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Arraisonnés, détournés sur la moindre suspicion de

traite, brûlés quand ils étaient convaincus de


transporter des esclaves, ils furent de moins en moins
rentables.
29 Le consul américain à Zanzibar, Webb, affirmait que 71
navires arabes avaient été ainsi détruits par les
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patrouilles anglaises en 1868 et 1869 . C’était la ruine
de l’ancien système sur lequel s’était fondée la
puissance omano-zanzibarite.
30 La navigation arabe se réfugia en partie sous le pavillon
français, avec des navires armés à Sûr. Ces boutriers
francisés virent leur nombre s’accroître
considérablement à partir de 1873, passant d’une
dizaine à cette date à 23 en 1891 et 44 en 1896. Leur
activité constamment soupçonnée d’esclavagisme par
les Anglais fut toujours fortement soutenue par les
autorités françaises qui y voyaient un moyen
d’influence. Ils créèrent un contentieux diplomatique
franco-anglais qui prit un tour aigu dans les dernières
années du siècle et finit par être tranché par la Cour de
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La Haye .

LES ARABES ET LE COMMERCE INTÉRIEUR


31 Dans le développement des échanges extérieurs, les
Indiens, venus nombreux à partir des années 1840,
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contrôlent une part croissante des affaires . Si les
firmes indiennes sont parfois associées aux entreprises
européennes pour leurs activités extérieures, elles
s’appuient essentiellement sur les commerçants arabes
pour tout ce qui concerne les échanges entre les côtes
africaines et l’intérieur du continent.
32 Ce sont les Arabes et leurs employés swahilis qui
tiennent le commerce des caravanes avec l’arrière-pays.
Ils poussent leurs entreprises suivant trois grands axes

de pénétration économique . L’axe méridional partait de
Kilwa Kiomani vers les régions du lac Malawi ; c’était
surtout la route des esclaves. L’axe central s’enfonçait de
Bagamoyo et Sadani vers les lacs Tanganyka et Victoria ;
c’était la grande route de l’ivoire. Enfin, la troisième
voie, quittant la côte à Pangani et Mombassa, allait vers
le lac Victoria jusqu’aux territoires voisins de
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l’Éthiopie . Ces caravanes étaient en partie financées
par les Indiens, mais aussi des Omanis et quelques
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Balouches . Des nombreux exemples de ces
entrepreneurs arabes, retenons celui de Sa’îd ibn Habîb
al-Khafîf qui, parti de Zanzibar vers 1845, traversa toute
l’Afrique pour atteindre Benguela en avril 1852, ou celui
d"Abd as-Salam, né à Surat d’une famille originaire de
Masqat, pilote sur des bateaux faisant l’intercourse de
l’Inde, du Golfe et de la côte africaine, installé à
Zanzibar puis à Bagamoyo, et qui, associé à trois autres
Arabes, lança une caravane jusqu’à Ujiji et, après avoir
traversé le lac Tanganyka, atteignit Kazembe. Lui aussi
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poussa jusqu’à la côte atlantique .

33 Dans cette pénétration, les Arabes avaient atteint


Tabora dès 1825, occupé Ujuji en 1844, rejoint le
Buganda. Ils exerçaient à l’ouest des grands lacs à partir
de 1850, et, dans les années 1870, les dhows arabes à
voiles carrées apparaissent sur le lac Victoria. Le
drapeau rouge de Oman et Zanzibar dressé dans un
village indiquait qu’il était réservé à l’exploitation
commerciale d’un congénère arabe. Ainsi s’étendait
indirectement la suzeraineté du Sultan. Les
établissements arabes permanents de l’intérieur
fournissaient des provisions et des porteurs pour les
caravanes. Ils étaient, dès l’origine, des sociétés mixtes
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et de petits foyers d’islamisation .
34 Cette prise de possession commerciale rattachait ces
régions de l’arrière-pays au système politico-
économique centré sur la capitale africaine de Sa’îd ibn
Sultân. Ce réseau de l’Afrique orientale s’articule ainsi à
la fois sur le réseau côtier de Zanzibar et sur son réseau
maritime rayonnant vers Masqat et Bombay. L’espace
ainsi couvert est considérable. Cet ensemble qui rejoint
le système luso-africain à l’ouest et touche presque à
celui du Nil au nord, leur dispute le marché de l’Afrique
centrale. Parmi ces trafiquants arabes, certains s’élèvent
au niveau politique.
35 Parmi eux émerge le célèbre Tippo Tip. Né d’un père et
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d’une mère métis , il associe dans ses traits physiques
les caractéristiques de sa double origine. Sa richesse,
son esprit d’entreprise et sa puissance lui assurent une
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influence politique . Il s’en sert pour favoriser ses
clients indigènes. Son ingérence dans les affaires Linda
permet à son protégé, le prince Likwesa Mpanga de
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reconquérir le trône dont il avait été chassé . Il sera un
temps le véritable maître de la région des Stanley Falls.
Son accord avec Stanley en février 1887, auquel il donne
le sens d’une reconnaissance de la part des Européens
des droits commerciaux acquis par les Arabes sur ce
territoire, marquera, avec le dernier acte de son activité
politique, le point extrême de l’influence arabe dans le
centre africain. Désormais le reflux commence.
L’influence arabe se trouve contenue ou refoulée par le
système européen venu de l’ouest. Ces conflits
expliqueront l’adhésion à la Sanûsiyya des Arabes
commerçants de la traite au nord des Stanley Falls, dans
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les années 1885-1890 . Ce commerce avec l’intérieur
porte essentiellement sur l’ivoire et les esclaves.
36 Le commerce de l’ivoire à partir de la côte orientale
d’Afrique était ancien. Mais ce n’est qu’au xixe siècle qu’il
prit un grand essor, tant du fait de la demande
croissante en Amérique et en Europe que du
développement des entreprises arabes de Zanzibar. Les
exportations de Zanzibar atteignirent en 1859 488 600
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livres pour une valeur de 3 700 000 francs or . Elles
s’accrurent assez régulièrement les années suivantes en
quantité et plus rapidement encore en valeur, grâce à
une poussée puissante et régulière des prix.
37 Le commerce des esclaves est d’une plus grande
importance, tant par son rôle économique que par ses
conséquences humaines. Il a donné lieu dans la
dernière décennie à de très nombreux travaux qui en
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ont précisé les modalités, l’ampleur et les variations .
38 Retenons pour notre propos le rôle qu’il joue dans les
relations entre Oman et la côte orientale d’Afrique. Il
alimente en effet régulièrement et de façon licite
jusqu’en 1847, de manière moins ouverte jusqu’en 1873
et par contrebande à partir de cette date, les marchés
d’Arabie et, au-delà, par le relais de la redistribution
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d’Oman, les pays du Golfe, notamment l’Iraq . Il
constitue une des activités les plus lucratives des
marchands arabes et une part notable du trafic des
boutres. C’est lui qui fera la prospérité de Sûr dans les
décennies 1870-1900.
39 L’estimation de ce commerce, assez sûre pour les années
de commerce licite, à partir de la douane de Zanzibar
notamment, devient aléatoire pour la période du trafic
clandestin. Pour la période 1833 à 1847, on peut retenir
le chiffre de 20 000 embarquements par an pour les
exportations enregistrées en douane, auxquels
pourraient s’ajouter une dizaine de milliers de départs
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clandestins .
40 Pour la période suivante, les chiffres, moins sûrs,
oscillent entre 12 à 15 000 par an au total. Après 1873,
les estimations deviennent très contradictoires. Si les
autorités anglaises, notamment les marins, avancent le
chiffre de 10 000 transferts annuels de la côte d’Afrique
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orientale à Oman , les Français, consuls et officiers de
la station navale, pensent « à peu près fini le trafic des
esclaves qui se faisait autrefois sur les côtes de Masqat »
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(Cdt. du Clorinte le 1.3.1874) . Affirmation certainement
trop optimiste. Il y eut, semble-t-il, un revif de ce
commerce dans les années 1880, préludant à un
effondrement après 1890 et une quasi disparition après
1902.
41 Au total, et malgré le degré d’approximation de ce
nombre, c’est au minimum un total de un million de
Noirs qui fut embarqué des possessions africaines du
sultan de Zanzibar à destination de ses possessions
d’Arabie et vers le Golfe, en l’espace de trois quarts de
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siècle, des années 1830 aux années 1900 .
42 Le transfert de ces masses humaines entraîna des
conséquences multiples pour l’Afrique exportatrice,
mais aussi pour l’Arabie importatrice. L’esclavage local
s’en nourrit, dans l’agriculture et dans les activités
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domestiques . Il forma aussi un élément notable des
réexportations vers le Golfe et les différents pays
arabes. L’afflux de ces Noirs – dont beaucoup d’autres
arrivaient par les ports de la mer Rouge – modifia en
partie la population et s’accompagna d’apports
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d’éléments de civilisation.
43 Le nombre d’esclaves exportés, pour important qu’il
soit, ne représente qu’une part des captifs amenés
jusqu’à la côte ou dans les îles de Zanzibar et Pemba.
Une quantité importante est en effet utilisée comme
esclaves domestiques et surtout sur les plantations. Il est
impossible d’en évaluer le nombre. Dans les années
1840, le consul britannique citait le chiffre de 3 000 à 4
000 importés annuellement dans la seule île de Zanzibar
par le Sultan et sa famille.
44 C’est dans ce secteur agricole que se sont surtout
développés les intérêts arabes comme se sont noués des
liens particuliers entre les tribus nomades d’Oman,
notamment celles de la Sharqîya et les Arabes d’Afrique
orientale.

LES PLANTATIONS
45 Les Omanis développèrent d’abord dans les îles de
Zanzibar et de Pemba, puis sur la côte voisine, une
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économie de plantations de type servile . Avant 1820,

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