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L’Année du Maghreb

VII  (2011)
Dossier : Sahara en mouvement

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Roger Botte
Les réseaux transsahariens de la traite
de l’or et des esclaves au haut Moyen
e e
Âge : VIII -XI siècle
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Référence électronique
e e
Roger Botte, « Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIII -XI siècle »,
L’Année du Maghreb [En ligne], VII | 2011, mis en ligne le 01 janvier 2013, consulté le 04 juin 2013. URL : http://
anneemaghreb.revues.org/1106 ; DOI : 10.4000/anneemaghreb.1106

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Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 2

Roger Botte

Les réseaux transsahariens de la traite de


l’or et des esclaves au haut Moyen Âge :
e e
VIII -XI siècle
Pagination de l'édition papier : p. 27-59

« Contre la gale [du chameau], un seul remède : le goudron ; contre la misère, un seul
remède : le Sûdân »1.
1 Les exportations d'esclaves en provenance d’Afrique subsaharienne remontent à la plus
haute Antiquité. Au deuxième millénaire avant notre ère, les captifs noirs rentraient dans les
livraisons fournies régulièrement par la Nubie au pharaon d'Égypte. L'empire de Méroé, qui lui
succéda sur le Nil, poursuivit la même pratique et, au IIe siècle de notre ère, le Périple de la mer
Érythrée, une espèce de guide nautique écrit par un marchand grec, faisait état d'exportations
depuis la côte de Somalie (Mauny, 1968). En revanche, en ce qui concerne le commerce transsaharien,
si quelques échanges s’effectuaient probablement de proche en proche par l'intermédiaire
des Garamantes –  ces chasseurs de Troglodytes dont parle le célèbre passage d’Hérodote
(IV, 183) –, ils demeuraient insignifiants2. Ainsi, lors de la période romaine en Afrique du
Nord3, rien ne permet d’étayer sérieusement quelque commerce d’importance d’une rive à
l’autre du Sahara (Swanson, 1975) : ni négoce aurifère – le Soudan n’est jamais cité comme
région productrice dans les textes latins –, ni trafic d’esclaves – nombreux à travailler dans les
latifundia, ils provenaient des peuples sur place (Numides ou Gétuliens) –, ni achat de fauves
– l’Afrique du Nord suffisait à pourvoir les jeux du cirque en bêtes sauvages4 –, ni importation
d’ivoire5 – il venait principalement d’Asie et transitait par la mer Rouge et l’Égypte.
2 Des objections puisées dans les données de la numismatique montrent de même que ni
les Romains, ni les Vandales, ni les Byzantins ne disposaient des moyens nécessaires à
l’organisation et à l’exploitation, à travers le Sahara, d’un commerce à longue distance. Ce
dernier impliquant – aussi bien en amont qu’en aval – un contrôle direct ou indirect sur les voies
d’accès. Or, dès la fin du IIIe siècle, le limes romain excluait les sites de Ghadamès, de Wârgla,
de Tâmdult et de Sijilmâsa, points vitaux pour toute stratégie de commerce transsaharien ; les
Barbares, de leur côté, n’occupèrent qu’une portion congrue de cette Afrique du Nord déjà
rétrécie ; quant aux Byzantins, constamment en butte à la résistance berbère et en relations
conflictuelles avec les tribus implantées le long des voies de communication, ils ne pouvaient
compter sur aucune aide pour s’aventurer dans le Sahara (Mrabet, 1994, p. 221-222).
3 De fait, un commerce proprement dit implique une certaine continuité dans le temps – douze
siècles pour la traite transsaharienne –, un volume assez significatif, des réseaux de transport,
des points de vente au sud et des marchés de redistribution au nord, le contrôle politique enfin
des espaces, des différentes aires de parcours et des entrepôts par des tribus ou des États qui
en assurent la sécurité.
4 Jusqu’au XIIIe siècle, on peut distinguer deux périodes dans l’évolution du commerce
transsaharien. D’abord, la mise en place, du début du VIIIe siècle au XIe siècle, par les Berbères
ibâdites6 – principaux artisans de l’expansion du commerce à longue distance – de tous les
éléments constitutifs de ce négoce avec l’ouverture de diverses voies caravanières et le contrôle
des terminaux caravaniers tant au nord qu’au sud du Sahara. Pendant cette première phase, les
échanges dans l’ensemble restèrent confinés au Maghreb à l’exception notable de la « filière »
égypto-fâtimide (Abitbol, 1979, p. 178)7 et, dans une moindre mesure, des exportations vers al-
Andalus. Simultanément, les États soudanais fournisseurs d’esclaves, d’or et d’autres produits,
prirent conscience dès le début de la période de la portée décisive pour leurs économies du
commerce transsaharien8. Ils se préoccupèrent alors constamment de conserver la maîtrise des
transactions, afin d’éviter toute mainmise sur les échanges par les marchands venus du nord.

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5 La deuxième période, jusqu’au milieu du XIIIe siècle, correspond à la formation des empires
sunnites almoravide (1053-1147) et almohade (1147-1269)9. Dès la fin du XIe siècle ou le début
du XIIe, l’Afrique intérieure se trouvait intégrée à l’économie méditerranéenne et européenne,
avec l’ouverture d’une voie transcontinentale allant des rives du Sénégal et du Niger à
celles du Guadalquivir et de l’Ebre au cœur de l’Espagne musulmane et d’Alméria à Gao10.
Cette voie se trouvait annexée au vaste circuit commercial et culturel qui reliait toutes les
régions du monde musulman entre elles : de Tanger au Soudan, de l’Égypte à la Chine en
passant par la Perse, l’Inde et les îles Maldives, de la Méditerranée aux côtes de l’Océan
indien… Les voyages d’Ibn Battûta, dans la première moitié du XIVe siècle, symbolisent
parfaitement ce vaste circuit commercial et culturel. Mais, pour l’essentiel, il ne sera question
ici que de la première période. L’installation par les marchands européens (Génois, Catalans,
Pisans, Vénitiens, Marseillais…) de bases commerciales, à l’époque almohade, dans un certain
nombre de ports maghrébins, de Ceuta à Tunis, introduisit une nouvelle phase du commerce
circumméditerranéen11 tandis que la montée en puissance de Tlemcen12 au Maghreb central,
l’arrivée des Marinides entre Taza et Fès dans la première moitié du XIIIe siècle et l’expansion
de l’empire de Mâlî provoquaient une réorganisation des échanges transsahariens.
6 C’est donc au début du VIIIe siècle, à la suite de la conquête par les Arabes de l'Afrique du
Nord et sous l’impulsion des Berbères ibâdites que le commerce transsaharien prend son essor.
À cette époque, la conversion des Berbères à l’islam marque la fin de leur mise massive en
esclavage : il devient de moins en moins juridiquement acceptable d’asservir ce butin devenu
illicite d’un point de vue musulman et des sources alternatives doivent être trouvées afin de
satisfaire l’insatiable demande orientale (Savage, 1992, p. 361). Au demeurant, le renoncement
aux esclaves berbères ne se fit pas sans difficultés. Lorsqu’en 754 le gouverneur de l’Ifrîqiya,
Abd-al-Rahmân b. Habîb, écrivit au calife ‘abbâsside, Abû Ja’far al-Mansûr, pour lui expliquer
que l’Ifrîqiya étant devenue une terre musulmane, y faire des esclaves n’était plus possible, la
lettre excita la colère du calife qui y répondit par des menaces (an-Nuwayrî in Ibn Khaldûn,
1925, I, p. 367).
7 Un auteur du IXe siècle, Zaydân, affirme que les Arabes ont d’abord envisagé les conquêtes
en Afrique du Nord comme un moyen d’acquérir plus d’esclaves (Pipes, 1985, p. 168) et, de
fait, lors du jihâd, le Maghreb fut considéré comme une terre de butin et de prédation, une
« pépinière d’esclaves » (Ibn ‘Idhârî, 1901, I, p. 40-41, 43, 54). L’accord arabo-berbère de
Barqa en Cyrénaïque, la première ville conquise au-delà de l’Égypte (643-644), initie cette
politique en imposant aux Berbères de la tribu des Lawâta, non (encore) convertis, un énorme
tribut (jizya) de treize mille dinars et, surtout, en permettant la convertibilité de ce tribut
monétaire en esclaves. Une clause exceptionnelle, en effet, – qui ne manqua d’embarrasser
par la suite les juristes – stipulait que les Lawâta, s’ils ne pouvaient réunir la somme exigée,
pouvaient vendre tels de leurs fils ou filles pour s’acquitter de cette jizya (Thiry, 1995,
p. 30-51).
8 Dès ce moment, l’ensemble de l’Afrique septentrionale fit l’objet de violences extrêmes et
subit au fil des ans une véritable hémorragie humaine. En témoignent les récits des auteurs
musulmans  : d’après al-Mâlikî et an-Nuwayrî (in Ibn Khaldûn, 1925, I, p.  342), lorsque
Hassân Ibn an-Nu‘mân al-Ghassânî quitta l’Afrique du Nord pour rejoindre l’Orient, en 698,
il emportait avec lui un butin énorme dont trente-cinq mille Berbères réduits en esclavage
(Idris et Ibn Khaldûn)13. Ibn ‘Idhârî (1967, vol. I, p. 40) écrit que Mûsâ Ibn Nusayr dépêcha
cinq cents cavaliers contre les Berbères de Zaghwân (au sud de Tunis) où ils firent dix mille
prisonniers. Mûsâ envoya encore contre d’autres groupes berbères son fils aîné, ‘Abd Allâh,
qui les défit et ramena cent mille prisonniers. Son second fils, Marwân, envoyé d’un autre côté,
fit de même. An-Nuwayrî (in Ibn Khaldûn, 1925, I, p. 343-344) ajoute que Mûsâ lui-même fit
également cent mille captifs. Ces chiffres sont à l’évidence absolument fantaisistes, tandis que
la mise en rapport des données d’ensemble fait apparaître de grandes discordances parmi les
chroniqueurs arabes. Ainsi, Ibn Khaldûn hésite lui-même entre soixante-dix mille et cent mille
captifs (Trabelsi, à paraître). En réalité, en moins de soixante-dix ans, de ‘Uqba b. Nâfi‘ à Mûsâ
b. Nusayr, Mohammed Talbi affirme que ce sont au total quatre cent quinze mille Berbères

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qui auraient été réduits en esclavage (Talbi, 1966, p. 32). Il est vrai, selon Ibn Khaldûn (1925,
I, p. 28, 215, 198), que

« Abû Muhammad, fils d’Abû Yazîd, raconte que depuis Tripoli jusqu’à Tanger,
les populations berbères apostasièrent douze fois, et que l’islam ne fut solidement
établi chez elles qu’après la conquête du Maghreb… ».
9 Mais la résistance acharnée des Berbères n’explique pas seule une œuvre de pacification si
longue et si pénible (Thiry, 1995, p. 44). Robert Brunschvig (1942-1947, VI, p. 137) a montré
à propos d’un récit de l’historien ‘Abd al-Hakam comment celui-ci avait justifié de manière
apocryphe la mise en esclavage de Berbères musulmans par ‘Uqba b. Nâfi‘. Par la suite, la prise
d’esclaves parmi les populations berbères fut autant la cause de leurs révoltes que le produit
d’une chasse délibérée afin de satisfaire la demande umayyâde puis ‘abbâsside en esclaves,
en particulier en jeunes filles berbères jawârî, réputées d’une beauté sans pareille14. En
définitive, des témoignages montrent comment de fausses accusations d’apostasie justifièrent
les asservissements (Savage, 1992, p. 361).
10 Ces assujettissements s’effectuaient d’autant plus facilement que les Arabes, selon Al-
Muqaddasî (1950, p.  59), méprisaient chez les Berbères des gens «  avares et durs  », à la
langue « incompréhensible15 » et que, au moins jusqu’au Xe siècle, ils étaient classés parmi
les descendants de Cham et considérés comme des Noirs (Botte, 2010, p. 44). Des hadîths
fabriqués pour la circonstance véhiculaient volontiers ces préjugés :

« On rapporte que le Prophète – que la Bénédiction et le salut de Dieu soient sur
lui ! – a dit : “Il n’existe pas sous les cieux ni sur terre de plus méchantes créatures
que les Berbères. Quand même je n’aurais rien à donner en aumône dans la voie
de Dieu, si ce n’est la poignée de mon fouet, il me serait encore plus agréable de
donner cette poignée plutôt que d’affranchir un Berbère”16. »
11 Finalement, une fois taries les sources maghrébines d’esclaves en raison de la conversion des
Berbères à l’islam, les marchands vont commencer à subvenir aux besoins en main-d’œuvre
servile par la fourniture d’esclaves noirs subsahariens en remplacement des Berbères. Or, ce
sont les Berbères eux-mêmes qui saisirent l’opportunité de faire venir des esclaves du Bilâd
as-Sûdân ou « Pays des Noirs », nouvelle source d’approvisionnement qui vint s’ajouter au
commerce déjà existant des Nubiens, des Éthiopiens, des Somalis et des Zanjs de la côte
orientale d’Afrique. Le commerce transsaharien des esclaves, de l’or et des autres produits
devint ainsi, à partir du milieu du VIIIe siècle, un quasi-monopole des Berbères khârijites
ibâdites qui transformèrent leur statut antérieur d’esclaves potentiels en celui d’esclavagistes
(Savage, 1992, p. 351).
12 Cette traite va leur permettre de répondre à la demande de plus en plus considérable suscitée
par le monde musulman en expansion. Les communications transsahariennes et les échanges
seront rendus possibles par la généralisation du dromadaire aux IIIe et IVe siècles17  : plus
résistant aux rigueurs du désert, il remplace le cheval. La diffusion de cet animal favorisait,
en effet, un élevage qui fournissait la viande, le lait, le poil et le cuir et rendait ainsi
les nomades extrêmement autonomes et mobiles. En ce qui concerne le trafic caravanier,
le dromadaire, d’une sobriété surprenante grâce à l’«  eau métabolique  » secrétée par son
organisme, correspondait parfaitement aux exigences d’un commerce pondéreux à longue
distance puisqu’il permettait aux marchands de couvrir avec cette bête de somme des espaces
arides d’une longueur nord-sud de 1 500 à 2 000 km. Il fallait également des relais dans les oasis
et des pistes jalonnées de points d’eau. Or, les Berbères, à la fois marchands et armateurs de
caravanes, convoyeurs spécialisés, maîtres des oasis-relais, contrôleurs des régions traversées
et des terminaux caravaniers maîtrisaient toute la chaîne du commerce transsaharien.
13 Enfin, la diffusion de la commandite (qirâd), moyen habile pour contourner l’interdiction
coranique de l’usure, constituait un instrument bien adapté au commerce à longue distance18,
facilitait la mobilisation des capitaux et l’association entre différents partenaires : des membres
d’une même famille, des coreligionnaires installés à différentes étapes des voies caravanières
et, fréquemment aussi, des musulmans et des juifs19.

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14 Voici, par exemple, un des très rares textes qui nous soit parvenu concernant une commandite
en relation avec le commerce transsaharien. Cet écrit révèle au passage le long séjour effectué
au Bilâd as-Sûdân par un commerçant et le fait, courant à cette époque, de se marier localement,
généralement avec une esclave20. Il s’agit avec ce texte d’une fatwâ d’al-Qabîsî (m. 1012) – il
dirigea l’école mâlikite kairouanaise – consulté au sujet d’un quidam en ayant commandité
un autre pour aller à Tâdmekka, comme le stipule le contrat établit entre eux devant témoins.
L’agent (‘âmil) part à Tâdmekka mais de là il se rend à Ghâna, puis à Âwdâghust où il se
marie et a des enfants. Il y demeure onze ans, s’endette, et le qâdî d’Âwdâghust vend ses biens
pour en répartir le montant entre les créanciers. Or, le commanditaire revendique le droit de
concourir avec ces derniers. Dans sa réponse, Al-Qabîsî indique que le commanditaire peut
concourir avec les créanciers de l’agent en question. Surtout, il réprouve la nature du commerce
transsaharien21 : l’agent n’a pas respecté les consignes qui lui ont été données ; mais, de toute
façon, vu les risques courus, on ne doit pas conclure de qirâd pour le Soudan (al-Mi‘yâr, 1981,
t. IX, p. 116 ; Lagardère, 1995, p. 382, n° 28).
15 Par ailleurs, Ibn Hawqal, dans un passage bien connu (1964, p.  58, 97-98), indique avoir
vu une reconnaissance de dettes pour la somme inouïe de 42  000 dinars, contresignée par
les témoins instrumentaires, de la part d’un commerçant de Sijilmâsa, Muhammad Ibn Abû
Sa’dûn, résidant à Âwdâghust, à l’égard d’un autre Sijilmâsien. Ce dernier, Abû Ishâq
Ibrâhîm, bénéficiaire de ladite reconnaissance, était connu sous le nom de Faragha Shugluhu
(«  quelqu’un qui a fini d’accomplir ses affaires  »). Ce surnom permet de penser qu’il
s’agit d’un homme riche, retiré des affaires et plaçant ses capitaux, probablement dans un
contrat de qirâd (Devisse, 1970, p.  113). Plus tardivement, au XIIe siècle, al-Idrîsi relève
que les notables de Kâw-Kâw (Gao), des Sûdân par conséquent, fréquentent les commerçants
étrangers (Berbères), s’associent à leurs entreprises commerciales et investissent de l’argent
dans leurs marchandises contre rétribution (al-muqârida).

Les acteurs du commerce


16 Le statut religieux des Berbères d’Afrique du Nord revêt une extrême importance dans la
mise en place du système caravanier. La plupart rejetèrent le sunnisme auquel ils avaient
d’abord adhéré pour se rallier au khârijisme (de kharaja, « sortir », sous-entendu de la vraie
religion), le plus ancien mouvement politico-religieux de l’islam né d’une controverse sur la
légitimité du califat à l’époque d’‘Alî. Les khârijites insistaient sur la liberté de choix de tout
musulman pour la nomination du calife  ; ils s’opposaient ainsi aux visées politiques de la
famille de Muhammad. L’une de leurs doctrines principales, en effet, concernait l’imâmat,
c’est-à-dire la dévolution du pouvoir. Ils réfutaient toute prérogative généalogique exclusive
pour prétendre au califat, soit des lignées kuraysh en général (sunnites), soit de celle d’‘Alî
en particulier (shî‘ite). Les khârijites professaient également l’égalité ethnique devant la foi :
tout musulman, arabe ou non arabe, quelle que fût sa condition sociale22, pouvait être élu à
la tête de la communauté s’il possédait les qualités requises : piété, rigueur morale, savoir
religieux et vie pieuse, ardeur au travail. C’est d’ailleurs ainsi que tout khârijite méritait son
salut. L’oisiveté et la prodigalité étaient condamnées.
17 Les khârijites ne tardèrent pas à se fragmenter en de nombreuses sous-sectes  ; les
hérésiographes n’en comptent pas moins d’une vingtaine, aux conceptions divergentes mi-
politiques, mi-théologiques. Au Maghreb et au Sahara23, plusieurs d’entre elles trouvèrent un
terrain accueillant à leurs doctrines parmi les Berbères, en particulier au sein de la grande
famille zanâta, mécontents du régime d’oppression des Umayyâdes (661-750) (Lewicki,
1958)  : les ibâdites24 –  la branche la plus nombreuse et la plus modérée  –, les nukkârites
(« Renieurs ») – qui organisèrent l’imâmat dissident de Tâhert – et les sûfrites – qui fondèrent
(757-758) la principauté théocratique de Sidjilmâsa (Berbères miknâsa) et contrôlèrent ainsi
tout le commerce transsaharien de la voie occidentale jusqu’au milieu du Xe siècle25. Ces
deux États échappèrent à l’autorité du gouvernement central ‘abbâsside (750-1258) comme
à celui des gouverneurs aghlabîdes de l’Ifrîqiya jusqu’à leur destruction, au Xe siècle, par
les Fâtimides. Pendant près de trois siècles, les ibâdites dominèrent un territoire immense,
monopolisant le commerce du Sûdân, des esclaves et de l’or, avec le monde musulman

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méditerranéen. De leur côté, les Berbères sahariens sanhâja (Lamtûna, Massûfa et Ghuddâla),
musulmans, mais seulement de nom, dès le VIIIe siècle26, ne devinrent orthodoxes que vers le
milieu du XIe siècle lors de la propagande almoravide.
18 Aujourd’hui, les ibâdites se trouvent encore au Mzâb et à Wârgla, dans l’île de Djerba27,
en Tripolitaine (Jabal Nafûsa et Zwâgha) ainsi qu’à ‘Umân et à Zanzibar. Les tendances
démocratiques des khârijites, en particulier le principe d’égalité de tous les croyants, leur
«  calvinisme islamique  » selon le mot de Dozy, entraient en résonance avec les structures
sociales berbères et leurs traditions démocratiques et égalitaires28. C’est pourquoi la lutte des
Berbères contre l’oppression politique et fiscale d’une bureaucratie étrangère ne prit pas la
forme d’une résistance militaire, mais se traduisit de manière bien plus redoutable par leur
adhésion massive à l’islam khârijisme. Bref, par le « refus dans la foi » (Thiry, 1995, p. 128)
en tant qu’« arme idéologique » de résistance populaire contre la domination arabe orthodoxe
et les califes umayyâdes puis ‘abbâssides.
19 Il aura fallu soixante-dix-sept ans aux Arabes pour islamiser l’Afrique du Nord : de la conquête
de Barqa (643) à l’adoption en masse de l’islam par les Berbères (entre 718-720), quatre-vingt-
douze jusqu’à la conquête définitive du Sûs al-Aqsâ (735). Or, la révolte berbère khârijite de
Tanger, à l’appel d’un ancien vendeur d’eau sûfrite, Meysara as-Saqqâ Madghûri, qui embrasa
l’Afrique du Nord presque tout entière29, eut lieu dès 739-740 (Ibn al-Athîr, 1897, p. 185 ; Ibn
‘Abd al-Hakam, 1948, p. 125).
20 Les révoltés tuèrent le gouverneur de Tanger, ‘Umar Ibn ‘Abd Allâh, qui avait décidé de
prélever le quint sur les Berbères islamisés pour en faire des esclaves30. Jusqu’alors, seuls
ceux qui n’avaient pas répondu à l’appel de l’islam étaient frappés par une telle mesure.
C’est à la suite de la dissidence khârijite au Maghreb que les Nafûsa, farouches opposants
aux envahisseurs arabes, abandonnèrent le christianisme31 pour se convertir aux doctrines
ibâdites (Lewicki, 1955, p. 54-55). Ces populations anciennement donatistes, comme celles
du Jarîd et du Nafzâwa, rejoignirent d’autant plus facilement le combat des khârijites que les
deux doctrines professaient des valeurs communes : égalité sociale, rigorisme religieux, droit
de démettre celui qui dirige la communauté s’il est indigne et un même rejet de la religion
officielle et de maîtres du pays venus de l’étranger (Prévost, 2007, p. 468). Par ailleurs, sous
les premiers imâms rustumides de nombreux commerçants d’origine romane et chrétienne, les
‘Agham des sources arabes, jouèrent un rôle notable à Tâhert32, en particulier dans le négoce
transsaharien. À la chute de cet émirat, certains d’entre eux accompagnèrent l’imâm à Wârgla
(id., p. 465-466), plaque tournante du commerce transsaharien central et oriental.
21 On assiste donc avec les Berbères khârijites à la constitution d’une grande ligne de rocade
du commerce ou, sur le plan religieux, d’un vaste « écran schismatique » grâce à la création
de grandes cités commerciales : Zawîla dans le Fâzzan, Wârgla, Tâhert, Sijilmâsa, etc. Cet
« écran schismatique » s’inscrit dans une stratégie de contrôle des axes caravaniers, stratégie
pour laquelle le peuplement des régions est indispensable. C’est ainsi que le mouvement social
berbère qui se cristallise dans un chapelet de villes-États et de principautés ethno-religieuses
«  devait trouver dans le commerce avec le Soudan, notamment celui des esclaves, la base
économique de sa survie et de son indépendance » (Abitbol, 1979, p. 178). Il y a là d’ailleurs
une certaine ironie alors que la secte est fondée sur la croyance en l’égalité des hommes devant
Dieu quelle que soit leur race. Mais, évidemment, cela ne concernait que les seuls musulmans
et autorisait, par conséquent, la mise en esclavage des païens et autres mécréants africains.
22 La fusion entre les missionnaires khârijite venus d’Orient (Arabes, Persans…) et les Berbères
convertis à l’ibâdisme incorporait tous les éléments pour le succès d’un réseau de commerce à
longue distance grâce à l’expertise commerciale khârijite associée à la maîtrise des itinéraires
par les tribus berbères et la connaissance des points d’eau par les conducteurs de caravanes,
comme les Massûfa (des non ibâdites), qui avaient un quasi-monopole sur des itinéraires
donnés.
23 Les Massûfa détenaient également la mine de sel de Tâghazza – principal produit d’échange
contre l’or et les esclaves –, exploitée par leurs esclaves, avant d’en être dépossédés par les
Berabîsh au IXe siècle. Dans la partie méridionale de l’actuelle Mauritanie, une autre tribu

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sanhâja, les Ghuddâla, contrôlait la mine de sel d’Awlîl sur le littoral du Trarza33. Le minéral
débité en barres, seule forme sous laquelle le sel gemme pouvait supporter sans grandes pertes
pour les convoyeurs et les marchands les aléas d’un transport terrestre par caravanes – signalé
au XIe siècle par al-Bakrî  – ou par barques –  décrit plus tard par al-Idrîsî (Robert-Chaleix,
1991) –, parvenait ainsi sans déchets appréciables jusqu’aux marchés des zones pluvieuses
du sud. Du côté des pistes orientales, le Kawâr possédait plusieurs sites producteurs de sel
dévolus au commerce avec les pays soudanais (Lange et Berthoud, 1977, p. 28 et suiv.). Dans
la première moitié du XIe siècle cependant le sel de Tâghazza se substitue progressivement à
celui d’Awlîl car le chargement de cette marchandise à Awlîl imposait un important détour
aux caravanes venues du nord. Le commerce désormais se réorganise et se déplace vers l’est
pour suivre un axe caravanier qui favorise les marchés du Tuwât (Bûdâ34) et de Tawdenni,
entraînant le déclin du terminal d’Âwdâghust au profit de celui de Walâta (fondée en 1224)
et l’abandon d’une partie de la piste de l’ouest (Devisse, 1972, p. 60-61). Walâta, carrefour
fréquenté par les commerçants, tête de pont pour tout trafic avec l’Ouest du Bilâd as-Sûdân,
étape obligée pour les pèlerins se rendant aux lieux saints joua dès lors un rôle véritablement
« international » (Cuoq, 1984, p. 90).
24 Simultanément, lors de la mise en place des faisceaux des routes transsahariennes, on constate
qu’une chaîne ininterrompue de communautés juives épousait presque parfaitement l’arc
schismatique ibâdite. Ces communautés juives s’égrenaient du Maghreb septentrional jusque
sur les rivages du Sahara : à Biskra, dans le Tuwât, à Tuggûrt et Wârgla, dans les régions
prédésertiques du sud tunisien et de la Tripolitaine (Ghadamès abritait une vieille communauté
juive), à Ifrane dans l’Anti-Atlas où vivait une des plus vieilles communautés juives de la
région35, etc. On trouvait, enfin, des juifs au cœur du Tâfîlâlt, dans la ville de Sijilmâsa,
véritable centre commercial juif, une cité disputée tout au long du Moyen Âge par tous les
pouvoirs maghrébins.
25 Ces communautés se trouvaient souvent implantées dans les localités les plus excentrées, au
débouché des grandes pistes caravanières et au cœur du dispositif commercial même si les Juifs
ne traversaient pas le Sahara (sauf ceux du Tuwât qui y vivaient). Les Juifs contrôlaient une
partie du marché de l’or et s’intéressaient tout autant à la plupart des biens en circulation dans
le commerce transsaharien, puisque la non-spécialisation dans telle ou telle marchandise était
la règle au Moyen Âge. Les documents de la Geniza du Caire36 publiés par Goitein illustrent
les opérations de ce réseau fondé sur des liens religieux et de parenté entre les ports caravaniers
en bordure du désert et la Méditerranée37. Des relations personnelles entre des partenaires
à Alméria, Fès et Sijilmâsa pour l’une des routes et entre Fustât [Le Caire], Kayrawân et
Sijilmâsa, pour l’autre, aidaient à résoudre les problèmes de crédit et de confiance (Levtzion,
1982, p. 256).
26 En ce qui concerne les origines possibles des Juifs des régions nord-sahariennes et sahariennes,
leur dispersion et leur multiplication, l’impossibilité pour les historiens à donner consistance
à aucune des différentes hypothèses expliquant leur présence en Afrique du Nord : dispersion
des dix tribus formant l’ancien royaume d’Israël ; arrivée d’Hébreux lors de la fondation des
villes phéniciennes ; immigration forcée de juifs en Égypte et en Cyrénaïque sous la dynastie
grecque des Lagides (vers 320 avant notre ère) ; immigration de juifs en Arabie, puis au Yémen
puis en Éthiopie et expansion vers le Sahara ; déportation par Titus, en 70, lors de la destruction
de Jérusalem, de juifs palestiniens en Libye et à Cyrène ; etc.38, toutes ces hypothèses – ou
ce «  mensonge sociologique  » pour reprendre l’expression de Sahlins39  – traduisent le fait
qu’il n’y eut jamais de migration de juifs palestiniens vers l’Afrique du Nord (Wexler, 1996,
p. 35-36). Comme pour la conversion au judaïsme des Khazars de la Basse Volga au VIIIe
siècle (Sand, 2008, p. 296-332) – bien connus des auteurs arabes40 – il faut conclure à une
conversion massive des Berbères par des Juifs prosélytes41. Selon Lewicki (1990, p. 329), la
judaïsation des Berbères sahariens « commença probablement » au IIe siècle de notre ère. Elle
fut la conséquence du massacre de milliers de Grecs en Cyrénaïque (en 115) par les Juifs,
suivis de la répression romaine ordonnée par Trajan (118) et de la dispersion des survivants
juifs vers le Jebal Nefûsa. De fait, Jacob Oliel (1994, p. 162) signale les premières arrivées de

L’Année du Maghreb, VII | 2011


Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 8

Berbères judaïsés au Touat en l’an 13242 où ils construisirent, en 517, à Tamentît, la première
synagogue43.
27 Pour Gabriel Camps (1982, p.  66), «  la liaison entre les Juifs maghrébins et les Berbères
principalement zénètes […] paraît donc indéniable ». C’est de Cyrénaïque et de Tripolitaine
que « vinrent nécessairement les ferments sinon les groupes qui contribuèrent à judaïser une
partie de la population des régions prédésertiques du Maghreb ». Et le vecteur principal de cette
judaïsation fut l’apparition, à la fin du Ve siècle, des groupes chameliers des nomades zenâta.
On sait, par ailleurs, que les auteurs arabes s’accordent pour donner une origine orientale
(cananéenne ou himyarite) aux Berbères44 ; ainsi, Ibn Khaldûn (1925, I, p. 208-209) rapporte
qu’«  une partie des Berbères professait le judaïsme, religion qu’ils avaient reçue de leurs
puissants voisins, les Israélites de la Syrie ».
28 Quoi qu’il en soit, les Juifs ou les Berbères judaïsés facilitaient les liaisons entre l’Orient et
l’Espagne musulmane, notamment lorsqu’il s’agissait de dominations opposées (Umayyâdes
contre Fâtimides) (Lombard, 1971, p. 81). D’une manière générale, le commerce international
était conduit sur la base de relations d’amitié ou grâce à des mariages « diplomatiques » entre
familles de pays éloignés les uns des autres. Ainsi le chef de l’une des importantes familles
juives d’Espagne au XIe siècle, Samuel Lukhtûsh, un nom berbère précise Goitein (1967, I,
p. 48), était-il marié à une femme appartenant à une grande maison du vieux Caire45. De même,
l’érudit juif Farah b. Dunash – autre nom berbère – de Sijilmâsa était-il marié à une femme de
Tibériade sur la mer de Galilée (Id., p. 49). Et voici, au XIe siècle toujours, un pèlerin originaire
du royaume de Castille transportant un compendium de lexicographie hébraïque de Jérusalem
à Wârgla (Id., p. 49), où existait une importante communauté juive de tendance qaraïte46.
29 Les Juifs favorisaient aussi les relations entre l’Espagne musulmane et les pays chrétiens du
nord  ; un réseau de communautés juives jalonnait la vallée du Rhône et les pays rhénans.
Elles se livraient activement au grand commerce international des esclaves, depuis les bords
de l’Elbe jusqu’au Bilâd al-Andalus. Enfin, le réseau juif s’étendait depuis l’Espagne jusqu’au
Sûs al-Aqsâ’. Ainsi, on sait que les énigmatiques marchands juifs, les Rhâdânites, maintes fois
évoqués à partir de l’œuvre d’Ibn Khurradâdhbih (1967, p. 114-115) – un écrit du milieu du IXe
siècle –, spécialisés dans la traite des esclaves slaves (saqâliba) et des eunuques en direction du
monde musulman (Verlinden, 1983), circulaient sur des itinéraires terrestres depuis Canton,
en passant par l’Occident chrétien, jusqu’à leur base du Sûs al-Aqsâ’ (Khurradâdhbih, 1949,
117-118). On peut supposer que les négociants rhâdânites allaient au Sûs al-Aqsâ’ pour y
chercher des esclaves provenant du Sûdân (un article encore exotique à cette époque), d’abord
conduits à Sijilmâsa puis à Massâ, le principal port de la région (Senac, 2004, p. 98-99). À
Massâ, situé aux marges du Sahara, se tenait une « foire qui [réunissait] beaucoup de monde
(al-Bakrî, 1913, p. 306) ». Au IXe siècle (avant 891), al-Ya‘qûbî, qui décrit Massâ, précise :
« C’est près de la mosquée de Bahlûl que viennent mouiller ces navires cousus, fabriqués à
Ubulla, qui voguent jusqu’en Chine [sic] » (Wiet, 1937, p. 226).
30 L’un des itinéraires suivis par ces Rhâdânites partait du Sûs al-Aqsâ’ – dont faisait partie la
grande ville commerciale de Sijilmâsa avec son importante communauté de Berbères juifs –,
rejoignait Tanger, gagnait ensuite l’Ifrîqiya, puis l’Orient47. L’existence de deux caravanes
annuelles, effectuées à des époques déterminées48 en ligne directe, reliant le port saharien de
Sijilmâsa à l’Égypte indique un volume commercial suffisant – mais malheureusement nous
ne savons rien des marchandises transportées – pour rendre profitable une telle liaison. Au
Caire (Fustât), l’important négociant (wakîl tujjâr) juif, Abû Zikrî Judah b.  Joseph Kohen
al-Sijilmâsî, originaire de Sijilmâsa comme son nom l’indique, dirigeait les activités de ses
compatriotes maghrébins à la fois en Égypte et, au-delà, sur la route commerciale vers l’Inde
(Goitein, Id., p. 192, 195, 212, 213, 276, 279).
31 Il faut évoquer brièvement une espèce de bretelle, largement ignorée, des pistes
transsahariennes à partir de Sijilmâsa vers la région du Sûs al-Aqsâ’ et le sud marocain
maritime. Al-Bakrî signale, dès le milieu du IXe siècle, l’implication commerciale des
Andalous à Arzîla où les Berbères nomades avaient installé un ribât (en 843-844) pour se
défendre contre les incursions des Vikings (Majûs). Il s’y tenait trois fois par an une grande

L’Année du Maghreb, VII | 2011


Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 9

foire (al-Bakrî, 1965, p.  219-220  ; Picard, 1998, p.  476-477). Al-Bakrî note également un
trafic côtier au ribât de Qûz, le port d’Aghmât, où des « bateaux viennent de partout jeter
l’ancre  » (Id., p.  292  ; Monteil, 1968, p.  48). Au Xe siècle, Ibn Hawqal (1964, p.  89), dit
clairement qu’un axe commercial reliait Sijilmâsa à Aghmât : « une ville très florissante et
ayant un commerce soutenu avec Sijilmâsa et d’autres lieux ». Al-Idrîsî confirme, pour le XIe
et le début du XIIe siècle, le caractère de plus en plus répétitif des voyages directs ou par étapes
effectués par des Andalous entre les ports atlantiques du sud de la péninsule ibérique et le
Sûs al-Aqsâ49. L’ouvrage d’hagiographies d’at-Tâdilî parle même d’une liaison régulière entre
Huelva et Azammûr via Salé (Picard, 1998, p. 477-479).
32 Je fais donc l’hypothèse de l’existence possible d’un commerce d’esclaves noirs par
l’Atlantique – on ne peut pas encore parler de traite –, en relation avec les économies ibériques
et méditerranéennes, anticipant de plusieurs siècles les voyages des caravelles portugaises.
De fait, az-Zûhrî (m. entre 1154-1161), géographe arabe originaire de l’Espagne musulmane,
évoque l’activité des marins de Cadix (Gadès) dans les mêmes conditions, jusqu’aux limites
du Sahara, où ils embarquent esclaves, poudre d’or, ébène, défenses d’éléphants, boucliers
lamta, etc. :

«  C’est de la région du Sûs al-Aqsâ que partent les exportations du Sahara en


serviteurs (khadam), en esclaves (‘abîd), en ‘akbar c’est-à-dire en poudre d’or
(tibr)… » (Cuoq, 1984, p. 115)50. »
33 Az-Zûhrî parle, en outre, de Zâfûn, un État soudanais où affluent, nous dit-il, les caravanes de
commerçants du Sûs al-Aqsâ (Lewicki, 1971, p. 511). Enfin, on sait par al-Idrîsî (il écrivait
en 1154) qu’Aghmât (Urîka), grande ville commerçante habitée par des Berbères huwwâra,
et distante de huit jours de marche de Sijilmâsa, se livrait à un intense commerce avec le
Bilâd as-Sûdân. Les habitants d’Aghmât, commerçants opulents, s’y rendaient avec un grand
nombre de chameaux chargés de cuivre rouge et de cuivre coloré, de manteaux, de vêtements
de laine, de turbans, de caleçons (mâzir), toutes sortes de colliers de verres, de coquillages
et de pierres51, de diverses espèces de drogues et de parfums, et d’ustensiles en fer. Il n’y a
pas un homme qui n’y envoie ses propres serviteurs (righâl) et ses esclaves (‘abîd) et qui ne
dispose de caravanes de cent, quatre-vingt ou soixante-dix chameaux chargés (Dozy et De
Goeje, 1968, p. 76 ; Cuoq, 1984, p. 164). Les habitants d’Aghmât rapportaient du Soudan de
l’or et des esclaves vendus aux marchands « par douzaines » et dont il sortait « annuellement
un nombre considérable destiné au Sûs al-Aqsâ » (Dozy et De Goeje, 1968, p. 3, 7).
52
Les voies transsahariennes du commerce des esclaves
34 Le Bilâd as-Sûdân émerge à la connaissance du monde musulman essentiellement pour des
raisons commerciales (routes des esclaves, de l’or et d’autres produits), mais les sources en
arabe53, fragmentaires, présentent de graves lacunes et ne fournissent aucune vue d’ensemble
sur l’organisation du commerce transsaharien. L’écrasante majorité des auteurs n’a aucune
connaissance directe du Sûdân. Ibn Hawqal est le seul des écrivains médiévaux, avec Ibn
Battûta, à avoir visité l’Afrique subsaharienne dont les travaux nous sont parvenus. Il voyage
pendant trente-cinq ans à partir de 943 et passe à Sijilmâsa en 951. C’est le premier voyageur
connu à avoir atteint le Sûdân (Âwdâghust). Pour certains auteurs, leur œuvre, perdue, ne nous
est connue qu’à travers des compilateurs postérieurs comme celle de l’Égyptien al-Muhallabî
(m. 990) qui disposait d’informations très précises – il écrit entre 975 et 990 – sur la situation
géographique du Kânem et le mode de vie de ses habitants. Dans l’ouvrage qu’il termine en
1068, al-Bakrî, qui passe toute sa vie en Espagne, tente une première description générale du
Sûdân. Al-Bakrî a eu accès à des documents de première main sans doute dans les archives
officielles de Cordoue, comptes rendus de voyageurs et d’ambassadeurs. Mais sa source
principale est l’historien kairouanais Muhammad ibn Yûsûf ibn al-Warrâq (m.  973-974),
auteur de plusieurs ouvrages aujourd’hui disparus. Fuyant l’Ifrîqiya des Fâtimides, il s’était
fixé à Cordoue.
35 Ces auteurs utilisent également des sources orales recueillies auprès de marchands, de
voyageurs, de pèlerins ou d’autres informateurs. Ce sont aussi des agents politiques, les

L’Année du Maghreb, VII | 2011


Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 10

représentants de puissances rivales qui se déterminent dans leurs écrits en fonction de leur
allégeance : Fâtimides d’Égypte pour al-Muhallabî et Ibn Hawqal, Umayyâdes d’Espagne pour
al-Warrâq et al-Bakrî. Ou bien encore, au XIIe siècle, un peu en dehors de ma période, al-Idrîsî,
Arabe espagnol, au service de Roger II qui occupe alors Tripoli. Si les critiques de ces auteurs
contre les Berbères en général sont peu amènes, celles dirigées contre les Berbères ibâdites
sont, à l’exception d’al-Ya‘qûbî, virulentes (Thiry, 1995, p. 330-331).
36 En ce qui concerne la traite des esclaves, les données demeurent fragmentaires, et, surtout,
jamais chiffrées. Peut-être les marchands tenaient-ils des livres de compte, nous le savons pour
le XIXe siècle, mais rien ne nous en est parvenu. Il faut attendre le XIVe siècle et Ibn Battûta
pour avoir la seule indication médiévale chiffrée. Le Tangérois, lors de son retour de Mâli
par Tâkadda et le Hoggar, en septembre 1353, partit en effet de Tâkadda en compagnie d’une
« caravane considérable » qui « renfermait environ six cents filles esclaves (1968, IV, p. 445) »
dont, au demeurant, ce grand voyageur ne donne aucun autre détail à leur sujet. Et, de fait, les
textes ne renseignent en rien sur la manière dont on faisait voyager les esclaves à travers le
Sahara à l’époque médiévale.
37 Les sources cependant mettent clairement en évidence le fait suivant  : du VIIIe au XIe
siècle, les Berbères ibâdites détinrent le monopole sur les trois grands faisceaux de routes
transsahariennes nord-sud reliant le Maghreb à l’Afrique  : à l’est, au centre et à l’ouest.
C’est seulement à partir du VIIIe siècle qu’apparaissent des informations significatives sur
ces axes commerciaux transsahariens. L’antériorité des contacts avec le Sûdân revient
incontestablement à la voie qui, passant par Zawîla au Fezzân, traversait le Jabal Nafûsa – dont
la ville principale, Jâdû, comportait une nombreuse population juive  – et rejoignait le lac
Tchad et le Niger par le Kawâr et le Kânem. Les routes translibyennes à partir de la profonde
échancrure du golfe de Syrte permettaient un immense gain de temps : 2 100 kilomètres de
Surt au lac Tchad, soit mille kilomètres de moins que les routes Tâhert-Gao et Fès-Ghâna, et
encore plus de cinq cents kilomètres de différence au départ de Tripoli en faveur de cette voie
(Thiry, 1995, p. 447).
38 Déjà, avant l’époque musulmane, les Fezzânais (c’est-à-dire les anciens Garamantes)
entretenaient des contacts avec les pays de l’intérieur de l’Afrique qui leur fournissaient des
esclaves, de l’ivoire, des pierres précieuses, etc., sans que l’on puisse véritablement parler
d’un trafic régulier. L’imposition, selon Ibn ‘Abd al-Hakam, par ‘Uqba Ibn Nâfi‘ al-Fihrî,
lors de son expédition au Kawâr en 666-667, d’un tribut de trois cent soixante esclaves54, de
même qu’à Waddân et à Jarma, montre qu’au moins au VIIe siècle les Fezzânais importaient
des esclaves provenant du Kawâr, du Tibesti et du Kânem (Lewicki, 1955, p. 65 ; Cuoq, 1985,
p. 45-46 ; Thiry, 1995, p. 108). En outre, le célèbre conquérant arabe, ‘Uqba Ibn Nâfi‘, aurait pu
difficilement pénétrer jusqu’au Kawâr « si le tracé de la route n’avait pas été établi avant lui par
des commerçants, soit berbères, soit zaghâwa » (Lange, 1990, p. 367). Mais, l’établissement
d’un commerce régulier et d’une traite proprement dite entre Zawîla et la région du lac Tchad
commence à une époque ultérieure sous l’impulsion des commerçants berbères ibâdites.
39 De fait, le nom des esclaves les plus connus sur cette artère, celui de Zaghâwa, est aussi
ancien chez les auteurs arabes que celui de Sûdân. On le trouve pour la première fois – dès
avant 728  – chez le traditionaliste Wahb b.  Munabbih qui le cite parmi les «  races  » de
Sûdân à côté des Nûba, des Zanj et des Hâbasha (Cuoq, 1985, p. 41). Outre les Zaghâwa, les
commerçants exportaient principalement des esclaves pris parmi les Mîrî, les Murrû et d’autres
peuples soudanais. Plus tard, à la fin du IXe siècle, l’historien al-Ya‘qûbî (872) soulignera
la cohabitation au Kawâr même d’une population mixte, composée de musulmans de toutes
provenances : une majorité de commerçants berbères ibâdites originaires du Fezzân, du Jabal
Nafûsa55 et du Waddân ; des commerçants de souches très variées, originaires du Khurâsân
en Iran, de Basra et de Kûfa en Irak – des gens que l’on retrouve d’ailleurs à tous les autres
terminaux des axes transsahariens  –  ; et, à côté des musulmans, la population autochtone
appartenant au groupe tubu (Teda-Daza). Tous ces commerçants pratiquaient la traite des
esclaves zaghâwa, marawiyyûn et autres (Cuoq, 1985, p.  49, 65) que les rois des Sûdân

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Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 11

réduisaient en captivité, ainsi que d’autres tribus, « sans raison et sans (le motif) de la guerre
[jihâd juste] » (Wiet, 1937).
40 Al-Ya‘qûbî, haut-fonctionnaire dans le service de la poste (barîd) des ‘Abbâssides –  dont
on sait qu’il fonctionnait aussi comme un service de renseignements – connaît bien le Dâr-
al-Islâm. Il indique deux voies d’accès vers le Sûdân  : à l’Occident, celle de Sijilmâsa et
Âwdâghust, l’autre, à l’est, par Zawîla. Il mentionne également un itinéraire d’Égypte à Ghâna
par l’Aïr et Kâw-Kâw (Gao)56, abandonné un demi-siècle plus tard (Ibn Hawqal, 1964, I, p. 58).
Parmi les exportations du Maghreb, outre « les belles et jolies mulâtresses [Berbères]57 qui sont
devenues les favorites des ‘Abbâssides et autres grands personnages », les « beaux esclaves
de l’Europe », les « esclaves provenant de la région des Slaves par le canal de l’Espagne »,
Ibn Hawqal note, enfin, les « esclaves importés du pays des Noirs (Ibid., p. 95) ». Déjà, avant
951, al-Istaqhrî parle des esclaves noirs amenés à Zawîla puis exportés du Maghreb (Cuoq,
1975, p. 65).
41 La diversité des sources d’approvisionnements serviles du milieu à la fin du Xe siècle, en
Europe et en Asie, fait que les esclaves noirs – quoique déjà très nombreux –, ne constituaient
pas encore l’essentiel des effectifs mis sur le marché. Il reste que la route de l’est par le lac
Tchad, le Kawâr et Zawîla avait été surnommée la « route des esclaves ». Ici, en effet, l’or est
absent et, en dehors de l’alun exporté vers l’Égypte et jusqu’au Maghreb al-Aqsâ, les esclaves
représentaient le principal article de commerce entre le Kânem et la Méditerranée et la source
principale de richesse des habitants. Du Kawâr au Fezzân, la route était contrôlée par un État
africain subsaharien, le Kânem (fondé à la fin du VIe siècle), devenu par la suite Kânem-Bornû.
Au Fezzân, les commerçants revendaient leurs marchandises à Zawîla qui, pendant des siècles,
constitua l’un des principaux entrepôts d'esclaves du monde musulman et le plus grand marché
d’esclaves du Sahara. De là, des convois se dirigeaient vers l'Égypte et le Proche-Orient  ;
d'autres aboutissaient en Tunisie (al-Ya‘qûbî, 1937, p. 205 ; al-Bakrî, 1968, p. 29 ; al-Istaqhrî,
1870, p. 40 ; Cuoq, 1975, p. 49, 65, 81). Ainsi, dès le milieu du VIIIe siècle la traite apparaît
non comme un commerce occasionnel mais comme une activité économique pérenne, soumise
aux exigences des marchés maghrébin, égyptien et, plus largement, méditerranéen, c’est-à-
dire à la loi de l’offre et de la demande.
42 C’est également par la voie du Kânem-Bornû que transitaient les eunuques exportés de chez
les Zaghal et les Zaghâwa, une spécificité reconnue dès 966 par Maqdîsî et reprise au milieu
du XIe siècle par al-Bîrûnî (Cuoq, 1975, p. 66 ; Kamal, 1987, III, p. 712). Aux XIXe et XXe
siècles, les eunuques esclaves qui servaient aux grandes mosquées de La Mecque et de Médine
provenaient toujours de cette région (Botte, 2010, p. 120).
43 Après Wahb b. Munabbih et les réseaux ibâdites vers le Kânem, la chronique d’Ibn as-Saghîr,
un commerçant ou un espion ou les deux à la fois (on ne sait pas au juste) qui résida à Tâhert,
décrit la situation de cette ville, aux environs de 776-780. Il y arrivait des pays les plus éloignés
des ambassades et des caravanes et « les routes menant au Soudan […] s’ouvrirent au négoce
et au trafic » (Cuoq, 1975, p. 55). C’est la première indication précise, en dehors du Kânem
sur des relations établies avec le Bilâd as-Sûdân, quelques dizaines d’années seulement après
la première incursion arabe d’‘Ubayd Allâh ibn al-Habhâb dans le Sûs al-Aqsâ en 734 – dont
il ramena notamment comme butin des femmes berbères.
44 L’axe Tâhert-Kâw-Kâw (Gao)58 passant par les villes de Tenes (Ténès), Milyâna, al-Masîla,
ainsi que par le district de Zâb, par Biskra, puis Wârgla59, carrefour ibâdite des voies du
nord60, par le Wâdî Rîgh et, enfin, par Tâdmakka (ruines d’as-Sûq au nord de Gao) (Lewicki,
1962, p. 531-534) constitue la seconde voie commerciale la plus ancienne dont nous ayons
connaissance, ouverte aux environs de 776-780 sous le règne du premier imâm ibâdite
‘Abd ar-Rahmân b.  Rustem. Cette date, révélée par Ibn as-Saghîr61, quant aux premiers
rapports commerciaux entre le Maghreb et le Soudan, est antérieure de plus de cent ans de
l’époque où le géographe al-Ya‘qûbî traitait, vers 891-892, des relations commerciales entre
Sijilmâsa et le Soudan occidental. Jusqu’à l’article de Lewicki, le témoignage d’al-Ya‘qûbî
était considéré comme la plus ancienne information connue sur le commerce transsaharien à
l’époque musulmane.

L’Année du Maghreb, VII | 2011


Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 12

45 La voie au départ de Tâhert englobait les échanges économiques entre l’immense territoire
des Rustémides ibâdites et le royaume de Gao sur le moyen Niger. Cet itinéraire reliait le
Soudan occidental aux importants centres de commerce de l’Ifrîqiya et de la Tripolitaine : un
embranchement à partir de l’oasis de Wârgla conduisait en effet vers la ville de Kayrawân
(Kairouan), un autre menait par l’oasis de Ghdâms (Ghadamès) et par le Jabal Nafûsa à la
ville de Tripoli. Comme le rapportera, en 1162, l’Andalou Abû Hâmid al-Gharnâtî, les Sûdân
dits Kawkaw (de Gao) posaient des problèmes au monde musulman de son époque  : non
seulement ils étaient les plus méchants, avaient une odeur répugnante et lançaient des flèches
empoisonnées mais alors que tous les autres Noirs « sont employés comme domestiques et
travailleurs […] ceux de Kûkû (Kawkaw) […] sont bons seulement pour faire la guerre (Cuoq,
1975, p. 170) ».
46 Gao apparaît par ailleurs comme le plus ancien centre urbanisé dans l’Ouest africain et dès la
fin du VIIIe siècle la ville entre dans le circuit de l’économie internationale vers le Maghreb
et la Méditerranée. Avant même l’envoi d’une ambassade rustémide à Gao (entre 864-868),
il existait déjà une présence berbère ibâdite importante, détenant sans doute le monopole du
commerce vers le nord, preuve de communications plus anciennes. Nous savons, par exemple,
que le père du fameux Abû Yazîd62, le chef de la grande révolte khârijite anti-fâtimide en
Ifrîqiya au Xe siècle – elle ne fut pas loin de détruire entièrement l’État fâtimide –, s’était rendu
plusieurs fois à Gao, avant la naissance de l’enfant, pour ses activités commerciales. Or, Abû
Yazîd naît à Tâdmakka entre 880 et 885 d’une mère esclave sûdân. La ville de Tâdmakka dans
l’Adrâr des Ifoghas, dirigée par des Berbères Banû Tânmaka, était devenue l’un des centres
majeurs des activités missionnaires des commerçants ibâdites en direction des populations
soudanaises.
47 Ces relations ne peuvent se comprendre sans un bref retour sur quelques points d’histoire.
Dès 759, une campagne de répression est lancée, par le calife ‘abbâsside al-Mansûr, contre
les Berbères ibâdites qui s’étaient emparés de Tripoli et de Kairouan. Ces Berbères, des
Hawwâra, des Nafûsa et des Zanâta avaient fondé, en 748, un petit imâmat dans le nord-
ouest de la Tripolitaine sous la direction de l’imâm Abû l-Khattâb Abd Allâh ibn al-Samh al-
Ma’âfirî (Lewicki, 1990, p. 311). Après leur défaite, certains se réfugièrent au Fezzân. Mais,
en 761-762, les forces ‘abbâssides s’avancèrent jusqu’à Zawîla où elles vainquirent et mirent
à mort l’imâm ibâdite, Abû-l-Khattâb. Cependant, la traite déjà si bien organisée au IXe siècle
se développe encore au Xe siècle sous l’impulsion des Banû Khattâb de la tribu des Hawwâra,
installés depuis longtemps dans la région de Barqa en Cyrénaïque. Au début du Xe siècle, à
la suite de revers, les Banû Khattâb émigrent vers le sud, s’emparent de Zawîla en 918 où ils
fondent une dynastie. Cette dynastie ibâdite des Banû Khattâb va ainsi dominer pendant deux
siècles l’extrémité nord de la grande route commerciale reliant la Libye au bassin du lac Tchad
(Zeltner, 1980, p. 45 ; Lewicki, 1990, p. 307).
48 Après la défaite du petit imâmat de Tripolitaine devant les forces ‘abbâssides, le gouverneur
ibâdite de Kayrawân, ‘Abd ar-Rahmân b. Rustum, d’origine persane, dut s’enfuir à son tour
devant l’armée arabe qui avait repris l’Ifrîqiya. Il vint chercher refuge dans l’Ouest de l’Algérie
actuelle, où il fonda la ville de Tâhert (Tiaret) qui devint bientôt le centre politique, religieux
et économique de tous les ibâdites du Maghreb. En 776-777, ‘Abd ar-Rahmân b. Rustum fut
élu imâm par la totalité des tribus berbéro-ibâdites de l’Afrique du Nord et Tâhert devint la
capitale d’un État considérable contrôlant la partie méridionale et occidentale de l’Algérie
actuelle, le Sud tunisien et toute la Tripolitaine et peut-être même le Fezzân, en tout cas
un espace immense allant de Tlemcen à Tripoli. Toute la boucle du Niger se trouvait être
par ailleurs le « vis-à-vis » du sud de l’État des Rustumides. Cet État rustumide de Tâhert
se maintiendra jusqu’au début du Xe siècle, jusqu’à ce que ce territoire tombe à peu près
totalement sous l’autorité des Fâtimides shî‘ites ismaïliens (Lewicki, 1962). Plusieurs régions
d’Afrique du Nord cependant échappèrent toujours à l’autorité des Fâtimides : toute la bande
longeant la bordure septentrionale du Sahara resta entre les mains des Zanâta. Après la prise
de Tâhert63, le dernier imâm rustumide se réfugia avec son peuple à Wârgla et à Sadrâta où
les ibâdites restèrent indépendants et s’étendirent même jusqu’au Mzâb64. Le Jabâl Nafûsa,

L’Année du Maghreb, VII | 2011


Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 13

ancienne forteresse des ibâdites, ne fut jamais conquis et fut, pendant toute la durée du Xe
siècle, le centre d’un petit État indépendant.
49 Enfin, à l’ouest, Sijilmâsa (fondée en 757) dans le sud marocain, à dix ou douze jours de
marche de Fès, constituait le grand port d’entrée vers le Bilâd as-Sûdân. Un itinéraire, le
trîq lamtûnîya, que décrit avec beaucoup de précisions al-Bakrî avec ses points d’eau65 et ses
étapes, mais aujourd’hui difficile à rétablir, allait de Sijilmâsa à Âwdâghust. Sur cette voie,
Tâmdult, avec ses mines d’argent et de cuivre, exploitées sûrement à la fin du IXe siècle, et sans
doute antérieurement – peut-être par « des Juifs, ou des populations judaïsées » (Rosenberger,
1970, p. 125) – représentait le dernier point habité avant la traversée du désert et probablement
la véritable tête de ligne des caravanes à destination du Bilâd as-Sûdân (Id., p. 123). Sijilmâsa
et Tâmdult, comme toutes les autres oasis-relais, permettaient aux marchands d’obtenir des
renseignements sur l’état des routes (eau, sécurité), sur les conditions des marchés  : cours
pratiqués, marchandises disponibles à l’exportation ou demandées au Bilâd as-Sudân, etc.

Mais où donc passaient les esclaves au Nord du Sahara ?


50 Selon Savage (1992, p. 358), les esclaves noirs subsahariens apparaissent sur les marchés nord-
africains seulement à la fin du VIIe siècle (Savage, 1992, p. 358), soit malgré tout très peu
de temps après la campagne militaire d’‘Uqba Ibn Nâfi‘ au Kawâr (voir supra). On pourrait
dater les premières traites proprement dites du début du VIIIe siècle à partir des informations
sur le Sahara contenues dans les ouvrages de Wahb ibn Munabbih (avant 728) ou d’al-Fazârî
(seconde partie du VIIIe siècle). À dire vrai, ces deux auteurs énumèrent seulement, pour l’un,
un certain nombre d’ethnies qui, par la suite, figureront parmi les ethnies les plus soumises au
commerce négrier et, pour l’autre, des villes (Sijilmâsa) ou des États (Anbiya, Ghâna).
51 En réalité, al-Ya‘qûbî (m.  891)66 est le premier, à la fin du IXe siècle, à mentionner
explicitement des razzias d’esclaves dans le Bilâd as-Sûdân au départ d’Âwdâghust (Cuoq,
1975, p. 48), côté Sahara occidental ; puis la traite des esclaves par les ibâdites à partir du
Kawâr, précisant que les rois du Sûdân vendent des « Sûdân sans raison et sans le motif du
jihâd (Id., p. 49). » Al-Istaqhrî (avant 951) signale de même les ventes d’esclaves à Zawîla (Id.,
p 65). Ventes confirmées par Maqdîsî (vers 966). Ibn Hawqal (988), dont on sait qu’il a visité
Âwdâghust, ne dit rien de la traite alors qu’il s’étend longuement sur les ventes d’esclaves au
Khurâsân ou en Transoxiane, vaste réservoir il est vrai d’esclaves turcs. Al-Muhallabî (m. 990)
confirme la traite des Zaghâwa conduits à Zawîla et remarque que l’autorité du roi « est absolue
sur ses sujets. Il fait esclave qui il veut (Id., p. 78). » Al-Bîrûnî (973-1050), signale, sans autres
commentaires, le Bilâd as-Sûdân comme le pays « d’où l’on exporte des esclaves (Id., p. 80). »
Enfin, pour rester dans les limites chronologiques que je me suis fixées, al-Bakrî (1068), note
que l’on exporte de Zawîla des esclaves en Ifrîqiya et dans les contrées voisines. Il précise que
les ventes s’y font au moyen de « courtes pièces d’étoffe rouge » (Id., p. 82).
52 Quant à Âwdâghust, al-Bakrî indique que l’on y trouve « des négresses (sûdâniyyât), qui sont
d’excellentes cuisinières, dont chacune vaut au marché, au moins cent mithqâl. C’est qu’elles
savent préparer d’exquises pâtisseries : nougats aux noix, gâteaux au miel et autres sucreries
(Monteil, 1968, p. 53) ». Il ajoute : « On y rencontre (aussi) des jeunes filles au beau visage, au
teint clair, au corps souple, aux seins bien droits, à la taille fine, aux épaules larges, à la croupe
abondante, au sexe étroit : celui qui a le bonheur d’en posséder une y prend autant de plaisir
qu’avec une vierge (Id.) ». Al-Bakrî, qui n’a jamais quitté Cordoue, célèbre ainsi un des canons
féminins de la concubine, fantasme du maître d’esclaves, celui de la Vénus noire callipyge.
53 C’est la première fois dans les sources arabes concernant le Bilâd as-Sûdân que l’on trouve
l’indication d’un prix, ici celui des cuisinières. Sans aucun doute parce qu’il s’agit d’un prix
exceptionnel pour ces esclaves très qualifiées. Leur renommée persistera d’ailleurs au Maroc,
où elles étaient exportées, jusqu’au XXe siècle. Ces précisions sur Âwdâghust, al-Bakrî les tient
d’une chaîne d’informateurs dont, à la source (au Xe siècle), Abû Rustam, originaire du Jabal
Nafûsa, un ibâdite par conséquent. Quant à son informateur direct, Abû Muhammad ‘Abd al-
Mâlik ibn an-Nakhkhâs al-Garfa, qui le renseigne notamment sur Tâdmekka (al-Bakrî, 1913,
p. 337), il était, comme son nom l’indique (an-Nakhkhâs, « marchand d’esclaves »), fils de
marchands d’esclaves et se livrait vraisemblablement lui aussi à cette occupation (Lewicki,

L’Année du Maghreb, VII | 2011


Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 14

1965, p.  11). C’est la première fois, à ma connaissance, quoique de manière indirecte,
qu’allusion est faite à un marchand d’esclaves. Commerce trop ordinaire pour être signalé ?
54 Plus tard, al-Wisyânî, un auteur ibâdite de la deuxième moitié du XIIe siècle67, dépeindra de
façon pittoresque, dans son Kitâb as-Siyar, les dures réalités du métier de marchand d’esclaves
et l’embarras que causait aux marchands le transport de la marchandise humaine par les voies
transsahariennes. Le texte mérite d’être cité en entier :

« On tient d’Abû Muhammad ‘Abd Allâh b. Muhammad al-Sadrâtî, oncle maternel
d’Abû Muhammad ‘Abd Allâh b. Muhammad al-Lawâtî, (le fait suivant) : « Mon
oncle maternel, entreprit un voyage vers le Sud pour y faire le commerce de l’or68.
Il acheta un chameau pour s’y rendre. Il se trouva en compagnie d’un citadin. Ce
dernier approcha de mon oncle et lui dit : “Prends donc mon métier”. “Je ne saurais
le faire, lui répondit mon oncle”. Le citadin se mit à son commerce d’esclaves. Puis,
tous deux prirent la caravane pour retourner chez eux. Abû Muhammad était tout à
son aise et sans préoccupations : si la caravane partait, il montait sur son chameau ;
si elle faisait halte, il installait sa tente et se reposait. Mais notre citadin était harassé
et accablé (de soucis) par sa troupe d’esclaves : l’un dépérissait, l’autre avait faim,
celui-ci s’enfuyait, celui-là s’égarait dans l’erg. Quand la caravane faisait halte,
chacun s’occupait de ses affaires. Notre citadin était fatigué au plus haut point. Il
regardait durant ce temps vers Abû Muhammad, qui était assis tranquillement à
l’ombre, avec sa fortune, bien rangée (sac sur sac) et se tenant là en toute quiétude :
“Gloire à Dieu, s’écria le citadin, d’avoir mis ‘Abd Allâh à l’abri d’une telle
épreuve !” » (Cuoq, 1975, p. 167-168).

55 Des indices convergents, comme je l’ai montré, dessinent une traite déjà bien affirmée dès le
milieu du VIIIe siècle69. Or, on vient de le voir, les textes fournissent peu d’éléments quant
aux achats d’esclaves au Sud du Sahara. Ils sont tout autant laconiques sur l’utilisation des
esclaves à cette époque. C’est pourquoi, le tableau que nous avons de l’esclavage musulman
pour cette période avec les figures convenues de la concubine, du domestique et du soldat
–  aussi importantes soient-elles  – pourrait plus refléter le biais des sources qu’une réalité
autrement plus diverse. Essayons cependant une reconstruction.
56 En Ifrîqiya, le premier usage des esclaves subsahariens devait être d’abord leur emploi à la fois
comme domestiques et employés dans l’agriculture puis, ensuite, comme gardes militaires à
partir du début du IXe siècle. En ce qui concerne l’agriculture, Ibn ‘Idhârî (1901, p. 126-127 ;
Talbi, 1966, p. 177 et suiv.), qui relate des événements datant de 825, rapporte que lors de la
révolte du corps militaire sous le troisième aghlabîde, Ziyâdat Allâh Ier, ‘Amir b. Nafi’ recruta à
Qastîliya (Jerîd) mille noirs armés de haches et de pelles. Pour Lazreg (1995, p. 151, 220-221),
l’équipement de ces Sûdân ne laisse aucun doute sur leur statut d’esclaves attachés aux travaux
agricoles et, plus particulièrement, aux différentes activités dans les oasis –  entretien des
palmiers, irrigation, jardinage.
57 Il y aurait eu ainsi, dès le début du IXe siècle, présence d’une importante main-d’œuvre agricole
noire non seulement dans le Jerîd – les mille Sûdân recrutés ne représentaient probablement
qu’une partie de cette population  – mais sans doute ailleurs en Ifrîqiya. La plupart des
commerçants ibâdites qui fréquentaient le Bilâd as-Sudân venaient de ces régions, comme le
père du fameux révolté Abû Yazîd, originaire de Tozeur (voir supra) et il semble vraisemblable
qu’ils y aient introduit par infiltration continue, à chacun de leurs voyages, de nombreux
esclaves. Des concubines et des domestiques bien sûr, mais pas seulement. Ces marchands
possédaient des propriétés et les esclaves qu’ils ramenaient du Bilâd as-Sudân participèrent au
développement de l’agriculture. Du premier quart du VIIIe siècle jusqu’au début du Xe siècle,
le Jerîd a joué un rôle très important dans le commerce transsaharien : venant du Kânem via
Zawîla ou de Gao via Wârgla les esclaves transitaient par le Jerîd et une partie d’entre eux
y restait.
58 En effet, comme l’a souligné Brett (1969, p.  355-356, 367), les importations d’esclaves à
destination militaire, plusieurs milliers (voir infra), ne représentaient qu’une partie d’une
traite négrière régulière et conséquente. Certains esclaves étaient réexportés, d’autres, dans le

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Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 15

cadre d’une économie prospère, spécialement dans l’agriculture, étaient vraisemblablement


employés sur place.
59 Ibn Hawqal (1964, p. 69-70) écrit ainsi que dans certaines parties de la péninsule du Cap Bon
(ancienne Abû Sha’ik), l’eau polluée rendait malades tous les étrangers « à part les Noirs qui
conservent une bonne santé. Ces Noirs sont d’une serviabilité à toute épreuve et accomplissent
leur service avec bonne humeur  ». Al-Bakrî (1913, p.  176)70 fait une notation semblable à
propos du Nord du Maroc et du Safded [actuel oued Loukkos] : « fleuve sur les bords duquel
les hommes blancs ne sauraient demeurer sans être atteints d’une maladie presque toujours
mortelle ». Selon Brett (1969, p.355, 357-358) ces deux références suggèrent la colonisation
par les Sûdân de terres marginales et malsaines, à la fois comme hommes de peine ou comme
squatters. Leur présence au Cap Bon où l’on trouvait une importante communauté ibâdite met
en évidence leur diffusion au-delà du Jerîd et signale leur présence probablement dans toute
l’Ifrîqiya.
60 Quoi qu’il en soit, pour Talbi (1982, p. 193, 195, 200), au IXe siècle, les esclaves faisaient
partie du paysage agraire : les grands et moyens domaines étaient mis en valeur surtout par
des esclaves ; et seules les petites propriétés faisaient appel à une main-d’œuvre de condition
libre. Mais, pour l’essentiel, après le tarissement des sources locales (les Berbères), cette main-
d’œuvre fut compensée par des esclaves chrétiens, notamment par des captifs provenant de la
conquête de la Sicile par les Aghlabîdes. Un témoin oculaire, le moine franc Bernardi Monachi
(Toblet et al., 1879, p.  310-311), qui fit le pèlerinage aux lieux saints en 870 avec deux
compagnons, raconte qu’ils s’embarquèrent à Bari, alors aux mains des Aghlabîdes, sur deux
bateaux71 qui transportaient 3 000 prisonniers chrétiens en Égypte (pour y être vendus comme
esclaves). Quatre autres navires allant à Tripoli (d’Afrique) avaient 6 000 captifs à bord.
61 Ainsi, selon Talbi, l’Ifrîqiya, jusqu’à la fin du IXe siècle ne manqua pas d’une main-d’œuvre
servile abondante et peu coûteuse sans avoir besoin d’une importation massive de Sûdân.
Cependant, la thèse de Talbi (art. « Mu‘izz Bâdîs », EI2, VII, p. 481-484) sur l’importance de
l’esclavage chrétien dans l’économie rurale de l’Ifrîqiya et son déclin après l’époque aghlabîde
en raison, en particulier, de la prépondérance croissante des chrétiens en Méditerranée,
qui aurait privé les structures économiques de l’apport de la main-d’œuvre servile, sous-
estime fortement l’importante présence d’une main-d’œuvre noire servile. Toutefois, au moins
pour le Jerîd, Talbi (1982, p.  212) reconnaît que les esclaves noirs semblent y avoir été
particulièrement appréciés.
62 Par ailleurs, on sait que l’Ifrîqiya, et en particulier le Jerîd, exportait des dattes, des céréales,
des pistaches, des tissus et des produits de luxe pour ses commerçants « expatriés » dans les
terminaux sud-sahariens, et plus largement pour les dirigeants et les marchands locaux. Entre
autres produits, les fouilles de Tegdaoust (Âwdâghust) ont montré la présence en grand nombre
de fragments de céramiques émaillées et de cols de balsamaires, dans les strates inférieures
du site, caractéristiques des productions de l’Ifrîqiya aghlabîde (Robert, 1970, 488-489, 491).
Enfin, al-Mâlikî (Riyâd, I, p. 117 ; 1935, p. 305) nous parle d’un orfèvre, le Kairouanais Sakan
as-Sâ’ig, qui fabriquait des chaînes de cuivre doré pour faire des mors de chevaux et qui les
faisait vendre au Soudan. Al-Mâlikî, indique également (Id. ; Talbi, 1982, p. 212) que ‘Ali
b.  Humayd, le vizir de Ziyâdat Allah  Ier, avait bâti une très confortable fortune acquise en
grande partie dans le commerce de l’ivoire.
63 Plus facilement identifiables et mieux documentés sont les Sûdân esclaves-soldats. Tandis qu’à
cette période le mot abîd (esclaves) renvoyait encore à un terme technique sans connotation
de couleur (Brett, 1969, p. 354 ; Botte, 1990, p. 47) et alors que les Aghlabîdes et surtout
les Fâtimides72 en Ifrîqiya possédaient à la fois des troupes blanches et noires, le recrutement
d’esclaves-soldats noirs, attesté pour la première fois au début du IXe siècle représenta
l’amorce d’un corps de soldats soudanais qui se maintint jusqu’au milieu du XIe siècle sous les
Zîrîdes73. An-Nuwayrî (in Ibn Khaldûn, 1925, I, p. 400) rapporte que le fondateur de la dynastie
aghlabîde, Ibrâhîm Ier (800-812), fut le premier à s’entourer d’une garde noire (al-aghnâd wa-
l-‘abîd) en raison des révoltes de sa propre armée (ghund) en qui il n’avait plus confiance.
Il procéda à l’achat d’un grand nombre d’esclaves noirs, près de 5 000 ; il les affranchit et

L’Année du Maghreb, VII | 2011


Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 16

en fixa le cantonnement dans la ville d’‘Abbâsiya qu’il venait d’édifier (Talbi, 1966, p. 136 ;
Lazreg, 1995, p. 228 ; al-Balâduri, 1958, p. 328). Ces esclaves étaient destinés à un double
usage, tout à la fois main-d’œuvre servile et auxiliaires militaires, puisque an-Nuwayrî (Id.,
p. 400) dit qu’il les acheta :

« sous le prétexte d’en former des ouvriers en tout art et métier, afin de n’avoir plus
recours au service [forcé] de ses sujets, et ensuite il en acheta d’autres, destinés à
porter les armes de ses soldats auxquels il fit accroire qu’en les allégeant d’un tel
fardeau il leur donnait une grande marque d’honneur ».

64 Son successeur, Ziyâdat Allah  Ier, poursuivit les achats d’esclaves noirs (Talbi, 1966,
p. 187-188 ; ‘Ibn ‘Idhârî, 1901, I, p. 101) et, notamment, on a vu plus haut qu’il fit recruter dans
le Jerîd mille Noirs armés de haches et de pelles. Plus tard, Abû Ibrâhîm Ahmâd (856-863)
augmenta encore les effectifs de la garde noire, grâce à de nouveaux achats. Lors du règne
d’Ibrâhîm II (875-902), en 877-878, les mawâlî (affranchis)74 se révoltèrent, une partie d’entre
eux fut massacrée, d’autres furent emprisonnés, d’autres enfin se réfugièrent en Sicile. Les
mawâlî durent être remplacés par des achats massifs d’esclaves noirs auxquels Ibrâhîm  II
« fournit des habillements et des montures, et qu’il employa dorénavant dans ses guerres (an-
Nuwayrî, in Ibn Khaldûn, 1925, I, p. 425-426). »
65 Les auteurs ne font état d’aucune difficulté pour effectuer ces achats, preuve désormais de la
capacité de la traite transsaharienne à fournir d’importants contingents d’esclaves. Le même
Ibrâhîm II, selon an-Nuwayrî, (Id., p. 428), en 891-892 : « acheta et habilla des esclaves nègres,
au nombre de cent mille, et les plaça sous les ordres des [eunuques] Meimoun et Rached ».
Chiffre démesuré bien entendu, mais ‘Ibn ‘Idhârî (1901, I, p. 238) confirme la forte présence
des Noirs dans les armées aghlabîdes et il signale (1904, II, p. 161-163) qu’un des chefs de
l’armée aghlabîde était un noir nommé Maymûn Habashî75.
66 Enfin, il indique (Id., 1901, I, p. 349), confirmant la présence des Noirs par la suite dans les
armées ‘abbâssides, qu’à la fin du Xe siècle, en 983-984, le gouverneur d’Ifrîqiya, ‘Abd Allah
b. Muhammad al-Kâtib, acheta des milliers d’esclaves noirs qu’il fit installer à al-Mansûriyya.
Il exigea de chaque gouverneur (‘âmil) le versement d’une quote-part équivalent à l’achat de
trente esclaves ou d’un nombre moindre. Les collecteurs du fisc (percepteurs du kharâg) et les
riches propriétaires furent aussi mis à contribution.
67 Toutes ces données démontrent à quel point l’Ifrîqiya avait des relations suivies avec le Bilâd
as-Sûdân. Le plus gros des esclaves provenait du Kânem par l’itinéraire le plus actif via le
Fâzzan et Zawîla76. Les esclaves-soldats, appelés Zawîla justement, qui formaient la garde
rapprochée et l’escorte du sultan étaient montés77, mais la majorité d’entre eux appartenait à un
corps spécial d’infanterie, nommé raghghâla. Encadrés par un officier des leurs, ils formaient
les troupes de choc (Dachraoui, 1981, p. 370-371).
68 Je remarque, alors que les ibâdites encerclaient de tous côtés l’État des Aghlabîdes78 –
représentants de l’autorité suprême des califes ‘abbâssides en Afrique du Nord –, contrôlaient
les routes depuis le milieu du VIIIe siècle et avaient la mainmise sur le commerce transsaharien
que cet afflux constant d’esclaves permet de relativiser les relations entre les deux groupes :
rapports politiques et religieux conflictuels certes, mais relations économiques suivies et
intenses. Peut-être, est-ce pour cette raison d’ailleurs, préserver leur approvisionnement en
esclaves, que les Aghlabîdes n’ont pas cherché à s’étendre à l’ouest en entrant en conflit avec
les ibâdites.
69 Du côté des voies transsahariennes en direction du Maroc par Sijilmâsa les premières arrivées
significatives d’esclaves Sûdân sont plus difficiles à déterminer79. Certes, un texte d’Ishâq
b. al-Husayn, signale la présence de Sûdân (des affranchis ?) lors de la conquête de l’Espagne,
en 711, parmi les guerriers de Târiq b. Zayyâd, et qualifie leur participation d’étonnante :

«  Quand Târik  », dit-il, «  eut passé la mer, il se rendit sur le rocher qui porte
son nom [Gibraltar]. Alors des Sûdân avancèrent pour combattre. À la vue de
leur forme terrifiante, les Goths furent pris de panique. Les Sûdân s’emparaient

L’Année du Maghreb, VII | 2011


Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 17

des Goths prisonniers, les égorgeaient et faisaient semblant de les manger, ce qui
augmentait la peur et l’effroi. » (in Tangi, 1994, p. 80).

70 Mais ces guerriers sûdân appartenaient aux troupes envoyées depuis l’Orient et avaient été
acquis par d’autres circuits de traite que les voies sahariennes.
71 C’est, semble-t-il, à partir du IXe siècle que l’on voit apparaître dans l’appareil militaire
hispano-umayyâde des milices, formées principalement de Berbères et, dans une moindre
mesure, de Sûdân achetés sur les marchés du commerce transsaharien. Lévi-Provençal (1953,
III, p. 177) remarque que les souverains umayyâdes eurent à toutes les époques une garde noire
et qu’elle était « spécialement nombreuse et richement équipée sous le règne d’al-Hâkam II
[961-976] ». Une partie de ce corps était à cheval, l’autre à pied. L’un de ses successeurs, al-
Mansûr (981-1002), « augmenta les effectifs de cette garde noire et recruta des Soudanais,
réputés pour leur endurance et leurs qualités de marcheurs émérites, pour constituer un corps
de courriers (rakkas) qui le suivaient dans toutes ses expéditions (Id.) ».
72 Enfin, lors du «  Vendredi de Zallâqa [Sagrajas]  » –  la victoire almoravide qui freina la
Reconquista en 1086 –, la garde sûdânaise, près de quatre mille hommes selon Ibn Khalliqân,
portant le fameux bouclier rond lamta en peau d’oryx80, est présentée comme un élément
déterminant du succès musulman. En effet, le fantassin qui rencontra en combat singulier
Alphonse VI, le blessa et l’obligea à se retirer du champ de bataille, était un Sûdân (Cuoq, 1975,
p. 197 ; Lagardère, 1989, p. 212 ; Tangi, 1994, p. 88, 318-319). De manière plus étonnante
pour cette époque des Sûdân étaient également présents dans l’armée d’Alphonse VI.

Les oasis-relais : points stratégiques des voies


commerciales
73 Le commerce transsaharien était une économie d’échanges lointains qui mobilisait des moyens
énormes en hommes, en animaux pour le transport, en marchandises, en capitaux, etc.
Cette économie d’échanges lointains était fondée sur l’existence d’un marché d’appel ou
de consommation de certains produits qui ne pouvaient venir que d’ailleurs (sel, cuivre, or,
esclaves, etc.) (Devisse, 1972, p. 397). En effet, le commerce transsaharien, vu les conditions
de traversée difficiles, voire périlleuses81, n’a pu exister que dans la mesure où il y avait
une complémentarité mutuelle irremplaçable entre produits du Nord et du Sud, chaque côté
encourageant simultanément la montée en puissance de l’autre. Ainsi, parce que les ibâdites
avaient leurs bases principales en Ifrîqiya, le commerce transsaharien et l’économie de
l’Ifrîqiya se développèrent de concert (Brett, 1969, p. 359).
74 L’organisation des flux commerciaux impliquait en outre l’existence d’États ou de villes
marchandes aux débouchés nord et sud de chaque axe transsaharien. Au nord, on peut citer
parmi ces pôles très actifs, même s’ils furent variables dans le temps : Fès, Marrakech, Tlemcen
et son port Huneyn près d’Oran, Kairouan, Tripoli, Le Caire. Au sud, on comptait également
des pôles et des États très actifs : Takrûr, Diafûn(u), Ghâna, Mâli, Gao, Kano, les capitales du
Bornû, Agadès, Tombouctou (créée au XIIe siècle par les Touaregs), etc. La création de grandes
villes relais ibâdites au haut Moyen Âge (Tâhert, Wâdî Rîgh, Sadrâta, Sijilmâsa, Ghadamès,
Zawîla…) constitue entre le milieu du VIIIe siècle et le milieu du XIe siècle un des éléments
du prodigieux mouvement urbain que connaît alors la Berbérie.
75 En effet, les problèmes logistiques auraient sans doute compromis le commerce transsaharien
s’il n’y avait eu des étapes-relais sur les routes commerciales entre le Bilâd as-Sudân, d’une
part, et le Maghreb d’autre part. C’était des havres, des lieux de repos, des endroits où changer
éventuellement de caravaniers, de guides ou d’escortes, des stations où s’approvisionner en
eau et en vivres frais, etc. On y trouvait en effet des ressources en eau abondantes, les dattes
fournissaient un aliment appréciable pour le voyageur et l’animal de transport. C’était aussi
parfois des points de rupture de charge des caravanes en provenance du Bilâd as-Sûdân, avant
leur régulation vers les ports caravaniers du nord – ainsi le Tuwât a-t-il joué un rôle majeur
dans la redistribution tous azimuts des esclaves. Les marchands pouvaient aussi acquérir dans
ces oasis-relais les produits du Bilâd as-Sûdân, notamment les esclaves, sans avoir à y aller.

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Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 18

C’est d’ailleurs une des caractéristiques du commerce du Sahara tout entier de ne se faire que
par des centres jouant le rôle d’intermédiaires successifs.
76 Ces oasis-relais pouvaient être éclatés en grappe lorsque les conditions le permettaient, grappes
dans lesquelles la plupart des villages contribuaient à la logistique des caravanes. C’était
le cas des oasis du Tuwât, en fait un véritable archipel d’oasis s’étendant sur presque 600
kilomètres et comprenant en réalité le Gourâra (Bellil, 1999), le Tuwât – surnommé « la rue des
palmiers » (plus de 200 kilomètres entre Bûdâ et Tawrirt) – et le Tidîkelt avec pour capitales
Timimoun et In-Salah, cette dernière ville se trouvant à vingt-six ou vingt-huit jours de marche
de Tombouctou. C’était également le cas du couloir d’oasis du Kawâr – s’étendant sur une
longueur de quatre-vingt kilomètres orienté nord-sud, mais d’un à cinq de large seulement –
qui occupent une position idéale à mi-chemin entre le Tibesti et l’Aïr, d’une part, et entre le
Fazzân et le bassin du lac Tchad, d’autre part. Cette voie était la plus belle route caravanière
du Sahara, malgré une zone de dunes qui se trouve entre Bilma et Dibela. Elle bénéficiait sur
un tiers de son parcours, entre le 18° et le 21° degré de latitude, de l’existence d’une nappe
d’eau à faible profondeur. En certains endroits cette eau affleure en sources abondantes qui
s’épanchent en mares, ailleurs elle est aisément atteinte par des puits rudimentaires (Lecœur,
1985, p. 5 ; Lewicki, 1990, p. 317 ; Thiry, 1995, p. 425).
77 Certains de ces relais se situaient dans la frange septentrionale (Tabelbala, al-Goléa, les oasis
du Sûf, Ghadamès), d’autres sur la frange méridionale (Tâdmekka, Bilma), d’autres enfin en
plein du cœur du désert, à mi-distance entre nord et sud (Adrâr, Tuwât, Tuggurt-Wâdî Rîgh, In
Salah, Fezzân, Kufra). Si Biskra et Ghadamès (la Cydamus des Anciens) préexistaient depuis
fort longtemps au commerce transsaharien, la plupart des grandes oasis ont été aménagées
comme relais par les ibâdites durant la phase de mise en place du système caravanier.
78 Je n’ai pas l’intention de discuter ici de l’antériorité de l’établissement d’un système
économique fondé sur la culture du palmier – qu’il s’agisse des Bafûrs des oasis du Sahara
occidental (Lucas, 1931), des Garamantes, des Harâtîn ou de populations plus anciennes82.
Cependant, s’agissant de la main-d’œuvre servile objet principal (avec l’or) du commerce
transsaharien, il me semble indispensable – sans parler du dur travail d’exhaure – d’évoquer
brièvement l’emploi de cette main-d’œuvre dans les systèmes d’alimentation en eau et de
cultures.
79 En dehors des oasis, groupées au pied de l’Atlas – qui sont le domaine des puits artésiens –,
les villages et les palmeraies des oasis, comme au Tûwât, irriguées par des foggâras83 ont été
fondés par « différentes fractions ibâdites, mu‘tazilites ou même juives de la grande branche
berbère des Zanâta (Lewicki, 1990, p. 321) ». Ce système hydraulique est attesté à une époque
relativement tardive –  presque deux siècles après les débuts du commerce transsaharien  –
puisque Echallier (1972) date du Xe siècle les plus vieilles installations dans le Tûwât. Elles
se développent entre les Xe et XIe siècles selon une chronique locale (Lô, 1953, p. 144) : un
Arabe, venu d’Égypte en passant par al-Andalus, aurait été le premier homme à creuser une
foggâra à Tamentît. Par la suite les foggâras se multiplièrent pour atteindre le nombre de trois
cent soixante en 900, selon le chroniqueur ; il ajoute qu’elles furent appropriées par les Juifs
de Tamentît (Id., p. 142)84.
80 On peut raisonnablement faire coïncider la mise en place de ce système d’irrigation avec
l’arrivée dans les palmeraies d’un nombre significatif d’esclaves ramenés du Bilâd as-Sûdân.
En effet, les foggâras nécessitent une main-d’œuvre abondante pour effectuer des travaux
de terrassement gigantesques  : elles vont capter l’eau à des distances qui varient entre 3
et 10 kilomètres  ; la profondeur de certains puits va au-delà de 40 mètres  ; les galeries
permettent au minimum la circulation d’un homme debout et, au début du XXe siècle, vers
la fin de la traite des esclaves, leur longueur additionnée dépassait les 3 000 kilomètres. Les
foggâras représentaient une entreprise collective sous forme d’association : les propriétaires
qui désiraient faire une foggâra groupaient leurs moyens, c’est-à-dire leurs esclaves. Le
partage de l’eau s’effectuait au prorata du travail investi, donc du nombre d’esclaves mis en
chantier (Id., p. 144-166). Ensuite, la foggâra imposait un entretien constant, curage et autres
travaux, également dispendieux en main-d’œuvre servile.

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Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 19

81 Toutefois, l’accès à l’eau et le travail de mise en œuvre des systèmes d’irrigation variaient
fortement d’une oasis à l’autre. Ainsi dans les oasis du Sûf, les palmiers étaient plantés dans
des bas-fonds sableux où leurs racines puisaient l’eau de la nappe toute proche. La solution
adoptée consistait, non à monter l’eau à la surface du sol pour en irriguer les arbres, mais à
abaisser le niveau du sol, donc à creuser un trou ou un entonnoir (ghut). Ailleurs, comme au
Mzâb, atteindre la nappe phréatique nécessitait le creusement de puits à très grande profondeur
– soixante à quatre-vingt mètres. Parfois, comme à Kufra, la solution technique pour utiliser la
ressource en eau ne demandait aucun effort. Dans ce dernier cas, on rencontrait partout, à une
profondeur variant d’un à trois mètres, une nappe aquifère abondante. Ces eaux souterraines
suffisaient à entretenir une végétation abondante et variée. Ce que je veux mettre en évidence
ici, c’est le fait que les solutions techniques d’accès à l’eau n’ont pas été sans incidences
sur le volume de la main-d’œuvre servile importée et l’ont même probablement conditionné.
Nul hasard dès lors si la population servile la plus abondante se trouvait dans les palmeraies
à foggâras. Bien sûr au Sûf, par exemple, le travail de remontée du sable des entonnoirs
supposait également une importante main-d’œuvre. Mais, dans ce cas, il semble que l’emploi
de salariés à la tâche libres ait été fort ancien en lieu et place des esclaves. Il en allait de même
dans la ville ibâdite de Sadrâta (Wârgla) où existait un ingénieux système d’irrigation (source
artésienne ‘ayn sfa) : des puisatiers expérimentés creusaient contre rémunération des puits de
captage d’eau à très grande profondeur (Anonyme, 1900, p. 208).

Trois remarques en guise de conclusion


Première remarque
82 Au Maghreb, à partir du milieu du Xe siècle, un État musulman s’est organisé au débouché
de chaque grand faisceau de routes méridiennes, points d’arrivée de l’or, des esclaves et des
autres produits et de leur redistribution vers la Méditerranée et vers l’Orient. Toute l’histoire
politique et dynastique du Maghreb s’ordonne autour de ces terminaux qui sont l’objet de luttes
féroces pour en acquérir le contrôle : lutte des Idrîsides, des Rustémides et des Aghlabîdes
au IXe siècle ; lutte des Idrîsides contre les Fâtimides au Xe siècle ; lutte des Fâtimides et des
Umayyâdes… (Lombard, 1971, p. 62, 115). Les luttes sont à la fois idéologiques, politiques,
économiques et tribales. Les luttes idéologiques opposent sunnites, shî‘ites et ibâdites ; les
luttes politiques et économiques opposent les Umayyâdes d’Espagne aux Fâtimides d’Ifrîqiya ;
les luttes tribales, économiques et religieuses opposent les Berbères sanhâja aux Berbères
zanâta85. En outre, la fondation d’un État shî‘ite en Ifrîqiya, celui des Fâtimides en 909, avait
scellé la scission du monde musulman en trois empires hostiles : le califat ‘abbâsside à Bagdad,
le califat fâtimide en Ifrîqiya et l’émirat umayyâde de Cordoue (Hrbek, 1990, p. 346).
83 Dans le Maghreb central, les Zanâta (et les plus redoutables d’entre eux, les Maghrâwa)
étaient les éléments avancés de la politique d’expansion des Umayyâdes d’Espagne qui, dans
leur péninsule, atteignent leur apogée avec ‘Abd ar-Rahmân  III (912-961) et al-Hakam  II
(961-976). Les Sanhâja (par ex., les Banû Zîrî, les Kûtama de Kabylie), de leur côté,
étaient « les fidèles soutiens des Fâtimides dont l’idéologie donne la nausée aux Umayyâdes,
foncièrement anti-shî‘ites (Pellat, 1950, p. IX). » De fait, la rivalité traditionnelle qui opposait
les Berbères zanâta aux Berbères sanhâja en raison des différences entre leurs modes de vie
(Ibn Hawqal, 1964, p. 80, 99, 101), leurs intérêts commerciaux et leur allégeance religieuse,
devint bientôt partie intégrante du duel auquel se livrèrent les deux grandes puissances de
l’islam de l’Ouest : Umayyâdes d’un côté, Fâtimides de l’autre.
84 Certes, ces deux empires n’avaient pas de frontières communes, mais ils n’en menèrent pas
moins une lutte mortelle pour l’hégémonie des pistes caravanières par l'intermédiaire de leurs
alliés berbères. C’est à Sijilmâsa, le point d’arrivée situé le plus à l’ouest, que les Fâtimides
s’efforcèrent d’intercepter le flux d’or soudanais si nécessaire à leur monnayage et à la
constitution de leur trésor de guerre pour la conquête de l’Égypte (Lombard, 1971, p. 65). De
leur côté, les Umayyâdes utilisaient l’or du Soudan pour acheter des esclaves slaves réexportés
vers l’Orient (Id., p. 85). Les Zîrides sanhâja, qui succédèrent aux Fâtimides, poursuivirent
la lutte contre les Zanâta qu’ils refoulèrent sur le Maroc, atteignant Sijilmâsa et s’emparant,

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finalement, mais pour peu de temps d’une grande partie du Maroc, soumis depuis quelques
années aux Umayyâdes. Il est impossible d’esquisser ici toutes les péripéties historiques de
ces luttes (Lévi-Provençal, 1950-1953, II, p. 78-110 ; Terrasse, 1949, I, p. 135-192 ; Idris,
1962, p. 743 et suiv. ; Devisse, 1970, p. 141-150 ; Hrebk, 1990, p. 350). Quoi qu’il en soit,
au cours du Xe siècle, toute la bordure septentrionale du Sahara resta entre les mains des
Zanâta, qui contrôlaient toujours les points d’arrivée du commerce caravanier, en particulier
des esclaves, avec la région du lac Tchad et Gao. D’ailleurs, dès la fin du Xe siècle, les Zîrides se
désintéressèrent de l’Ouest maghrébin et il est probable qu’ils traitèrent avec les ibâdites pour
assurer l’approvisionnement de leur corps d’armée en esclaves (voir supra). Au milieu du XIIe
siècle, az-Zuhrî indique encore que c’est par Wârklân (Wârgla) que « passent les exportations
du Sahara en esclaves (‘abîd) et serviteurs (khadam) […] » (Cuoq, 1975, p. 116).
85 Finalement, au XIe siècle, les Lamtûna sanhâja, sous le nom d’Almoravides, furent les premiers
à lever toutes les barrières politiques, religieuses, commerciales en établissant un empire allant
du Sud du Sahara jusqu’à l’Al-Andalus86. À l’origine de ces transformations géopolitiques, se
trouve indéniablement le commerce saharien qui fut le moteur de la promotion politique et
religieuse des Lamtûna. Ils s’emparent du terminal sud d’Âwdâghust (1054-1055) (la « Cité
des cités  »), ils s’emparent du relais de Sijilmâsa (1056) et, enfin, ils s’emparent de toute
la voie extrême occidentale, sans cependant détruire Ghâna (Moraes Farias, 1967 ; Conrad et
Humphey, 1982-1983) comme certains le croient encore.

Deuxième remarque
86 La grande contribution des marchands-missionnaires berbères ibâdites à l’islam fut
d’introduire la religion musulmane au Sud du Sahara bien avant les sunnites. Il convient
d’insister sur ce point dans la mesure où des manuels tardent encore à reconnaître le
prosélytisme ibâdite (Triaud, 1973, 1995). Selon az-Zuhrî, dès le milieu du VIIIe siècle
les habitants de la ville de Zâfûn seraient devenus musulmans, mais, dit-il, d’une «  secte
(madhhab) qui les fit sortir de la Loi  » (Cuoq, 1985, p.  121-122), c’est-à-dire l’ibâdisme.
Dans l’ouvrage ibâdite le plus ancien que nous connaissions (vers 1106-1107), celui d’Abû
Zakarîyâ’ al-Wârghlânî, l’auteur évoque le rôle joué dans la conversion du roi de Mâli par
un pieux ibâdite originaire du Sud tunisien, son arrière-grand-père, ‘Alî b. Îklaf ad-Darghînî.
Attribution fausse selon Schacht (1954, p.  22) qui, cependant, considère que la première
forme d’islam introduite à Mâli, et plus largement au Soudan, était effectivement ibâdite. La
prétendue conversion des populations soudanaises attribuée aux Almoravides par la tradition
sunnite dominante a consisté en fait à leur imposer l’islam mâlékite orthodoxe.
87 Schacht fait la démonstration par l’architecture de l’antériorité de la propagation de l’islam
par les ibâdites. Ainsi, la diffusion au Soudan du « minaret à escalier » dit « saharien » est due
à leur influence. Ce minaret typique provient du Sud tunisien par la voie de Wârgla. L’absence
de minbar (chaire) à l’intérieur de la mosquée représente une infraction à la doctrine mâlékite
stricte, mais s’explique parfaitement par la doctrine ibâdite. En effet, si les ibâdites n’ont pas
de minbar dans leurs mosquées, c’est pour une bonne raison :

« ils ne peuvent pas faire la prière du vendredi, qui se distingue des autres prières
rituelles obligatoires par la khot’ba [sermon délivré par l’imâm] du haut du minbar,
parce que depuis la chute de leur imâmat, ou État indépendant de Tâhert en 296/908
[en fait, en 297/909], ils n’ont pas d’imâm, chef plutôt politique que religieux de
leur communauté, sous les ordres duquel la prière rituelle du vendredi doit être
faite. » (Id., p. 16).

88 Et Schacht extrapole et conclut que la dynastie songhay sous le règne de Sonni Alî Ber, au
XVe siècle par conséquent, était probablement ibâdite. Une idée reprise et développée par Rey
(1994) et réfutée par Hunwick (1999, p. 8, note 4), qui résume la position déjà ancienne des
historiens sur ce point : une des accusations proférées par l’auteur du Tarikh es-Sûdân pour
noircir la mémoire de Sonni Alî, le déconsidérer et justifier le renversement de sa dynastie.

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Troisième remarque
89 L’étude des rapports de force entre groupes venus du Nord et sociétés africaines
subsahariennes devrait, comme pour les deux remarques précédentes, faire l’objet d’un autre
article. J’en esquisse les grandes lignes. Lorsque les négociants du Nord arrivent au Bilâd
as-Sudân, ils se trouvent en présence d’États déjà constitués, bien organisés, pourvus de
centres urbains et maîtrisant des échanges inter-africains à longue distance grâce à une classe
de marchands spécialisés, les Wangara. C’est pourquoi, contrairement à une idée reçue,
l’expansion musulmane n’a pas été à l’origine de la formation de l’État au Sud du Sahara.
90 Certes, le réseau des échanges vers le nord est une création des Berbères ibâdites et le trafic
transsaharien provoqua un essor inédit du commerce des esclaves et des autres produits, mais
les États soudanais conservèrent l’entière maîtrise de leurs échanges extérieurs. Le contrôle
par Ghâna jusqu’au XIe siècle du terminal caravanier d’Âwdâghust et la nomination d’un
gouverneur soninké chargé de superviser le pouvoir des commerçants berbères en constitue
un bon exemple. Par ailleurs, il est très probable que tous ces États – dont seules les élites
étaient islamisées – limitèrent ou freinèrent les conversions des animistes à l’islam afin de ne
pas créer de difficultés économiques pour le pays et de pouvoir ainsi continuer à alimenter
le lucratif commerce des esclaves. On le sait avec certitude pour le Kânem dont le roi et
l’aristocratie zaghâwa au tout début du XIe siècle cessèrent d’encourager l’islamisation – un
musulman ne peut être réduit en esclavage – parce qu’ils peinaient à rassembler des esclaves
en quantité suffisante à cause de la conversion d’un nombre trop important de païens. Or,
l’essentiel des échanges commerciaux du Kânem, son poumon économique, dépendait d’une
demande régulière d’esclaves. Le même Kânem, afin de surveiller les intermédiaires et limiter
le nombre des courtiers, étendit à plusieurs reprises son contrôle sur les oasis qui jalonnaient
la voie orientale du Sahara vers Zawîla.
91 Finalement, la stricte division du travail entre tous les acteurs du commerce transsaharien, en
particulier entre producteurs d’esclaves au Sud, convoyeurs au Sahara et vendeurs d’esclaves
aux terminaux nord mettait, en principe, les États africains à l’abri d’une intervention
étrangère. Et de fait, c’est seulement très tardivement, au XVIe siècle, en 1591, que les
Marocains conduisirent une expédition victorieuse contre l’empire songhay afin de prendre le
contrôle des routes du sel, de l’or et des esclaves.

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Notes
1 Dawâ’ al-gharab al-qatrân, dawâ’ al faqr as-Sûdân  : proverbe saharien (Daumas et Ausone de
Chancel, 1848, p. 5).
2 Pour Desanges (1991, p. 254), les témoignages sur des relations par des voies transsahariennes sont si
rares, tant pour l’époque punique que pour l’époque romaine, « qu’on ne peut considérer ces relations
comme un fait historique de quelque importance ».
3 De la chute de Carthage en 146 avant notre ère à l’arrivée des Vandales en 439 de notre ère.
4 En nombre considérable. Ainsi, pour l’inauguration de l’amphithéâtre Flavien à Rome (le Colisée) en
80 de notre ère, neuf mille bêtes furent combattues (Salama, 1980, p. 567).
5 Encore signalé par Pline (Histoire naturelle, V, 26 et VIII, 32) dans le Sud tunisien, l’éléphant a disparu
d’Afrique du Nord vers la fin du Ier siècle de notre ère.

L’Année du Maghreb, VII | 2011


Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 26

6 Je rends hommage ici aux travaux du grand historien polonais Tadeusz Lewicki. Ils ont permis de
redécouvrir les sources ibâdites tenues dans l’ombre pendant des siècles par l’orthodoxie sunnite.
7 Même idée chez Devisse (1972, p. 54). Voir infra cependant les échanges avec al-Andalus. Lorsqu’on
sait que dès le XIe siècle un produit comme la gomme (samgh) était récolté et exporté depuis Âwdâghust
vers al-Andalus (al-Bakrî, 1968, p. 52), qu’en était-il des esclaves ?
8 L’historiographie classique, de Braudel à Devisse, obsédée par l’or du Soudan n’a pendant longtemps
considéré que ce seul produit et superbement ignoré les esclaves.
9 Au XIIIe siècle la décadence almohade se trouve largement compensée par le dynamisme de Mâlî.
10 Voir les épitaphes des stèles funéraires en marbre retrouvées à Sané dans le style alphabétique coufique
almoravide de la région d’Alméria. La plus ancienne dédiée à Abû ‘Abd Allâh Muhammad est datée du
6 novembre 1100 (Sauvaget, 1950, p. 419).
11 À partir du XIIIe siècle, au plus tard, il y eut des esclaves noirs dans les pays de la Couronne d’Aragon
(Dufourcq, 1966, p. 138).
12 En 1240, les Banû Zayyân (originaires du Gurâra) se séparent violemment de l’empire almohade.
Tlemcen, où se trouvent établies dans des fundûqs toutes les nations commerçantes de la Méditerranée
(les Génois fréquentent la ville dès le XIIe siècle), devient l’entrepôt obligé des caravanes venant de Fès
et de Sijilmâsa. Al-Idrîsî parle de cette ville richissime comme de la « clef du Maghreb occidental ».
Les marchands chrétiens y achetaient des esclaves noirs qu’ils allaient revendre à Tunis, à Tripoli ou
en Égypte.
13 Hady Roger Idris, « Le récit d’al-Mâlikî sur la conquête de l’Ifrîqiya (Extrait du Riyâd an-Nufûs) »,
Revue des études islamiques, XXXVII, I, p. 147.
14 Au Xe siècle à Cordoue les esclaves blanches étaient présentées comme franques, galiciennes et
berbères (Lévi-Provençal, 1953, III, p. 314).
15 Même notation chez Ibn Khaldûn (1925, I, p. 168).
16 Voir Yâqût, Mu’gam al-Buldan…. Variante dans al-Qazwînî (p. 164), le Prophète aurait dit : « Je
préfère faire l’aumône de ma seule part de nourriture que de libérer un esclave berbère » (cité par Thiry,
1995, p. 323).
17 Demougeot (1960) relève une diffusion tardive du dromadaire au Sahara, particulièrement au Sahara
occidental.
18 Voir Avraham L. Udovitch, art. « Kîrâd », EI2, V, p. 132-133.
19 Voir, par exemple, pour le commerce transsaharien entre le Tuwât et le Caire le plus ancien document
connu, une lettre du 15 mai 1235 (Oliel, 1994, p. 71-77).
20 À l’exemple du père du fameux révolté Abû Yazîd (cf. infra).
21 Les « risques courus » sont probablement ceux que l’on encoure à commercer avec des païens comme
l’avertissait déjà son prédécesseur, Abî Zayd al-Qayrawânî (m. 996) : « Il est blâmable (yukrahu) d’aller
faire du commerce en territoire ennemi et au Sûdân (cité par Thiry, 1995, p. 467). » Probablement parce
que les commerçants musulmans étaient astreints, en toute illégalité islamique, comme à Âwdâghust ou
à Ghâna, à une position dépendante par rapport à des chefs animistes (Triaud, 1995, p. 398).
22 Une vulgate fautive mais fort répandue ajoute  : «  fut-il un esclave abyssin  ». Affirmation
singulièrement erronée parce qu’un esclave n’est pas maître de lui-même. Crone (1994) tord
magistralement le cou à cette fausse interprétation. En revanche, le premier imâm de Sijilmâsa, ‘Îssâ
b. Yazîd al-’aswad, comme l’indique son nom, était de mère soudanaise et de père ibâdite (Fekhar, 1971,
p. 86).
23 Pour les différences religieuses entre ces sous-sectes (firaq), voir Fekhar (1971, p. 361-372).
24 L’apparition de la secte date de 684-685. Les ibâdites se donnent eux-mêmes le nom de as-shurât
(« Les vendeurs », réf. coranique : ceux qui ont vendu leur âme pour la cause de Dieu). Les premières
tribus berbères gagnées à l’ibâdisme furent les Zanâta de la Tripolitaine occidentale et les Nafûsa.
25 Parmi les autres petits groupes on trouvait les fartiyya à Wârgla, les nafâthites dans le Jarîd tunisien,
vis-à-vis de l’île de Djerba, et dans le Jabal Nefûsa, les khalafites (surtout parmi les Berbères zawâga)
en Tripolitaine où d’ailleurs ils existent encore.
26 Lewicki (1970) avance la date de 735/736-739/740 pour le début du processus d’islamisation de ces
tribus berbères, processus se poursuivant jusqu’au milieu du XIe siècle avec la constitution définitive de
la fédération almoravide.
27 Au milieu du XIIe siècle, al-Idrîsî, décontenancé, donne une description de leur extrême souci de
pureté, mais constate « néanmoins » l’hospitalité des Djerbiens ibâdites à l’égard des étrangers (Dozy
et De Goeje, 1968, p. 152).
28 Sous la domination romaine et byzantine, les Berbères christianisés manifestaient déjà des tendances
schismatiques : donatistes et circumcellions.

L’Année du Maghreb, VII | 2011


Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 27

29 On a étendu arbitrairement la révolte à toute l’Afrique du Nord. En réalité, elle mit en effervescence
le Maroc septentrional et l’ouest du Maghreb, jusque vers Tlemcen.
30 Ibn Khaldûn (1925, I, p. 216) : « Les Berbères […] se soulevèrent bientôt, quand ils eurent appris que
le vainqueur les regardait eux-mêmes comme un butin acquis aux musulmans et qu’il se proposait en
conséquence de prendre le cinquième de leur nombre [pour en faire des esclaves] ». De même, parmi les
motifs du soulèvement l’obligation de « fournir des prestations composées de belles esclaves berbères,
de toisons couleur de miel et des produits du Maghreb les plus rares » (Id., p. 237 ; an-Nuwayrî, id.,
p. 359-360).
31 Beaucoup de tribus berbères avaient d’abord adopté le judaïsme, comme les Nafûsa, pour se convertir
ensuite au christianisme (M. Talbi, art. « Al-Kâhina », EI2, IV, p. 440-441).
32 On y trouvait également beaucoup de juifs à l’instar du grammairien hébreu Judah ibn Quraysh
(Shinar, 1982, p. 86).
33 À l’époque qui nous intéresse la sebhka d’Ijîl n’était pas encore en activité. Mauny (1967, p. 327)
situe le début de son exploitation entre 1068 et 1455.
34 Supplanté au XIIIe siècle par Tamentît à la suite des brigandages des nomades.
35 Comme le remarque Dufourq (1966, p. 141) pour une période un peu plus tardive, la route de l’or et
des esclaves était aussi une route juive : de Barcelone, de Valence, de Majorque, en passant par Tlemcen,
jusqu’aux oasis du Sahara. En 1353, lorsque fleurit l’école cartographique juive des Baléares, Angelino
Dulcert est en mesure d’inscrire sur son planisphère la piste reliant Sijilmâsa à Walâta dans le Hodh
mauritanien, via Bûdâ dans le Tuwât.
36 S’applique aux écrits venant du dépôt de la « Synagogue des Palestiniens » à al-Fustât et, dans une
moindre mesure, du cimetière d’al-Basâtîn, près de cette ancienne ville.
37 Goitein (I, p. 211) précise qu’un certain nombre d’activités ne sont pas représentées dans les papiers
de la Geniza, comme la traite des esclaves : « The slave trade, in the ninth century still partly in Jewish
hands, is not represented in the “classical” Geniza at all. »
38 La première apparition de ce catalogue date de 1867 dans un texte de Ab. Cahen (voir bibliographie),
grand rabbin de la province de Constantine. Voir également Oliel (1994, p. 13-18) qui emploie volontiers
le terme de Judéo-berbères (1994, p. 17, 28, 29, 138…).
39 Je reprends l’idée à Valensi et Udovitch (1980, p. 774) à propos de la revendication par les Juifs de
Djerba d’une « migration initiale collective [qui] constitue le groupe et donne à l’individu, de manière
irrévocable, l’obligation et le sentiment d’appartenir à ce groupe. » Par ailleurs, Bellil (1999, p. 71) note
que la distinction radicale établie par l’islam entre juifs et non juifs a produit une situation dans laquelle
« il devient impensable d’affirmer en même temps son appartenance au groupe ethno-culturel berbère
et au judaïsme ».
40 On se souvient de la lettre adressée par le vizir d’origine juive de ‘Abd ar-Rahmân  III, Hasday
b. Saprût, au roi des Khazars.
41 Hirschberg (1963), pour qui les Juifs ne faisaient pas de prosélytisme, considère que s’il y eut jamais
des Berbères judaïsants, ils ne représentèrent qu’une infime minorité.
42 Plus exactement, l’auteur, acquis à la représentation de l’historiographie classique, parle de
« premières arrivées de Juifs et de Berbères ». Slouschz (cf. bibliographie) fut le premier, dès 1908,
à employer le terme de Berbères juifs, tout en restant cependant un « sioniste ethnocentriste » (Sand,
2008, p. 288).
43 Une autre fut construite en 725, voir Lewicki (1990, p. 329).
44 En fait, la prétendue origine cananéenne des Berbères conserve le souvenir de l’ancienne expansion
phénicienne en Afrique (Camps, 1979).
45 Sahlân b. Abraham, le chef de la communauté juive irakienne au Caire se maria, le 9 septembre 1037,
avec la fille du juge en chef juif de Sijilmâsa, etc. (Goitein, id.).
46 Voir Shinar (1982, p. 86) qui note qu’il y a d’importantes affinités doctrinales entre le khârijisme et
le qaraïsme dues à une même source d’inspiration, le mu‘tazilisme.
47 « Les marchands qui partent de l’Espagne ou de la France se rendent au Sous al-Akça (le Maroc actuel)
et ensuite à Tandja (Tanger), d’où ils se mettent en marche pour Ifrykia (c’est-à-dire al-Kairawân) et la
capitale de l’Égypte. De là, ils se dirigent vers ar-Ramla, visitent Damas, al-Koufa, Bagdad et al-Baçra,
traversant l’Ahwâz, Fâris (la Perse), le Kirmân, le Sind, le Hind et arrivent à la Chine (Ibn Khurradâdhbih,
1967, p. 115). » Les renseignements d’Ibn Khurradâdhbih, chef de la poste et du renseignement à Bagdad
puis à Samarra, peuvent être considérés comme très fiables.
48 Appelées mawâsim, littéralement « à date fixe » (comme pour les foires périodiques), elles passaient
en janvier et en août à Qayrawân en Ifrîqiya. Les Rhâdânites se rassemblaient dans un sûq près du Sûq
al-Yahûd (marché des Juifs).

L’Année du Maghreb, VII | 2011


Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 28

49 D’al-Andalus on importait de l’huile d’olive en échange de blé, d’orge, de fèves, de pois et de bestiaux
(Dozy et De Goeje, 1968, p. 83-84), de bétail, de laine, de cuirs, de cire, de miel et de cuivre (Lombard,
1971, p. 71). Al-Idrîsî ne parle pas d’esclaves, mais il est probable qu’au moins certains d’entre eux
transitaient par cette voie.
50 Le même az-Zûhrî signale le passage dans al-Andalus de chefs de Ghâna se rendant en pèlerinage à
La Mecque (Cuoq, 1984, p. 56-57). Or, on le sait, tous les pèlerins à cette époque voyageaient avec des
esclaves utilisés pour leurs dépenses comme des sortes de… travellers chèques.
51 Ceuta était spécialisé dans la fabrication de perles de corail dont la majeure partie était exportée vers
le Soudan (al-Idrîsî, 1999, p. 249).
52 Pour une vue complète des itinéraires sahariens, voir Thiry (1995, p. 399-431).
53 J’emploie ailleurs par commodité l’expression « auteurs arabes » sachant que s’ils écrivaient en arabe
ils n’étaient pas tous « Arabes », à l’instar d’Ibn Battûta, un Berbère, ou musulman, comme Yâqût né
en territoire byzantin de parents grecs.
54 En réalité le chiffre était probablement supérieur. Ainsi le fameux baqt imposé aux Nubiens en vertu
de la trêve conclue avec eux se composait de 365 esclaves, plus 40 esclaves pour le gouverneur de
l’Égypte, 20 pour son délégué à Assouan, chargé de la perception de ce baqt, cinq pour le juge de cette
ville qui assiste le délégué à la réception, enfin 12 pour les douze notaires qui servent d’assesseurs au
juge en cette occasion (al-Mas‘ûdî, 1971, p. 333, § 882), soit au total 442 esclaves.
55 Des notables ibâdites du Jabal Nafûsa parlaient la langue du Kânem. Il en fut ainsi de Abû ‘Ubayda
‘Abd al-Hamîd al-Ghannâwnî, gouverneur de Nafûsa sous les Rustamides, qui vécut à la fin du VIIIe et
au début du IXe siècle (Lewincki, 1960, p. 13 ; Fekhar, 1971, p. 89).
56 Également signalé par Ibn al-Faqhî en 903 (Hadj-Sadok, 1949).
57 Appelées al-khadim al-samrâ’ al-muwallada. Des Berbères étaient issus de mariages mixtes avec des
Byzantins. Ainsi, la fameuse al-Kâhina aurait contracté mariage avec un Grec.
58 Al-Ya‘qûbî (872) est le premier auteur arabe à mentionner Gao. Il parle d’un itinéraire unissant
l’Égypte à Gao par Maranda.
59 C’est par cette voie que l’on exportait les dattes du Zâb au Soudan. En outre, Wârgla était relié, dès
la seconde moitié du VIIIe siècle, avec Sijilmâsa (Lewicki, 1983, p. 88, 89).
60 La ville est mentionnée pour la première fois à l’époque du calife umayyâde Hicham b. Abî al-Mâlik
(724-743) sous le nom de Wârklân (Lewicki, 1990, p. 308).
61 Selon le texte d’Ibn as-Saghîr, un commerçant qui résidait à Tâhert. Il écrit vers 902-903 (Cuoq,
1985, p. 55).
62 Abû Yazîd Makhlad Ibn Kaydâd appelé communément Abû l-himâr, l’« homme monté sur l’âne ». Sa
couleur devait être notable puisqu’il était surnommé al-Habashi al-aswad [l’Abyssin noir]. Il est mort
le 20 août 947. Son père était un Berbère zanâta des Banû Ifran, originaire de Taqyûs (ancienne Thiges
non loin de Tozeur) dans le Jerîd. Voir notamment, Le Tourneau (1953), Dachraoui (1981, p. 165-182).
63 En 909, par l’armée fâtimide, en particulier grâce aux éléments de Berbères kutâma de Kabylie
convertis au shî‘isme.
64 Les ibâdites du Mzâb vinrent de Wârgla ainsi que le premier noyau juif (Shinar, 1982, p. 88, note
34). Les villes étaient déjà habitées par des mu‘tazilites. Certains groupements juifs se convertirent à
l’ibâdisme (Fekhar, 1971, p. 20, 216).
65 Il indique, en particulier, que la piste fit l’objet d’aménagements à l’époque du gouverneur umayyâde
de l’Ifrîqiya, ‘Abd ar-Rahmân b. Habîb. Ce dernier fit creuser trois puits sur cet itinéraire, preuve de
l’intérêt étatique pour le commerce transsaharien.
66 Il se rendit en Ifrîqiya probablement entre 876 et 889.
67 Mais selon la généalogie des protagonistes, les faits remontent au milieu du XIe siècle (Lewicki, 1960,
p. 17, note 21). Texte arabe dans Id., p. 10-11.
68 Litt., des « biens silencieux » (sâmit), voir Fekhar (1971, p. 101, 102).
69 Par exemple, ‘Abd ar-Rahmân Ibn Rustem (776-777-784-785) à Tâhert avait des esclaves noirs (Abû
Zakarîyâ’, 1985, p. 105 et 107, trad. p. 146 et 148).
70 Al-Bakrî (Id., p. 117) décrit la même maladie épargnant les Noirs dans la ville de Bône. La précision
se révèle particulièrement intéressante car c’est une des très rares notations sur la présence de Noirs dans
une ville du Nord.
71 Musca (1978, p. 70-71) émet des doutes sur la capacité de deux navires à transporter 3 000 captifs.
Quant à ces captifs, il s’agit probablement du produit de la razzia menée pendant le carême 867 dans la
principauté de Bénévent et de Campanie intérieure.
72 Le calife al-Mu‘izz aurait fait produire une fatwâ qui accordait à tout esclave converti au shî‘isme
le statut juridique d’homme libre (Idris, 1962, p.  576). Pour une micro-prosopographie des hauts

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fonctionnaires noirs dans l’administration fâtimide d’Ifrîqiya (Xe siècle), comme le général des armées
Fâtik al-khâdim al-aswad, voir Mohamed Meouak (2011).
73 Au début de l’invasion hilâlienne ce corps de troupe aurait été porté à 30 000 esclaves (mamlûk)
(Idris, 1962, p.  211, 530). Peut-être en partie par recrutement forcé de la main-d’œuvre agricole (et
d’affranchis ?), car on signale l’existence d’un agent recruteur, appelé hâshîd as-Sûdân, chargé d’enrôler
de force des Sûdân.
74 Slane, le traducteur d’an-Nuwayrî (note 1, p. 425), pense que ces mawâlî « étaient probablement les
descendants des esclaves nègres que le premier souverain aghlebide [Ibrâhîm Ier] avait installés » dans
la ville d’‘Abbâsiya (voir supra).
75 Il meurt au combat, en 894, contre les Nefûsa (an-Nuwayrî, p. 430).
76 Les soldats sûdân de l’armée fâtimide, partie à la conquête de l’Égypte, étaient d’ailleurs appelés
Zawîla, du nom du marché où ils étaient achetés, et leur cantonnement dans la nouvelle capitale du Caire
reçut le même nom.
77 Nous savons qu’en 893 Ibrâhîm II enleva aux Berbères du Qamuda leurs chevaux, peut-être pour
monter sa garde noire (Vanacker, 1973, p. 674).
78 Ce fut seulement en 839 que les Aghlabîdes réussirent à rompre le blocus rustamide et à occuper
partiellement le couloir ibâdite qui liait Tâhert avec la Tripolitaine (Lewicki, EI2, III, p.  676) et à
s’imposer en Tunisie méridionale. Voir également Thiry (1995, p. 162-164).
79 On trouvera dans Tangi (1994) de très nombreuses et précieuses indications.
80 Ces boucliers, spécialité des Berbères sahariens, représentaient un gros article d’exportation. D’abord
signalés par Ibn Hawqal (1964, p. 91), ils apparaissent ensuite régulièrement dans les textes parmi les
ventes vers le Nord. Ibn al-Faqîh (vers 903), qui en rapporte la fabrication (Cuoq, 1975, p. 54), dit qu’ils
n’ont pas leur pareil. Ces boucliers, appelés adargas en espagnol (de l’arabe daraq), ont été immortalisés
par Cervantes aux premières lignes de son Don Quichotte (Monteil, 1968, p. 107).
81 Le citadin Ibn Khaldûn (1925, I, p. 193) donne sa définition du Sahara : « vaste région qui s’étend
jusqu’au pays des Noirs et consiste en déserts où l’on s’expose à mourir de soif. »
82 Pour Desanges (1962, p.  16), des Éthiopiens sont encore signalés sur la bordure saharienne du
Maghreb par Ammien Marcellin au IVe siècle et par Paul Orose au Ve siècle et « il n’est pas impossible
que certains Noirs des oasis du Djerid, du Souf ou du Fezzan, soient leurs descendants ». Camps (1985,
p. 180) opte pour une « origine étroitement autochtone des Haratin descendants des Éthiopiens, plus ou
moins métissés au cours des derniers millénaires avec des éléments méditerranéens dans le nord et le
centre du Sahara et avec les négroïdes soudanais dans la partie méridionale et occidentale ».
83 Les oasis irriguées par des foggâras forment un ruban long de quelque 1 200 kilomètres entre l’Atlas
saharien de Figîg d’une part et le Tidîkelt d’autre part.
84 Ils en étaient en tout cas les maîtres d’œuvre, employant pour ce faire le travail des esclaves (Oliel
1994, p. 44, 66, 143). Ibn Battûta est le premier à mentionner le Tûwât. Ses prédécesseurs n’en parlent
pas.
85 Zerouki (1987) relativise la division classique établie par Ibn Khaldûn entre Sanhâja et Zanâta et
reprise par l’historiographie. Il relativise de même l’équivalence Zanâta égale khârijisme  : au début,
les Berbères rejoignirent en masse le nouveau mouvement religieux  ; les distinctions ne s’établirent
véritablement qu’à partir des Fâtimides.
86 Toutefois aux Xe-XIe siècles, les ibâdites des Banû Barzal instaurèrent un imâmat dans al-Andalus
(Carmona, Ecija et Almodovardelrio) qui restait en relation avec les ibâdites sahariens (Fekhar, 1971,
p.  75-76, 79-80). Au XIe siècle, des Zenâta cherchèrent à réintroduire l’ibâdisme dans la région de
Saragosse et les seigneurs zenâta de Carmona étaient célèbres par leur ibâdisme (Pérès, 1953, p. 94, 95).

Pour citer cet article

Référence électronique
Roger Botte, « Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge :
e e
VIII -XI siècle », L’Année du Maghreb [En ligne], VII | 2011, mis en ligne le 01 janvier 2013, consulté
le 04 juin 2013. URL : http://anneemaghreb.revues.org/1106 ; DOI : 10.4000/anneemaghreb.1106

Référence papier

Roger Botte, « Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen
Âge : VIIIe-XIe siècle », L’Année du Maghreb, VII | 2011, 27-59.

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Les réseaux transsahariens de la traite de l’or et des esclaves au haut Moyen Âge : VIIIe (...) 30

À propos de l'auteur
Roger Botte
Centre d’études africaines EHESS-IRD.

Droits d'auteur
© Tous droits réservés

Résumés
 
Du VIIIe au XIe siècle, sous l’impulsion des Berbères ibâdites, le commerce transsaharien de l’or
et des esclaves prend son essor. Les Berbères mettent en place un vaste « écran schismatique »
grâce à la création de grandes cités commerciales : Zawîla, Wârgla, Tâhert, Sijilmâsa, etc.
Ils détiennent le monopole sur les trois grands faisceaux de routes transsahariennes nord-sud
reliant le Maghreb à l’Afrique. Simultanément, une chaîne ininterrompue de communautés
juives épouse presque parfaitement l’arc schismatique ibâdite. L’organisation des flux
commerciaux impliquait l’existence d’États ou de villes marchandes aux débouchés nord et
sud de chaque axe transsaharien et une complémentarité mutuelle irremplaçable entre produits
du Nord et du Sud. Les problèmes logistiques auraient sans doute compromis ce commerce s’il
n’y avait eu des oasis-relais entre le Soudan et le Maghreb. Des indices convergents dessinent
une traite déjà bien affirmée dès le milieu du VIIIe siècle, mais les sources restent discrètes sur
le nombre d’esclaves déportés et leur utilisation.

The trans-Saharan networks of gold and slave trade in the early


Middle Ages: eighth through eleventh centuries
The trans-Saharan gold and slave trade developed between the eighth and eleventh centuries,
under the leadership of Ibadi Berbers. Berbers set up a large “schismatic screen” by
creating large commercial cities: such as Zawîla, Wârgla, Tâhert, Sijilmâsa etc. They had
a monopoly over the three main North-South trans-Saharan routes linking the Maghreb to
Africa. Simultaneously, an unbroken chain of Jewish communities settled almost exactly along
the Ibadi schismatic arch-shaped path. The organization of trade flows required the existence
of States or market towns at the north and south ends of each trans-Saharan axis as well as
irreplaceable mutual complementarity between products from the North and those from the
South. Logistical problems may have compromised the trade if it hadn’t been for the existence
of oases between Sudan and the Maghreb. Signs converge to reveal that a slave trade was
already in place by the mid-eighth century, but sources are discrete as to the number of slaves
deported and their use.
 
‫بين القرنين الثامن والتاسع وتحت تمدد الأمازيع الإباضيين كانت قد‬
‫ازدهرت تجارة الرقيق والذهب العابرة للصحراء الكبرى حيث قام الأمازيغ بإنشاء‬
،‫ ورقلة‬،‫طيف انشقاقي واسع وذلك عن طريق إنشاء مدن تجارية كبرى كزويلة‬
‫ فقد كانوا يتحكمون بثلاث مجموعات كبيرة من‬.‫ وغيرها‬..‫تاهرت وسجلماسة‬
‫الطرق العابرة للصحراء من الشمال باتجاه الجنوب والتي تربط المغرب العربي‬
‫ في ذات الوقت كان هناك سلسلة غير منقطعة من التجمعات اليهودية‬.‫بإفريقيا‬
‫ إن تنظيم‬.‫التي تلتقي تماماً مع مناطق تواجد الفرق الانشقاقية الإباضية‬
‫التدفق التجاري يعني تواجد دول أو مدن تجارية في الأطراف الشمالية أو الجنوبية‬
‫لكل محور عابر للصحراء وكذلك تكامل غير قابل للاستبدال بين منتجات‬
‫ إن المشاكل التنظيمية كانت ستتأثر سلباً على هذه‬.‫الشمال ومنتجات الجنوب‬
.‫التجارة لولا وجود الواحات التي لعبت دور المحطات بين السودان والمغرب العربي‬
‫كثير من الدلائل بدأت بالظهور تدل على تجارة قائمة منذ أواسط القرن الثامن‬
‫ولكن المراجع تبقى غير واضحة فيما يتعلق بعدد الرق المُرَحَلين وكيفية‬
.‫استخدامهم‬

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Entrées d'index

Mots-clés : Berbères, esclaves, Juifs, khârijites ibâdites, traite transsaharienne


Keywords : Berbers, slaves, Jews, Kharijites Ibadi, trans-Saharan
Géographie : Sahara
‫ ااااا ااااا‬,‫ ااااااا اااااااا‬,‫ اااااا‬,‫ اااا‬,‫اااااااا‬ : ‫فففف ففففففف ففففففففف‬
‫ااااااا‬

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