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Chiara Erroi

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Le jeu théâtral en cours de FLE:
pour un apprentissage/enseignement incarné des langues.
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Chiara Erroi
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Tutrice : Caroline Venaille
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Soutenance : Juin 2019
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Pour l'obtention du Master
Formació de Professorat d'Educació Secundària Obligatòria i
Batxillerat, Formació Professional i Ensenyament d'Idiomes
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Spécialité: Français

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À Adama,
qui a pu retrouver la parole.

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una siempre persigue la lengua
hasta que nota una humedad en el paladar
entre los dientes
y se da cuenta de que la lleva puesta.
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Irene Roca

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Résumé
Inscrite dans une démarche de recherche-action, cette étude explore le potentiel pédagogique
de l’engagement du corps en didactique des langues par le biais du jeu théâtral. Notre contexte
de recherche a été constitué par un groupe d’adolescent.es de 2ème année d’Eso d’un lycée
publique de Barcelone. Dans ce cadre, nous avons mis en œuvre une intervention pédagogique
axée sur l’action dramatique appliquée à la didactique du FLE. À partir des théories neuro-
cognitives de l’enaction (VARELA, 1993) et de l’embodiment (LEKOFF, 1980) nous avons
démontré comment le jeu théatral en classe de langue a contribué à construire chez les
apprenant.es une synergie entre corps, langue et apprentissage et à transformer la
représentation de la langue, d’une perspective utilitariste à une dimension expressive, incarnée
et ancrée à l’action vécue.

mot-clé : jeu théâtral, enaction, embodiment, apprentissage/enseignement incarné des


langues, corps, communication langagière, cognició viscuda

Resum
El present estudi s’inscriu en una línia metodològica de recerca-acció i explora les possibiltats
que ofereix la implicació del cos en la didàctica de les llengües a través del joc teatral. La
investigació ha estat duta a terme en un institut públic de Barcelona amb un grup d’adolescents
de 2n d’Eso, on hem experimentat una intervenció pedagògica basada en l’acció dramàtica
aplicada a la didàctica del francès. A partir de les teories neuro-cognitives de l’enacció
(VARELA, 1993) i de l’embodiment (LEKOFF, 1980) hem observat com el joc teatral ha
contribuït a construir en el grup d’aprenents una sinèrgia entre cos, llengua i aprenentatge i a
transformar la representació de la llengua, des d’una perspectiva utilitarista cap a una dimensió
més expressiva, encarnada i arrelada a l'acció viscuda.

Paraules clau: joc teatral, enacció, embodiment, aprenentatge/ensenyament incarnat de


llengues, cos, comunicació, cognició viscuda
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Riassunto

Il presente studio, inserito in una linea metodologica di ricerca-azione, esplora le possibilità


inaugurate dalla partecipazione del corpo nella didattica delle lingue attraverso l’azione
teatrale. La ricerca è stata condotta un liceo pubblico di Barcellona con un gruppo adolescenti
di II° d’Eso, dove abbiamo sperimentato un intervento pedagogico fondato sull’azione
drammatica applicata alla didattica della lingua francese. Attraverso le teorie neuro-cognitive
dell’ enazione (VARELA, 1993) e dell’embodiment (LEKOFF, 1980) abbiamo dimostrato
come l’azione teatrale ha fatto emergere negli/nelle alunni/e la sinergia tra corpo, lingua e
apprendimento e ha consentito una trasformazione della rappresentazione della lingua, da una
prospettiva utilitarista a una dimensione espressiva, incarnata e radicata nell’azione vissuta.

Parole chiave: azione teatrale, enazione, embodiment, apprendimento/insegnamento


incarnato delle lingue, corpo, comunicazione, cognizione vissuta

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Sommaire page
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1. Introduction 11
2. Cadrage Théorique 12
2.1 Le jeu théâtral en didactique des langues 12
2.2 Les langues incorporées : le paradigme enactif
dans la didactique des langues 16
3. Questions de recherche et hypothèses 18
4. Cadre d’intervention et méthodologie de la recherche 20
4.1 Présentation du cadre d’intervention 20
4.2 Méthodologie de la recherche 22
5. Présentation du corpus 23
6. Analyse des données 25
6.1 Avant la mise en place de la recherche-action :
représentations du corps chez les apprenent.es 25
6.1.1. La perspective instrumentale du corps 25
6.1.2 La fragmentation du corps 26
6.1.3 Séparation entre parole et gestes 27
6.1.4 Le corps comme surface extérieure 27
6.1.5 Le corps séparé de la connaissance 28
6.2 Représentations théâtrales : le langage corporel en action 29
6.3 Enquête finale : corps, voix, langues en communication 33
7. Résultats et discussion 36
7.1 Hypothèse 1 36
7.2 Hypothèse 2 37
7.3 Hypothèse 3 38
7.4 Hypothèse 4 39
8. Conclusions 40
Références 43
Annexes 48
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1. Introduction
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Ce n’est pas le théâtre qui est nécessaire, c’est tout à fait autre
chose. Dépasser les frontières entre moi et toi: aller à ta
rencontre.
Jerzy Grotowsky

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Le point de départ de ma recherche réside dans une inquiétude : Comment peut-on
envisager des situations d’enseignement/apprentissage significatives sans prendre en
considération le corps? Ce questionnement s’inscrit à l’intérieur de mon expérience
personnelle à la fois comme apprenant.e et comme enseignante de langue. Ma
passion pour le théâtre en tant que comédienne-amatrice m’a permis de m’interroger
et d’explorer l’interrelation indissoluble entre dimension corporelle et expressivité.
Le long de cette recherche, je récupère la notion de corps/corporalité dans le but de
questionner, comparer et interpréter les représentations construites chez les
apprenant.es dans les situations d’apprentissage, afin de pouvoir transformer le rôle,
si marginal à notre avis, que le corps occupe dans la planification et dans les
pratiques pédagogiques.
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Au coeur de mon questionnement s’installe la possibilité de récupérer un
apprentissage/enseignement incarné (ADEN, 2015 : 13) des langues en intégrant le
jeu théâtral dans la pratique pédagogique. Le choix de ce terme répond à une
nécessité de mettre l’accent sur cet ancrage des langues dans le corps ainsi que sur
cette dimension de non-séparation et perméabilité entre corps, situation
d’apprentissage/enseignement et connaissance. À partir de cette idée, j’ai élaboré
des situations pédagogiques qui intègrent les gestes, le mouvement, la parole et
l’interaction entre pairs afin de créer parmi les apprenant.es une ambiance de
confiance et de coopération apte à faire surgir le désir de s’exprimer
langagièrement.
Il s’agit d’une intervention pédagogique expérimentale vouée à la découverte du jeu
et de la création théâtrales dans une perspective co-actionnelle. Le cadre
d’intervention a été un groupe d’apprenant.es en Français Langue Étrangère de
deuxième année d’Eso, auprès d’un lycée publique de Barcelone. À partir de mes
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observations sur terrain et de l’analyse du corpus de données qualitatives, j’ai
essayé de démontrer l’interrelation profonde qui réside entre la conscience
corporelle et l’apprentissage/enseignement des langues.

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2. Cadrage Théorique
Dans cette phase, nous allons déployer le cadrage théorique dans lequel s’inscrit notre
recherche. La première partie sera consacrée au jeu théâtral en didactique des langues et
dans la deuxième partie nous allons introduire le paradigme neuro-cognitif de
référence : l’enaction dans l’apprentissage des langues.
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2.1 Le jeu théâtral en didactique des langues
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Notre recherche repose sur la nécessité d’explorer l’expression théâtrale dans les
situations d’apprentissage/enseignement des langues. Nous précisons également notre
souci d’aller au-delà d’une réflexion purement fonctionnelle autour du théâtre comme
outil apte à stimuler la motivation en classe de langue.
En effet, les recherches d’Erika Piazzoli, conduites dans un contexte anglophone,
lesquelles préconisent l’application des stratégies dramatiques en guise de support à
l’approche communicative et à l’acquisition des compétences pluriculturelles. La
chercheuse a mené des recherches à partir d’une application pratique des techniques du
« drama process » (PIAZZOLI, 2008 : 30), un ensemble de procédés théâtraux mis au
service de l’apprentissage des langues conçu grâce aux premières expériences de Cecily
O’Neill et Shin Mei Kao à Taiwan dans les année 90 (ibid.).
Néanmoins, nous estimons une nécessité, de notre part, d’aller au-delà d’une approche
acquisitoire des compétences linguistiques car notre priorité, en reprenant Andrien
Payet, spécialiste dans la pédagogie théâtrale en classe de langue, est celle de « susciter
chez l’apprenant un désir de s’exprimer en langue étrangère non pas dans une
perspective future mais dans le Présent. En proposant une activité théâtrale, on crée des
situations de communication - certes fictives - mais qui permettent un réel échange
langagier et humain. » (PAYET, 2010 : 14).

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Suite à ces précisions, nous avons privilégié une perspective épistémologique qui vise à
mettre en évidence la « dimension holistique » (ADEN, 2013 : 13) de la pratique
théâtrale en classe de langue, où corps, gestes et langue participent à une mise en valeur
la dimension de partage du sens, de construction de l’individu et de la conscience de
soi-même et des autres.
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Afin de nourrir notre parcours, nous nous appuyons sur les recherches conduites par
Joëlle Aden dans le cadre des pratiques théâtrales dans l’apprentissage/enseignement
des langues. Nous considérons que ses contributions dans ce domaine ont été décisives,
spécialement en ce qui concerne son exploration profonde de la théorie et de la
pédagogie théâtrale, notamment du travail de Jacques Lecoq (LECOQ, 1997) ainsi que
des recherches contemporaines en neurosciences cognitives, sur la cognition
« incorporée » (LEKOFF, 1980) et sur la théorie de l’enaction de Varela et de
Maturana, que nous traiterons plus loin.
Les recherches d’Aden redéfinissent les sens de l’application du jeu théâtral en classe de
langue, en faisant appui moins sur une logique d’accumulation de compétences
linguistiques que d’une émergence de ce qui est déjà présent et qui est mis en partage :
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« l’objectif n’est pas « d’apprendre » des éléments linguistiques par
le geste ou le mouvement, mais bien de redécouvrir et de revivre
des expériences déjà explorées à travers d’univers émotionnels,
déjà expérimentés dans un nouveau contexte culturel, linguistique
et sonore ». (ADEN, 2013 : 108)

Lors des premières recherches-action dans le cadre d’apprentissage/enseignement de


l’anglais en contexte francophone, Aden a souligné le potentiel du jeu théâtral en classe
de langue dans son action intégrative des dimensions corporelles, émotionnelles et
langagières (ADEN 2009 : 4). Au sein de ce contexte, en exploitant les enregistrements
vidéo, Aden a procédé à une analyse des gestes et des paroles dans les interactions entre
les apprenant.es/commedien.nes lors de la représentation de la pièce théâtrale. À partir
de cette procédure, elle met en relief la notion de « contingence du discours » (ibid.)
dans le jeu théâtral et dans la construction de stratégies d’interaction. En reprenant
Bruner, elle inscrit dans la représentation d’un scénario théâtral l’interdépendance des
participant.es et l’acte de partager leur intentions communicatives :
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« Un scénario est une interaction contingente entre au moins deux
parties agissantes, contingente dans le sens où les réponses de
chaque membre se révèlent dépendantes d’une réponse antérieure
de l’autre […] Les scénarios intègrent les intentions de
communication, […] sont des véhicules vraiment déterminants
dans le passage de la communication non verbale au langage.
» (BRUNER, 2002 : 123-124)1. ‑

Or, c’est dans ce mouvement dialectique entre le le moi et l’autre, entre le corps et la
parole, entre le non verbal et le verbal, que le jeu théâtral se noue à l’action
communicative. Mais, à quoi fait-on référence lorsqu’on parle de communication ? Le
philosophe-psychologue Marc-Alain Descamps nous reconduit vers sons sens originel :
« Le mot communiquer apparaît la première fois en français dans le livre de l'évêque
Oresme, en 1361, comme traduction du latin communicare : mettre en commun, être en
relation avec, partager, être en communion » (DESCAMPS, 1993 : 114), il faudra
attendre le XVIe siècle, ajoute-il, pour qu’on lui accorde le sens actuellement
prédominant, c’est-à-dire transmettre une information. Dans une orientation semblable
se place aussi Habermas, lequel, lorsqu’il déploie les enjeux de l’action communicative,
nous fournit une définition de ce pacte qui s’installe chez les participants :
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« Anomeno comú un saber que constitueix un acord. […] Acord
significa que els participants acceptin al saber com a vàlid, és a
dir, com a intersubjectivament vinculant. […] Les conviccions
compartides uneixen els participants en la interacció els uns amb els
altres » (HABERMAS, 1982 : 236)

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Néanmoins, dans le cadre de l’apprentissage/enseignement des langues, nous avons
assisté à une primauté de cette fonction purement informative qui est attribuée à la
communication, notamment dans l’approche communicative :

« Les modèles […] fondés sur un paradigme communicationnel qui


postule que communiquer consiste à échanger de l’information en
situation ne peut refléter la complexité et la richesse de l’interaction
humaine et ils ne sont pas suffisants pour accompagner les jeunes
vers l’autonomie et la créativité langagière » (ADEN, 2013 : 7)

1 cfr. ADEN, 2009 : p.5 ;

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Cette transition d’un paradigme communicationnel à un paradigme actionnel est
d’ailleurs préconisée par le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues
(dorénavant CECR)

« La perspective privilégiée ici […] de type actionnel en ce qu’elle


considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme
des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches […] à l’intérieur
d’un domaine d’action particulier »(CECR : 15)

Malgré la référence au terme d’ ‘acteurs’ en faisant référence aux apprenant.es, le CECR


fait allusion au théâtre plus en termes de typologie de texte oral et il semble éluder son
potentiel pédagogique dans les situations d’apprentissage/enseignement des langues.
Certes, il est important de préciser que, à notre avis, le CECR, dans la section consacrée
aux « opérations d’apprentissage des langues » (CECR : Chap. 6) dans sa prétention
universaliste, renonce à suggérer des théories d’apprentissage et encore moins des
pratiques (CECR : 108), et toute allusion à l’action dramatique est absente.
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Étayée sur une notion originelle de communication, c’est-à-dire la mise en relation, le
partage (DESCAMPS,1993 : 114), notre étude se déploie dans cette tentative d’intégrer
le jeu théâtral à l’action communicative et langagière.
Nous allons explorer, dans la partie qui suit, les fondements neuro-cognitifs sur lesquels
repose notre recherche.
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2.2 Les langues incorporées : le paradigme énactif dans la didactique
des langues
nos corps sont nos esprits et nos esprits sont nos corps
anonyme soufi
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Notre recherche s’inscrit dans le paradigme neuro-phenomenologiste2 de Varela et
Maturana (MATURANA et VARELA, 1994). L’intérêt que les études des deux
biologistes ont éveillé chez nous, réside dans leur approche holistique et intégrateur du
vivant, par le biais duquel ils tissent un lien entre biologie, sciences cognitives et théorie
de la connaissance. « La biologia es la fenomenología que involucra el operar de los
seres vivos. […] El ámbito social-humano es un ámbito biológico porque involucra la
realización de los seres humanos comos seres vivos. » (MATURANA, 2014 : p. 105).
À l’intérieur de ce vaste système d’enjeux, Humberto Maturana retrace l’histoire de
l’humain comme un vivre dans le langage : « En la historia que nos da origen, lo
humano surge en el momento en que el vivir humano se establece y comienza a
generarse generación trás generación como un vivir en el lenguaje […] vivir en el
entralazamiento del lenguajear y el emocionar que es el conversar. » (MATURANA,
2014 : 199-200).
Or, les questionnements qui semblent investir les nouvelles recherches en didactique des
langues, reposent sur une urgence d’aller au-delà d’une notion de compétence
langagière telle qu’une « accumulation de connaissances linguistiques
cloisonnées » (ADEN, 2017 : 16) et de récupérer la dimension vivante des langues et
« le magma sensoriel et affectif » (ibid.) duquel elles surgissent. En effet, les dernières
avancées en neurosciences et en sciences cognitives ont développé un paradigme, le
paradigme de l’embodiment (LAKOFF et JOHNSON, 1999), lequel retrace la
connexion entre langue, gestes et situation (WILLEMS et HAGOORT, 2007) en mettant
donc en évidence la dimension incarnée de la langue (ADEN, 2017 : 16) :
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2 La méthode phénoménologique, inspirée à la philosophie de Husserl, a été reprise et développée par les
recherches en sciences de l’éducation conduites par le pédagogue néerlandais Max Van Manen. Il s’agit d’un
modèle qui vise à construire un savoir partagé en sciences de l’éducation à partir des réflexions et des
théories qui découlent directement de l’expérience vécue de l’éducateur. cfr. CARBAJO, R. A., La
metodología fenomenològico-hermenéutica de M. Van Manen en el campo de la investigación educativa.
Possibilidades y primeras experiencias. in Revista de Investigación Educativa, 2008, Vol. 26, n.o 2 :
Barcelona, pp. 409-430 ;

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« L’embodied cognition ou encore l’embodiment considère que le
corps est un élément clé d’organisation de toutes les activités
humaines. Au dualisme cartésien succède une appréhension plus
globale de l’individu qui associe corps, cerveau et situation
» (HAUW, 2017 : 4).

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D’une part, par le biais de ce paradigme de l’embodiment, nous entrevoyons un
questionnement irréfutable de cette fracture opérée par la philosophie mécaniste au
XVIIe siècle entre corps et esprit, entre corps et connaissance3, à l’intérieur de laquelle
s’inscrit cette connaissance du monde décorporalisée sur laquelle nous souhaitons
œuvrer une profonde transformation. La psychologie cognitive, notamment les
recherches de Margaret Wilson, met l’accent sur ce fondement corporel de la cognition,
ainsi que sur sa dépendance de la situation et sur le fait qu’il n’existe de séparation entre
l’environnement et le système cognitif (WILSON, 2002 : 626). D’ailleurs, nous
soulignons, en reprenant Varela, que la cognition incarnée est une cognition vécue,
c’est-à-dire l’interrelation entre dimension sensori-motrice, perception et action4.

D’autre part, dans le cadre de la didactique des langues, le paradigme de l’embodiment


permet de reconfigurer les méthodes mises en place dans les situations d’apprentissage/
enseignement. Comme Joëlle Aden met en évidence, les méthodes traditionnelles ont
privilégié la dimension auditive et visuelle, notamment dans l’entraînement oral basé
sur l’écoute et dans l’exploitation de l’image, mais en négligeant la construction que
l’on opère de l’intérieur (ADEN, 2017 : 16). En effet, la chercheuse, s’appuyant sur les
neurosciences, affirme que : « nos cerveaux sont des puissants stimulateurs qui
reconstruisent le sens de l’intérieur. Notre perception sensorielle est fondamentalement
phénoménologique. » (ibid.). Cette notion de langue incorporée fait appel à un autre
concept, introduit par Varela et repris par Aden et qui est au coeur de notre travail ; cela
consiste en la perspective enactive de l’apprentissage des langues. Ainsi Francisco

3 Nous renvoyons à la profonde analyse mise en oeuvre par Silvia Federici sur comment la science positiviste et
le modèle de connaissance dominant s’enracinent dans cette vision mécaniste du corps et cette séparation
entre corps et esprit mise en place par la philosophie cartésienne au XVIIe siècle. cfr. Chap. III, FEDERICI,
S., (2010), Caliban y la bruja : Mujeres, cuerpos y acumulación originaria, Traficantes de sueños : Madrid ;
4 cfr. « Par le mot incarnée, nous voulons souligner deux points: tout d'abord, la cognition dépend des types
d'expériences qui découlent du fait d'avoir un corps doté de diverses capacités sensori-motrices s'inscrivant
elles mêmes dans un contexte biologique, psychologique et culturel plus large. En recourant au terme
action, nous souhaitons souligner une fois de plus que les processus sensoriels et moteurs, la perception
et l'action sont fondamentalement inséparables dans la cognition vécue. [italique notre]. (VARELA,
THOMSON, ROSCH, 1993 : 234).

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Varela justifie le choix du terme enaction à l’heure d’introduire les racines biologiques
de la connaissance5:

« Nous proposons le terme ( de l’anglais to enact : susciter, faire advenir,


faire émerger), dans le but de souligner la conviction croissante selon
laquelle la cognition, loin d’être la représentation d’un monde pré-donné,
est l’avènement conjoint d’un monde et d’un esprit à partir de l’histoire
des diverses actions qu’accomplit un être dans le monde ». (VARELA,
1993 : 35)

Or, dans cette transformation des pratiques pédagogiques dans l’apprentissage/


enseignement des langues, nous envisageons l’importance de privilégier l’action
dramatique afin que les aprenant.es puissent « enacter les situations, c’est-à-dire les
performer, les improviser en utilisant tous les répertoires langagiers dont ils disposent
déjà (gestes, émotions, mimiques, sons, postures, langues, etc. » (ADEN, 2017 : 17).

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3. Questions de recherche et hypothèses
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La première phase d’observation dans le rôle d’enseignante en formation auprès du
lycée, a été pour nous un terrain foisonnant de découvertes, où nous nous sommes
imprégnées de questionnements, d’inquiétudes et du désir de participer à la
transformation qui est en cours dans le monde éducatif.
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D’emblée, nous ne pouvons éluder le dilemme inaugural qui s’est installé à l’heure
d’entreprendre notre notre travail de recherche. Le Curriculum d’ESO promulgué par le
Département de l’éducation de Catalogne, dans le cadre des compétences communes au
domaine linguistique (Àmbit lingüístic), prône la capacité de l’apprenant.e d’adapter sa
communication à la multiplicité de situations communicatives : « Les persones han de
tenir les capacitats necessàries per comunicar-se de forma oral i escrita en
múltiples situacions comunicatives i per controlar i adaptar la seva pròpia comunicació
als requisits de la situació. » (Decret 187/2015). Or, l’image de telle multiplicité de
situations paraît s’estomper lorsque, en revenant à la réalité des salles de cours de notre

5 Nous renvoyons à l’œuvre El Arbol de conoscimiento, dans laquelle Varela et Maturana remontent aux origines
des organismes vivants et retissent une sorte de cosmogonie de la connaissance par le biais de la biologie, de
la physique quantique et des neurosciences ; cfr. MATURANA H. et VARELA F. (1994), L’arbre de la
connaissance. Racines biologiques de la compréhension humaine, Paris : Addison-Wesley

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lycée et à sa place émerge juste une situation, la plus courante : des corps humains
enfoncés dans leurs chaises, à l’attente d’une sollicitation verbale de la part d’un autre
corps humain, celui de l’enseignant.e, seule devant eux, en sollicitant leur attention. En
guise de provocation, ce cadre dystopique mais tout à fait ordinaire, nous fait nous poser
une question : Comment peut-on envisager des situations d’apprentissage/enseignement
significatives sans prendre en considération le corps?
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Loin de vouloir s’approcher de notre sujet de forme idéologique, nous envisageons la
nécessité de récupérer, à titre provisoire, la notion de corps dans le sens de souligner la
position négligée qu’elle occupe, à notre avis, dans les situations d’apprentissage/
enseignement des langues.
Le CECR, tout en préconisant la mise en œuvre une perspective actionnelle, où
l’apprenant.e se trouve à résoudre des tâches communicatives qui l’invitent à « agir dans
des situations de la vie réelle » (CECR, Vol. Complémentaire, 2018 : 27) donne une
marge assez réduite à l’engagement du corps dans les situations communicatives, en
consacrant à peine une section à propos de la communication non verbale et le
comportement paralinguistique (CECR : 73). Or, s’il est vrai que, en reprenant Ricoeur,
« le corps est le lieu même - au sens fort du terme - de cette appartenance grâce à quoi le
soi peut mettre sa marque sur ces événements que sont les actions » (RICOEUR, 1990 :
370), comment réinscrire dans la dimension corporelle la faculté des apprenant.es d’agir
dans et avec la langue?
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Au coeur de notre questionnement réside la possibilité de récupérer un apprentissage/
enseignement de la langue corporalisée, (ADEN, 2015 : 13) en intégrant l’expression
théâtrale dans la pratique pédagogique des langues.
Préalablement à la mise en oeuvre de notre intervention, nous nous sommes appuyée sur
notre expérience personnelle dans le domaine théâtral ainsi que sur les intuitions surgies
au sein de notre période d’observation et nous avons ainsi élaboré les hypothèses qui
suivent :
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Hipothèse 1 : le jeu théâtral en classe de langue contribue à faire surgir chez
l’apprenant.e une langue incorporée, c'est-à-dire une langue ancrée dans le corps ;
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Hypothèse 2 : le jeu théâtral en classe de langue construit chez l’apprenant une
conscience de l’interrelation entre corps, langue et apprentissage ;
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Hypothèse 3: L'engagement sensoriel et affectif favorise l'expression langagière.
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Hypothèse 4 : Lorsque l’apprenant.e découvre sa capacité à communiquer
langagièrement, il/elle construit aussi une conscience de soi et de l’autre.
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À partir de ces réflexions préliminaires, nous allons élaborer par la suite les procédés
méthodologiques par le biais desquels nous avons développé notre recherche.
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4. Cadre d’intervention et méthodologie de la recherche
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Les deux parties qui suivent seront consacrées à introduire notre cadre d’intervention et
à illustrer notre méthodologie de recherche.
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4. 1 Présentation du cadre d’intervention
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Les observations que nous avons menées auprès d’un groupe d’apprenant.es entre 13 et
14 ans de Français Langue Étrangère (dorénavant FLE) d’un Lycée publique de
Barcelone, nous ont permis de nous interroger sur les stratégies pédagogiques
envisageables dans l’intérêt d’apporter des réflexions autour de notre problématique.
Afin de définir le terrain de recherche et les stratégies élaborées, nous allons ébaucher
brièvement la démarche de notre action pédagogique.
En premier lieu, nous avons fait le choix de mettre au service de cette expérimentation
sur terrain, notre expérience et notre formation dans le domaine théâtrale.
A partir de notre problématique, nous avons mis en place une séquence pédagogique
innovante, axé sur l’élaboration d’une tâche de création théâtrale. La séquence était
structurée en deux partie : une première partie d’introduction au langage et à la création
poétiques et une deuxième partie de mise en scène et de représentation théâtrale. Au
sein de la première phase, nous avons élaboré un travail d’expérimentation poétique à

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partir des contraintes oulipiennes6, que nous a permis de réaliser une tâche de création
poétique dans le métro de Barcelone. Les poèmes qui en sont issus, ont constitué la base
à partir de laquelle, lors de la deuxième phase, les étudiant.es ont élaboré, par groupes,
des micro-scénarios théâtraux, qui ont été finalement mis en scène. La double nature
poético-théâtrale de la séquence répond à la fois à des besoins pragmatiques et une
logique d’expérimentation qui s’inscrit, comme on a vu auparavant, dans la théorie
cognitive de « l’enaction » (MATURANA et VARELA, 1989). Ce choix a été dicté
d’une part par la nécessité de travailler d’une manière synergique et complète les
compétences linguistiques, littéraires et transversales prévues par le Curriculum du
Département de l’Education de Catalogne (Decret 187/2015). D’autre part, nous avons
eu l’intérêt d’établir une relation entre la création poétique et l’éveil de la parole chez
l’apprenant.e de langue, dans la tentative de stimuler une rencontre avec la langue à
partir de pratiques auto-réflexives, d’interaction avec les autres et de médiation vers la
forme théâtrale.
!
Les deux phases de la séquence ont été caractérisées par la mise en place systématique
de dynamiques théâtrales. Mais, à quoi fait-on référence lorsque nous parlons de
dynamiques théâtrales? Nous avons conçu notre séquence en prévoyant dans son
déroulement la structure suivante :
- échauffement/ brise-glace ;
- travail des contenus par le biais de jeux théâtraux/improvisations ;
- mise en commun ;
!
Dans la partie introductive (échauffements, brise-glace) la disposition en cercle
favorisait le contact visuel, une disposition du corps à l’interaction et l’instauration
d’une atmosphère de confiance. Plus que la production orale, notre priorité résidait en
une mobilisation intégrale du corps (sensorielle, vocale, gestuelle, émotionnelle) afin
que chacun puisse prendre conscience de son état de départ et qu’il puisse faire place à
la possibilité d’une interaction et à la prise de parole.

6 L’OuLipo, ou Ouvroir de Littérature potentielle, est un groupe de recherche et d’écriture expérimentale


fondé en 1960 par le mathématicien François Le Lionnais et l’écrivain Raimond Queneau, comptant dans
son enclave aussi bien des écrivains que des scientifiques. But de la recherche oulipienne est d’ouvrir la
littérature à d’autres potentialités. cfr. OuLiPo, (1981), Atlas de littérature potentielle, Gallimard, Paris : p.
431.

21
Chiara Erroi
Or, il est important de souligner le décalage qui s’est produit entre la phase de
conception et sa mise en oeuvre. La composante temporelle a constitué la première
limitation. Nous avons dû renoncer, particulièrement dans la première phase, à une
partie des exercices théâtraux prévus et nous avons été obligées à renoncer
d’approfondir certains aspects capitaux de la pratique théâtrale, notamment la prise de
conscience de l’espace scénique et la présence sur scène
De plus, l’orientation du projet aurait demandé un travail avec un groupe plus réduit
d’apprenant.es. Nous soulignons aussi la difficulté que nous avons rencontrée à l’heure
de conjuguer notre rôle d’enseignante-stagiaire avec celui de chercheuse avec un groupe
si nombreux qui n’était pas familiarisé avec ces pratiques pédagogiques. Nous
envisageons, pour les recherches à venir, un travail en équipe, dans lequel puissent être
engagées plusieurs éducatrices/chercheuses et dont l’extension temporelle s’étale au
moins sur un semestre.
.
!
!
!
4.2 Méthodologie de la recherche
!
La méthodologie dans laquelle notre recherche est inscrite dans la démarche de
recherche-action (LEWIN, 1946). Nous voulons d’abord préciser notre posture éthique
par rapport à notre terrain de recherche, lequel, comme nous rappelle Michel Agier, est
un univers de complexités en interaction : « Le terrain n’est pas une chose, ce n’est pas
un lieu, ni une catégorie sociale, un groupe ethnique ou une institution (...) c’est d’abord
un ensemble de relations personnelles où "on apprend des choses" » (AGIER, 2004 :
35)7. Nous sommes conscientes de la nécessité d’éluder un paradigme qui risque de
placer notre contexte de recherche dans une dynamique d’objectivation et nous tenons à
préciser notre ouverture à un mouvement dialectique de réception, échange,
apprentissage et transformation entre nous et notre terrain d’étude.
!

7 cfr. BLANCHET, P., CHARDENET, P., (2011), Guide pour la recherche en didactique des langues et des
cultures, Éditions Archives Contemporains , Paris : AUF, p. 18 ;

22
Chiara Erroi
L’observation sur terrain nous a permis de soulever les problématiques que nous venons
d’énoncer et de développer un plan d’intervention sur le terrain, dans la tentative de
récupérer des données qui soient utiles dans l’élaboration de nouvelles stratégies
pédagogiques en réponse aux questionnements qui se sont ouverts auparavant, dans le
souhait qu’une transformation puisse avoir lieu.
À partir de notre problématique, nous avons considéré prioritaire mettre en place, dans
la constitution de notre corpus, une stratégie de collecte de données qualitative. Ce
choix répond à une orientation épistémologique qui refuse la prétention de restituer un
corpus, comme observe Blanchet, « objectivement représentatif », et qui est vouée à
mettre en valeur la dynamique dialectique entre l’observation/intervention du chercheur
sur le terrain et l’interprétation du corpus dans sa dimension « significative ».
(BLANCHET, 2011 : 19)
!
5. Présentation du corpus
!
La première procédure de collecte de données que nous avons mis en place, consistait
en une « enquête sémi-directive »(BLANCHET, 2011 : 86) sous forme d’un
questionnaire écrit à réponse ouverte. Ce questionnaire a été présenté au groupe
d’apprenant.es dans une phase préalable à notre intervention. L’objectif de cette
première enquête consistait en définir la situation de départ afin de pourvoir explorer de
la dimension réflexive et de conscience chez l’apprenant.e avant de notre intervention.
Les questions ont été formulées dans la manière suivante :
1. « Quel est le rôle de mon corps dans les situations d’apprentissage au lycée? » ;
2. « Ce que j’apprends au lycée m’aide à comprendre les personnes qui m’entourent et
dans ma relation avec eux? »,
3. « Ai-je l’occasion d’exprimer ma créativité au lycée? ».
!
Il est important de mettre en évidence que les étudiant.es, suite à une lecture
préliminaire des questions en classe (avant que chacun réponde à titre individuel et
anonyme), ont montré une certain étonnement, incertitude voire perturbation : « El cos?
Què vol dir això? » ou « I què hem de dir? Es que…no ho fem servir a classe! » ou
encore « No sé! Això, no ho ens han preguntat mai! ». Cela nous a supposé un certain
dilemme : Comment créer les conditions optimales pour que les apprenant.es puissent se
23
Chiara Erroi
prendre le temps de donner une réponse authentique? Dans quelle mesure l’observatrice,
dans sa tentative de clarifier la nature du questionnaire, exercera une influence ou une
altération sur leur réponse? Nous avons alors fait appuis sur nos stratégies
pédagogiques et nous avons ainsi proposé une micro-exercice de mindfullness, afin que
chacun puisse retrouver dans le silence et dans la pratique auto-réflexive, la forme la
plus authentique de répondre au questionnaire. Ensuite, nous avons organisé six groupes
de discussion autour d’une des questions proposées auparavant, dont l’échange orale a
été enregistré. La difficulté à l’heure d’accompagner les six groupes dans leur débat,
ainsi que le manque d’éléments nouveaux et de variété par rapport aux enquêtes
individuelles, nous a obligé à exclure ce matériau du corpus. Nous avons également
décidé d’écarter du corpus les réponses aux deux dernières questions car nous avons
considéré que le contenu ne serai pas pertinent à notre recherche.
!
Lors d’une deuxième phase, dans le cadre de notre intervention pédagogique, nous
avons décidé d’effectuer l’enregistrement vidéo des micro-représentations théâtrales
mises en œuvre par les apprenant.es, qui constituaient la tâche finale de notre séquence.
Dans le but de privilégier un critère qualitatif dans la constitution de notre corpus, des
cinq enregistrements, qui ont également été exploités avec des finalités pédagogiques
(correction collective, co-évaluation, etc.), nous en avons sélectionnés deux. Cette partie
du corpus nous permettra d’observer, par le biais d’une analyse des captures d’image et
des énonces, les opérations qui interviennent dans le phénomène dramatique, et leur
contribution significative à nos questionnements.
!
Lors de la dernière phase, nous avons procédé à une seconde enquête sémi-directive qui
a suivi notre intervention pédagogique. Dans cette phase, nous avons procédé à un
questionnaire individuel et anonyme contenant les cinq questions suivantes :
1. « Quel a été le rôle de mon corps dans cette séquence? Est-ce que j’ai remarqué un
changement?»;
2. «Quel a été le moment de la séquence où je me suis senti plus à
l’aise? Pourquoi?» ;
3. « Qu’est-ce que j’ai pu découvrir de moi ? » ;
4. « Qu’est-ce que j’ai pu découvrir des autres? » ;
5. « Ce que nous avons fait, m’a-t-il aidé dans ma relation aux autres? Comment? » ;
24
Chiara Erroi
6. « Quelle partie de moi ai-je pu exprimer le mieux? » ;
7. « En général, qu’est-ce que cette séquence didactique m’a-t-elle apporté? ».
!
L’intérêt de ce questionnaire repose sur la nécessité d’avoir un feed-back global de notre
intervention, en insistant sur trois axes principaux : l’engagement du corps, l’expression
de soi et la communication avec les autres.
Les réponses à ces enquêtes constituent une partie du corpus, complémentaire à la
première, nous permettra de observer l’évolution de la conscience chez les apprenant.es
de leur conscience par rapport aux questionnements qui sont au coeur de notre
recherche.
!
!
6. Analyse des données
!
Suite à cette présentation du corpus, nous allons procéder à une analyse détaillée des
trois parties qui le composent : la première enquête aux apprenant.es, les vidéos des
représentations théâtrales et l’enquête finale.
!
6.1 Avant la mise en place de la recherche-action : représentations du
corps chez les apprenent.es
!
Dans la première partie de notre corpus, nous avons organisé les réponses donnée par
quinze étudiant.es à la question suivante : « Quel est le rôle de mon corps dans les
situations d’apprentissage au lycée? ». Ce matériau nous a permis de faire un bilan sur
la manière dans la quelle nos apprenant.es conçoivent, représentent et construisent
l’engagement du corps en classe.
Comme nous avons annoncé auparavant, lorsque nous avons introduit cette question au
groupe, nous avions la sensation d’être dans un territoire inexploré : le rôle du corps à
l’école ne semble jamais avoir été objet de questionnement.
!
6.1.1. La perspective instrumentale du corps
!
25
Chiara Erroi
Nous pouvons d’emblée mettre en relief deux phénomènes qui se dégagent d’après une
première analyse : la dimension instrumentale/ fonctionnelle e du corps en classe et la
fragmentation/séparation du/entre le corps et la personne.
!
À l’intérieur de cette perspective instrumentale du corps, nous pouvons repérer dans les
réponses des étudiant.es une tendance à lui attribuer un rôle relevant exclusivement dans
les cours d’éducation physique. Ils s’expriment par le biais des énoncés suivants :
- « utilitzem molt poc el cos, pràcticament només ho fem a educació
física » (Annexes, Q1, 3a) ;

- « a educació física ens movem molt » (Annexes, Q1, 7a) ;


- « a educació física utilitzem el cos » (Annexes, Q1, 8a) ;

- « només el faig servir a educació física. No per aconseguir cap nota més
(Annexes, Q1, 12a).

!
Au delà de l’évidence d’un engagement privilégié du corps physique pendants les
heures de gymnastique, nous tenons à souligner la récurrence d’expressions qui
renvoient à la dimension de l’utilité, de l’usage, du service.
!
6.1.2 La fragmentation du corps
!
Nous sommes également témoin de ce phénomène de fragmentation du corps ; ce
dernier, loin d’être perçu dans son intégrité, est représenté, paraît-il, tel qu’une réalité
découpée, en morceaux :
!
- « L’única part del cos que juga un paper fonamental en totes les matèries és el
cap. » (Annexes, Q1, 2a) ;
- « El cap a l’hora de pensar, fer exercisis, estudiar, la mà per copiar i les cames
quan fem educació física. » (Annexes, Q1, 15a) ;
- « L’únic que crec que utilitzo, el cap i la mà » (Annexes, Q1, 7a) ;
- « la única cosa que utilitzo és el cervell i les mans » (Annexes, Q1, 11a) ; [italique
notre]
!

26
Chiara Erroi
Nous pouvons observer comment les apprenant.es mettent l’accent sur le fait que
seulement deux parties de leur corps participent dans les situations d’apprentissage à
l’école : les mains (ou plutôt, la main) et la tête (dans un cas identifiée comme
« cerveau »). À ces parties leur sont associées des fonctions spécifiques : la « main »
pour « écrire/copier » et la « tête » pour « penser/faire des exercices/ étudier ».
!
6.1.3 Séparation entre parole et gestes
!
Ensuite, nous repérons seulement deux personnes qui font référence à une autre
fonction, celle de la parole, et qui trouve sa correspondance avec une partie du corps, la
bouche :
- « amb la boca podem preguntar dubtes sobre el tema per entendre millor » (Annexes,
Q1, 9a)
- « també articulo els maxilars superior i inferior i la llengua per parlar, preguntar algo
a la professora » (Annexes, Q1, 5a).
!
Dans ce cas, nous soulignons une représentation de l’acte de parler limitée à sa fonction
interrogative, principalement dirigée vers l’enseignante.
D’ailleurs, dans la réponse d’un autre apprenant.e nous avons pu constater la perception
de cette séparation entre tête/pensée/ parole et le reste du corps, qui s’inscrit dans une
séparation qui s’opère entre paroles et gestes : « jo penso que més s’utilitza a l’institut
és el cap, ja que estem més acostumats a expressar-nos amb les paraules, i no amb els
gestos » (Annexes, Q1, 3a).
!
6.1.4 Le corps comme surface extérieure
!
Un autre aspect qui émerge d’après notre analyse de cette première enquête consiste en
une représentation selon laquelle le corps est associé à une surface extérieure à la
personne :
!
- « el meu cos no té gaire importància. L’única part del cos que juga un paper
fonamental en totes les matèries és el cap. Realment, crec que a l’escola s’hi va

27
Chiara Erroi
per a desenvolupar el teu cervell, no a que et jutjin per a la teva forma
física. » (Annexes, Q1, 2a)
- « Crec que no utilitzo el meu cos per aprendre i el meu cos no juga ningún paper
en el meu aprenentatge, per que la única cosa que utilitzo és el cervell i les
mans. Pertant no importa si sóc molt fort o no, o si sóc molt baix o
no » (Annexes, Q1, 11a)
!
Nous interprétons ces réponses comme une assimilation de la partie corporelle à
l’aspect physique, c’est-à-dire à une dimension superficielle, futile et dont le rôle est
donc négligeable dans les situations d’apprentissage.
Une lecture possible de cette représentation peut être d’une part une adhésion à une
sorte de morale institutionnelle, selon laquelle l’apparence physique n’est pas
importante, et que par la suite, ayant assimilé le corps à cette apparence, on établie son
insignifiance. D’autre part, nous constatons cette nécessité de se dérober à ce qui est
visible en nous, (notre aspect physique) et de se soumettre au jugement extérieur.
!
!
6.1.5 Le corps séparé de la connaissance
!
Finalement, juste une personne de notre groupe semble attribuer au corps un rôle capital
à l’école :
« A totes les situacions d’apprenentatge a l’institut el cos és una part
fonamental, no només per l’exercisi físic sino també per facilitar que les
idees i ensenyaments entrin amb més facilitat. Per exemple, amb la boca
podem preguntar dubtes sobre el tema per entendre millor, o amb les
mans escriure per facilitar el recordar. » (Annexes, Q1, 9a).

!
Néanmoins, il est important de mettre en relief la représentation passive du corps qui en
est dégagée. Son rôle semble coïncider avec celui d’un réceptacle passif apte à recevoir
des connaissances provenantes de l’extérieur (« els ensenyaments entrin ») et qui ne
paraît se soustraire à une conception instrumentale.
!
!
!
!
28
Chiara Erroi
6.2 Représentations théâtrales : le langage corporel en action
!
La deuxième partie du corpus analysé est constituée par deux vidéos des spectacles
finales représentés par les apprenant.es à la fin de notre intervention. En guise de rappel,
nous spécifions que le petites scénettes sont le produit d’une réadaptation théâtrale des
poèmes écrits par les apprenant.es lors d’une expérimentation d’écriture à contrainte
dans le métro réalisée auparavant.
!
Dans la première vidéo (Annexes, V1, Transcription), nous allons analyser la fonction
communicative des gestes co-verbaux produits par les apprenant.es. Le sketch a été
conçu en deux parties: chaque partie représente une rencontre entre deux personnages
qui s’interrogent sur le pays d’origine de l’autre et qu’ils trouvent une réponse à travers
les souvenirs d’enfance auxquels l’autre fait allusion.
Dans cette interaction, le personnage raconte les souvenirs de son village d’enfance.
Nous pouvons mettre en évidence comment à chaque énoncé prononcé par l’interprète
(à droite), correspond un geste. Sur l’image 1, l’apprenant accompagne ce qui est en
train de dire « Je me souviens » en faisant un geste avec la main comme pour indiquer
l’espace derrière lui et pour traduire en termes spatiaux l’antériorité temporelle qui
caractérise le souvenir. Ensuite, dans l’image 2, nous observons un geste avec les bras
qui fait allusions à l’acte de se plonger dans l’eau, correspondant à l’énoncé « on se
baignait ». Puis, dans l’image 3, l’apprenant approche les deux mains à sa tête, en
faisant un mouvement rapidement répété qui fait allusion à l’acte de penser et qui
coïncide avec l’énoncé « sans plus penser». Dans les trois gestes, nous pouvons
souligner la valeur référentielle des gestes, pour reprendre la notion de Calbris
(CALBRIS, 1992)8.
!
!

8 cfr. ADEN, 2009 : p. 10 ;

29
Chiara Erroi

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image 1 Image 2 Image 3

!
Dans la deuxième vidéo (Annexes, V2, Transcription), nous allons analyser les
mécanismes d’interactions entre mouvements et langage.
D’abord, il est intéressant d’observer que le groupe a fait le choix d’utiliser une pancarte
figurant une bulle de BD, afin de marquer la prise de parole sur scène (image 5). Cette
stratégie décèle, à notre avis, la nécessité d’avoir un point d’appuis matériel qui
décharge la tension du focus de la scène, comme si la seule présence corporelle ne
pourrait soutenir par elle même l’interprétation verbale. De plus, la pancarte est placée
sur un plan supérieur, à la hauteur de la tête, en soulignant la prépondérance de ces
parties du corps (tête, bouche) à l’heure de parler, sans que cela entraîne, pourtant, un
usage expressif de la mimique faciale. Néanmoins, nous pouvons observer, en
contrepoids, la succession d’actions dynamiques mises en place par les autres
interprètes. Le manque d’une structure dialogique du scénario semble être compensé
par une coordination des mouvements sur scène (image 6) avec l’énoncé verbal. Une
complicité visuelle et gestuelle s’installe entre celle qui énonce et celle qui interprète
avec son corps (image 4). Dans l’interaction entre les deux personnages à droite de
l’image 4, l’échange est le suivant :
!
(2 : 35)
Olga : [elle crie et tombe par terre] Je me souviens quand je suis tombée
Livia : Je me souviens quand je suis pleuré et je suis allée à l’hôpital
!
!
Nous précisons que pendant la phase de répétitions, Olga avait la tendance à énoncer sa
partie de la manière suivante : « Je me souviens quand j’ai tombé », tandis que Livia
répliquait « je me souviens quand j’ai pleuré ». Nous voyons comment dans la

30
Chiara Erroi
représentation finale, Olga, avant de prononcer son énoncé « je suis tombée », mime
une chute par terre. Puis, Livia, comme en résonance avec sa co-interprète, semble être
entraînée vers un mimétisme langagier, qui lui fait dire : « je suis pleuré », elle fait donc
un calque de l’auxiliaire « suis* » qui vient d’être prononcé, mais sans une réalisation
référentielle (aucun geste/expression fait allusion à l’acte de pleurer). La synchronie
senso-motrice et verbale de Olga semble influencer l’énonciation de Livia. Ce fait
semble mettre en évidence la synchronisation qui se produit, au sein de l’action
dramatique comme action vécue, entre la perception-mouvement de moi et de l’autre et
la communication verbale. Finalement, nous pouvons observer comment, dans le cas de
Olga, une apprenant.e dont l’insécurité dans l’expression orale était remarquable avant
notre intervention, le dynamisme de l’action dramatique ait déclenché une
synchronisation entre gestes, mouvements et discours.
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Image 4

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Image 5

Image 6

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Chiara Erroi
6.3 Enquête finale : corps, voix, langues en communication
!
« Travailler à devenir autre et faire advenir l’autre par ses
paroles, impose que le corps et la voix se débarrassent du poids
du regard d’autrui pour devenir publiquement assumés. Pour
cela rien de tel que la création d’un personnage sur une scène et
des exercices corporels tissant des relations de
groupes » (PIERRA, 2011 : 8)

!
La troisième partie de notre corpus est constituée par les réponses des apprenant.es à
une enquête réalisée après notre intervention.
D’après notre analyse du discours des apprenant.es, nous avons mise en relief trois
aspects principaux : l’engagement du corps, la perception des compétences en langue
française et la communication.
En ce qui concerne la perception du corps dans la séquence pédagogique que nous
avons mis en place, nous pouvons observer l’apparition d’une conscience beaucoup plus
intégrale vis-à-vis du corps. D’abord, les apprenant.es semblent associer l’engagement
du corps au mouvement:
- « ara treballavem més amb el cos, feiem més activitats amb
mobilitat » (Annexes, Q2, 18b,1)

- « gràcies a l’obra de teatre, he notat que ens hem mogut més » (Annexes,
Q2, 3b,1)

- « en comptes d’estar sentats i avorrits hem estat de peu i ens hem


mogut » (Annexes, Q2, 22b, 5)

- « Sí, hem fet activitats més dinàmiques i hem treballat amb altres persones »
(Annexes, Q2, 18b, 5)

Cette prise de conscience du mouvement corporelle se relie aussi à un état plus


participatif et en présence : « El meu cos ha participat molt més a les classes. Les
classes de francés eren molt més dinàmiques i el meu cos estava millor, més
atent » (Annexes, Q2, 17b,1), « m’he sentit poc a poc amb més energia. » (Annexes,
Q2, 19b,1), « Cada classe em sentia millor, més activa i disfrutava més. Al principi em
costava activar-me » (Annexes, Q2, 13b,1). Nous pouvons également remarquer un
changement des expressions: si dans la première enquête « le corps » était souvent
présenté tel qu’un objet extérieur, nous voyons apparaître la notion de « mon corps » :

33
Chiara Erroi
« El meu cos ha tingut la possibilitat de poder ‘participar’ a les classes per
aprendre » (Annexes, Q2, 22b,1), mon corps devient un sujet d’apprentissage.
!
Deuxièmement, nous avons enregistré une insistance sur la dimension de la
compréhension et d’un changement de l’auto-image et de la perception de l’autre en ce
qui concerne les compétences expressives en langue française. Lorsqu’on a demandé
aux apprenant.es « Qu’est-ce que j’ai pu découvrir de moi et des autres dans cette
séquence pédagogique? », ils ont répondu qu’ils peuvent comprendre le français plus de
ce qu’ils pensaient :
- « Que sí que puc entendre el francès, perquè jo abans, per mi era impossible
entendre’l » (Annexes, Q2, 14b,3) ;

- « sé més francés del que creia » (Annexes, Q2, 16b,3) ;

- « He millorat el vocabulari i ara ho entenc molt més » (Annexes, Q2, 14b,6).

De plus, l’image qu’ils avaient des autres aussi a changé :


- « Dels altres he pogut descobrir que puc comptar amb ells a l’hora de
treballar » (Annexes, Q2, 2b,4) ;

- « hi han persones que pensava que no treballaven gaire, i al veure’m treballar


amb elles he vist que estava equivocada », (Annexes, Q2, 3b,4) ;

- « Saber parlar millor francès. » (Annexes, Q2, 20b, 6) ;

- « res, només que saben bastant francés. (Annexes, Q2, 14b,3) ;

- « He descobert que hi ha persones que tenen més coses dins del seu cos i
altres que no saben expressar-se bé o no expressen els seus
sentiments » (Annexes, Q2, 21b,4).

Cette notion de ‘savoir’ paraît être en lien avec la faculté de pouvoir (ou pas) s’exprimer
en français.
!
En dernière instance, nous avons mis en relief la dimension de la communication. En
effet, lorsqu’on leur a demandé « Qu’est-ce que cette séquence didactique m’a-t-elle
apporté? »,
les apprenant.es ont insisté sur la nouveauté de la méthode « Ens ha ajudat a aprendre
d’una manera different » (Annexes, Q2, 16b,7) spécialement grâce au fait que le jeu
théâtral a favorisé l’expression : « m’he pogut expressar millor » (Annexes, Q2, 15b,7),

34
Chiara Erroi
« Suposo que el que he pogut expressar millor de mi ha sigut la meva creativitat a l’hora
de treballar » (Annexes, Q2, 2b,7). Or, nous assistons à l’éclosion d’une dimension
singulière et intime de l’expression « la més interna i ‘expressiva’ » (Annexes, Q2, 9b,
7), qui s’incarne dans la circulation entre une conscience de l’état psycho-corporel et de
son partage, « Personalitat, expressió i relaxació » (Annexes, Q2, 15b,7) à travers la
voix « la veu, l’expressió », « la veu, el cos » (Annexes, Q2, 17b, 6), la parole : « he
parlat més amb ells. […] » (Annexes, Q2, 14b, 5), « La [expressió] verbal quan parlava,
tant català com francés » (Annexes, Q2, 16b, 6), bref, l’acte de « se mettre en commun,
en relation » avec les autres (cfr. DESCAMPS, supra, p.3) communiquer : « m’ha
ajudat perquè en comptes de estar sentats prenent apunts ens hem pogut
comunicar » (Annexes, Q2, 17b, 6), « Comunicació amb els meus
companys » (Annexes, Q2, 16b, 7), « Poder comunicar-nos, expressar-nos, fer poesía,
parlar. » (Annexes, Q2, 17b, 7).
!
La présente analyse nous a permis de tisser les liens entre la représentation chez les
apprenant.es de l’engagement du corps dans les situations d’apprentissage, l’interaction
entre geste, langage corporel et communication langagière qui se réalise lors de l’action
dramatique et la construction d’une prise de conscience chez les apprenant.es suite à
notre intervention pédagogique.

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35
Chiara Erroi
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7. Résultats et discussion
!
nos langues émergent dans un magma langagier sensoriel
; elles adviennent dans le besoin et le désir d’entrer en
relation avec nos proches, elles sont à la fois biologiques
et culturelles. (ADEN, 2013 : 2)

À la lumière de l’analyse de notre corpus, nous allons revenir aux hypothèses que
nous avons formulées en exergue. Nous allons démontrer comment, par le biais de
ces résultats, comment elles sont en interrelation.
Nous sommes consciente que la courte extension temporelle de notre intervention
pédagogique (quatre semaines) nous limitée à l’heure de rentrer en profondeur
dans la pratique théâtrale. Néanmoins, il a été possible d’observer une évolution
significative chez les apprenant.es au sein de leurs représentations du corps, de la
langue et de l’apprentissage.
!
7.1 Hypothèse 1 : le jeu théâtral en classe de langue contribue à faire surgir
chez l’apprenant.e une langue incorporée, c'est-à-dire une langue ancrée dans
le corps.
!
L’analyse des vidéos nous a permis d’interpréter l’interaction entre geste et parole
dans la situation de contingence des représentations théâtrales réalisées par les
apprenant.es. Nous avons mis en relief la synchronie qui se produisait entre gestes,
mouvements et communication langagière au sein de l’action théâtrale (6.2). D’une
part la prépondérance de gestes référentiels (6.2, vidéo 1), c’est-à-dire de gestes qui
incarnent ce qui est énoncé verbalement semblent avoir une fonction de ‘béquille’
mnémonique sur laquelle les interprètes s’appuient. En effet, nous observons
comment le CECR insiste sur cette dimension compensatoire du geste lorsqu’il
définit les stratégies de compensation à l’oral dans l’indicateur du niveau A2 :
« Peut utiliser un mot inadéquat de son répertoire et faire des gestes pour clarifier
ce qu’il veut dire » (CECR, 2018 : 53). Néanmoins, nous soulignons cette
hiérarchisation qui est œuvrée à l’intérieur du Cadre Européen, où toute la
dimension gestuelle et corporelle du langage semble être réduite à la catégorie de
« comportement paralinguistique » et auquel il ne consacre qu’un sous-paragraphe

36
Chiara Erroi
(cfr. CECR : 72). Nous préférons la perspective plus nuancée qui nous fournit
Adrien Payet, relative à cette fonction optimisatrice du geste dans la
communication : « Prendre conscience de son corps et clarifier sa gestuelle
optimisent la communication en langue étrangère. […] Lorsque le lexique vient à
manquer, on se sert de manière quasi instinctive du langage corporel pour se faire
comprendre.» (PAYET, 2010 : 16) D’autre part, nous avons été témoin de cette
synergie qui se crée entre corps, parole et situation (6.2, vidéo 1 et 2) ; or, Or,
d’après Aden, (ADEN, 2009 : p. 8) c’est au sein de cette contingence que les
apprenant.es se plongent dans un temps présent qui se fait présence, et que la
langue s’incarne dans l’action vécue.

D’ailleurs, c’est au sein ce cette cognition vécue du jeu théâtral qui s’inscrit ce
phénomène de résonance senso-motrice et langagière que nous avons analysé
auparavant ( 6.2, video 2). En effet, nous voyons réalisés les trois moments qui
sont au sein de la « communication langagière enactée » (ADEN, 2012 : 275) : le
« couplage » c’est-à-dire la connexion et interaction qui se produit entre
l’environnement et la dimension senso-motrice (VARELA, 1989 : 45), la
« plasticité ou capacité d’adaptation , de résonner avec l’extérieur » et le « surgir
du langage » (ibid.)9. Nous avons analysé (6.2, vidéo1 et 2) comment l’action
dramatique a permis aux apprenant.es d’être dans « un flot linguistique qu’ils
peuvent déchiffrer à travers d’indices non verbaux en utilisant des formes de
médiation comme l’observation, l’imitation, la répétition, pour rester dans la
fluidité de l’action. » (ADEN, 2017 : 17). Suite à ces résultats, nous pouvons
confirmer l’ hypothèse 1, selon laquelle le jeu théâtral en classe de langue
contribue à faire surgir une langue incorporée.

!
7.2 Hypothèse 2 : le jeu théâtral en classe de langue construit chez l’apprenant
une conscience de l’interrelation entre corps, langue et apprentissage ;
!
L’analyse de notre troisième partie du corpus nous a permis d’opérer une
comparaison entre les représentations des apprenant.es dans la phase préalable

9cfr. ADEN, 2012 : 275 ;

37
Chiara Erroi
(6.1) et postérieure (6.2) à notre intervention pédagogique. Les résultats de notre
première enquête décèlent cette scission qui se produit dans notre cadre
d’apprentissage/enseignement entre corps et connaissance (6.1.5).!
Nous avons observé un changement de conscience par rapport à l’engagement du
corps en classe de langue (6.3, cfr. Annexes, Q2, 18b, 1 - 3b, 1 - 22b, 5 - 18b, 5 ),
à la perception de leurs compétences en langue française (6.3, cfr. Annexes Q2, 2b,
4 -3b, 4 -14b, 3, 6 - 16b, 3, 6 - 20b, 6 - 21b, 4 ) , et à la communication langagière
intégrale (6.3, cfr. Annexes, Q2, 17b, 6, 16b, 7, 17b, 7). Nous avons vu comment
les apprenant.es ont opéré une transition d’une représentation fragmentée et
insignifiante du corps (6.1.2) vers une représentation qui met l’accent sur sa
présence, sa participation, son mouvement (6.3). Dans cette perception, le corps se
fait sujet d’apprentissage, un sujet qui n’est pas objet d’une cognition séparée mais
qui est complètement une unité avec une « cognition vécue » (VARELA,
THOMSON, ROSCH, 1993 : 234). Nous attribuons ce changement de perspective
chez les apprenant.es à une à la mise en œuvre de notre intervention pédagogique
axée sur l’action dramatique. Cette synergie qui apparaît entre corps, action vécue
et communication langagière nous permet d’affirmer l’Hypothèse 2 formulée au
départ.
!
7.3 Hypothèse 3: L'engagement sensoriel et affectif favorise l'expression
langagière.
!
Comme nous avons observé auparavant (5), lors de la phase préliminaire à notre
intervention, les apprenant.es ont avoué que pour eux c’était la première fois que le
rôle du corps dans l’apprentissage était mis en question. Les représentations du
corps qui se sont décelées par le biais des enquêtes préliminaires s’inscrivent dans
les dimensions qui suivent: une dimension instrumentale à laquelle le corps semble
être soumis (6.1.1), une dimension fragmentée du corps, qui n’est pas perçu par les
élèves dans son intégrité mais par parties séparées et une dimension de séparation
(6.1.2) qui semble se perpétuer entre une dimension intra-corporelle et extra-
corporelle, où le corps se place dans une écart de surface insignifiante (6.1.3) et
séparée des connaissances (6.1.5). Cette suspension d’une intégrité émotionnelle et
sociale s’inscrit dans cette étape du développement humain qui est l’adolescence,
38
Chiara Erroi
où, comme observe Denis Hauw « unité émotionnelle et sociale vécue […] peut
être perturbée […] limitant les activités et l’engagement en situation » (HAUW,
2017 : 6). Le jeu théâtral a représenté cette « situation vécue » (ibid.) où se produit
cette unité émotionnelle et sociale (6.3). Il a ainsi permis que les apprenant.es
puissent, comme dit Aden, « enacter les situations, c’est-à-dire les performer, les
improviser en utilisant tous les répertoires langagiers dont ils disposent déjà
(gestes, émotions, mimiques, sons, postures, langues, etc. » (ADEN, 2017 : 17).
Cette reconnaissance de ce qui est déjà présent dans le répertoire des apprenant.es
(6.3, cfr. vidéo 1) leur a permis de redéfinir aussi la perception de leur
compétences expressives en langue française. Comme nous avons analysé
auparavant (6.3, cfr. Annexes, Q2, 2b, 7 - 9b, 7 - 14b, 5 - 15b, 7 - 16b, 6, 7 - 17b,
7 ), par le biais de l’engagement sensoriel et affectif, les apprenant.es ont re-
découvert leur propre potentiel expressif en langue française et celui des autres. Ils
ont pu reconnaitre, ainsi, qu’apprendre des langues n’est pas répliquer des
structures abstraites mais c’est avant tout communiquer langagièrement. Nous
pouvons ainsi affirmer l’Hypotèse 3.
!
Hypothèse 4 : Lorsque l’apprenant.e découvre sa capacité à communiquer
langagièrement , il/elle construit aussi une conscience de soi et de l’autre.
!
L’analyse contrastée des enquêtes préalables à notre intervention (6.1) et des
enquêtes finales (6.3) a permis d’observer une évolution des représentations du
corps, de la langue et de l’apprentissage chez les apprenant.es. La construction de
cette prise de conscience de leur apprentissage (6.3, cfr. Annexes, Q2 2b, 4 -3b, 4
-14b, 3, 6 - 16b, 3, 6 - 20b, 6 - 21b, 4 ) paraît correspondre à cette « aptitude
heuristique » à laquelle le CECR fait référence : « la capacité de l’apprenant à
s’accommoder d’une expérience nouvelle (des gens nouveaux, une langue
nouvelle, de nouvelles manières de faire, etc.) et de mobiliser ses autres
compétences » (CECR : 86). Nous voyons aussi comment cette situation
d’apprentissage axée sur le jeu théâtral a représenté pour eux une ouverture, un
partage d’une dimension plus intérieur, qui a pu être exprimée, mise en commun,
partagée (6.3, cfr. Annexes, Q2, 9b, 7 - 15b, 7 - 17b, 6). Beaucoup d’apprenant.es

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ont insisté sur une découverte de la voix en tant qu’expression corporelle (6.3, cfr.
Annexes, Q2, 17b, 6 - 14b, 5 - 16b, 6 ). La voix, lorsqu’elle surgit du mouvement
et d’une action vécue, s’inscrit dans le corps. Nous apprenons de nos apprenant.es
que cet organe de partage qui est la voix, si corporelle et trans-corporelle, nous
met en résonance, bref en communication avec les autres. C’est au sein de ces
résultats que nous confirmons notre hypothèse 4.

Nous venons d’énoncer les résultats de notre recherche en les articulant aux
hypothèses formulées au départ. Dans la partie qui suit nous allons développer
nous conclusions .

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8. Conclusions
!
À la lumière de ces résultats, nous avons pu explorer dans quelle mesure
l’intégration des pratiques théâtrales en classe de langues peuvent participer à la
construction d’un apprentissage/enseignement significatif.

L’inquiétude inaugurale de notre recherche, c’est-à-dire la marginalisation de la


dimension corporelle dans les situations d’apprentissage/enseignement a été
corroborée par notre première étude sur le terrain : pour les apprenant.es il s’agissait
de la première occasion où l’on se questionnait sur l’engagement du corps à l’école.

Nous avons vu comment cette séparation entre corps et apprentissage est cohérente
à une logique utilitariste de l’apprentissage/enseignement, qui paraît s’inscrire à la
fois dans les représentations institutionnelles et dans les pratiques pédagogiques.
Comme l’observe également Maturana « la educación actual instrumentaliza el
educar para obtener algo que està más allá del presente, algo que en el fondo no se
sabe como va a ser » ( MATURANA, 2014 : 210).

D’ailleurs, au sein de notre contexte de recherche, nous avons malheureusement


été témoin de cette prépondérance de l’utilité sur la significativité, très présente dans
les représentations de notre groupe avant l’intervention. En effet, nous avons
également observé comment les documents de référence dans l’apprentissage/
enseignement des langues, notamment le CECR, laissent à notre avis transparaître

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cette représentation instrumentale, plus consacrée à élaborer des structures de ce qui
fait objet d’apprentissage/acquisition que de questionner le Pourquoi? et le
Comment? l’on apprend/enseigne.

Dans le cadre de notre recherche, nous avons envisagé le potentiel pédagogique


représenté par le jeu théâtral en classe de langue. Malgré la brièveté de notre
intervention, nous avons assisté à une transformation des représentations de la
langue auprès des apprenant.es qui s’écartent d’une perspective utilitaire pour
s’ancrer dans l’expressivité et la créativité de l’action vécu qui s’ouvre à la
communication langagière.

Grâce à l’action dramatique, nous avons vu surgir une synergie entre corps,
situation vécue et langue. Cette synergie a permis de souder ce lien intime qui réside
entre corporéité, émotions et interaction langagière avec les autres, mais que trop
souvent les situations d’apprentissage laissent en marge. Nous avons ainsi été
témoin d’une transformation des représentations personnelles et collectives chez les
apprenant.es.

Certes, nous sommes consciente que l’action théâtrale doit être accompagnée par
d’autres stratégies pédagogiques complémentaires et que la réalisation d’un
spectacle finale ne représente un objectif incontournable. Nous encourageons
d’ailleurs une intégration systématique du jeu théâtral avec d’autres pratiques, en
mettant également en valeur les micro-activités dramatiques, les rituels
d’échauffement et tout élément qui puisse contribuer à la création de « situations
vécues » (HAUW, 2017 : 6).

Or, dans cette lutte contre-temps où, comme observe Aden « les enseignants
craignent souvent que le temps consacré à l’expérience vécue ne ralentisse le
rythme d’approbation des programmes scolaires. » (ADEN, 2017 : 17), nous nous
demandons comment construire des politiques éducatives qui prônent une
intégration des pratiques théâtrales (nous pourrions parler, aussi, en sens large de
pratiques artistiques) non seulement dans les programmations officielles mais
surtout dans la pratique éducative.

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En guise de conclusion, nous voyons l’urgence de contribuer à défaire une notion
de compétence langagière conçue comme « une accumulation de connaissances
linguistiques cloisonnées » (ADEN, 2017 : 16) car cette configuration élude à la
fois la complexité de la communication langagière et la dimension éthique de
l’apprentissage/enseignement. Participer à la création de politiques et pratiques
pédagogiques vouées à récupérer la dimension vivante des langues signifie aussi
dépouiller l’apprentissage, spécialement dans l’étape adolescente, de sa fonction
purement utilitariste et asservie à une réalité séparée de la vie.

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Annexes
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Légende

Vidéo 1 - Transcription

Vidéo 2 - Transcription

Enquête n. 1 = Q1

Enquête n. 2 = Q2

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Exemple : (Annexes, Q2, 2b,5 ) = Enquête n. 2, fiche n. 2b, réponse
n.5.
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Transcription Vidéo 1
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Vidéo 1, durée (2:26)
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Pol : Tu viens d’où
Alex : Je me souviens des vacances dans mon village on allait à la plage quand il n’y
avait personne on se baignait, sans penser à personne
Pol : Ah Etats-Unis
Alex : Quels souvenirs tu as
Pol : Je me souviens de la solitude de mon village la paix qu’il y a est parfaite quand
je joue au football je suis joyeux
Alex : ah le village de notre enfance
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Ada : Quels souvenirs tu as
Katia : Je me souvenir de mes amis de toute une vie mon village me rappelle les
meilleurs moments de ma vie
Ada : Tu es de la Suède
Katia : D’ou viens tu
Ada : Je me souviens de l’école quand je mange une col je me souviens de Jacques
Prévert quand j’écris un poème
Katia : Ah de l’Espagne

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Tou.tes : Je me souviens
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Transcription vidéo 2
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Vidéo 2, durée (2 : 32)
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Livia : Je me souviens des anciens Ferros ils formaient part de ma vie
Olga : ah bonjour
Jana : Je me souviens d’une amie que j’ai fait dans le métro quand j’étais petite
Marta : Je me souviens de mon père parce qu’il aime beaucoup le métro
Olga : (elle cri et elle tombe par terre) Je me souviens quand je suis tombée
Livia : Je me souviens quand je suis pleuré je suis allée à l’hôpital
Jana : Je me souviens des anciennes aventures que j’ai fait avec mes anciennes amies
Marta : Je me souviens de mon ancienne école
Olga : Je me souviens de les anciens piques-niques avec mon ancienne école
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Livia : Je me souviens
Jana : Quand j’étais petite
Marta : j’avais un peluche
Olga : Maintenant il est vieux
toutes : nos souvenirs
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Enquête 1 (Q1)

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Enquête 2 (Q2)

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