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Signata

Annales des sémiotiques / Annals of Semiotics


7 | 2016
Traduire : signes, textes, pratiques

Traduction et texte : vers un nouveau double


paradigme

Yves Gambier

Éditeur
Presses universitaires de Liège (PULg)

Édition électronique Édition imprimée


URL : http://signata.revues.org/1195 Date de publication : 31 décembre 2016
ISSN : 2565-7097 Pagination : 175-197
ISBN : 978-2-87562-115-3
ISSN : 2032-9806

Référence électronique
Yves Gambier, « Traduction et texte : vers un nouveau double paradigme », Signata [En ligne], 7 | 2016,
mis en ligne le 31 décembre 2017, consulté le 29 mars 2017. URL : http://signata.revues.org/1195

Signata - PULg
TRANSPOSITIONS BETWEEN
VERBAL SEMIOTICS

Traduction et texte : vers un nouveau double paradigme

Yves Gambier
Université de Turku

À la base de cet article, il y a une interrogation simple : quand un traducteur litté­


raire, un sous­titreur, un localisateur de sites Web, un publicitaire adaptant une
campagne internationale, un interprète de conférence parlent de texte, réfèrent­ils
au même concept et indirectement perçoivent­ils la traduction de la même
manière ? La diversité des conceptions et pratiques du texte façonne les modalités
de traduction. Inversement, peut­on penser que les diférentes pratiques actuelles
de traduction, portant sur des textes variés, puissent aider à reconigurer la notion
de texte ?
Nous centrerons d’abord notre rélexion sur les tensions qui existent main­
tenant en traductologie, sur les paradigmes en compétition dans ce champ de
recherche. Puis nous nous pencherons sur la matérialité des traductions. En efet,
une perspective historique permet de saisir que les matériaux à la source des tra­
ductions n’ont pas toujours été tels qu’on les perçoit. L’écriture, détachant les
mots les uns des autres, le texte avec ses paragraphes, sa ponctuation, sa mise en
page… n’ont pas été donnés d’un coup. Ils se sont construits au fur et à mesure
que certaines techniques apparaissaient, jusqu’à aujourd’hui où la culture numé­
rique bouscule les conventions textuelles acquises, reconnues. Ensuite, dans un
troisième temps, nous relierons les avancées en traductologie avec celles de la
linguistique textuelle. Les typologies proposées dans le cadre de cette dernière ont
ainé à la fois nos manières de comprendre un texte et de produire une traduction.
Enin, avec l’arrivée (ou le retour ?) du texte multimodal, on ne peut s’empêcher
d’interroger la validité du concept dominant de texte (verbal, monomodal). Les
critères de textualité, déinis dans les années 1970, peuvent­ils s’appliquer aux
documents contemporains à traduire ? Le travail des traducteurs ne remet­il pas en
176 Transpositions Between Verbal Semiotics

cause le concept de texte, historiquement daté ? Les transformations en cours des


paradigmes de traductologie n’autorisent pas encore à apporter une réponse tran­
chée. Elles soulignent néanmoins les corrélations entre la matérialité des textes et
leur conceptualisation. La traductologie peut mieux cerner sans doute ce sur quoi
portent les eforts des traducteurs.

1. Du paradigme centré sur l’équivalence à un nouveau paradigme


Comprise dans son sens traditionnel, dominant, la traduction est une activité qui a
été niée pendant des siècles — en termes de besoin, d’efort, de statut professionnel.
Certes une telle expérience n’est pas universelle ; langues et sociétés ne partagent
pas au même moment et au même degré les mêmes valeurs ou appréhensions.
Cependant, dans l’histoire, la traduction a souvent été au service des pouvoirs
établis (royaux, princiers et/ou religieux), fréquemment occultée comme moyen
d’échange — commercial, scientiique, philosophique, pour ne nommer que quel­
ques domaines (Delisle & Woodsworth 2007). De fait, encore aujourd’hui, nombre
de commanditaires, de sponsors, d’amateurs, d’auto­traducteurs (y compris les
chercheurs qui traduisent leurs propres articles) et les ingénieurs de l’industrie des
langues continuent de considérer la traduction comme un processus mécanique,
une substitution mot à mot, un problème de dictionnaires, ou simplement une
activité sans prestige qui peut être réalisée à tout moment par un parent ou collègue
bilingue.

1.1. Une longue tradition occidentale


Très souvent, une personne lambda pensera la traduction selon le paradigme de
l’équivalence, de la quête du sens identique. L’objectif, déclaré ou pas, est alors
d’avoir un texte en langue cible qui est « of equal value » (Pym 2009, p. 82). De
fortes présuppositions sont à l’œuvre dans une telle approche, avec le cadre impli­
cite d’un modèle de communication où un message est transféré d’une langue à
l’autre, avec le recours aux tropes de frontière et de pont. Il suppose, par exemple,
que deux langues « do or can express the same values » (Ibid.). Mais un mot ou un
concept peut connoter diférentes signiications dans une autre langue ou simple­
ment être absent dans cette autre langue, de sorte que la relation entre les deux
langues n’est pas nécessairement symétrique. Deux mots peuvent référer à un
même objet, cela n’implique pas automatiquement qu’ils véhiculent le même sens
intentionnel que dans l’original. La idélité au texte source peut résulter en un texte
guère compréhensible dans la langue cible. Le présupposé implicite du paradigme
de l’équivalence oblige habituellement à critiquer une traduction parce que certains
mots n’ont pas été remplacés. D’où le fameux dicton : « Traduttore traditore ».
Toutefois, ce focus sur la similarité lexicale des textes ne permet pas de considérer,
de décrire et d’expliquer les décisions du traducteur et la traduction comme produit
Traduction et Texte : vers un double nouveau paradigme 177

inal. La distinction entre ce qui est manifeste (littéral, direct, au niveau de surface)
et ce qui latent (implicite, connotatif, allusif) dénature le processus de traduction
et réduit l’acte d’interprétation du traducteur à une tâche obscure. En dépit de
décennies de recherches universitaires et professionnelles, les paramètres coni­
gurant le paradigme de l’équivalence persistent. Quand des chercheurs traduisent
des questionnaires d’enquête, que des journalistes transfèrent des informations,
que des hommes d’afaires étrangers discutent de contrat, que des spectateurs
regardent des programmes télévisés sous­titrés ou que des enseignants de langue
utilisent la rétro­traduction, ils s’appuient sur le paradigme de l’équivalence —
soit pour traduire, soit pour nier faire une traduction, d’où par exemple le recours
aux termes de transédition dans le domaine de la presse, de versionisation dans
l’industrie audiovisuelle, de transcréation dans le domaine publicitaire, le terme de
traduction étant rejeté comme étant trop réducteur au mot­à­mot.
Ce paradigme par défaut a, sans aucun doute, des racines historiques, dérivant
en partie de la façon dont les langues étrangères ont été traditionnellement
enseignées (exigeant une sorte de correspondance quasi automatique). Dans cette
perspective, les traducteurs sont invisibles ; ce sont des agents passifs, sans voix, sans
empathie, sans subjectivité, sans rélexivité, sans aptitude à l’interprétation, sans
conscience interculturelle et sans qualiications, soumis à une éthique supposée de
la neutralité (Sun 2014).
La conviction populaire qu’un texte à traduire n’est rien d’autre qu’une suite
linéaire de mots ou de propositions explique en grande partie pourquoi la tra­
duction a longtemps été considérée comme inférieure, subordonnée à l’ori­
ginal. Cela témoigne des perceptions plutôt archaïques de la « traduction » et
des « traducteurs » par un grand nombre qui continuent de propager des lieux
communs, percevant la langue comme statique plutôt que dynamique, envisageant
la communication comme un conduit unidirectionnel, une simple séquence
d’informations plutôt qu’une suite co­construite d’interactions. Les traducteurs
ont eux­mêmes contribué à cette négation de la traduction. Souvent incorporant,
internalisant ces aspects de « subalterne » dans leur travail, ils ont été pris entre
l’idéalisme sacriiciel et un matérialisme calculateur de leur activité, embrassant le
labeur et la servilité de leur « vocation » toujours précaire, comme si cette pratique
exigeait une certaine prédisposition envers l’auto­efacement docile (Kalinowski
2002 ; Simeoni 1998 ; Buzelin 2014). Les métaphores de la traduction et les images
du traducteur dans l’imaginaire collectif sont régulièrement reproduites dans des
œuvres de iction, des romans, des ilms et même dans les médias (Gambier 2012).
Elles frisent stéréotypes et clichés, le traducteur étant vu assez souvent comme un
ermite dur au travail, un marginal, un imposteur plus qu’un médiateur.

1.2. Des efets de nouvelles pratiques


On est confronté aujourd’hui à une multiplication des étiquettes des pratiques
de traduction (adaptation, localisation, transediting, versionisation, transcréation
178 Transpositions Between Verbal Semiotics

(Ray & Nataly 2010), co-rédaction, médiation, auto-traduction, etc.) et a posteriori


à l’ambiguïté même du concept. Cette prolifération de désignations n’a pas la
même extension dans toutes les langues et sociétés, au même moment. Donner un
nom à la traduction, c’est contribuer à construire l’objet, à l’autonomiser comme
objet d’investigation, à considérer l’évolution des relations entre toutes les formes
de production langagière. Notre discours peut être alors homogénéisant (clôture)
ou métissant (continuum). D’où la diversité des modalités de dénomination,
de déinition, de catégorisation de traduction : on distingue, sépare, délimite,
regroupe, attribuant des caractéristiques externes (fonctionnelles, identitaires) et
internes (souvent formelles) basées sur nos croyances, nos convictions, nos valeurs,
nos présupposés et nos expériences. Il ne s’agit pas ici de retracer l’évolution ni
de donner un tableau des diverses déinitions de traduction (avec leurs postulats
descriptivistes, féministes, déconstructionnistes, etc.) (Halverson 2010). D’une
conceptualisation de type aristotélicienne à une déinition prototypique ou par
cluster, l’histoire des concepts de traduction à travers le temps (mimesis, appro­
priation, imitation) et dans diverses cultures (répétition, retournement, explication,
substitution, métamorphose, transvasement) reste à écrire. La traductologie semble
s’être développée en quelques décennies pour afronter cette pluralité — de la tra­
duction comme « simple » transfert entre langues, reproduction du même (que ce
soit le contenu, la forme ou les efets), à la traduction comme interprétation, comme
dépassement de frontières, espace de mixité et lieu de pouvoir et donc de conlit,
jusqu’à même, plutôt récemment, (re)découvrir la multiplicité des signes qui com­
posent nos communications, à travers par exemple la traduction des publicités, des
programmes audiovisuels, des logiciels, des sites Web, des jeux vidéo.
Les changements en cours en traduction dans le monde numérique ne sont
pas coninés à la traduction professionnelle et aux activités de localisation. De nou­
veaux types d’utilisateurs ont en fait émergé. L’un des exemples les plus frappants
est l’emploi de la traduction automatique (TA) par quiconque, n’importe où. Des
programmes librement accessibles sur le Web permettent de charger des contenus
et d’obtenir l’essentiel d’un document, sans négliger pour autant la qualité. L’inter­
vention humaine peut être limitée, sinon même inexistante. Si les utilisateurs sont
bi­ ou multilingues, ils peuvent fournir un feedback aux résultats proposés et
essayer d’améliorer les performances de la TA dans leur langue respective.
On peut ajouter à ces utilisateurs ceux qui n’ont pas de formation profession­
nelle en traduction mais ont des compétences en langues autres que leur langue
maternelle. Ils peuvent s’associer par exemple pour des projets auxquels ils peuvent
participer grâce à leurs connaissances linguistiques et culturelles. D’où ainsi les tra­
ductions par fans choisissant un ilm, une série télévisée, un manga, un jeu vidéo à
sous­titrer ou doubler.
Un troisième type d’utilisateurs devenant traducteurs relèvent des traductions
participatives ou collaboratives (crowdsourcing) : ils traduisent et/ou localisent des
logiciels, des sites Web, des articles, des rapports, des conférences, des textes litté­
raires et des interviews. Pour cet efort collectif, non rétribué, volontaire et anonyme
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(le plus souvent), les participants, s’appuyant sur leurs compétences linguistiques,
traduisent et révisent ce qui leur convient et quand cela leur convient, jusqu’au
moment où le projet est achevé. Ils peuvent recourir aux outils comme Traduwiki,
Wikitranslate et Google Translate. Les médias sociaux ou réseaux socio­numériques
(Facebook, Twitter, LinkedIn, etc.) ont su saisir cet avantage pour rendre toujours
plus accessible leur site. Certes le crowdsourcing (ou traduction oferte à un groupe
de volontaires) a suscité des polémiques (Sont­ils des traducteurs ? Sont­ils, et
comment, compensés pour leur travail ? Quelle est leur éthique ? Et surtout, peut­
on toujours parler de traduction ?). De fait, souvent marginalisés et caricaturés, ces
amateurs repoussent les limites de certaines professions, redéinissant leurs para­
mètres et leur mission.
Enin, on ne peut pas ne pas citer les travaux collaboratifs réalisés par des
équipes de traducteurs professionnels (soit par leur expérience, soit par leur forma­
tion). Ils partagent des ressources, peuvent travailler sur un même document tout
étant situés en divers lieux, distribuent entre eux leurs activités de traduction, de
recherche et de gestion terminologiques, de révision, de relecture. Les tâches ou
projets peuvent être soumis aux enchères, les qualiications et exigences postées
sur un portail électronique (Proz et Translator’s Café en sont deux exemples).
Les traductions efectuées par réseau de volontaires peuvent aussi être réali­
sées par des professionnels, par exemple via des réseaux comme Babel, Translators
without Borders, the Rosetta Foundation, etc. (Gambier 2007). Ces traducteurs acti­
vistes le font pour une cause sociale, politique ou humanitaire, et répondent aux
besoins exprimés dans la plupart de cas par des organisations non­gouvernementales
et autres associations.
Depuis les années 1980, les théories et concepts de traductologie ont tenté de
mieux circonscrire les conditions et contraintes du travail, allant toujours plus vers
une conception contextualisée et orientée socio­culturellement des processus de tra­
duction. Ce ne sont pas les langues qu’on traduit mais des textes situés socialement
et culturellement. De ce « tournant culturel », on peut distinguer plusieurs courants
qui ont contribué à la critique du paradigme de l’équivalence — entre autres, les
Descriptive Translation Studies/DTS (Toury 2012), la théorie du Skopos (Reiss &
Vermeer 2013) et l’approche proprement culturelle (Venuti 2008). La traduction
est désormais perçue comme un processus de re­contextualisation, comme une
action intentionnelle. Le processus entier de prise de décisions n’est plus lié exclu­
sivement aux textes mais dépend aussi de considérations qui engagent clients et
autres récepteurs. Le sens n’est plus vu comme un simple invariant dans le texte
source : il est ancré dans une culture et doit être interprété. La traduction n’est plus
une course d’obstacles lexicaux mais le résultat de connexions entre texte, contexte
et une myriade d’agents.
Les pratiques nouvelles, innovées par les technologies de l’information et de la
communication (TIC) expliquent et justiient en partie ce changement. Un retour
sur l’évolution des médias en traduction éclaire aussi cette transformation en cours.
180 Transpositions Between Verbal Semiotics

2. Plaidoyer pour une histoire des supports de traduction


En pensant aux traductions collaboratives (crowdsourcing), réalisées par un groupe
indéini d’amateurs, deux remarques s’imposent :
– ces traductions collaboratives remettent en cause une certaine idéologie qui
assure qu’une traduction est toujours un acte individuel, centré sur un texte
écrit, et qui considère le traducteur comme un substitut de l’auteur.
– Elles rappellent certains modes de travail du passé, comme la traduction en
tandem telle qu’elle a été pratiquée à partir du xiie siècle (l’un par exemple
passant de l’arabe vers le roman parlé, l’autre de cette langue parlée vers le
latin). Ce genre de traduction en équipe retrouve une vigueur aujourd’hui, par
exemple avec la traduction de la Bible en français (2001) faite par des exégètes
et des écrivains, ou encore la nouvelle traduction d’Ulysses de Joyce (2004)
par un groupe de huit traducteurs, ou encore tout projet de localisation où
les agents sont en contact en face à face ou via l’espace virtuel (Pym 2004a,
pp. 171­172).
La tension entre une approche individualiste et une approche collaborative n’est
pas nouvelle mais on peut noter que la première a été dominante de la Renaissance
à la in du xxe siècle, avec une apogée à la période romantique quand l’auteur fut
assez idéalisé comme igure singulière alors que les traducteurs coopéraient avec
leurs éditeurs, leurs institutions nationales ou leur pairs. La seconde approche
semble s’étendre via l’emploi des logiciels de mémoire de traduction, la traduction
en nuages (cloud translation), les traductions par des fans ou des communautés
sur le Web.
Pourquoi avons­nous besoin d’une histoire des médias ou supports de pro­
duction, de distribution et de transmission des traductions ? Les pratiques de
lecture, de rédaction ont de fait changé selon les formes matérielles (corps humain,
tablette, rouleau, codex, livre, écran) disponibles pour stocker et extraire données
et informations. Les supports de ces formes (voix, argile, cire, papyrus, parche­
min, papier, ordinateur) rendent diférentes nos manières de lire, d’écrire…et de
traduire. On sait comment Luther a su combiner imprimerie et traduction et com­
ment Google utilise la puissance de mémorisation et de calcul des ordinateurs pour
la traduction automatique.
L’histoire culturelle retrace assez aisément l’inluence des supports techniques
par exemple dans l’évolution de la peinture mais notre attention n’a encore guère
été retenue sur cette inluence en traduction (Cronin 2003 ; Littau 2011). Les histo­
riens du livre ont ouvert la voie en soulignant les changements dans les cultures
orales, scripturales, de l’imprimé et des écrans. Aujourd’hui, on peut observer que,
comme dans le passé, plusieurs cultures techniques coexistent : papier et écran
luttent l’un contre l’autre, avec des positions dominantes provisoires dans telle ou
telle sphère d’activité (par exemple dans le journalisme, les administrations), juste
Traduction et Texte : vers un double nouveau paradigme 181

comme les approches individualiste et collaborative se chevauchent à des degrés


variables selon les domaines de traduction.
On peut ici référer à la médiologie comme autre source d’inspiration (Debray
1991, 1994, 2004) qui déie l’idée répandue que la technique ne relèverait pas de
la culture. En examinant les méthodes utilisées pour mémoriser, transmettre et
disséminer les connaissances culturelles, la médiologie s’attache à comprendre
comment les médias ou supports techniques ne servent pas exclusivement à
emmagasiner ces connaissances mais aussi façonnent nos modes de penser, nos
croyances, notre organisation sociale.

2.1. Avant l’imprimerie


Cicéron est souvent cité en traductologie comme celui qui aurait lancé le dilemme
rendre le sens par opposition au mot à mot (McElduf 2009, 2013). Nous tendons
à oublier que les interventions que nous étiquetons maintenant comme politiques,
littéraires, philosophiques, étaient publiques et orales, exécutées avec les gestes du
corps (faute de micro pour ampliier la voix). Les compétences oratoires étaient
valorisées et pas seulement par les tribuns, les juristes. Cicéron a traduit des
discours sous forme de texte comme un orateur, l’éloquence l’emportant sur la
idélité, l’exactitude (Cicero 1949, p. 365 ; Weissbort & Eysteinssson 2006, p. 21).
On peut supposer qu’il composait oralement puis dictait sa traduction à quelqu’un
d’autre qui l’inscrivait sur un rouleau (les deux bâtons du cylindre étant tenus
par les deux mains pendant la lecture). Le rouleau n’est pas sans analogie avec le
déroulement d’un document sur un ordinateur ou une tablette tactile. En d’autres
termes, au ier siècle avant J.­C., la traduction était transmise, sinon déterminée, par
un certain mode d’écriture tandis que le texte lui­même était contraint par deux
formes d’oralisation — celle de la performance et celle de la lecture à voix haute.
On ignore la forme de traduction à laquelle Cicéron réfère (celle publique ou celle
écrite) quand il donne sa préférence à la traduction du sens. Il faut ajouter ici
qu’il traduisait, par exemple Aristote, sans nécessairement s’appuyer sur un texte
écrit (original ou copie) mais plutôt sur sa mémoire. Travailler avec la voix et la
mémoire est bien éloigné de notre perspective graphocentrique, y compris numé­
rique où la mémorisation, déléguée en quelque sorte, ne joue plus un rôle central
dans les processus de lecture et d’apprentissage.
Qu’en est­il dans la culture européenne médiévale qui s’est développée en
grande partie grâce au codex manuscrit, quand les traductions étaient produites
sous le patronage de l’Église, d’un roi ou d’un prince ? Le codex, advenu pendant
la période Byzantine (surtout aux viii­ixe siècles, suscitant la querelle des icono­
clastes), fabriqué par plusieurs scribes et enlumineurs, était destiné à un seul
lecteur, son futur propriétaire dans la plupart des cas. On est donc alors loin de
la production de livres visant un marché littéraire anonyme mais on se rapproche
du iPad avec l’omniprésence de l’image pour rendre non plus la divinité mais bien
des réalités. Chaque codex est un objet façonné unique : son élaboration localisée
182 Transpositions Between Verbal Semiotics

nécessitait des relations personnelles et un travail collaboratif ou mutualisation de


compétences.
Quand un codex original se perd ou n’est plus disponible qu’en copies (repro­
ductions manuelles non sans erreurs), le traducteur doit recourir à diverses sources,
plus ou moins géographiquement éloignées — fragments sauvés en diférents lieux,
autres traductions plus ou moins parcellaires en diverses langues ou dialectes, cita­
tions faites dans d’autres travaux, etc. Cet original fragmenté et déformé, sinon
manipulé, ne pouvait pas servir de référent vis­à­vis duquel la traduction pouvait
être comparée ou évaluée (Ellis 2000).
Les codex ont à la fois des formes dérivées de la tradition orale (promouvant
l’adaptation ou traduction libre) et introduisent des traits textuels de la culture
de l’imprimé en devenir (promouvant une stratégie de traduction plus littérale)
(Tymoczko 2010, p. 219 et p. 228 ; Hermans 1992, 1997). L’approche littéraliste
était justiiée dans un contexte scriptural monastique où la idélité à la parole de
Dieu exigeait un mot­à­mot. Entre les variations dues à la manière dont les codex
étaient produits et transmis et l’insistance de rester aussi proche que possible du
texte sacré, nous pouvons percevoir combien la situation de traduction au Moyen
âge était complexe. D’où déjà la multiplication des étiquettes, comme compilatio,
ordinatio, imitatio, pour désigner la traduction. La culture manuscrite a permis
diférentes formes de rédaction : composer, gloser, traduire, copier, avec les possi­
bilités d’omettre, d’ajouter, de commenter, donnant ainsi au récepteur une position
centrale pour interpréter le texte en question. En outre, les parchemins devenaient
plus courants que les rouleaux : les lecteurs purent ainsi peu à peu avoir un accès
plus facile à n’importe quelle partie du texte — la pagination, la table des matières
transformant graduellement le codex, rendant possible de rassembler plusieurs
textes dans un même volume. Par ailleurs, puisqu’on pouvait tenir le codex d’une
seule main, le lecteur a pu aussi commencer à prendre des notes de l’autre main
(Cavallo 1999, p. 88). Les habitudes monastiques de lire à haute voix cèdent la
place aux habitudes scholastiques (lisant silencieusement et annotant).

2.2. Avec la culture de l’imprimé


L’invention de l’imprimerie au milieu du xve siècle va de nouveau changer la pro­
duction, la consommation, la transmission et le transport des textes. À partir de
cette période, on peut produire de multiples exemplaires identiques du même livre.
Certes, il y a des modiications orthographiques involontaires, des changements
dans le texte dus au procédé d’impression et également des éditions pirates ou
contrefaites. Cependant, et plus important, le nouveau médium accroit la demande
de lecture (RED). Les langues vernaculaires deviennent les langues d’apprentissage.
En traduction, la mise en page des pages originales en latin façonne les stratégies. La
traduction devient alors non seulement un processus inter­linguistique mais aussi
un transfert intra­médial, comme aujourd’hui avec les brochures touristiques, les
Traduction et Texte : vers un double nouveau paradigme 183

bandes dessinées, les livres illustrés pour enfants, etc., pour lesquels nous préférons
parler d’adaptation que de traduction !
Parallèlement à cette évolution, émergent une bourgeoisie lettrée et dans cer­
taines sociétés une langue nationale. La traduction sert dans cette perspective un
nouveau lectorat (Jouhaud & Viala 2002) et une certaine idéologie. Berman (2012) a
retracé la double origine de l’institutionnalisation de la traduction en France, entre
le xive siècle (avec Oresme, précepteur du roi Charles V et créateur du français
savant, dans le cadre du transfert des savoirs à partir du latin) et le xvie siècle (avec
Amyot, libre adaptateur déinissant aussi un certain modèle de prose). Entre la
Renaissance et la moitié du xxe siècle, dès lors que le texte source est identiiable et
reproductible tel quel, se mettent en place un concept de traduction et un modèle
qui insiste sur la confrontation entre le texte de départ (référent d’autorité) et le
texte d’arrivée, supportant le principe de l’équivalence, la secondarité de la traduc­
tion et l’illusion de l’égalité des langues (Pym 2004a, pp. 173­174, 2004b). Pendant
ces siècles, la circulation des textes va s’accélérer. Le commerce et le business du
livre vont favoriser la venue de la littérature séculière, ainsi d’ailleurs que celle des
périodiques et des journaux. L’expansion de la production de livres est relancée
avec l’invention de la littérature populaire dite encore littérature de gare (vers 1860)
puis avec le lancement des livres de poche (vers 1950). Aux xviii­xixe siècles, les
traductions connaissent un boom alors que n’existe pas encore de protection juri­
dique sur les œuvres étrangères. Les « retraductions actives » (Pym 1998, pp. 82­
83) deviennent relativement fréquentes sur des marchés plus compétitifs. On est
donc loin du volumen (rouleaux) sans ponctuation et loin aussi des codex avec
leurs lettres enluminées.
Le besoin de lire vite et en silence est désormais satisfait depuis que imprimeurs
et typographes ont systématisé, sinon standardisé, mise en page et orthographe et
également depuis que les traducteurs ont favorisé la luidité (luency) comme stra­
tégie dominante de leurs traductions pour complaire à cette double exigence de la
lecture (Venuti 2008).

2.3. Dans notre culture numérique


Aujourd’hui, dans notre culture numérique, la luidité qui vise à une lisibilité opti­
male selon des critères linguistiques, rhétoriques et stylistiques, cède la place à
l’accessibilité et à l’utilisabilité, la focalisation étant moins sur le texte que sur les
récepteurs (lecteurs et spectateurs) — changement annoncé pour ainsi dire par la
théorie du Skopos basculant d’une approche contrastive vers une approche cibliste,
notamment en se détachant de la littérature. Désormais un texte sur l’Internet (mais
pas nécessairement un livre sous forme électronique qui conserve ses formes déri­
vées de l’imprimerie) peut être reconiguré par ses utilisateurs grâce à ses hyperliens
et à l’interactivité permise (le lecteur est invité à ajouter ses propres mots et images
pour coproduire du sens). La division du travail traditionnelle entre la création
d’un texte, d’un ilm, d’une pièce musicale, sa reproduction et sa distribution est
184 Transpositions Between Verbal Semiotics

brouillée avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication


(TIC), aujourd’hui facilement accessibles. Interviennent aussi dans le processus de
création un assez grand nombre de personnes et d’institutions (voir sections 1.2 et
4.3) : ainsi, dans la production d’un long métrage, scénariste, producteur, metteur
en scène, acteurs, ingénieurs du son, caméraman, monteur, etc., concourent à la
production de sens qui ne se limite pas aux seuls dialogues, alors que dans les
études littéraires et en traductologie, l’auteur est perçu souvent comme un individu
solitaire.
La collaboration en traduction modiie également les procédures de traduction.
En quelques vingt ans, les TIC ont transformé nos concepts de texte et de livre et
aussi notre expérience de lecture, d’écriture et de traduction. Désormais, l’acte de
traduire est visible sur l’écran : ses récepteurs, y compris d’autres traducteurs, peu­
vent participer au processus et comparer les diférentes versions traduites propo­
sées, plutôt que de comparer texte de départ et texte d’arrivée.
De Cicéron à aujourd’hui, la traduction a toujours été de fait marquée par
son environnement technique, même si on n’y a guère jusqu’à maintenant porté
une grande attention dans la continuité historique. On doit cependant insister de
nouveau sur le fait qu’il n’y a pas de correspondance tranchée entre un médium
et une période donnée. Divers supports coexistent dans une culture donnée, à
un moment donné. La façon linéaire dont j’ai présenté certains phénomènes et
exemples ne doit pas abuser et donner l’impression d’un espace et d’un temps mono­
lithiques. En fait, il y a toujours des ethos de traduction plus ou moins conlictuels
dans une durée délimitée. La même prudence devrait s’appliquer si on regarde
l’interprétation : considérée comme performance orale pendant longtemps, elle est
aujourd’hui sous la pression de plusieurs médias — du téléphone aux systèmes de
reconnaissance vocale, des ressources disponibles en ligne à l’interprétation dans
la réalité virtuelle. Dans les deux cas, stratégies, critères d’évaluation et perception
des pratiques sont en cours de changement. Certainement, les théorisations assez
divergentes de l’équivalence s’éclairent au vu de l’impact des médias de traduction.
N’empêche, le passage de l’imprimé au numérique explique (en grande partie ?) les
ambiguïtés, sinon les contradictions, de la traductologie : en efet, la notion de texte
comprise à la fois comme produit verbal et comme textualité, les rapports entre
l’oral et l’écrit, les hésitations pour dénommer l’objet traduction — tous en cours
de transformation sous l’inluence des TIC, concourent à repenser nos approches
théoriques, sans pour autant quitter nos conceptions héritées du paradigme
technique du livre imprimé. Les eforts typologiques des textes à traduire relètent
encore ce paradigme.

3. Genres, types de texte et traduction


Pour décider ce qu’on va voir, ce qu’on va lire ou ce qu’on va acheter, on tend à
catégoriser, à classiier toute production verbale selon un genre donné. Toutes les
Traduction et Texte : vers un double nouveau paradigme 185

disciplines, par exemple les études littéraires, l’histoire de l’art, les études cinéma­
tographiques, la linguistique, les sciences de l’information, recourent au concept
de genre ou de type. La traductologie n’a pas échappé au besoin de déinir genres
et types textuels. La distinction entre les deux notions n’est pas nouvelle et reste
bien problématique, même si, en simpliiant, on peut dire que les genres relèvent
du social alors que les types relèvent du linguistique.
Dans une librairie ou une bibliothèque, les livres sont classés de diférentes
façons. Ils n’y sont pas tant caractérisés selon des catégories de texte ou de structure
que par des catégories d’expérience, par sujet, par domaine de connaissance. Si on
cherche un ouvrage littéraire, on choisit au préalable un genre : action, aventure,
comédie, policier, fantastique, romance, science­iction, etc. Si on veut aller au
cinéma, on sélectionne d’avance un genre : dessin animé, western, thriller, ilm
d’action, etc. De même si on veut écouter de la musique, on opte pour du baroque,
du rock, du folk, du blues, etc.
Le concept de genre fut d’abord limité aux études de folklore et de littérature
puis il s’est élargi aux genres non­littéraires, par exemple en analyse de discours,
en LSP (Langue de spécialité) et en traductologie. Ainsi Bhatia (2004) a étendu
le cadre générique jusqu’à couvrir les professions judiciaires et commerciales,
traitant des problèmes théoriques soulevés par la complexité et la diversité des
genres professionnels : en réalité, les genres sont très souvent mélangés, hybrides.
Ces formes conventionnelles ou genres sont associées à une situation particulière
de communication, à un événement social, comme le code de procédures pénales
au tribunal, ou encore comme une commande, une demande d’emploi qui
remplissent aussi une fonction sociale. Ce sont des constructions dynamiques et
d’aucune manière des catégories igées ou stables ; elles changent dans le temps
et selon les cultures, tout en étant néanmoins en même temps « reconnues »
comme « genres » (Frow 2005). Des normes de sécurité, des rapports juridiques,
des manuels d’instruction et des accords de partenariat peuvent être régulés par
des règles normatives tandis que des documents d’entreprise, des brochures de
marketing, des rapports annuels peuvent être l’objet de variations.

3.1. En linguistique textuelle


En linguistique textuelle (le texte étant compris comme texte verbal écrit, mono­
modal), le type de texte a été souvent perçu comme super­ordonné au genre, aussi
dénommé text prototype, deep structure genre. Dans la déinition fonctionnelle, les
types textuels sont alignés sur les fonctions du langage de Jakobson : Werlich (1975)
a ainsi analysé cinq types basés sur le focus contextuel dominant (« dominant
contextual focus ») (narration, description, exposition ou présentation, argumen­
tation et instruction) ; de Beaugrande et Dressler (1981) ont quant à eux proposé
sept types (descriptif, narratif, argumentatif, scientiique, didactique, littéraire et
poétique) ; Hatim and Mason (1990, pp. 153­160) ont développé, avec la traduction
en ligne de mire, trois types principaux (argumentatif, expositif ou présentatif et
186 Transpositions Between Verbal Semiotics

opérationnel) ; et Adam (1992) a déini cinq types (narration, description, argu­


mentation, explication et dialogue). D’autres taxinomies ont été suggérées, souvent
en confondant actes de langage avec stratégies rhétoriques et modes d’organisation
textuelle, oubliant aussi jusqu’à un certain point les fonctions de communication
(ou visées).

3.2. Traduction et typologie des textes


Dès le milieu des années 1970, l’idée de classiication a été largement acceptée en
traductologie, pour au moins deux raisons :
a) Les traducteurs ont besoin de comprendre les tenants et aboutissants d’un
document donné pour choisir de manière appropriée des stratégies de tra­
duction. Le processus n’est­il pas diférent s’ils identiient diférents types de
texte ? Quelles similarités peut­on observer entre types de texte de l’original et
types de textes traduits ?
b) La spécialisation du traducteur n’est­elle pas conditionnée à la fois par le sujet,
le domaine abordé par les textes et les types de texte ? Quelles en sont les impli­
cations pour la formation ?
Avec de telles questions, on s’est ainsi peu à peu rapproché des fonctions com­
municatives liées aux objectifs du texte, ouvrant la voie aux approches fonction­
nalistes et aussi au rôle de la traduction dans l’acceptation de nouveaux genres
dans un système ciblé donné où les besoins et les conventions gouvernent ce qui se
passe à la fois dans le processus de traduction et dans le devenir des textes traduits
(Trosborg 1997, en particulier les chapitres par J. Sager et par C. Nord). Une typo­
logie fondée sur les textes de départ est valide aussi longtemps que la fonction du
texte d’arrivée est la même que celle du document original.
K. Reiss (2000, pp. 24­47; Reiss & Wermeer 2013, ch. 11 et 12) fut une des
premières à proposer une classiication des textes répondant aux besoins de la tra­
duction, avec trois types de base — assignant à chacun d’entre eux un certain nom­
bre de variétés textuelles, combinant traits contextuels et structuraux (Reiss 1981) :
– informatif (centré sur le contenu), par ex. communiqués de presse, nouvelles,
rapports scientiiques, instructions, modes d’emploi, brevets, traités, textes à
visée éducative, littérature de gare, etc. ;
– expressif (centré sur la forme), par ex. essais, biographies, romans, nouvelles,
la plupart des diférentes formes de poésie, etc. ;
– incitatif, représentant la fonction persuasive, d’appel du langage, visant un
efet non­linguistique, par ex. réclame, sermon, texte satirique, propagande,
textes de promotion, etc. ;
Plus tard, une quatrième catégorie fut ajoutée, plutôt centrée sur le support que
sur le contenu : les textes scripto­sonores, s’appuyant sur les médias et les diverses
Traduction et Texte : vers un double nouveau paradigme 187

sortes graphiques, acoustiques et visuelles de l’expression, par ex. les scripts pour
la radio ou la télévision, les informations radiodifusées, les productions théâtrales,
les chansons, les opéras, etc.
D’autres essais de classiication ont été aussi proposés sur la base de critères
communicatifs­fonctionnels et toujours dans une perspective descendante
(top-down) (voir Newmark 1981, Nord 1988/2005, House 1997). Pour Trosborg
(2000), le genre se comprend comme l’objectif d’une interaction ; elle a combiné des
travaux sur les genres orientés par la traduction avec la théorie du Skopos. Cepen­
dant des textes de même fonction peuvent se concrétiser en des types diférents :
un rapport médical et un rapport de police peuvent être informatifs alors qu’un
compte­rendu de livre (rapport sur un ouvrage) peut être expressif. Par ailleurs,
des types similaires peuvent être utilisés pour des textes qui présentent diférentes
fonctions textuelles, par ex. un avis aux consommateurs et un contrat peuvent être
tous les deux incitatifs mais servir des buts diférents.
Les types textuels pourraient être également pertinents dans d’autres domaines
comme celui de l’interprétation de conférence (Alexieva 1994) ou celui des médias
imprimés et audiovisuels. Dans la presse, le type informatif voisine avec les types
persuasif et expositif. L’audio­description (AD) qui change des images en mots et
génère un texte cible oral soulève également la question des types de texte : quelle
sorte de texte l’AD est­elle elle­même et comment peut­on la relier aux autres
types qu’on trouve en traduction audiovisuelle (traduction de scénario, doublage,
sous­titrage intra­ et inter­linguistique, commentaire libre, etc.) ?
Il est aisé, à ce stade, de noter les points faibles des taxinomies de textes, dévelop­
pées dans le sillage des études structurales des récits (années 1960­1970), proitant
des analyses en poétique et en sémiotique de la description, de l’argumentation et
de l’explication : la langue ne peut être réduite à un système de catégories statiques
et bien tranchées, et le type de texte n’est pas forcément la contrainte essentielle qui
détermine les stratégies de traduction et l’unique référence pour évaluer la qualité
d’une traduction. On peut saisir pourquoi la traductologie semble abandonner le
dilemme théorique des types textuels. Après avoir suivi la tendance générale de
la linguistique textuelle, longtemps dominée par les approches textualistes (elles­
mêmes inluencées par exemple par Greimas, Todorov, Barthes, Foucault), elle
prend le tournant socio­culturel et met l’accent sur le traducteur. N’empêche, de
nouveaux types textuels existent avec les outils électroniques et une certaine re­
conceptualisation de la notion de type textuel ne délaisse pas la problématique,
empruntant à la fois à la théorie des actes de langage et à la théorie de la pertinence
(voir entre autres Unger 2006; Tsiplakou & Floros 2013).
Les approches taxinomiques d’orientation fonctionnelle ont fourni un cadre
théorique lorsqu’on a cherché à comprendre un texte ou à produire une traduc­
tion. Pourtant on a noté des confusions du côté de la terminologie (genre, type
textuel, fonction langagière, style, domaine) et des catégories utilisées pour ces
taxinomies. Plusieurs raisons expliquent ces confusions : d’abord la multiplication
188 Transpositions Between Verbal Semiotics

des perspectives chez les théoriciens, référant à la pragmatique, à la linguistique


textuelle, à l’analyse de discours, à la pédagogie, aux études contrastives, aux dis­
cours en langue de spécialité et à la traductologie ; ensuite la diversité des buts
qu’ils se donnent (catégoriser les textes de départ, trouver des équivalences
textuelles, justiier des stratégies de traduction, ou enseigner des domaines de
spécialité) ; enin le fait que les textes ne sont jamais absolument homogènes : ils
exhibent des traits de plus d’un type à la fois. La multifonctionnalité (plus d’un
objectif) est la règle plutôt que l’exception. En avons­nous alors ini avec les types
de texte ? Notre perception et nos connaissances à propos des types de texte et des
genres s’appuient sur une série de caractéristiques prototypiques qui sont plus que
linguistiques : il y a une action sociale, une exigence sociale derrière nos manières
d’identiier et d’interpréter les types textuels et les genres. De la convention du texte
comme arrangement linéaire de phrases ou comme séquence d’unités langagières à
l’hypertexte sur l’Internet, le concept est devenu ambigu, sinon lou. La perception
courante de texte et de la relation texte­auteur­lecteur­traducteur est elle­même de
nature dynamique dans les théories de la traduction.

4. Sur le texte multimodal


4.1. Une nouvelle relation entre les codes sémiotiques
L’histoire des conditions de la lecture, de la paternité d’un ouvrage, de publication
éclaire aussi les relations entre les codes oral et écrit. Le fait dominant du langage
humain a été son oralité. Pourtant, nos sociétés occidentales, avec l’invention de
l’imprimerie, ont rejeté les travaux sur cette oralité. En traductologie, on tend de
fait à se focaliser exclusivement sur le texte, ou plutôt sur un certain concept de
texte, et à négliger la traduction orale et/ou écrite des récits oraux, des épopées
(Tymoczko 2007; Bandia 2011). Même les études en interprétation, longtemps
dominées par le paradigme de l’interprétation de conférence, la psycho­dynamique
de l’oralité a été sous­estimée.

4.2. L’interaction entre les codes oral et écrit


Les formes de l’oralité et de l’écrit n’ont jamais été homogènes (Ong 1982 ; Goody
1987). On peut parler spontanément dans un dialogue ou un monologue, ou en
récitant, en lisant à voix haute ce qui a été écrit. On peut écrire pour être lu ou parlé
comme si rien n’avait été écrit, etc. Pendant longtemps, des travaux ont été menés
sur les représentations (réalistes), les simulations ou les transcriptions de l’oral
dans les textes écrits (romans, pièces de théâtre, scripts de ilms), ou comment
syntaxe et typographie pouvaient reléter la discontinuité du lux verbal. Le mou­
vement Dadaïste dans les années 1920 ainsi que les Lettristes pendant et après la
seconde guerre mondiale ont plaidé pour le retour aux fondamentaux c’est­à­
dire aux phonèmes, expérimentant diférents moyens d’expression où graphisme
Traduction et Texte : vers un double nouveau paradigme 189

et sons jouaient un rôle essentiel. Cependant, très peu de recherches ont porté
sur les manières dont l’oralité est incorporée et traduite (Brumme 2008; Brumme
et al. 2010, 2012; Gambier & Lautenbacher 2010). N’empêche, aujourd’hui, ces
conventions et stratégies sont mises à mal par de nouvelles formes hybrides qui
nous contraignent à repenser la nature orale de nos interactions et déient l’idéo­
logie de la littératie et des pouvoirs qui s’y rattachent (Monod 2013). On peut réfé­
rer ici aux courriels, SMS, chats, blogues, tweets, et autres jeux interactifs dans
lesquels diférentes orthographes, émoticons, avatars, acronymes, abréviations,
ponctuation, lettres capitales, interjections, etc. sont employés de façon expressive,
déictique ou emblématique.
Les communications médiées par ordinateur (CMO) ou par téléphone
(CMT) sont désormais des pratiques vernaculaires courantes, sans oublier que
ces pratiques peuvent mêler (code-mixing) ou changer de langues (code-switching)
(Liénard & Zlitni 2011) : le monde en ligne a des efets sur nos langues naturelles,
sur nos manières de nous identiier, de présupposer (Barton & Lee 2013). On peut
faire une nouvelle analogie entre les gestes physiques, non­verbaux et les conven­
tions textuelles des médias sociaux : ces textes digitaux et des médias sociaux
sont des textes conversationnels, trop souvent compris et approchés comme
« désincarnés ». L’opposition binaire entre médié et incarné est une fausse dicho­
tomie, autant que la prétendue opposition entre oral et écrit. Les textes des CMO
sont des hybrides d’écrit et d’oral où émotions, pensées et cognition sociale sont
intimement liées. Dans l’évolution actuelle des technologies de la communication,
fournissant de nouveaux moyens de garder le contact, on assiste à la fermeture de
la « parenthèse Gutenberg » (Pettitt 2009).
On ne peut pas exclure de ces changements que la littérature elle­même
change, de ses cyber­formes — comme par exemple TOC: A Media-novel de Steve
Tomasula (2010): une mosaïque de textes, de médias, et de collaborateurs, où le
rôle de l’auteur est multiple : écrivain, chef d’orchestre, producteur, directeur artis­
tique, etc. — jusqu’aux installations qui combinent design et textes littéraires. La
poésie peut également devenir une performance orale (cf. slam, rap), une lecture
publique, ou une exhibition visuelle (Lee 2013). Keitai Shousetsu est maintenant
aujourd’hui au Japon le nom pour des récits écrits en SMS, distribués sous forme
de feuilletons sur des téléphones mobiles, puis publiés comme séries dans la presse,
comme certains romans en France au xixe siècle.
Qu’en est­il des de la traduction et de l’interprétation dans ce paysage se méta­
morphosant de la « graphosphère » à la « vidéo­sphère » (Debray 1994)? Nombre
de pratiques brouillent l’opposition traditionnelle entre oral et écrit (toujours à la
base néanmoins des programmes de formation : traduction (d’abord l’écrit) suivie
de l’interprétation (oral) ; voici quelques exemples de ces pratiques :
– l’interprétation simultanée qui peut dépendre d’un discours écrit planiié et lu
par l’orateur ;
190 Transpositions Between Verbal Semiotics

– la traduction à vue ou prima vista, à la fois processus dichotomique du langage


(de la langue source vers la langue cible) et passage de l’écrit à l’oral ;
– la traduction de pièces théâtrales, de bandes dessinées, de chansons, d’opéras
où plusieurs types de signes coexistent (oral, visuel, musical, etc.) et où l’accep­
tabilité est moins importante que la mise en bouche (speakability), l’eicacité
scénique (performability) et la force chantée (singability) ;
– la localisation de jeux vidéo (leurs règles, leur interface, leur menu et leurs
messages d’aide, leurs avertissements, leurs instructions, leur manuel, leur
histoire, leurs dialogues, leurs textes en images, leur voice­over, etc.) ;
– le sous­titrage en direct, le sous­titrage intra­ et inter­linguistique ainsi que le
sur­titrage (des dialogues aux lignes écrites en bas ou sur le côté ou en haut de
l’écran).
Par ailleurs, des outils électroniques dérangent aussi la frontière entre oral et
écrit — que l’on pense ainsi aux logiciels de reconnaissance vocale permettant à un
énoncé oral de s’écrire directement sur l’écran. Combiné avec la traduction auto­
matique, on peut facilement imaginer comment cela changera l’interprétation de
conférence dans certaines situations.

4.3. Vers un nouveau concept de texte ?


Le terme texte a été utilisé maintes fois dans tout ce qui précède. Un texte écrit
a toujours été un moyen de prendre ses distances avec le moment et le lieu de
l’énonciation initiale, transcendant les contraintes spatio­temporelles de cette
énonciation tout en étant un support de conservation et de transmission de notre
mémoire culturelle. Peut­être devrait­on questionner nos présupposés sur le texte
et la textualité (Toury 2006, pp. 58­64). Réfère­t­on aujourd’hui à la même notion
de texte quand on traite de traduction littéraire, d’interprétation, de localisation ?
En linguistique textuelle, le texte a été déini par sept critères de textualité :
cohésion, cohérence, intentionnalité, acceptabilité, degré d’information, mise en
situation et intertextualité (Beaugrande & Dressler 1981) (voir aussi Hatim &
Mason 1990 ; Neubert & Shreve 1992 ; Jiménez­Crespo 2013, pp. 43­49 ; Mira &
Matthiessen 2015). Cependant, il y a des diférences entre un texte de Cicéron ou
de Virgile — à lire à haute voix pendant un événement donné (politique, religieux,
esthétique) — et un texte écrit par M. Proust, entre un texte littéraire traditionnel
publié sous forme de livre et un texte donnant des instructions. Tous ces textes
sont néanmoins matériellement (physiquement) inis et sémantiquement ouverts,
tandis que les hypertextes sont à la fois matériellement et sémantiquement ouverts.
Aujourd’hui, on ne lit pas un e­texte sans bonus référant à une interview sur You
Tube, à une lecture publique, à une carte (comme on ne regarde pas un ilm sur
DVD sans quelques­uns de ses rushes, sans un clip, etc.). Par ailleurs, la logique
sous­jacente des TIC suggère une nouvelle relation entre traducteur et contenu
textuel. Ces outils impliquent en efet des tâches et des procédures conçues pour
Traduction et Texte : vers un double nouveau paradigme 191

l’automatisation, comme l’alignement textuel (ou faire correspondre des versions


en langue source et langue cible), les mémoires de traduction (ou faire correspondre
des segments de texte — du mot au paragraphe — entre les langues en présence),
la gestion de contenu (en langage de balisage comme HTML), sans oublier le
fractionnement du travail et des documents dans la traduction collaborative (voir
section 1.2).
Le concept de texte en traductologie change selon les approches (descriptive,
systémique, postcoloniale, féministe, etc.) et selon les périodes. D’évidence, dans la
perspective de l’équivalence et celle de la domestication des brochures touristiques,
des livres d’art, des catalogues d’expositions, des publicités mêlant écrit et illustra­
tions (photos et dessins), le concept de texte a peu à peu changé (Gorlée 2004). Le
texte tel que renouvelé par les TIC est devenu poly­sémiotique ou multimodal —
une composition hybride faite de diférents signes sémiotiques, exigeant de nou­
velles compétences et de nouvelles formes de littératie. Deux décades d’Internet et
de Web ont transformé un concept qui avait dominé plus d’un millier d’années.
On a dorénavant des textes faits de courts messages (blogues, tweets), d’images
ixes ou mobiles, de sons, de pictogrammes, tableaux, jouant sur les couleurs et les
polices de caractères, etc. Les textes sont désormais luides avec d’autres textes et
d’autres signes sémiotiques.
Le Web accueille et distribue tous les médias existants (Lancien 2010). Il
favorise la navigation : le sens est construit de lien en lien, de site en site (hyper­
textualité ; voir Jiménz­Crespo 2013, pp. 54­65), donnant à l’acte de lecture un rôle
déterminant dans la co­construction du texte. Alors que tout document pouvait
naguère être daté et attribué au moment de sortir de l’imprimerie, avec le Net on a
un processus permanent d’actualisation (mise à jour) et en même temps d’inini­
tude des contenus. D’une façon, les hypertextes recréent les ambiguïtés des manus­
crits médiévaux — ce n’était pas toujours alors facile de distinguer entre auteur
et copistes, entre savoir original et commentaires. De plus, aujourd’hui, le même
texte peut être aussi multimédia : par exemple, un article de presse avec photos
peut être transféré d’un journal à un site Web ou sur un téléphone mobile.
Pour R. Barthes (1964), la relation entre verbal et autres modes sémiotiques
de communication était hiérarchique et asymétrique : il postulait la domination du
texte verbal sur les autres codes sémiotiques — le texte fonctionnant comme un
relais (texte et image étant dans une relation de complémentarité) et un ancrage
(le texte orientant la lecture de l’image). Aujourd’hui, les chercheurs en multi­
modalité, comme Kress & van Leeuwen (1996; 2001), soulignent la primauté
et l’autonomie des signes visuels. La question ici n’est pas de déterminer qui a
raison mais d’observer que les deux tendances données ici comme exemples
mettent le doigt sur l’importance de prendre en considération les modes multiples
de représentation en tandem — les formes verbales ne constituant plus l’unique
manière de produire du sens.
192 Transpositions Between Verbal Semiotics

La mono­modalité ne peut pas être une approche des textes, y compris pour
certains écrits littéraires. De même, la traduction ne peut pas être exclusivement
liée au texte verbal écrit. Dans les études en interprétation, on reconnait maintenant
le poids des éléments non­verbaux et les communications multilingues. Plusieurs
critères de qualité ont été déinis ici et là pour, par exemple, l’interprétation dans
les médias parlés : compréhensibilité, synchronie, information complète, énon­
ciation aisée et régulière, expressions faciales appropriées, gestualité posée, code
vestimentaire non négligé.
La transformation du concept de texte va de pair avec le renouveau des
genres, en particulier les genres médiés par le Web (voir Jiménez­Crespo 2013,
pp. 67­101) — des 140 caractères d’un tweet jusqu’aux transformations inter­
sémiotiques disponibles sur le Net (comme par exemple la « traduction » par
l’artiste chinois Ai Weiwei du Gangnam Style en Grass Mud Horse Style). Il resterait
à tester les sept critères de textualité sur divers matériaux textuels à traduite, à loca­
liser, à sous­titrer. Des essais ont été tentés, notamment avec les notions de cohé­
rence et d’intertextualité (voir par exemple les travaux de Di Giovanni [2014] et de
Taylor [2014] en audiodescription).
Aujourd’hui, les changements sont si rapides, si complexes, si sensibles et si
controversés qu’il est parfois diicile de suivre et de comprendre ce qui se passe.
Peut­être un regard vers l’histoire sur la longue durée (comme suggéré par l’École
des Annales) et le rejet de notre obsession sur les textes verbaux ixes sont aussi des
façons de dépasser les divisions et d’aborder le futur avec coniance.

5. Vers un double changement de paradigme


Le développement rapide de la mondialisation et de la technologisation, en parti­
culier dans les milieux de travail, n’a guère donné de temps à nos sociétés pour
assimiler et réévaluer leurs structures fondamentales. Nos modèles et relations
actuels sont­ils durables alors que nos pratiques sociales et culturelles changent
manifestement ? Un certain recul historique nous permet de considérer la création,
la mise en œuvre et la maturation de nouveaux paradigmes, surtout à chaque phase
d’innovation technologique : de l’oral à l’écrit, de l’imprimerie aux technologies
numériques qui nous permettent d’ajouter une dimension virtuelle ou « synthé­
tique » (Castronova, 2005) à notre réalité concrète.
Le clash des paradigmes — de la tradition basée sur les textes religieux et
les imprimés à la culture numérique — a lieu maintenant. Les hésitations pour
dénommer ce qu’on fait quand on traduit, on transcréé, on transédite, on localise,
sont palpables. Nombre d’associations de traducteurs s’appuient toujours sur les
catégories fondatrices de « littéraire » et de « non­littéraire » (technique, commer­
cial, médical, juridique).
Deux paradigmes ont changé et changent. D’un côté, la conception devenue
conventionnelle de la traduction basée sur le paradigme de l’équivalence a évolué
Traduction et Texte : vers un double nouveau paradigme 193

vers une conception orientée vers le public cible c’est­à­dire le paradigme du


tournant culturel. Ce premier paradigme existe en parallèle avec un autre para­
digme également en cours de transformation et qui relète les supports et médias
par lesquels passent les traductions. Le paradigme de l’imprimé et du livre (d’où a
émergé le paradigme de l’équivalence) se transforme en paradigme du numérique
et du Web (où les textes à traduire deviennent multimodaux). Dans ce contexte de
changement rapide s’expliquent la prolifération des termes employés dorénavant
pour désigner ce qui était « traduction » et les ambiguïtés attachées à ce qu’on
appelle « texte », comment on le produit et comment on le reçoit.

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