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L'Europe de la Renaissance
D jusqu 'à 200 m

D 200m -500 m

D 500 m · 1000 m

D 1000 rrt- 3000 m


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BOHÊME

MORAVIE

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Innsbruck
• AUTRICHE

Vipiteno

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EMPIRE OTTOMAN
Les Merveilles des Grandes Civilisations
LA RENAISSANCE

ANDREW MARTINDALE
Prem ier m aître de conférences à l ’Ecole des Beaux-Arts,
Université d ’East-A nglia

Traduit de l'anglais par


M A R IE -L A U R E L E GAL
Pages précédentes : Monument à Erasmo da Narni, appelé « le Gattamelata », par Donatello. Padoue.

© THE HAMLYN PUBLISHING GROUP LIMITED, LONDRES, 1966 © ÉDITIONS DE CRÉMILLE, GENÈVE, 1969

General Editors

T R E W IN C O PPL E ST O N E
London

B E R N A R D S. M Y ER S
New York

IMPRIMÉ EN HOLLANDE PAR N.V. DRUKKERIJ SENEFELDER-AMSTERDAM


Table des Matières

8 Vers un style nouveau Le style international


Évolution de l’art en Toscane
Évolution de l’art en France et en Bohême
Évolution de l’art aux Pays-Bas
Conclusion

40 Le triomphe de l’Antiquité L ’a rt florentin après 1430


Alberti à Rimini
Padoue
M antoue — M antegna et A lberti
Piero della Francesca
M ilan — Bram ante

72 L’apogée de la Renaissance L ’a rt florentin vers 1500 : M ichel-Ange et L éonard de Vinci


L ’art rom ain depuis Jules II ju sq u ’au sac de Rom e
après le sac de Rome L ’a rt florentin : 1505-1530
Parm e et M antoue
L ’art rom ain après le sac
Le maniérism e
L ’histoire de l’art et la critique

105 La Renaissance italienne La peinture flamande à la fin du x v e siècle


Influence de la peinture flamande
et l’art au-delà des Alpes M ichael Pacher
La sculpture allem ande au x v e siècle
Prem iers signes de l ’influence de la Renaissance italienne
L ’a ttrait du nouveau style italien
D ürer et l’Italie
Fontainebleau : évolution de l’art de la Renaissance en France
L ’a rt de la Renaissance et l’Em pire
L ’art de la Renaissance en Espagne
Portraits et paysages
Conclusion

137 La Renaissance vénitienne La famille L om bardo


M antegna et l’a rt vénitien
A ntonello da M essina
La peinture vénitienne à la fin du Q uattrocento
Le Fondaco dei Tedeschi
Venise et l’art de l’Italie centrale : 1500-1530
Pordenone
La peinture de Titien à p artir de 1540 environ
P ortraits
Le T intoret
Véronèse
Bassano
V ittoria
L ’architecture du x vie siècle en Vénétie
Conclusion
Planches en couleurs

1 Les frères Limbourg : la Ville de Rome 17 48 Raphaël : le Triomphe de Galatée 85


2 Lorenzo Ghiberti : Sacrifice d'Isaac 18 49 Léonard de Vinci : la Vierge aux rochers 86
3 Filippo Brunelleschi : Sacrifice d'Isaac 18 50 Raphaël : la Déposition 87
4 Masaccio : le Malade guéri par l'ombre de saint Pierre 19 51 Raphaël : Plafond de la loggia de Psyché, villa Farnèse 88, 89
5 Lorenzo Monaco : Vierge à l'enfant 20 52 Baldassare Peruzzi : Salla degli Prospettivi, villaFarnèse 90
6 Masaccio : Vierge à l'enfant avec des anges 21 53 Jacopo Pontorm o : Vertumne et Pomone 91
1 Filippo Brunelleschi : ancienne sacristie, San Lorenzo, Florence 22 54 Jacopo Pontorm o : Retable de Pucci 91
8 Filippo Brunelleschi : San Spirito, Florence 22 55 Le Corrège : Danaé 92
9 Donatello : le Festin d'Hérode et l'Exécution de saint Jean- 56 Parmigianino : la Madonna dal Collo Lungo 93
Baptiste 23 57 Giovani Bologna : Apollon 94
10 Lorenzo Ghiberti : Histoire d'Esaü et de Jacob 23 58 Bronzino : Saint Jean-Baptiste 94
11 Le cercle du maître du Parement de Narbonne : Adoration des 59 Giovanni Bologna : Fontaine d'Océanos 95
mages 24 60 Baldassare Peruzzi : Palazzo Massimi aile Colonne, Rome 96
12 Les frères Limbourg : Adoration des mages 25 61 Michel-Ange : Palazzo dei Conservatori, Rome 96
13 Le maître des Heures du maréchal de Boucicaut : la Fuite 62 Albert D ürer : Autoportrait 113
en Egypte 26 63 Hugo van der Goes : Retable Portinari 114
14 Melchior Broederlam : Annonciation 27 64 Bartholomé Spranger : Hercule et Omphale 115
15 Robert Campin : Annonciation 27 65 Michael Pacher : les Pères de l'Église 116
16 Pietà 28 66 Michael Pacher : Couronnement de la Vierge 117
17 Roger van der Weyden : Descente de Croix 29 67 Saint-Lorenz, Nurem berg 118
18 Hubert et Jan van Eyck : Retable de Gand 30 68 La Chapelle de King's Collège, Cambridge 119
19 Roger van der Weyden : Mise au Tombeau 31 69 Jean Fouquet : Visitation 120
20 Jan van Eyck : la Vierge au chancelier Rolin 32 70 Lucas Cranach : Nymphe 120
21 Léone Battista Alberti : Autoportrait 49 71 Attribué à Geertgen tôt Sint Jans : Nativité 121
22 Domenico Veneziano : Vierge à l'enfant avec saint François, 72 Francesco Primaticcio (Le Primatice) : l'Enlèvement d'Hélène 122
saint Jean-Baptiste, saint Zenobius et sainte Lucie 50 73 Benvenuto Cellini : la Salière de François I er 122
23 Fra Filippo Lippi : Annonciation avec des donateurs 50 74 Mabuse : Neptune et Amphitrite 123
24 Antonio et Bernardo Rossellino : Tombeau du cardinal prince 75 Adriaen de Vries : Fontaine d'Hercule, Augsbourg 124
de Portugal 51 76 Wenzel Jam nitzer : le Printemps 124
25 Andréa del Verrocchio : le Christ et Thomas l'incrédule 52 77 Pierre Lescot : Façade du Louvre, Paris 125
26 Fra Angelico : Scènes de la vie de saint Étienne 53 78 L'Ottheinrichsbau, Heidelberg 125
27 Fra Filippo Lippi : Funérailles de saint Étienne 53 79 Albrecht Altdorfer : Paysage du Danube 126
28 Domenico Ghirlandaio : Adoration des bergers 54 80 Pierre Breughel l ’Ancien : Paysage au gibet 127
29 Sandro Botticelli : Adoration des mages 55 81 Hans Holbein : Henri VIII 128
30 Antonio et Piero Pollaiuolo : Martyre de saint Sébastien 56 82 Jacopo Sansovino : Bibliothèque de Saint-Marc, Venise 145
31 Leone Battista Alberti : San Francesco, Rimini 57 83 Vittore Carpaccio : Saint-Marc et le palais des Doges 145
32 Pietro da Milano : Arc de triomphe, Castello Nuovo, Naples 57 84 Atelier Lombardo : Un miracle de saint Marc 146
33 Andréa Mantegna : le Parnasse 58 85 Jacopo Sansovino : Hermès 147
34 Andréa Mantegna : le Triomphe de César 58 86 Antonello da Messina : le Condottière 148
35 Antico : Méléagre 59 87 Lorenzo Lotto : Portrait 149
36 Andréa Mantegna : Saint Sébastien 60 88 Giovanni Bellini : Vierge à l'enfant. 1465 150
37 Sandro Botticelli : Saint Sébastien 61 89 Giovanni Bellini : Vierge à l'enfant. 1480 151
38 Piero délia Francesca : la Flagellation du Christ 62 90 Giovanni Bellini : Saint Jérôme dans le désert 152
39 Piero délia Francesca : la Vierge et les saints avec Federigo 91 Lorenzo Lotto : Saint Jérôme dans le désert 153
da Montefeltro , 62 92 Titien : / ’Amour sacré et l'amour profane 154
40 Attribué à Vincenzo Foppa : Martyre de saint Sébastien 63 93 Le Tintoret : Découverte du corps de saint Marc 154
41 Donato Bramante : Héros 64 94 Véronèse : le Mariage mystique de sainte Catherine 155
42 Luca Signorelli : les Damnés 81 95 Titien : Persée et Andromède 156
43 Maerten van Heemskerck : le Forum romain vu du Capitole 82 96 Le Tintoret : Ascension 157
44 Pietro Perugino (Le Pérugin) : la Mission de saint Pierre 82 97 Titien : Hippolyte de Médicis 158
45 Raphaël : l'École d'Athènes 83 98 Lorenzo Lotto : Andréa Odoni 158
46 Raphaël : l'Incendie du Borgo 83 99 Titien : le pape Paul II I et ses neveux Alexandre et Octave 159
47 Michel-Ange : Jonas 84 100 Bassano : Scène pastorale 160
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L'Italie pendant la Renaissance


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Vers un style nouveau Les chiffres dans la marge ont trait
aux illustrations : en gras pour les
illustrations couleur, en italique pour
les illustrations en noir et blanc.

1. Benozzo Gozzoli. L e Voyage des mages. 1459. Fresque. C hapelle breux, tan t dans les vêtem ents des hom m es que dans les harnache­
d u Palais M édicis-Rlccardi à Florence. Bien que cette œ uvre traite m ents des chevaux. C ar, l ’im portance et l’apparence de la suite
d ’un sujet nettem ent religieux, elle nous donne sans do u te une des princes, a u M oyen Age et pendant la R enaissance, tém oignaient
idée assez ju ste de ce que pouvait être un cortège officiel dans lequel de leur rang.
figuraient des m em bres de la cour. Les signes de richesse so n t nom -

Depuis le déclin de l’Em pire rom ain, l’Italie a dû subir et l’afflux d ’or et d ’argent américain vers l’Espagne,
la présence de nom breux étrangers sur son sol : soldats affectèrent à leur to u r l ’économie italienne. M ais ce
pillards, pèlerins ou « touristes » avides de trésors dont n ’est q u ’au x v n e siècle que les conséquences de ces
le N ord était privé. En outre, les Italiens ont toujours événements allaient se faire pleinem ent sentir. Entre le
souligné les différences qui les séparaient des « Barbares xiv e et le x v ie siècle, les Italiens dem eurèrent les banquiers
venus d ’au-delà des Alpes ». Ce sentim ent est clairem ent de l’Europe par excellence et contrôlèrent le commerce
exprimé dans l’œuvre de D ante ou de Pétrarque : ainsi des objets de luxe destinés à to u t le continent. Ces acti­
en 1366, Pétrarque parlait des Alpes, « ces m ontagnes vités étaient concentrées dans des villes riches et floris­
vertigineuses qui s’opposent à la furie des Barbares ». santes : Gênes, M ilan, Venise dans le N ord; M antoue,
Le paradoxe de l ’histoire de l ’Italie au M oyen Age et Ferrare et Bologne et les villes de la via Em ilia; Florence,
pendant la Renaissance, c ’est que le com m erce du pays Pise, Sienne, Pérouse, les villes des États pontificaux et
était florissant dans un cadre de désordres politiques. La Rome elle-même.
richesse du com m erce et les luttes politiques furent sans N ous n ’étudierons pas dans ce livre les causes des
doute égalem ent responsables de l’apparition de la civi­ troubles politiques en Italie, m ais il est certain q u ’à la
lisation de la Renaissance en Italie; mais les conditions racine de ces désordres, il y avait l’absence d ’une autorité
différaient d ’une ville à l’autre et la conjoncture évolua, unificatrice et efficace. Théoriquem ent, la majeure partie
bien sûr, au cours des années auxquelles ce livre est de l’Italie appartenait aux Saints Em pereurs rom ains
consacré. N ul ne saurait dire exactem ent dans quelle (successeurs de Charlem agne dont le titre avait été solen­
mesure l’a rt put s ’épanouir grâce à la richesse des mécènes, nellement rappelé à Rom e en l ’an 800), mais ces em pe­
et dans quelle mesure il fut stimulé p ar les rivalités poli­ reurs, des Allemands, n ’avaient jam ais réussi à gouverner
tiques et sociales. la péninsule et, de toute m anière, les papes s ’étaient
A cette époque, l’opulence de l’Italie fut, certes, incom pa­ souvent opposés à leurs efforts et avaient fait échouer
rable car les m archands italiens se trouvaient à proxim ité toute tentative pour organiser une Italie impériale.
des sources de richesses orientales — soieries, épices —• A u début du x iv e siècle, le grand poète italien D ante,
qui étaient très recherchées dans le reste de l’Europe. Il dans un traité intitulé De la Monarchie, attrib u a la
est indubitable que la découverte de nouvelles routes m ajorité des troubles qui ravageaient sa patrie au m anque
maritim es vers l ’O rient au x v e siècle, bouleversa l’ordre d ’union politique du pays. Vers le milieu du siècle,
com m ercial établi; de même, la découverte de l’A m érique l’em pereur Charles IV de Luxem bourg (sacré em pereur
en 1355), reconnaissait que même dans le nord de l’Italie,
ses propres représentants (com m e les Visconti à M ilan)
ne cherchaient q u ’à augm enter leur pouvoir personnel et
à usurper les quelques droits dont l ’em pereur jouissait
encore.
Et pourtant, malgré leur hostilité à toute dom ination
étrangère, les Italiens ne purent jam ais s ’unir pour
repousser les ennem is qui franchissaient les cols des Alpes.
Les divisions politiques internes ne faisaient q u ’em pirer
et les rivalités com m erciales aggravaient encore cet état
de choses. Au x v e siècle, cependant, l’Italie put jo u ir d ’un
certain répit dans la lutte contre l’invasion, car les rois
de France étaient absorbés dans une lutte déjà ancienne
contre les Anglais, tandis que la puissance des em pereurs
allem ands dans leur pays était considérablem ent affaiblie
par les agissements de leurs propres sujets. L ’historien
voit aisém ent a u jo u rd ’hui que l ’invasion de l’Italie en
1494 par le roi de France Charles VIII et le sac de Rome
par les A llem ands en 1527 ne sont que la répétition
d ’une ancienne page de l’histoire italienne : il sait que
ces désastres furent la conséquence du renforcem ent de
2. Andrea del Verrocchio. Statue équestre de Bartolom meo Colleoni.
la m onarchie sous Louis XI et de l’essor de la M aison
1481-1488. Bronze. Venise. B artolom m eo Colleoni était issu d ’une
des H absbourg sous l’em pereur M aximilien (1493-1519). fam ille de Bergam e et il com m anda l ’arm ée de la R épublique
M ais ces événements furent alors p our les Italiens un vénitienne entre 1455 et 1475, année de sa m ort. Il léga à la R ép u ­
choc terrible, après l’absence de menace sérieuse venant blique une grande partie de sa fortune personnelle, et dem anda
du nord de l’Europe au début du x v e siècle. Rétrospec­ q u ’un m onum ent soit élevé à sa m ém oire. C ’est ainsi q u ’A ndrea del
tivem ent, ce siècle leur ap p aru t comme un « âge d ’or » V errocchio com m ença cette statue équestre.
dont les fruits avaient été les œuvres d ’art que nous
étudierons dans ce livre.
Le x v e siècle vit, à l’intérieur du pays, la cristallisation
3. Sandro Botticelli. Julien de M édicis. Vers 1475. Peinture sur
progressive de cinq grandes puissances en Italie : M ilan,
pan n eau (54 x 36 cm) Staatliche M useen, Berlin. D e cinq ans plus
Venise, Florence, Naples et les É tats pontificaux; les chefs jeu n e que son célèbre frère L aurent le M agnifique, Julien fut assas­
de ces villes attirèrent dans leur orbite les dirigeants des siné dans la cathédrale de Florence, lors de la conspiration des
cités de m oindre im portance, ou prirent leur place. Une Pazzi (1478). T out com m e so n frère, Julien fut u n mécène.
des caractéristiques de l’époque est que les princes
italiens créèrent ce qui allait devenir la diplom atie
m oderne, politique qui reposait sur une véritable aversion
pour les guerres de grande envergure. C haque fois que
cela était possible, ils faisaient appel à des m ercenaires
bien entraînés, placés sous les ordres d ’hom m es comme
2 Francesco Sforza et Bartolom m eo Colleoni (im m ortalisé
par Verrocchio). Ce type de défense se doublait d ’un
système diplom atique reposant sur un réseau d ’agents et
de personnalités, qui s ’em ployaient à minimiser l’im por­
tance de toute guerre, et à élaborer de complexes systèmes
d ’alliances. Une anecdote perm et de résum er en quelques
m ots la situation. Com m e M achiavel s’entretenait avec
le cardinal de R ohan, ce dernier déclara que les Italiens
n ’entendaient rien à la guerre, à quoi M achiavel répondit
que les Français n ’entendaient rien à la politique {Le
Prince, chapitre m).
La concentration de la richesse et la création de centres
politiques rivaux provoquèrent égalem ent l’apparition de
divers centres artistiques (à l’encontre de ce qui se passait
au-delà des Alpes), pendant toute cette période. L ’hom m e
riche et puissant se devait d ’étaler sa fortune de manière
éphém ère — fêtes, processions, réjouissances — ou plus
durable : c ’est ce qui am ena la création de palais, de
mausolées et de toutes les réalisations artistiques, exécutées
pour les princes, tels les banquiers Cosme et L aurent de
10

Médicis. T ous les grands chefs italiens étaient presque tion était en fait beaucoup plus complexe. Il se peut que
invariablem ent de grands mécènes. l’idée de « Renaissance » soit un obstacle à notre
C ’est au x iv e siècle que le renouveau de l’enthousiasm e com préhension d ’un tel phénom ène, car elle associe la
et de l’intérêt p our la langue, la philosophie et la littérature production artistique à une évolution artificielle qui juge
de l ’A ntiquité com m encèrent à prendre l’am pleur d ’un de la valeur d ’une œuvre dans la mesure où elle semble
vaste m ouvem ent. Diverses villes, com m e Florence, « classique » ou « antique ». Cette attitude donne à toute
devinrent alors le centre de cette philosophie « hum aniste » une période artistique l’apparence de la stagnation,
que les érudits s ’étaient forgée, s ’inspirant des sources surtout au nord des A lpes; elle détruit l’idée de continuité
classiques païennes. Les idées des hum anistes finirent dans l’a rt italien, en ne tenant aucun com pte des éléments
qui lient un a rt à son passé im m édiat. Cette notion fausse
par influencer considérablem ent les arts. L ’étude des
textes antiques en particulier, com m e les Vies de Plutarque, égalem ent l’idée que nous nous faisons des artistes, en
semble avoir transform é la vision que les hom m es avaient les transform ant en simples archéologues besogneux,
de leurs contem porains, ou, du m oins, la façon d o n t les alors q u ’ils sont en fait des individus créateurs.
historiens parlaient d ’eux. U ne œuvre com m e les Vies, P our éviter des erreurs de ce genre, nous parlerons, en
donne beaucoup d ’im portance aux « grands hom m es » ce début de livre, de « changem ent » plutôt que de
et c ’est ce qui contribua à instau rer le culte de l’individu « Renaissance ». Le thèm e du changem ent est, bien sûr,
dans l ’Italie du x v e siècle; c ’est ainsi que les biographies le propre de to u t art à n ’im porte quelle époque. M ais en
et les autobiographies connurent une grande vogue. Europe (1400) une com m unauté d ’expression artistique,
L ’éditeur florentin V espasiano di Bisticci, qui connaissait m om ent privilégié, s’établit entre l ’Italie et le N ord et
beaucoup d ’hom m es ém inents, écrivit lui aussi ses Vies\ donna aux changem ents qui s’ensuivirent l’allure d ’un
B artolom m eo Fazio, un hum aniste italien, écrivit aussi point de départ com m un, qui se résume dans l’expression
les vies de deux artistes du N ord, R oger van der W eyden « a rt gothique international ». En faisant de ce style
et Jan van Eyck, entre 1453 et 1457. Le Prince de M achiavel l’origine de notre étude, nous pourrons plus aisém ent
s ’adressait à L aurent II de Médicis et l ’exortait à devenir com parer l’a rt italien aux autres arts européens et mieux
un « grand hom m e » à son to u r et à débarrasser l’Italie com prendre le caractère de ce que l’on appelle en général
de cette « plaie cruelle » q u ’étaient les invasions barbares. l’art du début de la Renaissance.
La tâche entreprise p ar Vasari dans ses Vies tém oigne
de son culte de l’artiste en ta n t q u ’individu, mais aussi LE STYLE INTERNATIONAL
de celui des hom m es politiques célèbres, de tendances
diverses. Il ne fait aucun doute que la conscience Ce term e n ’implique pas que l’art était le même au nord
q u ’avaient les Italiens de l’im portance de l’hom m e, de et au sud des Alpes. C ependant, on trouve certainem ent
l’influence que pouvaient avoir ses actes et ses faiblesses des éléments com m uns dans les œuvres produites dans
donne à l’histoire de ce peuple une dim ension hum aine les centres artistiques les plus im portants de l’époque, ce
q u ’on cherche en vain chez les autres nations, à cette qui justifie son emploi. D ans l’art des cours de Paris,
époque. D ’autre part, les écrivains et les personnalités Prague et M ilan (trois des plus im portants centres de
im portantes jugeaient un individu sur ses actes et pas patronage artistique), le style gothique persista pour les
seulem ent sur sa naissance et son rang : c ’est cela qui, figures. Elles étaient élégantes, parfois em preintes de
dans une certaine mesure, entretenait p our l’artiste un m aniérisme, dénuées de passion, et les drapés étaient
clim at de libéralism e qui n ’existait pas dans le N ord. décoratifs. En outre, ce style de figure était associé à un
style narratif, fréquem m ent anecdotique et discursif. Les
Les érudits, en se vouant à l’étude des écrits classiques
et à l’im itation de la langue et du style classiques, p répa­ œuvres d ’art abondaient en costum es élégants, en orne­
rèrent aussi la voie à une renaissance de l’art antique. ments luxueux, les détails floraux et anim aliers étaient
Ce m ouvem ent, parce q u ’il était académ ique, acquit un généreusem ent dispensés chaque fois que l’artiste disposait
prestige q u ’il n ’au rait pas eu autrem ent et se répandit d ’assez de place.
très rapidem ent, car les érudits étaient, de tous les m em bres Il est évident que ces détails et ces effets décoratifs dont
de la société, ceux qui jouissaient d ’une plus grande les artistes étaient prodigues, correspondaient au goût
audience. O n ne connaît pas a u jo u rd ’hui l’évolution qui de leurs protecteurs. M ais la rem arquable qualité des
am ena sculpteurs, peintres et architectes à prendre œuvres de ce style était égalem ent due à l’intérêt et à
conscience de cette renaissance classique littéraire. Cette l ’enthousiasm e de ces mêmes mécènes et, en ce sens,
évolution fut certainem ent favorisée, en to u t cas, par les artistes de France et de Bohême furent particulièrem ent
la vision des multiples édifices classiques qui existaient favorisés. En Bohême, les em pereurs Charles IV (1346-
encore à l’époque. Il est très significatif de voir, au 1378) et W enzel IV (1378-1419) se révélèrent d ’ardents
x v e siècle, certains artistes com m e Brunelleschi aller à protecteurs des arts. La famille royale de France com pre­
Rome étudier les ruines du m onde classique. nait égalem ent de célèbres connaisseurs : Charles V
O n est tenté à ce stade d ’interpréter le m ouvem ent (1364-1380) et ses frères, Philippe le H ardi, duc de
Bourgogne (m ort en 1404) et Jean, duc de Berry (m ort
artistique du x v e siècle de la même manière que celui
qui avait touché les lettres et la littérature, on est tenté en 1416).
d ’y voir une « Renaissance » due à un désir de regagner L ’art du nord de l ’Europe se distinguait p ar quelques
un héritage antique qui avait subi bien des déprédations différences. A Prague, le style pictural avait un aspect
certes, mais qui n ’avait pas totalem ent disparu. La situa­ de douceur qui lui valut le titre de « style suave ». Il
4. Lorenzo Ghiberti. Saint Jean-Baptiste. 5. Lorenzo Ghiberti. Saint M atthieu. 1419- 6. Nicolo di Piero Lam berti (H P e la J
1414. Bronze. H au teu r de la statue : 2,44 m. 1422. Bronze. H auteur de la statue : Saint Luc. 1400 environ. M arbre. M useo
O rsan M ichèle, Florence. Réalisé p our 2,59 m. O rsan M ichèle, Florence. Exécuté N azionale, Florence. A utrefois, à O rsan
l'A rte dei M ercanti, cette œ uvre est l ’une p o u r l ’A rte del C am bio. Le goût m arqué M ichele. Exécuté p o u r l ’A rte dei G iudici e
des prem ières d o n t l ’exécution ait été c o n ­ po u r l’antique est venu transform er à N otai. N icolo n 'é ta it pas un artiste tra n s­
fiée à G hiberti. C om parée aux œuvres demi le style de l ’illustration noire n° 4. cendant, m ais son saint Luc nous renseigne
italiennes de l ’époque ( illustration noire La tête et le geste sont proches de la sculp­ bien su r le style qui avait cours à Florence
n° 6), cette sta tu e est em preinte d ’une grâce tu re antique, m ais le drapé et la pose ont depuis le x iv e siècle (com parer avec
inhabituelle et tra h it l’influence d u style l ’élégance de l ’ancienne statue. L ’architec­ A ndrea Pisano). L a figure est m assive et
gothique international. tu re est étrangem ent hybride. drapée dans des plis nets et serrés.

fut très populaire dans la région qui constitue au jo u rd ’hui Lorenzo G hiberti, le sculpteur florentin, fut lui aussi
l ’Allemagne m oderne, depuis H am bourg, au nord, un adm irateur de ces caractéristiques. En fait, aucun
ju sq u ’à la Souabe, au sud, et to u t le long du Rhin où la autre sculpteur florentin de l’époque n ’im ita avec cette
ville de Cologne devint un centre im portant. Le « style élégance aisée, le style gothique ta rd if du N ord. Au
suave » apparaissait encore dans l’œuvre de Stefan début de sa carrière (1401), il participa au célèbre concours
Lochner de C ologne, vers 1440. Le style bohém ien organisé pour le nouveau portail en bronze du Baptistère
assez lourd, ne fut jam ais adopté à Paris, car les peintures de Florence. Le projet de G hiberti l’em porta : le sujet
12 , 13 sur panneau et les m anuscrits qui existent encore laissent proposé était le Sacrifice d'Isaac. Son relief et celui 2
penser que la famille royale française dans l’ensemble, d ’un autre florentin, Brunelleschi, sont to u t ce qui nous
appréciait une technique plus élégante et plus raffinée; soit parvenu de ce concours : ils m ontrent que ces deux
les ducs de M ilan sem blent avoir estimé les deux styles, rivaux travaillaient dans deux styles totalem ent différents.
quoique l’histoire de l ’art de cour m ilanais ne soit pas Ce qui est significatif, c ’est que les juges préférèrent
très claire. l’élégance gothique du projet G hiberti. A lors que Brunel­
La diffusion de ce style vers le sud et l’Italie fut lente, leschi m ettait l’accent sur le caractère dram atique de cette
mais on décèle des signes évidents de sa présence et de scène de l’Ancien Testam ent, G hiberti attachait plus
sa popularité à Florence, entre 1390 et 1425. A Florence, d ’im portance à la technique et à la douceur du modelé.
s le peintre Lorenzo M onaco, en fut un représentant doué, Le torse d ’Isaac est à lui seul une réussite, et A braham
vers la fin de sa vie (1370-1425 environ). G entile da est drapé dans les plis souples d ’un m anteau. Les qualités
Fabriano, de son côté, im porta ce style à Florence avec que révélaient le relief de G hiberti se retrouvent dans la
toute sa délicatesse et son exubérance (1421 environ). prem ière paire de portes en bronze q u ’il exécuta. Son
Gentile était un véritable artiste de cour, qui avait style de figure se retrouve égalem ent dans sa prem ière
travaillé au palais ducal à Venise et allait continuer à grande statue en bronze exécutée pour O rsan Michele ;
travailler p our la cour des papes à Rom e (1427 environ). le saint Jean-Baptiste de 1414. La position de G hiberti 4
12

est cependant beaucoup plus am biguë que celle des


peintres qui travaillaient dans ce style gothique tardif;
bien q u ’il ait peu transform é son style de figure au cours
de sa longue carrière (il m ourut en 1455), sa sculpture
présente parfois les caractéristiques du style plus vigou­
reux et expressif qui allait rem placer l’élégance décorative
du « gothique » international.

ÉVOLUTION DE L ’ART EN TOSCANE

Il apparaît que de nom breux artistes en Toscane étaient


3 las de ce style gothique tardif. Dès 1401, le relief présenté
par Brunelleschi au concours organisé p our le portail
du Baptistère de Florence, tém oigne d ’une révolte contre
ces conventions décoratives. L ’attention portée par
Brunelleschi au modelé du torse d ’isaac est si secondaire
q u ’elle offre un contraste violent avec l’œuvre de G hiberti.
Le corps d ’Isaac est to rd u et l ’artiste a mis l’accent sur
le geste dram atique d ’A braham qui s’apprête à sacrifier
h , 14 son fils. D ’autres sculpteurs ont suivi cette orientation,
7 en particulier D onatello et N anni di Banco, à Florence,
9 ainsi que Jacopo della Quercia, à Sienne, dont la figure
est assez isolée. Tous trouvèrent des solutions très per­
sonnelles à leur problèm e, qui était la recherche d ’un
m ode d ’expression artistique qui évite l’élégance super­
ficielle de la m ajorité des œuvres de leurs contem porains
ou de leurs prédécesseurs immédiats.
Vers quelles sources ces hom m es se tournèrent-ils dans
leur recherche d ’un art plus profond et plus dram atique? 7. Nanni di Banco. Vierge de VAssomption. 1414-1421. M arbre.
É tant donné q u ’aucun artiste de l ’époque ne nous a Sur la P o rta della M andorla, cathédrale de Florence. N anni di Banco
laissé de notes, nous sommes contraints d ’interroger était un rem arquable innovateur, passant des figures impassibles
leur œuvre même. On s’aperçoit alors que l’une des des Quattro Santi Coronati, à ce style plein d ’exubérance et de
influences q u ’ils subissent ne fut pas de source classique, vigueur. Son œuvre, si différente de celle de G hiberti, m on tre bien
l’im portance du bouleversem ent artistique au début d u x v e siècle
mais l’œuvre d ’un sculpteur toscan qui les avait précédés :
à Florence.
s il s ’agit de G iovanni Pisano qui fut sans doute le sculpteur
le plus passionné et le plus dram atique du début de la
période gothique. Certes, G iovanni Pisano ne travailla
jam ais à Florence même, mais il contribua à deux im por­ nom breux spécimens de sculpture et d ’architecture,
tants m onum ents proches de la ville : c ’est lui qui sculpta alors que les œuvres peintes avaient presque entièrem ent
la façade de la cathédrale de Sienne et la chaire de San
disparu. C ’est ainsi que pendant tout le M oyen Age,
A ndrea, à Pistoia. Là, ils découvrirent les gestes véhéments,
les sculpteurs italiens avaient continué d ’im iter les motifs
les drapés expressifs et la gradation des reliefs qui sont si
décoratifs classiques, et avaient m ontré une préférence
frappants dans le relief de Brunelleschi lo rsq u ’on le
m arquée pour les reliefs : art typiquem ent classique. En
com pare à celui de G hiberti.
vérité, le prem ier grand sculpteur gothique toscan, Nicola
Il paraît donc probable que les sculpteurs se tournèrent Pisano, s ’inspirait déjà — au x m e siècle — de l’A ntiquité;
vers un passé proche dans leur quête de qualités q u ’ils ainsi, au début du x v e siècle, quand se produisit le
ne trouvaient pas dans les œuvres de leurs m aîtres ou prem ier bouleversem ent stylistique, il n ’est pas étonnant
6 de leurs contem porains. On allait trouver un peu plus de voir les sculpteurs se tourner à nouveau vers l ’art
tard une évolution semblable dans la peinture florentine antique pour s’en inspirer.
lorsque M asaccio, ignorant les tendances générales, Mais en Italie, en 1400, ce changem ent coïncida avec
produisit des œuvres em preintes d ’une gravité et d ’une le m ouvem ent littéraire et hum aniste déjà signalé. Les
austérité q u ’il ne put trouver que dans la com préhension Florentins, s ’engageant dans la voie ouverte par Pétrarque
totale de l ’art de G iotto. Il semble donc que ce soient des au x iv e siècle, en vinrent à s’identifier à la Rom e antique
œuvres médiévales et non pas classiques qui aient d ’abord républicaine, dans leur lutte contre la prétendue tyrannie
poussé les sculpteurs toscans à repousser les conventions des Visconti, ducs de M ilan. La politique et l ’érudition
artistiques établies de la fin du x iv e siècle. se virent en fait liées en la personne de deux chanceliers
N éanm oins, l ’évolution de l’art en Italie a toujours successifs de Florence, tous deux rem arquables : Coluccio
été influencée p ar les restes visibles de la civilisation Salutati (1375-1406) et Leonardo Bruni (1411-1444).
classique. Il est bien naturel que les sculpteurs aient été Il est difficile de se faire une idée de l ’im portance q u ’eut
particulièrem ent touchés par ces ruines, car il restait de ce m ouvem ent littéraire sur les Florentins qui n ’étaient
13

8. Giovanni Pisano. Une sibylle. 1297-1301. M arbre. H auteur 62 cm. 9. Jacopo della Q uercia. Figure représentant une Vertu. 1414-1419.
Sur la chaire de San A ndrea, Pistoia. Le style de G iovanni Pisano M arbre. F ragm ent provenant de la Fonte Gaia, a u jo u rd ’hui au
est l'u n des plus dram atiques de la période gothique. Ses œuvres, Palazzo Pubblico, Sienne. Jacopo eut recours à de telles figures
très expressives et vigoureuses, peuvent être rapprochées de celles p o u r anim er l’architecture de la fontaine dite F onte G aia. L ’intensité
de Jaco p o della Q uercia (ci-contre). d u m ouvem ent est rendue p a r l’extrêm e torsion de la figure d o n t la
tête est tournée dans une direction et les genoux dans une autre.

pas des érudits. Les aspects les plus subtils de ce nouvel « gothique » se m ontrer beaucoup plus proche en fait
enseignem ent ne devaient être à la portée que d ’une de l’original classique.
minorité. Il n ’en dem eure pas m oins que ce goût de Bien que ces reliefs aient em prunté certains détails à
l’antique fut p our le m oins une attitude à la m ode qui, l’a rt antique, on ne saurait dire q u ’ils soient classiques.
en ce sens, était à la portée de chacun. Un hom m e pouvait C ependant, on trouve égalem ent un certain nom bre de
fort bien ignorer les vertus républicaines ou l’enseignem ent tentatives pour se rapprocher du style classique, qui sont
de Cicéron, mais l’identification de Florence avec Rome, beaucoup plus rem arquables, en particulier les figures des
cham pionne de la liberté, était une idée qui parlait au niches d ’O rsan Michèle. Dans les statues des Quattro
cœur au tan t q u ’à l ’intelligence. Santi Coronati, le sculpteur N anni di Banco a voulu to
A p artir de cela, il dem eure très difficile d ’estim er le im iter le style rom ain dans certains drapés, et quelques
sens que cette « renaissance classique » prenait aux yeux têtes s’inspirent de bustes classiques du même type que
des artistes. Pendant les vingt prem ières années du siècle, ceux qui représentent C aracalla. Et pourtant, le groupe
beaucoup d ’entre eux adoptèrent des idées d o n t l’origine dans son ensemble n ’est que superficiellement antique,
est indubitablem ent classique. D eux exemples se pré­ car le style des drapés n ’est pas d ’un classicisme constant,
sentent : dans les projets déjà décrits de Brunelleschi et et la niche qui abrite les figures est gothique. En outre,
de G hiberti, Brunelleschi s’inspira pour l’une de ses le relief à la base de la niche est sculpté dans un style très
figures du Spinario, statue classique, représentant un traditionnel.
garçon enlevant une épine de son pied. M ais il a vêtu Il est évident que N anni di Banco ne s’intéressa jam ais
cette figure de drapés gothiques, transform ant ainsi à ce que l’on pourrait appeler une renaissance classique
l’original qui représente un garçon nu. La figure d ’Isaac concertée. D onatello et lui furent des artistes éclectiques
p ar G hiberti s’inspire égalem ent d ’un modèle classique. au m eilleur sens du term e, s’intéressant à to u t ce q u ’ils
L ’artiste a fait preuve d ’une sensibilité rem arquable au voyaient au to u r d ’eux, et les m odèles antiques étaient
modelé classique, et il est étrange de voir l’artiste le plus loin d ’être leur unique ou principale source d ’inspiration.
14

s L ’œuvre de G hiberti tém oigne du même éclectisme et


son saint M atthieu d ’O rsan Michèle est, de ce point de
vue, très intéressant. Cette figure m ontre que G hiberti,
lui aussi, avait été sensible aux qualités expressives que
les autres sculpteurs avaient déjà découvertes dans les
figures antiques, et sa sculpture prit m om entaném ent
un aspect rhétorique qui est, dans l’ensem ble, étranger à
son style. Le caractère hybride de l ’œuvre est cependant
évident. Le fronton triangulaire de la niche, les pilastres
cannelés, le geste éloquent et le modelé de la tête sont
d ’inspiration antique. Mais les crochets du fronton,
l’arc en ogive, le déhanchem ent de saint M athieu et
les drapés rappellent à quel point les antécédents gothiques
de G hiberti sont proches.
L ’im itation directe de l’A ntiquité se produit si irrégu­
lièrement q u ’on ne saurait dire que les artistes consi­
déraient le reto u r à l'A ntiquité com m e une sorte de
mission à laquelle ils devaient se vouer. Mais les érudits,
qui adm iraient déjà profondém ent l’A ntiquité, furent
vite amenés à expliquer la révolution artistique dont ils
étaient tém oins com m e étant un reto u r à un art, une
renaissance de cet art qui avait été oublié depuis le déclin
de l ’Em pire rom ain. L ’idée d ’une « renaissance » artis­
tique prit son sens universel et précisém ent parce que
c ’est l’explication que donnèrent des événem ents les
hum anistes, érudits et historiens. Le prem ier responsable
de cet interprétation, fut sans doute G iorgio Vasari,
peintre hum aniste d o n t l’œuvre : Vies des architectes,
peintres et sculpteurs italiens les plus éminents parut au
milieu du x v ie siècle. Longtem ps avant lui, cependant
la légende d ’une « Renaissance de l’A ntiquité classique »
était déjà née.
T out com m ença innocem m ent, en ce sens que les
hum anistes du début du x v e siècle trouvèrent flatteur
de com parer la grandeur de ce q u ’ils connaissaient par
expérience, à la grandeur de ce q u ’ils connaissaient
grâce à la tradition littéraire. C ’est ainsi q u ’au x v e siècle,
on com para la réputation de G entile da Fabriano à celle
d ’artistes grecs com m e Apelle, Parrhasios et Zeuxis. On
faisait cependant mal — et c ’était dangereux — la
distinction entre une com paraison des réputations des
anciens et des m odernes et une com paraison des réali­
sations des deux civilisations. De là, il n ’y avait q u ’un
pas avant d ’insinuer que les réalisations du présent
n ’étaient possibles q u ’en ressuscitant celles du passé,
et que le passé « renaissait » dans le présent.
Ce raisonnem ent fut favorisé p ar l’historiographie
italienne du x v e siècle, qui avança l'idée d ’un « moyen
âge » de destruction et de stagnation. C ’est dans cet état
d ’esprit que G hiberti, vers la fin de sa vie (1450 environ),
écrivit trois Commentaires dans lesquels il s’efforça de
placer ses propres œuvres dans un contexte historique.
11 divisa l’histoire de l’art en trois parties. G hiberti
traite d ’abord de l’art antique en citant des textes de 10. Nanni di Banco. Quattro Santi Coronati. 1415 environ. M arbre.
Vitruve et de Pline. Puis vient une section très brève O rsan Michèle, Florence. Il sem ble que le seul lien véritable entre
consacrée au « moyen âge », enfin, une dernière partie cette niche et l’illustration noire n° 7 réside dans la figure du C hrist
placée dans le pignon. Bien que la niche rappelle fortem ent celle
traitan t d ’un « renouveau » de l’art aux environs de 1300.
de l ’illustration noire n° 4, le goût très prononcé pour l'a rt antique
Ce renouveau trouve, bien sûr, son apogée dans l’œuvre
ap p araît nettem ent dans les têtes inspirées de types classiques.
et la vie de G hiberti. Mais le point de vue de G hiberti, Fxécuté p our l ’Arte dei Fabbri.
même s’il reflète les opinions de son temps, constitue
15

une nouvelle mise en garde contre une interprétation


tro p rigide d ’une « Renaissance » de l’art italien vers
1400. Celle dont parle G hiberti concerne l’a rt dans son
ensem ble, et se situe vers 1300. Ce qui l’intéressa, ce fut
l ’époque de G iotto et la naissance de l’art gothique à
p artir d ’un style italo-byzantin, évolution à laquelle il
lia sa propre carrière. Bien q u ’il se soit lui-même intéressé
à la sculpture antique, le retour à un style classique n ’est
jam ais m entionné dans son œuvre com m e un facteur
significatif de l’évolution de l’a rt toscan. Redisons-le,
aux yeux des artistes, l’A ntiquité n ’était q u ’une source
de changem ent. A ce stade, la « Renaissance » n ’avait
pas pour eux la valeur d ’un program m e ou d ’un manifeste
artistique.
C ’est pourquoi nous pouvons être sûrs que les chan­
gements qui affectèrent l’a rt florentin entre 1400 et 1425,
ne sont pas une tentative de retour à l’A ntiquité, mais
la réinterprétation d ’un certain nom bre d ’éléments
préexistants, parm i lesquels figurent les restes de la
période gothique (1300 environ) to u t comme ceux du
passé classique. Il en résulta un nouveau style à la fois
puissant, dram atique et varié. Le relief de Brunelleschi
en est la prem ière m anifestation, m ais c ’est dans l’œuvre
de D onatello q u ’il faut chercher l’expression la plus
violente de ce changem ent. Cela apparaît nettem ent dans
la série de figures exécutées pour le cam panile de la
cathédrale de Florence, et pour l’église d ’O rsan Michèle.
Elles représentent un évangéliste : saint M arc, un saint
guerrier : saint Georges, un saint évêque : saint Louis de
Toulouse, et un groupe de prophètes. Chacune de ces u
figures est, à sa m anière, une œuvre qui tém oigne d ’une
riche im agination. Même la figure de saint Louis, un
saint traditionnellem ent doux, est drapée dans une lourde
chape qui confère au visage plein de bonté une gravité
considérable. Les prophètes, debout dans les niches du
cam panile, m ontrent com m ent D onatello pouvait rénover 12
une œuvre traditionnelle et faire exprim er à ses figures des
ém otions diverses.
Com m e son célèbre prédécesseur G iovanni Pisano,
D onatello conféra force dram atique et vigueur à presque
toutes ses œuvres. Il reprit le m otif du putto nu, que
Jacopo délia Q uercia avait déjà tiré du répertoire antique, t*
et il intégra des p u tti dans une balustrade où nous les
voyons courir et se bousculer. Les portes de bronze de is
l’Ancienne Sacristie de San Lorenzo sont égalem ent
typiques de sa m anière. On lui avait dem andé des
panneaux dans lesquels seraient mis en scène des groupes
de deux prophètes et apôtres. Pour chaque panneau, il
créa un thèm e différent, si bien que l ’on voit les figures
se saluer, ou discuter ou s’ignorer sciemment.
On peut aisém ent se rendre com pte q u ’une évolution
se produisit dans l’expression dram atique chez D onatello.
11. Donatello. Saint Louis. Bronze doré. H auteur 2,66 m. Ici, la L ’aspect positif du changem ent en architecture se décèle
figure ap p araît dans sa niche originale à O rsan M ichèle, à Florence. égalem ent dans l'œ uvre d ’un de ses amis, Brunelleschi.
A u jo u rd ’hui, elle se trouve a u M useo dell’O péra di S anta Croce, Brunelleschi, com m e D onatello, avait reçu une form ation
à Florence. Exécuté p o u r les G uelfes. Les plis lourds du m anteau d ’orfèvre, mais il devait avoir environ dix ans de plus
rendent ce style totalem ent différent de celui de G hiberti. L 'a rc h i­ que le sculpteur. Pour quelque raison que nous ignorons,
tecture de la niche, plus fidèle à l’art antique que la niche du
il se sentit attiré par ¡’architecture et devint à la fois
saint M atthieu exécuté ju ste avant, est to u t aussi rem arquable (voir
ingénieur et architecte, peut-être après un voyage à
illustration noire n° 5).
Rom e pendant les deux premières décades du siècle.
16

La prem ière œuvre im portante de Brunelleschi fut la


construction du dôm e couronnant la croisée de la cathé­
drale de Florence. Cela im pliquait les connaissances is
d ’un ingénieur, car il d u t inventer un système complexe
d ’échafaudages et une m éthode de construction en brique
qui lui avait sans doute été inspirée d ’une étude de ruines
rom aines. Le dôm e cependant n ’est pas d ’aspect classique :
il repose sur des arêtes et, pour des raisons techniques,
il est de form e allongée, ce que l’on ne trouve dans
aucune coupole classique encore intacte.
Brunelleschi étudia égalem ent les détails des m onum ents
classiques et l’on dit q u ’il transm it son savoir en la
m atière à D onatello; en effet, à partir de 1420 environ,
on découvre dans l’œuvre du sculpteur un certain nom bre
d ’élém ents tirés de l’A ntiquité et correctem ent reproduits.
L ’exemple le plus frap p an t de ce fait nous est peut-être
donné par la niche de saint Louis à O rsan Michele. La n
différence entre cette niche et celle exécutée par G hiberti s
pour son saint M atthieu, saute aux yeux. La seule expli­
cation possible est que qu elq u ’un (Brunelleschi, sans
doute) avait observé po u r D onatello les niches antiques
avec les yeux d ’un dessinateur féru d ’archéologie
N éanm oins, du point de vue du classicisme, il y a
discordance dans l’architecture de Brunelleschi entre
l’aspect technique, l’aspect décoratif et l’impression
d ’ensemble. Le dôme de la cathédrale de Florence est
conçu à une échelle com parable à celle des ruines gran­
dioses de Rome. D ans les détails, les édifices de Brunel­
leschi sont sans doute plus « classiques » que tout ce
que l’on avait vu depuis la fin de l’Empire rom ain. Mais
son style est aussi personnel que celui de D onatello et
de M asaccio et, en ce sens, s ’inspire de sources diverses
parm i lesquelles il faut com pter les œuvres toscanes d ’un
passé récent. C ’est ainsi que l’em ploi de m arbre de
couleur et la présence d ’arcades légères et arrondies qui
sont typiques du style de Brunelleschi, sont également
des éléments constants dans l’architecture rom ane de
Toscane du x n e siècle (San M iniato al M onte, à Florence).
Brunelleschi adm irait certainem ent l’architecture
rom ane de Florence. On ne connaissait pas avec précision
l’âge des édifices de Florence, et c ’est ainsi q u ’on pensait
que le Baptistère était un ancien temple rom ain. Même
s’il savait que ces m onum ents dataient de la fin de
l’A ntiquité, Brunelleschi s’inspira plutôt de ceux-ci :
car, il y avait encore à Rome des basiliques chrétiennes
primitives, et il est clair que Brunelleschi ne s ’en inspira
pas pour ses églises principales, car il rejeta un élément
essentiel de leur décoration : les cycles de fresques qui
ornaient leurs murs. Ce type de décor avait gagné la
Toscane. Un certain nom bre de mosaïques ornent le
Baptistère de Florence. M ais l’élément décoratif essentiel
dans ces églises consistait en revêtem ents de m arbre
12. Donatello. Lo Zuccone. 1427-1436. H au teu r 1,95 m. M useo
pour les murs.
dell’O péra del D uom o, Florence. A utrefois, sur le Cam panile.
Les statues exécutées par D onatello p o u r le C am panile de Florence
se ressem blent p a r les drapés retom bant en plis lourds et les visages
fortem ent caractérisés. Le sens d ram atique d o n t tém oignent les
( Suite page 33 )
drapés rappelle G iovanni Pisano.
17

.
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1
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1. Les frères Limbourg. La ville de Rome. Rome est ici offerte à l'œil du spectateur.
1415 environ. Peinture sur vélin. Dimen- On peut voir la cité du Vatican (en bas à
sion de la page : 29 x 21 cm . Extrait des gauche), le Panthéon (au milieu et à gauche)
Très Riches Heures du duc de Berry. et la statue équestre de Marc Aurèle (en
Musée Condé. Chantilly. C 'est la Rome du haut à droite). L 'histoire de la Renais-
Moyen Age, ville des merveilles, narrées sance est liée en partie à un changement
par les voyageurs. Ici, les frères Limbourg, d'attitude envers les ruines de l'Anti-
bien qu' ils soient flamands, ne l'ont pas quité.
vue strictement avec des yeux de nordiques,
car ils semblent s'être inspirés d 'un modèle
italien. Mais quelle qu 'en soit l'origine,
DEUX STYLES QUI S'OPPOSENT
DANS LA SCULPTURE FLORENTINE VERS 1400

2. Lorenzo Ghiberti. Sacrifice d'Isaac.


1401. Bronze doré à l'i ntérieur (46
x 41 cm). Museo Nazionale, Flo rence.
Œuvre soumise lors d u concours o rganisé
pour les portes en bronze du baptistère de
Florence. li est aisé de découvrir les élé-
ments imposés par l'épreuve en la compa-
rant avec le relief de Brunelleschi (ci-
dessous) et en en dégageant les traits com-
muns. La composition de Ghiberti est
sans doute plus subti le que celle de Bru-
nelleschi. Mais la véritable différence réside
dans l'intensité dramatique. Le relief de
Ghiberti est remarquable par sa finesse
et son raffinement. Les éléments drama-
tiques demeurent soigneusement contrôlés.

3. (ci-dessous) Filippo Brunelleschi. Sacri-


fice d'Isaac. 1401. Bronze, doré à l'inté-
rieur. 46 x 41 cm. Museo Nazionale, Flo-
rence. Exécuté dans les mêmes circons-
tances que le relief de Ghiberti (ci-dessus).
Brunelleschi, à l'opposé de son rival, atta-
cha peu d'importance à la beauté des élé-
ments de la composition, pris ind ividuelle-
ment. Comparer, par exemple, les deux
versions du torse d' Isaac. Brunellesch i a
atteint une intensité dramatiq ue qui est
presque totalement absente du relief de
G hiberti, et qui apparaît non seu lement
dans l'attitude véhémente d' Isaac, mais
jusque dans les plis profonds de sa tunique.

4. (page suivante) Masaccio. Le malade


guéri par l'ombre de sailli Pierre. 1427.
Fresque. (2,30 x 1,62 m). Chapelle Bran-
cacci, Santa Maria du Carm ine à Flo-
rence. Masaccio, pendant sa courte vie,
exécuta la majorité de ses œuvres dans
l'église du Carm ine. Cette scène nous
rappelle qu'il était très éloigné de l'œuvre
pleine de grâce et essentiellement décorative
de ses contemporains. Elle n'est pas plus
proche, d'ailleurs, de la violence drama-
tique d'un Brunelleschi ou d'un Donatello.
Masaccio, qui savait par un geste ou un
regard créer une situation, semble plus
proche en cela d'une interprétation nou-
velle de G iotto.
19
20
DEUX STYLES QUI S' OPPOSENT
DANS LA PEINTURE FLORENTINE
VERS 1425

5. Lorenzo Monaco. Vierge à l'enfant. 1410


environ. Détrempe sur bois. Panneau
central du retable du Monte Oliveto. Palais
Davanzati, Florence. Monaco demeura
jusqu'à sa mort l'un des peintres les plus
accomplis de Florence. Il fut l'ami et
l'associé de Ghiberti. L'effet décoratif de
ce panneau est évident. L'artiste a su dis-
poser les drapés de telle sorte qu'ils consti-
tuent un motif sinueux tout en courbes,
mais continu. La profondeur et le volume
ont été sacrifiés à cette fin, et les figures sont
pleines de grâce et d'élégance.

6. (page suivante) Masaccio. Vierge à


l'enfant avec des anges. 1426. Détrempe sur
bois. (135,5 x 73 cm). National Gallery,
Londres. Panneau central d 'un grand polyp-
tyque exécuté pour Santa Maria du Car-
mine à Pise. L'ensemble est imposant, sans
prétention à la grâce ou à J'élégance. Les
volumes ont été accentués pour donner
une impression d'espace qui laisse J'illu-
sion de la présence physique des person-
nages. Remarquer les auréoles qui sont
rendues en perspective.
21
L'ARCHITECTURE DE BRUNELLESCHI

7. Filippo Brunelleschi. Ancienne sacristie,


San Lorenzo, Florence. 1418-1428. L'emploi
de marbre de couleur à des fins décoratives
était depuis longtemps un élément de
l'architecture florentine. Malgré une imi-
tation archéologique très fidèle dans les
détails, l'ancienne sacristie constitue une
version nouvelle et très brillante de cette
tradition. Le traitement des surfaces murales
est encore bi-dimensionnel, et les frontons
et colonnes des deux entrées furent sans
doute ajoutées par Donatello lorsqu'il
exécuta les portes. Le tombeau des Médicis
par Verrocchio (à gauche) avec son arc fut
achevé en 1472.

8. Filippo Brunelleschi. San Spirito, Flo-


rence. La nef est orientée vers l'est. Elle
fut commencée vers 1436. Bien qu'elle
ressemble beaucoup à l'église San Lorenzo,
édifiée auparavant, elle comporte d 'impor-
tantes innovations. Les proportions des
divers éléments sont différentes ; en outre,
le plan rectangulaire de l'ancienne église a
été modifié par l'addition de chapelles
absidales qui font le tour de 1'église. L 'archi-
tecte a donc ainsi créé un édifice de struc-
ture interne plus complexe et plus inté-
ressante.
23
LE RELIEF PICTURAL
AU D~BUT D U XVe SIÈCLE

9. Donatello. Le festin d'Hérode et l'exé-


cution de saint Jean-Baptiste. 1427. Bronze
doré (60 x 61 cm). Relief des fonts baptis-
maux d u baptistère de Sienne.

JO. (en bas) Lorenzo Ghiberti. L'histoire


d'tsaü et de Jacob. 1435 environ. Bronze
doré (79 x 79 cm). Porte du Paradis,
baptistère de Florence. La découverte des
règles de la perspective linéaire fut béné-
fique aux sculpteurs comme aux peintres :
ils se prirent d 'un intérêt nouveau pour le
relief pictural, dans lequel un espace plus
profond est suggéré par un cadre en trompe-
l'œil. A l 'instar des peintres, les sculpteurs
étaient désormais capables de maîtriser les
proportions tant pour les cadres architec-
turaux que pour les figures, comme le
montrent ces deux exemples, exécutés dans
des styles fortement contrastés.
24

L ' ART COURTOIS EN FRANCE VERS 1400 Bibliothèque nationale, Paris. Cette scène, dement modelés (comparer avec les illus-
extraite d'un somptueux livre d 'Heures de trations suivantes). Cet élément vient
11. Cercle du maître du Parement de Nar- la fin d u x1v• siècle, est exécutée dans un d'Italie, mais o n décèle d 'autres aspects
bonne. Adoration des mages. 1380 environ. style peu caractéristique de l'enluminure plus probants encore, de l'influence ita-
Extrait des Très Belles Heures du duc de française, surtout en ce qui concerne les lienne, en particulier dans la construction
Berry. Peinture sur vélin (29 x 2 1 cm). têtes importa ntes a ux traits sérieux et !our- de 1'espace pictural.
25

12. Les frères Limbourg. Adoration des page fourmille de détails fascinants . Le de détails, il fallait que les artistes aient
mages. 1415 environ. Extrait des Tr ès modelé des visages est très léger et les maîtrisé la technique de construction de
Riches Heures du duc de Berry. Peinture figures ont une grâce et une élégance qui 1'espace, et cette maîtrise ne pouvait venir
sur vélin. Dimensions de la page : 29 manquent à 1'illustration précédente. Et que d'Italie.
x 21 cm. Musée Condé, Chantilly. Cette pourtant, pour parvenir à faire tenir tant
26
27
13. (page précédente) Le maître des Heures
du maréchal de Boucicaut. La Fuite en
Égypte. Entre 1405 et 1410. Extrait des
Heures du maréchal de Boucicaut. Peinture
sur vélin. (27,5 x 19 cm). Musée Jacque-
mart-André, Paris. Ce qui frappe avant
tout dans ce Livre d 'Heures, ce sont les
paysages. Dans leur contexte européen, ils
sont remarquables en ce que 1'artiste a évité
les traditionnels rochers et tenté de suggé-
rer au loin la présence d'une brume.

14. Melchior Broederlam. Annonciation.


Après 1392. Volet d'un retable exécuté
pour Philippe le Hardi, duc de Bourgogne;
à l'origine à la chartreuse de Champmol, à
Dijon. Peinture sur bois. (1,62 x 1,30 rn).
Musée de D ijo n. La scène se situe dans un
palais, d'un symbolisme évident, mais plein
néanmoins de décors élaborés, toit de
tuiles et jardin coquet. A droite, on dis-
tingue les habituels rochers représentant
un paysage. L'espace est construit d 'une
manière complexe qui trahit l'influence ita-
lienne, mais la sobriété et l'élégance des
figures sont typiquement françaises.

15. Robert Campin. Annonciation. 1425


environ. Panneau central du triptyque de
Mérode, Peinture sur bois. (64,5 x 64,5 cm.)
Collection des Cloîtres, Métropolitan
Museum of Art, New York. Peinte pour
la famille Inghelbrecht, de Malines, en
Belgique, cette interprétation est remar-
quable par le cadre dans lequel l'artiste a
placé la scène. Il y a ici également un sym-
bolisme latent, mais l'exactitude des détails
de ce cadre sans prétention est nouveau
dans la peinture flamande sur panneau. Les
visages ronds et pleins forment un contraste
frappant avec ceux de Broederlam et rap-
pellent le style de l'illustration couleur
no Il. On remarque également le style de
drapé anguleux qui avait fait son appari-
tion vers 1420.
28
LA REPRÉSENTATION DES ÉMOTIONS Bourgogne, a été attribué à Jean Malouel, pour exprimer tragédie et chagrin. Cette
L'ANCIEN ET LE NOUVEAU STYLE artiste de cour qui était sans doute l'oncle réticence semble avoir été une caractéris-
des frères Limbourg (illustrations couleur tique générale de l'art courtois français.
16. Pietà. 1400 environ. Peinture sur pan- n°5 1 et 12). C'est une composition émou-
neau. Diamètre : 64 cm. Louvre, Paris. Ce vante, pleine de sensibilité et qui repose
tableau, exécuté pour Philippe, duc de très peu sur les expressions des visages
29

17. Roger van der Weyden. Descente de


Croix. 1435 environ. Peinture sur pan-
neau (2 x 2,65 m). Prado, Madrid. Peint
pour la chapelle de la G uilde des Archers,
Louvain. Le désir d u peintre de fa ire parti-
ciper le spectateur à la tragédie est évident
et forme un contraste frappant avec l'illus-
tration précédente. Les expressio ns jouent
un rôle important, les gestes et les atti-
tudes sont plus dramatiques, les person-
nages sont disposés comme sur une scène.
30
31

18. (page précédente) Hubert et Jan van 19. Roger van der Weyden. Mise au tom-
Eyck. Retable de Gand. Achevé en 1432. beau. !450 environ. Peinture sur panneau
Peinture sur panneau. Dimensions de (35,5 x 45 cm). Galerie des Offices, Flo-
/'Adoration de /'Agneau (en haut) : 136,5 rence. Si on compare ce tableau à l'illus-
x 242 cm. Saint-Bavon, Gand. On ne sait tration couleur n• 17, il est évident que
pas exactement dans quelle mesure Hubert 1'artiste a laissé de côté les gestes de cha-
Van Eyck a contribué à cette œuvre. Ces grin les plus voyants. Seul le symbolisme
cinq panneaux (le plus grand est en réalité du chagrin a été conservé dans la Madeleine
encadré p,ar les quatre petits) illustrent la agenouillée. Ce geste et tout 1'ensemble ont
conception plus vaste des cadres qui était sans doute été inspirés par le voyage de
désormais celle des peintres. Ce paysage l'artiste en Italie en 1450 (la composition
est cohérent, comme celui d ' une seule et rappelle u ne œuvre de Fra Angelico). Le
même toile, et chaque panneau prolonge style cependant est purement nordique.
celui qui Je précède. Cette attitude contraste de manière inté-
ressante avec celle que le Nord adoptera
plus tard vis-à-vis de l'art italien.
32

20. Jan van Eyck. Vierge au chancelier


Rolin. 1435 environ. Peinture sur panneau.
66 x 62 cm. Louvre, Paris. Le cardinal
Rotin était chancelier du duc de Bou rgogne,
et la splendeur du décor reflète le milieu
dans lequel il vivait. Ce tableau est l' une
des œuvres les plus remarquables de Van
Eyck, où apparaissent ses dons de portrai-
tiste et sa technique pour le rendu des
détails ou de la texture des étoffes.
33

L ’attitude de Brunelleschi envers ce style d ’architecture


est l’un des traits les plus rem arquables de l’a rt florentin
de l’époque. Im iter Saint-Pierre de Rom e et ses fresques
courant sur les murs au-dessus de la colonnade de la
grande nef, aurait été parfaitem ent adm is à l’époque et
considéré comm e authentiquem ent « antique ». Et
pourtant Brunelleschi écarta délibérém ent toute fresque
7 de ses décors et préféra, com me dans les églises florentines
antérieures, le m arbre de couleur. On ne peut au jo u rd ’hui
que deviner la raison d ’une telle attitude. C ’est sans doute
que ces édifices toscans lui sem blaient être vraim ent des
« églises d ’architecte », dans lesquelles tout était l’œuvre
de l ’architecte. C ’est ce qui explique q u ’à Florence aucune
fresque du x v e siècle, ou presque, n ’ait été exécutée dans
des églises du x v e, car la conception de Brunelleschi
laissait de côté ce genre de décoration.
Si Brunelleschi choisit ce style, c ’est précisém ent parce
que ¡’im pression générale produite p ar to u t édifice
achevé, avait à ses yeux une grande im portance. I!
étudiait avec beaucoup de soin les relations m athém atiques
qui existaient entre les divers éléments de l’église, et
la pietra serena d ’un vert grisâtre de Florence, joue
certainem ent un rôle m ajeur, quant aux form es et pro­
portions. Tous les édifices de Brunelleschi se distinguent
par la com plexité des relations entre les proportions.
Le style architectural de Brunelleschi évolua peu. Il
réalisa cependant des types assez variés d ’édifices, par
exemple, la loggia des Innocenti ou les deux églises
San Lorenzo et San Spirito. Les édifices plus com pacts
7 comm e l’Ancienne Sacristie (San Lorenzo) ou la chapelle
Pazzi (Santa Croce) eurent une grande portée sur l’archi­
tecture future. Brunelleschi subit cependant une évolution
très subtile et intéressante en ce qui concerne sa conception
des qualités sculpturales de l’architecture. La plupart
de ses œuvres com portent des surfaces m urales planes
articulées p ar des pilastres ou des ornem ents en pietra
serena (il en est ainsi de l’église San Lorenzo). Vers 1430,
il semble avoir découvert que les m urs pouvaient eux
aussi avoir leur form e propre et que l’architecture en les
m odelant pouvait leur donner des form es concaves ou
convexes, et rendre ainsi plus complexe et plus original
l’espace intérieur. On peut observer cette évolution dans
s San Spirito ou dans l’église inachevée de Santa M aria
degli Angeli. Ce changem ent fut peut-être occasionné
par un voyage que fit Brunelleschi à Rom e en 1433,
sans doute avec D onatello. Le plan de Santa M aria degli
Angeli est certainem ent très proche de celui du temple
rom ain de M inerva M edica. C ’est peut-être à ce m om ent
que Brunelleschi réalisa que beaucoup d ’édifices im pé­
riaux rom ains tirèrent leurs effets de la form e complexe
des m urs aussi bien que de la décoration des surfaces.
Pour calculer ses effets architecturaux, Brunelleschi
avait recours aux m athém atiques et à la géom étrie;
c ’est ce qui le poussa à élaborer un système de perspective
13. Donatello. Porte en bronze de l'A ncienne Sacristie, San Lorenzo,
soigneusem ent calculé : il consiste à représenter sur une Florence. E ntre 1434 et 1443. Bronze (2,35 m X 1,09 m). L ’artiste
surface plane des form es faisant intervenir les trois dim en­ a su résoudre avec une rem arquable puissance d ram atique le p ro ­
sions. Cela revient, p our le peintre, à avoir recours à des blèm e qui se posait à lui et qui consistait à faire ap p ara ître deux
constructions géom étriques. Seules, les descriptions de ses figures dans chacun des panneaux. L a sim plicité voulue des bandes
dém onstrations nous sont parvenues. La codification de ornem entales qui séparent les panneaux, concentre l’atten tio n du
cette m éthode fut exécutée p ar l ’hum aniste Leone Battista spectateur su r l ’action représentée dans les rectangles.
34

14. Donatello. Cantoria. 1433-1438. M arbre incrusté de m osaïque de la galerie en y plaçant ce groupe de p u tti folâtres qui dansent,
polychrom e. D im ension totale (3,48 x 5,70 m) M useo dell’O pera com m e su r une scène, entre les colonnes,
del D uom o, Florence. D onatello reprend une idée a ntique que
Jac o p o della Q uercia avait déjà fait revivre et égaie la b alu strade

A lberti, dans son traité sur la peinture, écrit en 1435. Les


sculpteurs s’intéressaient égalem ent à ces problèm es et,
vers 1420, le relief pictural fut réintroduit. La sculpture en
relief médiévale, dans son ensem ble, n ’avait jam ais cherché
à suggérer une profondeur dépassant celle de la sculpture
sur pierre. M ais les sculpteurs se m irent, à p artir de ce
m om ent, à traiter la surface de la pierre à la manière
d ’un tableau, m odelant les figures sur un fond en dégradé
qui était indiqué la plupart du tem ps par un relief très
faible, très délicat. Avec ce type de sculpture, on pouvait
donner pleinem ent sa valeur à la technique de perspec­
tive, com m e le m ontrent les œuvres de D onatello et de 9, io
G hiberti.
C ’est à cette époque que M asaccio com m ença à
peindre : il s’inscrivit à la guilde des M edici e Speziali
en janvier 1422. Né en 1401, M asaccio était beaucoup
plus jeune que Brunelleschi ou D onatello. On n ’a jam ais
éclairci le problèm e de sa form ation, mais il collabora
souvent avec un autre artiste de Florence, M asolino.
M asolino avait vingt ans de plus que M asaccio : on
aurait donc pu croire que son œuvre influencerait le
jeune artiste; et pourtant, de manière assez curieuse, la
peinture de M asaccio (avec son économ ie, son austérité)
doit peu de chose, peut-être même rien, au style gothique
tard if de M asolino. M asaccio d u t se lasser à un m om ent
donné des tendances décoratives en peinture et cette
lassitude le conduisit à étudier l’œuvre de G iotto, et
15. Filippo Brunelleschi. Dôm e de la cathédrale de Florence. Vu du aussi celle des sculpteurs passés et actuels. On retrouve
sud-est. Bâti entre 1420 et 1436. L a lanterne fut dessinée en 1436, peu d ’im itations précises dans les œuvres de M asaccio
m ais elle ne fut exécutée q u ’après 1446. Le dôm e, de form e peu com ­ qui nous sont parvenues. M ais il est difficile d ’expliquer
m une, dom ine la ville et on peut a u jo u rd ’hui encore se faire une
autrem ent l’extrêm e plasticité de ses figures, qui est par
idée de ce que fut l ’œ uvre im portante de Brunelleschi.
ailleurs très peu caractéristique de cette époque. Son
œuvre doit certainem ent quelque chose à Brunelleschi,
35

car M asaccio connaissait certainem ent les progrès réalisés


dans l’étude de la perspective, com me en tém oigne sa
16 grande fresque de la Trinité, à Santa M aria Novella.
Cette fresque prouve égalem ent q u ’il était parfaitem ent
au courant des caractéristiques de l’architecture classique.
En 1428, M asaccio p artit p our Rom e où il devait
m ourir quelques mois plus tard. Il faut ici parler de deux
de ses œuvres. La prem ière est un polyptyque, un retable
peint p our l’église du C arm iné à Pise, en 1426. Les
fragm ents en sont a u jo u rd ’hui dispersés. Le panneau
6 central, une Vierge à l'enfant avec des anges, se trouve
au jo u rd ’hui à la N ational G allery à Londres. On y
rem arque que la cohérence des figures de M asaccio
vient de ce que les masses sont éclairées d ’un même point.
La figure de la Vierge dégage une présence plus im posante
encore du fait que le niveau visuel est situé très bas;
d 'au tres éléments encore concourent à accentuer cette
ligne de vision très basse et la cohérence des masses :
c ’est d ’une part, la représentation en saillie de la touche
du luth que tient l’ange à droite : mais c ’est surtout
l’auréole du C hrist, qui n ’est plus représentée com m e un
simple disque suspendu, m ais com m e un cercle vu en
4 perspective. Les fresques de la chapelle Brancacci, dans
l’église du C arm iné à Florence, offrent les mêmes qualités.
Com m e on peut s’y attendre, une im pression générale
de gravité se dégage de ces fresques. C ependant, la tension
dram atique est présente dans l’hystérie pathétique d ’Eve
et le geste de désespoir d ’A dam , chassés tous deux du
paradis terrestre.
T outes les œuvres au jo u rd ’hui connues de Masaccio
tém oignent du style d ’un hom m e jeune, qui n ’accepte
pas les com prom issions. En ce sens, elles n ’ont pas le
charm e d ’autres œuvres, car M asaccio se souciait peu
de charm er le spectateur p ar une beauté conventionnelle.
On peut se dem ander ce que serait son style et s’il se serait
adouci si l’artiste avait vécu plus longtem ps.
A cette époque, les term es « Renaissance italienne »,
si on les applique aux arts plastiques, sont extrêm em ent
trom peurs. C om m e nous l’avons déjà expliqué, c ’est en
partie parce que les artistes n ’étaient pas encore stimulés
par l’idée de ressusciter la g randeur classique dans leurs
propres œuvres. M ais il ne faut pas oublier que les chan­
gements dont nous venons de parler, ne touchèrent
d ’abord que Florence. Pendant presque toute la moitié
du x v e siècle, les autres centres artistiques im portants
d ’Italie, Venise, Vérone, Ferrare ou M ilan, p ar exemple,
continuèrent de produire des œuvres semblables ou
presque, à celles de la fin du x iv e siècle. A ce stade,
Révolution artistique de Florence influença très peu les
arts plastiques dans le reste de l ’Italie.

É V O L U T IO N D E L ’A R T E N F R A N C E ET E N BO H ÊM E

T ou t com m e en Toscane, les meilleurs artistes du N ord 16. M asaccio. L a Trinité. 1426-1427. Fresque (4,89 m x 3,17 m).
S anta M aria N ovella, Florence. C ette fresque tint lieu de m onum ent
durent se dem ander s ’ils allaient continuer de respecter
funéraire, et l ’artiste a représenté les personnes com m ém orées
ou aband o n n er les conventions du style gothique inter­ sous les traits de do n ateu rs agenouillés au-dessus d ’un autel. La
national. M ais sans doute à cause de troubles politiques, gravité des figures va de p a ir avec l ’im posant cadre architectural
l’évolution ne fut pas la même que celle de l’art florentin. classique ; l ’im pression de présence physique réelle n ’avait encore
Car, à Prague, le m écénat de la cour ne s’exerça que de jam ais été aussi bien rendue.
m anière interm ittente. A près la déposition de l’em pereur
36

W enzel en 1400, et bien que W enzel ait reconquis le


pouvoir, et soit resté roi de Bohême ju sq u ’en 1419, à
p artir de 1400, l’im portance de Prague en tan t que centre
artistique alla en décroissant. En France, la m ort de
C harles VI en 1422 et les prétentions du roi d ’A ngleterre
à la couronne de France, provoquèrent une fois de plus
la guerre, ce qui am ena une éclipse provisoire dans
l ’ascendant artistique exercé p ar Paris. Ce m anque de
stabilité et de continuité est cruellem ent ressenti par
l’historien d ’art, car avant ces événem ents, des évolutions
stylistiques s’étaient déjà produites dans ces deux centres.
En Bohême, ce changem ent eut la form e d ’un manié­
risme exagéré dans les drapés et les figures, difficile à
i7, 18 décrire, mais aisém ent perceptible (M adone de Saint-Vitus,
Madone de K rum lov, vers 1400). Cette évolution, am orcée
un peu avant 1400, toucha à la fois les œuvres peintes
et sculptées. En France, p ar contre, ce style ne concerna
que la sculpture et on l’associe surtout à l’œuvre de
Claus Sluter, imagier du duc de Bourgogne.
On sait peu de choses de Sluter et certaines de ses
œuvres sont discutées; cependant, on observe des chan­ 17. Vierge à l'enfant. 1400 environ. Peinture su r panneau. D im en­
gements sem blables à ceux qui affectèrent les figures sions totales : 89 x 77 cm. G alerie N ationale, Prague. Vient de la
bohém iennes dans une Vierge (qui est presque certaine­ cathédrale Saint-V itus. L a p einture et le cadre sculpté d onnent une
m ent de sa m ain), et dans les figures placées à l’entrée de idée d u style de d rap é plein de recherche qui était prisé à la cour de
19 la chapelle de la chartreuse de C ham pm ol, près Dijon. Bohêm e à la fin d u x iv e siècle.
Ici aussi, le sculpteur a rénové les anciennes conventions,
faisant du drapé une cascade de plis fantastiques; cepen­ 18. Vierge à l'enfant. 1400 environ. Calcaire, peint. H a u teu r : 1,12 m.
dant, et cette réserve à son im portance, il a donné à ses G alerie N ationale, Prague. Se tro u v ait à l ’origine à C esky K rum lov.
figures une vigueur et une puissance dram atique qui sont T o u t com m e ci-dessus, le d ra p é est traité dans u n style hautem ent
totalem ent absentes des figures de Bohême. L ’originalité d écoratif et, dans la figure sculptée, la grâce m aniérée et quelque peu
de Sluter n ’a jam ais été contestée et s ’exprim e avec le forcée d u style a p p ara ît de m anière plus frap p an te encore.
20 plus de force dans les restes d ’un calvaire intitulé le Puits
de Moïse, qui se dresse au milieu de l’ancien cloître de
cette même chartreuse. A u jo u rd ’hui ne subsiste que la
base de ce calvaire. T o u t au to u r de cette base, polygonale,
se tiennent des figures de prophètes drapés dans des
m anteaux aux plis profonds, aux visages très caractérisés.
Com m e souvent dans la sculpture médiévale, ces figures
étaient peintes et devaient form er un groupe saisissant
lo rsqu’elles furent juste achevées. Elles ne m anquent
cependant pas de gravité e t contrastent avec les anges
exaltés qui les dom inent.
Il semble naturel de chercher chez les peintres, un
artiste qui au rait la même puissance dram atique que
Claus Sluter. Ce peintre existe sûrem ent, m ais ce qui
frappe plutôt, c ’est l’étrange dualism e que l ’on rencontre
dans l’art de cour français. Ce dualism e n ’est pas sans
rap p o rt avec celui que présentaient les styles contrastés
de D onatello et de G hiberti à Florence. U ne longue
tradition semble avoir établi à la cour de France le goût
de l’élégance et du raffinem ent et une répugnance pour
to u t art faisant appel aux ém otions du spectateur. C ’est
pourquoi la protection dont jo u it C laus Sluter semble
inattendue : l ’absence de preuves nous interdit de retrouver
les circonstances qui ont conduit le duc de Bourgogne à
s’intéresser à l ’œuvre de Claus Sluter. Les origines d ’un
style équivalent en peinture sont faciles à découvrir et
c ’est en Italie q u ’il faut les chercher. L ’adm iration de
l’art italien a pu pousser le roi de France à apprécier ce
style. C ar c ’est Charles V qui est représenté sous les
37

traits d ’un d o n ateur dans l’une des principales œuvres


exécutées dans ce style vers 1375 ; le Parement de 21
Narbonne. Ce qui frappe peut-être le plus dans cette
peinture, c ’est la dim ension des têtes et les expressions
q u ’ont les yeux, tristes et enfoncés. Ce caractère expressif
vient sans doute de la peinture italienne, et, bien que des
proportions plus im portantes semblent mieux lui convenir,
on le retrouve égalem ent dans la peinture de m anuscrits, xi
On perçoit le même caractère expressif dans un retable
de la chartreuse de D ijon, peint vers 1416, et représentant,
entre autres épisodes, le m artyre de saint Denis et de ses
com pagnons. Les expressions des visages, du bourreau
et des assistants parviennent à exprim er l’horreur et la
violence du m artyre. Cet aspect de la peinture française
vers 1400 devait ab o u tir au style dram atique expressif
de Roger van der Weyden.
En règle générale, cependant, il semble que dans les
œuvres exécutées pour la cour de France, on ait cherché à
éviter ces excès. D ans le dom aine de l’enlum inure, en
particulier, les artistes les plus accom plis ont insisté sur
la représentation des détails et des cadres donnés aux
scènes dépourvues d ’ém otion q u ’ils peignaient. Il semble
que ces artistes aient fait preuve d ’une incroyable m inutie
dans leur travail; ils pouvaient se le perm ettre, car il
n ’était pas rare de voir travailler deux peintres, parfois
davantage, pendant deux ou trois ans, à une œuvre
im portante, com m e, par exemple, l’illustration d ’une
Bible. Les innovations que l’on décèle dans ces m anuscrits
sont dues en général à l'influence de la peinture italienne
du x iv e siècle. Les enlum ineurs im itèrent en particulier
la représentation de l’espace telle que la concevaient les
artistes italiens; c ’est ainsi q u ’ils parvinrent à incorporer
leurs détails dans un to u t cohérent.
D ans un dom aine précis, ces peintres dépassèrent même
to u t ce qui avait été fait ju sq u ’alors en Italie : c ’est dans
l’observation des paysages et de la nature en général.
Bien que l’origine exacte de cette évolution dem eure un
mystère, on peut observer que pendant la dernière décade
du x iv e siècle, un peintre royal com m e M elchior Broeder- 1*
lam se contentait d ’arbres conventionnels et de rochers
qui rappelaient ceux de la peinture siennoise de la période
précédente. D ’autres artistes avaient déjà légèrement
modifié ces conventions; cependant aucune œuvre ne
laissait prévoir le paysage d ’un artiste que nous ne
connaissons que p ar son œuvre principale : le m aître
de Boucicaut (il exécuta un livre d ’H eures pour le m aréchal 13
de Boucicaut). Entre 1405 et 1410, cet artiste abandonna
les collines rocheuses de l’art siennois en faveur d ’un
paysage doux et vallonné, disparaissant derrière un lac.
Le fond doré que l’on avait vu ju sq u ’à cette date, fut
rem placé par un ciel réalisé dans des tons qui semblent
vouloir évoquer la brum e flottant souvent à la surface
des lacs.
Cet aspect d ’un changem ent dans le style — le traite­
m ent plus réaliste des détails descriptifs — n ’im pliquait
19. Claus Sluter. Vierge à l ’enfant. 1390 environ. M arbre. C hapelle
pas nécessairem ent une révolution dans le goût. Il n ’était
de la C hartreuse de C ham pm ol, D ijon. La com plexité du drapé
point nécessaire de rendre les figures plus vivantes ou
fait un contraste intéressant avec la Vierge de K rum lov (illustration
noire n" 18); le style est beaucoup plus vigoureux et dram atique, les visages plus expressifs, à la m anière du Parement de
et l ’élém ent psychologique des relations entre la m ère et l ’enfant, Narbonne. La p lu p art des enlum ineurs parisiens sem blent 21
entre ici en jeu d ’une m anière qui dépasse les intentions prem ières avoir ignoré ce style, et les figures du m aître de Boucicaut
du m aître bohém ien. ont certainem ent l’air lointain et l’élégance ennuyeuse
38

de la tradition parisienne. De tous les artistes de cour


de cette époque, les plus célèbres restent sûrem ent les
12 frères Lim bourg qui travaillèrent p our les ducs de B our­
gogne et de Berry : ils constituent l’un des som m ets de
l’enlum inure de m anuscrits non seulem ent à cette époque,
m ais dans toute l’histoire de cet art.

É V O L U T IO N D E L ’A R T A U X P A Y S -B A S

C ’est à ce m om ent, vers 1415, que la tradition de la cour


parisienne fut rom pue. Les signes les plus évidents de
cette rupture résident dans le déplacem ent de l’intérêt
artistique : celui-ci va se porter des m anuscrits et peintures
de panneaux exécutés en petit nom bre p our la cour de
France, à des peintures sur panneaux de plus en plus
nom breuses, réalisées p our des mécènes beaucoup plus 20. Claus Sluter. Base du calvaire intitulé : Puits de M oïse. 1395-1406.
passionnés, aux Pays-Bas. Une clientèle bourgeoise C hartreuse de C ham pm ol, D ijon. Le goût d u détail réaliste ap p araît
ap p aru t qui savait apprécier la peinture sur panneau et dans ces figures, bien que les peintures originales aux tons vifs aient
qui se constitua dans des circonstances extrêm em ent a u jo u rd ’hui disparu. Elles allaient de p a ir cependant avec u n style
obscures. L ’histoire de l’art des Pays-Bas au x iv e siècle, de d rap é bien particulier et sans doute révolutionnaire. Les attitudes
des figures étaient variées, jam ais gracieuses, parfois m êm e gauches.
autant q u ’on en puisse juger d ’après les œuvres qui
nous sont parvenues, est confuse. Le pays était divisé en
un certain nom bre de comtés, tels le B rabant et l’Artois.
Chacun de ces com tés avait sa cour. 11 est donc probable
que les styles pratiqués à Paris aient été portés à la
connaissance de la bourgeoisie des villes par l’interm é­
diaire de ces cours locales. A vrai dire, un artiste de cour,
14 M elchior Broederlam , avait égalem ent un atelier à Y pres;
c ’est ainsi que les h abitants des villes pouvaient entrer
en contact avec « l ’art de la cour ». Deux rem arquables
artistes flam ands, Jan van Eyck et R obert Cam pin, ne
com m encèrent pas leur carrière sous l’influence im m édiate
de l’art parisien. Jan van Eyck travailla à la cour du duc
de Bourgogne vers 1425 (date à laquelle Philippe de
Bourgogne tran sp o rta sa capitale dans les Flandres),
mais il com m ença à peindre p our le prince-évêque de prem ier rang dans l’a rt de cour de l’époque. La com pa­
îs Liège. R obert C am pin, lui, avait son atelier à T ournai raison de ce panneau avec une œuvre précédente du
et il n ’eut de relations avec aucune cour, p our a u ta n t que même genre, tel le diptyque de W ilton de la N ational
l’on sache. U n lien existait certainem ent entre ces deux G allery à Londres, ne m anque pas d ’intérêt. Dans ces
peintres et le m aître de Boucicaut, mais il est difficile d ’en deux œuvres, l’artiste a reproduit m éticuleusem ent et
préciser la nature. avec force détails, les signes de richesse. Mais, le chancelier
Rolin est agenouillé dans un palais de m arbre ouvrant
11 faut signaler, en passant, un changem ent stylistique sur un délicieux jardin en terrasse. A u-delà s ’étend une
qui rend différentes les œuvres exécutées entre 1415 et ville peinte avec une précision digne d ’un m iniaturiste.
1425 : ces œuvres se distinguent en effet p ar un changem ent Cela prouve que Jan van Eyck devait beaucoup aux
dans le style des drapés. Alors que les m aîtres parisiens enlum ineurs parisiens qui l’avaient précédé. M ais sa
exécutaient des drapés élégants et raffinés aux plis souples com préhension de la com position est im pensable sans
et délicats, un changem ent se fait déjà sentir dans les une connaissance très profonde de ce même aspect de
prem ières œuvres de R obert C am pin (1420 environ) : le l’a rt italien. C ’est la com binaison de ces deux éléments qui
style y est plus angulaire, les plis sont com m e froissés a produit un style dont la clarté cristalline n ’a jam ais été
et form ent des motifs en zigzag. L ’influence de la sculpture égalée.
sur la peinture y est décelable. Cette convention nouvelle
Les cadres et décors des peintures flam andes se firent,
gagna le nord de l’Europe et repassa à la sculpture.
avec une soudaineté étonnante, beaucoup plus ambitieux.
Il est plus simple d ’étudier ce nouveau style en peinture Mais ce changem ent était dû aux aspirations des enlu­
à travers l'œ uvre de Jan van Eyck qui lui, com m ença par m ineurs des périodes précédentes. Ainsi, on a souvent
être un peintre de cour, même si cette cour était provin­ l’impression que les frères Lim bourg ont tenté d ’adapter
ciale. Bien que ses dernières œuvres, exécutées p our le à la peinture de m anuscrits des éléments tirés des décors
duc de Bourgogne, aient au jo u rd ’hui disparu, nous m uraux à grande échelle. Par la suite, les peintres sur
20 possédons un panneau réalisé pour le chancelier du panneaux com m encèrent à penser en term es plus gran­
duc, Nicolas Rolin. Ce panneau occupe certainem ent le dioses. C ’est ainsi q u ’un polyptyque géant, com m e le
21. Parement de Narbonne (détail). 1373-1378 environ. Peinture 22. H enri Bellechose. Crucifixion avec le m artyre de saint Denis
sur soie. D im ensions totales 73 x 286 cm. L ouvre, Paris. Ce pare­ (détail). 1416. Peinture su r toile. D im ensions totales (1,61 m
m ent de soie qui vient, dit-on, de N arbonne, fut sûrem ent fabriqué X 2,10 m) Louvre, Paris. Le goût nouveau p o u r les visages caractérisés
à l'origine à Paris p our la fam ille royale. Le m aître inconnu qui fut peu suivi à Paris, m ais on en trouve p o u rta n t trace dans cette
l ’a exécuté fut influencé p a r l'a rt italien en ce qui concerne la com po­ peinture exécutée p o u r la chartreuse de C ham pm ol. Parm i les
sition de l ’œuvre. Bien que les figures soient gracieuses, leurs visages types représentés, beaucoup so n t très italianisés (x iv e siècle). Ce
sont em preints d ’une passion et d ’une ém otion q u ’on ne rencontre style réap p araît assez m ystérieusem ent dans l'œ uvre de R obert
nulle p art ailleurs au x iv e siècle. C am pin.

18 retable de G and, gigantesque par la taille, l’est aussi par com plète van Eyck, et q u ’on les considère en général
la conception même des scènes. Le paysage de base tous les deux comme les fondateurs de ce q u ’on appelle à
recouvre les cinq panneaux et rappelle en cela les décors to rt la « Renaissance flam ande ».
de fresques, tel celui du C am po Santo à Pise.
Jan van Eyck passa la m ajorité de sa vie à Bruges. C O N C L U S IO N
R obert C am pin vécut à T ournai et c ’est de son atelier
19 que sortit un autre grand peintre flam and : R oger van Ces observations nous aident à com prendre dans quelle
der W eyden. Si l’on considère les deux aspects déjà perspective se placent les événements qui se produisirent
m entionnés de l’art de cour parisien, R obert Cam pin en Toscane. L ’œuvre de D onatello et de M asaccio ne
apparaît plus proche de celui qui est représenté p ar le constitue pas un phénom ène isolé, m ais se rattache à une
2 i , 2 2 Parement de Narbonne et le M artyre de saint Denis. A réaction plus am ple contre le style du x iv e siècle, ce qui
la différence de Jan van Eyck, il s ’intéressa à la représen­ eut des conséquences internationales. Les sources aux­
tation des ém otions, et R oger van der W eyden en fit quelles puisèrent les grands artistes toscans ne sont pas
autant. Ce dernier, cependant, rend les sentim ents uniquem ent classiques : même si l’enthousiasm e des
hum ains avec beaucoup plus de recherche. Le fait q u ’il érudits se bornait à faire revivre les form es et la langue
ait pu représenter certaines ém otions, com m e le chagrin, classiques, la création artistique, elle, ne se cantonna pas
avec tan t de retenue, et q u ’il évite le ridicule, est to u t à dans un dom aine si étroit. Les artistes furent entraînés
fait rem arquable. dans un m ouvem ent beaucoup plus am ple, et leur but ne
fut pas uniquem ent la restauration d ’un style antique.
R oger van der W eyden vécut ju s q u ’en 1464, et au cours
de sa longue existence, son style changea considérable­ Il im porte de bien com prendre cela, afin de saisir la
ment. L ’influence sur lui des idées italiennes varia, en signification profonde de la phase suivante de l’art
particulier aux environs de 1450, date à laquelle il se italien. C ar, à ce stade, et pour la prem ière fois peut-être
rendit sans doute à Rome. Il évita la précision brillante dans l’histoire de l ’Europe, l ’érudition s ’unit à la création
de Jan van Eyck, mais atteignit à une force expressive artistique. Cette union allait avoir des conséquences
qui dépasse celle de ce dernier. C ’est p our cela q u ’il profondes et décisives.
Le triomphe de l’Antiquité

Le titre de ce chapitre est dû à un phénom ène qui devint


général dans l ’art italien pendant la seconde m oitié du
x v e siècle. Les artistes com m encèrent à s’intéresser à
l’art antique dans son ensemble et pas uniquem ent aux
éléments de cet art. Ce changem ent d ’attitude est im por­
tan t car, p ar des tentatives souvent ardues d ’im itation
de l’art classique, les Italiens, artistes et mécènes, avaient
appris à mieux apprécier l’art classique. Sans cela, la
recherche extrêm e du classicisme de l’apogée de la
Renaissance aurait été impossible.
Le contexte artistique de cette évolution était sensi­
blem ent le même q u ’au xvie siècle. L ’art était toujours
un métier q u ’il fallait apprendre : le jeune artiste, peintre
ou sculpteur, passait toujours quelques années dans
l'atelier d ’un m aître établi; là, il apprenait les techniques
de son art, com m ençait p ar préparer les couleurs et
nettoyer l’atelier et finissait p ar prendre part aux œuvres
com m andées par quelque mécène. Les événem ents qui
lui étaient extérieurs ne devaient pas plus troubler sa vie
que celle de ces concitoyens. Les troubles politiques
forçaient parfois un artiste com m e Léonard de Vinci à
quitter M ilan (chute de Ludovic le M ore en 1499) ou
comme M ichel-Ange à fuir loin de Florence (chute des
Médicis en 1494); mais la plupart des artistes, comme
les citoyens ordinaires, affrontaient vents et marées
politiques et allaient leur chemin du mieux q u ’ils pou­
vaient. Il est arrivé que les événements viennent Ijouleverser
le style d ’un artiste : on dit ainsi que Botticelli fut profon­
dém ent touché par les serm ons du frère dom inicain
Savonarole, qui invectivait contre les péchés des Floren­
tins, au m om ent de l’invasion de l’Italie p ar C harles VIII
et de l’expulsion des Médicis de Florence. L ’approbation
donnée par le peintre aux doctrines puritaines de Savo­ 23. Donato Bram ante. Scène dans des ruines antiques. 1481. G ravure.
B ram ante fut le prem ier architecte qui ait rapproché l'architecture
narole explique la solennité profonde de ses œuvres
antique des ruines rom aines aux p ro p o rtio n s colossales, qui existaient
ultérieures, telle la Pietà de M unich. M ais d ’autres
encore à l ’époque. D éjà dans cette gravure assez ancienne, la concep­
artistes ne furent nullem ent influencés par les pires tio n architecturale gigantesque de B ram ante a p p ara ît dans la
adversités : ainsi Benvenuto Cellini continua d ’exécuter recherche archéologique de ces ruines o ù sont mises en scène des
des œuvres décoratives et élégantes m algré son em prison­ figures a p p arten a n t m anifestem ent au x v ' siècle.
nem ent de plusieurs mois dans les prisons papales (1539).
N éanm oins, le contexte politique et social de cette
évolution artistique était bien loin d ’être paisible. Une
certaine stabilité régna entre 1460 et 1490, et l’on dit instabilité. La papauté était, bien sûr, par sa nature même,
que ceux qui vécurent au x v ie siècle, considéraient cette instable elle aussi, et les hasards de l ’élection eurent
période com m e une sorte d ’âge d ’or. P ourtant, bien que certainem ent des conséquences sur l’évolution artistique
certains princes m ineurs, com m e les G onzague, soient de Rome. M ilan souffrit égalem ent d ’un changem ent de
parvenus à se faire obéir de leurs sujets et à garder le dynastie en 1447, lorsque la branche mâle de la famille
contrôle de leur É tat, aucune des principales dynasties Visconti s ’éteignit et quand le condottière François
dirigeantes ne dura pendant to u t le x v e siècle. La famille Sforza prit le pouvoir (1450). La famille Sforza n ’était
Médicis sous l’im pulsion de Cosme l ’Ancien (m ort pas unie et le chef le plus rem arquable q u ’elle ait produit,
en 1464) parvint à se tenir quelque tem ps au pouvoir à Ludovic le M ore, fut en fait pendant la majeure partie
Florence. M ais tous les successeurs de Cosme furent de son « règne », le régent d ’un neveu incom pétent,
assaillis par des problèm es politiques et financiers. Le G ian Galeazzo. A la m ort de ce neveu, en 1494, Ludovic
célèbre coup appelé conspiration des Pazzi (1478), faillit prit par la force la place qui devait norm alem ent revenir
réussir et il s’en fallut d ’un cheveu que L aurent le M agni­ à un enfant, fils de G ian.
fique ne fût assassiné. En outre, dans une période de On a déjà signalé que l’intensité de la vie politique
récession économ ique, son succès politique ne put sauver est l’un des traits caractéristiques de l’Italie à cette époque.
les finances de la banque Médicis. Vers 1494, lorsque son Cette situation politique fait songer à un kaléidoscope,
fils Piero fut chassé de Florence, la banque était proche avec ses m ultiples renversem ents d ’alliances chaque fois
de la ruine. que les circonstances changeaient. Com m e les lecteurs
D ’autres dynasties im portantes souffrirent de la même de M achiavel le savent, à l’intérieur comme à l’extérieur
41

de l’État, aucun chef politique ne pouvait se perm ettre de


relâcher sa vigilance. Mais l’im portance de la politique,
en ce qui concerne l ’art, c ’est le caractère des mécènes
qui étaient appelés au prem ier rang de la scène politique.
Parfois, les changem ents de dynastie avaient des consé­
quences particulières p o u r l’art. C ’est ainsi q u ’à M ilan,
après les Visconti, une famille beaucoup plus catholique
fut appelée au pouvoir. La famille Sforza, en particulier
le célèbre Ludovic le M ore, introduisit à M ilan des
étrangers com m e B ram ante et Léonard de Vinci. En
général, les effets de ces bouleversem ents sont beaucoup
plus difficiles à découvrir, et il ne faudra pas l’oublier
dans l ’étude des événem ents auxquels nous allons m ain­
tenant nous consacrer.

l ’a r t f l o r e n t in après 1430

Au début, l’évolution dont nous avons parlé plus haut


ne fut pas, semble-t-il, un m ouvem ent florentin. Ceci est
d ’au tan t plus surprenant que Florence continua d 'être
un centre im portant d ’études et d ’érudition hum anistes.
Elle possédait une université où l’on enseignait le grec
et le latin. Et to u t au to u r de la famille Médicis, véritables
dirigeants de Florence entre 1430 et 1494, gravitait un
cercle d ’érudits et d ’amis qui constituaient « l ’Académie
platonicienne » et qui se passionnaient p our les enseigne­
m ents de Platon et de ses élèves. C ependant, cela n ’eut
pas de conséquences im m édiates sur les artistes locaux,
au point de les forcer à im iter les modèles antiques q u ’ils
pouvaient étudier. Ces artistes avaient déjà fort à faire
pour assim iler les changem ents qui avaient touché le
m onde de l’art pendant les trente premières années du 24. A ttribué à Giovanni Boltraffio. Ludovic Sforza ( le M ore) (détail).
siècle. Et ce qui rend l’art florentin du x v e siècle si passion­ 1495. Peinture sur panneau. C ollection Trivulzio, M ilan. L udovic
nant, c ’est q u ’il était stimulé par ce style vivant et non fut u n des princes les plus o stentatoires d u x v e siècle. L a splendeur
pas p ar la froide im pulsion de l’antiquité classique. de sa c our était to u t aussi rem arquable que les artistes q u ’il p a tro n ­
nait. C ’est lui qui dem anda l ’assistance de C harles V III de France,
L ’influence de Brunelleschi sur l’architecture sacrée déclenchant ainsi une nouvelle série d ’invasions en Italie, invasions
à Florence, fut générale. Des églises com m e celle de qui provoquèrent, entre autres calam ités, sa propre chute : il
Fiesole (Badia) ou celles que réalisa G iuliano da Sangallo m ourut prisonnier dans les cachots du château de Loches.
(Santa M aria degli Carceri, au Prato, p ar exemple)
étaient conform es aux conventions établies quant à
l ’aspect extérieur, à savoir : de vastes surfaces planes et
rectilignes articulées p ar des bandes de pietra serena. On de l ’architecte érudit Leone B attista A lberti, qui les
ne trouve que peu de traces du style tardif, plus complexe, réalisa après 1456. Le résultat est incohérent, les p ro p o r­
de Brunelleschi en m atière de structuration de l’espace. tions du décor de m arbre de couleur d ’A lberti s ’ad aptant
L ’œuvre de Brunelleschi fut de peu de secours en ce qui mal aux éléments plus anciens. E t pourtant, la com bi­
concerne un aspect de l’architecture : le problèm e de la naison du fronton central et des volutes utilisées po u r les
façade. Brunelleschi, en effet, n ’avait jam ais construit de bas-côtés dem eure une innovation rem arquable qui allait
façade, que ce soit p our un édifice sacré ou profane (sauf avoir une grande influence sur l’architecture à venir.
pour la petite loggia de la chapelle Pazzi), et po urtant, il A lberti réalisa égalem ent une façade pour un édifice
exécuta sûrem ent des plans de façades pour ses deux profane : le palais Rucellai à Florence. Là, il conserva 26
églises San Lorenzo et San Spirito. A vrai dire, il n ’existe certains élém ents traditionnels : les pierres légèrem ent
aucune façade qui soit entièrem ent du x v e siècle. Pour rustiquées et les fenêtres arrondies. Sur cette base, il devait
savoir com m ent les architectes abordaient ce problèm e, introduire trois rangées de pilastres, représentant chacune
25 il faut se to u rn er vers la façade de Santa M aria Novella, un ordre classique différent. A u jo u rd ’hui, d ’aucuns
mais cet exam en est égalem ent décevant, car, comme jugeront l’ensemble sans relief, académ ique et loin d ’être
c ’est le cas p our beaucoup d ’édifices médiévaux, la classique. Aussi éloignée que cette façade puisse être du
façade a été construite à des époques différentes. La Colisée de Rom e, il n ’en dem eure pas m oins que c ’est
partie inférieure, ju s q u ’à la corniche principale, date en la prem ière fois depuis la chute de Rom e que qu elq u ’un
grande partie du x iv e siècle. Le grand portail, les colonnes essayait de reprendre une idée classique : la superposition
latérales, la corniche et la partie supérieure sont l’œuvre de trois ordres différents. C ’est pourquoi, le palais
25. Façade de Santa M aria Novella, Florence. Exécutée en partie la partie supérieure. Bien que les pro p o rtio n s de l ’ensem ble aient été
a u x i v ' siècle, et com plétée p a r A lberti environ en 1456-1470. respectées, la façade m anque de cohésion, car les lignes verticales
L ’étage inférieur des arcades en m arbre date en m ajorité du x t v ' siè­ d u h a u t de l ’édifice ne correspondent pas à celles du bas. Les lourdes
cle. A lberti a jo u ta la p o rte centrale, les colonnes corinthiennes et volutes latérales constituent cependant une innovation.

Rucellai, d ’un point de vue historique, tient une place


im portante dans l’évolution de l’architecture occidentale.
Si les Florentins avaient, à cette époque, recherché à
tout prix la renaissance de l’art classique, il ne fait aucun
doute que les architectes auraient aussitôt imité le palais
Rucellai. M ais aucun Florentin au x v e siècle ne s’inspira
de l’œuvre d ’A lberti, peut-être à cause de sa perfection
par tro p académ ique. Un autre édifice, exécuté presque
à la même date par un autre architecte, Michelozzo, fut
beaucoup plus populaire, parce q u ’il était beaucoup plus
proche des traditions florentines. Ce palais construit pour 27
la famille Médicis, joue sur deux tableaux : d ’abord,
une gradation dans la rustication de la pierre. Cette
idée perm ettait une m ultitude de variations, ce qui
explique l’approbation q u ’elle reçut auprès des archi­
tectes. Ensuite, le palais Médicis fut couronné d ’une
énorm e corniche en saillie. Cet élément est inspiré du
palais Rucellai, m ais il est si bien mis en valeur q u ’il rend
le palais Médicis totalem ent différent de ceux qui le
précédèrent. La corniche rem plaçait le toit en saillie qui,
dans les autres palais, devait faire écran contre le soleil
et jeter une om bre sur les fenêtres. Bien que l’architecte
n ’ait pas strictem ent observé les règles classiques, les
détails, eux, sont classiques et parviennent à donner à
la façade un air vraim ent « antique ». Plusieurs variantes
du palais Médicis furent exécutées pendant le reste du
siècle et le palais Strozzi en est certainem ent l’exemple
le plus im posant.
26. Leone B attista A lberti. Palais Rucellai, Florence. 1436 environ. Laissons m aintenant l’architecture pour nous to u rn er
Ce palais est rem arquable p a r son systèm e de pilastres superposés, vers la peinture et la sculpture : la situation devient ici
d o n t chaque rangée su p p o rte un o rd re de chapiteau différent de plus confuse. Les peintres devaient, bien sûr, assimiler les
celui de la rangée précédente. Le relief assez plat est en partie c o n tre­ enseignem ents de M asaccio, m ais aussi ceux de D onatello.
balancé par la lourde corniche. Bien que de conception révolution­
Il leur fallait enfin s ’ad apter à la nouvelle théorie scien­
naire, ce dessin fut peu im ité par les F lorentins a u x v e siècle.
tifique de la perspective. On peut étudier cette évolution
dans l’œuvre de Dom enico Veneziano, l’un des peintres
les plus capables de la génération qui suivit M asaccio.
22 Le retable de Santa Lucia q u ’il peignit vers 1440, aborde
et résout les problèm es artistiques essentiels qui s ’étaient
posés à l’artiste d u ran t les vingt années précédentes.
La form e traditionnelle du retable, assemblage complexe
de panneaux, avait été abandonnée pendant cette période
en faveur d ’une form e nouvelle que l’on trouve ici. La
Vierge se trouve parm i les saints qui l’accom pagnent;
on désignait sous le nom de sacra conversazione, le groupe
ainsi constitué. D om enico acceptait donc cette innovation,
mais il rappelait par les triples arcades placées dans la
partie supérieure du tableau, l’ancienne form e du retable.
M ais ce qui fait la subtilité du retable de Santa Lucia,
c ’est l ’équilibre entre l’espace suggéré et la scène repré­
sentée. A une époque où les artistes cherchaient beaucoup
à donner une im pression de « réalism e » et où l’on venait
to u t juste d ’établir les règles d ’un système géom étrique
capable de suggérer la perspective, cet équilibre était
très difficile à atteindre. D om enico parvint à p roportionner
ses figures dans l’espace q u ’il leur assignait. Mais, à
plusieurs reprises, il a recours à des élém ents complexes
ou am bigus qui risquent de gêner la com préhension de
cet espace. Par exemple, la Vierge donne l’im pression
d ’être assise dans une niche qui est en fait assez loin
derrière elle. Le b ord supérieur des triples arcades touche
le cadre du tableau, alors q u ’il devrait atteindre le milieu 27. M ichelozzo. Palais M édicis-Riccardi, Florence. E ntre 1444 et
1464. L ’im pact visuel p ro d u it p a r ce palais est plus grand sans
de l’espace suggéré. Plus on regarde ce retable, plus on
d oute que celui de l'illu stratio n noire n° 26 à cause des variantes
com prend que l’artiste s’est m ontré ingénieux. La peinture
plus nom breuses dans les surfaces. N o to n s que ce palais fut consi­
respecte les exigences de la réalité, mais le peintre, par dérablem ent agrandi a u x v n " siècle, en particulier du côté de la
ces am biguïtés, force le spectateur à « lire » sa com position Via L argo (à droite su r la photo). A l ’origine, le rez-de-chaussée
en term es de schém a décoratif. ou v rait su r la rue, m ais les ouvertures ont été m urées au x v ie siècle
et les fenêtres q u ’o n p ra tiq u a furent dessinées p a r M ichel-A nge.
Le style de Dom enico doit beaucoup aux grands
artistes florentins. La caractérisation prononcée des
visages m asculins, les plis profonds des drapés s’inspirent
de l ’œuvre de M asaccio et de D onatello, et s’écartent de
la trad itio n représentée, p ar exemple, p ar G entile da
Fabriano. N éanm oins, la peinture de D om enico ne décèle une obsession pour toutes les subtilités de la
tém oigne pas d ’une com préhension totale de l’œuvre de perspective. M ais vers la fin de sa vie, il s’orienta différem­
28 M asaccio. Le jeu de l’om bre et de la lum ière que l’on m ent et dans une œuvre tardive, telle la Chasse nocturne
trouve chez M asaccio, en particulier, n ’a pas été repris (A shm olean M uséum , Oxford), on trouve une abondance
par D om enico : dans ses œuvres, la lumière ruisselle de petites figures élégantes et de couleurs gaies.
sur toutes les surfaces, et p our définir les volum es, il a M algré l’influence de D onatello et de M asaccio, l’art
souvent recours au trait. O n retrouve la même chose florentin conserva une tendance sous-jacente à la réserve
29 chez d ’autres peintres, C astagno, par exemple, qui était et au raffinement q u ’on oublie peut-être tro p vite. Il
un peu plus jeune que D om enico. Le désir de suggérer semble que D onatello ait violem m ent réagi contre cet
les masses et les volum es s’accom pagnait, chez ces artistes, état de choses vers la fin de sa vie (1453-1466). Il réalisa
d ’un refus de réduire l’éclat des coloris en a d o p tan t les en effet un certain nom bre d ’œuvres d ’une terrible
om bres épaisses d ’un M asaccio. puissance dram atique. Sa Madeleine (Baptistère de
Le cas d ’Uccello est, à ce stade, instructif. Il était Florence), donne, p ar la qualité du fini, une impression
beaucoup plus âgé que D om enico, ou même que M asaccio. d ’extrêm e ascétisme. M ais dans la Florence du x v e siècle,
Il com m ença à peindre dans l’atelier de G hiberti, et ses les intentions de D onatello étaient difficilement com ­
prem ières œuvres du C hiostro Verde, à Santa M aria préhensibles et loin d ’être appréciées.
Novella, ont quelque chose de l’élégance et du souci du Un style différent existait toujours. G hiberti vécut
détail du style gothique international. D ans les années ju sq u ’en 1455, et ses bronzes perpétuaient les qualités
qui suivirent, cependant, il s’intéressa passionném ent aux de grâce et de raffinement q u ’il défendait. On com prend
découvertes réalisées dans le dom aine de l’art. Les aisém ent, dans un tel contexte, le succès que rencontrèrent
quatre têtes q u ’il peignit au to u r d ’un cadran dans la les terres cuites à glaçures polychrom es de Luca délia
cathédrale de Florence, rappellent un peu M asaccio par Robbia. Les canons artistiques pleins d ’élégance et de
la technique du m odelé, p ar les jeux d ’om bre et de goût de Luca, tels q u ’ils nous apparaissent dans ses
lum ière; dans beaucoup de ses œuvres, p ar ailleurs, on C antoria sculptées (O péra del D uom o, Florence), peuvent
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28. M asaccio. Le Tribut de saint Pierre (détail). 1427. Fresque. 29. Andrea del Castagno. Pippo Spano (détail). 1451 environ.
C hapelle Brancacci, S anta M aria d u C arm ine, à Florence. Ce Fresque transférée su r toile. M usée C astagno, Santa A ppolonia,
détail est typique de la technique de M asaccio, ta n t p a r le m odelé Florence. Ce détail fait partie d u décor de la Villa V olta, à L egnaia;
des visages to u t en o m bre et lum ière que p a r les couleurs assez le style est à prem ière vue plus séduisant que celui de M asaccio.
som bres. Les om bres so n t plus rares et le dessin de la tête est nerveux et
linéaire.

14 être opposés à la vigueur débordante des p u tti de son m anteau d ’A rlequin et ses rideaux de m arbre. Au
D onatello. fond, un lourd sarcophage de m arbre sur lequel se posent
Trois sculpteurs nés aux environs de 1430, vinrent deux anges et deux putti.
parfaire cette tradition sculpturale. Ils s’appelaient Verrocchio, d ’autre part, possédait un esprit très
A ntonio Rossellino, Desiderio da Settignano et A ndrea inventif. Ses œuvres réalisées presque toutes en m arbre
del Verrocchio, tous trois artistes accomplis. C ependant, tém oignent d ’une im agination variée. Il s’inspire beaucoup
il ne faudrait pas sous-estim er l’im portance de D onatello. de D onatello, à tel point q u ’on a parfois l’im pression
Ces sculpteurs ne cessaient de s ’inspirer de l ’œuvre de q u ’il se mesure avec lui. Com m e lui, il réalisa une figure
D onatello, m ais le vidaient de son contenu dram atique. de David, un putto dansant, et un m onum ent équestre.
L ’em ploi de bas-reliefs en est un exemple. M ais D onatello Son groupe de Thomas l'incrédule fut placé dans une 25
avait continuellem ent déployé ses figures com m e une niche qui avait abrité le saint Louis de D onatello. Ce u
scène, où elles ne dépendaient q u ’à demi du cadre où groupe s’inspire d ’ailleurs sans doute de l’autel de
elles évoluaient. La sculpture de D onatello avait égalem ent l’A nnonciation réalisé par D onatello (Santa M aria
fait appel à des types hum ains très opposés ce qui donna Novella). M ais l’œuvre, conform ém ent au goût du jour,
l’idée de types hum ains très contrastés, em ployés à des est privée de toute ém otion; le spectateur est, au contraire,
fins décoratives. séduit par la beauté des drapés en cascade et le fini du
De ces trois sculpteurs, c ’est sans doute D esiderio qui travail du bronze.
30 fait preuve de plus de sensibilité dans le fini des surfaces. U n style différent existait égalem ent en peinture. Les
Avec A ntonio Rossellino, il contribua à la conception œuvres de Lorenzo M onaco, M asolino, G entile da
nouvelle du m onum ent funéraire, envisagé com m e une Fabriano et F ra Angelico sont de la même lignée que les
scène sur laquelle les figures sculptées jo u en t leur rôle; sculptures de G hiberti et de Luca délia Robbia. Il est
24 le m onum ent de Rossellino, à la mém oire du cardinal- vrai que la peinture avait été profondém ent bouleversée
prince de Portugal (San M iniato al M onte, Florence) p a r les événements qui s ’étaient produits aux environs
invite le spectateur à contem pler une véritable scène avec de 1420. L ’apparence extérieure des choses avait changé.
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so n âge le rap p roch ait p lu s de Fra A n g e lic o q u e de


C a sta g n o . Il en tra d a n s l ’ordre d es C arm es (d a n s l ’église
d esq u els se tro u v e la c h a p elle de B ran cacci d écorée par
M a sa c c io ), et a u d éb u t, ses figures ra p p ela ien t celles de
M a sa c c io par la m a sse e t le v o lu m e . M a is, d ès 1437,
c ette ten d a n ce d isp aru t d ev a n t un g o û t p r o n o n cé p ou r
le d étail descrip tif. La co m p a r a iso n d e so n retable
B arb ad ori (1 4 3 7 -1 4 3 8 ) a v ec celu i de S an ta L u cia, ex écu té 22
à peu près à la m êm e é p o q u e par V en ez ia n o , in d iq u e
n ette m e n t la n o u v elle o rien ta tio n de Fra F ilip p o L ippi.
Prises in d iv id u ellem en t, ses figures so n t a ssez co h éren tes,
e t l ’esp a ce d an s leq u el elles se m eu v en t, e st défini à la
fo is d e v a n t et derrière; et p ou rta n t l ’éq u ilib re entre la
structure et la d éc o ra tio n , si so ig n e u se m en t m ain ten u
par D o m e n ic o , e st r o m p u par F ilip p o en faveu r du
d éco ra tif. Sa p ein tu re n ’a pas la clarté sup erbe d es
œ u vres de D o m e n ic o V en ez ia n o , m ais elle est égalem en t
p lu s h u m ain e et év o q u e m o in s un e d ém o n stra tio n
in tellectu elle.
L ’œ u vre de F ilip p o L ippi n ’eu t ja m a is la froid eu r ou
l ’au stérité q u ’o n d éco u v re d a n s c e lle d ’artistes p lus jeu n es
c o m m e C a sta g n o o u D o m e n ic o V en e z ia n o . E lle est
c e p en d a n t plus e x p a n siv e qu e celle de Fra A n g e lic o ;
30. Desiderio da Settignano. Ange (détail). 1450-1451 environ. elle en a un peu la d élica tesse, m ais o n y d éco u v re p arfois
Marbre. Fait partie de l’autel du Sacrement, San Lorenzo, à Flo­ e n jo u e m e n t e t h u m o u r. C es élé m e n ts a p p a ra issen t d ans
rence. C’est là une œuvre remarquable exécutée par l’un des artistes les fresq u es p ein tes par F ilip p o L ippi p o u r la cath éd rale
les plus accomplis du xv c siècle. Peu d ’artistes ont atteint à la sensi­ d u P rato e t d a n s de n o m b reu ses p ein tu res de la V ierge à
bilité et au fini de cette sculpture sur marbre. l'en fan t. L a V ierge e st so u v en t p lein e d ’h u m ou r, e t le
C hrist n ’est ja m a is id éa lisé, m ais il n ’a p as c ep en d a n t
l ’ex p ressio n am ère de l ’e n fa n t d an s la V ierge de M a sa ccio
à L on d res. L es fresq u es m etten t en scèn e un n om b re
c o n sid éra b le de ty p es h u m a in s très variés, et le co n ten u
d ra m a tiq u e est to u jo u rs b ien co n trô lé. T o u te fo is, l ’é m o ­
tio n exp rim ée v a d e pair avec un cad re ag réa b le e t des
figures g ra cieu ses e t d élicates.
U n e p ein tu re de ce gen re e t de cette q u alité d ev a it
M a iso n s et p alais éta ien t p ein ts sur le m o d è le d es éd ifices in év ita b lem en t exercer un e in flu en ce co n sid érab le. Les
de B runelleschi. V ierges d e Fra F ilip p o , par ex em p le , fu ren t im itées
p en d a n t le d em i-siècle qui allait suivre, et in fluencèren t
L es tê te s de M a sa ccio e t de D o n a te llo a v a ien t fou rn i
ta n t les p ein tres qu e les scu lp teu rs. Ses fresq u es narratives
un n o u v e a u répertoire d e ty p es, en sorte q u e les v isages
séd u isiren t ég a lem en t, a v ec leur éq u ilib re ju d ic ieu x entre
au x p e tits yeu x du siècle p récéd en t a v a ien t d isparu. On
l ’a ctio n d ram atiq u e e t la d éco ra tio n . L ’œ uvre de D o m e n ic o
a p p o rta it p lu s de so in a u x rela tio n s qui lia ien t les figures
V en e z ia n o e t de C a sta g n o in flu en ça é g a lem en t les peintres
entre elles. L ’architectu re éta it p lu s p ro p o r tio n n é e à la
d es g én éra tio n s su iv a n tes, m a is il est difficile d e m esurer
taille d es figures q u ’elle ab ritait. T o u s c e s élém en ts
d a n s q u elle p ro p o r tio n , car trop d ’œ u vres o n t a u jo u rd ’hui
étaien t a sso ciés san s, p o u r c e la , a ttein d re à la p u issa n ce
disparu. C ep en d a n t, ch ez un pein tre, c o m m e D o m e n ic o
dram atiq u e. C es asp ects so n t ty p iq u es de l ’art extrêm e-
G h irla n d a io , les figures so n t b e a u c o u p p lu s c o m p a ctes
26 m en t a cco m p li du m o in e-p ein tre Fra A n g e lic o . Il d ev a it
qu e c h e z Fra A n g e lic o ; en ou tre, les esp a ces q u ’il d élim ite
a voir le m êm e âge q u e M a sa c c io , m ais so n œ u vre d em eu re
so n t ren d u s de m an ière b e a u co u p p lu s co n v a in ca n te,
tou jou rs co lo r é e , ch a rm a n te e t gu in d ée.
ce qui laisse p en ser qu e le style d u m aître d e retable de
L es d étails de ses arrière-p lan s é ta ien t to u jo u rs so ig n e u ­
S an ta L ucia jo u a p e n d a n t lo n g te m p s un rôle im p ortan t.
sem en t ob servés e t c o m m e G e n tile d a F a b ria n o , Fra
A n g e lic o avait un « p en ch a n t » p o u r les fleurs, les co stu m e s D o m e n ic o G h irla n d a io fu t le pein tre de fresques le
étran ges e t les n ich es à to u rs. M a is si o n le c o m p a re à p lu s ém in en t à F lo ren ce en tre 1470 e t 1490. Il réalisa
G en tile, o n d écou v re q u e la structure d e ses scèn es est d eu x g ra n d s c y cle s c o m m a n d é s to u s d eu x par des fa m illes
p lus co h éren te e t sta b le, e t c ’e st en cela q u ’o n d écèle flo ren tin es d a n s les é g lises de S an ta T rin ità e t de S anta
l ’in flu en ce sur lui d e M a sa ccio . M aria N o v e lla . D a n s l ’une et l ’au tre, l ’artiste a ap p o rté
U n e syn th èse rem arq u ab le d es styles co n tem p o r a in s un so in particu lier au cad re et au x d éta ils; il rep résenta
27 fut réalisée par le pein tre F ilip p o L ippi, d o n t l ’œ uvre d es m em b res d es d eu x fa m illes d an s les scèn es narratives,
co n stitu e une b o n n e in tr o d u c tio n à la p ein tu re d e la e t l ’o n reco n n a ît d es v u es de F lo ren ce d a n s les p aysages
seco n d e m o itié du siècle. Il n a q u it vers 1406 e n v iro n et qui c o m p o sa ie n t l ’arrière-plan de ce s fresq u es. T o u t cela
46

31. Antonio Pollaiuolo. Combat d'hommes nus. Gravure. 1470 envi­


ron. On avait recours à des études comme celle de l’illustration
noire n° 32 pour parfaire des compositions telles que cette gravure
ou pour élaborer le Martyre de saint Sébastien (illustration couleur
n° 30). Signorelli reprit cette tradition qui fut adoptée ensuite et
transformée par Michel-Ange.

fait so n g er à l ’art de co u r d es en v ir o n s de 1400. Les de D o m e n ic o G h irla n d a io . B ien q u ’il a it été a v a n t to u t


d éta ils cla ssiq u es so n t b e a u c o u p p lu s n o m b reu x qu e d a n s un pein tre sur p a n n ea u x (a lo rs q u e les œ u v res m ajeures
les œ u vres d es p ein tres p récéd en ts, a sp ect d o n t n o u s de G h irla n d a io éta ien t d es fresq u es), ces d e u x artistes
reparlerons. O n relève enfin d a n s ces fresq u es d es élém en ts p résen ten t b e a u c o u p de p o in ts co m m u n s. D e u x A d o ra tio n 28,29
qui révèlent un c o n ta c t avec la pein tu re flam an d e. En révèlen t un g o û t sem b la b le p o u r les ru in es a n tiq u es, les
1480, il p eig n it p ou r l ’ég lise d es O g n issa n ti un e fresque co u le u r s e t les c o stu m e s. O n rem arq u e é g a le m e n t le
in titu lée S a in t J érô m e dans son c a b in et de tr a v a il qui m êm e tra item en t d es p a y sa g es d a n s un style n o u v ea u
s ’inspire très certain em en t d ’une œ uvre de Jan van E yck. qui v en a it d es F lan d res. M a is les œ u vres de B o tticelli o n t
Les p aysages de G h irla n d a io e t ses in térieu rs d o m e stiq u e s un e q u a lité lin éaire b e a u co u p p lu s m arq u ée. L es co n to u rs
trah issen t é g a lem en t l ’in flu en ce de l ’art fla m a n d , in flu en ce de ses figures so n t so ig n e u sem e n t d essin és, e t l ’esp ace
q u e l ’on d iscern e déjà à F lo r en c e a v a n t c ette d ate. intern e c o m b lé par d es c o u leu rs d élica tem en t m od elées.
L ’ « h u m a n isa tio n » d es V ierges de F ilip p o L ippi rappelle S o n œ uvre d ég a g e une a tm o sp h ère m é la n co liq u e e t grave
un p rocessu s déjà rem arqué ch e z R o b ert C a m p in . Les qui rap p elle certa in s ta b lea u x d e D o m e n ic o V en e zia n o :
œ u vres relig ieu ses fla m a n d es, ain si q u e les p ortraits, les é m o tio n s so n t p a rfo is a ccen tu ée s par le s attitu d es
éta ien t certa in em en t a p p réciées par les co llec tio n n e u r s et to u r m en tées d e ses figures e t par le trait sin u eu x de son
les co n n a isseu rs; m ais peu d ’œ u vres éta ien t v isib les de d essin . F ilip p in o L ip p i, fils illég itim e de F ilip p o L ippi,
to u s co m m e le retable P ortin ari, de H u g o van der G o e s qui travailla d a n s l ’atelier de B o tticelli a p rès la m ort
qui était e x p o sé d a n s l ’ég lise San E g id io vers 1480. de so n père, hérita de cette ten d a n ce. O n a p a rfo is du
San d ro B otticelli fu t presque ex a c te m e n t c o n tem p o ra in m al à d istin g u er les œ u vres de F ilip p in o de c elles de
47

32. Antonio Pollaiuolo. Hercule. 1460 environ. Plume et encre 33. Léonard de Vinci. Étude pour l'Adoration des mages. 1480 envi­
brune. (23,5 x 16,5 cm.) British Museum, Londres. Cette étude ron. Plume et encre (27 x 17,4 cm). Musée Wallraf-Richartz,
marque le début d ’une révolution dans la technique et l’emploi Cologne. Le jeune Léonard de Vinci fut l’un des premiers à béné
du dessin. Dans ce dessin à traits rapides, l ’artiste a essayé de prendre ficier des expériences de Pollaiuolo. Entre ses mains, le dessin devint
sur le vif le corps humain en mouvement. Ces dessins servirent de un outil majeur pour l’exploration de la figure humaine, de l’archi­
base à une approche nouvelle de la représentation humaine. tecture, de la botanique, de la biologie et de bien d ’autres sujets.

B otticelli, m ais il p o u ssa à l ’ex trêm e la q u a lité linéaire ta n ce cro issa n te d a n s la p rép aration d es œ u vres, car
de ce style n erveux. Il e u t u n e co n c e p tio n a rtistiq u e m o in s p o u r attein d re au « réalism e », les é ta p es p rép aratoires
g ra n d io se, si b ien qu e m êm e d a n s les g ra n d es fresq u es, d e v e n a ie n t ca p ita les p o u r la réu ssite de l ’ou v ra g e term in é.
l ’arch itectu re e t les c o m p o s itio n s so n t b risées p ar une P ou r le s travau x im p o rta n ts, les fresq u es, par ex em p le,
m u ltitu d e d e p etits d éta ils. o n a v a it co u r a m m e n t recou rs a u x esq u isses.
L e caractère linéaire de la p ein tu re à c ette é p o q u e est Il ex iste certes u n n o m b re in ca lcu la b le de d essin s
très rem arquable. P o u ssé e à l ’extrêm e, cette ten d a n ce réalisés a v a n t cette é p o q u e . M a is à F lo ren ce, c ’est la
d o n n a it p arfois lieu à d es œ u vres q u i ressem b la ien t q u a lité d u d essin qui év o lu a it. Si l ’o n c o m p a re u ne étu d e
p resq u e à d es gravu res co lo rié e s. C ela s ’ex p liq u e peu t-être d e d rap és par P isa n e llo e t un e par L éo n a rd de V in ci, on
par le fait q u e de n o m b reu x p ein tres floren tin s, y co m p ris s ’a p er ç o it q u ’elles o n t é té fa ites d a n s un b u t to ta lem en t
G h irla n d a io e t B o ttic e lli, co m m en cè r e n t leu r carrière différen t. L ’étu d e d e P isa n ello se b o rn e à c o n sig n er les
d an s d es ateliers d ’orfèvres. L e P éru gin , L éo n a rd de m o tifs su p erficiels e t les d éta ils, alo rs q u e celle d e L éon ard
V in ci e t L o ren zo di C red i, qui éta ien t p ein tres a v a n t d e V in ci s ’in téresse à la structure p r o fo n d e p lu tô t q u ’à
to u t, firent leurs d éb u ts d a n s l ’a telier de l ’orfèvre A n d rea l ’o rn e m e n t su p erficiel. L es étu d es de L éo n a rd de V in ci
del V errocch io. C ette ten d a n c e q u ’a v a ien t les p ein tres à so n t p o u r lui un m o y e n d ’ex p lo r a tio n e t d ’e x p érim en ­
se fo rm er ch ez d es orfèvres n ’é ta it certes p a s a ccid en telle ta tio n . C ’e st c e t a sp ect d e l ’u sage d u d essin q u i, p en d a n t
e t s ’ex p liq u a it par la n écessité d ’un ap p ren tissa g e sérieu x lo n g te m p s, d em eu ra u n iq u e à F lo ren ce.
d an s l ’art d e l ’esq u isse, q u i a lla it d ev en ir la b a se de to u t A n to n io P o lla iu o lo e st r e p résen ta tif d e cette é v o lu tio n ;
travail d ’artiste. Le d essin , en effet, p ren a it u ne im p o r ­ il fu t, en fait, l ’u n d es artistes flo ren tin s les p lu s ém in en ts
48

34. Isaia da Pisa. La Vierge avec saint Pierre et saint Paul. 1440
environ. Marbre. Crypte de Saint-Pierre, Rome. On sait peu de
chose sur Isaia da Pisa, mais le style des drapés de ses figures
s ’inspire certainement de modèles antiques. La nature quelque peu
prosaïque de ces figures est cependant caractéristique de nombreuses
œuvres exécutées à Rome au x v ‘ siècle.

n o sta lg iq u es q u e so n t ces ruines cla ssiq u es so n t sy m p to ­


m a tiq u es d ’un e év o lu tio n d a n s l ’attitu d e d es artistes et
d es m écèn es vis-à -v is de l ’art an tiq u e. Si l ’o n co n sid ère
la p ersistan ce de l ’e n th o u sia sm e a ca d ém iq u e p ou r la
littératu re cla ssiq u e d o n t n o u s a v o n s parlé, il p eu t paraître
su rp ren an t q u e les artistes floren tin s n ’a ien t pas m on tré
p lu s d ’intérêt p ou r la résurrection du style classiq u e.
L ’art a rc h éo lo g iq u e était, sem b le-t-il, très rare. U n
scu lp teu r c o m m e D o n a te llo co n sid éra it l ’art antique
co m m e une sou rce d ’id ées à la q u elle on p o u v a it puiser
avec b e a u c o u p de lib erté e t d ’im a g in a tio n . P eu à peu
cep en d a n t, les artistes co m m en cèren t à étu d ier réellem en t
les ru in es a n tiq u es et ce qui fa isa it leur q u a lité esth étiq u e.
O n n e sait q u ’im p a rfa item en t c o m m e n t les artistes en
vin ren t à se sen tir c o n cern és par cette recréation de
l ’A n tiq u ité e t du m o n d e c la ssiq u e, car, à cette ép o q u e, en
Italie, rares éta ien t les artistes qui c o u c h a ie n t sur le
p ap ier leurs id ées e t in ten tio n s. Et, m êm e si cet a sp ect de
l ’h istoire de l ’art p eu t paraître q u elq u e peu p édant, on
n e sau rait l ’ignorer. O n a déjà ex p liq u é co m m e n t, par
cette im ita tio n de l ’art c la ssiq u e, m écèn es e t artistes
av a ien t appris à m ieu x apprécier les q u a lités qui lui
éta ien t in h éren tes. S an s ces ten ta tiv es d ’im ita tio n , la
co m p r é h e n sio n très su b tile de l ’art an tiq u e d o n t té m o i­
gn èren t les artistes du x v i e siècle aurait été im p o ssib le.
O n aurait p u s ’atten d re qu e R o m e jo u e un rôle im p or­
ta n t d a n s ce p ro cessu s, m ais au x v e siècle, R o m e n ’était
p a s un cen tre artistiq u e im p o rta n t. La ville reçut les
b rèves v isites d ’artistes im p o rta n ts c o m m e M asaccio,
M a so lin o , G en tile d a F a b ria n o , P isa n ello , B run elleschi,
D o n a te llo , A lb erti, Fra A n g e lic o , P iero d élia F rancesca
e t d ’autres. M ais, à R o m e , la situ a tio n éta it c o n fu se et
de l ’ép o q u e. Scu lpteu r, orfèvre e t pein tre, il p ro d u isit
la co m p é ten ce des artistes lo c a u x lim itée. C ertes, un
p eu d ’œ uvres, m ais parm i celles-ci figu ren t un certain
32 n om b re de d essin s ex é c u té s d a n s u n style lin éaire p lein o b scu r artiste de R o m e , Isa ia d a P isa, a v a it ten té un e 34
de sen sib ilité. Sa tech n iq u e, très so u p le , lui p erm etta it im ita tio n in téressan te de la scu lp tu re an tiq u e, m ais en
gén éral les artistes ro m a in s n ’éta ien t p a s d es in n o vateu rs
de fixer san s difficulté d es a ttitu d es h u m a in es très variées.
e t la p lu p art d es œ u vres im p o rta n tes d u x v e siècle son t
D e u x œ uvres n o u s so n t p a rv en u es qui so n t, c h a cu n e en
d u e s à des artistes floren tin s o u de fo rm a tio n florentine.
son gen re, un véritab le tou r d e fo r c e , e t qui résu lten t de
Il se p eu t qu e la v ita lité créatrice de l ’art florentin ait
3i ces exp ériences. L ’une est un e gravu re, C o m b a t d 'h o m m e s
frein é to u t m o u v e m e n t vers une ten tative v éritab le de
nus, qui est in téressan te en ce q u ’elle révèle à q u el p o in t
retou r au style de l ’A n tiq u ité , m ais p a rto u t ailleu rs en
ce d essin linéaire est p roch e d e l ’art de l ’orfèvre. La
30 seco n d e est une p ein tu re, le M a r ty r e d e sa in t S éb a stien , Italie, un certain n om b re d ’artistes sem b len t a v o ir a d o p té
rem arq u ab le par la m an ière d o n t le pein tre s ’est servi un la n g a g e a rch é o lo g iq u e en tre 1440 et 1460, et c ’est
d u sujet p ou r m on trer sa m aîtrise d a n s la rep résen tation
du co rp s h u m ain . L à, le d essin a d û jo u e r un rôle im p o r­
( S u ite p a g e 65 )
tan t.
A n to n io P o lla iu o lo tra n sm it p lu s p a rticu lièrem en t so n
h ab ileté g rap h iq u e à un artiste : L éon ard de V in ci.
33 B ien que L éon ard de V in ci n ’a it ja m a is travaillé ch ez
P o lla iu o lo , so n style de d essin e t l ’usage q u ’il en fait
so n t si p ro ch es de P o lla iu o lo q u ’une rela tio n q u elc o n q u e
a certa in em en t dû ex ister en tre les d eu x h o m m es. D éjà, 21 (ci-contre). Leone Battista Alberti. Autoportrait. 1430 environ.
pou r l ’un e d es prem ières œ u vres de L éon ard de V in ci, Hauteur 20 cm. Bronze. Collection Samuel H. Kress, National
A d o ra tio n d es m ages, il ex iste un n o m b re co n sid éra b le Gallery of Art, Washington. Dans la création de conditions favo­
d ’étu d es p rélim in aires ex écu tées d a n s un style linéaire rables à la renaissance d ’un style antique, l’érudition joue un rôle
co m p a ra b le à celu i de P o lla iu o lo . de première importance. Alberti put contribuer à ce mouvement
car, tout en étant gentilhomme et érudit, il daigna prendre part
O n a déjà parlé de l ’ap p a ritio n irrégulière de ruines directement à la création artistique et dessina les plans des premiers
a n tiq u es d an s les pein tu res d e G h irla n d a io e t de B o tticelli. édifices de l’époque dans un esprit volontaire de renaissance. C’est
30 Et l ’arc de trio m p h e du M a r ty r e de sa in t S é b a stie n par pour cela que son autoportrait ouvre cette nouvelle série d ’illus­
P o lla iu o lo n o u s a déjà frap p és. L es fa n ta isies un peu trations.
50
L'ART FLORENTIN DU xv• SIÈCLE

22. Domenico Veneziano. Vierge à l'enfant


avec saint François, saint Jean-Baptiste,
saint Zenobius, sainte Lucie. 1440 environ.
Détrempe sur panneau (2,08 x 2,13 m).
Offices, Florence. Malgré l'exemple
d'Alberti et la présence à Florence d'autres
humanistes érudits, l'art dans cette ville,
au xv• siècle, ne chercha pas avant tout à
imiter l'Antiquité. Les peintres qui s'essa-
yaient aux nouvelles règles de perspective
et qui devaient faire face à divers styles
concurrents, avaient bien d'autres soucis.
Ce retable peint pour 1'église de Santa
Lucia dei Magnoli, à Florence, a su habile-
ment intégrer les motifs dans 1'espace repré-
senté et évoque, avec ses arcades triples,
l'ancienne forme du polyptyque.

23. Fra Filippo Lippi. Annonciation avec


donateurs. 1455 environ. Détrempe sur
panneau (1,53 x 1,43 m). Palais Venezia,
Rome. Œuvre d'un proche contemporain
de Domenico Veneziano. lei aussi, les triples
arcades font songer à l'ancien polyptyque.
Devant chaque arcade, l'artiste a placé un
élément de sa composition. Les détails
sont ici multiples et font du cadre de la
scène un curieux mélange de palais et
d'intérieur domestique.

24. (page suivante) Antonio et Bernardo


Rossellino. Tombeau du cardinal-prince de
Portugal. 1460-1466. San Miniatoal Monte,
Florence. Ce tombeau est peut-être le plus
complexe des tombeaux florentins du
xv• siècle que nous connaissions et forme
un des côtés d 'une chapelle funéraire. Les
détails, en particulier ceux du sarcophage,
sont volontairement classiques. Et pour-
tant, l'ensemble évoque plutôt une scène
avec ses rideaux de marbre relevés comme
pour une représentation. La sculpture est
de belle qualité, le fini superbe, mais
l'œuvre est totalement dépourvue de pro-
fondeur, ce qui rend ce monument typique
de l'époque.
52
25. Andrea del Verrocchio. L e Christ et
Thomas l'Incrédule. 1465-1483. Orsan
Michele, Florence. Bronze. Autre exemple
de la sculpture florentine pendant le tro i-
sième quart du xv• siècle. Verrocchio avait
reçu une formation d 'orfèvre, et le moindre
détail de ces fi gures a été traité avec un soin
amoureux, q uand bien même il demeurait
caché du spectateur. Les visages sont pra-
tiquement inexpressifs et l'artiste, laissant
de côté tout effet dramatique, s'est contenté
de soigner les drapés et le traitement de
certains détails, comme les cheveux ou les
mains. La niche fut construite vers 1423
pour une fig ure de saint Louis exécutée
par Donatello.

L'ART DE LA FRESQUE A FLORENCE


APRÈS MASACCIO

26. (page suivante, en haut) Fra Angelico.


Scènes de la vie de saint Étienne. 1447- 1449.
Fresque. C hapelle de Nicolas V, Vatican.
Au faîte de sa gloire, Fra Angelico fut
appelé à Rome pour participer à la rénova-
tion du palais du Vatican. A cette époque,
son style s'était curieusement affranchi de
1'influence des autres artistes florentins. A
l'instar de Masaccio, il éliminait des scènes
narratives tout détail superflu. Les lois
de la perspective, telles qu 'Alberti les
concevait, ne sont pas touj ours observées,
et le style des figures impassibles et massives
semble tributaire de Giotto et de ses élèves.

27 . (page suivante, en bas) Fra Filippo


Lippi. Funérailles de saint Étienne. 1452-
1464. F resque. Cathédrale du Prato, près
de Florence. Contraste intéressant avec
1'œuvre de Fra Angelico. L'église a été
représentée en accord avec les lois de la
perspective qui avaient cours à l'époque.
La composition est fo rtement tributaire
d' une fresque de Masaccio aujourd ' hui
détruite et qui représentait la consécration
de l'église du Carmine, à Flo rence. On y
voyait des groupes de spectateurs (comme
ici) parmi lesquels figuraient des portraits
de personnalités de l'époque.
53
54

28. Domenico Ghirlandaio. Adoration des (illustration couleur n• 12). Le paysage à


bergers. 1485. Détrempe sur panneau l'arrière-plan doit beaucoup à la peinture
(1,67 x 1,67 m). Santa Trinità, Florence. flamande, et les bergers à d roite, semblent
Retable de la chapelle Sassetti dont les s'inspirer du retable Portinari, œuvre
murs ont également été décorés par Ghir- d' Hugo van der Goes (qui était depuis peu
la ndaio. L 'introduction délibérée d 'élé- à Florence).
ments classiques est évidente, tel ce sarco-
phage dont l'inscription est peinte à mer-
veille. Cependant ces objets se perdent dans
le cadre très varié. Le voyage des mages (à
gauche) rejoint celui des frères Limbourg
55

29. Sandro Botticelli. Adoration des mages.


1474 environ. Détrempe sur panneau (1 ,11
x 1,34 rn). Offices, F lorence. Les ruines
de cette Nativité symbolisent l'effondre-
ment de la Synagogue. L'artiste leur a
donné délibérément un aspect classique,
et les herbes et plantes grimpantes qui les
envahissent mettent une note légèrement
mélancolique, la nostalgie de l'a ntique
étant parfois un sentiment très profond
dans la peinture florentine du xv• siècle.
Botticelli essaya de donner un tour clas-
sique à des sujets tels que : la Naissance de
Vénus ou la Calomnie d'Apelle. Ici cepen-
dant, les participants sont vêtus de cos-
tumes contemporains et plusieurs d'entre
eux sont reconna issables. Ils appartiennent
à la famille Médicis.
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30. (page précédente) Antonio et Piero


Pollaiuolo. Martyre de saint Sébastien. 1475.
Détrempe sur panneau (291,5 x 202, 5 cm).
Natio nal Gallery, Londres. La fi gure plus
mièvre de saint Sébastien est sans d oute
l'œuvre de Piero. Antonio était un excel-
lent peintre de la figure humaine comme le
montrent ces archers, mais la beauté du
paysage n'en est pas moins remarquable.

31. (ci-dessus) Leone Battista Alberti.


S aint-François, R imini. Appelé en général
à cause de sa transformation Tempio
Malatesta. A lberti commença à transfo r-
mer cette église médiévale en temple
classique vers 1450, mais il ne termina
jamais son œuvre. Profondeur de relief et
austérité sont ce q ui frappe à première vue
dans cet édifice.

32. (ci-co ntre) Pietro da Milano. Arc de


triomphe. Entrée principale d u Castello
N uovo, à Naples. 1452-1466. Exécutée en
1'honneur du roi Alphonse d 'Aragon, cette
entrée est de style classique. On sait peu de
chose de l'architecte, Pietro da Milano; il
sut en tout cas comprendre deux éléments
essentiels de l'architecture classique : le
grandiose et le relief. La sobriété dans le
décor et le sens des proport ions lui échap-
pèrent, mais cet arc n'en constitue pas
moins un intéressant pendant à l'œuvre
d 'Alberti .
58

LA RENAISSANCE CLASSIQUE
ET LE M~C~NA T A MANTOUE

33. Andrea Mantegna. Le Parnasse. 1496-


1497. Peinture sur toile (1,60 x 1,92 rn).
Louvre, Paris. L'une des œuvres mytholo-
giques commandées par Isabelle d 'Este,
femme de Francesco Gonzague, pour ses
appartements privés. Mantegna accepta
ce sujet et choisit le style des figures et des
costumes. A cette époque on n'acceptait
plus les costumes contemporains pour les
scènes d'inspiration classique.

34. Andrea Mantegna. Triomphe de César.


(Quatrième section : le Porteur de vase).
1490 environ. Peinture sur toile (2,7 1
x 2,84 rn). Collection Royale, Hampton
Court. L' une des œuvres les plus grandioses
de Mantegna q ui nous soit parvenue, splen-
dide évocation d u faste a ntique. On ne
connaît pas encore, dans les détails, les
sources de 1'inspiration de Mantegna
mais sa fidélité à l'évocation du passé
laisse supposer q u'il était érudit et archéo-
logue.
35. Piero Bonacolsi (Antico) : Méléagre. artiste fut employé à la cour de Mantoue à
1510 environ. Bronze, doré à l' intérieur la restauration de bronzes antiques. Il en
(31 cm). Victoria and Albert Museum, réalisa aussi. Mécènes et artistes commen-
Londres. Connu sous le nom d 'Antico, qui çaient à être de véritables connaisseurs de
évoque assez bien ses préoccupations, cet l'Antiquité.
60
61

SAINT SÉBASTIEN
LA PEINTURE A MANTOUE
ET A FLORENCE VERS 1470

36. (page précédente) Andrea Mantegna.


Saint Sébastien. 1470 environ. Détrempe
sur toile (2,57 x 1,42 m). Louvre, Paris.
Cette œuvre trahit un regret profond d u
passé antique. Les figures ont une fermeté
sculpturale qui suggère une étude appro-
fondie de la statuaire classique. Remar-
quer les yeux levés au ciel qui suggèrent une
émotion de caractère classique et la force
que confère à la figure le cadre a rchitectu-
ral

37. Sandro Botticelli. Saint Sébastien. 1474.


Détrempe sur panneau (1,98 X 0,86 m).
Musées d' État, Berlin-Dahlem. Malgré
la présence à Florence d'humanistes éru-
dits, les a rtistes flo rentins ne s 'étaient pas
encore tournés vers l'Antiquité. Le pay-
sage à l'arrière-plan semble légèrement
flamand. Le saint est attaché à un arbre,
non pas à une colonne. Et pourtant la
simplicité de cette œuvre en fa it le charme.
En outre, comme c 'est souvent le cas pour
1'art florentin de 1'époque, les émotions
sont à peine évoquées, le spectateur n'a
qu'à admirer et se laisser séduire.
LA RENAISSANCE CLASSIQUE
A URBINO ET A MI LAN

38. Piero della Francesca. Flagellation du Christ. 1455 envi-


ron. Détrempe sur panneau (59 X 81,5 cm). Palais des
Ducs, Urbino. On n'a pas expliqué de manière satisfaisante
le sens de cette œuvre et ce que sont les trois figures qui
se tiennent à droite. C'est sans doute les relations de 1'artiste
avec Alberti qui ont suscité son intérêt pour l'Antiquité
et c'est ce qui explique la perfection du décor architec-
tural. Les proportions équilibrées et la perspective complexe
et pourtant exacte, reflètent la fascination exercée par les
mathématiques et la géométrie sur Piero della Francesca.

39. Piero della Francesca. La Vierge et les saints avec


Federigo da Montefeltro. 1470 environ. Détrempe sur
panneau (2,48 X 1, 70 rn). Brera, Milan. Cette œuvre,
exécutée à la fin de la carrière de Piero, est plus évoluée
que la peinture ci-dessus, en particulier en ce qui concerne
le traitement de la lumière. L'œuvre est comparable à celle
du maître de Piero, Domenico Veneziano (illustration
couleur no 22), dans la représentation de motifs dans
l'espace. La conception d' un groupe de saints dans un
décor architectural monumental unique, apparaissait ici
pour la première fois et allait avoir d 'importantes réper-
cussions à Venise.

40 (page suivante). Attribué à Vincenzo Foppa. Martyre


de saint Sébastien. 1485 environ. Fresque (1,73 X 2,68 rn).
Brera, Milan. Provient sans doute d'un ensemble de fresques
ornant à l 'origine Santa Maria, à Brera. La carrière de
Foppa est obscure; il semble qu'il ait été influencé par
Mantegna et peut-être aussi par Piero della Francesca.
L'aspect austère du décor architectural est d'autant plus
inattendu qu'à Milan on appréciait des cadres plus déco-
ratifs.
63
64

41. Donato Bramante. H éros. 1477 envi-


ron. Fresque (1 ,27 x 2,85 m). Brera,
Milan. L 'idée de décorer les édifices avec
des figures de héros antiques est ancienne.
Ce qui est nouveau dans cette série de
héros, c'est que ce sujet antique a été traité
avec des costumes et dans un contexte
antiques. L'influence de Mantegna est
très forte et explique certainement la ten-
tative faite par 1'auteur pour créer une
atmosphère antique convaincante.
65

l’une des tendances les plus significatives de ce que l ’on


a appelé l ’a rt de la Renaissance.

ALBERTI A RIMINI

L ’un des prem iers m onum ents qui se rattache à ce


langage archéologique fut réalisé par un architecte érudit :
31 Leone Battista A lberti. Ce fut l ’église de San Francesco,
à Rimini, q u ’il transform a en mausolée classique pour
les M alatesta, seigneurs de Rimini. Ce projet déjà conçu
sans doute vers 1450, est plus « antique » que tous ceux
que fit A lberti p o u r Florence. C ela s’explique sans doute
par l ’existence à Florence de facteurs locaux qui com pli­
quèrent la tâche d ’A lberti; p ar exemple, la difficulté de
s ’ad ap ter aux m urs des palais florentins, assez proches
de ceux d ’une forteresse, ou la façade médiévale à demi
25 achevée de Santa M aria Novella. Ces problèm es n ’exis­
taient pas à Rimini où la tâche d ’A lberti consistait à
dissim uler com plètem ent l’architecture médiévale sous
une nouvelle architecture classique. A lberti avait donc le
cham p libre et il put d onner une im pression de véritable
gravitas antique, ce qui était pratiquem ent impossible
à Florence où la trad itio n de décor des surfaces avec du
m arbre de couleur était profondém ent enracinée. Il est
vrai que cette im pression disparaît dans l’édifice que les
35 sculpteurs M atteo dei Pasti et A gostino di Duccio durent
orner de reliefs p o u r dissim uler l’ancien m onum ent, une
église médiévale. M ais, même si l’effet p ro d u it n ’est pas
aussi convaincant, le style de ces reliefs n ’en est pas
moins antique que celui de l’architecte Alberti. O n le
retrouve un peu plus tard sur la façade de San B ernardino
à Pérouse.
Un autre projet qui relève de la même intention esthé-
32 tique est l’arc de triom phe exécuté à Naples à l’entrée prin­
cipale du Castello N uovo (1453 environ). C ’est beaucoup
plus une œuvre méticuleuse d ’érudition que la façade
d ’A lberti à Rimini. Elle fut sans doute dessinée par un
certain Pietro da M ilano (dont on sait peu de chose), et
les sources d'insp iratio n sont aussi diverses que la qualité
des sculpteurs est variable. La sculpture n ’est classique
que p ar à-coups, et les figures sont souvent représentées
en costum es contem porains. M ais les lignes du dessin
sont hardies et le désir d 'être antique en fait un spécimen
q u ’il est intéressant de com parer au « Tem pio M alatesta », 35. Agostino di Duccio. Vertu. 1457-1462 environ. M arbre. D étail
com m e on appelle a u jo u rd ’hui l’église d ’A lberti à Rimini. de la façade de San B ernardino, à Pérouse. Ces sculptures en très
léger relief rappellent les œuvres d u T em pio M alatesta, à Rim ini.
PADOUE Le style s ’inspire de m odèles antiques.

Pour découvrir les réalisations les plus rem arquables de


ce « langage archéologique », il est nécessaire de se
tourner, au nord des A pennins, vers Padoue et l’œuvre
d ’A ndrea M antegna. Rien ne laissait présager son
apparition car, bien que Padoue soit un centre hum aniste
reconnu, les antécédents stylistiques de M antegna le
rattachaient au gothique tardif. Il semble que le goût
des Italiens du N ord ait été rem arquablem ent conser­
vateur, car, dans cette région, le style qui avait cours vers
1400 se prolongea ju s q u ’au milieu du siècle. Les peintres
qui avaient le plus influencé cette partie de l’Italie avaient
36 sans doute été G entile da F abriano et Pisanello qui
avaient tous deux beaucoup voyagé dans le nord de
66

36. Pisanello. M édaille à l'effigie de


N orello M alatesta, seigneur de Cesena.
1445 environ. D iam ètre 85 m m. M useo
N azionale, Florence. A u x v ' siècle, on
rep rit l ’h abitude de faire des m édailles
com m ém oratives. Pisanello fut l ’u n des
plus rem arquables m édaillistes de l ’époque.
C ette pièce illustre bien la dilférence entre
les m édailles antiques et celles d u x v ' siècle.
Si cette m édaille est d ’une clarté parfaite,
c ’est une œuvre typique d u x v ' siècle.
L ’artiste n ’a pas cherché à im iter les m o n ­
naies antiques. N ovello était le jeune dem i-
frère de Sigism ondo qui com m anda le
T em pio M alatesta à R im ini.

l ’Italie et travaillé dans un certain nom bre de villes, y sculpture antique. C ’est en cela q u ’on reconnaît l’influence
com pris Venise. La République de Venise et les princes de la collection d ’antiquités de Squarcione, bien que le
Visconti à M ilan étaient, eux aussi, bien partagés en zèle archéologique de M antegna soit allé bien au-delà
artistes. de la peinture des figures. D ans les fresques q u ’il exécuta
U n certain nom bre d ’artistes florentins vinrent dans le p o u r l ’église des Erem itani à Padoue, on découvre dans
nord de l ’Italie vers 1440 (M asolino, G hiberti, Uccello ses arrière-plans des preuves multiples de son am our du
et Filippo Lippi, par exemple), m ais leur influence semble passé classique : arcs de triom phe, ruines antiques,
avoir été négligeable. Bien que D onatello ait vécu à reliefs peints, frises et costum es classiques. A cette époque,
Padoue entre 1443 et 1453 et y ait exécuté trois œuvres M antegna n ’était pas encore allé à Rom e où, même en
m ajeures (la statue équestre à la gloire de G attam elata, la ruine, les vestiges de l’A ntiquité abondaient. Ces détails
sculpture p our l ’autel de l’église San A ntonio et un crucifix s’inspirent donc sans doute des ruines m oins abondantes
pour la même église), ce fut un artiste originaire de du nord de l’Italie, des dessins d ’autres artistes ou des
P adoue, M antegna, qui bouleversa de m anière décisive objets réunis par les collectionneurs. Si les sources exactes
l’a rt au nord des Apennins. de cette inspiration dem eurent obscures, l’enthousiasm e
M antegna fut élevé chez un artiste, connaisseur en de M antegna, lui, ne fait aucun doute.
m atière d ’A ntiquité, Squarcione. N ul ne sait la valeur
MANTOUE — MANTEGNA ET ALBERTI
de Squarcione en tan t q u ’artiste, mais l’influence de ce
milieu sur M antegna fut décisive, car jam ais artiste ne En 1460, M antegna entra au service des Gonzague,
fut aussi am oureux des choses de l’A ntiquité que seigneurs de M antoue, et devint leur peintre le plus im por­
M antegna. Il doit certainem ent beaucoup aux Florentins, tant. Son influence augm enta alors considérablem ent,
en particulier la technique de la perspective et du raccourci. car il put réaliser un certain nom bre d ’œuvres qui conve­
Il s ’inspire de D onatello pour les com positions, mais pas naient particulièrem ent à son génie. Deux d ’entre elles
pour le style des figures, très dram atique, du m aître- nous sont parvenues. La prem ière, les fresques décorant
autel de San A ntonio. la Caméra degli Sposi au Castello, à M antoue, semble
37 D ans ses personnages, on ne décèle pas l ’influence du résum er toutes les œuvres de M antegna, à cette date (1474).
style de D onatello ou du style gothique, mais celle de la Elles ont l’âpreté de ses prem ières œuvres et tém oignent
67

d ’une m aîtrise com plète des effets d ’optique (q u ’il doit


sans doute aux artistes florentins). La voûte est recouverte
de détails antiques, mais son aspect assez som bre est
égayé p ar le célèbre oculus en trom pe-l’œil qui représente
une balustrade sur laquelle se penchent des jeunes filles
souriantes.
34 D ans le Triomphe de César (1486-1494 environ), la
froideur des débuts de M antegna a totalem ent disparu.
L ’œuvre ne donne plus l’im pression d ’être une ju x tap o ­
sition d ’idées, m ais un véritable cortège triom phal m ettant
en scène des gens pleins de vie et ce sont des Rom ains.
Jam ais encore, l ’atm osphère de la Rom e antique n ’avait
été aussi bien évoquée.
P endant la période qui suivit im m édiatem ent le
Triomphe de César, M antegna entreprit une autre tâche,
à la dem ande d ’Isabelle d ’Este, épouse du m arquis de
G onzague, qui avait pris M antegna à son service. Il
33 s’agissait de peindre une série de scènes m ythologiques
sur les m urs des appartem ents d ’Isabelle d ’Este, q u ’elle
appelait son studiolo. (D ’autres artistes contribuèrent
aussi à la décoration, entre autres, le Pérugin et G iovanni
Bellini.) A ce stade, la froideur et la réserve du style
initial de M antegna avaient com plètem ent disparu, les
figures sont rendues avec plus de liberté : ce sont là les
com positions les plus gracieuses q u ’ait jam ais créées
M antegna.
Le patronage de la famille G onzague à M antoue, est
rem arquablem ent intéressant p o u r celui qui étudie l’art
de la Renaissance. Les relations qui existaient entre
artistes et mécènes dem eurent m alheureusem ent obscures.
L ’influence exercée p ar les mécènes sur les artistes fit
que le term e « Renaissance » cessa de s’appliquer unique­
ment à un m ouvem ent hum aniste littéraire. Vers 1500,
un cercle d ’érudits, de mécènes et d ’artistes se form a, qui
savait apprécier de façon rem arquable l’essence même
de l’art antique.
On découvre un aspect de cette évolution complexe
dans l’histoire des tableaux com m andés p ar Isabelle
d ’Este p our son studiolo. Jam ais encore on avait donné
à l’artiste un sujet aussi littéraire, sujet choisi par Isabelle
et qui s’inspirait de l’A ntiquité. A une époque antérieure
et dans une autre ville d ’Italie, on aurait adm is que les
personnages représentés soient vêtus de costum es contem ­
porains. M ais à M antoue à ce m om ent-là, on exigeait
que to u t sujet antique soit traité de m anière vraim ent
antique, et M antegna y parvint.
On découvre un autre aspect de cette même évolution
dans l ’œuvre d ’un rem arquable sculpteur sur bronze,
Piero Bonacolsi dont le surnom d ’ « A ntico » donne une
idée de ce q u ’étaient ses préoccupations. La famille
G onzague lui fit exécuter une série de petites statuettes
35 en bronze, qui figuraient dans ses collections aux côtés
de pièces antiques véritables.
Il existe encore un autre aspect de cette « Renaissance »
m antouanne puisque la carrière de M antegna chevauche
37. Andréa M antegna. Sainte Justine (détail du retable de Saint-Luc).
celle d ’A lberti qui, bien q u ’il soit m ort à Rom e, passa
1453-1454. T em pera su r panneau. Brera, M ilan. M antegna avait
les dernières années de sa vie à M antoue. C ’est là q u ’il environ vingt-trois ans lo rsq u ’il peignit ce retable et le détail illustre
conçut et com m ença de réaliser ses deux édifices m ajeurs : la froide clarté sculpturale de son style, à ses débuts.
l’église de San Sebastiano (1470 environ) et celle de San
A ndréa (1480 environ). Ces églises sont intéressantes en
68

38. Leone Battista Alberti. Façade de San Sebastiano, M antoue.


1460 environ. A l ’origine, on accédait sans doute à la façade p a r un
large escalier, et c ’est p a r la suite q u ’o n dut faire des piliers verti­
caux. M algré cette im perfection, la façade de San Sebastiano
dem eure im posante.

ce qu'A lberti ne fut pas gêné pour leur exécution par une impression générale d ’obscurité, sans doute volon­
des préjugés architecturaux locaux ou par la présence taire, car on sait q u ’A lberti aim ait que les églises soient
d ’édifices antérieurs. La plus originale des deux églises, plongées dans une pénom bre favorable au recueillement.
San Sebastiano, ne fut jam ais achevée et la restauration Cet aspect de son architecture la fait contraster fortem ent
de la façade est m alheureusem ent inexacte. A l’origine, avec celle de Brunelleschi d o n t les édifices sont très clairs.
elle devait com porter des pilastres su p p o rtan t le fronton Ces deux églises sont le fruit d ’une vie de recherches sur
et on devait y accéder par un escalier aussi large que la l’architecture antique. Il semble q u ’A lberti ait essayé
39 façade elle-même. D ’autre part, la façade de San A ndréa de recréer la grandeur de la Rome antique peut-être
reprend l’idée de l’arc de triom phe. Le traitem ent est plus encore que Brunelleschi.
sobre, le seul ornem ent consiste en une voûte à caissons On s’aperçoit au jo u rd ’hui que la recherche archéolo­
sous le porche. gique était beaucoup m oins poussée à Florence. Les
Les intérieurs des deux églises sont d ’im portance égale. divers traitem ents d ’un même sujet com m e saint Sébastien
San Sebastiano est en form e de croix grecque, c ’est-à-dire perm ettent quelques com paraisons intéressantes. Au
que ses quatre bras sont de même longueur. Ce type début de sa carrière, M antegna, avait peint le m artyr lié
de plan centralisé séduisait de plus en plus les architectes à une colonne corinthienne entourée de ruines classiques. 36
de la Renaissance, car ils savaient q u ’il revenait souvent L ’idée de représenter saint Sébastien dévêtu n ’était pas
dans les églises et les tem ples du m onde rom ain et byzantin. nouvelle à l’époque, m ais il était plus courant de le
Alberti se to u rn a néanm oins vers la tradition occidentale peindre vêtu (d ’habits contem porains en général) et tenant
pour la construction de San A ndréa. Elle est en form e de une flèche, symbole de son m artyre. Cette évolution du
40 croix latine, c ’est-à-dire que la n ef est plus longue que goût, due sans doute à un intérêt renouvelé pour la
le transept ou le chœur. Les éléments qui constituent statuaire antique, se répandit rapidem ent. Bientôt, on
les m urs de la n ef rappellent ceux de la façade occidentale, ne représenta pratiquem ent plus saint Sébastien vêtu.
si bien que l ’unité entre l’extérieur et l’intérieur est très Ainsi, en 1474, Botticelli exécuta une version semblable 37
grande. La nef est dépourvue de claire-voie, ce qui donne à celle de M antegna. C ependant, il s ’attacha à peindre
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39. Leone Battista Alberti. Façade de San Andréa, M antoue. 1470 40. Leone Battista Alberti. Intérieur de San Andréa, M antoue.
environ. C 'e st la plus grande réalisation architecturale d ’A lberti. 1470 environ. L ’église n ’était pas achevée à la m o rt d ’A lberti et
C om m e p o u r le T em pio M alatesta, cette façade com porte un arc bien des élém ents à l ’intérieur de l’église furent ajoutés après sa
de triom phe inspiré de l ’A ntiquité. Ce n ’est q u ’à la fin de sa vie disparition. Il avait certainem ent prévu les p ro p o rtio n s m assives
q u ’A lberti ap p rit la valeur d u relief et des textures contrastées et la voûte à caissons dépourvue d ’ouvertures. Ses écrits nous révè­
en architecture. Ici, le centre de la façade s ’ouvre su r un arc lent q u ’il aim ait, contrairem ent à Brunelleschi, les églises plongées
m onum ental. dans une obscurité favorable a u recueillem ent (ill. couleur n° 8).

un corps gracieux et idéalisé; le torse du saint n ’a pas dans le Tem pio M alatesta, œuvre d ’A lberti (1451). Il 3t
l ’aspect sculptural que M antegna lui avait donné, pas se lia avec l’architecte à ce m om ent-là et le retrouva
plus que l’expression classique du visage. Enfin, le m artyr plus tard à la cour d ’U rbino. L ’intérêt porté par Piero
de Botticelli est placé dans un paysage de style flam and. à l’architecture classique apparaît dans la recherche de
On ne saurait dire que l’une des figures est « bonne » ses cadres architecturaux. Il se peut q u ’il ait été consulté 38
ou « m auvaise », bien sûr; mais l’œuvre de M antegna pour la construction du palais ducal d ’U rbino. Il s ’inté­
est beaucoup plus une œuvre de la « Renaissance » au ressait plus à la théorie q u ’à l’archéologie (il consacra les
sens où l’on entend ce m ot en général. dernières années de sa vie à un traité sur la perspective),
et ceci apparaît avec force dans certaines de ses dernières
œuvres. C ’est ainsi que dans son retable la Vierge et les 39
PIERO DELLA FRANCESCA
saints (au jourd’hui au Brera de M ilan), l ’organisation
Le style de M antegna, à ses débuts, rappelle souvent de l’espace, apparem m ent simple, est en fait d ’une grande
l’œuvre de Piero della Francesca. C ependant nous ne complexité. Ce retable rappelle sous bien des aspects le
possédons pas la preuve que Piero, qui avait environ retable de Santa Lucia, de D om enico Veneziano, car
vingt ans de plus que M antegna, ait pu influencer ce l’espace est suggéré avec une exactitude méticuleuse.
dernier. Piero débuta à Florence sous la direction de M ais l’artiste a cherché à associer dans la com position,
Dom enico Veneziano, et il semble que ses œuvres aient de m anière très am biguë, des objets placés, en fait,
toujours conservé le caractère im posant et impassible à des profondeurs variées du tableau; dans le retable du
du style de D om enico. Piero fut un artiste provincial Brera, figures et architecture sont organisées de m anière
en ce sens q u ’il passa la m ajorité de son existence à très com pacte; il faut faire un effort pour com prendre
Borgo San Sepolcro, sa ville natale où il était très consi­ que la Vierge n ’est pas assise juste au-dessous de l’œuf,
déré. N éanm oins, il travailla p o u r les trois cours italiennes mais q u ’il est assez loin derrière elle.
de F errare, Rimini et U rbino, et se rendit égalem ent à Piero travailla à Ferrare et exerça donc une grande
la cour papale, à Rome. A Rim ini, il exécuta des fresques influence sur les artistes locaux. Il semble cependant q u ’ils
70

41. Donato Bramante. Chœur de Santa


M aria presso San Satiro. M ilan. Com m encé
en 1483. C ette église fut dessinée p a r Bra­
m an te ; elle devait être construite dans un
espace re strein t; il n ’y avait pas de place
p o u r le chœ ur, et B ram ante parvint à to u r­
n er habilem ent la difficulté. Il d o n n a
l ’im pression q u ’il y avait u n chœ ur très
long, en tran sfo rm an t la perspective du
décor de la voûte et des m urs. En réalité,
le chœ ur ne m esure que quelques m ètres.

42. (page suivante) Léonard de Vinci.


É tudes architecturales. 1488-1489 environ.
Plum e et encre. (23 X 16 cm). In stitu t de
F rance, Paris. O n ignore quelles étaient
les relations entre L éonard de Vinci et
B ram ante, m ais nous possédons de nom ­
breux dessins exécutés p a r L éonard de
Vinci p endant la période m ilanaise et qui
représentent des édifices. Bien que le nom
de L éo n ard de Vinci ne soit lié à aucu n p ro ­
jet, ces dessins occupent une place im p o r­
tan te dans l'h isto ire d u dessin architec­
tural.

aient été encore plus influencés p ar l'œ uvre de M antegna. la ville dem eura à l ’abri d ’un m ouvem ent qui aurait
Le style de drapés de M antegna, son goût p our l’archi­ influencé les artistes locaux.
tecture im posante et la technique nettem ent linéaire, C ependant, au milieu du siècle, un changem ent de
paraissent avoir profondém ent im pressionné l ’artiste de dynastie se produisit, et les Sforza succédèrent aux
cour Cosm e T ura. E t pou rtan t, l’œuvre de T u ra est à Visconti. Ce bouleversem ent politique am ena des artistes
peine « classique ». Il se souciait peu de vérité archéolo­ florentins sur la scène m ilanaise : M ichelozzo, sculpteur
gique, et son style devint très m aniéré et personnel. Ses et architecte de la famille Médicis et associé de D onatello ;
drapés étranges, ses visages tourm entés, ses couleurs A ntonio Averlino, dit le Filarete, sculpteur et architecte
audacieuses et les form es fantastiques de ses décors qui était allé à Rom e et qui écrivit par la suite, à M ilan,
architecturaux, trahissent la m ain d ’un peintre brillant un traité d ’architecture; enfin, vers 1482, L éonard de
et original qui savait aller au-delà de la simple im itation. Vinci, élève d ’A ndrea del Verrocchio. La venue de ces
artistes eut des conséquences stylistiques très diverses.
MILAN — BRAMANTE Les artistes m ilanais les plus âgés sem blent avoir ignoré
les nouveaux venus. Les plus jeunes, en particulier les
On décèle l’influence de M antegna et de l’art m antouan peintres, finirent par subir, mal d ’ailleurs, les nouvelles
à M ilan égalem ent; mais, là aussi, il faut tenir com pte des influences.
circonstances locales et personnelles. M alheureusem ent, Foppa, qui appartient à la même génération que M an­
tout ce qui concerne l’art de M ilan est loin d ’être simple. tegna et Cosme T ura, constitue un cas intéressant. Ses
Dès la fin du x iv e siècle, M ilan et Pavie, les deux plus prem ières œuvres sont de style gothique tardif, style de
grandes villes des ducs Visconti, attirées p ar les œuvres M ilan, et les dernières (il vécut ju sq u ’en 1515 ou 1516)
d ’art, avaient p atronné de nom breux artistes de nationa­ sont influencées par L éonard de Vinci. M ais son style
lités diverses. M ais avant 1450, « le renouveau classique » interm édiaire ne reflète l’œuvre d ’aucun de ces Florentins.
et les idées de ce que l ’on appelle la Renaissance, avaient Un fragm ent de fresque représentant saint Sebastien 40
à peine pénétré le duché. Sur le plan politique et culturel, dans son style de figures d ’une plastique très claire, et
M ilan était aussi bien tournée vers le nord que vers le sud, son architecture antique, austère, rappelle M antegna ou
et, en raison de la lutte des Visconti contre Florence peut-être Piero. On est sûr que ni M antegna ni Piero
pendant presque toute la prem ière m oitié du x v e siècle, n ’allèrent à M ilan, mais leur illustre élève à tous les deux,
71

Bram ante, venait d ’U rbino et était allé à M ilan San Satiro et la sacristie de Santa M aria presso San
vers 1477. Satiro. N ous avons déjà dit quand nous parlions d ’A lberti
que les édifices à plan très ram assé exerçaient une véri­
4i L ’influence de M antegna sur B ram ante est évidente
table fascination sur les architectes de l’époque; on
dans deux de ses prem ières œuvres. La prem ière fresque
justifiait le recours à ce type de plan p ar des théories
dont il ne reste que des fragm ents s’inspire nettem ent
intellectuelles; m ais en fait, ce qui attirait, c ’était le côté
de M antegna com m e le prouvent le style linéaire et
esthétique du problèm e. Brunelleschi et A lberti avaient
les costum es antiques des figures. B ram ante a égalem ent
déjà abordé ce problèm e et le Filarete l’avait m entionné
23 évoqué la grandeur antique avec un rom antism e extraor­
dans son traité. L éonard de Vinci, s’intéressa égalem ent
dinaire dans une gravure de 1481 représentant un édifice
à la question, car un certain nom bre de dessins de sa «
classique à dem i en ruine et qui trah it, plus encore que
m ain, représentant des édifices circulaires, nous sont
la fresque, l’influence de M antegna. C ependant dans
parvenus. T out cela d u t stim uler B ram ante, et cette
cette gravure, l’architecture ne respecte pas strictem ent
form ule atteignit son apogée lorsqu’il dessina les projets
les principes classiques.
de reconstruction de Saint-Pierre de Rom e pendant la
A près cette date, l’architecture de B ram ante acquit prem ière décade du siècle suivant.
rapidem ent un caractère plus authentiquem ent classique.
M ais pour répondre au goût des mécènes m ilanais,
41 Son église de Santa M aria presso San Satiro à M ilan
Bram ante — com m e M ichelozzo et le Filarete avant lui — ,
(1483-1486 environ) semble s’inspirer de l’église San
dut couvrir ses édifices d ’ornem ents excessifs (ce trait du
39 A ndréa de M antoue, œuvre d ’Alberti. Là, Bram ante
caractère des riches citoyens de la ville ap p araît nettem ent
devait construire une église dans un espace restreint,
dans leur cathédrale). T an t que Bram ante dem eura à
et il parvint à d onner l ’im pression de vaste édifice, alors
M ilan, son appréciation personnelle de l’essence de
q u ’en fait il n ’en est rien. Il eut recours, p o u r ce faire,
l’architecture antique fut toujours voilée p ar la présence
à un effet de tro m p e-l’œil dans le chœ ur, s’inspirant
d ’ornem ents inutjles. E t l’un des aspects les plus étranges
certainem ent des connaissances en m atière de perspective
de sa carrière dem eure le brusque changem ent de son
d ’A lberti ou de Piero.
style lo rsq u ’il arriva à Rom e en 1499; on a l’im pression
B ram ante se vit égalem ent confier, à M ilan, la cons­ q u ’il se libère alors des excès de ses œuvres m ila­
truction de deux petits édifices circulaires, l’église de naises.
L’apogée de la Renaissance
après le sac de Rome

43. Bertoldo. Scène de bataille. 1485 environ. Bronze (43 x 99 cm). une scène de bataille. L 'o rig in al endom m agé se trouve encore à
M useo N azionale, Florence. B ertoldo fut p endant un certain tem ps Pise, et il sem ble que Bertoldo ait fait appel à son im agination
le m aître du jeu n e M ichel-Ange et lui transm it sa com préhension p o u r rem placer une portio n centrale de l'œ uvre qui avait disparu.
de l’a rt antique. Ici, il a su recréer u n relief antique représentant

A la fin du x v e siècle, l’Italie devint à nouveau la proie celles des Orsini et des C olonna. Ce n ’est que sous le
des envahisseurs étrangers. T out d ’abord Français et pontificat d ’A lexandre VI (R odrigo Borgia, 1492-1503)
Espagnols s’affrontèrent sur le sol italien, lorsque le roi que l’on vit un pape prendre au sérieux le droit de la
de France Charles V III, envahit le royaum e de Naples papauté à jo u er un rôle politique. Ce pape essaya de
qui était alors aux m ains des Espagnols. M ais, en 1520, parvenir à ses fins, grâce aux services de son fils naturel
une lutte beaucoup plus grave opposa le nouveau roi César Borgia dont la carrière foudroyante inspira à
de France, François Ier, à l’em pereur Charles Q uint M achiavel son Prince. Le projet des Borgia échoua avec
de la m aison de H absbourg, lorsque les Français ten­ la m ort d ’A lexandre, cependant son successeur Jules II,
tèrent de conserver leurs conquêtes (le duché de M ilan bien q u ’appartenant à la famille des délia Rovere,
en particulier) alors que l’em pereur voulait les en chasser. originaires de Savone sur la Riviera italienne et ennemis
Ce fut la m aison de H absbourg qui l’em p o rta et des Borgia, poursuivit les efforts du pape A lexandre et
François I er, en signant la paix de C am brai (1529) chercha à rétablir le prestige et l’autorité de la papauté.
renonça à toutes ses possessions italiennes. Hélas, pendant Les troubles religieux du x iv e siècle (exil des papes en
cette lutte, l ’Italie avait été le cham p de bataille des Avignon, G rand Schisme) avaient eu des conséquences
armées ennem ies, Rom e avait été mise à sac par les désastreuses sur la production artistique à Rom e. Il
troupes allem andes. Entre-tem ps, les Médicis avaient été fallut attendre longtem ps avant que la situation ne change.
chassés à nouveau de Florence. C ’est dans ce contexte Pendant presque tout le x v e siècle, la capitale du chris­
de troubles politiques que la Renaissance allait atteindre tianism e, bien q u ’elle ait été visitée fréquem m ent par les
son apogée et que le « m aniérism e » allait faire son meilleurs artistes, n ’en avait reçu aucun à titre perm anent.
apparition sur la scène artistique. L ’a rt rom ain dem eurait extraordinairem ent provincial,
Le renouveau de R om e, en ta n t que centre artistique et ce n ’est q u ’au début du x v ie siècle, lorsque la papauté
im portant, est l’un des aspects m ajeurs de l’histoire de se rafferm it, que Rom e redevint, to u t com m e au
l’art en Italie entre 1450 et 1550. Sur le plan politique, les x m e siècle, un centre perm anent de production artistique
papes du x v e siècle furent extrêm em ent faibles. T héori­ de grande valeur.
quem ent, ils possédaient une vaste région du centre de Ce lent rétablissem ent peut s ’expliquer de deux
l’Italie, s’étendant de Bologne, au nord, à T erracina, manières. D ’une part, le type de m écénat qui existait déjà
au sud. En réalité, certaines villes comm e Bologne, rendait difficile la création d ’un centre artistique là où
Rimini et Pérouse étaient bouleversées par des familles il n ’y en avait jam ais eu. Les protecteurs des arts veillaient
locales qui poursuivaient des politiques indépendantes. jalousem ent sur leurs artistes et ne les laissaient pas partir.
La ville de Rom e fut l’enjeu perpétuel de familles, telles Ils les autorisaient à voyager, mais s’assuraient de leur
73

retour. C ’est ainsi que Ludovico G onzague consentit à


envoyer A ndréa M antegna à Rom e, m ais ne le laissa
travailler p our le pape q u ’à titre tem poraire. Il faut aussi
reconnaître que les artistes s ’attachaient souvent à un
seul mécène ou à une seule cour, to u t com m e l ’écrivain
m oderne s’attache parfois à un seul éditeur.
D ’autre part, Rome était gouvernée par une institution
(la papauté) plutôt que p ar une dynastie, et cela rendait
difficile la création dans la ville d ’un centre de patronage
artistique. Certes, l ’élection des papes était souvent
influencée p ar des considérations dynastiques, mais
l’avenir des artistes n ’en était pas moins incertain, car il
arrivait q u 'u n pape abandonne les projets de celui qui
l ’avait précédé.
Cette situation changea au début du x v ie siècle, lorsque
se produisit un renversem ent de l ’équilibre des forces.
Jules II, l’un des papes les plus puissants qui aient jam ais
été, fut élu en 1503 à une époque où, à Florence, l’insta­
bilité et la faiblesse politiques étaient extrêmes. En 1494,
les Médicis et leurs partisans furent expulsés à la faveur
d ’une révolution, et Florence devint une république faible
et précaire. Les chefs de cette république étaient incapables
de résister au pape Jules II. Cette faiblesse provoqua le
départ d ’artistes de grande valeur com m e Michel-Ange,
R aphaël, A ndréa et Jacopo Sansovino, qui se rendirent
à Rom e p our travailler à la cour pontificale.
O r, il advint q u ’à la suite de circonstances diverses,
deux m em bres de la famille Médicis succédèrent à
Jules II : Léon X (1513-1521) et Clém ent VII (1523-1534).
Aussi, tous les artistes florentins ne regagnèrent-ils pas
Florence, car, malgré le retour des Médicis à Florence
(1512), le chef de la dynastie se trouvait encore à Rome.
Ces trois papes furent les plus généreux protecteurs des
arts et, sous leur pontificat, Rom e devint un centre
artistique d ’une im portance encore jam ais atteinte. Cet
« âge d ’or » ne d u ra que ju sq u ’au sac de Rom e en 1527.
C ependant, les œuvres produites à Rome à cette époque
allaient transform er l’art d ’Italie et d ’Europe.
On considère que les œuvres créées à Rome ju sq u ’en
1520 constituent 1’ « apogée » de la Renaissance. Si ce
term e est pratique, il faut néanm oins se garder de chercher
l’existence d ’un style propre à cette époque. Les grands
artistes qui travaillèrent alors à Rome avaient des person­
nalités et des caractères fortem ent contrastés (les plus
différents étant, bien sûr, M ichel-Ange et Raphaël). Ces
antagonism es se form ulèrent p ar des conceptions opposées
de la peinture, de la sculpture et de l ’architecture. Il est
par conséquent inutile de rechercher un style unique
propre à l’apogée de la Renaissance. On est p lutôt en
présence d ’ouverture de perspectives nouvelles, perm ettant
à de nom breux artistes des interprétations inédites.

l ’a r t f l o r e n t in vers 1500 : m ic h e l -a n g e et léonard 44. Michel-Ange. Bacchus. 1447 environ. M arbre. H a u teu r 2,03 m.
DE VINCI M useo N azionale, Florence. C ette figure, sculptée p o u r Jaco po G alli,
devait être placée dans un jard in avec une collection de statues
P our com prendre l’œuvre de ces géants de la Renaissance, antiques. C ette pièce s ’inspire directem ent de l ’A ntiquité, m ais elle a
il faut com m encer p ar étudier leurs carrières avant leur été interprétée d ’une m anière personnelle qui la rend très différente
arrivée à Rom e et analyser, en particulier, l’évolution des œuvres appréciées p a r la famille L om bardi à Venise (com parer
de la sculpture et de la peinture à Florence vers 1500. avec l ’illustration noire n° 88).
Pendant la dernière décade du x v e siècle, il semble que
les sculpteurs florentins avaient pleinem ent accepté le
m ouvem ent de reconstruction classique. C ’est ainsi que
Bertoldo, sculpteur des Médicis, avait reproduit un relief
antique, en guise d ’exercice artistique, créant de toutes «
pièces les parties qui avaient disparu de l’original. Vers
la même époque, le jeune M ichel-Ange, sculpta un putto
endorm i que les connaisseurs prirent pour une antiquité
véritable. Son Bacchus (au jo u rd ’hui au Bargello à 44
Florence) m ontre à quel point les artistes avaient com pris
non seulem ent les sujets classiques, m ais le style même
de l ’A ntiquité. Cette figure offre un intérêt particulier,
car elle nous perm et de com parer les diverses tendances
de l’art florentin de l’époque. C ar le modèle de Michel-
Ange pour ce Bacchus, une statue de Praxitèle, fut
certainem ent le même qui inspira à Tullio L om bardo son
Adam, exécuté presque à la même époque et qui se trouve ss
au jo u rd ’hui à New Y ork. Les artistes ont mis l’accent sur
des caractéristiques différentes du même modèle. Mais
M ichel-Ange a réussi à donner à toute la chair un aspect
flasque et gênant qui rend cette figure aussi repoussante
que fascinante.
Le David de Michel-Ange dem eure sans conteste le 4s
plus beau m onum ent de la « renaissance classique » de
Florence. Cette statue est la reprise d ’un projet initial
(1462) et M ichel-Ange utilisa po u r cette sculpture un
bloc de m arbre qui avait déjà été travaillé p ar un autre
artiste. Ce retour à un ancien projet n ’est pas surprenant,
car il semble que la figure de David ait particulièrem ent
fasciné les artistes florentins du x v e siècle, parce q u ’elle
sym bolisait la liberté, écrasant la tyrannie (G oliath).
En 1501, le Palazzo délia Signoria à Florence, possédait
déjà trois versions du même sujet (deux de D onatello,
une de Verrocchio). La création d ’une autre statue, de
taille colossale, qui devait être placée sur la place principale
de la ville, cachait des intentions politiques, et devait
exprim er le défi lancé par la jeune république. M ais la
statue que créa Michel-Ange exprim ait plus encore que
cela. Son nu colossal supportait la com paraison avec les
grandes statues des dieux et des héros de l’A ntiquité.
Ainsi, l’historien Vasari put-il dire rétrospectivem ent que
le D avid de Michel-Ange « l’em portait sur toutes les
autres statues, q u ’elles soient m odernes, anciennes,
grecques ou latines ».
Le style m onum ental qui caractérise toutes les figures
de Michel-Ange (en sculpture comme en peinture)
s’explique par la façon dont il s’inspirait des modèles
antiques et p a r le « triom phe de l’A ntiquité » qui régnait
alors à Florence. Exécuter une figure colossale unique
comme le David était une chose. Mais im aginer un m onde
entièrem ent peuplé de géants (comme po u r le plafond
de la chapelle Sixtine), c ’était im aginer un m onde artis­
tique nouveau, auquel on ne pouvait accéder que par
étapes. U ne telle œuvre — ou, dans ce dom aine, les œuvres
de Léonard de Vinci et de R aphaël —, au rait été inconce­
45. Michel-Ange. David. 1501-1504. H au teu r 5,14 m. A ccadem ia, vable sans les progrès réalisés par les artistes florentins
Florence. C ette statue est l ’une des plus im portantes de l ’histoire
dans l’art et la technique du dessin, progrès d o n t nous
de la R enaissance. C ’est la prem ière fois q u ’u n sculpteur a su im iter
la stature et le physique des figures colossales de l ’A ntiquité. Le
avons parlé dans le chapitre précédent. La maîtrise du
D avid constituait le m odèle nouveau de la statuaire, et a u milieu disegno avait pris une im portance m ajeure dans la
du x v i ' siècle, V asari le louait encore sans réserve. form ation des artistes florentins et rom ains, car on le
considérait comme le seul outil apte à fixer, développer
et expérim enter des idées nouvelles.
75

47. Michel-Ange. Bataille de Caseina (étude). 1504-1505. Plum e et


pinceau, à l’encre, rehaussé de blanc (42 x 29 cm). British M useum ,
Londres. Le soin que M ichel-Ange a p p o rta aux fresques de la
Bataille de Caseina nous est révélé p a r les dessins et études qui nous
sont parvenus. O n voit ici que le sculpteur M ichel-Ange appréciait
les qualités que présente le torse hum ain avec une acuité à laquelle
ses prédécesseurs n ’avaient jam ais atteint (cf. Signorelli).

46. Luca Signorelli. Étude de deux nus. 1503 environ. A quarelle


rehaussée de blanc (35,5 x 25,5 cm). Louvre, Paris. Exécutée
pendant la période des fresques d ’O rvieto, cette étude est très proche
de deux figures que l ’on voit illustration couleur n" 42. Signorelli
annonçait M ichel-Ange par son intérêt pour le nu.

N ous avons déjà m entionné l ’im portance d ’A ntonio mesure Michel-Ange fut influencé par Signorelli. Il est
Pollaiuolo (et son influence sur Léonard de Vinci). certain q u ’il vit les fresques d ’Orvieto qui furent achevées
Pollaiuolo eu t un autre élève en la personne de Luca entre l’exécution de son David et son œuvre suivante,
Signorelli, artiste om brien, originaire de C ortone. Elève la fresque de la Bataille de Caseina. Cette fresque devait 4?
inattendu, car Signorelli avait eu pour m aître Piero orner la grande salle du Palazzo Vecchio à Florence pour
della Francesca et on se dem ande quel pouvait être le com m ém orer une célèbre victoire florentine. On aurait
résultat du mélange de ces deux styles : celui de Piero, pu s’attendre q u ’elle reprenne la tradition établie à Flo­
grave et m ajestueux, d ’une part, et celui de Pollaiuolo, rence par Uccello dans une œuvre com m e la Bataille
décoratif et vigoureux, d ’autre part. L ’incroyable se de San Romano, qui se trouve a u jo u rd ’hui à la N ational
produisit. Si, au cours de sa longue carrière, Signorelli G allery à Londres. Michel-Ange préféra représenter,
produisit bien des œuvres provinciales quelconques, il non pas la bataille de Caseina elle-même, mais un épisode
réalisa égalem ent quelques tableaux qui ont une valeur prélim inaire où l’on voit les troupes florentines surprises
historique incontestable. alors q u ’elles se baignaient, com m e l’indique l’autre
La peinture des figures notam m ent semble atteindre une titre de l’œuvre : les Baigneurs. C ’est alors que l’exemple 4s
42 dim ension nouvelle dans le cycle de fresques de la cathé­ de Signorelli dut séduire son im agination car, lui aussi
drale d ’Orvieto. Ces fresques n arran t le Jugem ent dernier interpréta le sujet de manière à m ettre en évidence sa
furent traitées p ar Signorelli d ’une m anière qui lui perm it maîtrise de la figure hum aine.
de donner libre cours à sa maîtrise du traitem ent de la Ce traitem ent peu conventionnel d ’une scène de bataille
figure hum aine, avec l’aisance de Pollaiuolo et la gravité d u t être d ’autant plus frappant que nous voyons sur un
de Piero. M ais cette œuvre fut possible grâce à des études m ur voisin une autre scène de bataille exécutée par
préalables détaillées qui constituent des dessins rem ar- Léonard de Vinci : la Bataille d'Anghiari. Léonard de 49
46 quables. Une fois de plus, le disegno avait été un moyen Vinci interpréta certainem ent le sujet de la manière q u ’on
d ’exploration. attendait et le traita de façon à m ettre en évidence deux
Il est difficile de déterm iner exactem ent dans quelle dom aines dans lesquels il excellait : l’expression des
76
48. Bataille de Cascina. G risaille su r pan n eau (76 x 130 cm). 49. Bataille d'Anghiari. V ariante exécutée par R ubens, d ’après
C opie d u x v ie siècle d ’après M ichel-Ange. Collection d u com te de L éonard de Vinci. 1615 environ. Plum e, craie et gouache. Louvre,
Leicester, H olkham H all. L ’original (1504-1505) était destiné au Paris. L ’original était destiné a u Palazzo Vecchio, à Florence. C ette
Palazzo Vecchio, à Florence, et cette copie représente le groupe œ uvre, si différente de celle de M ichel-Ange (ci-contre), perm it à
central de la com position. Il est intéressant de la com parer avec L éonard de Vinci d ’étudier en m êm e tem ps deux problèm es qui le
une œuvre de L éonard de Vinci, qui traite le m êm e sujet d 'u n e passionnaient : traduire les sentim ents hum ains et fixer le m ouve­
m anière très différente. M ichel-Ange se rapproche plutôt de Signo­ m ent des chevaux.
relli (illustration couleur n" 42).

ém otions et la représentation des chevaux. C ’est ainsi que attirèrent im m édiatem ent l ’attention en raison de leur
les fresques de la salle du conseil de Florence m irent les com plexité fascinante. Doux, tendre et sinueux, ce style
Florentins en présence de deux talents fortem ent s’opposait p ar presque tous les aspects au m onde du
contrastés. La com plexité du m ouvem ent, la férocité de David ou à celui des Baigneurs. Ces tableaux étaient
l’action de l ’œuvre de Léonard, dut sans doute faire em prunts de délicatesse, de raffinem ent et de sensibilité.
sensation à l’époque._ C ependant, aucun Florentin Les com positions de L éonard semblent avoir fasciné
n ’aurait pu trouver dans to u t l ’œuvre du x v e siècle un le jeune R aphaël qui vint à Florence à cette époque (1504).
précédent ayant la précision et la m onum entalité des nus R aphaël avait été form é p ar un m aître provincial ém inent,
de Michel-Ange. D ans cette seule œuvre, le jeune artiste le Pérugin qui, comme Signorelli, avait été l’élève de
venait de faire un bond en avant, tel q u ’on n ’en avait Piero délia Francesca. Le Pérugin s’était dirigé dans une
encore jam ais fait. direction totalem ent différente. Après avoir travaillé
N éanm oins, il ne faudrait pas sous-estim er l’im portance quelque tem ps sous la direction de Verrocchio, il adopta
du reto u r à Florence de Léonard de Vinci. P endant un style qui n ’avait plus rien de la m onum entalité de
environ dix-sept ans, ce génie célèbre avait été au service Piero. D ’autre part, le Pérugin avait retenu de Piero
des Sforza à M ilan, p our lesquels il avait réalisé des sa maîtrise, des effets de perspective et une approche
œuvres diverses com m e la Cène ou le modelage du pleine de sensibilité des couleurs. Il transm it toutes ses 44
gigantesque m onum ent équestre à la mém oire de François qualités à son élève R aphaël. Il n ’est donc pas étonnant
Sforza. Il semble q u ’il soit passé à côté des renouveaux que R aphaël ait trouvé dans les œuvres de Léonard une
antiques de Florence et de Padoue. Ceci, venant s ’ajouter exploration nouvelle de certains aspects de l’a rt q u ’il avait
au fait q u ’il ap p arten ait à une génération plus ancienne toujours apprécié. Raphaël reprit alors plusieurs idées
que celle de M ichel-Ange, explique sans doute son de Léonard pour les développer : il fut l ’un des prem iers 5i
traitem ent plus traditionnel du thèm e de la bataille dans à essayer d ’im iter le style de p o rtrait complexe, propre à
la salle du conseil. M ais pendant son absence, l’attitude Léonard.
de Léonard de Vinci vis-à-vis de la lum ière et de la Peu de tem ps après son séjour à Rom e, Raphaël
couleur, en peinture, avait changé du to u t au tout, et com m ença à expérim enter le style de figure plein de
à son retour, il introduisit un nouveau style de peinture vigueur de la tradition florentine. Cela apparaît nettem ent
dans le m onde artistique de Florence. Ses œuvres étaient dans la Déposition q u ’il peignit en 1507 pour une de ses so
riches d ’une unité de tons, pleine de sensibilité et en protectrices de Pérouse, A tlanta Baglioni. Cette peinture
contraste avec ses prem ières œ uvres; les passages de est particulièrem ent intéressante, car elle fut précédée
l’om bre à la lum ière étaient doucem ent estom pés, d ’après d ’une série de dessins qui révèlent l ’évolution de la
la technique du sfumato. Ce contraste apparaît nettem ent com position, depuis la disposition gracieuse et très
si l’on com pare Y Annonciation d ’Uffizi au tableau du péruginesque des figures, ju sq u ’à l’action violente et
50 Louvre : la Vierge à l'enfant avec sainte Anne. la tension du tableau achevé.
Ce tableau du Louvre met égalem ent en évidence un D ans ces œuvres apparaît la genèse des contrastes qui
autre aspect de la peinture de L éonard de Vinci. Ses m arquent R aphaël et Michel-Ange à l’époque de leur
com positions et celles de ce tableau en particulier, épanouissem ent à Rome. Une chose m érite d ’être précisée:
prises collectivement, ces œuvres présentent un éventail
beaucoup plus vaste d ’ém otions que celles des décades
précédentes de l’art florentin. La génération d ’A ndrea
del Verrocchio s’était beaucoup plus préoccupée des
aspects décoratifs de l’a rt que des ém otions exprimées
par leurs sujets ou de la puissance dram atique d ’une
œuvre. Les quinze dernières années du siècle virent le
goût florentin prendre une orientation nouvelle et décisive.
La Visitation de G hirlandaio est em preinte d ’une sensi­
bilité que l’aspect superficiellement décoratif de l’œuvre
est loin de dissimuler. L ’œuvre de Botticelli devient de
plus en plus sérieuse et profonde. Le caractère solennel
des prem ières sculptures de M ichel-Ange (comme la
52 Pietà du V atican) est égalem ent rem arquable. Et ce
caractère de gravité ap p araît égalem ent dans bien des
œuvres d ’A ndrea Sansovino. A cela s’ajoutent la douceur
subtile et la sensibilité des figures féminines de Léonard,
la furie grotesque de ses guerriers. Ainsi, la génération
m ontante des artistes voyait-elle lui incom ber une lourde
tâche d ’assim ilation. A ucun artiste ne pouvait désorm ais
esquiver la difficulté de conférer à toute œuvre une
certaine portée ém otionnelle et une unité dram atique.

l ’a r t ROMAIN DEPUIS JULES II JU SQ U ’AU SAC DE ROME

C ’est à cette époque que le pape Jules II com m ença à 50. Léonard de Vinci. Vierge à l'enfant avec sainte Anne. 1500-1507
réunir au to u r de lui des artistes chargés de m ener à bien environ. Peinture sur pan n eau (1,70 x 1,29 m ). Louvre, Paris.
ses projets am bitieux de reconstruction et d ’am énagem ent C ette com position fut conçue p endant le séjour de L éonard de Vinci
à M ilan, bien que l ’œ uvre a it été peinte principalem ent à Florence.
du palais et de la basilique du Vatican. Ces projets
Elle est d ’une com plexité sinueuse qui fascina les artistes de l’époque,
prirent corps d ’abord avec les plans de D onato Bramante
mais elle constitue égalem ent une étude psychologique des relations
qui, rappelons-le, était arrivé à Rom e en 1499 sous le hum aines.
pontificat d ’A lexandre VI (Borgia). Bram ante exécuta
53 des œuvres diverses comm e le Tem pietto de San Pietro
in M ontorio (1502), la cour du Belvédère au Vatican 51. Raphaël. Sainte Famille. 1507 environ. Peinture su r panneau.
64 et les plans de la reconstruction com plète de Saint-Pierre. (1,31 x 1,07 m) A lte P inakothek, M unich. Peint à l ’origine po u r le
F lorentin D om enico Canigiani. Le paysage tra h it les débuts de
Une étude des édifices érigés à Rom e entre 1500 et
R aphaël dans les ateliers du Pérugin, m ais la com position est un
1520, illustre le caractère contrasté de bien des œuvres de
exem ple frap p an t de l ’influence exercée p a r L éonard de Vinci
1’ « apogée de la Renaissance », problèm e que nous su r les jeunes artistes qui recherchaient la densité et la com plexité
avons déjà abordé. Le génie de Bram ante s ’exprime de ses groupes figuratifs.
surto u t dans la clarté de ses édifices. Il appréciait parti­
culièrem ent l’échelle des ruines antiques q u ’il pouvait
voir au to u r de lui et les p roportions qui existaient entre
les divers élém ents de l’architecture classique. A cela
s ’ajoutait un don pour la reconstitution archéologique
qui ap p araît nettem ent dans l ’extérieur d ’un palais q u ’il
édifia sans doute pour lui-même, mais qui allait être
habité, p ar la suite, p ar R aphaël et qui devait s ’appeler
54 M aison de R aphaël. La qualité plastique de la façade
apparaît nettem ent si on la com pare à celle du palais Ruc-
cellai d ’A lberti qui, à côté, nous paraît tim ide et acadé­
mique. La M aison de R aphaël est de conception claire,
d ’une logique si implacable que nous la trouvons parfaite
en son genre.
L ’évolution de l’architecture fut brusquem ent inter­
rom pue en 1514 par la m ort de B ram ante; mais ces
quelques édifices, à eux seuls, donnaient un nouveau
point de départ. Le style de B ram ante fut certainem ent
critiqué par R aphaël entre autres, à cause de son austérité
et de son absence d ’ornem ents. Et p o u rtan t ces critiques
mêmes étaient l’indication de la voie dans laquelle le
style pouvait être poussé. R aphaël dessina lui aussi
78

52 Michel-Ange. Pietà. 1498. M arbre. H a u teu r 1,75 m. Saint-Pierre, le tra ita avec une gravité profonde. L ’œuvre est em preinte d ’une
Rom e. C ette œ uvre est l ’une des rares que l ’artiste a it entièrem ent ém otion et d ’une sensibilité nouvelles, que l ’on retrouve chez d ’autres
achevée; elle fut com m andée p a r un cardinal français : Jean de Vil- artistes et qui so n t la m arque d ’un changem ent dans l ’art florentin
liers de la G roslaye. Le sujet était inconnu en Italie et M ichel-Ange de l ’époque.

L ’œuvre grave et sérieuse de Michel-Ange contraste avec


les approches psychologiques plus nuancées et variées
de R aphaël. Enfin, c ’était pour M ichel-Ange un effort
chaque fois plus grand de term iner une œuvre, alors que
R aphaël réalisa avec une grande facilité un nom bre
incalculable d ’œuvres.
La fertilité de l’im agination de Raphaël qui allait de
pair avec sa grande virtuosité d ’artiste lui perm ettait
de développer des idées nouvelles avec une étonnante
rapidité. On s ’en aperçoit dans les stanze du Vatican, où, 45, 46
d ’une pièce à l’autre l ’artiste inventait des com positions
et des groupes figuratifs de plus en plus complexes. Avec
ses élèves, il décora égalem ent des dem eures et des villas
comme la villa Farnésine (construite à l’origine po u r le 48, si
banquier A gostino Chigi, l’un des plus im portants
protecteurs de Raphaël) où les fresques m ettant en scène
dieux et déesses tirent savam m ent parti de l ’architecture.
D ans une autre pièce de la même villa, Baldassare Peruzzi,
artiste du cercle de Bram ante, exécuta une série de fresques 52
en trom pe-l’œil alliant la richesse des coloris à la sévérité
classique du style architectural de Bram ante.
La décoration de la villa Farnésine reflète le nouveau
« style de cour » répondant aux goûts d ’une clientèle
cultivée. Com m e c ’est souvent le cas, cet art de cour était
essentiellement un a rt de connaisseurs, mais à la différence
de ceux qui l’avaient précédé, cet art exigeait une érudition
basée sur des connaissances littéraires et académ iques,
et cela était nouveau. Cela ne concernait pas uniquem ent
l’iconographie. Le nouveau style avait des aspects
archéologiques évidents qui existaient non seulement
dans l’architecture de Bram ante, mais aussi bien souvent
55 une façade de palais, celle du Palazzo d ell’A quila, dans
dans les peintures du cercle de Raphaël. Les tapisseries
laquelle les élém ents de la façade de Bram ante ont été
peintes, qui garnissaient la voûte de la Sala di Psyché,
disposés différem m ent et une large bande de décorations
dans la villa Farnésine, plaisaient certes aux connaisseurs
en stuc ajoutée.
qui voyaient en elles un souvenir des vélums utilisés
Cette époque vit égalem ent deux approches contrastées p ar les Rom ains pour leurs théâtres en plein air. Le style
de l’em ploi de la sculpture en architecture. Le contraste de paysage de l’élève de R aphaël, Polidoro da Caravaggio,
est évident lo rsq u ’on com pare les figures sculpturales de était apprécié, car il cherchait délibérém ent à im iter la
la chapelle Sixtine aux figures des niches réalisées par peinture antique. Et les décors « grotesques » inspirés
Raphaël p our la chapelle Chigi à Santa M aria del Popolo. de l’A ntiquité et si caractéristiques de cette période,
Pour M ichel-Ange, c ’est la sculpture qui donne vie et provoquaient des com m entaires informés et charm aient
m ouvem ent à la surface architecturale. Raphaël, lui, ceux qui les reconnaissaient.
conçoit la sculpture comm e un ornem ent apporté à une Le style de Raphaël lui survécut malgré sa m ort
architecture qui possède déjà sa beauté et son harm onie prém aturée (1520), grâce à la présence à Rom e à cette
propres. époque d ’un groupe d ’artistes doués qui priren t sa
C ’est sans doute le contraste qui existe entre R aphaël relève. Parm i eux, G iulio R om ano (qui partit pour
et M ichel-Ange qui donne à l’art de l’apogée de la M antoue en 1524), Peruzzi, Pierino del Vaga, Polidoro
Renaissance non pas son unité, mais sa diversité. L ’anti­ da Caravaggio et Parm igianino (qui n ’arriva à Rome
pathie qui existait entre les deux artistes est célèbre. q u ’en 1523, quelques années après la m ort de Raphaël).
R aphaël, social et cultivé, form a un grand nom bre d ’élèves U ne passion com m une pour la beauté, l’élégance et
doués, et, p o u r cette raison, laissa derrière lui un héritage l’invention décorative anim ait ces artistes, passion qui
artistique im portant, malgré sa m ort prém aturée.M ichel- apparaît aussi bien dans l’extrêm e élongation des figures
Ange d ’autre part, n ’eut jam ais la patience de tolérer de Parm igianino, les éléments des façades de Polidoro
longtem ps la présence d ’assistants à ses côtés; certes, ou les décors de palais de Pierino del Vaga. T out semblait
il encouragea les jeunes artistes qui sollicitaient son favoriser l’évolution de cette culture brillante et raffinée,
aide, mais il était beaucoup plus renferm é que Raphaël. lo rsqu’une fois de plus les événements politiques inter­
Ces différences personnelles allaient de pair avec les vinrent. Les troupes impériales pénétrèrent dans la Rome
différences artistiques. Ainsi, la puissance sculpturale de Clém ent VII en 1527, la Cité éternelle fut pillée et le
des figures o rnant le plafond de la chapelle Sixtine courant artistique inspiré p ar Jules II et soigneusement
s ’oppose à la grâce et à l’élégance des fresques de R aphaël entretenu par les deux papes Médicis fut brusquem ent
dans les stanze du Vatican ou dans la villa Farnésine. tari.
79

53. Donato Bramante.Le


DonatoBramante. Tem piettoààSan
LeTempietto San Pietro
Pietro inin Montorio,
M ontorio, Rome.
Rom e. si oon compare
n le com milanais,
pare aux édifices m ilanais, la sobriété et la simplicité
C et édifice, l'un
1502. Cet l’u n des premiers
prem iers dessinés par Bramante
Bram ante à Rome,
Rom e, du T Tempietto
em pietto sont rem
remarquables. Dans
arquables. D retour
ans le reto u r aux idées classiques,
est une sorte de mmonument
onum ent destiné à marquer l ’endroit où saint Pierre
m arquer l'endroit le T Tempietto
em pietto constitue une étape im importante
portante dans ll'histoire
’histoire de
fut crucifié. L'édifice d ’inspiration antique, tant
L ’édifice est d'inspiration ta n t par
p a r le plan 1l ’architecture
'architecture de la RRenaissance.
enaissance.
que dans les détails, et il ne fait aucun doute que Bramante B ram ante voulut
recréer là un édifice dont
d o n t le style rappellerait l'Antiquité.
l’A ntiquité. Néanmoins,
N éanm oins,
80

de la cité un duché (1530). Le duché de Florence fut alors


absorbé par un nouvel Etat, le grand-duché de Toscane
en 1569.
Pendant ces premières années du siècle, l’art florentin
avait suivi un cours quelque peu tum ultueux. L ’exode
d ’artistes de valeur pendant la première décade avait
appauvri les sources artistiques de la ville, et ce n ’est
que dans le dom aine de la peinture q u ’une tradition de
« seconde ligne » put apparaître, après les rafles commises
p ar Jules II. Si des génies exceptionnels comme Michel-
54. Donato Bramante. Maison de Raphaël, Rom e. 1514 environ.
Ange, Léonard de Vinci et Raphaël s ’étaient écartés du
A ujourd’hui détruite. G ravure d ’A. Lafreri. Cet édifice occupe une courant principal de la peinture florentine, une tradition
place im portante dans l ’histoire de l’architecture de palais. Les locale com pétente existait encore, représentée p ar Fra
lourdes colonnes accentuent l ’im portance d u prem ier étage o ù se B artolom m eo et A lbertinelli, A ndréa del Sarto, Rosso
trouvaient les principales pièces d ’habitation. A u rez-de-chaussée F iorentino et Jacopo Pontorm o. La peinture florentine
se trouvaient des boutiques, idée inspirée par les ruines rom aines. ne disparut donc pas aux environs de 1510. 11 n ’en va
pas de même de la sculpture et de l’architecture. Aucun
sculpteur local n ’était capable d ’atteindre à la perfection
de M ichel-Ange et de Jacopo et A ndréa Sansovino.
Vers 1520, après le retour de Michel-Ange dans sa ville
natale, « ses rivaux » furent Baccio Bandinelli et Francesco
da Sangallo, artistes de valeur très irrégulière. Il en allait
de même dans le dom aine de l’architecture. Les édifices
les plus rem arquables de l’époque sont la chapelle
Médicis par Michel-Ange, et la bibliothèque du m onastère
de San Lorenzo.
A ndréa del Sarto fut sans doute le peintre le plus im por­
ta n t de Florence à cette époque. Il avait seulement
trois ans de moins que R aphaël et il occupait à Florence
une position com parable à celle de Raphaël à Rome.
Sarto eut également des élèves doués que nous avons
déjà cités, mais d ’autres artistes passèrent également
entre ses mains, comme Francesco Salviati.
Sarto fut aussi très influencé par l’œuvre de Léonard
et celle de M ichel-Ange et, to u t comme Raphaël, il
réalisa une synthèse de leur œuvre, dans la mesure où
cela lui fut possible. Rosso et Pontorm o, qui atteignirent
55. Raphaël. Palazzo dell' Aquila, R om e. C om m encé vers 1520, leur m aturité vers 1515, sont des artistes plus difficiles à
m ais conçu avant cette date. A u jo u rd ’hui détruit, ce palais co n tras­ com prendre, car leur expérience artistique est plus
tait peut-être volontairem ent avec la M aison de R aphaël. La qualité complexe. Les variétés de style qui s'offraient aux jeunes
structurale qui a p p ara ît dans ce dessin avait certainem ent été a b a n ­
artistes devaient en même temps les laisser perplexes et
donnée p o u r quelque chose de beaucoup plus décoratif.
les stim uler. Les coloris profonds de Sarto côtoyaient
les tons plus discrets de Léonard et les couleurs éclatantes
des peintres du Q uattrocento qui peignaient encore
l ’a r t f l o r e n t i n : 1505-1530 (Botticelli ne m ourut q u ’en 1510). N ous avons déjà dit
que la qualité dram atique des tableaux im portait de
A près l’expulsion des Médicis en 1494 et l’exécution de plus en plus, car la peinture d ’alors représentait to u t un
Savonarole en 1498, Florence conserve son statut de éventail de sentim ents : ém otion profonde des dernières
République. N ous avons déjà m entionné le caractère Pietas de Botticelli, regards énigm atiques des figures
de défi politique q u ’avaient certaines œuvres de l’époque, féminines de Léonard, sauvagerie furieuse de ses scènes
45 en particulier le David de M ichel-Ange et les deux scènes de bataille, violence du saint M atthieu inachevé de
4s, 49 de bataille du palais Vecchio. C ependant, la force de la M ichel-Ange, courtoisie enfin des Vierges de Raphaël.
République ne lui venait que de la faiblesse des Médicis. A côté de ces œuvres, il y avait aussi les Baigneurs de 48
Sa propre fragilité venait de ce q u ’elle dépendait du M ichel-Ange qui offraient aux arts décoratifs un voca­
soutien de la France. Aussi, la défaite de la France en bulaire expressif nouveau. Il est donc clair que le jeune
Italie, l’alliance générale entre les Médicis, les Espagnols
et les H absbourg provoquèrent la chute de la République
en 1512, puis en 1530, après une brève réapparition entre
1527 et 1530. La famille Médicis fut remise au pouvoir
avec la bénédiction de l’em pereur Charles Q uint qui fit ( Suite page 97)
81

LUCA SIGNORELLI, PR~CURSEUR


DE L'APOGflE DE LA RENAISSANCE

42. Luca Signorelli. Les Damnés. 1503-


1504. Fresques de la chapelle de San Brizio,
dans la cathédrale d'Orvieto. Michel-
Ange et Vasari louèrent tous les deux ces
fresques pour l'extraordinaire variété des
attitudes humaines qu'elles représentent.
Formé par Piero della Francesca et Anto-
nio Pollaiuolo, Signorelli reprit certains
aspects de l'œuvre de ces deux peintres et
atteignit le but qu'ils s'était proposé grâce
à une série de dessins préalables.
82

L'APOGÉE DE LA RENAISSAN CE gens de l'époque vis-à-vis de ces ruines 44. (ci-dessous) Pietro Perugino. La mission
n'éta it plus la même. Elles étaient deve- de saint Pierre. 1481. L' une des fresques de
43 . (ci-dessus) Maerten van Heemskerck. nues le symbole d 'une grandeur disparue la chapelle Sixtine au Vatican (voir illustra-
Le Forum romain vu du Capitole. Signé et et devaient être protégées, admirées, dessi- tion no ire n• 61). La carrière du Pérugin
daté 1535. (2 1,5 x 55,5 cm). Musées d'État, nées sans relâche, étudiées et analysées. est très semblable à celle de Signorelli
Berlin-Dahlem. Rome, à l'apogée de la et pourtant leurs œuvres sont très diffé-
Renaissance, était telle qu 'à l'époque des rentes. Il s'intéressa à la perspective,
frères Limbourg (comparer avec l'illustra- comme Piero della Francesca et temporai-
tion couleur n• 1). Les édifices en ruine s'ef- rement aux ruines antiques. Mais par-
fritaient, à demi cachés par les débris qui dessus tout, ses figures sont exécutées dans
s'étaient accumulés a u cours des dix der- un style plein de grâce qui n 'a rien de com-
niers siècles. Cependant, l'attitude des mun avec ceux de Piero et de Signorelli.
83

RAPHAEL ET LES « STANZE » DU VATICAN dresse un gigantesque édifice antique pour première Stanza a disparu. Le style de Mi-
la création duquel Raphaël s'inspira en par- chel-Ange a, de toute évidence, inspiré l'ar
45 . (ci-dessus) Raphaël Sanzio. L'École tie des ruines classiques et en partie des tiste pour les figures qui se trouvent à gau·
d'Athènes. 1508-1511. Longueur: 5,84 m. idées de son maître, Bramante. che. La composition de la scène, un miracle
Fresque appartenant à la Stanza della de l'époque de Léon IV (847) est beaucoup
Segnatura, au Vatican. Toute la sagesse du 46. (ci-dessous) Raphaël. L'incendie du Bor- plus complexe.
monde antique a été ici symbolisée dans ce go. 1514- 1517. Longueur: 4,57 m. Fresque
concours de philosophes réunis autour appartenant à la Stanza del/'lncendio, au
d'Aristote et de Platon. Derrière eux se Vatican. La simplicité péruginesque de la
84

DEUX STYLES DE FIGURE


DE L'APOGÉE DE LA RENAISSANCE

47. (ci-dessus) Michel-Ange Buonarroti. 48. (page suivante) Raphaël. Triomphe de


Jonas. 1511. Fresque de l'extrémité occi- Galatée. 151 1. (2,95 x 2,25 rn). Fresque
dentale de la chapelle Sixtine a u Vatican; de la villa Farnésine, à Rome. La torsion
une partie des œuvres ultérieures ornant le du corps de Galatée rappelle une œuvre
plafond de la chapelle Sixtine. La figure de aujourd'hui disparue, de Léonard de Vinci,
Jonas dont les yeux sont tournés vers les et montre l' influence du maître sur le jeune
scènes de la création, peintes a u-dessus de peintre. La grâce légère du style de Raphaël
lui, fait face au visiteur entrant dans la cha- contraste fortemen t avec la grandeur impo-
pelle. De toutes les figures isolées qui s'y sante des figures de Michel-Ange; ces deux
trouvent, celle-ci est certes la plus remar- aspects de l'art à Rome, à l'apogée de la
quable. En comparant cette figure à 1'œuvre Renaissance, annoncent l'évolution future
de Signorelli, on découvre que Michel- de la peinture.
Ange sut, dans un espace restreint, hisser
l'art de la figure à un niveau supérieur.
86
87

49. (page précédente) U onard de Vinci. 50 . Raphaël. Déposition. Signé et daté 1507.
La Vierge aux rochers. Achevé vers 1507. Peinture sur panneau (1,84 x 1,76 m).
Peinture sur panneau (1 89,5 x 120 cm). Galerie Borghèse, Rome. Cette œuvre
National Gallery, Londres. Cette œuvre a commémorative à l'intention d ' une famille
longtemps été controversée, car il existe de Pérouse fut d 'abord a ppelée Lamenta-
une autre version d u même tableau au tion sur le Christ mort. Les modificatio ns
Louvre. Il demeure incontestable que le ultérieures de l'œuvre et de son esprit
tableau de Londres fut achevé en 1507- reflètent sans doute l' influence des œuvres
1508 et qu' il représente d onc la dernière de Michel-Ange et de Léonard de Vinci
phase du style de Léonard de Vinci. La sur le jeune artiste. Ce ta bleau constitue
composition soigneuse des clairs-obscurs, un contraste frappa nt avec les madones
la douceur et la grâce des fig ures sont des de l'époque.
éléments qui avaient sédui t la jeune géné-
ration des artisles de l'époque.
90

LE NOUVEL ART DE COUR Santa Maria del Popolo, à Rome. La de-chaussée sont peints de façon à donner
loggia de Psyché, au rez-de-chaussée, était l'illusion d'une vue panoramique sur Rome
51. (pages précédentes) Raphaël. Plafond de ouverte d'un côté à l'origine et constituait que l'on aperçoit au-delà des colonnes.
la loggia de Psyché. 1517-1518. Fresque: l'entrée de la villa. Son décor raconte Peruzzi créa des décors de théâtre et sa
Vi lla Farnésine, Rome. Le constructeur l'histoire de Cupidon et de Psyché. maîtrise dans ce type de trompe-l'œil lui
initial de ce qui allait devenir la villa Far- vient peut-être de cette expérience.
nésine fut le banquier du pape Agostino 52. (ci-dessus) Ba1dassare Peruzzi. Sala
C higi, l'un des plus importants protecteurs degli Prospettivi. 1508-1511. Fresque, villa
de Raphaël. Il fit appel à plusieurs artistes Farnésine, Rome. Peruzzi était peintre et
du cercle de Raphaël et de Bramante, tant architecte et c'est lui qui conçut les plans
pour cette villa que pour sa chapelle à de la villa. Les murs de cette salle du rez-
91

LES HÉRITIERS DE L ' APOGÉE


DE LA RENAISSANCE

53. Jacopo Pontormo. Vertumne et Pomone.


1520-1521. Lunette ornée de fresques de la
villa Médicis, Poggio a Caiano. Le décor
de cette lunette, suggérant un jardin, peut
être comparé à celui de la loggia de Psyché.
Les couleurs paies et les figures contrastées
convenaient alors au décor simple d'une
maison de campagne. On retrouve
l'influence de Michel-Ange dans certains
nus.

54. Jacopo Pontormo. Retable Pucci. 151 8.


(2,14 x 1,85 rn). San Michele Visdomini,
Florence. Andrea del Sarto fut le principal
maître de Pontormo qui s'est inspiré de
son style pour ce retable. Cette œuvre
contraste fortement avec la fresque de
Vertumne et Pomone; ici, l'œuvre a été
influencée par Léonard de Vinci. Les liens
psychologiques qui unissent les figu res
rappellent la Vierge aux rochers (illustra-
tion couleur n• 49). Les styles contrastés
des peintres de la Renaissance annon-
çaient les styles divers de leurs successeurs.
92

55. (ci-dessus) Antonio Allegri (Le Cor- 56. (page suivante) Francesco Mazzola
rège). Danaé. 1531. Peinture sur toile (Parmigiaoino). La Madonna dai Collo
(1,61 x 1,93 rn). Galerie Borghèse, Rome. Lungo. 1535 environ. Peinture à l'huile sur
Après des débuts obscurs, le Corrège devint panneau (2,16 x 1,32 rn). Palais Pitti, Flo-
l'un des peintres mythiques et allégoriques rence. Parmigianino admirait beaucoup le
les plus remarquables du nord de l'Italie. style de Raphaël, et il reprit en l'atténuant
La douceur de son style, sa grande habileté la grâce délicate de Raphaël. Les œuvres
à saisir les nuances des expressions hu- exécutées après Raphaël nous paraissent
maines, le rendirent justement célèbre. souvent artificielles et compassées, mais à
Cette toile fut sans doute exécutée pour l'époque, ces qualités soulevaient l'admira-
Frederico Gonzague, duc de Mantoue. tion et étaient appréciées. C'est ce qui
explique, ici, le contraste des tailles et des
figures, la présence des colonnes et les
formes souples de la Vierge.
93
94

L'ART FLORENTIN SOUS LES DUCS DE MÉDICIS 58. Agnolo Allori (Bronzino). Saint Jean- 59. (page suivante) Giovanni Bo1ogna.
Baptiste. Avant 1553. Peinture sur panneau Fontaine d'Océanos. 1567-1570. Jardins
57. Giovanni Bologna. Apollon. 1573-1 575. (1,20 x 0,92 m). Galerie Borghèse, Rome. Boboli, Flore nce. Pendant la seconde moi-
Bronze. Hauteur 88 cm. Palazzo Vecchio, Bronzino fut peintre à la cour de Cosme, tié du xvi• siècle, on commença à cons-
à Florence. Cette statue était destinée au premier grand-duc de Toscane. Son œuvre truire les fontaines à des fins décoratives.
studiolo du duc François de Médicis. froide et élégante plaisait à Cosme et à son Elles requéraient une iconographie ingé-
L'érudit Borghini conçut la décoration épouse espagnole Éléonore de Tolède. nieuse, une grande habileté artistique;
(1570) et Giorgio Vasari en supervisa pour les apprécier à leur juste valeur, le
1'exécution. Cette œuvre de Giovanni Bolo- spectateur devait fournir un effort intellec-
gna constitue un bel exemple du style de tuel soutenu. Ici, la grande vasque repré-
1'époque et du goût des Médicis a u sente l'Océan dans lequel les dieux des
xvr• siècle. trois fleuves - Nil, Gange, Euphrate -
déversent leurs eaux. La fig ure de Neptune
les domine.
96
l ’a r c h i t e c t u r e R O M A IN E AU X V Ie SIÈCLE

60 (page précédente, en haut). Baldassare Peruzzi. Palais M assimi


alle Colonne. Palais construit vers 1530, d ’après les plans de Peruzzi
(illustration couleur n° 52). Bien que le plan en soit ingénieux, la
façade présente une surface essentiellement plane, ornée de divers
motifs en bas relief.

61 (page précédente, en bas). Michel-Ange. Palazzo dei Conservatori.


Sur le Capitole, à Rom e. Dessiné par Michel-Ange en 1546, mais
achevé en 1568, après sa mort. La façade, par l'importance de ses
éléments décoratifs, forme un vif contraste avec celle de Peruzzi
(ci-dessus) exécutée à une date antérieure. Michel-Ange est en cela
plus proche de Bramante que des architectes romains.

artiste avide d'expériences voyait s'offrir à lui un énorm e


éventail de styles et c ’est sans doute ce qui explique la
carrière quelque peu incohérente d ’un artiste comme
Pontorm o. La variété de son style ap p araît dans deux de
ses premières œuvres, assez rapprochées. La première
54 est un retable que l’artiste exécuta à l’âge de vingt-quatre
ans pour l’église de San Michèle Visdomini, en 1518.
Elle doit beaucoup, par la com position, au m aître de
Pontorm o, A ndréa del Sarto, mais l’étude psychologique
exagérém ent poussée des personnages révèle l’influence
de Léonard. Par certains aspects, l’œuvre est trop
complexe. Les ém otions sont tro p variées et, n ’était
l’organisation rigide et conventionnelle de l’œuvre,
l’attention du spectateur serait totalem ent dispersée.
Cette raideur com pense l’intention évidente de l’artiste
de représenter chez les divers personnages le m aximum
de sentim ents. 56. Pontormo. Descente de Croix. 1526-1528. Peinture à l’huile
53 Le décor de Pontorm o q u ’il exécuta p our la villa des sur bois (3,13 x 1,92 m). Santa Felicità, Florence. Peint pour la
chapelle Capponi à Santa Trinità. Le sujet traité ici est à peu près
Médicis, à Poggio a C aiano (1521) diffère totalem ent de
identique à la Déposition de Raphaël (illustration couleur n° 50)
cette œuvre. Pontorm o a laissé de côté ses prétentions et il est intéressant de les comparer, car on est frappé de l’intérêt
psychologiques et le mystérieux sfumato de Léonard, des artistes, on pourrait presque dire de l’obsession pour le corps
car une tâche aussi différente réclam ait un style également humain qui avait été éveillée en grande partie par M ichel-Ange. La
différent. L ’œuvre n ’en est pas mojns soigneusement disposition soigneuse des éléments humains va de pair avec l ’en­
équilibrée; mais l’espace est suggéré de m anière très chaînement des réactions des personnages, qui lie les figures entre
différente : l’artiste a recréé un m onde réel où se meuvent elles, soit par le regard, soit par le geste et qui conduit finalement
des êtres à trois dimensions. Le mystère du retable de au spectateur.
Visdomini fait place à la clarté, à la simplicité et à
l’hum our. U n autre aspect de la versatilité de P ontorm o
nous est donné p ar les fresques de la chartreuse de Galuzzo
(près de Florence) qui s’inspirent des gravures du D ürer.
A cette époque précise, Pontorm o retom ba sous l’influence s ’épanouirent en France, à Fontainebleau, où Rosso
de M ichel-Ange, car il était l’un des rares artistes florentins se rendit en 1530, à la dem ande de François I er (voir
dont le m aître pouvait supporter la présence, après page 130).
son reto u r à Florence, en 1516. La carrière de P ontorm o
est donc sym ptom atique de la situation qui régnait alors PA R M E ET M A N T O U E
à Florence : l’artiste doué pouvait choisir parm i une
grande variété de styles et de moyens d ’expression ceux L ’évolution artistique dans les villes autres que Rom e,
qui convenaient le mieux à une situation précise. Florence et Venise, est loin de présenter le même intérêt;
On retrouve la même diversité chez Rosso Fiorentino. m ais l’œuvre de certains peintres isolés dans différents
Il fut lui aussi l’élève d ’A ndrea del Sarto, mais lo rsqu’il centres est d ’une im portance considérable. Le Corrège
se fixa à Rom e en 1523, il en tra directem ent en contact est l’un de ces artistes. 11 reçut la form ation solide mais
avec la tradition des adeptes de R aphaël, et cette expérience prosaïque des peintres de cour de M ilan, M antoue et
accentua le côté raffiné de son style. Les fruits de ce séjour Ferrare. Il naquit vers 1489 (il était donc un peu plus
jeune q u ’A ndrea del Sarto et Raphaël). Ju sq u ’en 1520, cathédrale de Parm e sont parm i les grandes œuvres de
son œuvre très sensible n ’en dem eure pas m oins étrange­ l’histoire de l’art et constituent une création très person­
m ent provinciale et com bine de manière curieuse des nelle de la Renaissance.
éléments inspirés de M antegna, R aphaël et Léonard. Les œuvres à plus petite échelle du Corrège sont, elles
A cette date, il ad o p ta un type to u t nouveau de com po­ aussi, rem arquables et l ’ém otion q u ’elles entraînent n ’est
sition et sa peinture devint meilleure. En 1520, il com m ença q u ’un aspect de son art. C ’est sans doute parce q u ’il ne
la fresque de la coupole de San G iovanni à Parm e. Peu pouvait pas s’inspirer des m aîtres florentins de l’ém otion
de tem ps après, il décore le grand dôm e de la cathédrale comme D onatello et M ichel-Ange, q u ’il aborda ce
57 de Parm e. D ans ces deux œuvres, il eut recours au style problèm e avec une délicatesse et une sensibilité rares.
de figure de M ichel-Ange p o u r résoudre le problèm e C ’est d ’une touche infaillible q u ’il exprime l ’extase, la ss
que pose la décoration d ’un dôm e qui doit être satis­ joie, le désir et l’am our. Il porte à un niveau ju sq u ’alors
faisante sur le plan esthétique, m ais aussi aisément inconnu la représentation des sentim ents les plus nuancés
déchiffrable sur le plan de l’iconographie. D ans la cathé­ e t en cela sa peinture annonce une fois encore le siècle
drale de Parm e, il est parvenu à traiter son sujet l'Assom p­ suivant.
tion de la Vierge, en évoquant l’espace infini du Paradis, Aux environs de 1530, les villes de Parm e et de M antoue
et l’allégresse, en faisant participer le spectateur à l ’événe­ se virent honorées de la présence de Parm igianino et de
ment. C et aspect de son a rt annonce, a-t-on dit, certains G iulio R om ano qui avaient tous les deux travaillé à
éléments de l ’art baroque. Les fresques du dôm e de la R om e pendant l’âge d ’or qui précéda le sac. C ’est

98
99

l ’a r t r o m a i n a pr è s le sac

Le terrible sac de Rom e, bien q u ’il ait eu des conséquences


profondes pour la papauté, n ’interrom pit pas totalem ent
la pratique du m écénat dans la ville. M ichel-Ange, qui
se trouvait à Florence depuis 1516, fut rappelé à Rome
en 1534 p ar Clém ent VIL M ais parm i les autres artistes
rom ains dispersés en 1527, seul, Pierino del Vaga allait
revenir (en 1538 et 1539). Ils furent remplacés par un
groupe d ’artistes jeunes et brillants, tous nés aux environs
de 1510, et dont beaucoup avaient été form és à Florence
(à p artir de cette époque, les liens artistiques entre Rome
et Florence devinrent extrêm em ent étroits). Les plus
rem arquables de ces artistes étaient Francesco Salviati, 60, 59
Jacopino del Conte et G iorgio Vasari qui allait plus tard
écrire des vies d ’artistes. On peut étudier le style des
58. Francesco Xanto Avelli da Rovigo. Triomphe d'Alcyoné. Urbino, deux prem iers dans un oratoire de San G iovanni
1533. Plat en maïolique. Diamètre 48 cm. Collection Wallace, Decollato, dont la décoration fut exécutée en diverses
Londres. Les maïoliques d ’Italie étaient célèbres. Les dessins en étapes, à p artir de 1535. Ce style correspond à ce que les
sont intéressants, car ils reflètent en général le goût de l ’époque, et Italiens du xvie siècle appelaient la maniera. Il s’inspire
cet artiste a tout simplement copié les figures des maîtres pour
à la fois de R aphaël et de M ichel-Ange, mais le style du
composer son œuvre. On reconnaît les figures créées par Raphaël,
R aphaël narrateu r et du Michel-Ange de la chapelle
R osso et Baccio Bandinelli.
Sixtine o n t été maîtrisés à un tel point q u ’on a une
impression de grâce et de facilité. D u point de vue du
connaisseur, ces œuvres sont adm irables en bien des
points : variété des attitudes et des gestes, diversité des
types hum ains, ^ e décor architectural qui encadre
l’œuvre est élégant et séduisant. M ais cette maîtrise de
toutes les découvertes techniques de la Renaissance
triom phe aux dépens de to u t le reste. Ces peintures
57 (page précédente). Le Corrège. Assomption de la Vierge. 1526-
1530. Fresque ornant le dôme de la cathédrale de Parme. Malgré
tém oignent d ’une grande habileté et les artistes se
l ’impression d ’exubérance et peut-être même de désordre, la com po­ contentent de traiter tous les sujets dans le même style
sition a été soigneusement étudiée de façon que l’on puisse voir la superficiel.
figure de la Vierge de tous les points de la nef. L ’œuvre de ce groupe d ’artistes contraste vivement
avec la dernière œuvre de M ichel-Ange qui, entre 1536
et 1541, travaillait à la grande fresque du Jugement
dernier dans la chapelle Sixtine. Ce sujet rem plaçait 6i
une œuvre du Pérugin, l'Assomption de la Vierge, à qui la
chapelle était dédiée. On considérait alors le sac de Rome
com m e un châtim ent du Ciel, et cela expliquerait q u ’on
ait dem andé à Michel-Ange de peindre le Jugement
dernier.
L ’artiste interpréta la scène à sa manière très person­
56 Parm igianino qui développa à l ’extrêm e la grâce langou­
reuse du style de cour rom ain d o n t l’élégance allait nelle et profonde. L ’esprit de l’œuvre n ’est pas entière­
être très appréciée à la cour de France. Le duc Federigo m ent pessimiste, m ais il est peut-être significatif que le
de G onzague avait déjà réussi à faire venir à M antoue C hrist se tourne vers les dam nés et que le gouffre de
avant le sac le principal assistant de R aphaël, G iulio l’enfer s ’ouvre juste au-dessus de l’autel. Com m e dans
R om ano, et lui avait confié la conception et la décoration les autres œuvres figuratives de M ichel-Ange, les nus
d ’une m aison de cam pagne sise aux environs de M antoue : dom inent, et les ém otions profondes de l’artiste appa­
le Palazzo del Tè (1526-1534). Cette dem eure devait être raissent à chaque instant dans cette fresque.
un lieu de repos et de détente, et c ’est ce qui convainquit Lorsque l’œuvre fut dévoilée au public, elle ne fut pas
l’artiste de ten ter les expériences artistiques les plus pleinem ent appréciée. On se dem andait si la représen­
extravagantes, chose qui au rait été impossible dans le tation de tan t de nus convenait à la chapelle privée du
cadre plus conventionnel d ’un palais de la ville. L ’influence pape. Ce problèm e de la pruderie en m atière esthétique
de cette architecture avec les m ultiples variantes de la nous est fam ilier de nos jo u rs encore. A cette époque,
m açonnerie et des idées de la décoration intérieure fut une véritable bataille de plusieurs années s’engagea
énorm e car elles tém oignaient d ’une invention très entre les partisans de Michel-Ange qui l’excusaient au
riche. C ’est de M antoue que le Prim atice se rendit à la nom de la splendeur de l’œuvre et ceux qui ne voyaient
cour du roi François I er. Ainsi, le style décoratif de q u ’indécence dans cet am as de nus des deux sexes. La
G iulio R om ano gagna-t-il la France et eut-il des réso­ censure l’em porta et les parties choquantes de la fresque
nances européennes. furent voilées sous des draperies.
100

59. Jacopino del Conte. Saint Jean-Baptiste prêchant. 1538. Fresque. à ses fins personnelles, d ’ailleurs complexes. L ’impression générale
San Giovanni Decollato, Rome. Cette œuvre constitue un bel de confusion est accentuée par le contraste entre les types de visages,
exemple de ce que fut la maniera romaine après le sac. L ’artiste destiné à piquer l’intérêt du spectateur.
a su s ’inspirer de M ichel-Ange, tout en adaptant le style du maître

L ’œuvre de M ichel-Ange peut s ’analyser com m e, par


exemple, celle de Jacopino del Conte. Le Jugement dernier
de la chapelle Sixtine, tém oigne d ’une incroyable virtuosité
et d ’une technique extrêm em ent sûre dans le traitem ent
des personnages et des physionom ies. M ais cette maîtrise
technique est mise au service du sujet traité et l’œuvre
vibre d ’ém otion et de foi religieuse. Il est évidem m ent
difficile d ’estim er à quel point une œuvre d ’art est chargée
d ’ém otion, car cela suppose toujours un jugem ent
subjectif de la part du spectateur. Il est cependant signi­
ficatif q u ’à cette époque, on se dem andait de plus en
plus si l’art religieux ne devait pas être plus sérieux et
plus profond q u ’il ne l’avait été avec le professionnalism e
décoratif de la génération de Jacopino del Conte. Ces
réflexions furent formulées au Concile de Trente ( 1545-
1563) durant lequel l’Église attira l’attention des fidèles
sur la solennité et la décence qui convenaient à l’art
ecclésiastique. Une réaction s ’am orça et, à Rom e en
particulier, vers 1580, les Jésuites tentèrent de supprim er

60. Francesco Salviati. Visitation. 1538. Fresque. San Giovanni


Decollato, Rome. A l ’encontre de Jacopino (ci-dessus), Salviati
semble s ’être inspiré de l’œuvre de Raphaël et des artistes qui le
suivent (en particulier Parmigianino). L ’exécution de Salviati est
d'une grande délicatesse, plus que celle de Jacopino, et le décor
rappelle les tapisseries dessinées par Raphaël.
101

de l’art religieux le détachem ent presque païen propre était venu en Italie vers 1554 et s ’était fixé à
à la maniera. Cette tendance fut particulièrem ent nette Florence.
à Florence au milieu du siècle, époque à laquelle Bronzino, Il réussit à m aîtriser les m ultiples facettes des traditions
peintre à la cour des Médicis, se spécialisa dans des œuvres sculpturales italiennes d ’une façon tout à fait rem arquable.
5«. 62 d ’une perfection froide et détachée. Les contrastes propres Il réalisa des œuvres dans tous les genres traditionnels,
à la maniera se retrouvent égalem ent en sculpture. Les depuis les m iniatures en bronze ju sq u ’aux fontaines, 59
œuvres décoratives de Salviati et de Vasari ont leur en passant par les m onum ents funéraires. Ses réalisations
équivalent en sculpture, et ce n ’est pas un p u r effet du sont to u r à to u r idéales, sensuelles, élégantes et passion­
hasard si cette époque connut la vogue des fontaines. Ces nées. Sa sculpture, en effet, constitue un lien essentiel
grands ensem bles décoratifs perm ettaient aux artistes entre les différents styles du début du x v ie siècle et de la
de m ettre en valeur leur virtuosité technique dans le période baroque.
m aniem ent de la pierre et du bronze. M ais les m onum ents Après 1530, l’architecture rom aine fut à nouveau
publics de M ichel-Ange, de Raphaël et de leurs adeptes dom inée par la figure de Michel-Ange. On com pte d ’autres
offraient à ces sculpteurs un contraste perm anent entre architectes com pétents parm i lesquel Baldassare Peruzzi
la grâce langoureuse et élégante, et l’énergie et la force ou A ntonio da Sangallo le Jeune. M ais aucun d ’entre
surhum aine de leurs styles respectifs. La plus parfaite eux ne put prétendre à la richesse plastique et au classi­
synthèse de ces deux tendances nous est donnée par cisme original de Michel-Ange. Une com paraison entre
57 l’œuvre de G iovanni Bologna. Il n ’était pas italien mais deux façades de palais m ettra en évidence cette différence
flam and (son véritable nom était Jean B oulogne); il et m ontrera q u ’en architecture aussi, l’approche pouvait

61. Chapelle Sixtine. Rome. Bâtie par


Sixte IV, entre 1475 et 1480. Les premières
fresques (murs latéraux) furent exécutées
en 1481 et 1482 par un groupe d ’artistes
de Florence, sous la direction du Pérugin.
Le plafond fut décoré par Michel-Ange
entre 1508 et 1511, ainsi que le mur situé
derrière l ’autel q u ’il décora entre 1536 et
1541. Ce qui fait la beauté de la chapelle
est essentiellement la simplicité de ses
proportions (c’est un double cube) et la
splendeur des décors. Le Jugement dernier
de Michel-Ange met tout de suite le spec­
tateur dans une atmosphère mystique
(comparer avec l ’illustration noire n° 57),
car l ’artiste a su intégrer sa composition
dans l ’architecture de la chapelle où domi­
nent de longues lignes horizontales.
102

62. Bronzino. Vénus, Cupidon, /a Folie et le


Temps. 1545 environ. Peinture sur pan­
neau (1,46 x 1,16 m). National Gallery,
Londres. Cette peinture constitue un excel­
lent exemple du style apprécié par les
Médicis. Les coloris sont brillants, la
technique soignée, mais l ’œuvre est tota­
lement dépourvue de sensualité.

60 être totalem ent différente. Le Palazzo M assimi aile en tém oignent les édifices de Vasari et de Vignola. Les
Colonne fut construit après 1530 sur les plans de Peruzzi. architectes parvenaient à conférer une certaine plasticité
C ’est un édifice ingénieux conçu de façon à épouser la aux surfaces, mais pas assez pour reproduire l’impression
courbe de la rue. La façade rustiquée est ornée de motifs de majesté im posante donnée par le style grandiose de
en bas relief. T out comm e le Palazzo dell’ A quila, cet Michel-Ange. Les plans q u ’il réalisa pour la partie 64
édifice relève de la maniera du x v ie siècle et diffère profon- centrale de la basilique Saint-Pierre dont l’achèvem ent
61 dém ent des palais construits par Michel-Ange et ses lui fut confié en 1547, confirm ent cette opinion. Il était
adeptes sur le C apitole. Bien que ces palais aient été sans doute le seul architecte capable de penser en termes
édifiés beaucoup plus tard (après 1546), leur classicisme suffisamment grandioses po u r convenir à l’échelle des
rappelle ceux de la chapelle Médicis et de la bibliothèque plans conçus initialem ent par son rival, Bramante.
de San Lorenzo, qui, eux, sont à peu près de la même
époque que le Palazzo Màssimi. L ’approche de Michel- LE M AN IÉRISM E
Ange pour la façade est beaucoup plus sculpturale et
les divers éléments architecturaux sont conçus de façon Deux problèm es se posent lo rsqu’on étudie l’art du
à ressortir plus ou moins. M ichel-Ange utilise aussi très xv ie siècle en Italie. Le prem ier a trait à la nature du
librem ent les idées classiques. II ne concevait pas l’archi­ maniérisme. Le second à trait à l’am élioration du statut
tecture com m e un ensemble de règles. Les idées classiques des artistes et de l’art en général. La notion de « m anié­
ne sont p o u r lui que des trem plins d o n t l’architecte se risme » est presque inséparable de celle d ’un apogée de
sert à sa guise. la Renaissance, im pliquant une sorte d ’antithèse hégé­
Un style architectural ap p aru t bientôt, qui reprenait lienne à la thèse présupposée d ’un goût établi en m atière
ou déform ait certains motifs de M ichel-Ange, comme de style.
103

dans cette acception, l’art de R aphaël et de ses adeptes.


Le concept de maniera eut donc au début un sens consi­
dérablem ent restreint; plus tard, cependant, il désigna
les styles de tous les artistes qui furent féconds après
1520. Cependant, on ne saurait parler d ’un m ouvem ent
« m aniériste » concerté au x v ie siècle.
D ’un com m un accord on désigne égalem ent par
« maniérism e » les diverses m anifestations d ’assim ilation
des extraordinaires œuvres d ’art de la période allant de
1500 à 1520, et com m e on est en général d ’accord sur
le type d ’art que désigne ce term e, cette notion se révèle
parfois utile. C ependant, comme le maniérisme est
m alheureusem ent teinté des excès que nous avons cités
plus haut, l’emploi d ’un tel m ot dresse parfois une
barrière devant la com préhension de certaines œuvres
d ’art de l’époque et n ’autorise q u ’une appréciation
négative. Le maniérism e n ’apparaît pas alors comme un
style enrichissant, mais comme une attitude de protes­
63. Palais Farnèse, Rome. Commencé vers 1513 par Antonio da tation devenue contagieuse. Une telle approche n ’a rien
Sangallo le Jeune. Cette façade est de type fondamentalement de stim ulant, car isoler ainsi des tendances « anti-apogée
florentin et aurait été remarquable, en particulier par ses dimensions. de la Renaissance » revient à parler de l’art florentin
Cependant, après la mort de Sangallo (1540) le pape Paul III au x v e siècle comme d ’un art « anti-gothique ». C ’est
demanda à M ichel-Ange de la parachever. Celui-ci dessina la cor­
pourquoi, au début de ce chapitre, nous avons essayé de
niche et le dernier étage ainsi que la grande baie au-dessus de la
porte d ’entrée. L ’accent a été mis sur le centre de la façade par
décrire l’œuvre de Pontorm o, l’un des peintres m anié­
l’absence de fronton et le léger retrait de la fenêtre. A la place du ristes les plus ém inents, en term es positifs, et de le
fronton, Michel-Ange choisit de placer un large bouclier aux armes présenter lui-même com m e un artiste ayant atteint sa
des Farnèse, encadré par un splendide cartouche. m aturité et cherchant à varier son style, non pas à la suite
de crises ou par instabilité, mais pour répondre aux
offres qui lui étaient faites.

l ’h i s t o i r e d e l ’a r t et la c r it iq u e

C ependant, l’instabilité de certains artistes maniéristes


dem eure un fait incontesté. Certains artistes du xvie siècle
étaient des gens étranges, aux goûts bizarres et morbides.
Pontorm o, vers cinquante et un ans, devint fou comme
le révèle la lecture de son journal (1555-1556). Vasari
nous rapporte que Parm igianino, au term e de sa courte
vie, abandonna la peinture et, « barbu, cheveux longs,
et négligé », s ’adonna à l’alchimie. M algré tout, ces
N ous avons déjà rem arqué le caractère illusoire d ’une anecdotes, loin d ’indiquer un malaise général (de nom ­
unité artistique à l’apogée de la Renaissance et cela ne breux artistes de l’époque semblent avoir été parfaitem ent
facilite pas la définition des éléments com posant le norm aux) révèlent un changem ent de l’attitude générale
maniérisme. N éanm oins, on peut considérer la m ajorité envers l’art et les artistes. Les causes d ’un tel changem ent
des œuvres très personnelles des décades venant après rem ontent à l’hum anism e littéraire du siècle précédent
1520 com me une réaction délibérée contre les œuvres et à la com préhension de certains traités, comme ceux
d ’art des années précédentes. On a analysé de diverses de Pline et de Vitruve. Ces œuvres hissaient les arts
manières la nature et les causes de cette réaction. On l’a plastiques au niveau de l’érudition et leur conféraient un
attribuée tan tô t à la « tension intérieure » des artistes, prestige dont elles n ’avaient ju sq u ’alors jam ais joui.
tantô t à 1’ « instabilité de leur m onde m oral ». On a Les hom m es cultivés s’y intéressèrent et se mirent — tout
décrit le maniérism e soit com m e une réaction de « jeunes comme Pline — à réunir et conter des anecdotes au
gens en colère », soit com m e un m ode de vie « rendant sujet des artistes. Cette évolution atteignit son apogée
impossible une conception ordinaire des choses et du au x v ie siècle avec les Vies de Vasari, prem ier essai
m onde ». On reconnaît des tendances maniéristes dans sérieux sur l’histoire de l’a rt occidental. Au x v e siècle,
la vanité qui s’étale dans l’autobiographie de Cellini G hiberti, im itant un précédent antique, avait écrit ses
ou dans l’introspection m orbide du journal de Pontorm o. Commentaires qui com portaient des passages autobio­
A l'extrêm e, on peut assim iler le m aniérism e à tout ce graphiques. L’autobiographie étant une form e de l’expres­
qui est fantaisiste, extravagant, inattendu ou bizarre. sion du « moi », il n'est pas étonnant que d ’autres
Ce term e dérive du m ot maniera qui signifie « goût », artistes aient suivi cet exemple. Les Mémoires de Cellini,
« style » et même « élégance », car il implique, grâce, où nous découvrons le caractère et la vie de l’artiste, en
raffinement et facilité. La bella maniera désigna d ’abord, sont l’exemple le plus célèbre.
104

64. Saint-Pierre, Rome. A la mort d ’Antonio da Sangallo, Michel- plans étaient sans doute achevés et la construction commencée,
Ange prit la direction des travaux de Saint-Pierre (1547). A cette mais elle ne fut terminée qu'entre 1585 et 1590, longtemps après la
date, la croisée centrale était déjà achevée, la forme de base de l’édi­ mort de Michel-Ange.
fice était donc déterminée, mais non pas son plan définitif ou la
forme du dôme. M ichel-Ange respecta les proportions choisies par
Bramante pour la coupole, remarquable par son tambour reposant
sur les colonnes engagées et ses arêtes épaisses. Entre 1561 et 1564, les

C ependant, ces effusions littéraires, si elles éclairent projet. Mais sa grandeur fut reconnue de son vivant par
le caractère de certains artistes, ne nous perm ettent pas nom bre de connaisseurs et d ’érudits qui étaient prêts
de penser que l ’artiste du x v ie siècle différait profon­ à répandre leurs opinions. C ar l’apparition de la véritable
dém ent de celui du x v e siècle. Et il est perm is de douter critique d ’art fut l’une des conquêtes les plus im portantes
que la vie professionnelle de la m ajorité des artistes ait du x v ie siècle. Bien que la critique ap p o rtât à l’artiste des
beaucoup évolué du x v e au x v ie siècle. Un aspect, cepen­ avantages assez contestables, elle perm ettait cependant
dant, de cette vie professionnelle avait profondém ent l’existence d ’un type nouveau de célébrité. En outre, si
changé : les artistes voyaient s’offrir à eux des promesses les artistes voulaient devenir courtisans, ils n ’avaient q u ’à
de prom otion et de célébrité. L ’immense prestige dont suivre l’exemple de,R aphaël qui était m onté si haut dans
jouissait M ichel-Ange ouvrait des perspectives nouvelles l’estime du pape Léon X que ce dernier, disait-on, (à
aux am bitions des artistes. M algré ce prestige, Michel- to rt d ’ailleurs) lui avait offert le chapeau du cardinal.
Ange n ’en dem eura pas m oins une sorte de serviteur Ainsi le xvie siècle ouvrit-il des horizons nouveaux, plutôt
supérieur des papes qui lui com m andaient projet sur q u ’il n ’ap p o rta de changem ents profonds.
La Renaissance italienne
et l’art au-delà des Alpes
65. Jean Goujon. Tribune des Cariatides.

tin tiiiü iii


4441414 1550-1551. Rez-de-chaussée, aile sud-ouest
I f ï i I ►î de la cour carrée du Louvre par Lescot,
À fi 3 *s . \ » Paris. La cour de France joua un rôle
important dans la diffusion des goûts ita­
liens. Ces figures font partie du décor inté­
rieur de la nouvelle aile du Louvre, cons­
truite à partir de 1546.

L ’histoire des É tats du n ord de l ’Europe à cette époque considéré comme l’influence dom inante s’exerçant sur
est tro p com plexe p our être brièvem ent résumée. Il faut l’art européen. En fait, to u t au long de l’histoire médiévale,
cependant rappeler le relèvem ent de la France sous le N ord s ’était m ontré sensible aux idées artistiques
Louis X I (1461-1483), l’accession inattendue des H abs­ venant d ’Italie. L ’adaptation d ’idées italiennes par les
bourg au pouvoir, grâce à une série d ’habiles mariages, artistes du N ord, dem eure un élém ent constant de l’art
et enfin la lutte entre ces mêmes H absbourg et les rois de médiéval. M ais quelle q u ’ait été l’im portance de cette
France, qui devait se dérouler en partie en Italie et dans source d ’inspiration, les idées étaient presque toujours
le N ord où elle parvint à son term e en 1558. A la même adaptées à l ’idiome local, au point q u ’un Italien ne les
époque, la situation politique fut aggravée au début du eût pas reconnues. L ’étape dont nous abordons m ainte­
x v ie siècle p ar des troubles religieux en A llemagne et en nant l’étude a sa suite logique dans le x v n e siècle et nous
Suisse : d ’une part, révoltes graves (tant sur le plan n ’irons pas ici ju sq u ’à son terme. M ais une brève analyse
politique que sur le plan intellectuel) contre la hiérarchie de l’art du x v n e siècle suffit à nous m ontrer que l’influence
ecclésiastique, l’autorité du pape et les régimes tem porels italienne, superficiellement du moins, eut des effets
qui soutenaient le pape; d ’autre part, diffusion rapide, destructeurs sur les traditions locales. Si l’on oppose la
après 1517, des doctrines protestantes de L uther et de peinture de Rubens à celle de G érard D avid, la salle de
Calvin. banquet de Charles I er à W hitehall, à celle de Henry V III,
Les relations exactes entre les événem ents politiques à H am pton C ourt, ou la sculpture allem ande de la fin
et la diffusion des idées classiques sont obscures. En du x v ie siècle, à la tradition de Stoss et de Riemen-
1500, l’Allem agne possédait déjà de grands érudits, schneider, on s’aperçoit que l’a rt du N ord avait été
com m e Reuchlin (1455-1522) qui avait étudié en Italie. déform é au point d ’en être presque méconnaissable.
M ais la plus grande figure de la « renaissance » de la L ’Italie, qui avait d ’abord été une source féconde d ’idées,
pensée et de la littérature classiques dans le nord en était venue à exercer sur les mécènes comme sur les
de l’Europe dem eure l ’érudit hollandais Erasm e, de artistes une attraction d ’une force encore jam ais atteinte.
R otterdam (environ 1469-1536). C ’est son édition Ainsi prévenus, nous pourrions être tentés d ’approcher
imprim ée des textes classiques qui perm it aux Européens l’étude de l’art au-delà des Alpes dans un esprit d ’expec­
du N ord de se fam iliariser avec les écrits antiques. Tout tative, attendant de voir ces changem ents se produire.
com m e en Italie, le prestige lié à l ’érudition classique Cette attitude nous ferait passer à côté de bien des
s ’accom pagna bientôt d ’un respect nouveau pour les richesses, dans ce siècle qui vit des peintres comme H ugo 63
œuvres d ’a rt classiques, puis p our l’art « classicisant » van der Goes, des sculpteurs comme G erhaert et Stoss, 7/, 73
de l’Italie contem poraine, mais de m anière plus hésitante ou la construction d ’édifices aussi rem arquables que la 68
et moins régulière q u ’en Italie. Le goût italien fut bientôt chapelle de K ing’s Collège à Cam bridge. Et si l’on ne
106

peut rendre justice à ces artistes dans un espace p ar trop


restreint, on appréciera mieux encore l’art italien si l’on
découvre un peu les traditions q u ’il finit par vaincre.

LA P E IN T U R E FL A M A N D E A LA FIN D U X V e SIÈCLE

Les œuvres de Roger van der W eyden et de Jan van Eyck


(pages 38 et 39) constituèrent un lourd fardeau pour
leurs successeurs. La pleine exploitation des progrès
q u ’ils avaient réalisés ne pouvait être l’œuvre d ’un seul
et même m aître, mais un certain nom bre de peintres de
moins grande valeur en développèrent divers aspects.
Parm i les successeurs im médiats, Petrus Christus de
Bruges, associé très proche de Van Eyck, fut le seul
peintre qui soit parvenu avec quelque succès à poursuivre
la tradition d ’observation m inutieuse et de détail savant
établie par le maître. Dirck Bouts, peintre de Louvain, 66
fit un apport positif à l’art flam and avec ses paysages et
ses arrière-plans soigneusem ent ordonnés. Il semble avoir
évité volontairem ent l’ém otion expressive de l’œuvre de
Roger, et, dans ses tableaux, l’action semble figée dans
la froideur et l’immobilisme. L ’œuvre de Hans Memlinc,
qui travailla à Bruges, constitue une rem arquable synthèse
de tous ces peintres : on y retrouve la même impassibilité
que chez Bouts, l’harm onie des com positions de Roger
van der W eyden et aussi, dans ses détails brillam m ent
observés, le style de van Eyck.
M ais de tous ces peintres flam ands de la seconde moitié
du siècle, un seul m aître se détache de la tendance générale.
Ce peintre, Hugo van der G oes, passa la m ajorité de sa 63
vie à G and avant de se retirer, peu de tem ps avant sa
m ort, dans un couvent sis près de Bruxelles. Si l’on en
croit un récit de l’époque, il aurait som bré dans la folie
vers la fin de sa vie (vers 1481) et on a tendance, à partir
de ces dires (comme ce fut le cas pour Pontorm o), à
rom ancer sa vie. Mais il semble q u ’il ait été un peintre
de cour entouré de succès, et qui, sans avoir jam ais eu
de titre officiel, n ’en travailla pas moins pour le duc de
Bourgogne. La force particulière de ses œuvres ressort
d ’au tan t plus lorsqu’on les place aux côtés de celles de
ses contem porains. C ’est l’un des rares artistes flamands
du x v e siècle qui ne situe pas uniform ém ent le niveau
visuel de ses tableaux au-dessus des yeux du spectateur.
Toutefois, le s'tê tes des figures principales sont placées
un peu au-dessus de la tête du spectateur qui se sent
dominé. En outre, il juxtapose des objets et des figures
représentés à des échelles diverses, ce qui confère à son
œuvre une atm osphère de malaise et de trouble. En général
la force expressive de son style est em preinte de gravité.
66. Dirck Bouts. La justice de l'empereur Otton : l'épreuve du feu. Deux autres peintres présentent une forte personnalité,
1475 environ. Peinture sur panneau (3,24 x 1,82 m) Musées Royaux et tous deux sont originaires du N ord : G eertgen tôt
des Beaux-Arts, Bruxelles. Bouts avait assimilé à la perfection les
Sint Jans, de H aarlem dans le com té de H ollande, et
règles de la perspective, mais ses œuvres sont dépourvues d ’émotion
Jérôm e Bosch, de H ertogenbosch dans le com té de
et les acteurs en sont figés. C ’est en cela qu ’il diffère essentiellement
de son grand prédécesseur Roger van der Weyden. Brabant. Jugés d ’après les critères qui avaient cours à
Bruxelles, ils eussent semblé provinciaux. Mais leur
œuvre à tous deux est très étrange et inattendue, et l’on
peut citer ici leurs noms afin de perm ettre une appréciation
plus vaste et plus profonde de la peinture flamande.
Nous sommes peu renseignés sur G eertgen. Un écrivain
d ’une époque postérieure nous dit seulement q u ’il m ourut
107

67. Jérôme Bosch. Tentation de saint Antoine. 1500-1510 environ.


Peinture sur panneau (1,32 x 1,19 m) Museu Nacional de Axte
Antiga, Lisbonne. La signification de cette œuvre est obscure.
Elle fut peut-être oubliée aussitôt après sa mort. Ce que l ’on peut
admirer aujourd’hui, c ’est la maîtrise technique et l ’ampleur de la
vision.

à l’âge de vingt-huit ans, vers 1490. D urant sa courte vie,


il exécuta des tableaux qui révèlent un don étonnant
p o u r le paysage, et une étude d ’effets d ’om bre et de
lumière qui semble to u t à fait révolutionnaire. C ’est la 7i
Nativité qui se trouve a u jo u rd ’hui à Londres, dans
laquelle les sources de lumière sont issues uniquem ent
du tableau, en sorte que l’œuvre constitue non pas une
étude de couleur uniquem ent mais aussi d ’om bre et de
lumière.
La carrière de Jérôm e Bosch est to u t aussi obscure que 67
celle de G eertgen, et ses œuvres, malgré leur célébrité,
sont mystérieuses et difficiles à interpréter. On ne sait pas
exactem ent à qui ces tableaux étaient destinés ¡cependant,
plus tard dans le courant du x v ie siècle, le roi Philippe II
d ’Espagne fut un fervent adm irateur de Bosch. Il semble
donc peu probable que le m onde étrange qui naquit de
ses pinceaux, ait été subversif ou rempli d ’hérésie (comme
on le dit parfois). Ses œuvres illustrent sans doute, avec
un luxe de détails issus d ’obscures traditions locales, les
thèm es m oraux du x v e siècle com m e, par exemple,
notre condition de mortels. Il utilisa à des fins certes très
personnelles les progrès réalisés par ses prédécesseurs
flam ands, mais la grande valeur de sa peinture est indu­
bitable. Si l’on fait abstraction de son iconographie
étrange, on est frappé par l’extrême beauté et le grandiose
de ses paysages.

IN F L U E N C E D E LA P E IN T U R E FL A M A N D E

Peu à peu, le style flam and gagna la m ajorité des régions


situées au-delà des Alpes. Vers 1475, il exerça une influence
très profonde com parable à celle que l’art italien allait
68. Un miracle de la Vierge. 1480 environ. Détail des fresques de la
exercer un peu plus tard, et devint un nouveau style de
chapelle du Collège d ’Eton. L ’intérêt de ces œuvres réside en partie
dans le fait qu’elles illustrent la diffusion du style flamand au-delà cour international, en ce sens que peu de cours échap­
des Flandres. L ’auteur en est inconnu; il semble en tout cas qu ’il pèrent à son action. En A ngleterre, le tém oignage rem ar­
présente des liens avec l ’art de Bruges et de Louvain. quable de l’ubiquité de ce style nous est donné p ar le
décor m ural réalisé en 1480, pour la chapelle du collège
d ’E ton, qui fut sans doute l’œuvre d ’un Flam and. Ce ««
genre était to u t aussi populaire en Espagne et au Portugal
où l’on voit un style « flam and » rem placer le style à
dom inante italienne du x iv e siècle.
La diffusion de ce genre de peinture dans la région qui
constitue a u jo u rd ’hui l’Allemagne est plus complexe,
et, sous bien des aspects, plus intéressante. L ’un des
m aîtres qui pose le plus de problèm es est Lukas M oser.
Il a dû travailler à Ulm et aux environs et fut contem ­
porain de R obert C am pin; la seule œuvre qui puisse lui
être attribuée avec certitude est un retable peint pour 69
Tiefenbronn (W urtem berg). Ce retable est daté de 1431,
ce qui prouve q u ’il fut exécuté avant même le retable
de G and, œuvre de Jan van Eyck. M oser traita son
sujet à la même échelle que le retable de van Eyck.
Lorsque les deux volets sont clos et que l’œuvre entière
est visible, on s’aperçoit que les scènes représentées ont
été traitées comme un tout, puisque paysage et archi­
tecture se prolongent d ’un panneau à l’autre. L ’artiste
a peint un cours d ’eau scintillant, sur lequel la lumière
se reflète. La manière rappelle Jan van Eyck, mais
l’existence de liens entre les deux hom m es est incertaine.
A ucun peintre allem and n ’a jam ais atteint à la clarté et
à l’assurance de Jan van Eyck, mais beaucoup ont essayé
108

d ’im iter son traitem ent de la lumière, ce qui explique


l’existence d ’une série d ’œuvres exécutées entre 1430 et
1440 qui baignent dans une sorte de lum ière évanescente.
C ’est le cas p our K onrad W itz de Bâle, qui fut presque
exactem ent contem porain de Jan van Eyck. H ans
M ultscher, qui ap p artien t au même groupe, fut à la fois
peintre et sculpteur à Ulm et aux environs. On peut
rapproch er de leur œuvre Y Annonciation du m aître d ’Aix,
exécutée vers 1442.
Pendant la seconde moitié du siècle, l’assim ilation du
style flam and, suffisamment avancée, atteignit un certain
équilibre basé sur la synthèse des œuvres de Roger van
der W eyden et de D irck Bouts. Cela apparaît nettem ent
chez certains artistes comm e Schongauer à Colm ar,
Pleydenw urff à N urem berg et divers artistes anonym es
de Cologne. Ces artistes (Pleydenw urff entre autres)
voyageaient beaucoup, ce qui favorisa une diffusion et
une assim ilation rapide du style flam and.

M IC H A E L PA C H E R

La source du style de ces peintres fut essentiellement


65 flamande. Pour M ichael Pacher, contem porain de
Schongauer, il en alla tout autrem ent. Né vers 1435 au
Tyrol, à Brunico, il ne se trouvait pas loin du nord de
l’Italie. Les tableaux de Pacher laissent supposer q u ’il se 69. Lukas Moser. Retable de Tiefenbronn. 1431. (3,00 x 2,00 m).
66 rendit à Padoue vers 1470. Car, dans son retable de Église de Tiefenbronn. Lorsque les portes du retable sont fermées,
Saint-W olfgang, sa préoccupation majeure semble être on peut y voir des scènes de la vie de Marie-Madeleine. Le paysage
la suggestion de l’espace; en outre, ses figures o n t un se prolonge de part et d ’autre des volets com me dans le retable de
Gand, exécuté à la même époque par les frères van Eyck. Remarquer
peu l’aspect d u r et linéaire du style de M antegna. On
la technique parfaite de l ’artiste pour représenter les eaux.
n ’est pas aussi sûr que Pacher ait vu l’œuvre d ’A ntonello
da M essina à Venise (1475-1476; voir page 140), mais
on trouve dans ses tableaux des zones brillam m ent
éclairées et détaillées qui rappellent la tradition de Van
Eyck à laquelle il faut rattacher A ntonello. Pacher était
égalem ent sculpteur, et sa conception d ’un espace à
trois dim ensions d u t certainem ent être séduite p ar les
lois italiennes de la perspective. Il reste vrai que son cro vit naître Piero délia Lrancesca, et U rbino R aphaël et
œuvre n ’est pas italienne par bien d ’autres aspects : ses Bram ante, il arrivait que plusieurs m aîtres de valeur
édifices sont gothiques et ses drapés sont dans la tradition apparaissent successivement dans une même ville d ’Alle­
de Cam pin. magne. A vrai dire, une ville comme Ulm pouvait
C ependant, par les raccourcis saisissants et les contours rivaliser avec bien des villes italiennes q u an t à la qualité
nettem ent délimités, il est profondém ent italien. On se et à la diversité des œuvres q u ’on y trouvait.
dem ande alors si Pacher transform ait le style gothique L ’histoire de la sculpture dans le N ord pendant la
en lui adjoignant des élém ents pris à l’art italien, ou s’il prem ière m oitié du x v e siècle, est très fragm entaire. On
s ’agissait enfin du début d ’un m ouvem ent irréversible p o urrait s ’attendre que la sculpture ait suivi une évolution
qui allait affecter toute la tradition du N ord. parallèle à celle de la peinture; mais les destructions
furent si im portantes aux Pays-Bas q u ’il serait vain de
LA S C U L P T U R E A L L E M A N D E A U X V e SIÈCLE vouloir établir avec certitude une thèse au sujet de la
diffusion d ’un style de cour français ou bourguignon,
H ans M ultscher et M ichael Pacher étaient tous deux car il ne subsiste aucune sculpture de l’époque dans les
peintres et sculpteurs. Cela doit nous rappeler que toute trois centres de Bruxelles, Bruges ou Anvers. Le peu
étude de l’art allem and du x v e siècle doit se consacrer q u ’on puisse déduire du goût de cette période grâce aux
non seulement à la peinture, mais aussi à tous les dom aines œuvres créées à Dijon et à Prague vers 1400, tendrait
artistiques. Les œuvres les plus rem arquables furent à prouver que les drapés étaient alors de lignes à la fois
exécutées en m ajorité dans la région du Rhin et dans les plus lourdes et plus exubérantes. On retrouve des œuvres
duchés du Sud, en particulier la Souabe, la Lranconie de ce style en Allemagne pendant la première moitié
et la Bavière, zones parsemées de villes riches et floris­ du siècle, dans une ville comme N urem berg, bien q u ’elles
santes. Aucun de ces centres provinciaux ne pouvait n ’aient pas le réalisme détaillé et la puissance d ’expression
prétendre, certes, à la concentration artistique q u ’on de la sculpture de Sluter. Certaines exceptions se détachent,
trouvait à Llorence. Mais de même que Borgo San Sepol- comme, par exemple, H ans M ultscher que nous avons
109

déjà cité. Il travailla surtout en Souabe et à Ulm. Au


Tyrol également, à V ipiteno (autrefois appelé Sterzing)
on a retrouvé les restes d ’un grand retable sculpté q u ’il 70
exécuta entre 1456 et 1458. La figure centrale, une Vierge,
au visage allongé et grave, bien q u ’elle rappelle Sluter,
s’inspire peut-être de la peinture flam ande. A utre point
intéressant : le drapé au to u r des m ains et des pieds de
la Vierge semble conform e à une tradition nouvelle. Les
plis dessinent des motifs décoratifs plus anguleux et
plus serrés : c ’est ce q u ’on appelle le style « froissé »
que la peinture flam ande avait déjà adopté et qui donne
à la sculpture flam ande de la fin du Moyen Age toute sa
personnalité annonçant déjà l ’œuvre de N ikolaus G erhaert. 7i
G erhaert travailla surtout en Alsace entre 1463 et 1467,
puis, à la dem ande de l’em pereur Frédéric III, il se rendit
à Vienne. Il devait m ourir à W iener N eustadt en 1473.
On pense q u ’il était originaire de H ollande et, bien q u ’on
ne sache rien de sa form ation, il se peut q u ’il ait voyagé
en France et aux Pays-Bas. Il pratiqua presque tous les
genres de sculpture, et sa maîtrise du détail naturaliste
est digne de celle d ’un Jan van Eyck. Son œuvre nous
est parvenue à l’état fragm entaire et cependant une
tendance s ’y détache nettem ent : son style annonce
l’apparition en sculpture de drapés d 'u n « style froissé »
parvenu à m aturité.
C ’est sans doute l’œuvre de G erhaert qui fixa de manière
définitive les caractéristiques de la sculpture allem ande
du x v e siècle. Déjà avant la m ort de G erhaert, Michael
Pacher avait com m encé son chef-d’œuvre, le retable
de Saint-W olfgang, d ’une richesse étonnante. Il faut 66
rem arquer cependant que la confusion est absente de la
sculpture centrale, le Couronnement de la Vierge, malgré
la profusion des détails. Les tendances fortem ent déco­
ratives de cette œuvre sont mises en valeur par un emploi
très habile de la profondeur qui divise l’espace en une
série d ’unités faciles à saisir. La profondeur est également
utilisée pour produire des effets dram atiques d ’om bre
et de lumière. Ainsi, les deux saints qui flanquent le
retable semblent ém erger de l’obscurité des recoins dans
lesquels ils se tiennent.
Trois noms doivent être cités si l’on veut donner une
juste idée de la qualité et de la portée de l’œuvre produite
par la génération de sculpteurs allem ands qui succéda à
G erhaert et à Pacher. Erasm us G rasser qui travailla 72
surtout à M unich et aux environs (Bavière), exécuta en
1480 un ensemble de petites figures destinées à décorer
le R athaus, dans cette même ville. Les figures sont
représentées dans des attitudes diverses et chacune est
fortem ent caractérisée. Veit Stoss, sculpteur contem porain
de N urem berg, fut sans doute un artiste plus rem arquable.
Ses figures nous frappent par leurs visages très vivants
et expressifs, et par l’extrême com plexité des drapés.
De toutes les m anifestations du « style froissé » de la 73
fin de la période gothique, les drapés de Veit Stoss sont
70. Hans Multscher. Vierge à l'enfant. 1456-1458. Frauenkirche, sans doute les plus personnels et les plus tourm entés.
Vipiteno (Sterzing). Figure centrale d ’un grand retable. Les souples Le seul sculpteur contem porain de Stoss qui nous
drapés du début du siècle ont été remplacés par un style plus angu­
apparaisse comme un rival sérieux était un artiste de
laire ou « froissé ». Ce style atteignit son apogée dans l’œuvre d ’un
artiste comme Veit Stoss (illustration noire n° 73).
W ürsburg, Tilm ann Riemenschneider. Sa sculpture nous
apparaît, par com paraison, beaucoup plus réservée et
ses drapés, bien que complexes, n ’ont pas la violence
exagérée de ceux de Veit Stoss. Ses visages, bien q u ’expres-
110

71. Nikolaus Gerhaert. Portrait. 1465 environ. Grès. Hauteur 41 cm. 72. Erasmus Grasser. Danseur. 1480environ. Bois. Rathaus, Munich.
Collection privée. On sait très peu de chose de Gerhaert, bien qu’il Cette figure sculptée fait partie, avec d ’autres, de la décoration
ait été, semble-t-il, un très brillant sculpteur. Ce portrait d ’un homme latérale de la salle du conseil. Chaque figure représente une pose
aveugle ou endormi nous donne un bel exemple du réalisme de différente et l ’ensemble constitue un prolongement intéressant
son art. de la forte caractérisation de la sculpture de Gerhaert, plus ancienne.

sifs, ne sont pas aussi fortem ent m arqués. D ans tout PR E M IE R S SIG N E S DE L ’iN F L U E N C E DE LA R EN A ISSA N C E
groupe sculpté, la sobriété rend plus aisée la com pré­ IT A L IE N N E
hension de l ’œuvre. Les retables de Riem enschneider
nous apparaissent souvent com m e des scènes bien L ’assim ilation des idées de la Renaissance dans le N ord
ordonnées et on sent que l’artiste a cherché à rendre n ’im pliqua pas nécessairem ent l’adoption totale d ’un
com préhensible le dram e qui s’y déroulait. Ses retables style étranger. A la cour de France, le peintre Jean F ouquet 69
qui nous sont parvenus sont percés, à l’arrière, de toutes produisit des œuvres qui m ontraient de nom breux signes
petites fenêtres qui laissent pénétrer la lumière. de l’influence italienne. Au cours de sa carrière qui va
Nous sommes désorm ais en mesure de saisir pleinem ent de 1440 à 1481, il se rendit à Rom e et put sans doute voir
la force et l’excellence de la trad itio n artistique du N ord. l’œuvre de Piero délia Francesca et de F ra Angelico.
L ’architecture de la fin de la période gothique dans le C ependant, les deux traits italiens qui reviennent le plus
N ord se révèle au m oins aussi variée et intéressante q u ’en souvent dans ses tableaux sont l’emploi d ’un type de
Italie. Son apogée fut m arqué p ar le style perpendiculaire perspective linéaire et l’apparition fréquente d ’éléments
anglais ou les réalisations des architectes allem ands. architecturaux du Q uattrocento florentin. Le volum e et
L ’architecture de Brunelleschi au rait peut-être paru la simplification rem arquable des têtes et des membres
prosaïque au voyageur venu de N urem berg, et le clocher de ses personnages rappellent égalem ent l’a rt italien.
67 de la cathédrale de Strasbourg lui aurait peut-être paru On retrouve une approche identique dans l’œuvre du
plus spectaculaire que le dôm e de la cathédrale de m aître anonym e auteur du retable de la cathédrale de
68 Florence. L ’intérieur de la chapelle de K ing’s College, M oulins (le m aître de M oulins) : on pouvait s’attendre
à Cam bridge, aurait-il semblé m oins splendide que à cette évolution si l’on considère les progrès faits par
6t l’intérieur de la chapelle du pape Sixte IV, la chapelle l’influence italienne pendant le siècle précédent. Les
Sixtine? Les différences de technique et de goût étaient artistes dans le N ord s’étaient souvent intéressés à la
à vrai dire aussi profondes que celles que l’on pouvait structure et aux éléments de la peinture italienne, et, bien
découvrir entre Veit Stoss et son contem porain A ndrea avant cette date, des détails décoratifs italiens avaient
Sansovino. été assimilés.
111

O n découvre une influence du même type dans la


châsse de saint Sebald à N urem berg, exécutée par la 74
famille Vischer, entre 1508 et 1519. Elle contient beaucoup
de petites sculptures décoratives dont certaines s’inspirent
nettem ent de la sculpture décorative du début du
X V e siècle, avant que le style « froissé » ne l’em porte.
On ne sait pas dans quelle mesure la clarification de la
structure vient d ’une influence italienne (H erm ann Vischer
se rendit en Italie en 1515). M ais dans son ensemble,
l’œuvre est encore nettem ent nordique.
M ême les éléments les plus nettem ent italiens pouvaient
être adaptés à la peinture du N ord. Le peintre de cour
Lucas C ranach qui, à l’exception d ’un b ref séjour à
Vienne, passa la m ajorité de son existence à la cour
saxonne de W ittenberg, prit un certain nom bre d ’idées
dans des peintures italiennes q u ’il avait dû voir. L ’une
d ’elles était un sujet fam ilier à l’art vénitien, le nu féminin 70
allongé, genre qui devait plaire à l’Électeur de Saxe.
Et p o u rtant, nul n ’au rait songé à accuser C ranach de
plagiat. Il ad apta l’idée de base à son propre style et
d ’une manière très personnelle. Ces nus, bien q u ’ils
n ’aient pas les proportions classiques et que leurs traits
soient nettem ent germ ains, n ’en sont pas moins charm ants.

l ’a t t r a i t du nouveau s t y l e it a l ie n

Vers la fin du x v e siècle, l’attitude des gens du N ord à


l’égard de l’art italien changea profondém ent. L ’assimi­
lation ne suffisait plus. On en venait à la reproduction
exacte et à l’im itation. L ’a rt italien était le seul digne de
ce nom et il eût été im pensable de le mêler de traditions
locales. Il semble que le point crucial ait été atteint
lo rsq u ’on en vint à penser q u ’il était indispensable de
faire venir dans le N ord des artistes italiens — attitude
qui était apparue pour la première fois lorsque le Florentin
A ndréa Sansovino s’était rendu au Portugal, à l’invitation
du roi de ce pays. Au début du siècle suivant, le tom beau
royal d ’Henry VII d ’A ngleterre avait été exécuté par un
Italien (Pietro Torrigiano), événement qui ne s’était
jam ais produit depuis l’époque d ’H enry III au x m e siècle.
M ais de toutes les cours européennes, ce fut certainem ent
la famille royale de France qui avait été en contact le
plus étroit avec l’a rt italien, puisque, pendant les troubles
politiques de la fin du x v e siècle et du début du x v ie,
Charles V III et Louis XII avaient envahi l’Italie. Il est
très significatif que le tom beau de Louis X II ait été 7s
l’œuvre de deux frères italiens : A ntonio et G iovanni
Giusti (1515-1531). A lors q u ’à la même époque à peu
près, l’em pereur Maximilien se contentait de confier 76
l’exécution d ’un m ausolée familial, à Innsbruck, à divers
artistes allem ands (1508-1533).
L ’apparition d ’un style de la Renaissance italienne
dans le N ord fut sans doute favorisée par le fait que les
nobles mécènes étaient im pressionnés par cet art. Mais
l’art italien avait en outre quelque chose q u ’aucun a rt
73. Veit Stoss. Saint André. 1505 environ. Bois. Hauteur 2 m. européen ne possédait : il était associé à une tradition
Saint-Sebald, Nuremberg. L ’œuvre de Stoss se détache à une littéraire qui fournissait les critères de la beauté, ainsi
époque où la sculpture était par ailleurs remarquable. Les drapés q u ’à un vocabulaire de critique artistique encore en
de ses figures sont peut-être complexes, leurs traits tourmentés, gestation. L ’Italie était déjà un pays producteur de
mais elles sont l’aboutissement d ’éléments déjà présents dans traités littéraires et un pays où les gens cultivés étaient
l ’œuvre de Gerhaert. prêts à s ’intéresser aux arts. Les Italiens avaient découvert
112

le moyen de distinguer le « beau » du « laid », comme


s ’ils avaient goûté à une nouvelle source de connaissance.
Au fur et à mesure q u ’on avança dans le x v ie siècle, on
en vint à penser que toute œuvre d ’art qui s ’inspirait de
modèles antiques, était « belle », et que le reste (c’est-à-
dire la m ajorité de l’art du N ord teinté d ’influence
gothique) était laid. Il faut cependant adm ettre q u ’un
écrivain averti comme Vasari adm irait la technique
détaillée de bien des artistes flamands.
Benvenuto Cellini nous raconte dans son autobiographie
une histoire intéressante m ettant en évidence l’apparente
« beauté » de l’a rt dérivé de l’A ntiquité. Alors que le
Prim atice travaillait po u r le roi de France François I er,
il persuada le m onarque de l’envoyer à Rom e pour en
rap p o rter des plâtres de certaines sculptures antiques
célèbres. Il dit au roi que lorsque Sa M ajesté aurait
contem plé une fois ces œuvres merveilleuses, il pourrait,
mais pas avant, critiquer les arts, car toutes les œuvres
m odernes q u ’il avait pu voir étaient loin d ’atteindre à la
perfection des anciens. Cette attitude dut profondém ent
influencer les mécènes, les collectionneurs et les connais­
seurs. Une propagande perpétuelle de ce genre finissait
par donner à ceux qui protégeaient un art du style d ’un
Veit Stoss, le sentim ent q u ’ils étaient irrém édiablem ent
incultes.
Le désir d ’im iter les styles de l’apogée de la Renaissance
naquit bientôt au cœur des artistes eux-mêmes, en parti­
culier aux Pays-Bas, et les résultats de cette attitude
étaient loin d ’être heureux. Jan G ossaert appelé M abuse, 74
peintre un peu plus jeune que C ranach, nous fournit
cependant un intéressant point de com paraison. Il fut,
lui aussi, influencé p ar les modèles italiens; m ais après
un voyage en Italie, il contem pla vraim ent ces modèles.
Il désirait certainem ent im iter l’idéal classique. Mais son
réalisme flam and presque pénible, sa technique m aladroite
et l’articulation incertaine de ses œuvres, privent ses
figures de tout charm e (à l’opposé des nym phes de
C ranach). Le spectateur garde une im pression de ridicule
lourd et sans grâce. G ossaert fut le prem ier d ’une lignée
de peintres flamands, surnom m és les « rom anistes » en
raison de leur enthousiasm e po u r l’art rom ain ancien et
m oderne. Cet enthousiasm e fut certainem ent favorisé
par la présence des dessins de R aphaël à Bruxelles
entre 1516 et 1519, car c ’est là que furent tissées les
74. La famille Vischer. Châsse de saint Sebald. 1508-1519. Bronze. tapisseries destinées à la chapelle Sixtine. Il fut aussi
Saint-Sebald, Nuremberg. Cette œuvre qui forme un contraste stimulé par des voyages fréquents en Italie. C ’est ainsi
intéressant avec l ’œuvre contemporaine de Stoss, fut exécutée par que Jan van Scorel, d ’U trecht, s ’y rendit entre 1520 et
Peter Vischer l’Ancien et ses deux fils Peter et Hermann. Le m onu­ 1524; son élève M aerten van Heem skerck en 1532, et
ment est traditionnel dans son ensemble, mais les figures sont d ’une Bernard van Orley, de Bruxelles, à une date inconnue.
simplicité remarquable (à l ’encontre de celles de Stoss) et de nom ­ C ’est ce qui explique l’apparition, à ce m om ent, de
breux détails ont été importés d ’Italie. divers éléments non flam ands dans la peinture des artistes
du N ord, études de nus, raccourcis saisissants, figures
aux attitudes savam m ent contrastées et lourds détails
architecturaux à la Bramante.

( Suite page 129 )


113

LA RENAISSANCE ITALI ENNE siasme pour la culture italienne se répandit comme le point de départ d 'une évolution
AU-D ELA DES ALPES au nord des Alpes. L 'un des premiers par laquelle les idées et règles venues du
artistes du Nord à se passionner po ur l'art Sud a lla ient influencer profondément 1'art
62. Albert Dürer. Autoportrait. 1498. Pein- italien fut Albert Dürer. On peut donc du Nord.
ture sur panneau (52 x 4 1 cm). Prado, considérer cet autoportrait, peint peu de
Madrid. A partir de 1490 environ, l'enthou- temps après sa première visite à Venise,
114
115

L'ART FLAMAND AVANT ET APRÈS 64. (ci-dessus) Bartholomé Spranger. Her-


cule et Omphale. 1575-1580. Peinture sur
63. (page précédente) Hugo van des Goes. panneau (24 x 29 cm). Kunsthistorisches
Retable Portinari. Volet de droite. 1475 Museum, Vienne. Spranger qui avait été
environ (2,53 x 1,41 rn). Offices, Florence. formé à Anvers, se rendit à Rome, puis à
Il est intéressant de noter que malgré toutes Vienne et à Prague. Au cours de sa car-
les différences de goût et de style, la pein- rière, il se créa un style personnel, teinté
ture flamande était appréciée des riches d'italianisme, qui, quels qu'en soient les
Italiens et des collectionneurs comme la mérites, reste très différent de celui d'Hugo
famille Portinari. Hugo van der Goes est van der Goes. Telle était l'importance de
J'un des plus grands artistes flamands de l'influence exercée par l'art italien sur le
la fin du xv• siècle qui peignait encore dans Nord.
Je style de Van Eyck et de Roger van der
Weyden.
11 6

LES TRADITIONS ARTISTIQUES


DANS LE NORD AU xv• SIÈCLE
66. (page suivante) Michael Pacher. Cou-
ronnement de la Vierge. 1471 -1481. Pan-
65. Michael Pacher. Les Pères de l'Église. neau central du retable de Saint-Wolfgang.
Fait partie d'un-retable de Neustift (Tyrol). Peinture sur bois (3,90 x 3,16 rn). Exemple
1482-1483. Peinture sur panneau. (Chaque superbe d'un type de retable allemand
volet fait 206 x 91 cm.) Alte Pinakothek, répandu. Pacher était à la fois peintre et
Munich. A un certain stade de sa carrière, sculpteur, ce qui explique peut-être l'impor-
Michel Pacher subit l'influence de Man- tance qu'il attache à la reproduction d' un
tegna et de ses élèves. C'est ce qui expli- espace à trois dimensions dans ses tableaux.
querait le soin particulier apporté aux La complexité des motifs en ajours du dais
effets de perspective et la vigueur du style. est particulièrement remarquable ; ces
Malgré cela, on ne décèle aucun désir motifs étaient typiques de l'architecture
d'introduire des motifs antiques. et de la sculpture à la fin du xv• siècle.
11 8
119

INTÉRIEURS D'ÉGLISES DU NOR D 68. (ci-dessus) Chapelle de King's Co/lege,


Cambridge. Les plans furent dessinésau
67. (page précédente) Saint-Lorenz, Nurem- xv• siècle et la chapelle érigée entre 1508 et
berg. Cette église, conçue et construite vers 1515. A la même époque, on commença
1489, est une « hallenkirchen », type à construire Saint-Pierre de Rome. C'est
s'élèvent tardif dans lequel les bas-côtés l'un des monuments les plus imposants du
gothique à la même hauteur que la nef. style vertical anglais. Le caractère somp-
Nuremberg possède deux grandes églises tueux de l'intérieur souligne le fait que
de ce type. Saint-Lorenz possède un taber- cette chapelle était une fondation royale.
nacle extrêmement fouillé (1493-1496), Le jubé, ajouté entre 1533 et 1535, est
œuvre d 'Adam Krafft, que l'on peut voir l'une des premières réalisations de style
sur cette photo. Les ornements rappellent italien exécutées en Angleterre.
ceux du retable de Saint-Wolfgang (illus-
tration couleur n• 66). Saint-Lorenz pos-
sède également diverses œuvres de Veit
Stoss.
120

LA DIFFUSION DE L'ART ITALIEN

69. Jean Fouquet. Visitation . Page extraite


des Heures d'Étienne Chevalier. 1452-1460
environ. Peinture sur vélin. Le style des
drapés et des figures est nordique, mais le
cadre est italien, sans doute florentin.
L'architecture classique et les cyprès der-
rière le mur sont typiques et apparaissent
souvent dans les œuvres florentines de
l'époque. Les règles de la perspective telles
qu 'Alberti les avaient définies, ont été
scrupuleusement observées.

70. Lucas Cranach. Nymphe. 1530 environ.


Peinture sur panneau (73 x 109 cm). Col-
lection Thyssen-Bornemisza, Suisse. Cra-
nach était un portraitiste doué, mais il
exécuta aussi, pour la cour de Saxe, un cer-
tain nombre de tableaux érotiques, ens ' ins-
pirant d 'œuvres vénitiennes (Giorgione,
Titien, Palma Vecchio). On peut d'ailleurs
se demander jusqu'à quel point l'auteur
s'est inspiré d'exemples italiens. Une
comparaison avec Titien (illustration cou-
leur n• 92) permet de dire que Cranach a su
traduire d'une manière profondément alle-
mande une idée venue du Sud.
121

71. Attribué à Geertgen tot Sint Jans. dememe obscure. Cette œuvre est unique en les liens entre les deux œuvres, ce chef-
Nativité. 1490 environ. Peintme sur pan- son genre dans le nord de l'Europe au d'œuvre de Geertgen occupe une place
neau (34 x 25 cm). National Gallery, xv• siècle, et on peut la rapprocher du Rêve capitale dans l'histoire de la peintme.
Londres. Les origines de cette remarquable de Constantin de Piero della Francesca, à
étude des jeux d'ombre et de lumière Arezzo (1450 environ). Quels que soient
122

LES ARTISTES ITALIENS EN FRANCE

72. Francesco Primaticcio (Le Primatice).


Enlèvement d'Hélène. 1540 environ. Pein-
ture sur toile (155,5 x 188,5 cm). Bowes
Museum, Barnard Castle. Cette œuvre
constitue un bel exemple du style des
artistes que François J•• avait fait venir en
France. Le style est romain (il est intéres-
sant de le comparer à celui de Jacopino
del Conte ou de Salviati, illustrations
noires n•• 59 et 60). On trouve également
trace de l'influence de Giulio Romano et
de Parmigianino (illustration couleur n• 56)
Ce style influença énormément les sculp-
teurs locaux.

73. Benvenuto Cellini. Salière de François


J••. Or, émail et pierres précieuses. Hau-
teur 26 cm. Kunsthistorisches Museum,
Vienne. Cette célèbre salière, exécutée en
1543 et destinée à François ["', s'inspirait
d'un modèle exécuté en 1539 pour le cardi-
nal d'Este à Ferrare. Comme dans les
grandes fon taines de l'époque, formes et
iconographie en sont complexes; les figures
représentent l'Océan (Neptune) et la Terre.
La grande élégance des personnages
autorise la comparaison avec le style d u
Primatice.
123
124

74. (page précédente) Jan Gossaert gne par Giovanni Bologna. De Vries fut
(Mabuse). Neptune et Amphitrite. 1516 envi- l'élève de Bologna à Florence. C'est pour-
ron. Peinture sur panneau (1 ,88 x 1,24 rn). quoi cette ressemblance est parfaitement
Musées de l'État, Berlin-Dahlem. Les pre- normale. Des artistes comme de Vries et
mière-s tentatives d'imitation de l'art ita- des œuvres comme cette fontaine, contri-
lien par les Flamands paraissent souvent buèrent beaucoup à la diffusion du véri-
ridicules à ceux qui les contemplent table style italien.
aujourd'hui. Il n'en demeure pas moins
que les artistes flamands furent les plus
grands admirateurs de l'Italie et de l'art
a ntique. Cette admiration nous a valu de
multiples œuvres mineures, tels les très
beaux dessins de la ville de Rome par
Heemskerck. C'est dans ce pays qu'allaient
apparaître plus tard des artistes importants,
tel Spranger (illustration couleur n• 64)
ou Adriaen de Vries (ci-dessous).

75. Adriaen de Vries. Foflfaine d'Hercule.


1602. Parmi les premières œuvres de
De Vries, on compte deux grandes fontaines
réalisées pour la ville d'Augsbourg. L'une
d 'elles, la fontaine d 'Hercule, en rappelle
une autre, du même nom, exécutée à Bolo-

76. Wenzel Jamnitzer. Le Printemps.


Bronze. Hauteur: 71 cm. Kunsthistorisches
Museum, Vienne. L'une des quatre figures
allégoriques qui faisaient partie d'une fon-
taine exécutée pour la cour impériale.
L'œuvre de Jamnitzer, à partir de 1545,
tout comme celle de Spranger, marque
l'acceptation d'un style italianisant. On ne
connaît pas avec précision les influences
qui s'exercèrent sur Jamnitzer ; ces figures
appartiennent néanmoins clairement au
même groupe stylistique que celles de Par-
migianino, du Primatice et de Cellini

- ..
~~ - --- ·· ----- -- . -
t. ........ ~
(illustrations couleur n•• 56, 72, 73).
LA DIFFUSION D'UN STYLE ITALIANISANT
DANS L 'ARCHITECTURE DU NORD

77. Pierre Lescot. Façade du Louvre. Paris.


1546 environ. Cette façade qui fait partie
des nouveaux bât iments du Louvre, com-
mencée en 1546, est remarquable par la
sobriété des lignes. Ses qualités n'appa-
raissent d'ailleurs peut-être qu'après une
comparaison avec d'autres édifices contem-
porains : Somerset House, à Londres (illus-
tration noire n• 81) ou le château d' Heidel-
berg (ci-dessous). Cependant, aucun édifice
ne pourrait prétendre au classicisme massif
et grandiose du palais de Charles Quint à
Grenade (illustration noire n• 8.3).

78. Ottheinrichsbau, à Heidelberg. 1556-


1559. Comme c'est souvent le cas lorsqu'on
s'essaie à un nouveau style, on a commis
des erreurs et des excès ici; on y décèle
une horror vacui qui ne va pas sans rappe-
ler certaines phases de l'art médiéval. Une
comparaison avec I'Escurial ou le palais
de Charles Quint à Grenade (illustration
noire n• 83) met en évidence l'aspect
tapageur des détails classiques.
126
127

LES PAYSAG ES DANS LA PEINTURE DU NORD paysages très doué : il exécuta de très 80. (ci-dessus) Pierre Breughel l'Ancien.
beaux tableaux représentant collines boi- Paysage au gibet . Signé et daté 1568. Pein-
79. (page précédente) Albrecht Altdorfer. sées et lacs; alors qu'à cette époque o n ture sur panneau (46 x 51 cm). Hessis-
Paysage du Danube. 1520 environ. Pein- plaçait encore une figure dans les paysages, ches Landes museum, D armstadt. Les sujets
ture sur panneau (30,5 x 22 cm). Alte l'artiste a laissé ici le paysage envahir son des œuvres de Breughel sont souvent énig-
Pinakothek, Munich. On a tendance à tableau. matiques . Ici, la beauté du paysage et
réduire la peinture de paysage dans le Nord l' innocence des jeux d'enfants fo rment un
à l'œuvre de Breughel. Pourtant, nombre contraste peut-être voulu avec la silhouette
de ses prédécesseurs - Geertgen tot Sint lugubre d'un gibet désert. La beauté de la
Jans, Patenir et Dürer entre autres - scène n'est pas vaine; ici comme souvent
s' intéressèrent à la peinture de la nature. dans ses œuvres, Breughel transmet un
A lbrecht Altdorfer, dans une tout autre message moral.
partie de l'Allemagne, fut un peintre de
D U R E R ET L ’IT A LIE

L ’influence tyrannique de l’Italie apparaît égalem ent dans


la carrière d ’un grand artiste qui n ’a rien de com m un
avec les « rom anistes ». C ’est A lbert D ürer, né à N urem ­
berg, dont les œuvres doivent donc être rapprochées
de celle de Veit Stoss et de la famille Vischer. D ürer
reçut une form ation de peintre et de graveur d ’après le
style post-rogérien qui avait cours entre 1486 et 1489. Il
adm irait beaucoup le graveur M artin Schongauer, de
Colm ar, qui avait lui aussi été influencé p ar le style de
Roger van der Weyden. Cette form ation initiale laissa
une em preinte perm anente sur l’œuvre de D ürer, bien
q u ’il ait assimilé de nom breuses idées venues d ’Italie.
D ürer est un des grands artistes d o n t l’œuvre conserva
son caractère nordique envers et contre to u t, et malgré
le fait q u ’il avait étudié les bases de l’a rt italien plus
profondém ent q u ’aucun de ses contem porains allem ands.
C ’est peut-être précisém ent parce q u ’il ne voulait pas
être un im itateur servile. D ürer fit deux séjours en Italie
(1494-1495 et 1505-1507) et, entre ces voyages, il en vint
à être absolum ent fasciné p ar les théories artistiques
ém anant d'Italie. C ’est sans doute au cours de son prem ier 75. Antonio et Giovanni Giusti. Tombeau de Louis XII. 1515-1531.
Marbre. Saint-Denis, Paris. Bien qu’on ne sache à qui attribuer
séjour q u ’il rencontra l’artiste vénitien Jacopo de Barbari
la totalité de ce monument, la présence de sculpteurs italiens à la
qui lui m ontra deux dessins représentant un hom m e
cour de France provoqua un changement dans l ’attitude des Fran­
et une femme « construits à l’aide de mesures », mais qui çais vis-à-vis des goûts artistiques italiens. D ès ce monument-là,
refusa de lui révéler à quoi correspondaient ces mesures. François Ier essaya systématiquement de diffuser en France un style
D ürer crut pendant quelque tem ps, semble-t-il, que les classique authentique et fit venir à sa cour, dans ce but, des artistes
Italiens avaient découvert des secrets artistiques qui italiens.
leur avaient donné la clé de la beauté.
Il s ’ensuivit dans la carrière de D ürer une phase idéaliste 76. Tombeau de Maximilien / " . 1508-1533. Bronze. Hofkirche,
77 qui atteignit son apogée avec son Adam et Ève gravé Innsbruck. D e nombreux artistes allemands participèrent à ce
en 1504. L ’œuvre, à part le visage d ’Ève, est très italienne. projet dans lequel le défunt était représenté, entouré de ses ancêtres
L ’attitude de D ürer à l’égard de la théorie des p ropor­ illustres. La « généalogie familiale » est un m otif ancien de l ’art du
tions évolua ensuite bien au-delà de cette simple recherche nord de l ’Europe et, dans son ensemble, ce monument suivait les
traditions nordiques (comparer avec l’illustration noire n° 75).
d ’un idéal unique. Mais ce qui est frappant, c ’est q u ’il
ait accepté l’idée italienne que le « bon a rt » répond à
des règles qui peuvent d onner lieu à une analyse acadé­
m ique, puis être form ulées dans des recueils.
Il écrivit donc Quatre livres sur les proportions chez
l'hom m e (publiés peu après sa m ort). Il fit égalem ent
d ’autres projets d ’essais, un traité sur l’architecture, entre
autres, mais ne les écrivit jam ais. Le ton de ces écrits est
tan tô t hum ble, tan tô t pédagogique : l’idée m aîtresse de
l’œuvre est l’existence d ’un bon art et d ’un m auvais art,
ce dernier pouvant se reconnaître lorsque l’intelligence
vient au secours de l’expertise technique.
Cet aspect de l’italianism e de D ürer est fréquem m ent
mis en évidence, car il est effectivement intéressant,

81 (page précédente). Hans Holbein. Henry VIII. 1542. Huile et


détrempe sur bois. (219 x 66 cm). Collection George Howard,
Howard Castle, Yorkshire. L ’un des derniers et des plus beaux
portraits de cour exécutés par Holbein. Il est proche des portraits
des Médicis par Bronzino et des œuvres des artistes impériaux,
tel Jakob Seisenegger. La technique d ’Holbein convenait bien à son
style, mais ses portraits de personnages plus sympathiques témoi­
gnent d ’une plus grande sensibilité.
130

77. Albert Durer. Adam et Ève. 1504. Gravure. (24 x 19 cm). Cette 78. Mathias Grünewald. Crucifixion. 1512 environ. Bois de citron­
œuvre de Durer est sans doute la plus italianisante, bien que les nier. (61,5 x 46 cm). Kress collection, National Gallery, Washing­
détails du feuillage, à l’arrière-plan, et le visage d ’Ève atténuent ton. Le réalisme de Grünewald était d ’une intensité impitoyable
cette impression. L’inspiration italienne ne fait par contre aucun qui est particulièrement frappante dans ses représentations de la
doute pour la figure d ’Adam. Dürer fut le premier artiste nordique Passion du Christ.
qui essaya de maîtriser la théorie de l ’art italien.

et aussi parce q u ’il est inattendu chez un artiste non étaient avant tout les héritiers de la tradition allem ande
italien, à cette époque. La réputation de D ürer, de son q u ’ils partageaient avec G rünew ald.
vivant, reposait sur son habileté artistique, su rto u t dans
le dom aine de la gravure. De p art et d ’autre des Alpes, FO N T A IN E B L E A U : É V O L U T IO N D E L ’A R T D E LA R E N A ISSA N C E
on adm ettait q u ’il avait porté l’art de la gravure à un EN FR A N C E
plan nouveau. M ais il n ’était q u ’un artiste allem and
parm i les autres, et, peu après sa m ort, son ami l’hum a­ L ’une après l’autre, les cours du nord de l’Europe
niste M elanchthon, le com parait sans gêne aucune à subirent le charm e de l’a rt antique. Il est probable q u ’à
C ranach et à G rünew ald (1531). Cela peut nous surprendre ce m om ent, le prestige croissant dont jouissaient l’éru­
au jo u rd ’hui. G rünew ald, artiste à la personnalité assez dition classique et les lettres jouèrent un rôle im portant.
terne, peignait avec un réalisme extraordinaire. Ainsi ses M ais l’influence des lettres sur les arts plastiques est
/« Crucifixions sont horribles et ne nous épargnent aucun souvent difficile à déceler. Le centre qui suivit la tendance
détail pénible : il peut nous paraître étrange q u ’on ait générale à im iter les arts italiens avec le plus d ’em pres­
découvert le m oindre lien entre son style et celui de sement fut certainem ent la France. Les rois français
D ürer. Et pou rtan t, M elanchthon ne vit pas q u ’ils offrirent une protection constante aux artistes italiens
s’opposaient. Il prit le style grandiose de D ürer, l ’opposa pendant toute la première m oitié du siècle.
à la grâce de C ranach et ajouta que G rünew ald se tenait Parm i les mécènes royaux, le plus im portant fut
à mi-chemin entre les deux. Avis intéressant car il perm et François I er qui com m ença par soutenir des talents aussi
de supposer q u ’en 1531, l’idée de la tradition allem ande inégaux que ceux des frères G iusti et de Léonard de Vinci
gothique était encore souveraine. M algré l’intérêt per­ (1517). F ra Bartolom m eo déclina une invitation, mais
sonnel très vif de D ürer p our les idées italiennes et l’inter­ A ndréa del Sarto l’accepta; cependant, il resta à peine
prétation que C ranach avait donnée des thèm es italiens, un an en France (1518-1519). La France perdit aussi
l’italianism e et le classicisme tenaient encore une place la contribution de l’architecte et sculpteur Jacopo Sanso-
secondaire dans les critiques de styles : D ürer et C ranach vino qui, au cours de son voyage, se laissa persuader de
131

79. François I e'. 1530 environ. Peinture à l ’huile sur toile. (96 80. Le Primatice. D étail de la chambre de la duchesse d'Étampes,
x 74 cm). Louvre, Paris. Peint ici par un artiste inconnu (Jean Clouet Fontainebleau. 1541-1545 environ. Peinture et stuc. Ceci illustre
disait-on autrefois), ce portrait représente François Ier, le premier bien certains aspects du « maniérisme de Fontainebleau ». Les
roi français qui ait patronné sans interruption les artistes venus figures sont extrêmement graciles et élégantes et le décor est exubé­
d ’Italie. Il entreprit de reconstruire Fontainebleau, et c ’est sous rant. Remarquer les volutes de plâtre, appelés « entrelacs », qui
son impulsion que commença la première phase du « maniérisme apparaissent ici pour la première fois dans l ’art de l ’Europe occi­
de Fontainebleau ». dentale.

dem eurer à Venise (1529). Les prem iers artistes italiens principales que Cellini exécuta à cette époque sont
im portants qui transform èrent totalem ent l’a rt de cour une salière en or (q u ’il avait commencée à Rome en 73
français furent Rosso Fiorentino qui arriva en 1530, et 1539) et un relief en bronze connu sous le nom de Nymphe
le Prim atice, de Bologne, qui q u itta M antoue pour la de Fontainebleau (1543-1544). D ans ces deux pièces, les
France en 1532. figures sont réalisées dans un style élégant qui rappelle
A cette époque, François I er avait déjà com m encé à le Prim atice; l’iconographie allégorique de la salière de
agrandir et am énager son château de Fontainebleau. François I er est complexe et Cellini en explique la signi­
Les œuvres d ’art qui y furent exécutées pendant les fication dans ses écrits.
décades suivantes expliquent le nom « d ’école de F ontaine­ La présence de ces artistes italiens et d ’autres, comme
bleau » donné aux œuvres diverses réalisées p o u r le roi; l’architecte Serlio (qui arriva en 1540 ou 1541), contribua
quant au style, il est désigné p ar le term e du « maniérisme à l’apparition précoce d ’un style local à tendance classique.
de Fontainebleau ». Rosso et le Prim atice se virent confier Cela apparaît lo rsqu’on com pare les extérieurs du
des œuvres à caractère surtout décoratif. S ’inspirant de Louvre tel q u ’il fut reconstruit vers 1546 et des édifices
leur expérience de Rom e et de M antoue, ils exécutèrent bâtis à la même époque dans les cours nordiques. La
des œuvres pleines de charm e et très personnelles, qui façade du Louvre fut dessinée par un architecte et érudit
72 subsistent encore en grand nom bre. On rem arque l’appa­ français Pierre Lescot, et sa surface assez sobre m anque 77
rition d ’un élém ent nouveau qui contribua à enrichir le peut-être de variété. On pense irrésistiblem ent au palais 26
décor de chaque pièce : c ’est la com binaison de peinture Rucellai d ’Alberti. C ependant deux autres palais s’ins­
so et de stucs qui, p our la prem ière fois, form ent d ’immenses pirèrent de l’œuvre de Lescot : le prem ier, Somerset
entrelacs. House fut construit à peu près à la même époque à
Par la suite, Benvenuto Cellini vint faire un b re f séjour Londres. C om paré au Louvre, il apparaît incohérent. 78
en 1537, puis revint et dem eura en France entre 1540 et L ’autre se trouve à Heidelberg ; la partie du château que
1545. Son style est très proche de celui du Prim atice qui l’on doit au prince O tton, com te palatin du Rhin, est
fut son grand rival à Fontainebleau. Les deux œuvres excessivement ornée (1556-1559).
81. John Thorpe. Façade de Somerset House, Londres. Début du
x v n e siècle. Dessin 27 x 43 cm. Musée Soane, Londres. Le palais
fut construit entre 1547 et 1552, et n ’existe plus aujourd’hui. C ’est
la première fois qu ’on essayait de construire en Angleterre un édifice
de style totalement italien, bien que la décoration soit inspirée
presque entièrement par des idées venues de France.

Le Français Philibert de L ’O rm e se révéla un architecte incontestable. Il avait pleinem ent m aîtrisé la syntaxe
de beaucoup plus grande valeur que l’auteur prudent de la sculpture de la Renaissance. Les Français, dans
et réservé du Louvre. Il était issu d ’une famille d ’archi­ le dom aine de la sculpture et de l’architecture, élaboraient
tectes, et, au début de sa vie, il se rendit en Italie, à Rome un style de lignée classique, m ais néanm oins très personnel.
en particulier (1533) où il étudia les ruines classiques. A u cours du x v ie siècle, il devient très difficile de suivre
A son retour, le roi de France lui confia plusieurs tâches. et d ’expliquer la diffusion des idées classiques et italiennes
Il com pila égalem ent un traité sur l’architecture qui dans l’a rt occidental. Les fantastiques idées décoratives,
p arut p o u r la prem ière fois en 1567. Cette idée lui était découvertes à Fontainebleau, furent assez largem ent
venue com m e à D ürer, d ’Italie. M ais lui aussi ne se imitées, car Fontainebleau était plus accessible à de
m ontra pas un simple im itateur de l’Italie. Son livre et nom breux artistes du N ord que l’Italie; en outre, les
ses édifices révèlent que les artistes français avaient créé innovations de Rosso et du Prim atice se répandirent
leur version personnelle du style classique. assez vite au m oyen de gravures. Ce phénom ène ne se
Le contexte italien qui avait favorisé l’apparition bo rna pas à la France, car dès la fin du x v e siècle, des
d ’architectes, occasionna égalem ent celle de deux sculp- gravures très populaires avaient favorisé la diffusion
65 teurs ém inents. Le prem ier, Jean G oujon, participa à de figures et de scènes. L ’idée de « publication » suivit
la décoration du Louvre avec Lescot. Le cham p de ses rapidem ent l’invention de l ’im prim erie et devint de plus
moyens d ’expression est assez réduit, mais vers le milieu en plus com m une, au cours du x v ie siècle.
du siècle, il avait m aîtrisé un style classique très sobre
et personnel qui éloignait radicalem ent son œuvre de l ’ a r t d e l a r e n a i s s a n c e e t l ’e m p i r e
celle d ’un nordique, s ’am usant avec un style nouveau
82 et à demi com pris. La sculpture de G erm ain Pilon est Le patronage des arts par la cour im périale fut assez
plus variée. C om parées à celles de G oujon, ses figures irrégulier au x v ie siècle. Les em pereurs n ’em ployèrent
nous sem blent plus lourdes et ses drapés plus exubérants. jam ais d ’artistes italiens sans arrière-pensées, à la diffé­
M ais son œuvre n ’en conserve pas moins une élégance rence des rois français. C ependant, quand ils se trouvaient
133

en Italie, ils sollicitaient les services d ’artistes italiens,


et Charles Q uint adm irait beaucoup les po rtraits de
Titien. M ais ils ne tém oignèrent jam ais d ’un désir profond
de classicisme. E t c ’est pourquoi les idées de la Renais­
sance leur parvenaient par des chemins détournés. Ainsi,
W enzel Jam nitzer, le principal orfèvre de la cour im périale 76
(à p artir de 1545) adopta-t-il un style de figure, voisin
de ceux de Cellini et du Prim atice, qui ne m anquait ni
d ’élégance ni d ’assurance. V enant de N urem berg, il
avait peu voyagé et il dut apprendre son style indirecte­
m ent, à partir de dessins et de gravures.
L ’im plantation en Allemagne d ’une tradition artistique
classique fut l’œuvre non pas d ’italiens de passage ou
d ’A llem ands enthousiastes, m ais d ’artistes flam ands
itinérants. Deux grands artistes étaient em ployés à la
cour im périale à la fin du x v ie siècle. L ’un d ’eux, Bartho- 64
lomé Spranger venait d ’Anvers. Il alla en Italie via Paris
et Lyon (1565-1566) et travailla à Parm e, puis à Rome.
Avec l’aide de son com patriote, G iovanni Bologna, il
p a rtit po u r Vienne (1575) au service de l’em pereur
M axim ilien II, puis de R udolf II (1576). De la sorte le
peintre de la cour de Vienne et de Prague, pendant le
dernier q u art du siècle, connaissait l ’art de cour parisien
et l’œuvre du Corrège et de Parm igianino, ainsi que l’art
rom ain, depuis la chapelle Sixtine ju sq u ’aux Stanze qui
étaient term inées lors de son départ. A ces sources, il
puisa un style où l’em porte la douceur de la technique.
Il semble que le Corrège et Parm igianino aient exercé
sur lui une influence profonde.
Le sculpteur A driaen de Vries, né à La Haye, était un
autre artiste de la cour des H absbourg. Com m e Spranger,
il se rendit en Italie au début de sa carrière et travailla
sous la direction de G iovanni Bologna à Florence. Après
un séjour de plusieurs années à Rom e et à Turin, il partit
p o u r A ugsbourg (1596), puis pour la cour de R udolf II,
à Prague (1601). En Italie déjà, il avait exécuté quelques
petits bronzes po u r l’em pereur qui tém oignent d ’une
m aîtrise totale du style de G iovanni Bologna. Et c ’est
sous l’influence d'œ uvres comme les deux fontaines q u ’il
réalisa à A ugsbourg (de M ercure et d ’Hercule) q u ’un 75
style classique indépendant apparut dans la sculpture
allemande.
Il est impossible de retracer ici l’évolution de l’a rt de
la Renaissance en E urope; cependant parm i les princes
allem ands, les Electeurs de Bavière m éritent d ’être cités.
L ’électeur A lbert V, à l’instar des princes italiens, fit
construire un A ntiquarium , musée destiné à abriter ses
collections, de style italien, entre 1569 et 1571. Plus tard,
(1581-1586) l’électeur G uillaum e V fit ériger le G ro tten h o f
et fit installer en son centre une fontaine, œuvre d ’un
sculpteur flam and H ubert G erhard (1590). L ’un des
chefs-d’œuvre de G erhard, une figure de saint Michel,
se dresse sur la façade de la M ichaelskirche, à M unich.
82. Germain Pilon. Le Christ ressuscité. 1583 environ. Saint-Paul-
Cette église est d ’ailleurs l’un des plus im portants édifices
Saint-Louis, Paris. Faisait partie d ’un ensemble destiné à la chapelle allem ands de la Renaissance. Elle fut conçue par un
des Valois, à Saint-Dénis, qui ne fut jamais achevée. Germain Pilon, architecte flam and au style classique, Friedrich Sustris.
fortement influencé par les artistes italiens de Fontainebleau et A ce stade, il faut faire deux rem arques : d ’abord le
par M ichel-Ange, sut cependant adapter ce style à sa forte person­ spectacle de ces deux œuvres d ’a rt m ajeures de la Renais­
nalité et exprimer l’ém otion à sa manière propre. sance « allem ande » exécutées p ar des Flam ands, nous
rappelle que to u t prosaïque q u ’a pu être l’art des
83. Pedro Machuca. Palais de Charles Quint, Grenade. La construc­ par l'architecte italien Serlio, cependant l’aspect massif de son archi­
tion du palais commença sans doute vers 1539. On sait peu de chose tecture la distingue des œuvres italiennes contemporaines exécutées
de cet architecte, mais sa façade a toute la monumentalité des édifices hors d ’Italie (voir les illustrations noire n" 81 et couleur n os 77 et 78).
de Bramante. Machuca adopta sans doute les idées répandues

« rom anistes », les Pays-Bas dem eurèrent l’un des prin­ rom ains formés au style de Pierino del Vaga et de Salviati.
cipaux centres européens qui se soient enthousiasm és Parm i ces trois artistes, il accorda sa préférence à un
pour l’art italien. Ensuite, les débuts incertains de l’art certain Pellegrino Tibaldi.
de la Renaissance allem ande et sa récente évolution La solennité de la cour des H absbourg est légendaire
im pliquaient que les prem iers grands m onum ents et il faut s ’attendre à en trouver l’écho dans l’art q u ’elle
classiques réalisés en Allemagne p ar les artistes flam ands patronna. Cela apparaît peut-être dans l’œuvre de
étaient lourdem ent influencés par l’art italien de la fin Tibaldi et de ses com pagnons. Mais si l’on prend pour
du x v ie siècle. Ainsi, comme c ’est le cas p our G erhard, point de com paraison l’œuvre des sculpteurs espagnols
lorsque le style italien fut enfin pleinem ent accepté en contem porains, cette tendance est encore plus nette dans
Allemagne, il était déjà presque baroque. des pièces com m andées à la famille Leoni de Milan.
Entre autres, Leone Leoni et son fils Pom peo exécutèrent
deux grands groupes de figures agenouillées, représentant
l ’a r t DE LA R EN A ISSA N C E EN E S PA G N E
des m em bres de la famille de Charles Q uint et de
Philippe II, groupes destinés à l’Escurial.
A la fin du x v e siècle, la sculpture et l’architecture espa­
gnoles en étaient venues à un style gothique excessivement C ’est sans doute le peu de goût que ressentaient
riche en ornem ents. Bien que des motifs italiens aient Philippe II et Charles Q uint pour le style ornem ental
gagné l’Espagne, le résultat produit était assez étrange. exubérant de l’art espagnol, qui les poussa à faire cons­
Ju sq u ’à la seconde moitié du siècle, l’a rt espagnol truire deux palais qui, non seulement ne ressem blent à
conserva un caractère fortem ent provincial et, à quelques aucun des édifices contem porains espagnols, mais qui
exceptions près, les idées de la Renaissance italienne sem blent extrêm em ent différents du reste de l’architecture
n ’avaient pas été assimilées. T out com m e en Allemagne, européenne.
cela s’explique peut-être par l’absence de trad ition de Le prem ier de ces palais fut bâti par Charles Q uint «
mécénat royal régulier. M ais même lorsque la richesse à G renade. L ’architecte, l’Espagnol Pedro M achuca, est
espagnole fut utilisée à des fins artistiques, on ne sentit peu connu, bien que le palais ait été construit après 1539.
pas la présence d ’un goût royal sûr. Philippe II collec­ Si cette date est exacte, le palais est unique en son genre
tionnait les œuvres étranges de Bosch. M ais lorsque le hors du sol italien. C ar, aucun architecte, pas même
Greco vint en Espagne en 1577, l’étrangeté de son œuvre Lescot au Louvre, n ’avait saisi aussi clairem ent l’essence
n ’intéressa pas le moins du m onde Philippe II. Il possédait de l’architecture de Bram ante et de ses adeptes. Alors
de nom breux tableaux de Titien. M ais pour décorer le que Lescot avait mis des motifs architecturaux comme
palais de l’Escurial en 1585, il fit venir trois peintres une sorte de revêtem ent décoratif, l’architecte a su leur
135

84. Alonso Berruguete. Transfiguration. 1543-1548. Cathédrale de


Tolède. Berruguete s ’était rendu en Italie avant cette époque (entre
1508 et 1517) et son style avait subi l ’influence des idées, des formes
et des décorations italiennes. Cependant, com me de nombreux
sculpteurs espagnols, il introduisit dans ses œuvres une sorte d ’exu­
bérance qui leur donne un caractère d ’extravagance légèrement
baroque.
«M4kèM-

q u ’il ne l ’est en fait, car gestes et m ouvem ents s ’allient à


des détails italiens en un style plus couram m ent associé
à l’art du x v n e q u ’à l’a rt du milieu du xvT siècle.

P O R T R A IT S ET PA Y SA G ES

Le xvT siècle ne fut pas dans l’ensemble un siècle rem ar­


quable sur le plan de la peinture dans le nord de l’Europe.
Il y eut deux pôles créateurs : l’un, représenté par C ranach
qui avait assimilé les idées italiennes et avait élaboré à
p artir de là son style personnel; l’autre, illustré par
Spranger qui s ’était forgé un style propre de caractère
italien. A p art cela, la peinture en France et aux Pays-Bas
se situait entre ces deux points et relevait plutôt de
l’im itation. Il n ’est, par conséquent, pas étonnant que,
donner ici une densité et une souplesse qui conviennent
dans l’ensemble, les artistes aient produit des œuvres
parfaitem ent à leur fonction.
excellentes dans les genres que le classicisme venu du
La simplicité de ce style n ’exerça aucune influence Sud n ’avait pas touchés, c ’est-à-dire, la peinture de
apparente sur l ’architecture espagnole. La suite stylistique paysages et le portrait. Le x v ie siècle produisit d ’excellents
de cet édifice fut aussi un palais royal : FEscurial. Le plan portraitistes dans le nord de l’Europe : Massys, G ossaert
et l ’exécution furent égalem ent exécutés p ar des Espagnols, et Jean Clouet. M ais aucun n ’égala H ans H olbein, 79
Juan B autista de Tolède et Juan de H errera, et les travaux artiste suisse originaire de Bâle. Holbein savait reproduire
com m encèrent en 1562. Le style rappelle égalem ent dans le détail le costum e de ses modèles, à une époque où,
l’architecture rom aine, m ais l’échelle, la com plexité du en Italie et dans le N ord, on accordait une grande im por­
plan et l’austérité générale du style en font un m onum ent tance à ce genre de détail. M ais surtout, et c ’est le propre
exceptionnel en Europe. M ême en Italie, on ne trouve pas des grands portraitistes, il savait fixer sur la toile la
de parallèle satisfaisant. Ici, donc, entre le goût conven­ personnalité du sujet grâce à ses dons d ’observation et
tionnel de la cour et la vigueur de la tradition, on découvre d ’analyse. Ainsi les portraits de H olbein sont-ils toujours si
les prem ières m anifestations d ’un style classique du subtils e t variés, ce qui leur confère un intérêt et une
x v n e siècle, extrêm em ent individualisé. vitalité rem arquables.
La sculpture et la peinture espagnoles indigènes Vers la fin du x v e siècle, les artistes com m encèrent à
tendaient vers une puissance expressive beaucoup plus s’intéresser à la peinture de paysage, indépendam m ent
intense que les goûts des H absbourg ne l’autorisaient de toute autre chose. Cela commence à se faire sentir
(c’est sans doute ce que Philippe II n ’aim ait pas dans la chez G eertgen et D avid dont les sujets traités sont parfois
peinture du G reco). L ’œuvre d ’A lonso Berruguete était réduits à des proportions minimes. A u début du x v ie siècle, ss. 79
déjà au milieu du siècle une m anifestation d ’une sorte Joachim Patenir et A lbrecht A ltdorfer créent souvent
d ’art « proto-barroque ». Il s ’était rendu en Italie, sans des paysages fantastiques et im aginaires qui occupent
doute entre 1508 et 1517, et, à son retour, il s’était toute la toile, alors q u ’au x v e siècle, on les aurait to u t
façonné un style personnel, unique en son genre en juste entrevus p ar une fenêtre ou derrière un groupe.
Europe contem poraine. Il d u t se défaire des oripeaux La représentation de paysages devient plus courante,
de l’a rt gothique espagnol, mais exprim er les mêmes com m e le m ontrent les dessins de D ürer. Les liens qui
sentim ents excessifs en term es classiques italiens. Ainsi existent entre ce genre et l’Italie ne sont pas clairs, car
84 dans la Transfiguration q u ’il fit p our le grand autel de la si les artistes du N ord ont, à coup sûr, influencé les
cathédrale de Tolède (1543-1548). Superficiellement, ce Italiens, il dem eure que le prem ier paysage proprem ent
groupe donne l’im pression d ’être beaucoup plus tard if dit que nous connaissions est un dessin de L éonard de
136

Vinci : la Vallée de l'Arno (1473). De nom breux peintres vivant de Breughel : c ’est donc q u ’elles ne dissim ulaient
italiens étaient sensibles à la beauté de la nature et il ne aucune intention hérétique ou subversive. Les œuvres de
faut pas oublier que les Vénitiens excellaient à représenter Breughel, comme celles de Bosch, sont sans doute le
des paysages en arrière-plan, qui créaient l’atm osphère fruit de ses m éditations sur la folie de l’hom m e q u ’il
indispensable à la scène décrite (voir page 140). C ependant, tirait de son expérience de la vie rurale.
le paysagiste le plus célèbre dans le N ord, au x v ie siècle,
so dem eure Pierre Breughel. Son style initial est proche de C O N C L U S IO N
la traditio n de Bosch et un élém ent de satire persiste
dans toute son œuvre. C ependant les tableaux de sa N ous avons rem arqué q u ’on ne saurait conclure ici en
m aturité tém oignent d ’un intérêt nouveau p o u r la ce qui concerne l’art de la Renaissance dans le nord de
cam pagne et les habitants. Form é à Anvers, il voyagea l’Europe. La diffusion des idées italiennes fut irrégulière
en Italie entre 1552 et 1553, et alla ju s q u ’en Sicile. Pendant et, dans certains pays comme l’A ngleterre, capricieuse
son voyage, il fit certainem ent une étape à R om e; mais et imprévisible; en outre, l’influence italienne se fit
il semble que le classicisme italien ne l’ait pas m arqué le sentir souvent par des interm édiaires étrangers. Ainsi
m oins du m onde. Ses tableaux satiriques, peignant la le prem ier traité architectural anglais relatant les règles
cam pagne et les paysans, si différents de to u t ce qui se observées en Italie, réalisé par John Shute (1563) fut
faisait alors en Italie, sont souvent obscurs et difficiles fortem ent influencé par les Flandres. N éanm oins vers
à interpréter. M ais ces évocations des aspects les plus 1580, l’action rénovatrice de l’Italie avait touché presque
terrestres de la vie rustique étaient appréciées et collec­ tous les pays et allait atteindre son term e pendant le siècle
tionnées p ar les Espagnols qui gouvernaient le pays, du suivant.

85. Joachim Patenir. Paysage avec saint Jérôme. 1515. Peinture qu’il voulait placer dans ses œuvres. Ici, le personnage de saint Jé­
sur panneau. 74 x 91 cm. Prado, Madrid. Patenir fut l ’un des rôme disparaît dans le cadre qui compte une petite ville et ces sortes
premiers peintres qui s ’intéressa uniquement aux paysages, au point de rochers typiques du style Patenir.
qu’il confiait parfois à d ’autres artistes le soin d ’exécuter les figures
La Renaissance vénitienne
L ’étude de l ’évolution de l ’art de la Renaissance dans la petite oligarchie aristocratique. Les élus gardaient la
R épublique de Venise donne une impression d ’unité extrê­ haute main sur le pouvoir grâce à un système retors mais
m em ent satisfaisante. A p art Florence, Venise est la seule efficace d ’inform ateurs. Toutes les menaces internes qui
ville italienne où des artistes de prem ier plan aient venaient ébranler la sécurité de la République étaient
assuré une création soutenue pendant toute la période de la rapidem ent, et en général, étouffées.
Renaissance. P arto u t ailleurs, nous l ’avons vu, des cités Ce système de police im pitoyable avait des contrepar­
et des cours isolées produisaient (à l’occasion) des artistes ties. La pierre de touche de cette société étan t la sécurité,
ém inents et devenaient tem porairem ent des centres diffu­ les choses qui ne m enaçaient pas l’É tat étaient facilement
sant un style particulier, qui acquérait tô t ou tard un carac­ autorisées. A Venise, il y avait, en fait, une attitude tolé­
tère provincial (la cour d ’U rbino au x v e siècle en est un rante à l’égard du non-conform ism e qui n ’existait nulle
bon exemple). La République de Venise, pendant cette part ailleurs en Italie. Cette attitude convenait aux rela­
longue période, parvint à form er de nom breux artistes tions comm erciales et elle était capitale dans une ville où
qui apprécièrent la vie à Venise suffisamment pour s ’y les A llem ands du N ord côtoyaient les Turcs de l ’Est.
fixer. L ’atm osphère libre et cosm opolite de Venise ne se retrou­
Il faut chercher les raisons de cet état de choses à deux vait dans aucune autre ville.
niveaux. Prem ièrem ent, le système politique de Venise Le gouvernem ent oligarchique favorisait la continuité.
unissait rigidité et stabilité. A la fin du x v e siècle, le doge Le commerce am enait richesse et diversité, et cette situa­
n ’était q u ’un fantoche, et le pouvoir réel était aux mains tion était favorable aux artistes. D ans ce cadre leur étaient
du Conseil des Dix. Les m em bres de ce Conseil étaient assurées d ’abondantes expériences esthétiques et d ’im­
élus, mais le système était entièrem ent contrôlé p ar une portantes récompenses financières. L ’État et les grandes

86. Antonio Lombardo. Un miracle de saint Antoine de Padoue. Le style de ce relief, tant par les drapés que par les visages, est
1505. Marbre. Détail du décor de la Capella del Santo, San A ntonio, peut-être l ’œuvre la plus antique parmi les sculptures citées dans ce
Padoue. Les Lombardi, famille d ’architectes et de sculpteurs furent livre; il est en outre empreint d'une dignité et d ’une sobriété typiques
les artistes les plus sensibles au classicisme de la fin du x v e siècle. de l’art vénitien de l ’époque.
87. Tullio Lombardo. Tombeau du doge Andréa Vendramin. 1490 88. Tullio Lombardo. Adam. 1490 environ. Marbre. Hauteur
environ. Marbre. Autrefois à Santa Maria dei Servi, puis transféré 1,93 m. M etropolitan Muséum o f Art, New York. Cette figure
à Santi Giovanni e Paolo, à Venise. Cet énorme monument n ’est faisait autrefois partie du tombeau du doge Andrea Vendromin
autre qu’un arc de triomphe destiné à d ’autres fins. La qualité de (ci-contre). On peut penser que Tullio avait sous les yeux une œuvre
la sculpture varie mais le style général rappelle l ’illustration noire originale de Praxitèle, tant la surface du marbre est merveilleusement
n” 86. Les meilleurs éléments sont de très grande qualité (ci-contre). traitée. La figure d'Ève correspondante a malheureusement disparu.

confréries religieuses ou scuole protégeaient volontiers les et il dut se fixer à Venise pendant cette décade. Ses œuvres
arts, et bien q u ’ils aient tendance à faire disparaître le nous sont presque toutes parvenues. Certes, il ne put pas
mécénat privé, il y avait néanm oins des individus qui ou ne voulut pas débarrasser les m onum ents et les édifices
com m andaient et achetaient de nom breuses œuvres reli­ de Venise de leur surcharge d ’ornem ents, mais il décida
gieuses et des retables d ’im portance secondaire. de transform er radicalem ent détails architecturaux et
La tradition de l’art gothique à Venise était fortem ent plan général dans son œuvre, après s ’être enthousiasm é
enracinée et, comm e dans d ’autres centres artistiques à Padoue pour l’architecture. Dans son m onum ent au
d ’Italie, elle survécut ju sq u ’au milieu du x v e siècle. On doge Pietro Mocenigo (m ort en 1476) à Santi G iovanni
s’en aperçoit dans la Porta délia Carta au palais des Doges e Paolo, il adopta une form e d ’architecture à niches
(1438-1442) ou dans les tableaux de Jacobello del Fiore s’inspirant de l’arc de triom phe. Et, comme Mocenigo
et d ’A ntonio Vivarini (1420-1450 environ). L ’im pulsion avait été un général heureux à la guerre, il rem plit les
rénovatrice à Venise, comm e dans beaucoup d ’autres niches de guerriers qui rappellent les soldats rom ains
centres italiens, vint de P adoue; mais elle ne toucha pas peints par M antegna. Les éléments les plus réussis sont
la sculpture de même m anière que la peinture. sans doute les détails décoratifs. Si l’on en juge d ’après
eux, Pietro Lom bardo avait pleinem ent apprécié les
qualités esthétiques de la sculpture antique — chose
LA FA M IL L E L O M B A R D O
rare à cette époque, sauf dans le Tem pio M alatesta,
En sculpture et en architecture, les principaux agents qui à Rimini.
favorisèrent le changem ent furent les mem bres d ’une On retrouve la même appréciation de l’art antique chez
famille d ’architectes : les Lom bardi. Le père, Pietro les deux fils de Pietro, A ntonio et T ullio; leur œuvre très
L om bardo était originaire de C aro n a (au nord de la personnelle les distingue de leurs contem porains. Parmi
Lom bardie). On sait q u ’il se trouvait à Padoue en 1464 ces œuvres, citons le m onum ent au doge A ndréa Vendra-
139

89. Partie de la façade de la Scuola di San M arco, Venise.1488-1490. 90. Jacopo Bellini. Le Christ devant Pilate. 1455 environ. Plume et
Cette façade représente l’un des plus anciens exemples de décor encre (43 x 29 cm). Louvre, Paris. Extrait d ’un album de dessins
extérieur en trom pe-l’œil qui existe encore aujourd’hui. Elle est de Jacopo Bellini. On découvre dans ces dessins la fascination
remarquable par son échelle et sa simplicité et elle a dû influencer exercée par les lois nouvelles de la perspective; on y trouve aussi
les peintres du x v ie siècle (voir détail, illustration couleur n° 84). un goût pour les détails antiques. Ces deux éléments reflètent sans
doute l’influence du gendre de Jacopo, Mantegna.

87 min (1490 environ, Santi G iovanni e Paolo). En dehors de tures vêtues de drapés de style classique sont écrasées,
sa taille énorm e, le m onum ent est d ’une conception volontairem ent sans doute, par les massifs piliers de la
générale plus grandiose que les œuvres de ce genre réalisées colonnade qui constituent un cadre grandiose pour les
ju sq u ’alors. Il y a m oins de détails, chaque partie est scènes représentées.
plus grande p ar ra p p o rt au to u t et, grâce à la profondeur La chapelle de saint A ntoine, dans l’église San A ntonio,
de l’ensem ble, l’arc central est nettem ent en saillie par à Padoue, est égalem ent l’œuvre de la famille L om bardo.
rap p o rt au reste du m onum ent. Là, les artistes ont voulu exécuter les reliefs narratifs dans
Tous ces changem ents représentent une appréciation un style et un cadre qui rappellent les reliefs de la Scuola
plus profonde de la grandeur de la Rom e antique. En di San M arco. La famille L om bardo ne put achever que
outre, les sculptures de ce m onum ent tém oignent d ’une quelques reliefs, cependant, et le reste fut achevé en diverses 86
com préhension parfaite de la sculpture antique. La figure étapes au cours du x v ie siècle. M ais dans ceux q u ’on leur
ss à'A dam (au jo u rd ’hui séparée du reste du tom beau) prouve doit, on retrouve la mesure et la gravité des œuvres
une appréciation inattendue de la douceur du modelé antiques.
chez Praxitèle : cette statue semble s ’inspirer du Bacchus
de Praxitèle d o n t nous ne connaissons que des copies. M A N T E G N A ET L ’A R T V É N IT IE N
On doit égalem ent à la famille L om bardo une autre
89, 84 œuvre im portante ; la reconstruction de la Scuola di L ’influence de M antegna sur ce style à tendance classique
San M arco (1490 environ). Ici, l ’innovation réside dans est évidente. M antegna influença égalem ent la peinture
la partie inférieure de la façade qui est sculptée entière­ vénitienne et cela, de deux manières. D ’abord, sa maîtrise
m ent en trom pe-l’œil. La porte de droite est flanquée de de la structure picturale eut des conséquences profondes
deux scènes tirées de la vie de saint M arc, placées dans sur la com position des scènes et sur la peinture des
des loggias spacieuses et légèrem ent en retrait. Les sculp- figures et des drapés. Ceci est aussi net dans les premières
140

œuvres de G iovanni Bellini que dans les tableaux de


Bartolomme'o Vivarini. Les dessins du père de G iovanni,
90 Jacopo Bellini, vont révéler à leur to u r un brusque
enthousiasm e p our les vastes panoram as et p our les
perspectives fantastiques. On décèle également l ’influence
de M antegna dans l’engouem ent des artistes p o u r les
détails archéologiques. D ans les dessins de Jacopo
Bellini on voit apparaître, à côté des études de com po­
sition, des détails classiques et des objets de caractère
classique. G iovanni Bellini lui-même, dans ses prem ières
œuvres, introduit volontiers, en arrière-plan, des arcs et
des m onum ents antiques qui font songer à M antegna.
Ces rapp o rts ne sont pas étonnants, p uisqu’en 1453,
Jacopo Bellini avait donné la m ain de sa fille à M antegna
qui devint ainsi le beau-frère de G iovanni.
C ependant les Vénitiens ne se laissèrent pas subm erger
par le style puissant de M antegna. Bien que G iovanni
Bellini lui ait em prunté de nom breux éléments, en p arti­
culier l’aspect sculptural des figures de M antegna, il
conserva toujours son propre sens de la couleur. La
com paraison entre leurs œuvres respectives révèle toujours
ou presque chez les Bellini un don plus grand pour
l’harm onie générale des couleurs, trait caractéristique
de la peinture vénitienne.

A N T O N E L L O D A MESSINA

Un artiste cependant, extérieur à Venise, influença les


peintres vénitiens dans le dom aine des couleurs et de la
86 peinture : c ’est le peintre sicilien A ntonello da Messina.
Bien que sa carrière pose de nom breux problèm es, il
semble q u ’il ait été influencé par la peinture flamande.
On décèle égalem ent dans son œuvre des traces de
l ’influence de Piero délia Francesca. On sait q u ’il se
rendit à Venise en 1475 et 1476 et q u ’il y exécuta un toutes les surfaces une lum inosité éclatante. Ces innova­
grand retable p our l’église de San Cassiano et réalisa tions, appliquées aux détails du costum e, aux éléments
plusieurs portraits. d ’architecture et aux paysages sont typiques, non seule­
La peinture d ’A ntonello am orça deux changem ents m ent de la peinture de G iovanni Bellini, à cette époque,
dans l’art vénitien. D ’abord, il contribua à l’em ploi de mais aussi de la génération de Cim a da Conegliano et
la peinture à l’huile au détrim ent de la peinture à la d ’Alvise Vivarini. Le jeune Lorenzo L otto adm irait 87
détrem pe traditionnelle. Et cette m atière beaucoup beaucoup ce style égalem ent au début du x v ie siècle.
plus malléable perm ettait des subtilités dans le dom aine Par la suite, ce nouveau procédé fut utilisé pour enrichir
de la lum inosité et de la définition des form es et des les couleurs. Les dernières peintures de Bellini sont
volumes. Ce procédé perm ettait de nouveaux effets souvent rem arquables non seulement par la clarté de
d'o m b re et de lum ière et mérite donc q u ’on s ’y attarde. leur structure, mais aussi par la profondeur des coloris,
88.89 Une com paraison entre deux Vierges de Bellini exécutées créée par les contrastes opposant des couleurs de base
à quinze années d ’intervalle environ illustre parfaitem ent éclatantes, éclairées par une lum ière intense et soutenues
cet aspect. Les deux œuvres sont superbes et les couleurs par des om bres profondes.
y sont m erveilleusem ent équilibrées. D ans la première,
cependant, les figures sont définies par des contours très LA P E IN T U R E V É N IT IE N N E D E LA F IN D U Q U A T T R O C E N T O
nets, alors que dans la seconde, ils le sont à l’aide des
seuls jeux d ’om bre et de lumière.
D ’autres changem ents accom pagnèrent ces innovations.
Après cette découverte, les possibilités de modelés Entre 1470 et 1480, le retable vénitien du type sacra
étaient considérablem ent enrichies, grâce à la possibilité conversazione acquit les caractéristiques essentielles q u ’il
q u ’avaient les artistes de m élanger tons clairs et tons allait conserver pendant les cinquante années suivantes,
sombres, ce qui s ’ajoutait au mélange traditionnel des un groupe de figures im posantes placées dans un cadre
couleurs com plém entaires. Ces révélations furent sui­ architectural du x v e siècle. Cette convention s’inspire de
vies d ’une véritable m arée de peintures dans le style la sculpture exécutée p ar D onatello pour le grand autel
d ’A ntonello. Les possibilités nouvelles furent d ’abord de Saint-A ntoine, à Padoue, m ais on y ajouta une gravité
utilisées p our éclaircir la com position en d onnant à typiquem ent vénitienne. Le retable de San G iobbe, œuvre
141

91. (page précédente) Giovanni Bellini.


Retable de San Giobbe. 1480 environ. Pein­
ture sur panneau (4,68 x 2,55 m). A cca­
demia, Venise. C ’est la première grande
sacra conversazione vénitienne qui nous
soit parvenue. L ’impression de présence
physique des figures était, à l ’origine, accen­
tuée par le cadre en bois sculpté qui pro­
longeait le décor architectural de la pein­
ture. Cette présence des figures est encore
accrue, car la ligne de vision est si basse
que les personnages semblent dominer les
spectateurs.

92. (à droite) Giorgione. La Tempête. 1503


environ. Peinture à l’huile sur toile (82
x 7 3 cm). Accademia, Venise. C ’est l ’une
des rares œuvres qui puissent être attribuées
avec certitude à G iorgione; elle constitue
l ’un des plus célèbres paysages du début
de la Renaissance. Le sujet traité n ’apparaît
pas clairement, et l ’examen aux rayons X
révèle que l ’auteur changea peut-être d ’avis
à ce sujet pendant l ’exécution du tableau.
Il n ’en reste qu ’une atmosphère particu­
lièrement évocatrice qu ’accentue encore
l’orage venant au loin.

91 de G iovanni Bellini lui-même, constitue l’un des prem iers la peinture historique et narrative et la représentation à
exemples de ce genre nouveau. grande échelle de sujets religieux et profanes. D ans les
autres villes italiennes, on avait, en général, recours à
Pendant toute cette période, les artistes vénitiens
la fresque pour de telles œuvres; m ais au cours du
conservèrent une attitude presque gothique vis-à-vis des
x v e siècle, les Vénitiens découvrirent que la peinture sur
beautés de la nature. L ’une des prem ières œuvres de
toile résistait mieux à l’air de la mer. C ’est pourquoi,
90 G iovanni Bellini nous m ontre saint Jérôm e et son lion
à p artir de 1480, les peintures historiques furent exécutées
dans un paysage extraordinaire qui nous rappelle ceux
sur de grandes toiles fixées sur des cadres de bois, puis
des artistes du début du x v e siècle comm e G entile D a
installées dans la position requise. A la fin du x v e siècle
Fabriano. et au début du x v ie, la République et les Scuole ne
Ce goût du paysage devint un trait essentiel de la cessèrent de réclam er des toiles de ce genre.
peinture vénitienne, et les paysages de G iovanni Bellini,
Le style de ces toiles à la fin du x v e siècle était très
de G iorgione et de Titien sont célèbres. E t po urtant,
proche de celui des peintures historiques q u ’on trouvait
ceux d ’artistes moins ém inents com m e Lorenzo Lotto
à Florence. Com m e les fresques de G hirlandaio, les
ne sont pas m oins rem arquables : c ’est le cas de son
peintures historiques vénitiennes de la fin du x v e siècle
91 Saint Jérôme dans le Désert, œuvre presque contem -
foisonnent de détails, représentent des personnages
92 poraine de la Tempête de G iorgione. Les progrès réalisés
im portants et certaines vues de la ville. A Venise, on
par la peinture vénitienne, que nous venons d ’évoquer,
s’inspirait du style de Jacopo Bellini, et les œuvres les «
eurent une incidence particulière sur la peinture du paysage
plus rem arquables qui nous soient parvenues sont
à Venise. Puisque le contraste entre l’om bre et les coloris
certainem ent celles de Carpaccio. Il ne goûtait pas les
intenses favorisaient les effets de couleurs, les peintres
scènes dram atiques : même lo rsqu’il représente des
vénitiens se m irent à préférer les heures de la journée
événements violents, les m ouvem ents q u ’il choisit sont
où la nature prodigue ces effets au maxim um , c ’est-à-dire
com m e figés, brusquem ent suspendus. Le spectateur est
l’aube et le crépuscule.
plus frappé par la beauté des coloris et par les dons
Il convient de souligner égalem ent un autre aspect de d ’observation du peintre que par l ’horreur de la scène
la peinture vénitienne ; la grande faveur dont jouissaient q u ’il contemple.
93. Vittore Carpaccio. Un miracle de la vraie Croix. 1494-1495. 94. Nu féminin. 1507-1508. Gravure d ’après Giorgione. Fait partie
Peinture à l ’huile sur toile (3,65 x 3,89 m). Accademia, Venise. du décor de fresques du Fondaco dei Tedeschi, à Venise. Nous
Carpaccio fut l’un des grands peintres de l ’histoire de Venise. ignorons presque tout de la décoration dont les éléments ont presque
Son style s ’affirma aux environs de 1490 et donna la primeur au tous disparu. Les fragments qui demeurent et les descriptions litté­
cadre plutôt qu’aux personnages (comparer avec Ghirlandaio, raires laissent penser qu’elle comportait surtout des nus debout ou
à Florence, illustration couleur n ” 28). Ces décors sont cependant assis, placés dans un cadre architectural en trompe-l’œil.
peints à merveille et nous donnent une idée vivante de la vie à
Venise à cette époque.

LE FO N D A C O DEI TE D ESC H I les figures se perdaient, la nouvelle génération de peintres


choisit d ’agrandir la taille de ses figures et de les repré­
Le prem ier m onum ent im portant du x v ie siècle à Venise senter au prem ier plan du paysage, ce qui réduisait
fut la décoration externe par G iorgione et Titien du considérablem ent l’im portance du cadre. Ainsi, les
Fondaco allem and, récem m ent reconstruit (1507-1508). figures attiraient-elles d ’abord l’attention du spectateur.
Com m e toutes les fresques extérieures de Venise, les On relève plusieurs exemples de ce procédé dans les
originaux disparurent assez vite, et les m urs n ’ont conservé prem ières œuvres de Titien, mais le plus spectaculaire
au jo u rd ’hui que quelques traces de peintures qui, à dem eure l’énorm e retable intitulé Assomption de la Vierge 95
l ’époque, firent au tan t sensation à Venise que les Baigneurs q u ’il peignit pour l’église dei Frari à Venise (1517).
de M ichel-Ange à Florence. La disposition des décors et S’inspirant peut-être de la version de M antegna qui se
les sujets représentés ont pû être reconstitués à partir trouve dans l’église des Erem itani à Padoue, Titien disposa
des descriptions qui nous en sont parvenues et des les apôtres en un groupe gesticulant, occupant toute la
gravures du x v m e siècle qui s’en inspirent. largeur du panneau et dissim ulant ainsi com plètem ent
N ous savons que le décor com portait en partie des l’arrière-plan. La beauté de l’œuvre repose sur les attitudes
figures m onum entales placées dans des niches ou dans et les gestes des personnages. U Assomption portait un
quelque cadre architectural. C ’est sans doute cette œuvre coup fatal au décorum vénitien traditionnel, par la
qui attira l ’attention des peintres vénitiens sur les p ro ­ vigueur et le souffle qui im prègnent l’œuvre entière. On
blèmes que posait la représentation des figures hum aines. n ’a jam ais expliqué ce brusque changem ent, mais
Les peintres du F ondaco jo u aien t en partie le rôle de VAssomption tranche tellem ent sur le goût vénitien de
sculpteurs et ils durent adopter le classicisme discret des l’époque, q u ’il faut croire que l’auteur s’est sans doute
Lom bardi. On retrouve la même dignité dans certains inspiré d ’œuvres d ’origine peut-être rom aine.
94 , 92 nus féminins que Titien, G iorgione et Palm a Vecchio
représentèrent plus tard. V ENISE ET l ’a r t D E L ’IT A L IE C E N T R A L E I 1500-1530
On décèle égalem ent l’influence de la famille L om bardo A cette époque, l’épanouissem ent extraordinaire des arts
dans la « peinture en relief » prisée à l’époque. A lors que de Rom e s ’était déjà am orcé. Deux artistes doués,
la famille Bellini préférait les paysages très vastes où Sebastiano dei Piom bo et Lorenzo L otto avaient déjà
96. Titien. Saint Sébastien. Plume, encre et lavis (18 x 11,5 cm).
Stàdelsches Kunstinstitut, Francfort. Cette étude préparait l'exécu­
tion d ’un retable destiné à une église de Brescia. Elle s'inspire nette­
ment de Michel-Ange; prise dans son contexte vénitien, la figure
dénote une puissance et une vigueur encore jamais atteintes.

97. Façade du Palazzo d'Anna, Venise. 1535 environ. Dessin d'après


Pordenone. (41 x 56 cm). Victoria and Albert Muséum, Londres.
Pordenone demeure sans conteste l'un des peintres les plus habiles
à réaliser des effets de perspective au x v ic siècle. L'un de ses décors
de façade le plus célèbre fut celui du Palazzo d ’Anna, face au Grand
Canal. Les figures qui semblent bondir et sauter dans le canal, et
la figure du dieu entrant dans la demeure en volant, juste au-dessus,
sont des produits typiques de l’imagination créatrice de Pordenone.

95. Titien. Assomption de la Vierge. 1516-1518. Peinture à 1 huile


sur panneau (6,90 x 3,60 m). Santa Maria G loriosa dei Frari,
Venise. Il se peut que Titien ait repris une idée déjà adoptée par
Mantegna dans la chapelle des Eremitani de Padoue. A Venise,
l'intérêt suscité par cette œuvre fut sans précédent : elle fut une
innovation importante après la retenue qui avait marqué les décades
précédentes.
144

quitté Venise p o u r R om e, attirés p ar les événements grâce à un dessin. L ’artiste a représenté hom m es et 97
artistiques dont la cour papale était le cadre. N ul autre chevaux se je ta n t dans le canal ; un dieu pénètre en volant
artiste de valeur ne quitta Venise à cette époque et po u rtan t dans la dem eure. Le héros rom ain Q uintus C urtius se
la ville dem eura au courant des événem ents qui se p ro d u i­ jette à cheval dans le vide. Cette façade est rem arquable
saient dans le Sud. Dès lors, les artistes vénitiens ne et il n ’est pas surprenant que Pordenone ait acquis une
cessèrent d ’être m arqués p ar les faits artistiques im por­ réputation qui rivalisa un certain tem ps avec celle de
tants qui se déroulaient à l’extérieur de Venise. Titien (Pordenone m ourut en 1539).
D ans le dom aine de l’architecture et de la sculpture,
le déroulem ent des événem ents est relativem ent clair. LA P E IN T U R E D E T IT IE N A P A R T IR D E 1540 E N V IR O N
Les splendides créations des L om bardi n ’avaient eu
aucune conséquence spectaculaire. L ’arrivée de Jacopo D e son vivant, Pordenone avait été le seul à poursuivre
Sansovino à Venise après le sac de Rom e, q u ’il fuyait ses recherches, mais après sa m ort, les tentatives pour
(1527), allait bouleverser la situation ta n t en architecture m aîtriser le style de M ichel-Ange furent plus fréquentes.
q u ’en sculpture. C ’est lui qui édifia les prem iers édifices Titien occupait toujours l ’avant-scène artistique, mais
vraim ent classiques de Venise (parm i lesquels la biblio- on com m ença alors à parler de deux artistes beaucoup
82 , 85 , thèque de San M arco) et révéla aux Vénitiens le style plus jeunes : le T intoret et Véronèse. Titien s ’essaya
îoi sculptural de R om e et de Florence. Ju sq u ’à sa m ort en po u r la prem ière fois avec bonheur à ce nouveau style de
1570, il exerça à Venise une influence considérable. figure dans le décor du plafond de l ’église San Spirito
Jacopo Sansovino avait été l’am i de Bram ante et de à Venise (1542-1543, au jo u rd ’hui à Santa M aria délia
Raphaël. Ses figures sont extrêm em ent élégantes et Salute). Il semble q u ’il ait été poussé vers ce style par le
raffinées et on com prend q u ’elles aient plu aux Vénitiens. décor en trom pe-l’œil d ’un plafond du Palais des Doges,
p ar Pordenone (au jo u rd ’hui détruit). Le saint Jean-
A l’origine du m oins, R aphaël exerça plus d ’influence
Baptiste de Sainte-M arie-M ajeure (aujourd’hui à l’Acca-
que M ichel-Ange sur les peintres de Venise. Les com po­
sitions soigneusem ent équilibrées et la délicatesse étudiée dem ia de Venise) constitue un spécimen rem arquable de
d ’un peintre com m e Parm igianino étaient des éléments ce style. La force et la vigueur de cette figure sculpturale
faciles à im poser au classicisme réticent du début du sont rendues en tons subtils, trait que l’on retrouve dans
les décors de plafonds et dans d ’autres œuvres de l’époque.
x v ie siècle. O n a beaucoup plus de m al à déceler les traces
d ’une influence directe du style de figure de M ichel-Ange L ’artiste a cherché à réduire l’intensité des couleurs, et
pendant les q u arante prem ières années du siècle, et un les tons qui dom inent sont en général les bleus, les bruns
exemple précis nous perm ettra de com prendre ce et les gris.
problèm e : la figure de saint Sébastien, tirée du retable Cette évolution dans le choix des couleurs chez Titien,
96 réalisé p ar Titien p o u r l’église des Santi N azaro e Celso eut une im portance capitale sur l’histoire de la peinture
à Brescia. Cette figure plagie délibérém ent les deux vénitienne de la seconde m oitié du siècle. Elle alla de pair
esclaves exécutés p ar M ichel-Ange p o u r le m onum ent avec un changem ent technique égalem ent im portant.
de Jules II (ces figures se trouvent au jo u rd ’hui au Louvre). L ’artiste travailla avec une plus grande liberté, et sa
On peut penser que la puissante m usculature, la torsion peinture devint plus fluide. O n n ’a jam ais pu expliquer
des m em bres, la force d ’expression des figures de Michel- de m anière satisfaisante cette attitude nouvelle : c ’était
Ange im pressionnèrent vivement le jeune Titien. M ais la peut-être la réaction d ’un hom m e vieillissant (Titien
figure de Titien est presque tro p exagérée p ar ra p p o rt à avait environ cinquante ans) face à un style qui n ’avait
la position q u ’elle occupe dans le polyptyque de Brescia; pas beaucoup changé depuis le début du siècle. Il est
masse et m ouvem ent déséquilibrent la com position de certain q u ’à cette époque, les artistes vénitiens com ­
l’ensemble. L orsque cette figure fut peinte, elle souleva m encent à abandonner les couleurs éclatantes q u ’ils
une grande adm iration (1520), m ais elle dem eure unique em ployaient depuis 1480 environ, en faveur de tons plus
en son genre dans l ’œuvre de Titien, ju sq u ’en 1540 subtils, souvent plus sombres.
environ. A u début, on s ’intéressa plus aux tons q u ’aux couleurs
e t c ’est à ce m om ent que Titien peignit sa prem ière scène
PO R D EN O N E nocturne (1548). Le sujet le M artyre de saint Laurent,
n ’exigeait pas une scène de nuit, m ais Titien voulut
Il y eut cependant un autre artiste vénitien qui fut très faire du sujet une étude d ’om bre épaisse, éclairée par
im pressionné p ar l ’œuvre de M ichel-Ange et qui tenta la seule lueur du feu, des torches et d ’un rayon tom bant
désespérém ent de m aîtriser sa puissante vitalité. Cet du ciel. Ainsi toute couleur était-elle bannie de la scène,
artiste, Pordenone, venait du Frioul. On pense q u ’il et l’unité du ton de l’œuvre, basée sur le coloris neutre
entra directem ent en contact avec l ’a rt rom ain mais, de l ’om bre, est totale. P endant les vingt années qui
outre son goût prononcé p o u r les figures musclées à la suivirent, toutes les œuvres de Titien présentent la même
M ichel-Ange, il acquit brusquem ent un style excessivement unité de ton basée sur le choix d ’une ou de deux couleurs.
illusionniste. Il avait un faible p our les fresques et couvrait D ans de telles limites, l ’estom page des couleurs com plé­
coupoles, m urs et façades d ’une m ultitude de figures m entaires est souvent d ’une com plexité extraordinaire,
trapues. La façade du palais d o n n an t sur le G ran d C anal m ais il en résulte une unité parfaite entre les diverses zones
nous fournit un beau spécimen de son œuvre. Ces fresques,
comme celles du Fondaco dei Tedeschi, disparurent assez
rapidem ent, mais nous les connaissons, heureusem ent, ( Suite page 161 )
145

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LA RENAISSANC E VÉNITIENNE

82. Jacopo Sansovino. Bibliothèque Saint-


Marc. Venise. Commencé en 1537, cet édi-
fice est le premier grand bâtiment de la
Renaissance, à Venise. La façade s'inspire
du mur extérieur d'un théâtre romain. La
comparaison avec les édifices antérieurs
révèle à quel point le style de Sansovino
était nouveau à Venise lorsqu 'il y fit son
apparition.

83. Vittore Carpaccio. Palais des Doges et


Saint-Marc. Détail du tableau : le Lion de
Saint-Marc. 151 6 environ. Peinture sur
toi le. Palais des Doges, Venise. La façade
du plus grand palais de Venise date de 1309
à 1424 environ. Elle est de style gothique
et est en partie revêtue de marbre rose.
L'idée de couleur fut reprise pour Saint-
Marc, qui se dresse derrière, et dont la
façade est ornée de mosaïques. En compa-
raison, l'ordre et la discipline de l'œuvre
de Sansovino (ci-dessus) est d 'autant plus
frappante.
DEUX PHAHS DE LA R ENAISSANCE VÉNITIENNE

84. (page précédente) Atelier Lomba rdo.


Un miracle de saint Marc. 1490 enviro n .
Déta il de la façade de la Scuola di San
Marco, Venise. Ces reliefs exécutés pe ut-
être par Tullio Lombardo, un issent de
manière cur ieuse le cla ssicisme des d rapés
à l'exotisme des turbans. Les drapés sont
caractérist iques de l'époque. Le rendement
de l'espace est cependant inhabituel.
L'absence de déco r et l'accent mis sur les
personnages de la scène contrastent fort e-
ment avec l'a pproche normale des peintres
de l'époque (ill ustra!Jon no1re n° 93).

85 . (à droite) Jacopo Sansovino. Hermès.


1537- 1540 en viron. Bronze. Hauteur :
1,49 m. Loggetta d i San Marco, Venise.
J acopo Sansovino . héritier de Bramante
en tant qu 'arc hitecte, fut l'élève de
Raphaë l e n tant que sculpteur de figu res.
Les quatre fi gures de la loggetta s'intègre nt
à la façade e n une composition qui compte
parmi les plus belles de Venise. Jacopo
Sansovino fut le pre mier sculpteur q ui
marqua l'apogée de la Renaissance de
Venise.
148

86. Antonello da Messina. Le Condottière. aux illustrations couleur n•• 88 et 89.


1475. Peinture sur panneau (35 x 28 ~rn). Antonello excellait particulièrement dans
Louvre, Paris. Antonello fut l'un des étran- l'art du portrait, où son recours à la lumière
gers à Venise qui eut le plus d'influence sur plutôt qu'au trait pour définir fo rmes et
l'art de cette ville. L'effet produit par cette détails, est particulièrement remarquable.
œuvre peut se mesurer en la comparant
!49

87. Loren.zo Lotto. Portrait. 1506-1508 du xv1• siècle. Lotto, l' un des artistes
environ. Peinture sur panneau (42,3 vénitiens les plus doués de la jeune géné-
x 35,8 cm). Kunsthistorisches Museum, ration, donnait à ses portraits l'éclat et la
Vienne. L'influence exercée par le style présence rendus si populaires par Anto-
d 'Antonello se faisait encore sentir au début nello.
150

88. Giovanni Bellini. Vierge à l'enfant.


1465 environ. Peinture sur panneau, trans-
férée sur toile. (52 x 42,5 cm). Musée
Correr, Venise. Lorsque Bellini peignit
cette Vierge à l'enfant, il était encore sous
l'influence de son beau-frère Mantegna.
L'enfant, par exemple, et les drapés sont
peints dans un style sec et linéaire. Les cou-
leurs cependant sont tendres et le fond u
des différents tons de rouge extrêmement
délicat.
151

89. Giovanni Bellini. Vierge à l'enfant. 1480 tement de la lumière. Remarquer le rideau Venise, il semble que l'impulsion ait été
environ. Peinture sur panneau (65 x 48 cm) qui masque l'arrière-plan et permet de donnée par Antonello da Messina (illus-
Collection Burrell, Glasgow Art Gallery contrôler les effets de lumière. A la même tration couleur n° 86).
and Museum. L'évolution du style de époque, le jeune Léonard de Vinci faisait à
l'artiste est très perceptible dans le trai- Florence des expériences semblables. Ici, à
152

IHOYAIH ~ ))lLII IVÇ /


153

LA PEINTURE DE PAYSAGE VÉNITIENNE ceptible dans l'œuvre de Gentile da l'œuvre d 'Antonello l'avait fait découvrir.
Fabriano. La Tempête de Giorgione (illustration
90. (page précédente) Giovanni Bellini. noire n• 92) est l'exemple le plus célèbre
Saint Jérôme dans le désert. 1460 environ. de peinture du xVJ• siècle : mais ce petit
Détrempe sur panneau (45 x 35,5 cm). 91 . (ci-dessus) Lorenzo Lotto. Saint J érôme panneau de Lotto est tout aussi suggestif
Barber fn stitute of Fine Art, Université de dans le désert. 1506 environ. Peinture sur dans son évocation de la soli tude la plus
Birmingham. L'une des premières œuvres panneau (48 x 40 cm). Louvre, Paris. Le totale.
de Bellini encore très proche des dessins caractère évocateur de la peinture de pay-
de son père, Jacopo. La sensibil ité dont sage vénitienne (illustration couleur n• 92)
témoigne le paysage, l'éclat et les coloris est justement célèbre; il s'accrut encore
relèvent d 'une traditio n plus ancienne per- avec le traitement de la lumière telle que
155

92. (page précédente, en ha ut) Tiziano 93. (page précédente, en bas) Jacopo 94. (ci-dessus) Paolo Caliari (Véronèse).
Vecelli (Titien). Amour sacré et amour pro- Robusti (Le Tintoret). Découverte du corps Mariage mystique de saillfe Catherine. 1560
fane. 1515 environ. Peinture sur toile. de saint Marc. 1562 environ. Peinture sur environ. (3,77 x 2,42 rn). Accademia,
(1 ,18 x 2,82 rn). Ga lerie Borghèse, Rome. toile (405,2 x 405,2 cm). Brera, Milan. Venise. Cette œuvre, qui est l'un des plus
Bien qu' il ne s'agisse pas de la première A l'origine, à la Scuola di San Marco. splendides retables de Véronèse, contraste
étude de nu féminin de l'apogée de la Cette toile est de la même lignée que l'œuvre fortement avec l'œuvre du Tintoret. Le
Renaissance, c'est certa inement l'un des de Carpaccio. La puissance dramatique en goût de Véronèse pour les costumes, les
plus célèbres. La composition, qui évoque est le souci essentiel. Remarquer également coloris chauds et 1'architecture grandiose
celle d'un relief, est remarquable, tout le recours aux jeux de lumière pour accen- le rapproche de la tradition antérieure,
comme le paysage romantique sur lequel tuer J'atmosphère drama tique. celle de Carpaccio et de Gentile Bellini.
les figures se détachent.
156

95. Titien. Persee et Andromède. 1560 envi- 96. (page suivante) Le Tintoret. Ascension.
ron. Peinture sur toile (1 79 x 197,5 cm). 1576-1581 environ. Peinture sur toile
Collection Wallace, Londres. Fait partie (5,38 x 3,25 m). Scuola di San Rocco,
des toiles envoyées à Philippe d'Espagne. Venise. Il est intéressant de comparer cette
La comparaison avec l'illustration cou- scène, tirée de l'œuvre la plus célèbre du
leur no 92 permet de mesurer l'évolution Tintoret, avec la toile de Titien (ci-dessus).
du style de Titien. Une d ouce lumière Toutes deux sont remarquables par la
envahit la toile et lui donne son unité. Les maîtrise dans le style des figures. La pro-
figu res apparaissent comme des formes fondeur joue un rô le seconda ire. Le Tin-
dans la lumière générale. toret donne une impression de drame et de
merveilleux en opposant ombre et lumière
et en changeant brusquement l'échelle
des personnages.
157
97. Titien. Hippolyte de Médicis. Détai l.
1533 environ. Peinture sur toile (1 ,38
x L,06 m). Palais Pitt i, Florence. Por trait
du milieu de la carrière de Titien. Le cos-
tume si important dans ce type de portra it
est, dit-on, hongrois et rappelle une expé-
dition militaire d'Hippolyte. Le visage est
fier , arrogant et lointain et sans dou te Aat-
teur pour le modèle.

98. (ci-dessous) Lorenzo Lotto. Andrea


Od01Ii. Signé et daté 1527. Pein ture sur
toile (1 , 14 x 1,01 m). Collection Royale,
Hampton Court. A la différence des por-
traits de Titien, jusqu 'en 1540, ceux de
Lotto ne sont pas réservés ou lo intains.
Ici, le célèbre co llectionneur Odoni invite
le spectateur à contempler sa collection.
159

99. Titien. Le pape Paul/II avec ses neveux


Alexandre et Octave. 1546 environ. Pein-
ture sur toile (2 x 1,27 rn). Galleria Nazio-
nale di Capodimonte, Naples. L'artiste
s'est permis de représenter le pape comme
un vieillard sénile tourné vers un neveu
obséquieux. De grandes portions de tissu
n'ont pas été achevées et on a supposé que
la fami lle Farnèse s'était opposée à cette
œuvre. Ce style de portrait est très éloigné
de la flatterie latente dans le portrait d'Hip-
polyte de Médicis (illustration couleur
n • 97).
160

100. Jacopo da Ponte ( Bassano). Scène pas-


torale. Peinture sur toile (138,5 x 127,5 cm).
Collection Thyssen-Bornemisza, Suisse ;
Jacopo Bassano a passé la majeu re par-
tie de sa vie à Bassano. Son style est très
proche du style métropolita in de Venise;
ses œuvres pastorales, très caractéristiques,
peintes da ns les tons sombres, éclairées
pa r des zones de lumière, datent de 1550
environ.
161

de la toile. Ainsi, ce n ’était plus la couleur qui différenciait


les zones proches des zones lointaines.
Parmi les œuvres qui illustrent ce style figurent des
sujets mythologiques, intitulés Poésie par Titien et
commandés par Philippe II d ’Espagne. Cette série, dont
les éléments sont aujourd’hui éparpillés dans de nom-
95 breuses collections, illustre l’évolution complète de
Titien entre 1550 et 1560, et démontre comment il parvint
à assimiler totalement les styles de figure de Michel-Ange
et des adeptes de Raphaël (en particulier Parmigianino).

P O R T R A IT S

Pendant les années qui virent se produire ces changements


dans le style de Titien, il n ’est pas étonnant qu’une
évolution se soit produite aussi dans ses portraits. Titien,
dès ses débuts, se révéla un excellent portraitiste, et les
princes italiens apprécièrent beaucoup son travail. Vers
97 1530, il exécuta un portrait typique, celui du cardinal
Hippolyte de Médicis en costume hongrois, qui représente
un aristocrate fier et arrogant; l ’œuvre était flatteuse pour
le modèle. Cette attitude changea vers 1540 et Titien se
permit de représenter avec plus de réalisme les personnes
qui sollicitaient ses services. Cette expression parvint à son
99 comble dans le triple portrait inachevé du pape Paul III
et de ses neveux. Le pape assis est représenté sous les
traits d ’un vieillard entouré de ses deux neveux obséquieux
et serviles. En général, les portraits que fit Titien vers 1540
sont les plus puissants et les plus pénétrants. Au nombre
de ces tableaux, figurent deux portraits contrastés de son
ami Pietro Aretino et un certain nombre d ’autres portraits
faits à Rome et lors de ses séjours à la cour d ’Augsbourg.
Parmi ces œuvres, le portrait équestre de Charles Quint
exerça une influence considérable. Les portraits équestres
qui s ’inspirèrent pendant des siècles de ce tableau nous
voilent le caractère très personnel de cette vision de
l’empereur vieillissant, vêtu de son armure, caracolant
dans un paysage désert et romantique de Vénétie.
La place nous manque pour étudier à loisir l ’art du
portrait en Italie. Si nous en parlons maintenant, ce
n ’est pas parce que le portrait vénitien a influencé cet
art partout ailleurs en Italie. Le portraitiste le plus
influent pendant les vingt premières années du siècle
demeure sans conteste Raphaël. Titien, qui imita Raphaël
pour son portrait de Paul III avec ses neveux, ne fut pas
le seul à adopter les idées de Raphaël. Raphaël établit
des règles nouvelles du portrait de cour, et ces règles
furent suivies à l ’unanimité en Italie. Outre Titien, il
existe de nombreux portraitistes italiens dont nous avons
déjà parlé en d ’autres occasions : ce sont notamment
Rosso Fiorentino, Pontormo, Parmigianino, Bronzino
et Salviati. A Venise même, il y avait également d ’autres
portraitistes doués. A côté de Titien, dont la réputation
était internationale, il est juste de nommer des artistes au 98. T itien. Saint Jean-Baptiste (détail). 1542 environ. Peinture à
style plus intime : Lorenzo Lotto et Palma Vecchio. l’huile su r toile. (2,01 x 1,34 m). A ccadem ia, Venise. A utrefois
9i, 98 Les plus belles œuvres de Lorenzo Lotto sont souvent à Sainte-M arie-M ajeure. Ce saint Jean-B aptiste est sans doute
des portraits. la plus belle tentative de T itien p our se rap p ro ch er du style des
figures de M ichel-Ange. Le geste calm e, les nobles pro p o rtio n s sont
LE T IN T O R E T extrêm em ent im posants. C ette œuvre m atérialise le changem ent
d ’a ttitu d e des peintres vénitiens vis-à-vis de la représentation des
Vers 1545, la peinture vénitienne subit de profonds chan­ figures et des caractéristiques de l’art d u centre de l ’Italie, q u ’ils
gements. En 1548, un nouveau venu se révéla avec sa avaient adoptées.
99. Satie de ta Scuola di San Rocco, Venise. La Scuola fut construite d ’origine. Elle illustre la splendeur et le faste des édifices publics
entre 1517 et 1545 environ. Les peintures qui décorent l’intérieur vénitiens. Les couleurs éclatantes des toiles du T m toret se m arient
sont entièrem ent l ’œuvre du T intoret qui y travailla irrégulièrem ent à merveille avec les lourdes boiseries dorées du plafond.
entre 1564 et 1587. C ette salle fut décorée entre 1576 et 1581. La
Scuola est la seule qui ait conservé ju s q u ’à nos jo u rs son décor

peinture destinée à la Scuola di San Marco. C ’était Jacopo scènes sont pour lui de simples « décors » destinés à
Robusti, appelé le Tintoret. L’œuvre représentait l’un abriter un drame. Dans la majorité de ses œuvres impor­
des miracles de saint Marc : le Miracle de l'esclave. Dès tantes, celles de la Scuola di San Rocco, il ne s ’intéresse 99
le début, le style dramatique et hardi du Tintoret chercha que superficiellement aux cadres architecturaux. L’espace
à éveiller des émotions chez le spectateur de ses œuvres. est presque supprimé et les figures sont disposées à la
Il avait recours à tous les moyens qui pouvaient lui surface de la toile sans qu’il soit tenu compte de la
permettre de parvenir à ses fins : jeux d ’ombre et de profondeur de leur position dans l’espace. Dans les
lumière et une emphase sur les figures que l ’on ne retrouve œuvres de la Poésie, Titien avait déjà abordé une concep­
que chez Titien vers 1540. Le premier biographe du tion semblable, mais dans l’ensemble, les couleurs du
Tintoret, Ridolfi, rapportait au siècle suivant l’admiration Tintoret, influencé peut-être en cela par les tons sombres
de l’artiste pour Michel-Ange. Il nous conte également de certaines œuvres de Titien, n ’ont nullement la douceur
que le Tintoret utilisait des boîtes aménagées comme une des coloris de la Poésie. La technique du Tintoret, qui
scène de théâtre et où l’éclairage pouvait être modifié, consiste à opposer des zones d ’ombre et des zones
ce qui lui permettait d ’étudier les jeux d ’ombre et de vivement éclairées, fut peut-être élaborée dans la pers­
lumière. On dit aussi qu’il étudiait la figure humaine pective du cadre où ses toiles allaient être placées : de
sous des angles nouveaux en accrochant en l’air des sombres panneaux de bois que n’éclairaient que quelques
petits modèles d ’argile. Il est évident qu’on ne trouve pas sculptures et dorures. Les ombres profondes des tableaux
dans une seule et même œuvre, le résultat de ces recherches. du Tintoret se marient à merveille avec ces encadrements,
Mais le caractère théâtral d ’une autre œuvre, la Découverte et les formes colorées reprennent le rythme des ornements
93 du corps de saint Marc, exécutée aussi pour la Scuola dorés. Les toiles sont partagées entre trois salles, et
di San Marco, est certainement le résultat de ces expé­ dans la plus grande pièce, au rez-de-chaussée, la concep- 96
riences. tion spatiale du Tintoret devient très arbitraire. Il place
Le Tintoret ne s’intéressait pas aux cadres en eux- côte à côte de minuscules figures éloignées et d ’énormes
mêmes, se détachant ainsi d ’une tradition picturale figures de premier plan, si bien que toute compréhension
enracinée de l’art vénitien; les cadres où se déroulent les de sa conception de l’espace nous est rendue impossible.
100. Grand salon, villa Barbaro. M aser, près de C astelfranco. Villa 101. Jacopo Sansovino. Neptune. 1554-1567. Palais des Doges,
construite p a r P alladio; décor intérieur de Véronèse, exécuté entre Venise. Ce N eptune est, avec une autre statue, la prem ière œuvre
1559 et 1560. Véronèse a su a d ap ter le décor à l ’architecture de cette gigantesque exécutée à Venise. D ans ce dom aine Venise était en
pièce cruciform e. Les arcs peints encadrent des paysages fantastiques retard su r Florence o ù les prem iers nus m onum entaux étaient
qui faisaient de la villa une retraite cham pêtre. a pparus avec le D avid de M ichel-Ange (illustration noire n° 45).
O n reconnaît la griffe de Sansovino dans les contours ram assés
et le m ouvem ent de la figure.

VÉRONÈSE avec les architectes Michele Sanmicheli ou Andrea


Palladio. L’une de ses plus remarquables décorations
Le Tintoret fut d ’abord un peintre d ’histoire et ensuite fut celle qu’il réalisa pour la villa Barbaro à Maser too
un décorateur. Ses œuvres dispensent peu de charme (près de Castelfranco). Ici la beauté de l’architecture
sensuel parce que l’artiste ressentait avec trop d ’intensité l’inspira particulièrement, et son décor consista souvent
les scènes qu'il représentait. Le caractère décoratif des à peindre un cadre architectural à la surface même
peintures de San Rocco est très particulier, car il semble des murs des différentes pièces.
que le Tintoret avait contraint son style avant tout drama­ L’importance du détail chez Véronèse rappelle les
tique à jouer un rôle décoratif. A la même époque, vivait peintures historiques de Bellini et de Carpaccio. Si le
à Venise un peintre de valeur dont les œuvres sont si style des figures est totalement différent, les intérêts
volontairement décoratives que toute action dramatique sont suffisamment semblables pour qu’on pense que
est absente de ses toiles ou à peine suggérée. Cet artiste ces artistes répondaient à un aspect permanent du goût
était Paolo Véronèse qui, à l’âge de vingt ans, décorait vénitien. Leur affinité se révèle également sur le plan des
déjà villas et maisons de campagne. Son œuvre fut couleurs. Les tons étouffés de Carpaccio n ’ont rien de
toujours celle d ’un décorateur de génie. Sa peinture commun avec les couleurs argentées de Véronèse, mais
différait de celle du Tintoret par presque tous ses aspects. tous deux attachaient la même importance aux coloris
94 II exécuta de nombreux retables dans un genre qui des vêtements et du costume, en tant qu’éléments déco­
attirait très peu le Tintoret. Il évitait les scènes drama­ ratifs. Mais Véronèse ne laissait pas les ombres profondes,
tiques, et ses « scènes de banquet » ne sont pas près de qui envahissent les toiles du Tintoret, détruire l’impression
sombrer dans l ’oubli ; la Cène, le Christ dans la maison de gaieté chatoyante que dispensent ses œuvres.
du pharisien représentent, dans un riche décor architec­
tural, le train de vie somptueux d ’un homme riche, BASSANO
domestiques, amis, animaux, gardes, etc.
A la différence du Tintoret, Véronèse insiste sur les Parmi les nombreux peintres d ’importance secondaire
détails architecturaux. Il travailla souvent en collaboration qui se rattachent à la tradition vénitienne, le plus intéres-
V IT T O R IA

A l’évolution de la peinture vénitienne vers 1540, fit écho


une évolution semblable dans le domaine de la sculpture.
Les Vénitiens se mirent à aimer la statuaire colossale et,
après avoir commandé une statue de Neptune pour la
Piazza San Marco (1544, aujourd’hui disparue) le sénat
vénitien demanda à Jacopo Sansovino de sculpter deux
grandes figures de M ars et de Neptune pour le palais des toi
Doges (1554). Ces figures surplombant le grand escalier
de la cour du palais, sont très impressionnantes. Elles
démontrent que Sansovino contrôlait encore totalement
ses compositions, même à une échelle héroïque et dans
un contexte totalement dégagé de contraintes archi­
tecturales. Les figures sont massives, l’artiste a choisi
une attitude frontale et c ’est ce qui les rend si impres­
sionnantes.
Jacopo Sansovino s’entourait de nombreux assistants.
Certains édifices, comme la bibliothèque San Marco à 82
Venise, devaient être ornés de nombreuses statues, et
Sansovino faisait souvent appel à ses assistants. L’un
d ’eux, Alessandro Vittoria, venait de Trente et il arriva
à Venise en 1543. Il allait devenir le sculpteur le plus
remarquable de la ville pendant la seconde moitié du
siècle. Il serait faux de dire qu’il était l’élève de Sansovino :
ils durent certainement se quereller et le jeune Vittoria
qui avait quarante ans de moins que Sansovino, s’inspira
102. Alessandro V ittoria. Saint Jérôme. A vant 1568. M arbre. H a u ­
finalement de Michel-Ange. Son style s ’opposait sous
teu r 1,92 m. Santa M aria G loriosa dei Frari, Venise. F ait partie
bien des aspects à celui de Sansovino et il faut rechercher
d ’un autel érigé p our la famille Z ane et d ont les élém ents sont
a u jo u rd ’hui dispersés. C ette figure est conçue de telle m anière q u ’elle les sources de son inspiration dans la sculpture du monu­
n ’a jam ais dû s ’incorporer à un cadre a rchitectural; elle a dû to u ­ ment de Jules II plutôt que dans la Loggetta du palais 85
jo u rs évoquer, a u contraire, un acteu r violent isolé sur une scène. des Doges de Venise. Il semble en particulier que les
Esclaves de Michel-Ange aient perpétuellement fasciné
Vittoria. On se rappelle que Titien les connaissait déjà
en 1520 lorsqu’il travaillait à son retable de Brescia.
Mais, pour lui, le saint Sébastien avait été une étude isolée
du style de Michel-Ange. Vittoria, au contraire, retourna
à plusieurs reprises à la composition contrastée des
sant est Jacopo da Ponte, plus connu sous le nom de deux Esclaves et plusieurs de ses œuvres majeures s’en
Bassano, sa ville natale. Il vécut longtemps dans cette cité inspirent. Il n’est donc pas étonnant que son style diffère 102
mais fut formé à Venise (1530) dans l’atelier d ’un artiste profondément de celui de Sansovino. Vittoria ne concevait
de moindre importance Bonifazio d e’ Pitati. Tout au pas la sculpture dans un cadre architectural restreint.
long de sa vie (il mourut en 1592), les changements Mais, d ’une façon qui rappelle Michel-Ange, ses figures
majeurs qui affectèrent son style reflétèrent toujours les semblent se mouvoir en avant de l’architecture avec une
tendances artistiques de Venise. C ’est ainsi qu’après vigueur et une liberté qui créent des rythmes contrastant
avoir modelé son style sur celui de Bonifazio, il s ’inspira souvent avec le cadre architectural.
de Pordenone (vers 1540); ce n’est que vers 1550 qu’il
commença à peindre dans le style qui nous est plus L ’A R C H IT E C T U R E D U X V Ie SIÈC LE EN V ÉN ÉTIE
familier, en tons sombres rehaussés de taches éclatantes
et d ’éclairs de couleurs vives (certainement sous l’influence Jacopo Sansovino et le Véronais Michèle Sanmicheli,
de son contemporain le Tintoret). Ce qui aurait pu être deux des plus importants architectes de Venise au
une carrière provinciale obscure fut, en fait, rehaussé x v ie siècle, y étaient venus en 1527 après le sac de Rome.
par la création d ’un certain nombre d ’œuvres d ’un type Ils y avaient passé de nombreuses années et s’étaient tous
particulier, scènes de la vie rustique, liées d ’assez loin à les deux familiarisés avec l’architecture de Bramante
loo un sujet biblique, auxquelles on associe souvent le nom et de ses successeurs. En un certain sens, leurs archi­
de Bassano. Ces peintures détaillées qui représentent des tectures respectives constituaient, chacune en son genre,
paysans, des animaux, des fruits, des légumes et autres une sorte de prolongement de celle de Bramante, puis­
éléments rustiques, rappellent vaguement Breughel, qu’elles montraient de manière différente, comment on
contemporain de Bassano; elles le rendirent célèbre à pouvait agrémenter et enrichir l’austérité de Bramante.
l’époque. Dès 1560, les amateurs de peinture collec­ Outre ses œuvres de Vérone, Sanmicheli conçut trois 103
tionnaient ces toiles. palais qui s'inspirent de la Maison de Raphaël à Rome. 54
165

Mais dans chacun de ces palais, la décoration architec­ symétrie. Cette impression était encore augmentée par
turale varie de manière significative. la présence d ’un portique classique à fronton et colonnes
On retrouve la même richesse du décor des surfaces au milieu du bâtiment principal. Dans la Villa Rotonda
chez Sansovino. Son édifice vénitien le plus remarquable, à Vicence, cet élément fut répété sur les quatre côtés de
la bibliothèque San Marco (commencée en 1537) ne la maison, ce qui produit un effet de symétrie parfaite
s’inspire pas directement de Bramante; les piliers des et d ’équilibre total. Le portail classique donne, semble-
arcades sont plus proches du théâtre romain de Marcellus. t-il, aux villas une allure de grandeur éternelle et d ’élé­
Mais l’importance des décorations sculptées est remar­ gance. C ’est cet élément qui fut le plus souvent emprunté
quable. Les guirlandes de fleurs et de fruits de la frise à Palladio par les architectes anglais du xvnie siècle.
supérieure rappellent le décor en stuc du Palazzo
dell’Aquila. Néanmoins, bien que Sansovino manipule C O N C L U S IO N
habilement les motifs architecturaux classiques - et les
idées décoratives, son architecture conserve une auguste Le x v ie siècle ne fut pas seulement celui de la Renaissance,
gravité. mais aussi celui de la Réforme. N ous avons déjà parlé
De tous les autres architectes italiens du x v ie siècle, de la Contre-Réforme et des conséquences que ce mouve­
Andréa Palladio fut sans doute le plus influent. En 1570, ment eut pour l’art. Ces conséquences furent profondes
il publia li Quattro Libri dell'Architettura, œuvre plus en Italie, en particulier dans l’art de la Société de Jésus
érudite et mieux documentée que tous les autres traités (fondée en 1540). On peut donc se demander si la Réforme
italiens sur l’architecture écrits au x v ie siècle. Outre les eut des effets parallèles. Mais la nature des idées religieuses
connaissances de Palladio, ce traité présente son œuvre qui l ’amenèrent furent telles qu’elle eut des conséquences
originale car il cite la plupart de ses propres édifices. totalement différentes. Les décrets du concile de Trente,
Dans sa jeunesse, il se rendit à Rome en compagnie d ’un qui matérialisaient les principales notions de la base
humaniste du nom de Trissino et y étudia en 1540 et de la Contre-Réforme, ne faisaient que réviser l ’art
1541, les ruines antiques. Cependant, il passa la majorité ecclésiastique sans le supprimer. Mais les églises de Luther
de sa vie à Vicence, et c ’est là qu’il édifia la plus grande et de Calvin étaient en si profond désaccord avec le
partie de ses édifices. Il travailla aussi à Venise et l’église contenu même de l ’art ecclésiastique qu’aucune alter­
de San Giorgio Maggiore qui se dresse sur l ’île faisant native ne s ’offrait à eux et qu’ils durent le détruire
face au palais des Doges, est sans doute son œuvre la purement et simplement. Ainsi, de nombreux objets d ’art,
plus connue. retables, vitraux, images sculptées... disparurent des
Palladio s ’inspira de sources très variées. Il admirait régions qui tombèrent au x v ie siècle sous le contrôle de
l ’ordre et la symétrie des œuvres de Bramante, mais l’Église réformée. Pour vivre, les artistes durent se
comme les successeurs de Bramante, il agrémenta ses tourner vers le profane et ne créèrent que ce qui leur était
œuvres de décors sculptés soigneusement équilibrés. permis : portraits, tableaux de genre, monuments publics,
Dans l’ensemble, son œuvre fut si mesurée et logique décors de jardins, palais et hôtels de ville.
qu’elle séduit encore les architectes d ’aujourd’hui. Certains artistes étaient favorables à la Réforme ou
La réputation de Palladio repose également sur une connaissaient des hommes qui, de notoriété publique,
série de magnifiques villas. On commençait tout juste approuvaient la Réforme. C ’est le cas de nombreux
à confier aux architectes la construction des villas. C ’est peintres célèbres du Nord vers 1525 ; parmi eux, on compte
certainement Alberti qui ouvrit la voie à ce genre de des artistes aux styles très divers : Dürer, bien qu’il soit
commandes au x v e siècle. Mais cette attitude nouvelle au service de l ’empereur, connaissait Luther et Erasme;
des mécènes s’explique aussi par le fait qu’ils avaient Holbein, qui passa la majeure partie de sa vie à la cour
compris qu’on pouvait désormais construire des villas protestante d ’Angleterre, connaissait également Erasme;
qui ne soient pas des châteaux forts. Vers 1480, la famille Cranach, peintre à la cour protestante de Saxe, et
Médicis fit construire la célèbre villa de Poggio a Caiano Grünewald avaient des sympathies luthériennes. Cepen­
qui fut sans doute l’un des premiers édifices de ce genre. dant, il n ’existait pas assez d ’éléments semblables chez
Néanmoins il existe divers types de maisons de campagne. ces artistes qui permettent de parler de « caractéristiques
Certaines, comme le Palazzo del Tè, étaient très proches réformistes ». Ét si les tableaux de Grünewald révèlent
de la ville; d ’autres, construites loin de toute cité, se un déséquilibre mental, rien ne prouve que ce déséquilibre
trouvaient à proximité d ’une ferme, propriété de la soit un « signe des temps ».
famille, qui assurait le ravitaillement. Palladio construisit Nombreux sont les écrivains qui ont tenté de décrire
des villas des deux types, mais celles qui appartiennent à la Renaissance. Dans le domaine de l’art, les changements
la seconde catégorie sont les plus nombreuses. Sansovino qui se produisirent alors se traduisent par l’abandon du
et Sanmicheli avaient, eux aussi, dessiné des plans de style gothique et annoncent un art nouveau s ’inspirant
villa. Et c ’est la Villa Soranza de Sanmicheli qui inspira de l’Antiquité. De profonds bouleversements touchèrent
¡04 à Palladio ses idées les plus caractéristiques : ailes en également d ’autres domaines. En vérité, il semble bien
saillie se détachant du bâtiment principal, par exemple. que nulle autre période que le x v e siècle et le x v ie n ’aient
Ces ailes servaient souvent à relier le bâtiment central mieux mérité le qualificatif de « transitoire ». Le renfor­
aux dépendances. En outre, sur le plan subjectif, elles cement de nations comme la France et l’Angleterre; la
semblent se tendre vers le paysage pour l’enserrer. faiblesse du Saint Empire romain; la naissance du
Ce qui séduisait dans les villas de Palladio, c ’était leur protestantisme et la fin de l’universalité de l ’Église; les
166

découvertes géographiques des Portugais et des Espa­


gnols; les théories de Copernic et de Galilée, tous ces
événements se situent entre 1400 et 1600 et se produisent
parallèlement à la re-découverte de la culture de l’Anti­
quité classique.
Ce livre a traité essentiellement du « renouveau
classique ». Le terme « renouveau » mérite qu’on insiste,
car c'est un élément inédit dans l’art occidental. Lorsque
nous avons étudié l'influence de l’art italien sür le Nord,
nous avons souligné cet avantage qu’il avait sur tout
autre art : il donnait l’impression d ’être le seul « bon ».
Cela s’explique en grande partie par le fait que cet art
était avant tout un style de renaissance soutenu par un
auguste aréopage littéraire et artistique. La somme des
génies de Michel-Ange, de Raphaël et de Bramante ne
parvient pas à masquer cet aspect de la Renaissance
italienne. La diffusion du classicisme vouait l’Europe à
trois siècles de renaissance artistique dont elle n ’allait
émerger qu'à la fin du siècle dernier. Q u’importe si
cet art était « bon » ou « mauvais ». Ce phénomène se
produisit, grandit et parvint à son apogée pendant la
période que nous venons d ’étudier.
Les années 1400 ont fourni un excellent point de départ
à notre étude, car le style gothique international consti­
tuait l’origine commune de l’art européen. Mais il est
impossible de donner une image aussi simple de la scène
européenne en 1575. La situation n’avait alors rien de
103. M ichele Sanm icheli. Palais Bevilacqua, Vérone. 1530 environ. comparable. Certes, vers 1630, la plupart des pays euro­
Le plan de ce palais s'inspire de la récente expérience de R om e de péens s’étaient forgé leur propre langage classique, ce qui
Sanm icheli, et en particulier de la M aison de R aphaël (illustration donnait une unité superficielle à l’art européen, assez
noire n" 54). Sanm icheli a cependant considérablem ent transform é
semblable à celle du x iv e siècle; mais au x v ie siècle, la
la décoration, ajo u tan t des ornem ents qui lui plaisaient peut-être
situation était loin d ’être aussi simple. 11 convient donc
ou qui répondaient au désir d 'u n client soucieux d 'u n e apparence
plus som ptueuse. que le lecteur se tourne maintenant vers le xvne siècle.

104. Andréa Palladio. Villa Barbaro. M aser, près de C astelfranco,


entre 1550 et 1560. C ette villa érigée par Palladio est, certes, l'une
de celles q u 'il a le mieux réussies. Les ailes sem blent s'o u v rir pour
em brasser le paysage; à l’intérieur (illustration noire n° 100) la
présence de la cam pagne est sans cesse évoquée par les fresques de
Véronèse.
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11370 11390 (1430
1
lorenzo Monaco - - - - - - - - - - - - - Antonio Rossellino
- - - - - - - - - - - - - - - - - Jacopo della Quercia - - - - - - - - - - - - - - - -
-------------------Brunelleschi
Ghiberti
- - - - - - - - - - - - - - - - Masolino ---------------------
- - - - - - - - - Nanni d1 Banco Castagno
-----------------------Donatello
Fra Angelico
Pisanello-----------------
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Michelozzo
FLORENCE Ucello
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - luca della Robbia - - - - - - - - -
ET LA - - - - - - Masaccio
TOSCANE - - - - - - - - - - - - - - - - - A l b e r t i (et à Mantoue)----------~
- - - Domenico Venez1ano
Filippo lippi

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - P i e r o della Francesca (et 8


- - - - - - - - - - - - - - - - A g o s t i n o di Duccio
Bertoldo
Desiderio da Settignano

Gentile da Fabraano (et 8 Ven1se et Florence)


Il ---------------<
ROME.

E.T

L' OMBRIE
Il

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Squarcione - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - -.Jacopo Bellini
--------------------
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - c o s m e T-:~
les traits représentent les vies des artistes. s;
Antonello da Messina (et i
les pointtiMs correspondent aux dates
approximatives.
VENISE PADOUE les noms des artistes ont été placés dans les
réglons où ils ont le plus travaillé et non
MANTOUE pas dans les régions où ils sont nés ou ont
été formés. S'ils ont travaillé dans d'autres
ET MILAN
régtons. celles-ct sont menttonnées entre
parenthèses. Ex. : dans la rubrique Rome
«Raphaël (et à Florence)» signilte «a traV811/é
8 Florence et 8 Rome ». FI. = Flamand.
H = HollandaiS

--------------------te Filarete---------------

- - - - - - - - - - - - - - - - Broederlam (FI.) - -- -- - - - - - - - - - - - - - - - - - Petrus Chris tas


- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -----Jan van Eyck (FI.) - - - - - - - - - - - - - - - - - '"

- - - - - - - - - - - - - - R o g e r van der Weyden (FI.) - - - - - - - - - - - - --..4


- - - - - - - - - - - - - - - Dirck Bouts (H.) _ _ _ _ ____..;
- - - - - - - - - - - - - - - - rrères limbourg (et en France) - -

- -- - - - - - - - - - - Sluter (et en France)


Campin (FI.)

- - - - - - - - - - - - - - - K o n r a d Witz (et 8 Bâle,~-----


Multscher - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - S t e p h a n lochner

- - - - - - - - - - - - - - - Martin S

- - - - - - - - - - - - - - - - - - lukas Moser - - - - - - - - - - - - - -

FRANCE
- - - - - - - - - - - - - - - - - - F o u q u e t - - - - --

ESPAGN!:.
11480 11490 11500 11510 11520 11550 11560 11570

- - - - - - - - - - - A n d r e a del Sarto - - - - - - - - - - -

- - - Ghirlandaio - - - - - - - - - - - - - - - - Cell1n1 (et à Rome et Parts) - - - - - - - - - - - - - - - - - -

-------Léonard de V1nci (et à M1lan) - - - - - - - - - - - - - - - - - -


- - - - - - - - - - - - - - - - - - - L o r e n z o d1 Cred1 - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - B a c c i o Bandmelh

- - - - - - - - - - - - - - - - - Andrea Sansovmo
-----------Aibertmelh - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - Pontormo
-------------------Bronzino - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
o Pollaiuolo
-Piero Pollaiuolo
- - - - - - - - - - F r a Bartolommeo

- - - - - - - - Fll1pp1no L i p p i - - - - - - - - - - - -
' S. Sepolcto et à Rome) - - - - - - - - - -- - - - - - - Rosso florentino (et à Fontainebleau) - - - - - - - -
Vasari

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - M1chei-Ange (et à Rome) - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Botticelli Giovanm Bologna (mort en 1608)


Pietro Torrigiano (et en Angletem)

Antomo da Sangallo le Jeune


- - - - - - - - - - s i g n o r e l l i (et à Florence) - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
-------Bramante (et à M i l a n ) - - - - - - - - - - - - - - - - -
Perugino (Le Pérugin)
Peruzzi----------------
Raphaël (et à Florence)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - Polidoro da Caravaggio - - - - - - - - - -
- - - - - - - - Parmigianino (et à Parme) - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - Vignola---------------------
- - - - - - - - - - - - - S a l v i a t i (et à Florence) - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - J a c o p i n o del Conte (mort en 1598) - - - - - - - - - - - -

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Sebastiano Serlio - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - P a l m a Vecchio
Giovanni B e l l i n i - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
-----Foppa
t à Ferrare) - - - - - - - - - - - - - - - Primaticcio (le Primatice) (et à Fontainebleeu)
~ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Lorenzo Lotto
- - Mantegna - - - - - - - - - - - - - - - - - - Palladio (mort en 1580) - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - Alvise Vivarini - - ... - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - B a s s a n o (mort en 1592) - - - - - - - - - - - - - -
- - - Pietro Lombardo - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - Tulho Lombardo - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - A n t o n i o Lombardo - - - - - - - - - - - - - - T l n t o r e t t o (le Tintoret) (mort en 1594) - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - Cima da Conegliano - - - - - - - - - - - - Alessandro Viltoria (mort en 1608) - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - Carpaccio Véronèse (mort en 1588) - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - Antico - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Giorgione - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - Pordenone
Michele Sanmicheli - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - s e b a s t i a n o del Piombo (et à R o m e ) - - - - - - - - - - - - - -
Jacopo Sansovino - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Titien---------------------------
--- --- __________ Le Corrège
;...
G1ulio R o m a n o - - - - - - - - - - - -

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Patemr (FI.) - - - - -
·----------- Memlinc (FI) - - - - - - - P1erre Breughel l'Ancien ( F I . ) - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - Jan van Scorel (H.) - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - Maerten van Heemskerck (H.) - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - Spranger (FI.) (mort en 1611) _ _ _ __
- - - - - - - - - - - - - M a b u s e ( F I . ) - - - - - - - - - - - --
- Hugo van der Goes (FI.)--- - Adriaen de Vries (mort en 1626)
Bosch (H .)
- - - - - - - - - - - - - - - - o u e n t m Massys (FI.) - - - - - - - - - - - - - - - - -
Gérard David (FI.)
- - - - Geertgen tot Sint Jans (H.)

-------------veit Stoss---------------------------

-----------------Durer-----------------
Riemenschneider - - - - - - - - - - - -- - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - Altdorfer----------------
ael Pacher

~----------Adam
r-' Krafft - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Grunewald
Lucas Cranach l'Ancien
Hermann Vischer le Jeune
Hans Holbein le Jeune (et à Bâle et en Angleterre) - - - - -
Jamnitzer (mort en 1 5 8 5 ) - - - - - - - - - - - - - - - - - -

- - - - - - - Jean C l o u e t - - - - - - - -
Philibert de L'Orme
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Lescot - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - G e r m a i n Pilon (mort en 15 )
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Goujon -- ------ - --

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - P e d r o Machuca - - - - - - - -
------- ---------------------Berruguete--------------------
- - - - - - - - - - - - - - - - - J u a n Baut1sta de Toledo--------
- - - - - - - - - - - - Herrara (mort en 1597) - - - - - - - - - - -
El Greco (
Notes biographiques sur les artistes

A G O S T IN O di D uccio. S culpteur florentin, n é en à R om e vers 1481-1482 p o u r déco rer la ch apelle D A V ID , G érard . P ein tre flam and né vers 1460 à
1418; il tra v ailla à F lorence et à M odène, R im in i et Sixtine. Il passe p o u r av o ir été influencé p a r l ’en ­ O u d ew ater, en H o llan d e. E n 1483, il se ren d it à
B ologne. Il m o u ru t en 1481. seignem ent de S av o n aro le. Il m o u ru t en 1510. B ruges o ù il trav ailla. Il effectua u n voyage à A nvers
en 1515. Il m o u ru t à B ruges en 1523.
A L B E R T I, Leone B attista . H u m an iste et architecte B O U T S , D irck. P ein tre h o llan d ais, né vers 1415 à
flo re n tin , né à G ênes, sans d o u te en 1404. E n 1428, H aarlem . II trav ailla s u rto u t à L o u v ain o ù il m o u ­ D E S ID E R IO da Settignano. S cu lp teu r flo ren tin né
il se re n d it à F lo ren c e, puis e n tra au service du pape ru t en 1475. en 1428. 11 trav ailla à F lorence o ù il m o u ru t en 1464.
et voyagea. Il exerça su rto u t son ta len t d ’architecte B R A M A N T E , D onato. A rch itecte o rig in aire des
à F lo ren c e, R im ini et M a n to u e ; il m o u ru t en 1472. D O N A T E L L O . S cu lp teu r flo ren tin , né en 1386. Il
M arches, né en 1444 près d ’U rb in o ; en 1477, il se
a p p rit son m étier et trav ailla à F lo ren ce. E n tre 1431
ren d it à B ergam e. E n tre 1479 et 1499, il trav ailla su r­
A L B E R T IN E L L I. M a rio tto , P eintre florentin. N é et 1433, il visita R o m e, puis re n tra à F lo rence av an t
to u t à M ilan et à Pavie. E n 1499, il se fixa à R o m e
en 1474; il vécut et tra v ailla à F lorence; il m o u ru t de se ren d re à P ad o u e en tre 1443 et 1453. Il reto u rn a
o ù il m o u ru t en 1514. à F lo ren ce et y m o u ru t en 1466.
en 1515.
B R E U G H E L , P ierre. P ein tre flam and, né vers 1525
A L T D O R F E R , A lbrecht. P eintre bavarois, dessina­ D U R E R , A lbert. P ein tre, grav eu r et dessin ateu r
ou 1530. II tra v ailla s u rto u t à A nvers et à Bruxelles.
te u r et g rav eu r; n é en 1480. Il trav ailla s u rto u t à d ’estam p es fran co n ien , né en 1471 à N u rem b erg où
E n tre 1552 et 1554, il visita l ’Italie, R o m e et la
R eg en sb u rg (R atisb o n n e). C ’est u n des artistes les il se fixa. Il fit deux séjours à V enise en 1494-1495 et
Sicile. Il m o u ru t en 1569. en 1505-1507. E n 1521, il tra v ailla à la c o u r de
p lus im p o rtan ts de l ’école allem ande. Il m o u ru t en
1538. M axim ilien II, p uis de son fils C h arles V. Il visita
B R O E D E R L A M , M elchior. P ein tre flam and qui
les Pays-Bas en 1520. Il m o u ru t en 1528.
com m ença à p ein d re en 1381, E n 1385, il en tre au
A N G E L IC O , F ra. P ein tre flroentin. N é sans d o u te
service de P hilip p e le H a rd i, d u c de B ourgogne.
en 1400. Il en tra dan s un cou vent d o m inicain à
A près 1409, sa vie n o u s est inconnue.
Fiesole, près de F lorence. Il tra v ailla s u rto u t à F lo ­
rence, m ais visita R o m e vers 1446-1449; il reto u rn a E Y C K , J a n van. P ein tre flam and. Il co m m en ça à
B R O N Z IN O (A g n o lo A llori). P ein tre florentin, né
à R o m e o ù il m o u ru t en 1455. trav ailler en 1422. D ’ab o rd à la co u r de Jean , com te
en 1503. Il tra v ailla su rto u t à F lo ren ce o ù il fu t
de H o lla n d e, puis à la co u r de P h ilip p e le B on, duc
peintre à la c o u r du d u c C osm e I er de M édicis; il
A N T IC O (P iero Jaco p o A lari Bonacolsi). S culpteur de B ourgogne. A p a rtir de 1430, il vécut à B ruges
m o u ru t en 1572. ju s q u ’à sa m o rt en 1441.
su r b ro n ze, né à M an to u e vers 1460. Il tra v ailla à la
c o u r des G o nzague dan s cette m êm e ville, et visita
B R U N E L L E S C H I, Filippo. S cu lp teu r et arch itecte
R o m e en 1497; il m o u ru t en 1528. florentin, né en 1377. Il trav ailla s u rto u t à F lorence
et aux environs, m ais se ren d it à R o m e vers 1405 et F IL A R E T E (A n to n io di P ietro A verlino). Sculpteur
A N T O N E L L O da M essina. P eintre sicilien né en
entre 1430 et 1433. Il m o u ru t en 1446. et arch itecte italien né vers 1400 à F lorence. Il se
1430. Il trav ailla à N aples et à M essine, puis visita
V enise en 1475-1476. Il m o u ru t à V enise en 1479. ren d it p ro b ab lem en t à R o m e vers 1433. E n 1447 il
rev in t à F lo ren ce et voyagea en Italie d u N o rd ju s­
q u ’à ce q u ’il soit rap p elé à M ilan en 1451. Il reto u rn a
C A M P IN , R obert. P ein tre flam and né en 1378 o u p eu t-être à R o m e vers 1465 et m o u ru t vers 1469.
B A N D IN E L L E Baccio. S culpteur, peintre et o rfèvre 1379. Il tra v ailla s u rto u t à T o u rn a i. O n p eu t dire que
florentin. N é en 1493. Bien q u ’il se soit ren d u à R o m e son œ uvre n ’est au tre q ue celle q u i est co m m u n é­ F IO R E , Jacobello del. P ein tre vénitien q u i trav ailla
en tre 1536 et 1541, il tra v ailla s u rto u t à F lorence, où m ent attrib u é e au M aître de F lém alle. Bien que cela vers 1400. Il vécut s u rto u t à V enise o ù il m o u ru t en
il m o u ru t en 1560. ne soit pas une certitu d e ab so lu e, n o u s a d o p tero n s 1439.
ici cette thèse sans la discuter. Il m o u ru t en 1444.
B A R B A R I, Jaco p o de’ P eintre et graveur vénitien. F O P P A , V incenzo. P ein tre de B rescia, né en tre 1427
N é vers 1445. Il tra v ailla d ’a b o rd à Venise puis après C A R A V A G G IO , Polidoro da (Le C aravage). P eintre et 1430. P ein tre à la c o u r des ducs de M ila n ; il tra ­
1500 en A llem agne et aux Pays-Bas. Il m o u ru t en italien né vers 1490. Il trav ailla à R o m e ju s q u ’en 1528, vailla s u rto u t à M ilan et à Pavie. Il fit plusieurs
1516. puis à N aples et à M essine ju s q u ’à sa m o rt en 1542. voyages à G ênes et m o u ru t vers 1515.

B A R T O L O M M E O , F ra (Bartolom m eo della P o rta). C A R P A C C IO , V ittore. P eintre vénitien, né vers F O U Q U E T , Jean . P eintre fran çais, né vers 1420, à
P ein tre flo rentin, né vers 1474. En 1500, il en tra au 1465. Il tra v ailla presque un iq u em en t à V enise. Il T o u rs. Il se ren d it sans d o u te à R o m e vers 1440, mais
c o u v e n t de S an M arco à F lorence, puis se ren d it en m o u ru t entre 1523 et 1526. trav ailla s u rto u t à la co u r de F ran ce, à T o u rs. Il
1508 à Venise, et vers 1514, à R o m e ; il m o u ru t vers m o u ru t en 1481, peu t-être av an t.
1517. C A S T A G N O , A ndrea del. P eintre florentin né en
1423. E n 1442, il se ren d it à V enise, m ais trav ailla
B A SS A N O (Jacopo da P onta). P eintre vénitien né su rto u t à F lorence. Il m o u ru t en 1457.
vers 1515. C ’est à V enise q u ’il a p p rit son art, mais G E E R T G E N to t Sint Jan s. P ein tre ho llan d ais qui
il tra v ailla su rto u t à B assano. Il m o u ru t en 1592. C E L L IN I, Benvenuto. S culpteur et o rfèv re florentin, m o u ru t, d it-o n , en 1490, à l ’âge de v in g t-h u it ans. Il
né en 1500. E n tre 1519 et 1540, il tra v ailla s u rto u t à tra v ailla à H aarlem .
B E L L E C H O S E , H enri. P eintre flam and em ployé R o m e , visitant aussi F lo ren ce, V enise et la F ran ce.
vers 1415 à la c o u r du duc de B ourgogne à D ijon. E n tre 1540 et 1545 il séjo u rn a en F ran ce. A p a rtir de G E N T IL E da F abriano. P eintre o rig in aire des M a r­
Il y m o u ru t en tre 1440 et 1444. 1545, il dem eura s u rto u t à F lo ren ce o ù il m o u ru t ches, né vers 1370. Vers 1408-1409 il tra v ailla au
en 1571. palais des D oges, à V enise. E n tre 1414 et 1419, il
B E L L IN I, G iovanni. P eintre vénitien, né vers 1430, d em eu ra à B rescia; en tre 1422 et 1425, à F lorence,
fils de Jaco p o Bellini. Il tra v ailla presque uniquem ent C H R IS T U S , P etru s. P ein tre flam and, né vers 1420. en 1425 et 1426, à Sienne. E n 1427, il se ren d it à
à V enise ju s q u ’à sa m o rt en 1470 ou 1471. A près 1444, il tra v ailla su rto u t à Bruges et m o u ru t R o m e et y m o u ru t cette m êm e année.
en 1472 ou 1473.
B E R R U G U E T E , Alonso. S culpteur .peintre et arch i­ G E R H A E R T , N ikolaus. D ’orig in e in co n n u e. E n tre
tecte espagnol. N é en 1486. A près 1504, il s ’étab lit C IM A da Conegliano. P eintre vénitien, né en 1459 1462 et 1467, il tra v ailla à S trasb o u rg . E n 1467, il se
en Italie, à F lorence n o ta m m e n t. Il reto u rn a en ou 1460. Il tra v ailla su rto u t à V enise et m o u ru t en ren d it à V ienne. En 1472, il se fixa à W ien er-N eu stad t
E spagne vers 1520. Il tra v ailla su rto u t à V alladolid 1517 ou 1518. et m o u ru t vers 1487.
et T o lèd e, o ù il m o u ru t en 1561.
C L O U E T , Jean . P ein tre flam and, pein tre à la co u r G H IB E R T I, Lorenzo. S cu lp teu r et o rfèv re florentin,
B E R T O L D O di G iovanni. S culpteur florentin né du roi de F rance. 11 tra v ailla su rto u t aux environs q u i fu t égalem ent p ein tre et arch itecte à ses heures.
vers 1*;20; il vécut et tra v ailla à F lorence o ù il m o u ­ de 1509 et m o u ru t en 1540 o u 1541. N é en 1378, il tra v ailla s u rto u t à F lo ren ce, m ais aussi
ru t en 1491. à Sienne en tre 1417 et 1427. En 1424, il se ren d it à
C O N T E , Jacopino del. P eintre flo ren tin , né en 1510. V enise; il m o u ru t en 1455.
B O L O G N A , G iovanni. S culpteur flam and né en E n 1538, il se ren d it à R o m e o ù il vécut et travailla.
1529 à D ouai. Il a p p rit son a rt dan s les F landres, Il y m o u ru t en 1598. G H IR L A N D A IO , D omenico. P ein tre flo ren tin , né
m ais g ag n a l ’Italie vers 1554. A p a rt un séjour à en 1449. Il tra v ailla s u rto u t à F lorence, m ais se ren ­
B ologne (1563-1567), il tra v ailla su rto u t à Florence. C O R R E G G IO , A ntonio (Le C orrège). P eintre m ila­ d it à R o m e en 1481-1482 p o u r p articip er à la déco­
Il m o u ru t en 1608. nais, né vers 1494. 11 tra v ailla su rto u t à C orreggio et ratio n de la chapelle Sixtine. Il m o u ru t en 1494.
à Parm e. Il m o u ru t en 1534.
B O N IF A Z IO d e ’ P ita ti. P eintre vénitien né en 1487. G IO R G IO N E . P ein tre vénitien né en tre 1476 et 1478.
Il vécut et tra v ailla à Venise. Il m o u ru t en 1553. C R A N A C H , Lucas. P ein tre, g raveur et dessin ateu r Il trav ailla s u rto u t à Venise et m o u ru t en 1510.
d ’estam pes allem an d , né en 1479. En 1503, il se ren ­
B O S C H , Jérôm e. P eintre h ollandais, né vers 1450, à d it à V ienne, m ais à p a rtir de 1505, il tra v ailla s u r­ G IU S T I, Antonio. S culpteur florentin, né av a n t 1485.
H erto g en b o sh sans d o u te , où il vécut; il m o u ru t en to u t à W ittenberg o ù il fu t attach é à la c o u r de V ers 1504, il v in t en F ran ce, à T o u rs. 11 y vécut et y
1516. l’Électeur de Saxe. Il m o u ru t en 1553. tra v ailla ju s q u ’à sa m o rt en 1519.

B O T T IC E L L E Sandro. P eintre florentin, né vers C R E D I, Lorenzo di. P ein tre florentin, né vers 1458. G IU S T I, G iovanni. S cu lp teu r florentin, jeune frère
1445. 11 trav ailla s u rto u t à F lorence, mais il se ren d it Il vécut et trav ailla à F lo ren ce; il m o u ru t en 1537. d ’A n to n io , né en 1485. Vers 1504, il vint en F ran ce,

170
171

à T o u rs. Il y vécut et y trav ailla ju s q u ’en 1549, année s u rto u t à F lo ren ce, m ais aussi à R o m e en tre 1488 et M U L T S C H E R , H an s. P ein tre et scu lp teu r orig in aire
de sa m ort. 1493. Il m o u ru t en 1504. de S o u ab e, né vers 1400. Il tra v ailla s u rto u t à U lm
o u aux environs. Il m o u ru t vers 1467.
G O E S , H ugo van der. P eintre flam and né en 1445, L O M B A R D O , Antonio. S cu lp teu r et architecte
p ro b ab lem en t à G an d . Il y vécut ju s q u ’en 1475, lo m b ard , né vers 1458. C ’est le p lus jeu n e fils de
an n ée o ù il devint frère lai à R o o d e C looster, près P ietro L o m b ard o . Il tra v ailla sans d o u te à Venise N A N N I di Banco. S cu lp teu r flo ren tin , né vers 1384;
de Bruxelles. Il m o u ru t en 1482. e n tre 1474 et 1506, puis se fixa à F e rra re o ù il m o u ru t il vécut et trav ailla à F lo ren ce o ù il m o u ru t en 1421.
en 1516.
G O S S A E R T , J a n (M A B U S E ). P ein tre flam and né
vers 1480. Il trav ailla s u rto u t à A nvers, se ren d it en L O M B A R D O , P ietro . S cu lp teu r et arch itecte lo m ­ O R L E Y , B ernard van. P ein tre flam an d , né vers 1488.
Italie en 1508 et m o u ru t vers 1533. b a rd , né sans d o u te vers 1435. E n 1464, il se ren d it Il fit sans d o u te u n voyage en Italie, m ais trav ailla
à P a d o u e ; en 1474, à V enise o u il vécut ju s q u ’à sa s u rto u t à Bruxelles o ù il m o u ru t en 1451.
G O U J O N , Je a n . S culpteur et architecte français, né m o rt en 1515.
sans d o u te vers 1510. Il tra v ailla d ’a b o rd à R ouen O R M E , P h ilibert de L ’. A rch itecte fran çais, né vers
(1530), puis vers 1540, il résida su rto u t à P aris. Il L O M B A R D O , Tullio. S cu lp teu r et arch itecte lo m ­ 1510; il se ren d it à R o m e vers 1535, p uis à P aris vers
m o u ru t après 1562. b a rd , fils aîné de P ietro L o m b ard o . II vécut et tra ­ 1540. Il trav ailla s u rto u t p o u r la c o u r de F ran ce ju s­
vailla su rto u t à V enise et aux env iro n s, sans d o u te à q u ’à sa m o rt en 1570.
G R A S S E R , E rasm us. S culpteur et arch itecte b a v a ­ p a rtir de 1474 ju s q u ’à sa m o rt en 1532.
rois, né vers 1450. Il vécut et tra v ailla s u rto u t à
M u n ich et aux environs et y m o u ru t en 1526. L O R E N Z O M onaco. P ein tre siennois, né en tre 1370
P A C H E R , M ichael. P ein tre et scu lp teu r tyrolien, né
et 1372. Il tra v ailla s u rto u t à F lo ren ce o ù il en tra au
vers 1435. Vers 1462-1463, il se ren d it à B runico
G R E C O , L e (D om enikos T heo to co p o u lo s). P eintre m onastère de S ta M aria degli A ngeli. Il m o u ru t en tre
o ù il v écu t; il m o u ru t en 1498.
d ’orig ine crétoise, né en 1541. Il a p p rit son m étier de 1422 et 1425.
pein tre à V enise, se ren d it à R o m e vers 1570 et gagna P A L L A D IO , A ndréa. A rch itecte o rig in aire de Vi-
l ’Espagne aux environs de 1577. Il vécut s u rto u t à L O T T O , Lorenzo. P ein tre vénitien, né vers 1480.
cence, né en 1508. Il vécut et trav ailla s u rto u t à
T olède où il m o u ru t en 1614. E n tre 1503 et 1506, il vécut à Trévise. E n 1509, il
V icence et aux environs. Il fit plusieurs voyages à
vint à R o m e ; en 1513, il se ren d it d an s les M arches.
R o m e en 1540-1541, 1544, 1546 et 1550. Il exécuta
GRUNEW ALD (M ath ias N e ith a rd t-G o th a rd t). E n tre 1513 et 1526, il vécut et tra v ailla à B ergam e,
quelques œ uvres im p o rtan tes à V enise et m o u ru t à
P eintre de W ü rzb u rg , né vers 1475. Vers 1501, il vint puis à V enise en tre 1526 et 1542, to u t en faisan t des
V icence en 1580.
à S eligenstadt où il vécut et travailla. Il m o u ru t en voyages à B ergam e et d an s les M arch es. E n tre 1542
1528. et 1545, il alla à T révise, puis re to u rn a à V enise en tre P A L M A V ecchio, Jaco p o . P ein tre vénitien né en
1545 et 1549. E n 1549, il re p a rtit p o u r les M arches 1480. Il trav ailla su rto u t à V enise o ù il m o u ru t en
o ù il devait m o u rir à L o rette, en 1556. 1528.
H E E M S K E R C K , M aerten van. P eintre hollandais
né en 1498. Il vécut et trav ailla s u rto u t à H aarlem . P A R M IG IA N IN O , F rancesco. P ein tre m ilanais né
E n tre 1532 et 1535, il se rendit à R o m e ; il m o u ru t en 1503. Il vécut à P arm e ju s q u ’en 1523, p uis se re n ­
M A C H U C A , P edro. A rch itecte, scu lp teu r et peintre d it à R o m e. A près le sac de R o m e (1527), il cherch a
en 1574.
espagnol. P rem ier voyage à F lo ren ce vers 1516. En refuge d ans le N o rd , puis en 1530 revint à R o m e où
H O L B E IN , H an s, le Jeune. P eintre bavarois né en 1520, il re to u rn a en Espagne (G ren ad e) o ù il m o u ru t il m o u ru t en 1540.
1497 ou 1498, à A ugsbourg. En 1515, il se ren d it à en 1550.
Bâle o ù il vécut ju s q u ’en 1526, date à laquelle il alla P A T E N IR , Joachim . P ein tre flam and qui trav ailla
en A ngleterre. A près un co u rt séjour à Bâle, il rega­ M A L O U E L , Je a n . P eintre flam and. En 1396, il alla s u rto u t à A n v ers; il m o u ru t vers 1524.
gna l’A ngleterre où il vécut ju s q u ’à sa m o rt en 1543. à P aris, puis d evint pein tre à la c o u r du d u c de B o u r­
gogne, à D ijo n , en 1397. Il m o u ru t à P aris en 1419. P E R U G IN O , P ietro (Le P érugin). P eintre orig in aire
de P érouse, né en tre 1445 et 1450, q u i com m en ça à
M A N T E G N A , A ndréa. P ein tre o rig in aire de P adoue, pein d re à F lorence et en O m brie. E n 1481 o u 1482,
J A M N IT Z E R , W enzel. O rfèvre au trich ien , né en né vers 1431. E n 1453, il s ’allia à la fam ille Bellini. il alla à R o m e (chapelle Sixtine). E nsuite il trav ailla
1508 à V ienne. Vers 1534, il devient citoyen de Il trav ailla à P ad o u e ju s q u ’aux en virons de 1460, à P érouse, to u t en faisant de n o m breux voyages à
N u rem b erg où il vécut ju s q u ’à sa m o rt en 1585. puis il se ren d it à la c o u r de M an to u e . En 1490, il fit F lo ren ce, R o m e et V enise. 11 m o u ru t en 1523.
un voyage à R o m e et tra v ailla au V atican. A part
cela, il vécut et tra v ailla à M an to u e et aux environs, P E R U Z Z I, Baldassare Tom m aso. A rchitecte et p ein ­
ju s q u ’à sa m o rt en 1506. tre siennois né en 1481. A p a rtir de 1503, il vécut et
L É O N A R D de V IN C I. P eintre florentin, né en 1452 tra v ailla su rto u t à R o m e, à l’exception d ’u n séjo u r
à V inci, près de F lorence o ù il a p p rit so n art. E ntre M A S A C C IO . P eintre flo ren tin , né en 1401. 11 tr a ­ à B ologne (1521-1523) et à Sienne (1527-1529). Il
1482 et 1499, il vint à M ilan. E ntre 1500 et 1506, il vailla à F loren ce et à Pise. Il alla à R o m e o ù il m o u ru t m o u ru t à R o m e en 1536.
d em eura su rto u t à F lorence au service de C ésar en 1428.
B orgia. E n tre 1506 et 1513, il s ’installa à M ilan et P IE R O délia F R A N C E S C A . P eintre orig in aire
fit u n séjour à F lorence entre 1507 et 1508. E ntre M A S O L IN O . P ein tre florentin, né vers 1383-1384. d ’O m b rie, né en tre 1410 et 1420. Il d éb u ta à F lorence
1513 et 1517, il vint à R o m e , puis s ’ex p atria en 11 trav ailla sans d o u te à F lo ren ce ju s q u ’aux envi­ et, ap rès 1442, vécut s u rto u t à B orgo San S epolcro,
F ran ce où il m o u ru t en 1519. ro n s de 1430, à l ’exception d ’u n voyage en H ongrie se ren d an t à F errare (1445), R im ini (1451), A rezzo
(1427). Vers 1430 il se ren d it à R o m e et, de là, (1452) et R o m e (1459). A près 1478, il sem ble q u ’il
L E O N I, Leone. S culpteur arétin né en 1509. Il vint à C astiglion e d ’O lo n a (1435) près de M ilan . Il m o u ­ ait ab an d o n n é la p ra tiq u e de la pein tu re p o u r se
à P ad oue vers 1537, puis à R o m e en tre 1538 et 1540. ru t entre 1440 et 1447. co n sacrer à la th éo rie de cet art. Il m o u ru t en 1492.
11 com m ença à M ilan sa carrière de scu lp teu r et
m éd ailleur, se ren d an t à Bruxelles et à A ugsbourg. M A S S Y S , Q uentin. P eintre flam an d , né en 1464 ou P IL O N , G erm ain. S cu lp teu r fran çais né vers 1530.
Il m o u ru t à M ilan en 1590. 1465 à L ouvain. En 1491, il se ren d it à A nvers et y Vers 1558, il trav ailla p o u r la c o u r de F ran ce, su rto u t
passa le reste de ses jo u rs, à l ’ex ception p eut-être à P aris. Il m o u ru t en 1590.
L E O N I, Pom peo. Fils de L eone, né vers 1533. Il d ’un voyage en Italie vers 1515. II m o u ru t en 1530.
dem eura à M ilan ju s q u ’en 1566, puis vécut su rto u t P IS A N E L L O , A ntonio. P ein tre et m édailliste de Pise
en E spagne où il m o u ru t en 1608. M E M L IN C , H ans. P eintre flam and né sans d o u te q u i trav ailla presq u e u n iq u e m en t d an s le n o rd de
vers 1445. Il vécut et tra v ailla à Bruges o ù il m o u ru t l’Italie. N é vers 1395, il com m en ça de pein d re à
L E S C O T , P ierre. A rchitecte français né en tre 1500 en 1494. V éro n e; en tre 1415 et 1422, o n le tro u v e à Venise,
et 1515. Il trav ailla su rto u t à P aris et m o u ru t en puis à R o m e (1431-1432) et à N aples (1448-1449).
1578. M IC H E L -A N G E . P eintre, scu lp teu r et architecte Il m o u ru t vers 1455.
florentin, né en 1475. Il d éb u ta à F lorence o ù il vécut
L IM B O U R G , P o l, H ennequin et H erm an de. Peintres ju s q u ’en 1505, à l ’exception d ’un séjo u r à Bologne P L E Y D E N W U R F F , H ans. P eintre d ’o rigine fra n ­
et en lum ineurs flam ands. Ils v in ren t à Paris vers 1400. et à R o m e en tre 1495 et 1501. E n tre 1505 et 1516 il con ien n e sans au c u n d o u te. E n 1451, il tra v aillait à
puis à la c o u r du duc de B ourgogne (1402) et du duc tra v ailla à R o m e , puis à F lo ren ce ju s q u ’en 1534, N u rem b erg ; il se ren d it à C racovie et à B reslau. Il
de Berry (1409 env. ). T ous trois m o u ru re n t avant d ate à laquelle il re to u rn a à R o m e o ù il m o u ru t en m o u ru t en 1472.
1416. 1564.
P O L L A IU O L O , A ntonio. P eintre et scu lp teu r floren­
L IP P I, F ra Filippo. P eintre florentin, né vers 1406. M IC H E L O Z Z O M ichelozzi. S cu lp teu r, fo n d eu r et tin , né vers 1432, il trav ailla s u rto u t à F lo ren ce ju s­
En 1421, il en tra au m onastère de S ta M aria del C ar- architecte flo ren tin , né en 1396. Il trav ailla su rto u t à q u ’en 1484, d ate à laquelle il p a rt p o u r R o m e o ù il
mine. A p a rt des voyages à P ad o u e (1434) et à Spo- F lorence m ais alla aussi sans d o u te à M ilan, vers d ev ait m o u rir en 1498.
lète (1466-1469), il trav ailla su rto u t à F lorence o u aux 1460. Il m o u ru t en 1472.
environs. Il m o u ru t en 1469. P O L L A IU O L O , Piero. P eintre florentin né en 1443’
M O S E R , L ukas. P eintre de W e ild e rs ta d t; o n ne frère cad et d ’A n to n io . 11 trav ailla à F lorence ju s­
L I P P I, Filippino. P eintre florentin, fils illégitim e de c o n n a ît q u ’une seule de ses œ uvres : le retable de q u ’en 1484, d ate à laquelle il suivit son frère à R o m e.
F ra F ilippo L ippi, né en 1457 ou 1458. 11 travailla T iefen b ro n n , 1431. 11 y m o u ru t en 1496.
1 72

P O N T O R M O , Jacopo. P eintre florentin né en 1494. S A N S O V IN O , Jaco p o . S cu lp teu r flo ren tin , né en T U R A , Cosme. P ein tre de F e rrare, né av a n t 1431.
Il vécut et trav ailla presque uniq u em en t à F lorence 1486; il tra v ailla à F lo ren ce et à R o m e ju s q u ’en 1527, E n 1451, il fu t n o m m é à la c o u r de F e rra re et y resta
o u aux env irons, et y m o u ru t en 1556. puis se ren d it à V enise o ù il m o u ru t en 1570. ju s q u ’en 1486. Il m o u ru t en 1495.

P O R D E N O N E , G iovanni A ntonio. P eintre o rigi­ S A R T O , A ndréa del. P ein tre flo ren tin né en 1486,
n aire d u F rio u l, né en 1483 o u 1484. Il tra v ailla su r­ qui tra v ailla su rto u t à F lo ren ce et aux en v iro n s, m ais U C C E L L O , P ao lo . P ein tre flo ren tin né en 1396 ou
to u t à V enise et aux environs, m ais aussi à P laisance qui se re n d it to u tefo is en F ran ce en 1518-1519. Il 1397; il vécut et trav ailla su rto u t à F lo ren ce, mais
(vers 1530) et à F e rra re (1538). Il m o u ru t en 1539. m o u ru t en 1531. se ren d it à V enise en 1425 et à U rb in o de 1465 à 1469.
Il m o u ru t en 1475.
P R IM A T IC C IO , F rancesco (Le P rim atice). P eintre, S C H O N G A U E R , M artin . P ein tre et grav eu r alsacien
scu lp teu r et architecte bolognais né en 1504 o u 1505. né vers 1430. Il vécut et tra v ailla à C o lm ar s u rto u t et
Il d é b u ta à M an to u e . E n 1532, il se ren d it à la co u r m o u ru t en 1491 à B risach. V A G A , P ierino del. P ein tre flo ren tin né en 1501.
de F ran ce à F o n tain eb le au . Il se ren d it à R o m e entre J u s q u ’en 1527, il tra v ailla su rto u t à R o m e , p u is à
1540 et 1542 et en 1546. E n 1563, il reto u rn a à B olo­ S C O R E L , J a n van. P ein tre h o llan d ais, né en 1495.
G ênes et à Pise ju s q u ’en 1539. Il reto u rn a en su ite à
gne, et m o u ru t en 1570. F it ses d éb u ts à A m sterd a m . E n 1517, il se fixa à
R o m e et y m o u ru t en 1547.
U trech t. Il fit plusieurs voyages : Jéru salem en tre
1520 et 1524 (via la C arin th ie , V enise e t R o m e ); la V A S A R I, G iorgio. P ein tre et écrivain a rétin , né en
Q U E R C IA , Jaco p o délia. S cu lp teu r siennois, né F ran ce en 1540. Il m o u ru t en 1562. 1511. Il d é b u ta à F lo ren ce, tra v ailla s u rto u t à F lo ­
e n tre 1374 et 1375. E n tre 1406 et 1425, il trav ailla rence, R o m e et A rezzo. Il écrivit : « Vies des arch i­
s u rto u t à Lucques et à Sienne. A p a rtir de 1425, il S E B A S T IA N O del Piom bo. P ein tre vénitien n é vers
tectes, p ein tres et scu lp teu rs italiens les plus ém i­
se p artag ea entre B ologne et Sienne. Il m o u ru t en 1438. 1485. Il tra v ailla à V enise ju s q u ’en 1511, p u is il alla
nents. » U n e prem ière é d itio n eu t lieu en 1550 et une
à R om e o ù il m o u ru t à 1547.
seconde, p lus co m p lète, en 1568. Il m o u ru t en 1574.

R A P H A Ë L . P eintre et arch itecte né dans les M arches S E R L IO , S ebastiano. P ein tre et arch itecte b olognais,
V E N E Z IA N O D om enico. P ein tre p ro b ab lem en t véni­
né en 1475. E n tre 1514 et 1527 il d em eu ra à R o m e,
en 1483. Il com m ença à peindre à P érouse, puis se tien m ais q u i fu t fo rm é à F lorence. Il n a q u it vers
puis se re n d it à V enise et finalem ent gagna la F ran ce,
fixa à F lorence. E n 1508, il q u itte F lorence p o u r 1410, tra v ailla à F lo ren ce et m o u ru t en 1461.
R o m e o ù il m o u ru t en 1520. en 1541. Il y m o u ru t en 1554.
V É R O N È S E , P ao lo . P ein tre véronais, né en 1528.
S IG N O R E L L I, L uca. P ein tre o rig in aire d ’O m brie,
R IE M E N S C H N E ID E R , Tilm an. S culpteur fra n ­ Il vécut et tra v ailla su rto u t à V enise; il m o u ru t en
c o n ien né vers 1460. Il vécut et tra v ailla à W ü rzb u rg né en tre 1441 et 1450. V ers 1475, il visita sans d o u te
1588.
F lorence. E n 1482, il alla à R o m e (chapelle Sixtine).
et aux en v irons, et m o u ru t en 1531.
Il tra v ailla s u rto u t à C o rto n e et aux env iro n s. E n tre V E R R O C C H IO , A ndrea del. P ein tre, scu lp teu r et
R O B B IA , L uca délia. S culpteur florentin, n é en 1400, 1499 et 1503 o u 1504, il alla à O rvieto et rev in t à o rfèv re flo ren tin , né vers 1435. Il tra v ailla su rto u t à
q u i vécut et trav ailla su rto u t à F lo ren c e; il m o u ru t R o m e en 1508 et en 1513. Il m o u ru t en 1523. F lo ren c e, m ais à p a rtir de 1479, il alla fréq u em m en t
en 1482. à V enise o ù il m o u ru t en 1488.
S L U T E R , Claus. S cu lp teu r h o llan d ais d ’o rigine
R O M A N O , Giulio. P ein tre et architecte ro m a in , inconnue. A p a rtir de 1380, il fu t scu lp teu r a u service V IG N O L A , G iocom o B arozzi da. A rch itecte italien
n é en 1492 ou 1499. Il tra v ailla à R o m e ju s q u ’en de P hilippe le H a rd i, d u c de B o urgogne, à D ijo n o ù né en 1507; il d é b u ta à B ologne; vers 1530, il p a rtit
1524, d ate à laquelle il s ’in stalla à M a n to u e au service il m o u ru t en 1406. p o u r R o m e et visita la F ran ce en 1541. E n 1546, il
de la fam ille G o nzague. Il m o u ru t en 1546. tra v ailla p o u r la fam ille F arn èse à P arm e. E n su ite il
S P R A N G E R , Bartholom é. P eintre et g rav eu r flam and,
tra v ailla à R o m e et aux en v iro n s p o u r la fam ille
R O S S E L L IN O , A ntonio. S culpteur florentin né en né à A nvers en 1546. E n 1565, il alla à P aris, p u is à F arn èse et d ’au tres m écènes. Il m o u ru t en 1573.
1427. Il tra v ailla su rto u t à F lorence et aux environs R o m e , via M ila n et P arm e. E n tre 1575 et 1576, il
et m o u ru t vers 1479. e n tra a u service de l ’em p ereu r et se fixa à V ienne. V IT T O R IA , A lessandro. S cu lp teu r vénitien né en
Il m o u ru t à P rag u e en 1611. 1525. Il vécut et trav ailla à V enise ju s q u ’à sa m o rt
R O S S O F iorentino, G iovanni B attista. P ein tre flo­ en 1608.
re n tin , né en 1495. Il fit ses d éb u ts à F lorence. E n tre S Q U A R C IO N E , F rancesco. P ein tre o rig in aire de
1523 et 1527 il tra v ailla à R o m e . P uis il p a rtit p o u r P ad o u e, né en 1397. Il ne s ’élo ig n a p as de P ad o u e et V IV A R IN I, Alvise. P ein tre vénitien, fils d ’A n to n io ;
V enise et la F ra n c e (1530). Il y tra v ailla su rto u t à m o u ru t en 1468. il com m en ça à pein d re en 1457 et m o u ru t en tre 1503
F o n tain eb le au et m o u ru t en 1540. et 1505.
S T O S S , V eit. S cu lp teu r, p ein tre et g rav eu r p ro b a b le ­
m ent o rig in aire de F ran co n ie, né en 1440. E n 1477, V IV A R IN I, Antonio. P ein tre vénitien. Il com m ença
S A L V IA T I, F rancesco. P eintre florentin, né en 1510; il alla en P ologn e à C raco v ie et y d em eu ra ju s q u ’en à p ein d re vers 1440 et m o u ru t en tre 1475 et 1484.
il tra v a illa à F lo ren c e ju s q u ’en 1530 environ. Puis 1496. E n su ite, il se fixa d an s la rég io n de N u rem b erg
il alla à R o m e o ù il tra v ailla to u t en faisa n t quelques et m o u ru t en 1533. V IV A R IN I, B artolom m eo. P ein tre vénitien, frère
v oyages, : V enise et le n o rd de l ’Ita lie (1539-1541), d ’A n to n io ; il tra v ailla à p a rtir de 1450 en v iro n et
F lo ren ce (1544-1548) et la F ran ce (1554-1555). Il m o u ru t en 1499.
m o u ru t à R o m e en 1563. T IN T O R E T T O , Jaco p o (L e T in to ret). P ein tre véni­
tien , né en 1518. Il vécut et tra v ailla su rto u t à V enise V R IE S , A driaen de. S cu lp teu r h o llan d ais, né vers
S A N G A L L O , A ntonio d a, le Jeune. A rchitecte flo­ o ù il m o u ru t en 1594. 1560 à L a H aye. Il a p p rit son a rt à F lo ren ce et vint
ren tin né en 1483, il alla à R o m e en 1503 et y vécut à R o m e vers 1590, p uis a A u g sb o u rg de 1596 à 1601.
p resq u e sans in te rru p tio n . Il m o u ru t en 1546. T IT IE N . P ein tre vén itien , né vers 1490. Il v écu t et Il s ’in sta lla en su ite à P rague et y d em eu ra ju s q u ’à sa
tra v ailla presq u e u n iq u e m en t à V enise, à l’ex cep tio n m o rt en 1626.
S A N M IC H E L I, M ichèle. A rchitecte de V érone, né de séjours à R o m e (1545-1546) et à A u g sb o u rg
en 1484. Vers 1500 il alla à R o m e o ù il tra v ailla ju s­ 1548-1549 et 1550-1551). Il m o u ru t en 1576.
q u ’en 1527. Puis il e n tra a u service de l ’É ta t vénitien W E Y D E N , R oger van der. P ein tre flam and né en
(1528) et tra v ailla su rto u t à V enise et dans les p ro ­ T O L E D O , Ju a n B au tista de. A rch itecte esp ag n o l; il 1399 o u 1400. Il fu t fo rm é à T o u rn a i, p uis alla à
vinces vénitiennes, (en p articu lier V érone). Il m o u ru t se fo rm a à R om e. Il alla à V enise vers 1540 et re to u r­ B ruxelles en 1436 p o u r y tra v a ille r; il se ren d it peut-
à V érone en 1559. n a e n E spagne a v a n t ju illet 1559. Il y m o u ru t en 1567. être à B eaune, en B o urgogne, vers 1446 et à R o m e
en 1450. Il m o u ru t en 1464.
S A N S O V IN O , A ndréa. S culpteur et architecte flo­ T O R R IG IA N O , P ietro . S cu lp teu r florentin né en
ren tin , né vers 1460. Vers 1490, il fit plusieurs voyages 1472. Il a p p rit so n a rt à F lo ren ce, m ais tra v ailla su r­ W IT Z , C onrad. P ein tre allem an d né en tre 1400 et
au P o rtu g al. Il alla à R o m e en 1505, puis à L orette to u t en A ngleterre (1511-1518) et en E sp ag n e, o ù il 1410. E n 1434, il s ’in stalla à Bâle en Suisse. Il m o u ru t
et m o u ru t en 1529. m o u ru t en 1528. en tre 1444 et 1446.
Index
Les chiffres en caractères gras renvoient aux planches en couleurs.
Les chiffres en italique renvoient aux illustrations en noir et blanc.

A dam (T ullio L o m b ard o ) 74, 139, 88 B ourgogne, ducs de 106; voir à P h ilip p e le H a rd i C rucifixion avec le m a rtyr de saint Denis (Bellechose)
Adam et Eve (D ü rer) 129, 77 B outs, D irc k 106, 108, 66 39, 22
Adoration de l'agneau (H . et J. V an Eyck) 18 B ra b a n t 38
Adoration des m ages (B otticelli) 46, 29 B ram ante. D o n a to 41, 71, 77, 78, 80, 102, 108, 129, D am nés, les (Signorelli) 42
Adoration des m ages (C ercle d u m aître d u P arem ent 134, 144, 164, 165, 166, 23, 41, 53, 55, 41 Danaé (L e C orrège) 55
de N a rb o n n e ) 11 B raqcacci, chapelle, S an ta M arie d u C arm in e, D a n te 8
Adoration des m ages (L é o n ard de V inci) 48, 33 F lorence 35, 45, 28, 4 D av an za ti, palais, F lo ren ce 5
Adoration des m ages (Les frères L im bourg) 12 B rescia, S an ti N azaro e C elso 144, 164, 96 D av id , G é ra rd 105, 135
Adoration des bergers (G h irla n d aio ) 46, 28 B reslau 108 D avid (M ichel-A nge) 74, 75, 76, 80, 45
A go stino di D u ccio 65, 35 B reughel, le Vieux 136, 164, 80 D avid (V errocchio) 44
A lb ert V, É lecteur de B avière 133 B roederlam , M elch io r 37, 38, 14 Découverte du corps de saint M a rc (le T in to re t)
A lb erti, L eone B attista 34, 41, 42, 48, 65, 68, 69, 71, B ronzino (A g n o lo A llori) 101, 161, 62, 58 162, 93
131, 165,2 6 ,2 8 , 3 9 ,4 0 , 21, 31 B ruges 39, 106, 107, 108 Déposition (R ap h aël) 77, 50
A lbertinelli 80 B runelleschi, F ilip p o 10, 11, 12, 13, 15, 16, 33, 34, D escente de C roix (P o n to rm o ) 56
A lex andre V I, p ap e 72, 77 35, 41, 45, 48, 68, 71, 110, 15, 3 , 7, 8 D escente de C roix (van d er W eyden) 17
A llegri, A n to n io , voir à le C orrège B ru n i, L e o n a rd o 13 D esid erio d a S ettig n an o 44, 30
A llem agne II, 105, 108-110, 130, 133, 134 Bruxelles 107, 108, 112 D ijo n 109; ch a rtreu se de C h a m p m o l 36, 37, 19, 20,
A llo ri, A g n o lo , voir à B ronzino B u o n arro ti, M ichel-A nge voir à M ichel-A nge 22, 14
A lsace 109 B yzantin, a rt 68 D isegno 75
A ltd o rfe r, A lb rech t 135, 79 D o g es, palais des, V enise 138, 144, 165, 101, 83
A m érique 8 C aliari, P ao lo voir à V éronèse D o n ate llo 12, 13, 15, 16, 34, 37, 39, 43, 44, 45„48,
A nge (S ettignano) 30 C alvin 105, 165 66, 70, 74 98, 140, 11, 12, 13, 14, 7 , 9
A ngelico, F ra , 45, 48, 110, 26 C am b rid g e, K in g ’s C ollege ch ap el 106, 110, 68 D ü re r, A lbert 97, 129, 130, 132, 136, 165, 77, 62
A n n a, P alais d ’, V enise 144, 97 Cam era degli Sposi, C astello , M an to u e 67
A nnonciation (B roederlam ) 14 C am p in , R o b e rt 38, 39, 46, 107, 108, 15
A nnonciation (C am pin) 15 E n lu m in u res 37, 38, 39, 1, 11, 12, 13, 69
C am p o S an to , Pise 39
A nnonciation (L é o n ard de V inci) 76 E nterrem ent de saint E tienne (L ippi) 27
C anigiani, Sacra Fam iglia (R ap h a ël) 51
Annonciation avec les donateurs (F ra F ilip p o Lippi) 23 É rasm e de R o tte rd a m 105, 165
C a n to ria (D o n atello ) 44, 14
A n tico (P iero B onacolsi) 67, 35 E re m itan i, église des, P ad o u e 66, 142
C a n to ria , reliefs (della R o b b ia ) 44
A n to n ello d a M essina 108, 140, 86 Esclaves (M ichel-A nge) 164
C ara calla, em p ereu r 13
A nvers 108, 133, 136 E scurial 134, 135
C arav ag io , P o lid o ro d a 80
A pelle 14 E ste, Isabelle d ’ 67, 78
C a ro n a 138
Apollon (B ologne) 57 E to n C ollege 107, 68
C arp a ccio , V itto re 141, 163, 93, 83
A q u ila, P alazzo d e ll’, R om e 78, 102, 165, 55 É tude de d eu x nus (Signorelli) 46
C asta g n o , A n d rea del 43, 45, 29
A retin o , P ietro (l’A retin) 161 E yck, H u b e rt van 18
C astelfranco V eneto, V illa S o ran za 165
A rto is 38 E yck, J a n van 10, 38, 39, 46, 106, 107, 108, 109,
C astello , M an to u e 67
Ascension (le T in to ret) 96 18, 20
C astello N u o v o , N ap les 65, 32
Assom ption de la Vierge (le C orrège) 98, 57 C av a lcan ti, au tel de L ’A n n o n cia tio n , S ain te-M arie-
Assom ption de la Vierge (le P érugin) 99 N ouvelle, F lo ren ce 44 F arn èse, palais, R o m e 63
Assom ption de la Vierge (T itien) 142, 95 C ellini, B en venuto 40, 103, 112, 131, 133, 73 F arn ésin e, villa, R o m e 78, 80 48, 51, 52
A u g sb o u rg 161; F o n tain e d ’H ercule 133, 75 Cène, la (L é o n ard de V inci) 76 F azio , B arto lo m m eo 10
F o n ta in e de M ercure 133 Cène, la (V éronèse) 163 F erra re 8, 36, 69, 70, 98
A u to p o rtra it (A lberti) 21 C ercle du m aître du P arem en t de N a rb o n n e 11 Festin d ’H érode et exécution de saint Jean-B aptiste
A u to p o rtra it (D ü rer) 62 C erto sa , G alu zzo 97 (D o n atello ) 9
A veriino, A n to n io , voir à le F ilarete C h arlem ag n e , em p ereu r 8 F iesole 41
C harles IV, em p ereu r 8, 10 F ila rete (A n to n io A v eriino) 70, 71
Bacchus (M ichel-A nge) 74, 139, 44 C harles Q u in t, em p ereu r 72, 80, 133, 134, 161 Palais, F io re, Jaco b ello de 138
B ad ia, F iesole 41 G ren ad e 134, 83 Flagellation du C hrist (P iero d ella F ran cesca) 38
B aglioni, A tla n ta 77 C harles I er, roi d ’A n g leterre 105 F lan d res, a rt flam an d 38, 46, 106, 107, 108, 109, 136,
Baigneurs les (M ichel-A nge) 76, 97, 141, 48 C harles V, ro i de F ran ce 10, 37 140
B andinelli, B accio 80 C harles V I, ro i de F ran ce 36 « R enaissance flam an d e » 39
B arb a d o ri, retab le 45 C harles V III, ro i de F ran ce 9, 40, 72, 111 F lo ren ce 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 33, 35, 36,
B arb a ri, J aco p o d e ’ 129 C h artreu se de C h am p m o l, D ijo n 36, 3 7 ,19, 2 0 ,2 2 ,1 4 37, 40, 41, 48, 65, 66, 68, 69, 70, 72, 73, 74, 77
B arb a ro , villa, M aser 163, 100, 104 Chasse N octurne (U cello) 43 80, 97, 98 99, 101, 108, 133, 137, 141, 142,
B aro q u e 134 C higi, A gostino 78, 51 B aptistère 11 16 4 3 ,1 0
B arto lo m m eo , F ra 80, 131 Chigi, C hap elle, S an ta M aria del P o p o lo , R o m e 78 B oboli (jard in s) 59
B assano, J aco p o d a P o n te 163, 164, 100 C h io stro V erde, S ain te-M arie-N o u v elle, F lo ren ce 43 C ath éd rale (D u o m o ) 15, 16, 43, 110 7, 15
Bataille d'A nghiari (L é o n ard de V inci) 76, 80, 49 Christ et Thom as l ’incrédule, le (V errochio) 44, 45, 25 Loge des In n o cen ts 33
Bataille de Cascina (M ichel-A nge) 75, 76, 80, 47, 48 Christ devant Pilate, le (Jaco p o Bellini) 90 O gnissanti 46
B ataille de San R om ano (U cello) 75 Christ dans la dem eure du P harisien, le (V éronèse) 163 O rsa n M ichele 12, 13, 14, 15, 16, 4, 5, 6, 10, 11, 25
B avière 108, 133 C h ristu s, P etru s 106 Palais D av an za ti 5
Bella maniera 103 C icéron 13 Palais della S ig n o ria 74
B ellechose, H en ri 22 C im a d a C o n eg lian o 140 Palais M ed icis-R iccard i 42, 1, 27
Bellini, G io v an n i 67, 139, 140, 141, 142, 163, 91 C lém ent V II, p ap e 73, 80, 99 Palais R ucellai 41, 42, 78, 131, 26
88, 89, 90 C lo u e t, J ean 135, 79 Palais Strozzi 42
Bellini, Ja c o p o 139-40, 141, 142, 163, 90 C olleoni, B arto lo m m eo 9, 2 Palazzo V ecchio 75, 76, 80, 57
B elvédère, c o u r d u , V atican 77 C o lm ar 108 S an ta C ro ce 33, 41
B erruguete, A lonso 135, 84 C ologne 11, 108 San Egidio 46
B erry, Je a n , duc de 10 C o lo n n a , fam ille 72 S an ta F elicità 56
B ertoldo 74, 43 C olisée, R o m e 41 S an L o ren zo 15, 33, 41, 80, 102, 13, 30, 7
B evilacqua, palais, V érone 103 C om bat d ’hom m es nus (P o liam o lo ) 48, 31 S an ta L ucia dei M ag n o li 33, 34
B isticci, V espasiano di 10 Com m entaires (G h ib erti) 14, 15, 103 S an ta L ucia del C arm in e 35, 45, 28, 4
B o b oli, ja rd in s, F lorence 59 C ondottière, le (A n to n ello d a M essina) 108, 140, 86 S ain te-M arie-N o u v elle 35, 41, 43, 44, 46, 65,
B ohêm e 10, 36 C onseil des D ix 137 16, 25
B o lo gna, G io v an n i 101, 133, 57, 59 C o n serv ato ri, P alazzo d ei, R o m e 61 S an M ichele V isdom ini 97, 57
B ologne 8, 72 C o n sta n tin , em p ereu r 1 S an M in ia to al M o n te 16, 33, 44, 24
B oltraffio, G io v an n i 24 C o n te , Jaco p in o del 99, 100, 101, 59 San S p irito 33, 34, 41, 8
B o n acolsi, P iero (A ntico) 67, 35 C o n tre -R éfo rm e 165 S an ta T rin ità 46, 28
B onifazio de P ita ti 164 C o p ern ic 166 F o n d aco dei T edeschi, V enise 141, 142, 144, 94
B orgia, fam ille 72 C o rreg io (A n to n io A llegri), le C o rrèg e 98, 99, 133, F o n tain eb le au 98, 130, 132, 80
B orgia, C ésar 72 57, 55 F o n tain eb le au , m an iérism e de 131, 80
B orgia, R o d rig o (P ape A lexandre V I) 72 C o rto n e 75 F o n te G aia , Sienne 9
B orgo S an Sepolcro 69, 108 C oncile de T re n te 101, 165 F o p p a , V incenzo 70, 71, 40
B osch, Jérô m e 106, 107, 134, 136, 67 Couronnem ent de la Vierge (P ach er) 109, 66 Forum romain vu du Capitole, le (H eem skerck) 43
B otticelli, S an d ro 40, 46, 47, 48, 77, 97, 3, 2 9 , 37 C ra n a c h , L ucas 111, 112, 130, 135, 165, 70 F o u q u e t, Jean 110, 69
B o u cicau t, m aréchal de 38, 13 C red i, L o re n zo di 47 F ran ce 10, 36, 80, 98, 99, 105, 109, 110, 130, 132,
B oucicaut, le m aître de 38, 13 C rucifixion (G rü n ew ald ) 130, 78 135, 166
174

F ran ço is I er, ro i de F ran ce 72, 98, 99, 112, 130, 131, K ru m lo v , M ad o n e de 36, 18 M ichel-A nge, B u o n a rro ti 40, 71, 73, 75, 76, 77, 78,
79 80. 97, 98, 99, 100, 101, 102, 104, 139, 141. 144,
F ran co n ie 108 L afreri A . 54 161, 162, 164, 166, 27, 44, 45, 47, 48, 52, 61, 63,
F rau en k irch e, V ipiteno 109, 70 L a m b erti, N icolo di P iero 6 64, 47, 61
F réd éric III, em p ereu r 109 L egnaia, villa V o lta 29 M ichelozzo 42, 70, 7 1,2 7
F rio u l 144 L éon X , p ape 73, 104 M ila n 8, 9, 10, 11, 36, 40, 41, 66, 70, 71, 98
Fuite en É gypte, la (le m aître des H eures du m aréchal L é o n ard de V inci 40, 4 1 , 47, 48, 70, 71, 75, 76, 77, C a th éd rale 71
de B oucicaut) 13 80, 97, 98, 130, 136, 33, 42, 49, 50, 49 S an ta M a ria delle G razie 76
L eo n i, L eone 134 S an ta M a ria presso S an S atiro 7 1,4 1
G aleazzo , G ian 40 L eoni, P o m p eo 134 S an S atiro 71
G alilée 166 L escot, P ierre 131, 132, 134, 77 M in erv a M edica, tem ple de, R o m e 34
G alu zzo , C ertosa 97 L eyden 109 M iracle de saint Antoine de Padoue (L o m b a rd o ) 86
G a n d 106, S aint-B avon 18 Liège, prince évêque de 38 M iracle de saint M a rc (L o m b ard o ) 84
R etab le de G a n d 39, 107, 18 L im bourg, frères 38, 39, 1, 12 M iracle de l ’Esclave (le T in to re t) 162
G a tta m e la ta , m o n u m en t (D o n atello ) 66 Lion de S a in t-M a rc (C arp accio ) 83 M iracle de la vraie C roix (C arp accio ) 93
G eertg en tô t S int Jan s 106-107, 135, 71 L ippi, F ra F ilip p o 45, 46, 66, 23, 27 M iracle de la Vierge (E to n C ollege) 68
G ênes 8 L ippi, F ilip p in o 47 M ise au Tom beau (van d er W eyden) 19
G en tile da F a b ria n o 11, 14, 43, 45, 48, 66, 140 L ochner, S tefan 11 M ission de saint Pierre (le P éru g in ) 44
G e rh a e rt, N ikolaus 106, 109, 71 L oggetta di S an M a rc o , V enise 164, 85 M o cenigo, P ietro 138
G e rh a rd , H u b ert 133 Loggia di Psyche, villa F arn ésin e , R o m e 51 « M o n arch ie », de la (D an te) 8
G h ib e rti, L orenzo 11, 12, 13, 14, 15, 16, 37, 43, 44 L o m b ard o , fam ille 142 M o ser, L ucas 107, 108, 69
45, 66, 103, 4, 5, 2, 10 L o m b a rd o , A n to n io 138, 86 M o u lin s, retab le de 110
G h irla n d aio , D om enico 45, 46, 47, 48, 77, 141, 28 L o m b ard o , P ietro 138 M o y en A ge 8 ,1 2
G io rg io n e 141, 142, 92, 94 L o m b ard o , T u llio 74, 138, 87, 88, 84 M u ltsch er, H an s 108, 109, 70
G io tto 12, 15, 35 L o ndres, G ra n d e S alle, W h iteh all 105 M u n ich , M ichaelskirche 133, 134
G iu sti, A n to n io et G io v an n i 111, 130, 75 S om erset H o u se 131-132, 81 R a th a u s 109, 72
G o es, H u g o van der 46, 106, 63 L orenzo M o n aco 11, 45, 5 R esidenz 133
G o n zag u e, fam ille 40, 66, 67 L o tto , L orenzo 140, 141, 142, 161, 87, 91, 98
G o n zag u e, F ederico 99 L ouis X I, ro i de F ra n c e 9, 105 N an n i di B anco 12, 13, 14, 7, 10
G o n zag u e, L u dovico 73 L ouis X II, roi de F ran ce 111; to m b e a u de 75 N ap les 9, 72; C astello N u o v o 65, 32
G o ssae rt, J a n (M abuse) 112, 135, 74 L ouvain 106; ch a p elle de la G u ild e des A rch ers 17 N a tivité (G eertg en to t S in t Jan s) 107, 71
G o th iq u e 10, 11, 13, 14, 1 5 ,3 5 ,6 6 , 108, 110, 112,130, L ouvre, P aris 131, 132, 134, 65, 77 N eptune (S ansovino) 164, 101
134, 135, 137, 165, 166 L udovic le M o re 40, 41, 24 N eptune et A m p h itrite (G o ssaert) 74
G o u jo n , Jean 132, 65 L u th er, M a rtin 105, 165, 166 NeustifF 65
G o zzo li, Benozzo 1 Lyon 133 N ico las V, ch apelle de, V atican 26
G re n a d e , palais de C harles Q u in t 83 N u rem b erg 108, 109, 110, 129, 133; S ain t-L au ren t
G ra n d Schism e 72 M ab u se, J a n G o ssae rt 112, 74 67; S ain t-S eb ald 111, 73, 74
G ra n d e Salle, W hitehall 105 M achiavel 9, 10, 41, 72 N ym p h e (C ran ac h ) 70
G rasser, E rasm us 109, 72 M ach u ca , P edro 134, 83 « N y m p h e de F o n tain eb le au » 131
G rèce 10 M aiolica 58
G reco , El 134, 135 M aître de M o u lin s 110 O ceanos, fo n ta in e, ja rd in s B o b o li, F lo ren ce 59
G ro tte n h o f, résidence, M u n ich 133 M aître de l ’A n n o n cia tio n d ’A ix 108 O doni, Andrea (L o tto ) 98
G rü n ew ald , M atth ias 130, 165, 78 M aître des H eures d u m aréch al de B o u cicau t 38 O g n issan ti, F lo ren ce 46
G u ild e des A rchers, chapelle de la, L o uvain 17 M ala testa, fam ille 65 O rley, B ern a rd v an 129
G u illau m e V, électeur de B avière 133 M ala testa, N o v ello , seigneur de C esena 36 O rm e, P h ilib ert de L ’ 132
M alatesta, Tem pio, R im in i 65, 138, 31 O rsa n M ichele, F lo ren ce 12, 13, 14, 15, 16, 4, 5, 6,
H aarle m 106 M alo u e l, Jean 16 10, 11, 25
H ab sb o u rg , dynastie des 9, 72, 80, 105, 134, 135 M aniera 99, 101, 102, 103, 59 O rsin i, fam ille 72
H allen k irch en 67 M aniérism e 72, 102, 103, 131 O rv ieto , ca th éd rale 75, 42
H a m b o u rg 11 M an te g n a, A n d rea 65, 69, 70, 71, 73, 98, 108, 138, O tth e in ric h sb au , H eid elb erg 132, 78
H a m p to n C o u rt 105 139, 140, 142, 37, 33, 34, 36 O tto H ein rich , p rin ce, 132
H ay e, L a 133 M an to u e 8, 66, 69, 70, 80, 98, 99, 131
H eem skerck, M aerten van 129, 43 Palais del T è 99, 165 P acher, M ichael 108, 109, 65, 66
H eidelberg, O tth e in ric h sb au 132, 78 San A n d rea 68, 71, 39, 40 P ad o u e 65-66, 76, 108, 138
H en ri III, roi d ’A ngleterre 111 San S ebastiano 68, 38 Église des É rem itan i 66, 142
H en ri V II, ro i d ’A ngleterre 111 M arcellus, th é â tre de, R o m e 165 S an A n to n io 66, 139, 140, 86
H en ri V III, roi d ’A ngleterre 115, 81 M ariage m ystique de sainte Catherine (V éronèse) 94 Paix de C am b rai 72
H ercule (P o llaiuolo) 32 M ars (S ansovino) 164 Palais des D oges et Sa in t-M a rc (C arp accio ) 83
H ercule et O mphale (S pranger) 64 M a rtyre de saint Laurent 144 P allad io , A n d rea 153, 165, 100, 104
H ercule, fo n ta in e d ’A ug sb o u rg 133, 75 M a rtyre de saint Sébastien 71, 40 P alm a V ecchio 142, 161
H erm ès (S ansovino) 85 M a rtyre de saint Sébastien (A . et P. P o lla iu o lo ) Parem ent de N arbonne 37, 38, 39, 21
H éros (B ram ante) 41 48, 30 P aris 10, 11, 38, 133
H e rre ra , J u a n de 135 M asaccio 12, 16, 34, 35, 39, 43, 45, 48, 16, 28, 4 , 6 L o u v re 131, 132, 134, 65, 77
H eures d 'É tienne Chevalier 69 M aser, villa B a rb a ro 163, 100, 104 S ain t-D en is 75
H eures du m aréchal de Boucicaut 13 M assim i alle C o lo n n e , P alazzo, R o m e 102, 60 S ain t-P au l-S ain t-L o u is 82
H istoire de Jacob et Esaii (G h ib erti) 10 M assys, Q u en tin 135 P arm e 133, ca th éd rale 98, 57
H o fk irc h e , In n sb ru ck 76 M axim ilien I er, em p ereu r 9 ; to m b eau de 112, 76 S an G io v an n i 98
H o lb ein , H an s 135, 165, 81 M axim ilien II, em p ereu r 133 P arm ig ian in o (F ran cesco M azzo la) 80, 99, 103, 133,
H o lla n d e 106, 109 M azzola, F ran cesco , voir à P arm ig ian in o 141, 161, 56
M édicis, fam ille 4 0 , 41, 70, 72, 73, 74, 80 Parnasse, le M an te g n a 33
Illusionnism e 78, 139, 144, 41, 89, 94, 97 M édicis, C osm e de 9, 40 P arrh asio s 14
Incendie du Borgo, V (R ap h a ël) 46 M édicis, Ju lie n de 30 P asti, M a tte o dei 65
In n o n cen ti, loge des, F lorence 33 M édicis, H ippolyte de (T itien) 161, 97 P ate n ir, Jo ach im 135, 85
In n sb ru ck 112, 76 M édicis, L a u re n t de 9, 10, 40 P au l III, p ap e 161
In te rn a tio n a l, style 10, 12, 36, 43, 166 M édicis, P iero de 40 Paul I I I avec ses neveux Alexandre et O ctave.
Isaia d a Pisa 48, 34 M édicis, chapelle, S an L o re n zo , F lo ren ce 80, 102 (T itien) 99
M édicis, b ib lio th è q u e, S an L o re n zo , F lo ren c e 8 0 ,1 0 2 Pavie 70
Jam n itze r, W enzel 133, 76 M édicis-R iccardi, p alais, F lo ren ce 42, 1, 27 P aysage au gibet (B reughel le V ieux) 80
J ean B oulogne voir à B ologna, G io v an n i M édicis, to m b e a u des, S an L o ren zo , F lo ren ce 7 P aysage avec saint Jérôm e (P aten ir) 85
Jonas (M ichel-A nge) 77 M édicis, villa, Poggio a C aian o 97, 165, 53 Paysage du Danube (A ltd o rfer) 79
Ju g em en t dernier (M ichel-A nge) 99-100, 61 M èdici e Speziali, G u ild e 34 P aysages 135, 136, 140
Jules II, p ape 72, 73, 77, 80, 144, 164 M ela n ch th o n 130 Pays-B as 38, 39, 107, 108, 109, 112, 133, 135
Justice de l'em pereur O tton : l'Épreuve du fe u (B outs) M éléagre (A ntico ) 35 Pazzi, co n sp ira tio n 40
66 M em linc, H a n s 106 Pères de l'É g lise (P acher) 65
M ercure, fo n ta in e de, A u g sb o u rg 133 P erp en d icu laire, style 110
K in g ’s C ollège, chapelle de, C am bridge 106, 110, 68 M érode, trip ty q u e de 15 Persée et A ndrom ède (T itien) 95
K rafft, A d am 67 M ichaelskirche, M u n ich 133, 134 P éro u se 8, 72; S an B ern a rd in o 65, 35
175

P eru g ino, P ietro (le Pérugin) 47, 67, 76, 77, 99, P alazzo dei C o n serv ato ri 61 San S eb astian o , M an to u e 68, 38
61, 44 P alazzo d e ll’ A q u ila 78, 102, 165, 55 San S p irito , F lorence 33, 34, 41, 8
P eruzzi, B aldassare 78, 80, 102, 52, 60 P alazzo F arn ese 63 San S p irito in Isola, V enise 144
P étra rq u e 8, 12 P alazzo M assim i alle C o lo n n e 102, 60 S an ta T rin ità , F lo ren ce 46, 28
P hilippe II, ro i d ’E spagne 107, 134, 135, 144 P alazzo V enezia 23 S aint-V itus, m a d o n e de 36, 17
P hilippe le H a rd i, duc de B ourgogne 10, 36, 3 8 ,1 4 ,1 6 P an th é o n 1 S aint-W olfgang, retab le de 108, 109, 66
Piero della F rancesca 48, 69, 70, 71, 75, 76, 108, 110, Sac de R o m e 73, 80, 99, 142, 164 Sala degli prospettivi, villa F arn ésin e, R o m e 52
140, 38, 39 S an G io v an n i D eco llato 99, 59, 60 Sala di Psyché, villa F arn ésin e, R o m e 80
Pietà (B otticelli) 40, 97 S an ta M a ria del P o p o lo 78 S alon des In d ép en d a n ts 103
P ietà (M alouel) 16 Saint-P ierre 33, 71, 77, 102, 34, 52, 64 S alu tati, C oluccio 12
Pietà (M ichel-A nge) 77, 52 San P ietro in M o n to rio 77, 53 S alviati, F ran cesco 97, 99, 101, 134, 161, 60
Pietra Serena 33, 41 V atican 77, 78, 61, 1, 26, 44, 45, 46, 47 S an g allo , A n to n io d a, le Jeu n e 102, 63
P ietro da M ilano 32 Villa F arn ésin e 78, 80, 48, 51, 52 S an g allo , F ran cesco d a 80
P ilo n , G erm ain 132, 82 R ossellino, A n to n io 44, 24 S an g allo , G iu lian o d a 41
Pippo Spano (C astagno) 29 R ossellino, B ern ard o 24 S anm icheli, M ichele 163, 164, 165, 103
Pise 8; C am p o S anto 39; S anta M aria d u C arm ine R osso F io ren tin o 80, 97, 98, 131, 132, 161 S an so v in o , A n d rea 73, 77, 80, 110, 111
35, 6 R o to n d a , villa, Vicence 165 S an so v in o , Jaco p o 73, 80, 131, 142, 144, 164, 165,
P isanello 47, 48, 66, 36 R o v era , fam ille della 72 101, 82, 85
P isan o, G io v an n i 12, 15, 8 R u b en s 49 S anzio, R ap h a el, voir à R ap h a ël Sanzio
P isan o, N icola 12 R ucellai, p alais, F lorence 41, 42, 78, 131, 26 S arto , A n d rea del 90, 97, 98, 131
P isto ia, S. A n d rea 12, 8 R u d o lf II, em p ereu r 133 S assetti, chapelle, S an ta T rin 'tà , F lo ren ce 28
P lato n 41 S av o n aro le 40, 80
Pleydenw urff, H an s 108 Sacra conversazione 43, 140, 91 Scène de bataille (B erto ld o ) 43
Piine 15, 103 Sacrifice d'Isa a c (B runelleschi) 11, 12, 3 Scène pastorale (B assano) 100
P lu ta rq u e 10 Sacrifice d'Isa a c (G h ib erti) 11, 12, 2 Scène dans des ruines antiques (B ram an te) 23
Poésie 144, 162 S an A n d rea, M an to u e 68, 71, 39, 40 Scènes de la vie de saint Étienne (F ra A ngelico) 26
Poggio a C aian o , villa M édicis 97, 165, 53 S an A n d rea, P isto ia 12, 8 S ch o n g au er, M artin 108, 129
P o liam olo, A n to n io 48, 75, 31, 32, 30 S a in t A ndré (S to ss) 73 S cu o la di S an M arco , V enise 139, 162 89, 84
P o liam olo, P iero 30 S an A n to n io , P ad o u e 66, 139, 140, 86 Scuola di S an R o cc o , V enise 162, 163, 99, 96
P o n te, J aco p o d a, voir à B assano S aint-B avon , G a n d 18 S eb astian o del P io m b o 142
P o n to rm o , Jaco p o 80, 97, 103, 106, 161, 56, 53, 54 S an B ern ard in o , P érouse 65, 35 Serlio 131
P o rd en o n e 144, 164, 97 S an B rizio, ch apelle de, ca th éd rale d ’O rvieto 42 S forza, fam ille 41, 70, 76
Porta della Carta, palais des D oges, V enise 138 S an C assian o , V enise 140 S forza, L udovic (le M ore) 40, 41, 24
Porta della M andorla, D u o m o , F lorence 7 S aint-D enis, P aris 75 S fu m a to 76, 97
Porta del Paradiso, baptistère, F lorence 10 S an E gidio, F lo ren ce 46 S h u te, J o h n 136
P o rtin a ri, retable de 46, 63 S an ta F elicità, F lo ren ce 56 Sienne 8, 12, 38; ca th éd rale 12, 9
P ortrait (L o tto ) 87 S an F rancesco , R im ini (T em pio M a la testa ) 65, F o n te G aia 9
P ortrait (G erh aert) 71 138, 31 S ignorelli, L uca 75, 76, 46, 42
P o rtra it 135, 161 S aint-G eorg e (D o n atello ) 15 S ignoria, Palazzo d ella, F lo ren ce 74
P o rtu g al 107, 111, 166 S ain t-G io b b e, retab le de (G io v an n i Bellini) 140, 91 Sixtine, chapelle, V atican 75, 78, 99, 100, 110, 112,
P o rtu g al, to m b eau du card in al prince de 44, 24 S an G io rg io M ag g io re, V enise 165 133, 61, 44, 47
P rague 10, 36, 108, 133 S an G io v an n i, P arm e 98 Sixte IV, p ap e 110, 61
P ra to , ca th éd rale de 45, 27 S an G io v an n i D eco llato , R o m e 99, 59, 60 S luter, C laus 36-37, 109, 19, 20
S an ta M aria degli C arceri 41 S anti G io v an n i e P ao lo , V enise 138, 87 Société de Jésus 165
P raxitèle 74, 139 S aint Jean-B aptiste (B ronzino) 58 Som erset H o u se, L o n d res 131, 132, 81
P rim aticcio, F rancesco (le P rim atice) 99, 112, 131, Saint Jean-B aptiste (G h ib erti) 12, 4 S o ran za, villa, C astelfran co V eneto 165
132, 133, 80, 72 Sàint Jean-B aptiste (T itien) 114, 98 S o u ab e 11, 108, 109
P rim itifs 16 Saint Jérôm e (V itto ria) 102 Spinario 13
« P rince, le » (M achiavel) 9, 10, 72 Saint Jérôm e dans son cabinet de travail (G h ir­ S p ran g er, B arth o lo m é 133, 135, 64
P rintem ps, le (Jam nitzer) 76 lan d aio ) 46 S q u arcio n e 66
P ucci, retab le de San M ichele V isdom ini, F lorence 54 Saint Jérôm e dans le désert (Bellini) 140, 90 S ta n za dell’Incendio, V atican 78, 46
Puits de M oïse (S luter) 36, 37, 20 Saint Jérôm e dans le désert (L o tto ) 141, 91 S ta n za della Segnatura, V atican 78, 45
S an ta Ju stin a (M an te g n a) 37 Sterzing 109, 70
« Q u a tre livres sur les p ro p o rtio n s chez l ’ho m m e » 7 S aint-L oren z, N u rem b erg 67 Stoss, V eit 105, 106, 109-110, 111, 112, 129, 73
(D ü rer) 130 S an L orenzo , F lo ren ce 15, 33, 41, 80, 102, 13, 30, 7 S trasb o u rg 110
« Q u a ttro L ibri d ell’A rc h ite ttu ra », L i (P alladio) 165 Saint Louis de Toulouse (D o n atello ) 15, 16, 41, 11 S tro zzi, p alais, F lo ren ce 42
Q u a ttro S anti C o ro n ati (N an n i di Banco) 13, 10 S an ta L ucia dei M ag n o li, F lo ren ce 43, 45, 46, 69, 22 Style de c o u r 78, 99, 107
Q u ercia, Jaco p o della 12, 15, 9 Saint L ue (L am b erti) 6 Style suave 109, 110, 111
S ain t L uc, retab le de (M an teg n a) 37 Suisse 105
R ap h a el, m aison de, R o m e 78, 164, 54 S ain t-M arc, V enise 81; b ib lio th è q u e 142, 164, 165, 82
R ap h a el Sanzio 73, 75, 76, 77, 78, 80, 97, 98, 99, Sainte M adeleine (D o n atello ) 43 Tè, palais d u , M an to u e 99, 165
101, 103, 104, 108, 112, 144, 161, 164, 165, 166, S an ta M aria degli A ngeli, F lo ren ce 33, 34 Tem pête, la (G io rg io n e) 141, 92
5 1, 55, 45, 46, 48, 50, 51 S an ta M aria degli C arceri, P ra to 41 T e m p ie tto , San P ietro in M o n to rio , R o m e 77, 53
R a th a u s, M u n ich 109, 72 S an ta M aria del C arm in e, F lo ren ce 35, 45, 28, 4 Tem pio M alatesta, R im in i 65, 138, 31
R éfo rm e 165 S an ta M aria del C arm in e, Pise 35, 6 Tentation de saint Antoine (B osch) 67
R elief, « p ein tu re en » 142 S an ta M aria della S alute, V enise 144 T e rra cin a 72
R esidenz, M u n ich 133 S an ta M a ria delle G razie, M ila n 76 T h o rp e , J o h n 81
R eu chlin 105 S an ta M aria del P o p o lo , R o m e 78 T ib ald i, Pellegrino 134
R h in 11, 108 S an ta M aria G lo rio sa dei F ra ri, V enise 142, 95, 102 T iefen b ro n n , retab le de 107, 69
R idolfi 162 S an ta M aria in B rera, M ila n 40 T in to re t, le (Jaco p o R o b u sti) 144, 162, 163, 164,
R iem enschneider, T ilm an 105 S an ta M aria N o v ella, F lo ren ce 35, 41, 43, 44, 46, 65, 99, 93, 96
R im ini 69, 72; S an F rancesco (T em po M alatesta) 65, 16, 25 T itien (T iziano Vecelli) 133, 134, 141, 142, 144. 161,
138, 31 S an ta M aria presso S an S atiro , M ila n 71, 41 162, 164, 95, 96, 98, 92, 95 , 97, 99
R o b b ia , L uca della 44, 45 Saint M arc (D o n atello ) 15 T o led o , J u a n B au tista de 135
R o b u sti, Jaco p o , voir à le T in to ret Saint M atth ieu (G h ib erti) 14, 16, 5 T olède, cath éd rale de 135, 84
R o h a n , card in al de 9 Saint M atth ieu (M ichel-A nge) 97 T o rrig ian o , P ietro 111
R o lin , N icolas 38, 20 S an M ichele V isdom ini, F lo ren ce 97, 54 T o u rn a i 38, 39
R o m a g n e 72 S an M in ia to al M o n te, F lo ren ce 16, 33, 44, 24 Transfiguration (B erruguete) 135, 84
R o m a in , E m pire 8, 14, 16 S anti N a z a ro e C elso, B rescia 144, 164, 96 T re n te 164
R o m a n 16 S aint-P aul - S ain t-L o u is, P aris 82 Très belles H eures du duc de Berry 11
R o m a n o G iu lio 80, 99 S aint-P ierre, R o m e 33, 71, 77, 102, 34, 52, 64 Très riches H eures du duc de B erry 1, 12
R o m e 8, 9, 10, 11, 12, 16, 33, 39, 40, 48, 66, 68, 70, S an P ietro in M o n to rio , R o m e 77, 53 Tribut de saint Pierre (M asaccio ) 28
72, 73, 74, 77-80, 97, 98, 99, 102, 110, 112, 131, San S atiro , M ilan 71 Trinité, la (M asaccio) 35, 16
132, 133, 136, 142, 144, 161, 165 Saint-S ebald , N u rem b erg 111, 73, 74 T rissin o 165
Colysée 41 Saint Sébastien (B otticelli) 69, 37 Triom phe d ’Alcyoné (F ran cesco X an to ) 5 Î
M aiso n de R ap h a el 78, 164, 54 Saint Sébastien (M an te g n a) 68-69, 36 Triom phe de César (M an teg n a) 67, 34
M inerva M èdica, tem pie de 34 Saint Sébastien (T itien) 144, 164, 96 Triom phe de Galatée (R ap h a ël) 48
176

Trompe-l'acil 67, 71 Scuola di S an R o cco 162, 163, 99, 96 V ip iten o 109, 70


T u ra , C osm e 70 Vénus, Cupidon, la Folie et le Tem ps (B ro n zin o ) 62 V ischer, fam ille 111, 129, 74
T u rm 133 V érone 36, 163, 164; P alazzo B evilacqua 103 V isconti, fam ille 9, 12, 40, 66, 70
T y ro l 108, 109 V éronèse (P ao lo C aliari) 144, 163, 100, 94 Visitation (F o u q u et) 69
V errocchio, A n d rea del 9, 44, 45, 47, 70, 71, 76, 77, Visitation (G h irla n d aio ) 77
U ccello 43, 66, 75 7 , 25 Visitation (Salviati) 60
U lm 107, 108, 109 Vertu, une (A gostin o d i D u ccio ) 35 V itruve 15, 103
U rb in o 71, 108, 137; p alais des D ucs 69, 38 Vertumne et Pom one (P o n to rm o ) 53 V itto ria, A lessan d ro 164, 102
V ia E m ilia 8 V ivarini, A lvise 140
V aga, P ierin o del 80, 99, 134 V icence 165; villa R o to n d a 165 V ivarini, A n to n io 138
V asari, G io rg io 10, 14, 74, 99, 101, 102, 103, 112 V ienne 109, 111, 123 V iv arin i, B arto lo m m eo 139
V atican , R o m e 77, 78, 61, 1, 26, 44, 45, 46, 47 Vierge à l ’enfant (Bellini) 140, 88, 89 V o lta, villa, L eg n aia 29
V ecchio, P alazzo, F lorence 75, 76, 80, 57 Vierge à l ’enfant (L o ren zo M o n aco ) 5 Voyage des m ages (G ozzoli) 1
V en d ram in , A n d rea 138, 87, 88 Vierge à l ’enfant (M u ltsch er) 70 V ries, A d riaen de 133, 75
V eneto 108, 161, 164-165 Vierge à l ’enfant (S luter) 19
V enezia, p alais, R o m e 23 Vierge à l ’enfant avec des Anges (M asaccio) 35, 45, 6 W enzel IV , em p ereu r 10, 36
V eneziano, D om enico 43, 45, 47, 69, 70, 22 Vierge à l ’enfant avec sainte A nne (L. d e V inci) 76, 50 W eyden, R o g er v an d er 10, 37, 39, 106, 108, 129,
V enise 8, 9, 11, 36, 66, 98, 108, 111, 131, 137,144, Vierge à l ’enfant avec sa in t François, saint Jean- 17, 19
161,164, 165 B aptiste, saint Z enobius e t sainte Lucie (V eneziano) W ien er-N eu stad t 109
P alais des D oges 138, 144, 164, 165, 101, 83 42, 43, 22 W ilto n , d ip ty q u e de 38
F o n d a c o dei Tedeschi 141-142, 144, 94 Vierge au chancelier R olin, la (J. V an Eyck) 20 W itten b erg 111
L o g g e tta di S an M arco 164, 85 Vierge et les saints avec Federigo da M o n tefeltro , la W itz, K o n ra d 108
P alazzo d ’A n n a 144, 97 (P iero della F ran cesca) 69, 70, 39 W u rzb u rg 110
S an C assiano 140 Vierge de l ’A ssom ption, la (N an n i d i B anco) 7
S an G io rg io M aggiore 165 Vierge a u x rochers, la (L. de V inci) 49
X a n to A velli d a R o v ig o , F ran cesco 58
S an ti G io v an n i e P ao lo 138, 87 Vierge avec saint Pierre et saint Paul (Isaia d a Pisa) 34
S an M arco 83; b ib lio th è q u e 142, 164, 165, 82 « Vies « (P lu ta rq u e) 10
S a n ta M aria G lo rio sa dei F ra ri 142, 95, 102 « Vies des architectes, peintres et sculpteurs italiens Y pres 38
S a n ta M aria della S alute 144 les plus ém inents « (V asari) 10, 103
S an S p irito in Isola 144 V ignola, G . d a 102 Zeuxis 14
S cu o la di San M arco 139, 162, 89, 84 Ville de R om e (frères L im b o u rg ) 1 Zuccone, L o (D o n atello ) 12

Sources iconographiques
Les illustrations ont pour origine : Noir et blanc : Accademia, Venise 91. A.C.L. Bruxelles 66. Alinari,
Florence 1, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 25, 28, 31, 36, 37, 40, 43,
Couleur : A.C.L. Bruxelles 18. Emil Bauer, Nurem berg 67, 75. 44, 45, 86, 95, 101, 103, 104. Alinari/Anderson, Florence 27, 38, 39, 52,
Bibliothèque N ationale, Paris II. J. Blauel, Munich 65, 79. Bowes 53, 57, 61, 87, 93, 99. A nderson/Giraudon, Paris, 2, 24. Archives Photo­
Museum, Barnard Castle, Durham 72. Cine Brunei et Co., Lugano 70. graphiques, Paris 79. Bavaria Verlag 78. Bayerische Staatsgemàldesam-
A.C. Cooper, Londres, 33, 98. Bruno del Priore, Rome 47. Giraudon, mlungen, Munich 51. Bildarchiv Foto M arburg 3, 19, 20, 69, 70, 71,
Paris 1, 12, 14, 20, 69, 86, 91. Paul Hamlyn Archive 35. Hessisches 72, 73, 74. E. Boudot - Lamotte, Paris 41. British Muséum, Londres 23,
Landesmuseum, D arm stadt 80. Michael Holford, Londres 6, 17, 30, 32, 47, 77. Brogi, Florence 14, 26, 29. Bulloz, Paris, 22. Courtauld
34, 36, 48, 49, 51, 52, 62, 68, 71, 77, 90, 95, Jacqueline Hyde, Paris, 13. Institute, Londres 48, 81. Foto Feruzzi, Venise 89, 100. Foto Fisa,
Lossen - Foto, Heidelberg 78. M etropolitan Museum of Art, New York, Barcelone 83. John Freeman, Londres 55, 94. Gabinetto Fotografico
15. E. Meyer, Vienne 64, 66, 73, 74, 76, 87. N ational Gallery of Art, Nazionale, Rome 59, 60. G iraudon, Paris 21, 46, 49, 50, 65, 75, 80, 82,
W ashington 21. Photo Precision, Saint-Albans 81. Rupert Roddam, 90. Hills and Saunders, Eton 68. Michael Holford, Londres 64. Larousse,
Glasgow 89. Scala, Florence 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 19, 22, 24, 25, 26, 27, Paris 42, 56, 63. Mansell/Alinari, Londres 34. Mansell/Anderson,
28, 29, 31, 32, 38, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 46, 53, 54, 56, 57, 59, 60, 63, 82, Londres 35. Mansell/Brogi, Londres 30. MAS, Barcelone, 84, 85.
83, 84, 85, 88, 93, 94, 96, 97, 99, 100. State Museums, Berlin - Dahlem M etropolitan Muséum of Art, New York 88. Museu Nacional de Arte
37, 43. Vasari, Rome 23, 50, 55, 58, 92. J. Ziolo, Paris 16. Antiga, Lisbonne 67. N ational Gallery, Londres 62. N ational Gallery,
Prague 17, 18. Rheinisches Bildarchiv, Cologne 33. Foto Rossi, Venise
92. Oscar Savio, Rome 54. Scala, Florence 98. Toni Schneiders/Bavaria
Verlag 76. Soprintendenza aile Gallerie, Florence 16. Stâdelsches
Kunstinstitut, Francfort 96. Victoria and Albert Muséum, Londres 97.
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