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Eliphas Lévi
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DU MÊME AUTEUR

Les Sources ésotériques et occultes de la poésie symboliste, éd. Nizet, t. I,


«France », 1969 ; t. II, « Europe », 1974.
Edouard Schuré et le Renouveau idéaliste en Europe, à paraître.
POÉSIE
Ligne de cœur, Seghers, 1953.
Itinéraire, Chambelland, 1965.
Formulaire, Chambelland, 1969.
Le Lion vert, Chambelland, 1973,
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ALAIN MERCIER

Eliphas Léviet
la pensée magique au XIX siècle

La Table d'Émeraude
SEGHERS
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Collection dirigée par Jean-Claude FRÈRE


Couverture dessinée par P.-H. MOISAN

La Loi du 11 mars 1957n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Ar-


ticle 41, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à
l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et, d'autre
part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exempleet d'illus-
tration, toute représentation ou reproduction intégrale oupartielle,faite sansle
consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite
(alinéa 1er de l'Article 40).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit,
constituerait doncunecontrefaçonsanctionnéeparlesArticles 425et suivants
du Code Pénal.

TOUS DROITS DE REPRODUCTION, D'ADAPTATION


ET DE TRADUCTION RÉSERVÉS POUR TOUS PAYS.
© ÉDITIONS SEGHERS, PARIS, 1974.
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1
INTRODUCTION À L'EXPÉRIENCE
ET À LA PENSÉE MAGIQUES D'ELIPHAS LÉVI

L'écrivain français du XIX siècle connu sous le pseudonyme


d'Eliphas Lévi (1810-1875) n'est pas encore sorti du purgatoire où
sont relégués illuminés, prophètes et magistes qui s'illustrèrent au
déclin du romantisme et à l'aube de l'ère positiviste. Les références
à ses traités et « rituels » ne manquent certes pas dans les publi-
cations récentes sur le paranormal et le fantastique, ne serait-ce
que pour le pittoresque des citations rapportées. Mais celui qui
veut envisager de manière globale l'homme, son œuvre et son
expérience pratique, en les confrontant à la pensée magique du
siècle passé, est plongé dans un certain embarras. La personnalité
d'Eliphas Lévi est toujours controversée, bien que révérée dans
des milieux initiatiques assez délimités. L'historien ne l'a pas située
dans un courant précis de la pensée philosophique et mystique,
comme c'est le cas pour Fabre d'Olivet, L. C. de Saint-Martin ou
Ballanche, il ne l'a pas débarrassée de ce voile suspect que jettent
les reproches de « polygraphie », « vulgarisation hâtive », trop
grande facilité d'écriture, voire charlatanisme. En outre, une
légende quelque peu sulfureuse s'attache à la mémoire de ce ma-
giste dont la vie fut jalonnée d'incidents dramatiques, de tentatives
et expériences hasardeuses, de contradictions apparentes qui lais-
sent perplexe. Il avait le goût du secret, il aimait s'envelopper de
mystère, il méprisait le vulgaire et le profane tout en se réclamant
du peuple ; et surtout — ambiguïté suprême — il prônait une
éthique libérée des morales courantes, tout en se référant au chris-
tianisme originel. L'effort de synthèse que Lévi entreprit pour
concilier les diverses données de ce qu'il est convenu d'appeler
ésotérisme et occultisme — kabbale, alchimie, tarot, magnétisme,
tendances cachées des religions, etc. —, effort gigantesque en ce
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qu'il suppose de connaissances préalables, n'a pas été entièrement


couronné de succès. Mais la manière dont cet effort s'insère dans
le développement, souvent anarchique, de la pensée magique au
XIX siècle mérite le respect et l'attention ; toutes réserves faites sur
l'authenticité de tel propos ou telle expérience rapportés par l'au-
teur, celui-ci s'est élevé incontestablement au niveau de la maîtresse
spirituelle, grâce à l'ampleur et à la noblesse de ses ambitions, à
son refus impérieux des sectarismes ou fanatismes et à la
confiance bienveillante accordée généralement par lui aux pouvoirs
de l'esprit humain ; grâce aussi à la liberté tempérée de sagesse et
raison qu'il a prêtée aux possibilités infinies de l'imaginaire, dans
un cadre symbolique où tendent à s'abolir les oppositions entre
spiritualisme et matérialisme, où se rejoignent le plan humain et
le plan divin.
Œuvre touffue, foisonnante, paradoxale, allant de la chanson
populaire à l'épopée mythique, en passant par le roman drolatique
et le pamphlet social, d'autant plus malaisée à saisir que l'écriture
et l'humeur varient en s'adaptant aux circonstances. L'absence
d'archives accessibles, le peu de renseignements indubitables concer-
nant les actes et les relations sociales et littéraires de Lévi dans son
époque conduisent le chercheur à se poser d'abord la question cru-
ciale : qui fut vraiment celui qui signa ELIPHAS LÉVI ZAHED, alias
« abbé » Constant ?
Est-ce le « grand kabbaliste » que désignait l'allemand Laars
au début de ce siècle \ le « rénovateur de l'occultisme » auquel
Paul Chacornac, un peu plus tard, consacrait une biographie lau-
dative 2 ou bien encore ce « visionnaire romantique » que le pro-
fesseur F.P. Bowman a présenté récemment aux Presses univer-
sitaires de France, en s'inspirant en partie des travaux d'Auguste
Viatte et de Léon Cellier ?
Sans entrer dans une analyse détaillée des points de vue envi-
sagés ci-dessus, nous constatons qu'ils projettent une lumière
1. R.H. Laars, Eliphas Lévi, der grosse Kabba/ist und seine magischen
Werke, Rikola verlag, Wien, 1922.
2. Paul Chacornac, Eliphas Lévi, rénovateur de l'occultisme en France,
Paris, éd. Chacornac, 1926.
3. F.P. Bowman, Eliphas Lévi, visionnaire romantique, P.U.F., 1969.
Voir aussi : A.E. Waite, E. Lévi, The Mysteries of Magic, Londres, 1886,
et Paul Zillman, « Was wir von E. Lévi wissen », in Neue metaphysische
Rundschau, Leipzig, 1911, Band XVII.
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différente, chacun de leur côté, sur l'expérience protéiforme de


l'illuminé Constant et du magiste Lévi. Mais n'existe-t-il pas, à
travers les modes d'expression choisis et les époques successives
qui métamorphosèrent le diacre en initié, une unité de structures et
d'intentions dans les idées, qui permettrait de ne pas s'en tenir à
des notions limitatives, comme le romantisme humanitaire, l'occul-
tisme ou le kabbalisme, par exemple ? Cette unité, c'est en fonction
de la pensée magique et par rapport à elle que nous essaierons de
la cerner, constatant pour notre part que, de La Mère de Dieu au
Livre des Splendeurs et au Grand Arcane, une conception du
monde originale se forge, se fortifie, se développe (en suivant com-
bien de détours et de méandres !...) et s'instaure autour de plusieurs
principes essentiels : en premier lieu, la doctrine des analogies
universelles, des correspondances entre les mondes inférieurs et les
mondes supérieurs, entre l'homme et l'univers qui l'entoure ; en
second lieu, la croyance en la rédemption de la femme, d'abord
incarnée comme la mère du Christ, puis image de l'humanité en
marche vers la lumière ; enfin la conviction qu'il existe une force
invisible et universelle (l'OD de Paracelse) qui gouverne, en bien
ou en mal, nos actes et destins, force dont il importe de nous
rendre maître, force qui se manifeste sous son aspect le plus
spiritualisé dans toutes les traditions sacrées ; ces traditions, il
nous appartient d'en rechercher l'unité perdue en recouvrant une
seule et unique « Tradition », qui ne sera pas seulement la kabbale
hébraïque, le christianisme ou l'évangile socialiste, etc., mais qui
réconciliera l'homme avec lui-même et aplanira divisions, haines,
tabous et préjugés au nom d'une sagesse suprême vers laquelle
initiés et « mages » montreront la voie. La qualité essentielle de
Lévi, parmi les lacunes de tant d'autres « magistes » du XIX siècle,
c'est sa capacité d'assimilation, son aptitude à réunir des notions
contradictoires — ou éloignées les unes des autres — dans une
« systématique » ouverte et mobile, fondée sur les antiques révéla-
tions et la science des nombres et des symboles, mais sans cesse
remise en cause par les forces de l'intuition, de la sensibilité et de
la fantaisie créatrice. Ce dernier point déroute chez Lévi, dont
l'œuvre tente infatigablement de concilier science, poésie, éthique,
sous
cachésle signe
de ladenature.
l'amour de Dieu et de la connaissance des mystères
Une tendance générale résume cette tentative, depuis les para-
boles du jeune Constant jusqu'aux aphorismes du Lévi vieillissant :
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l'aspiration à l'harmonie universelle, à la réconciliation des antago-


nismes, à l'équilibre entre l'être et le cosmos, entre l'anima et
l'animus, l'esprit pur et l'instinct naturel. Formulée de manière
romantique — lyrique et épique — ou plus ramassée, concise et
didactique, la pensée d'Eliphas Lévi s'est nourrie à de multiples
sources, mais elle n'en constitue pas moins un enseignement qui,
débarrassé de ses scories, offre une indiscutable cohérence ; des
adeptes fidèles 4 en tirent aujourd'hui des leçons qui s'appliquent
sans difficulté au monde actuel. Qu'importe, en fin de compte, si
l'érudition et l'approfondissement de détail manquent parfois dans
cette œuvre écrite et publiée en des circonstances parfois pénibles,
hasardeuses, et au prix de rudes difficultés.
Nous insisterons davantage sur l'aspect ésotérique des écrits de
Lévi, F. B. Bowman ayant mis l'accent, dans sa présentation de
textes choisis, sur la part sociale, humanitaire et « mystique » de
celui qu'il appelle un « visionnaire romantique ». L'excellent tra-
vail de Bowman dégage essentiellement la coloration illuministe
d'œuvres en prose ou en vers qui rejoignent aussi bien la lignée de
Swedenborg, des quiétistes et utopistes, que le fameux « évangile
des correspondances » de Baudelaire. La quasi-totalité des textes
cités ou reproduits par Bowman avait d'ailleurs paru au XIX siècle
sous la signature d'A. L. Constant et non sous le pseudonyme
d'Eliphas Lévi ; aucun extrait des sommes magiques, du Grand
Arcane, de La Clé des Grands Mystères, du Livre des Splendeurs,
n'est par lui donné à lire, Bowman considérant qu'il s'agit d'une
partie de l'Œuvre appartenant au domaine de l'occultisme et non
de la littérature. Cependant, il reconnaît à juste titre que l' « oc-
culte » est déjà présent dans les publications romantiques signées
Constant, mais en filigrane seulement
Nous estimerons personnellement qu'il n'y a pas rupture entre
la première partie — dite humanitaire — de l'œuvre de notre
auteur, et la seconde — dite occultiste — en volume d'ailleurs la
4. Ainsi devons-nous citer le travail très intéressant de Mme Christiane
Buisset, Aphorismes et pensées d'Eliphas Lévi, dont l'index par sujet
traité témoigne de la diversité des problèmes abordés par le maître spiri-
tuel. Rendons à cette occasion hommage à la ferveur et à la piété de Chris-
tiane Buisset qui, depuis de longues années, s'attache à faire connaître et
respecter l'œuvre et la personnalité d'Eliphas Lévi. (Hors commerce.)
5. Rapprochant A.L. Constant de Ballanche et Soumet, Bowman l'appelle
«mystiqueoccultisant ».
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plus importante. Il y a évolution, changement de perspectives et


de curiosités, désir peut-être de se manifester sous un visage nou-
veau, de prendre davantage ses distances avec l'éducation chré
tienne, la jeunesse tumultueuse, la vie politique et sociale ;
d'A. L. Constant à Eliphas Lévi, il existe pourtant une solution de
continuité, comme on dit. Le second n'a jamais réellement renié
le premier, regrettant tout au plus les excès et les erreurs d'années
d'apprentissage qui furent si marquées par le grand bouleversement
de la révolution de 1848. Le signataire des traités sur la magie
diffère, en avançant dans le temps, du jeune pamphlétaire
A. L. Constant sur des points qu'il importe de préciser, car ils
modifient sensiblement l'image du « petit romantique » à l'imagi-
nation débridée que nous a communiquée Bowman. Lévi se mon-
trera de plus en plus méfiant vis-à-vis de tout ce que recouvre la
notion de « mystique » vague, notion envers laquelle il devient
même ouvertement hostile ; il fustige à toute occasion le délire de
l'esprit, les emportements de la vie psychique qui conduisent au
déséquilibre des sens, à l'hallucination, aux fantasmes et à la
« folie ». Il préfère, à l'exploration de l'au-delà et de ses ombres,
l'interrogation des secrets de la nature vivante ; il est par-dessus
tout soucieux de raison, de mesure, de règle, de discipline ; il
conseille la joie et la béatitude immédiates dans les plaisirs simples
(en quoi il est l'élève de Rabelais) plutôt que la mélancolie, la
nostalgie incurable de l'inaccessible. En tout cela, il faut bien le
reconnaître, Eliphas Lévi est antiromantique au possible. N'y a-t-il
pas même chez lui, dans ses moments de faiblesse et d'abandon,
une tiède et prudente sagesse à la Joseph Prudhomme ? Par tempé-
rament et par expérience, Lévi prête l'oreille, dès 1855, aux cou-
rants scientistes et positivistes, aux progrès de la physique et de la
médecine ; il a compris qu'une ère nouvelle s'annonçait, avec
comme principes : l'expérimentation sur le réel, l'empirisme, la
pratique du concret, pour ne pas dire l'utilitarisme. C'est en sou-
riant que l'on s'apercevra que notre « rénovateur de l'occultisme »
se référait volontiers à Molière et à La Fontaine, aux classiques
en général, tous pourfendeurs, s'il en fut, de la superstition, de
l'obscurantisme et des excès de l'imagination !
L'écart établi prudemment avec l'aventure romantique, en ce
qu'elle eut de plus frénétique, n'a pas contraint Lévi à un rationa-
lisme philosophique négateur des rapports obscurs qu'entretiennent
le phénomène humain et la vie universelle. Si le concept de lumière
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(dite « astrale » ou « odique ») domine dans cette approche d'une


vérité spirituelle dissimulée sous les apparences de l'absurde, ce
concept n'en est pas moins indissociable de celui de ténèbres, qui
lui est aussi nécessaire que le Mal l'est au Bien, la nuit au jour, la
souffrance à la joie et le silence à la parole. De cette alternance
immémoriale, Lévi n'a pas tiré un dualisme —ou un déterminisme —
analogue à celui de certaines gnoses antiques et familier aux into-
lérances médiévales puis au jansénisme. Toujours, il s'est déclaré
hostile au manichéisme figé qui engendre tristesse, ascétisme et
isolement ; de là, sa critique de Vintras et des vintrasiens, apprentis-
sorciers risquant les pires aberrations en jouant aux « élus » déten-
teurs d'une nouvelle révélation ; de là, ses mises en garde contre la
crainte ou la curiosité malsaine que suscitaient et susciteraient à
l'avenir les « envoûteurs », jeteurs de sort, devins catégoriques, pro-
phètes de mauvais augure, etc., dont le pouvoir ne réside qu'en la
faiblesse de leurs victimes. Soyez lucides, audacieux, sans préjugés
ni terreur absurdes, devant ce vaste réseau de phénomènes incontrô-
lables issu des forces cachées de la création et échappant à notre
raison tout en la faisant chanceler. Tel est, en résumé, l'enseignement
d'Eliphas Lévi dont le fameux précepte OSER, SAVOIR, SE TAIRE
(mané, thécel, pharès), hérité de l'antique tradition, est la base cons-
tante d'argumentation.
Ainsi Lévi a-t-il tiré la pensée magique de ce domaine réservé,
interdit, maudit, où l'avaient confinée jusqu'au XIX siècle les ratio-
nalistes et les docteurs de l'Eglise officielle. La « magie » n'est pas
pour lui un ensemble de fantaisies gratuites ou un synonyme d'illu-
sionnisme et d'enchantement artificiel. Elle n'a rien à voir avec
les tours de prestidigitation ou les séances d'hypnotisme qu'orga-
nisent les « magnétiseurs » de salon, elle est très au-dessus des
superstitions et recettes campagnardes qui n'en sont que le résidu
abâtardi. Magie blanche ou magie noire ? La distinction n'apparaît
pas très nettement chez Lévi —on le lui a reproché —, qui décèle
plutôt des niveaux et des degrés d'évolution dans les structures
de la pensée magique, celle-ci ne devant parfois sa « blancheur »
ou sa « noirceur » qu'aux circonstances, aux intentions et aux
conditions relatives de son exercice.
S'il est vrai que les traités, précis historiques ou encyclopédiques
concernant la magie, la kabbale et la sorcellerie se multiplient dans
les années qui précèdent ou suivent immédiatement la publication
des ouvrages majeurs de Lévi (vers 1860) — et celui-ci ne les
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ignore pas —, ils représentent une résurgence symptomatique de


cette « pensée magique » que l'essor de la société scientifique et
industrielle d'Occident semblait condamner à faire disparaître au
nom du progrès et de ses applications techniques dans les échanges
intellectuels, économiques et sociaux, tout en la récupérant. Au
début du siècle, le romantisme s'était complu aux diableries pitto-
resques de Collin de Plancy (son Dictionnaire infernal) ou de Berbi-
guier. Puis, on relut les histoires de la magie que rédigèrent un
Garinet, un Gaffarel et plusieurs autres... Bien avant que Lévi se
penchât sur la kabbale, Lenain avait fait paraître sa poétique
Science kabbalistique (1823) et Adolphe Franck sa sérieuse et objec-
tive Kabbale, les almanachs et livraisons populaires diffusaient
des recettes prétendument kabbalistiques, qui, bien entendu,
n'avaient presque rien à voir avec la vénérable exégèse hébraïque
de l'Ecriture... Les convulsions historiques de 1848 sont exacte-
ment contemporaines de ce reflux étrange et anarchique dans son
étendue et sa portée. On confond aussi magie et « magnétisme »,
sous la plume de Cahagnet, et du Potet, Deleuze et Henri
Delaage, les expériences de Puységur et Mesmer redevenant à la
mode. Contemporains des « sommes magiques » de Lévi furent
aussi le curieux opuscule d'Alcide Morin sur la même question,
les travaux sceptiques et désengagés de l'universitaire Alfred Maury
(La Magie et l'Astrologie...), les recherches de Ragon de Bettignies
sur l'ésotérisme maçonnique. Postérieures de plusieurs années, les
publications éclectiques de Louis Jacolliot, de Louis Figuier, de
Pierre Christian vont toucher, en vulgarisant les sujets abordés, un
public de non-initiés.
La vitalité, sporadique ou désordonnée, de cette résurgence
« occultiste », de 1850 à 1870, nous aide à comprendre le trait
majeur qui se dégage de la lecture d'Eliphas Lévi : la pensée magi-
que est une des constantes de la nature humaine, depuis la préhis-
toire jusqu'aux temps modernes ; dimension irréductible du psy-
chisme individuel ou collectif, elle échappe à toute réduction logique
imposée par la vie sociale ou la lettre des credos religieux. Aucun
peuple, aucune civilisation, quelles que soient leurs croyances à
travers le monde, ne sont étrangers à la pensée magique, sous une
forme ou sous une autre. Un siècle après Eliphas Lévi, nous recon-
naissons cette persistance du fait magique, des communautés tri-
bales d'Afrique aux sociétés surindustrialisées comme les Etats-
Unis. Utilisant les procédés analytiques de l'anthropologie structu-
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rale, Claude Lévi-Strauss a aujourd'hui montré que les rites, danses,


opérations d'initiation ou d'exorcisme, obéissaient chez les peuples
dits « primitifs > à des règles précises dépendant de facteurs
économiques et climatiques, et déterminaient un mode de vie, des
liens entre l'homme et la nature (accompagnant chasse, pêche,
cueillette...), toute une culture parfaitement autonome, que rien ne
permet de juger inférieurs à ceux des sociétés dites « évoluées ».
Du sorcier océanien au gourou californien ou asiatique, le phéno-
mène est plus que jamais planétaire et résiste aux simples explica-
tions sociologiques, lesquelles se heurtent au processus d'approche
irrationnelle du monde supérieur — Dieu, les dieux ou les forces
surnaturelles — par l'esprit humain. Bien longtemps après Eliphas
Lévi, le terme même de magie n'a rien perdu de sa résonance trou-
blante, en dépit de la dépréciation sémantique que lui ont fait subir
le vocabulaire usuel et les vulgarisations de tous ordres. Qu'il s'a-
gisse de la commercialisation de bas occultisme répandue par les
magazines à sensation ou les officines citadines ou rurales, ou bien
du modelage des cerveaux (le « message » suivant Mac Luhan) par
les mass média, la confusion —entretenue chez les esprits faibles —
ne nous abusera plus si nous relisons Eliphas Lévi, qui avait pris
soin de garantir la haute magie de ses simulacres ou succédanés,
pour en éviter la profanation et le mauvais usage.
Réintégrer la pensée magique dans le courant de la science
expérimentale, tel avait été le projet de Lévi vers 1860. Les phé-
nomènes psychologiques marginaux — télépathie, pressentiments,
divination, transmission à distance — que l'on attribuait alors aux
« esprits de l'invisible », l'auteur de la Science des esprits proposait
d'en étudier l'existence en suivant la grille des analogies sous-tendant
les potentialités de notre psyché. De nos jours, des savants et
chercheurs minutieux, aux Etats-Unis comme en U.R.S.S., com-
mencent à mesurer l'étendue de ces phénomènes appelés para-
psychologiques, qui répondraient à des lois de fréquences et de
séries et ne seraient pas dus au fait du hasard ou aux coïncidences.
A la lumière des découvertes récentes des sciences exactes et
humaines, les savants constatant et déplorant une rupture de plus
en plus grave entre l'homme et son milieu naturel, l'opposition
apparente entre la démarche scientifique et la pensée magique tend
à s'effacer, grâce à une évolution que Lévi avait prévue dès le
XIX siècle. Contrairement à René Guénon, qui au XX siècle
condamna la civilisation moderne et ses progrès techniques au nom
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de la Tradition spirituelle perdue, Lévi avait foi, comme son


contemporain Renan, en « l'avenir de la science », et son optimisme
relatif tend désormais à se confirmer, en notre période de ratio-
nalisme ouvert où la logique aristotélicienne est elle-même remise
en cause. Ne voyons-nous pas la psychanalyse douter de
ses postulats freudiens, renoncer à ses schémas habituels pour
explorer les circuits analogiques entre signe, signifiant et signifié
—voir Gilles Deleuze — et par ailleurs, la médecine redécouvrir,
comme avec Paracelse, sinon la vertu des plantes, du moins les
concomitances de la physiologie et du psychisme secret, dans les
traitements psychosomatiques, par exemple ? Ne ressemblent-elles
pas à des opérations magiques, ces séances de psychothérapie col-
lective qui tiennent en quelque sorte de l'exorcisme séculaire grâce
auquel on délivrait les « envoûtés »?
Nous rejoignons Lévi de plus près encore, avec les données
avancées de la mathématique et de la physique. Celles-ci confirme-
raient, d'après Raymond Abellio, qui s'est intéressé à la théorie des
quanta, les anciennes déductions de la kabbale sur les nombres et
leur enchaînement séphirothique. Les théories des atomistes avan-
cent l'existence d'antimondes, puisque à la matière visible corres-
pondrait un antimatière qui serait son image invisible : aux neutrons
correspondent des antineutrons, aux protons des antiprotons... et
à notre univers répond un autre univers qui échappe à nos sens et
notre entendement. Avec sa culture et son vocabulaire d'homme
du XIX siècle, Eliphas Lévi ne dit rien d'autre, tout au long de son
Dogme et Rituel, de son Grand Arcane, de sa Clé des Grands
Mystères, soupçonnant déjà l'ambivalence de toutes choses appa-
rentes, dont le « double » serait le reflet sur le « plan astral ».
De nombreux penseurs scientifiques ont admis de nos jours que
la démarche de pensée « magique » ou analogique n'entravait
pas, mais complétait plutôt la démarche logique habituelle : ainsi
Stéphane Lupasco, ainsi Gaston Bachelard s'émerveillant de ce que
dans le rêve, la rêverie ou la formulation verbale incohérente, les
vérités essentielles sur notre moi nous soient révélées plus claire-
ment que dans le discours conscient. Ainsi Gilbert Durand, analysant
les Structures de l'Imaginaire, a-t-il confirmé que mythes, légendes,
fabulations et récits fantastiques (tels que nous les rapporta par
exemple E. Lévi) ne sont pas l'effet d'une fantaisie gratuite et arbi-
traire, mais correspondent bien à des attitudes, désirs, comporte-
ments « sacrés », qui sont communs aux traditions légendaires et
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conceptions magiques répandues de par le globe. L'élargissement


présent de la recherche anthropologique, qui ne nie plus les valeurs
recelées par la pensée magique, comme c'était le cas naguère, mais
qui tend à les réintégrer dans l'histoire humaine, aide à comprendre
pourquoi Eliphas Lévi peut faire figure de précurseur, de guide
lointain, malgré ses simplifications et erreurs historiques inévitables,
sur lesquelles nous ne nous attarderons pas.
Tout visionnaire et illuminé qu'il fût, surtout dans sa jeunesse,
Lévi devina confusément que le scientisme n'ayant pas le dernier
mot, la compréhension analogique des rapports « homme-cosmos »
en viendrait à compléter la logique cartésienne et que la loi d'équi-
libre qui régit à l'origine microcosme et macrocosme devrait être
suivie et respectée sans écarts, si l'humanité voulait réellement par-
venir à un stade supérieur d'évolution, de connaissance, mais aussi
de liberté et d'épanouissement. L'oubli des secrets de la nature,
que savent les paysans de toutes latitudes, la perte de l'équilibre
entre puissance humaine et cadre naturel — minéral, végétal,
animal — pouvaient conduire, selon Lévi, aux pires catastrophes
biologiques ou historiques La magie n'est rien d'autre que la
science des lois de cet équilibre, avec la parfaite maîtrise de soi-
même qui autorise à en tirer des harmoniques nous plaçant en
communication avec l'Eternel, l'Absolu, l'Impérissable, au-delà des
contingences mortelles.
Mais l'approche de cet état quasi divin, où l'éternité nous appa-
raît dans une dimension étrangère à notre limitation spatio-tempo-
relle, est rare, difficile et dangereuse. Lévi ne le cache pas, lui qui a
finalement préféré le patient exercice de l'approfondissement inté-
rieur à l'extase mystique. Ennemi de tout « appareil » spectacu-
laire, de toute attitude excessive ou débridée dans l'étude de
l'occulte, Lévi enseignait que nul n'était initié que par lui-même,
sans illusion ni forfanterie, mais en consentant à des sacrifices dont
l'humanité tirerait finalement profit dans l'avenir. Se fondant sur
les exemples des sages et mages du passé, il a rêvé de l'homme du
futur, en qui se réconcilieraient Christ et Lucifer, un homme libre

6. Les idées d'Edgar Morin, dans : Un paradigme perdu, la Nature


humaine, Paris, Le Seuil, 1973, rejoignent celles de Lévi et d'autres vision-
naires des XVIII et XIXsiècles.
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et conscient de ses pouvoirs et de ses limites, lucide et fraternel,


n'abusant pas de ses connaissances et ne sacrifiant pas la foi reli-
gieuse à la construction d'un bonheur égoïste ; l'homme libre
conduit par le magnétisme d'amour, repoussant les effluves de
haine, reconnaissant dans la femme son égale, son complément
générateur et régénérateur, la révérant à l'égal de Dieu, comme
symbole de la nature nourricière et inspiratrice des créateurs.
Précisée dans ses ultimes ouvrages, cette image de l' « homme
futur » a été élaborée par Lévi depuis les romantiques années où
il composait Le Rêve de Prométhée et L'Assomption de la Femme.
Elle n'est pas l'effet d'un idéalisme utopique ne tenant pas compte
des divergences individuelles. Elle se dégage de séries d'expériences,
conseils, observations et lectures qui finissent par composer une
éthique originale. Chacun de nous devrait, pour Lévi, suivre ce
qu'il appelle la loi d'alternance, c'est-à-dire la règle de ne pas
s'obstiner dans une voie unique d'activité, mais de « croiser et
alterner son action pour ne pas aboutir à un résultat contraire ».
Le résultat auquel nous aspirons sera obtenu par des chemins
parfois inattendus ; la force — que nous parvenons à capter dans
l'astrale —psychique ou physique, ne nous sera accordée que par
un long exercice de notre volonté, une économie progressive de
nos moyens, une concentration qui ne serait pas appauvrissement
de nos facultés. Le grand mal, d'après Lévi, chez l'individu comme
chez le peuple, c'est la crainte, l'ignorance, l'abandon aux forces
de destruction et de désagrégation ; si nous ne vainquons pas ces
faiblesses, nous serons la proie des conflits, des querelles et des
guerres, qui continueront à ensanglanter notre espèce comme par
le passé.
Conscient du double aspect de la nature humaine, aussi prompt
au Bien qu'au Mal, Lévi n'a pas construit de paradis social à la
manière de Charles Fourier et des fouriéristes, avec lesquels il
professa toutefois, en 1848, la théorie des Harmonies, et encore
moins à la façon de Cabet, son adversaire ; et il fut trop indivi-
dualiste pour concevoir une quelconque utopie nivelant les cons-
ciences et les personnalités 7d'après un système préétabli. Mais à
7. Voir Gilles Lapouge, Utopie et Civilisation, Paris, Weber, 1973. Pour
Lapouge,
dans un mCabet est le type mêmede l'utopiste triste enfermant la vie sociale
oule uniformisé.
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l'époque de maturité où, abandonnant ses rêves messianiques, il


concentrait ses efforts à la conception d'une maîtrise magique
accordée d'abord aux seuls adeptes, il conservait son dessein huma-
nitariste qui devait lui attirer la sympathie de Victor Hugo. En
effet, pour lui comme pour Hugo, le mage, le « voyant », le pro-
phète doivent montrer le chemin de la vérité et de la connaissance
intuitive aux peuples plongés dans le chaos, l'ignorance et la servi-
tude. Bien souvent, le vrai mage et l'esprit supérieur seront incom-
pris de leurs contemporains, bafoués, persécutés, livrés à la vindicte
et au martyre, mais leur message survivra à leur échec momentané.
Lévi a fréquemment insisté sur le fait que les «pouvoirs magiques »
ne devraient pas être utilisés à des fins égoïstes et personnelles,
sauf en cas de « légitime défense ». Croyant à la réalité d'un « ma-
gnétisme universel », d'un fluide impalpable portant les courants de
sympathie ou d'antipathie à travers les communautés d'âmes, Lévi
pensait que la magie ne pouvait se borner à des opérations purement
individuelles, mais que la collectivité, du cercle restreint formant la
chaîne initiatique à de plus vastes ensembles sociaux, prenait en
charge les forces d'attraction ou de répulsion se propageant d'onde
en onde à partir de foyers limités. A l'initié reviendrait alors la
grave responsabilité de capter ce qu'il appelait, dans son vocabu-
laire poétique, la « force astrale », émanation de la nature divine
et clef de la vie universelle ; force circulant avec d'infinies ramifi-
cations, de la pierre et de la plante muettes aux planètes et cons-
tellations proches ou éloignées (théorie venue du pythagorisme) en
passant par l'homme, catalyseur nécessaire, récepteur et émetteur à
la fois, pour employer des termes de la physique moderne ; maîtri-
sant fluides et vibrations, l'adepte les « tournera » au Bien ou au
Mal selon les dispositions de sa volonté et son degré de perfection-
nement vers la sagesse et la connaissance de soi ; le pire peut donc
être proche du meilleur, et la moindre erreur, Lévi nous en avertit,
risque d'être fatale à ce genre d'opération.
De cette synthèse « léviste » des traditions magiques que nous
venons de résumer, on voit bien la part que tire et tirera l'occultisme
pratique —après Lévi —en ses divers compartiments : astrologie,
cartomancie, chaînes d'union, thaumaturgie, etc. Mais, séparées les
unes des autres, ces activités aboutissent à une spécialisation tout à
fait opposée à l'esprit d'équilibre et de concentration qui fut sou-
haité par Lévi, en cela homme de la Renaissance plus que de
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l'âge romantique, comme l'atteste sa vénération pour Rabelais,


Postel, Paracelse, Trithème, etc.
Formulée si souvent sous forme dialectique ou aphoristique, la
pensée de Lévi n'est pas aisée à cerner comme un tout bien saisis-
sable, et on ne s'est pas fait faute de la placer en contradiction
avec elle-même. On oublie trop que pour ce magiste éprouvé aux
discussions théologiques, à la maïeutique et à l'herméneutique,
la contradiction est essentielle à la recherche et à la découverte de
la vérité, l'étincelle surgissant peut-être du rapprochement paradoxal
de deux propositions éloignées, l'harmonie résultant d'oppositions
ou renversements des signes, qui finissent par se compléter sans se
neutraliser. Cette tournure de pensée explique — dans un sens
— l'attention que le surréalisme porta, en la personne d'André
Breton, à certains fragments de Lévi, aussi déconcertants dans leur
ambiguïté que les Chants de Maldoror. Fidèle aux préceptes de la
Table d'Emeraude corrigés par une lecture intensive des Ecritures
et des illuminés romantiques, Lévi assure dans tous ses livres
qu'aucune contradiction n'est irréductible et définitive, qu'aucun
problème, aucune énigme ne sont insolubles à celui qui comprend
la symbolique des choses et des actes : éternel dialogue d'Œdipe
et du Sphinx... La dialectique n'est pas cependant pour Lévi un
exercice métaphysique (Hegel) ou une « arme » analytique (Marx)
le rapprochant des philosophes allemands, ses contemporains
C'est un support destiné à libérer la pensée magique de ses cloi-
sonnements, des préjugés et sectarismes qui la sclérosaient en
Occident jusqu'au XIX siècle.
D'une part, la magie imprègne, sans que nous en ayons cons-
cience, les faits et actes de la vie dite profane : un parfum, un
morceau de musique, un poème, un regard, une voix... ont sur nous
une emprise mystérieuse dont la logique et la psychologie ne don-
nent pas la clef absolue ; dans les pays où le Sacré et le Profane ne
sont pas dissociés — Afrique, Océanie — la magie entoure même
l'existence quotidienne en ses moindres rites ; mais d'autre part,
dans l'Europe désacralisée du XIX siècle, elle se vit contrainte à
utiliser un langage, un arsenal, un code chiffré — toute une

de8.Lévi
Villiers
et dedelal'Isle-Adam
dialectiques'hégél
inspirera
ienneendans
mêm eteCont
ses mpsesdeetlarécits.
penséeCorollaire
magique
àrenversement
la dialectiquedesdevaleurs
Lévi est la loi d'attraction des contraires qui suggère un
établies.
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structure de signes à correspondances multiples —destinés à en éloi-


gner le « commun des mortels », soupçonné d'en édulcorer ou
trahir les secrets par imprudence. D'où cette présence de pentacles
(que Lévi écrit pantacles), talismans, sceaux, graphies kabbalisti-
ques, épées, philtres et baguettes, que l'on peut juger inutiles et
artificiels si l'on s'en tient à la pratique d'une magie dite naturelle.
Tout cet attirail prestigieux occupe dans plusieurs œuvres de Lévi
une part que l'on estimera souvent démesurée. Le fétichisme est-il
indispensable à la haute magie comme il l'est à la sorcellerie popu-
laire 9? Entendons-nous bien : ces signes concrets, ces formules
hermétiques n'ont nulle valeur en eux-mêmes si celui qui en fait
l'usage en est indigne, s'il n'est pas animé de ce désir de connais-
sance et d'illumination authentiques qui est, au fond, l'essentiel.
C'est que l'appareil, la pompe, le cérémonial, qui pour Lévi gardent
leur prestige, ne sont rien si l'Esprit ne souffle pas sur eux. Aussi
le lecteur du Dogme et Rituel ne devra-t-il pas leur attacher trop
d'importance.
Il n'est pas sûr que les disciples immédiats d'Eliphas aient saisi
véritablement l'essentiel de sa pensée, à l'exception peut-être de
Guaita qui en développa largement l'aspect historique. Les amis
de Papus voient en lui un « artiste », un maître sans doute, mais
plus littérateur qu'érudit. V. E. Michelet, dans ses Compagnons de
la hiérophanie affirme qu'avant de composer le Dogme et Rituel,
Lévi n'est « encore qu'un écrivain très médiocre », et que son
génie n'éclôt qu'après l'adieu au polémiste A. L. Constant. Aujour-
d'hui, F. BBowman est d'un tout autre avis, puisqu'il retient exclu-
sivement dans son choix les œuvres à caractère épique, poétique et
messianique précédant le Dogme et Rituel. D'un ensemble il est vrai
hétéroclite — chansons, libelles, romans, traités historiques —,
nous tenterons ici de dégager quelques lignes de force, les tirant
d'une personnalité et d'un bouillonnement d'idées que l'on doit
reconnaître assez puissants et exceptionnels au milieu du XIX siècle
pour mériter qu'on les examine sans en « occulter » un seul aspect
au public contemporain. Une vie attachante, des livres pleins de

9. Le vocabulaire du sorcier, qui recouvre un univers extrêmement clos,


n'est pas exactement celui du magicien et de l'enchanteur. Voir l'étude philo-
logique de Robert-Léon Wagner, Sorcier et Magicien, Paris, Droz, 1929.
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contrastes, une conception élevée de l'ésotérisme qui n'exclut ni


l'amour de la poésie, ni le sens de l'art et la création artistique,
une aspiration continuelle à la totalité de l'Etre — chair et âme —
une liberté de propos et une bonhomie inhabituelles chez les
magistes austères... Tous ces traits valent que l'on relise et com-
prenne mieux celui dont trop de mauvaises légendes, d'anecdotes
douteuses, de références tronquées et jugements hâtifs ont obscurci
la mémoire.
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LATABLEDE'MERAUDE
AlainMercier
Eliphas
Lévi
Salué comme un précurseur par André Breton,
Eliphas Lévi (1810-1875) est demeuré jusqu'ici
méconnu, et son œuvre n'a pas toujours été
honnêtement interprétée. C'est l'unité de celle-
ci qui est pour la première fois exposée. La vie
et l'œuvre d'Eliphas Lévi ont été replacées par
Alain Mercier dans le courant du romantisme
social et du renouveau de la pensée dite tradi-
tionnelle ou magique du XIX siècle. Dans sa
diversité et son foisonnement, l'œuvre de Lévi,
visionnaire romantique et magiste enseignant,
procède d'une même attitude face aux problèmes
de l'Homme et de la Création.

ĒSOTĒRISME
SEGHERS
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