Ce sont de grands producteurs de guano (près de
que la nature leur pose 300.000 tonnes par an), engrais indispensable à la prospérité des oasis de jours, comme du temps
avec courage, hardiesse la zone aride péruvienne, qui est protégée aujourd'hui par le Gouvernement. des anciennes civilisa¬
et énergie. Leurs pro¬ Les oiseaux se nourrissent d'anchoveta, d'anchois qui abonde dans ces eaux. tions indiennes, le gua¬
blèmes sont d'une tout no constitue l'une des
autre envergure que bases de la prospérité
ceux du Nord ou même des cultures de la zone
du centre. Arequipa, côtière du Pérou, élé¬
surpeuplée et où la ment indispensable à la
pression démographi¬ survie des oasis.
que va en augmentant
La production de la
de jour en jour, voit af¬
fluer en nombre crois¬ frange côtière du Pérou
sant les habitants du ne représente qu'une
fraction de ce qu'elle
haut plateau andin (de
la région de Puno aux pourrait être si les tech¬
rives péruviennes du niques modernes de la
lac Titicaca), lui aussi mise en exploitation
des zones arides étaient
surpeuplé.
employées.
J'ai survolé récem¬

ment les pampas de la Nous entrons dans

Joya, de Sihuas et des une ère de planifica¬


Majes, qui constituent tion géographique, et
l'espoir de la « ville blanche » d'Arequipa et qui s'étendent de nombreuses expériences de mise en valeur de vallées ont
au nord de celle-ci sur des centaines de milliers d'hectares. montré comment des régions entières ont pu être ainsi trans¬
Aujourd'hui solitaires, ces vastes étendues seront parfaite¬ formées. Or, il existe peu d'endroits où cette planification
ment cultivables le jour où l'on pourra y amener l'eau des géographique puisse espérer de meilleurs résultats que la côte
rios Sihuas et Majes. Au-delà se trouve l'immense canon du du Pérou.

Majes, plus profond que celui du Colorado, puisqu'en certains


Les problèmes à résoudre sont nombreux, et de longues
endroits il atteint trois mille mètres de profondeur. Ici, au
recherches seront nécessaires. Des investigations géographi¬
fond de cette gorge sauvage et déserte, coule le cours d'eau"
ques, climatiques, hydrauliques, des études approfondies des
le plus important du sud du Pérou. C'est là qu'il faudra aller
sols et de leurs caractéristiques, des eaux souterraines, de
chercher l'eau qui arrosera un jour les pampas d'Arequipa
l'énergie éolienne, doivent être menées à bien avant d'établir
grâce à cent ou deux cents kilomètres de canaux percés à
la planification définitive.
travers l'une des régions les plus abruptes du monde.
L'aridité de ces régions du Pérou est surtout le fait du Afin de l'aider à franchir la première étape vers la réali¬
Courant de Humboldt, ce courant froid qui longe le littoral sation de ces projets, l'Unesco collabore avec le gouvernement
du Sud au Nord. Mais pas exclusivement, car les eaux de du Pérou dans la création de l'Institut de la Zone Aride, qui
grande profondeur, encore plus froides, qui remontent vers permettra de cordonner tous les efforts déployés dans cette
la surface le long des côtes, y sont aussi pour beaucoup. C'est région du monde pour résoudre les problèmes de la zone aride.

62
Le Courrier. N" 8-9. 1955

LA TERRE A SOIF (Suite de la page 5)

of Science, et s'est joint à elle dans les mandes d'assistance des Etats mem¬
réunions internationales relatives aux avant tout aux besoins de l'hygiène.
bres pour la mise en huvre de projets Mais sur le quart du globe, les hommes
problèmes de la zone aride qui ont eu relatifs au développement de la zone
lieu à Albuquerque et à Socorro, Nou¬ manquent d'eau, et tous les problèmes
aride : un Institut de Géophysique a dont nous venons de parler sont pour
veau Mexique. Cette série de réunions été créé au Pakistan et un Institut eux question de vie ou de mort. Or il
avait attiré près de cinq cents savants
d'Hydrogéologie en Turquie. Une mis¬ est urgent de les résoudre, et tout ce
venus de vingt-huit pays différents, sion de l'Unesco est en train de créer
ainsi qu'un grand nombre de cultiva¬ que peut faire l'Unesco n'est que peu
au Mexique un Institut de recherche de chose en regard de la tâche à ac¬
teurs et d'hommes d'affaires habitant
sur la physique atmosphérique et complir.
les régions arides du Sud-Ouest amé¬ l'hydrologie, en vue de mieux utiliser
ricain. On est frappé, par exemple, quand
les pluies et d'en accroître le volume. Le
on voit que les savants et les habitants
L'Unesco participera en 1956 à une Pérou a demandé qu'on l'aide à créer
de la zone aride des Etats-Unis réunis
réunion mondiale sur l'application de un Institut de recherche pour l'étude
à Socorro ont voté plus de trente réso¬
. l'énergie solaire qui aura lieu à Phoenix des conditions du désert péruvien. Des
lutions pour demander qu'on intensifie
(Arizona, Etats-Unis). spécialistes ont été également envoyés la recherche et l'enseignement dans
a l'Institut des Recherches sur le désert
D'autres départements de l'Unesco
chacune des disciplines scientifiques
d'Héliopolis (Egypte), pour aider à en
intéressées. Tous ont souligné la néces¬
travaillent activement, eux aussi, à développer l'activité, et une enquête a sité d'appliquer les connaissances
éveiller l'intérêt du public sur les pro¬ été faite en Israël sur l'énergie éolienne. scientifiques déjà acquises à l'améliora¬
blèmes des régions arides. Le Service
tion des terres arides et à l'éducation
des Echanges de personnes accorde
Les villes sont des populations qui y vivent. Pendant
les ans un certain nombre de
que la recherche se poursuit active¬
bourses qui permettent à des personnes de grands déserts ment, ce serait déjà beaucoup que
originaires de ces pays de se rendre à
d'employer les moyens d'éducation et
l'étranger pour s'y former à de nou¬ Les habitants des grandes villes d'information dont on dispose à encou¬
velles techniques et procéder à des ignorent ce qui touche au dé¬ rager les habitants des régions arides
échanges d'informations, et rendre
sert, sans se rendre compte que à appliquer à leurs terres et à leurs
compte de leurs expériences. Le Dépar¬ leurs villes elles-mêmes ne sont que de communautés le fruit de ce travail
tement de l'Assistance Technique de grands déserts de pierre où tout ce qui scientifique,' et de marcher ainsi à la
l'Unesco, pour sa part, répond aux de se mange s'achète et où l'eau sert conquête du désert.

Il est possible d'amener des rats-kangourous à boire en


LE CHAMEAU (Suite de la page -32) leur donnant des aliments qui provoquent la formation d'une
quantité relativement abondante de déchets, sans fournir
suffisamment d'eau pour leur élimination. Tel est le cas des
aliments secs riches en protéines : ils produisent dans le
supposer qu'ils ne boivent jamais. Par exemple, on rencontre
métabolisme une certaine quantité d'urée qui doit être éli¬
les gazelles du désert loin des points d'eau; elles doivent minée par les reins.
nécessairement subsister avec l'eau qu'elles trouvent dans la
maigre végétation qu'elles broutent. Les animaux carnivores,
tels que le renard du désert, tirent une importante quantité
. d'eau du sang et des liquides intertitiels de leurs proies. Cer¬
tains petits rongeurs se nourrissent de matières végétales L'eau de mer fait grossir le rat
riches en sucs et de cactus, mais d'autres animaux extrême¬
ment intéressants n'absorbent que des aliments secs.
Nous avons donné à des rats-kangourous des graines'
Parmi ces derniers figurent les gerboises des déserts de sèches de soja qui renferment 40 % de protéines; ils
l'Ancien continent et les rats-kangourous des déserts amé¬ buvaient alors l'eau qui leur était offerte. Cela nous a
ricains. Ces rongeurs se ressemblent assez par leur aspect conduits à rechercher si les rats-kangourous peuvent boire
extérieur et par leurs habitudes bien qu'ils ne soient pas de l'eau de mer. Les autres animaux ne supportent pas l'eau
étroitement apparentés. On les capture facilement; lorsqu'ils de mer parce que leur organisme est incapable de faire face
vivent en captivité, il est inutile de leur donner à boire. En à une augmentation importante de la salinité. En fait, un
fait, ils ne boivent pas, même si on leur offre de l'eau.' Ils naufragé dépourvu d'eau douce qui essaierait de boire de
peuvent vivre des mois et des mois en ne mangeant que des l'eau de mer se trouverait dans un état pire que s'il ne buvait
matières végétales et des graines sèches, comme ils le font pas du tout.
dans leur désert natal. Ils ne perdent pas de poids et la Nous avons offert aux rats-kangourous de l'eau de mer
teneur en eau de leur organisme ne diminue pas; en d'au¬
avec les graines de soja, et nous avons constaté que, non
tres termes, ils n'ont aucune réserve d'eau leur permettant
seulement ils gardaient leur poids, mais encore que ce régime
de traverser les périodes de pénurie d'eau.
plutôt rigoureux les faisait grossir. Bien entendu, dans le
Ces animaux contiennent autant d'eau que les autres désert qui est son habitat naturel, le rat-kangourou n'a guère
mammifères, soit les deux tiers environ de leur poids. Lors¬ l'occasion de boire de l'eau de mer; mais l'expérience
qu'ils respirent, ils exhalent de la vapeur d'eau par leurs montre qu'en buvant une telle eau il peut se porter aussi
poumons, et leurs reins utilisent de l'eau pour produire de bien que sans eau du tout.
l'urine. Leur organisme perd donc continuellement de l'eau.
Dans la plupart des pays où la vache est un élément
D'où provient-elle ?
important de la production agricole, des centres de recher¬
Les expériences auxquelles ces animaux ont été soumis ches et des stations et fermes d'essais étudient les problèmes
nous ont permis de constater que les gerboises, comme les présentant une importance scientifique et économique. Il
rats-kangourous, utilisent presque exclusivement l'eau que n'en va pas de même pour le chameau, bien que, pour des
forme dans leur organisme l'oxydation des aliments. Cette millions de gens répandus sur d'immenses régions, cet animal
eau d'oxydation est produite par le métabolisme de toute vie soit d'une importance capitale tant comme bête de somme
animale, et non par quelque phénomène chimique secret; que comme producteur de viande, de lait, de cuir et de laine,
sa quantité dépend uniquement de la composition des
On nous a souvent demandé quelle était la valeur pratique
aliments. Comme dans un moteur d'automobile, où la
de nos recherches sur les animaux du désert. Bien que notre
combustion provoque la formation d'eau, la quantité d'eau principal objectif soit d'enrichir les connaissances scienti¬
produite correspond rigoureusement à la quantité d'hydro¬
fiques fondamentales dans un domaine passionnant, on
gène entrant dans, la composition chimique du combustible.
comprendra sans peine que ces connaissances sont indispen¬
Le fait que les rats du désert se contentent de cet appro¬ sables à l'étude des problèmes pratiques que pose, par exem¬
visionnement en eau très limité s'explique par leurs méca¬ ple, la mise en valeur rationnelle des ressources agricoles des
nismes d'économie de l'eau. Ces animaux ne perdent par régions arides.
evaporation que la moitié de la quantité d'eau que perd un
ïat ordinaire. Us ne forment que très peu d'urine, mais
(Cet article est copyright et ne doit
celle-ci est extrêmement concentrée. Enfin, la perte d'eau par pas être reproduit sans autorisation
les excréments est réduite au minimum. préalable.)

63
Nos lecteurs nous écrivent
...en toute franchise.

De Jay Gluck, Orient Digests, Tokio pays d'origine ou même d'appren¬


De Daniel Taine, Cambrai (Nord).
(Japon). dre qu'il s'agissait d'un... Français !
Dans ce sens, j'approuve l'idée
Je vous saurais gré de m'indiquer
que vous avez eue de faire paraître
Je suis un fidèle lecteur du « Cour¬ un moyen pour me procurer le li¬ une série de photos « d'étrangers »
rier ». Aussi ai-je été quelque peu vre : « Albert Einstein, philosopher- qui, en réalité, étaient tous Britan¬
contrarié quand vous avez adopté un scientist », publié aux Etats-Unis niques.
format plus réduit. Mais les extra¬ en l'honneur de M. Einstein et pour
ordinaires progrès réalisés par votre ses soixante-dix ans. Ayant eu l'occasion de voyager
revue, tant pour la qualité que pour dans dix pays d'Europe, j'ai ainsi
NOTE DE LA REDACTION : Cet ouvrage,
l'intérêt des articles, ont dissipé été « supposé » successivement :
ainsi que tout autre de nature scientifique,
mon désappointement. Maintenant, éducative ou culturelle, peut être obtenu en Suédois, Anglais, Allemand, et, plus
je ne voudrais plus vous voir revenir se procurant en monnaie locale des Bons rarement, ' Français ! La notion
en arrière. Votre numéro sur les Iles de livres Unesco. En France, on peut s'a¬
dresser à la Direction des Bibliothèques d'étranger tend à perdre de sa va¬
du Pacifique était particulièrement de France, Service des Bons Unesco, 61, rue leur et c'est tant mieux pour les
remarquable. Comme il m'aurait été de Richelieu, Paris (2e). Le sustéme des
jeunes qui voyagent de plus en plus
Bons de livres Unesco fonctionne actuel¬
utile au collège, quand j'étudiais et réussissent à modifier ou même
lement dans 33 peys. Pour obtenir tous
l'anthropologie ! détails, écrire au Service des Bons de à oublier leurs stéréotypes erronés.
livres , Unesco, Í9, avenue Kléber, Paris
W').
De C.-M. Cather, Torquay (Angle¬
terre).
De Forman Brown, Turnabout
Theatre, Los Angeles. De R. Galletti, Enghien-les-Bains
...Moi aussi, j'aimerais beaucoup
(France).
voir « le Courrier de l'Unesco » im¬
J'ai été à la fois très intéressé et primé en espéranto...
Bravo pour votre formule du nu¬
un peu consterné par votre numéro
méro spécial mensuel. Ceci nous
de juin sur les marionnettes. La
repose tellement de cet éparpille- De Hennyin Wong, Djl. Prof. Dr.
consternation était occasionnée par Latumeten 1/15, Djakarta (Indoné¬
ment des hebdomadaires bariolés
votre affirmation que « il n'y a pas voués au culte des fantoches de la sie).
de théâtres publics permanents de
politique et de l'écran !...
marionnettes aux U.S.A. ». La trou¬ L'autre jour, me trouvant dans
pe des « Marionnettistes de Yale », une librairie, je suis tombé sur vo¬
qui comprenait Harry Burnett, Ri¬ tre revue. D'abord, je fus attiré par
chard Brandon et moi-même, a été De M. Giloteaiix, secrétaire de Lille-
sa séduisante et belle couverture.
créée en 1927, et nous avons consa¬ Espéranto, Roubaix (France).
En l'ouvrant, je fus impressionné
cré notre vie à l'art des marion¬ par les titres et les articles...
nettes. Nous avons installé le Olvera La lecture du N° 6 de votre revue
Street Theatre à Los Angeles en (L'Etranger) m'a inspiré les quel¬ J'ai beaucoup aimé les articles,
1929, où nous avons joué pendant ques lignes suivantes, qui pourraient comme par exemple celui sur « La
deux bonnes années. intéresser vos lecteurs en ce sens faim de la terre au sommet des An¬
qu'elles complètent sur un point des », le « Polygone de la Séche¬
En 1933, au Puppet Show de particulier votre article. resse du Brésil », « Don Quichotte
New York, nous avons joué six mois, de la Radio », « L'art des Mochi¬
le 10 juillet 1941, nous avons créé Dans un congrès international cas ». J'ai beaucoup aimé également
le présent théâtre et nous en som¬ d'espéranto, tel que celui de Bologne les photos, qui sont particulièrement
mes à notre quinzième année consé¬ (Italie), il se passe une chose qui bonnes. Votre revue tient un juste
cutive de représentations. Celle de ce complète parfaitement le thème dé¬ milieu et garde son unité.
soir est la 4.163*. Nous avons produit veloppé dans votre numéro : « On
au cours de ces quinze ans huit a l'impression qu'il n'y a plus J'aimerais correspondre avec des
spectacles musicaux complets ali¬ d'étrangers ! » En effet, les quelque « amis de plume » dans différents
gnant de 20 à 60 marionnettes, et, 2.000 délégués de trente pays, qui pays étrangers, et j'espère que « le
comme ces spectacles . sont conçus participent habituellement à ces Courrier de l'Unesco » m'aidera
strictement pour des audiences congrès annuels, utilisent unique¬ dans ce sens. Je suis de nationalité
d'adultes, nous n'en sommes pas peu ment la langue espéranto dans leurs indonésienne et désirerais corres¬
fiers. Nous avons déjà joué devant exposés ou dans leurs conversations pondre en anglais. Mes goûts me
un demi-million de spectateurs, amicales. Il m'est arrivé très souvent portent vers les timbres-poste, les
dans un théâtre contenant 172 de discuter ainsi avec un congres¬ cartes postales, la lecture et les
places. siste, sans pouvoir reconnaître son sports.

LISTE DES AGENTS GÉNÉRAUX DE. L'UNESCO


L'édition française du «Courrier» est en vente Cambodge : Librairie Albert Portail, 14, Hongrie : « Kultura », P.O. Box 1 49, Buda¬ Librairie de l'Université, Case Postale 72
chez les agents généraux de ¡'Unesco dont voici Avenue Boulloche, Phnom-Penh. pest 62. Fribourg. Librairie Barbián et Saladin, I 0
la liste. Pour les autres distributeurs, voir tes Canada : Periodica, Inc. 5112, avenue Iran : Commission nationale iranienne pour rue Romont, Fribourg, et Librairie Payot
éditions anglaise et espagnole du « Courrier ». Papineau, Montréal 34. l'Unesco, Avenue du Musée, Téhéran. place Molard, Genève. (Fr. suisses 3 90).
Congo Belge : Librairie de Lannoy, 15 Israël : Blumstein's Bookstores Ltd., P.O. Syrie : Librairie Universelle, Damas.
rue de Tilleul, Genval, Belgique. Box 5154, 35, Allenby Road, Tel-Aviv. Tchécoslovaquie : Artia, Ltd., 30 ve
' Italie : G.C. Sansoni, via Gino Capponî 26, Smeckach, Prague 2
Chypre : M. E. Constantinides, P.O.B. 473,
Tunisie : Victor Boukhors, 4, rue Nocard,
Nicosia. Casella postale 552, Florence.
Algérie : Noël Schumann, Editions de Tunis.
Egypte : La Renaissance d'Egypte, 9, rue Laos : (Voir Vietnam).
l'Empire, 28, rue Michelet, Alger. Turquie : Librairie Hachette, 469, Istiklal
Adly-Pasha, Le Caire. Liban : Librairie Universelle, Avenue des
Allemagne : Unesco Vertrieb für Deutsch¬ Caddesi, Beyoglu, Istanbul.
France : Vente en gros : Division des Ventes Français, Beyrouth.
land, R. Oldenbourg, Rosenheimesstrasse Vietnam : Librairie Nouvelle A. Portail,
Unesco, 19, av. Kléber. Paris- 16e. Vente Luxembourg : Librairie Paul Brück, 33, B.P 283, Saigon.
145, Munich.
au aetail: C.C.P. Paris 1 2598-48 Librairie Grande-Rue, Luxembourg. Yougoslavie : Jugoslovenska Knjiga, Tera-
Antilles françaises : J. Bocage, Librairie,
Unesco.
rue Lavoir, Fort-de-France (Martinique). Portugal ; Publicaçoes Europa-América zije 27/1 I, Belgrade
Belgique : Librairie Encyclopédique, 7, rue Grèce : H. Kauffmann, 28, rue du Stade, Ltda, Rua das Flores, 45, Lisbonne. (30$0Q)
Athènes.
du Luxembourg, Bruxelles IV. (Fr. B. 60) Suisse alémanique : Europa Verlag,' 5 Changement d'adresse î nous avertir
et M. Louis de Lannoy, 15, rue de Haïti : Librairie « A la Caravelle », 36, rue Rämistrasse, Zurich. Suisse romande:
en ¡oignant ta dernière bande.
Tilleul, Genval. Roux, Port-au-Prince. Librairie Antoine Dousse, anciennement

Pour Vont autre pays, renseignements l'Unesco, 19, avenue Kléber, Paris.
64
Le Courrier. N" 8-9. 1955

SAHARA is««*)

cordonnière à Méderdra (Maurita¬


nie) sur son sac à riz, au ciur de
ses ornements :

Tous les hommes de mauvais rang vont


[te convoiter l

A ceux-là, je ne répondrai même pas.


Car l'homme de bien n'oserait te
[demander I

Un sac à effets du Tamesnar (Toua¬


reg), cousu à très petits points, excisé
de soleils, de lézards, d'étoiles et des
« sourcils du diable » était tout entier
un message d'amour. Il se lisait et il
voulait dire :

Que les astres t'accompagnent et gui-


[dent ta rouïe I

Dans cette natte de Mauritanie, on retrouve Peau par un chemin zigzagant. La matière premiere est Que la sagesse des anciens soit en toi !
faite de tiges de graminées, d'alfa, soutenues très souvent par de fins lacets de cuir qui sont peints
Que les Peuples du Vide s'éloignent de
après le tressage. (Ces quatre photos sont copyright par l'auteur de l'article, Jean Gabus.)
[ton chemin 1

Un texte très court avouait cette ten¬


dresse inquiète sur une frange :

Celle nommée Takduahi salue beaucoup


[Mertar.

Le Bon Dieu seul sait comment il laut


regarder les yeux de Mertar !

Un même amour s'exprimait en tifi-


nar sur la garde d'un poignard de
I'Adrar des Ifor as :

J'aime Touantine.

D'autres signaient une « tassoufra »


ou un coussin comme un peintre sa
toile ;

Ceci est de moi, Amadi t

Mais nous échappions mieux encore


à cette sorte de hantise des surfaces
géométriques, à l'austérité de ces lignes,
quand Fathimatou nous expliquait :
« Voici des fleurs, je les ai vues sur les
Outils utilisés pour travailler une calebasse : rideaux du commandant !... Voici Lim-
Quant au palanquin du Hoggar, dont voici un
un poinçon et un couteau avec de Pecoree détail, il est incrusté d'argent et comporte des guenfé, la servante. Tu vois, elle est à
tamaris découpée en fines lanières appliques de cuivre très décoratives. genoux et file de la laine! »

De cette écriture de l'art nomade


nous ne connaissions pas tous
les signes, nous traduisions mal, nous
disions : « Voici des triangles, voici des
cercles, voci d'autres courbes ! »

Or, ces triangles tout juste recon-


naissables parce qu'ils sont plus petits
que les autres ! sont les fleurs des
cretonnes des grands magasins et ces
courbes, ces spirales opulentes et jume¬
lées se nomment : Limguenfé ! La ser¬
vante s'y reconnaissait. Elle touchait
délicatement le motif, son « portrait »,
ignorait les autres et disait avec or¬
gueil : « C'est moi ! »

Malraux répondait à cette question :

« Qu'est-ce que l'art ? », par cette pru¬


dente formule : « Ce par .quoi les
formes deviennent style. »

Nous pourrions peut-être ajouter à


cette définition ces peurs et ces joies
que les artisans sahariens traduisent
discrètement par des scorpions ou des
vipères, par des étoiles ou des soleils,
par cette foi même naïve en leur
art 'qu'ils avouent dans leurs messages
écrits ou par leur signature et nous
sentirons des contacts étroits, j'allais
Les Mozabites prennent leur propre maison comme sujet pour décorer leurs tissages. Voici, de gauche écrire entre des artistes de leur monae
à droite et de bas en haut : la petite table, les bougies dans le chandelier, les peignes, le scorpion, et du nôtre, mais simplement entre aes
le doigt ou « doigt de Tunis », la clé. Les sujets se répètent dans la moitié droite de la natte. hommes.

65
Latitudes et Longitudes...
construction des régions dévas¬ -A- PERSONNES DEPLA¬
Jl KADUCTIONS: L'Unesco nationale de la Musique
CEES. Un rideau de chiffres
contemporaine enregistrée » tées. On espère ainsi réduire
s'occupe de faire traduire dans masque souvent au monde les
et une « Collection univer¬ sensiblement à l'avenir les dom¬
les langues de grande diffusion vrais problèmes des réfugiés.
des ouvres d'écrivains contem¬ selle de Musique populaire mages causés aux biens et aux
enregistrée. » L'Anthologie personnes par les tremblements Il y avait vingt-deux millions
porains rédigées dans des lan¬ de réfugiés à la fin de la
est consacrée à des composi¬ de terre qui se produisent en
gues peu répandues ou difficile¬ deuxième guerre mondiale,
ment accessibles. Ces teurs de trente pays dont les Turquie environ une fois par an.
iuvres n'ont pas été encore puis vingt-neuf millions en
sont choisies par le Secrétariat
enregistrées ou sont mal re¬ 1952. Un groupe de sociolo¬
sur une liste établie et présen¬
présentées dans les catalo¬ * VOYAGES D'ETUDE : gues a tiré de cette masse
tée par le Pen Club internatio¬ amorphe de réfugiés et de
gues existants. Quinze horticulteurs ont
nal après consultation des cen¬
Quant à la nouvelle édition quitté Bâle le 28 août pour personnes déplacées l'image
tres locaux du Pen Club. En
un voyage d'étude de douse réelle d'hommes et de fem¬
1954, le choix a porté sur les de disques de musique popu¬
laire, les chants et les danses jours- en Allemagne et au mes qui sont parvenus à
littératures orientales. Les ou¬
y seront classés, non par Danemark. Ce voyage s'ef¬ prendre racine dans une nou¬
vrages retenus ont été les sui¬ velle vie. Les résultats de
vants : Kikyo, d'Osaragi Jiro pays ou par groupes ethni- fectue dans le cadre du pro-
l'enquête à laquelle ces- sa¬
(Japon); Yukiguni, de Kawa vants se sont livrés font l'ob¬
bata Yasunari (Japon); et 11 y
jet d'une nouvelle publica¬
avait une fois, de Diamalzadeh tion de l'Unesco intitulée :
(Iran). En 1955 et 1956, le Pen
« Personnes déplacées ».
Club présentera des ouvrages «CHRONIQUE DEL/UNESCO»
écrits' dans des langues euro¬ AOUT 1955 N" 2
L'Unesco a remplacé son
péennes de faible diffusion.
« Bulletin trimestriel » par
une « Chronique » qui paraît

+ PROTECTION
BIENS CULTURELS
DES
:
Chronique chaque mois en
français et en espagnol. Ce
périodique, dont
anglais, en

le premier
4jE CONGRES
FIQUE ARABE, qui vient de se
réunir au Caire, avait placé à
SCIENTI¬

L'Egypte a ratifié le 17 août son ordre du jour la révision


la Convention
tection des Biens
en cas de conflit armé. C'est
pour la Pro¬
Culturels de l'Unesco numéro a été publié
juil.let dernier, reflète le plus
fidèlement possible
en

l'action
et l'extension de la
gie scientifique en langue arabe.
Une étude préparatoire avait
terminolo¬

le premier pays à ratifier de l'Organisation, qu'elle déjà été entreprise par le Conseil
cette Convention adoptée le national égyptien de la Recher¬
se situe sur le plan interna¬
14 mai 1954. à La Haye, au che. A la demande du Gouver¬
tional, à l'échelon régional
cours d'une conférence inter¬ nement égyptien, un expert de
ou dans le cadre des Etats
gouvernementale convoquée l'Unesco a suivi les travaux du
Membres. Outre deux arti¬ Congrès et séjournera trois mois
par l'Unesco et qui entrera
en vigueur lorsqu'elle aura cles documentés sur l'un des en Egypte au titre de conseiller.
été ratifiée par cinq Etats. aspects les plus importants
La convention établit une
du programme en cours et
véritable « croix rouge » cul¬ * « POUR MIEUX COM¬
un compte rendu des publi¬
turelle qui assurera aux .u¬ PRENDRE LES AUTRES
cations récentes de l'Unesco,
vres d'art et aux édifices his¬ PEUPLES » est une nou¬
BULLETIN, MENSUEL
toriques des garanties analo¬ chaque numéro présente une
velle brochure publiée par
gues à celles qu'en accorde vue d'ensemble sur les déci-
l'Unesco. Elle offre un bilan
universellement aux hôpi¬ sions prises récemment, l'état des réalisations de l'Unesco
taux, aux ambulances et au d'avancement des travaux, les résultats obtenus. Prix de l'abonnement depuis 1947 dans le domaine
personnel médical en temps annuel (12 numéros): 500 f r. ; S 1.75; 10/6. Le numéro: 50 f r. ; des contacts entre les peuples
de guerre. des différents pays. C'est
$ 0.20; 1/-. On s'abonne auprès des agents généraux de l'Unesco
l'histoire du Service des
voir liste en page 64.
Echanges de Personnes de
l'Organisation, aspect du pro¬
gramme consacré aux échan¬
1^ O N G R E S MONDIAL ges d'étudiants et de mem¬
DES BIBLIOTHECAIRES : Le bres du personnel enseignant,
plus grand, et, dans tous les ques, mais en fonction de gramme de voyages d'étude et aux études à l'étranger
sens du terme, le plus important leur rôle dans la vie quoti¬ organisé pour les travail¬ (aujourd'hui, cent mille per¬
congrès de bibliothécaires et de dienne. Les deux collections leurs européens par l'Unesco. sonnes font des études dans
documentalistes qui se soit ja¬ seront éditées par la firme Cette année,' les voyages des pays étrangers). Les acti¬
mais déroulé se tient à Bruxel¬ d'étude de l'Unesco permet¬ vités entreprises par l'Unesco
française Ducretet-Thomson
les du 11 au 18 septembre, sous et ses compagnies associées tent à 1 200 travailleurs eu¬ en vue de faciliter ces échan¬
le patronage du Gouvernement du groupe Decca-London-Te- ropéens de toutes professions, ges internationaux com¬
belge et de l'Unesco. Le thème lefunken. La souscription répartis en 68 groupes, ap¬ prennent la mise à jour
du congrès est « Les tâches et donne droit à une réduction partenant à 17 pays, de se d'informations concernant les
les responsabilités des bibliothè¬ de 20 % sur les prix prati¬ rendre à l'étranger. Depuis bourses, les voyages d'études
ques et des centres de documen¬ qués dans chaque pays pour 1952, 3270 ouvriers et ouvriè¬ à l'étranger, les facilités de
tation dans la vie moderne. » voyage et les postes ouverts
les disques de longue durée res ont pu bénéficier ainsi
Il n'est plus question de voir si l'on s'adresse au Conseil des voyages d'étude de aux étrangers dans les divers
dans le bibliothécaire un vieil¬ systèmes d'enseignement. Ces
International de la Musique, l'Unesco.
lard studieux, penché sur de Maison de l'Unesco, 19, ave¬ informations sont mises gra¬
vieux manuscrits dans une piè¬ nue Kléber, Paris (16'). tuitement à la portée du
ce mal éclairée. Le bibliothé¬ public grâce à diverses publi¬
caire moderne est en effet sou¬ cations de l'Unesco dont la
vent de ceux qui montrent le plus connue, dans ce do¬
ET EINTURES D'AJANTA :
mieux la route de l'avenir. La maine, s'intitule « Etudes à
Un archéologue - photographe,
connaissance contenue dans les
R REMBLEMENTS D E M. David L. De Harport, vient l'Etranger ». L'Unesco elle-
livres et les périodiques ouvre même a offert près de mille
TERRE : Le professeur Taka- d'achever le relevé photographi¬
les portes du développement bourses au cours des huit
hiro Haghvara, de l'Université que intégral des fresques
scientifique, social, économique dernières années.
et intellectuel de demain. Tout
de Tokio, vient de mener à bien d'Ajanta. Après la parution d'un
la mission d'Assistance Techni¬ album en couleurs, publié par la
ce qui se dit, s'écrit ou se fait
que entreprise par l'Unesco à la New-York Graphie Society, en
aujourd'hui, sitôt enregistré, se
demande du Gouvernement turc, collaboration avec l'Unesco, et
trouve préservé à l'usage des
en juillet 1951. Ces quatres an¬ contenant 32 reproductions de A LA NOUVELLE DELHI
générations à venir par les bi¬
nées furent consacrées à la créa¬ certaines peintures de l'illustre le Gouvernement indien a déci¬
bliothécaires et les documenta¬
tion d'un Institut de Sismologie sanctuaire, l'Unesco et les auto¬ dé de construire un immeuble
listes.
à Istanbul et de trois stations rités indiennes ont décidé de réservé aux conférences natio¬
d'observation entièrement équi¬ faire procéder à un travail plus nales et internationales. Sa
pées, dont l'une à Istanbul mê¬ complet, d'ordre scientifique, qui construction aura pris fin avant
DISQUES C.I.M. : Le me. Sur la base des travaux en¬ permettrait de constituer de vé¬ la session de la conférence gé¬
Conseil International de la trepris par la mission, des archi¬ ritables archives photographi¬ nérale de l'Unesco qui doit s'y
Musique va publier prochai¬ tectes et des ingénieurs turcs ques d'Ajanta. M. De Harport ouvrir en novembre 1956. Cet
nement, avec le concours de procèdent actuellement à des a rapporté d'Ajanta plus de immeuble aura trois étages et
l'Unesco. deux nouvelles sé¬ études sur la résistance des ma¬ mille documents, dont l'Unesco mille personnes pourront pren¬
ries de disques de longue du¬ tériaux aux tremblements de prévoit notamment l'utilisation dre place dans la salle de con¬
rée : une s Anthologie inter terre et sur les plans de re- pour une exposition circulante. férences.

66
A NOS LECTEURS

Il y a près de deux ans, le Courrier de l'Unesco couvre même plus le prix de l'impression et les
a abandonné son ancien format allongé pour frais d'envoi. Une augmentation du prix de
adopter le format actuel de magazine. Depuis l'abonnement est donc devenue nécessaire. Tou¬

lors, la Rédaction n'a épargné aucun effort tefois, afin de permettre au Courrier de l'Unesco
pour améliorer la présentation et le contenu de toucher un nombre aussi grand que possible
des numéros successifs. De nouvelles chroniques de lecteurs, cette augmentation a été réduite
et rubriques ont été ajoutées, le nombre de pages au minimum.

a été augmenté et un papier de meilleure qualité A partir du Ier janvier 1956 le nouveau
est maintenant utilisé, tant pour la couverture prix sera de 400 fr. fr., 8/- ou S2.00 par an,
en couleur que pour les pages intérieures. De ou l'équivalent en monnaie nationale. Le prix
toutes les parties du monde, nos lecteurs nous du numéro sera de 40 fr. fr., 9d.' ou 20 cents.
ont exprimé leur satisfaction. La souscription et le renouvellement d'abon¬
Quoique le Courrier de l'Unesco soit une nements seront acceptés aux prix actuels à
publication sans but lucratif, le montant actuel condition d'être postés au plus tard le 3 I dé¬
de l'abonnement (300 fr. fr. ou 6/- par an) ne cembre 1955.

Dans le prochain numéro :

LES NATIONS UNIES


UN BILAN SINCÈRE
L'âge atomique et les Nations Unies sont nés tous deux en 1945,
il y a dix ans.

Pour bien des gens et notamment pour la jeune génération essayer


aujourd'hui de saisir la portée de ces événements, c'est comme pénétrer
dans un cinéma où le grand film est commencé depuis une heure :
on ne comprend pas toujours très bien le comment et le pourquoi des
choses.

Un père explique à sa fille, âgée de 15 ans, « le début du film » et l'aide à


comprendre où en est et où va l'O.N.U. après dix années d'existence.

Un savant envisage d'une façon réaliste l'avenir de l'atome vu sous l'angle


international.
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/ >*Voir*Tiotré reportage page "25." (Fitoto *
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