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LES ONG ONT BESOIN D’EXPERTS

Les Organisations-Non-Gouvernementales ont besoin d’experts


en organisation et sécurité
Marc LE BRIZE, cadre en entreprise puis en ONG

Le monde des ONG


Jusqu’au XIXème les «Charités» ou «Fraternités» laïques ou religieuses secouraient les déshérités. L’abandon des blessés
lors de la bataille de Solférino amena Henri Dunant à créer la Croix Rouge en 1866, 1 ère organisation internationale neutre,
la 1ère ONG garante des Conventions de Genève. Chaque guerre amena la création de nouvelles entités laïques (Oxfam,
Care…) ou religieuses (WorldVision).

Les années 1970 virent la création d’un nouveau concept : le «sans-frontiérisme», créé par des Médecins retour du Bia-
fra en 1969/70, dénonçant les non-interventions de la Croix-Rouge qui, respectant les accords gouvernementaux au nom
de son «principe de neutralité», limitait ses actions vers les populations en danger. Médecins-Sans-Frontières MSF naquit
en 1971 puis Médecins du Monde MDM, Action Contre la Faim ACF, Handicap International HI, Pharmaciens Sans Frontière
PSF. L’Ex-Yougoslavie en fit naître un bon nombre subventionnées par ECHO (l’Office Humanitaire de l’Union Européenne
1992)… Minuscules au début et composées de bénévoles, elles intéressèrent très vite pour leur excellent rapport qualité/
coûts et leur rapidité de déploiement les bailleurs nationaux et internationaux d’aide et de coopération intervenant sur ca-
tastrophes et crises mais dont les employés ne pouvaient (ni ne voulaient) aller dans des pays dangereux et dont les Gou-
vernements ne souhaitaient pas s’impliquer ouvertement.

Leur développement fut exponentiel, au départ Associations minuscules de volontaires, elles ont obtenu le statut d’
ONG et en sont à gérer des Milliards d’Euro, des dizaines de milliers d’expatriés et d’employés locaux, des centaines de
permanents-sièges salariés, tout en restant des Associations. A Bruxelles, ECHO reconnaît et subventionne plus de 300
ONG d’urgence européennes, le Ministère de la Jeunesse & Sport a créé un statut du volontaire expatrié lui permettant de
se réinsérer dans l’emploi à son retour.

Le mode opératoire est simple : chaque ONG fait, après évaluations terrain, des propositions de programmes ciblés
(«proposals») proposées à un ou plusieurs Bailleurs de Fonds : dans tel pays en crise, telle situation, telle population
affectée dans telle zone, tels besoins (médicaments, nourritures, abris, camp…), tant de bénéficiaires, tant de mois, telles
Ressources Humaines expatriées et locales, tels moyens techniques (communication, véhicules, maison, bureau…), tel
budget. Un Contrat (Agreement) est signé donnant des responsabilités opérationnelles et financières à l’ONG qui doit
rendre compte au cts près et au jour près de l’efficacité et de l’usage du budget du programme.

Les opérations sont d’urgence (Haïti, Syrie…), de reconstruction, de développement. Elles sont : médicales – nutrition/
sécurité alimentaire – hygiène/sanitation/eau – éducation - Droits Humains – reconstructions - camp de réfugiés - accueils
de retournés… bref tout ce qui est problème dans des pays en crises.

Les financements viennent directement ou indirectement des impôts : subventions de bailleurs institutionnels (Coopéra-
tion des pays, Union Européenne, ONU…) et/ou dons individuels privés (les « fonds propres») déductibles des impôts, col-
lectés par des grandes campagnes organisées par des agences média spécialisées (coûts 33% des fonds collectés). Du fait
de la permanence et de la longueur des crises, les financements/subventions sont renouvelables ad libitum.

Le recrutement s’opère pour le terrain (les «expatriés» et «employés locaux») et pour le siège («permanents»). Les
missions sont dirigées par des cadres Européens (volontaires au début puis salariés quand ils restent) expatriés pour 1 à 3
périodes de quelques mois. Ils supervisent des directeurs, cadres et employés locaux, tous salariés, recrutés en CDD pour
la durée du programme.
Au siège en France il y a : des Directeurs, anciens volontaires de terrain, souvent fondateurs, certains politiques y vien-
nent - des DAF, Commissaires aux Comptes et Comptables - des cadres et employés (anciens volontaires terrains passés
permanents siège).

Les services : Les Bureaux (ou Desk ou Cellule) en charge des missions par régions du monde (5 à 8 pays) - les services
techniques : Formation, urgence, logistique, médical/pharmacie, informatique - Les supports administratifs : compta, RH,
administrations, gestions voyages - Les relations bailleurs de fonds institutionnels et donateurs/campagnes de levés de
fonds - La Communication interne et les relations publiques et le lobbying - La Direction et le Conseil d’Administration de
l’Association Loi 1901 et le Bureau.

Les ONG: Organisations des Universitaires

Une origine de diplômés

Dès l’origine le système est en place : une réunion de Diplômés qui décident d’agir dans l’urgence des crises. Au
début peu nombreux, tous médicaux bénévoles et téméraires (Afghanistan années 80), les ONG ont grandi, se sont diver-
sifiées et structurées avec des permanents et des directeurs, des techniciens et des administrateurs, la poignée de mé-
decins enthousiastes et bénévoles a créé un hôpital immense ! Les ONG sont très demandées par les Organismes
officiels de coopération et d’aide qui ont très vite vu l’intérêt de les utiliser sur des terrains difficiles où, pour pas cher, des
volontaires vont là où leurs expatriés ne peuvent/veulent pas aller.

Issues du système Université/Grandes Écoles, proche des cercles de pouvoir et des média parisiens, les ONG ont le sou-
tien de Politiques qui ont participé à leur création et qui se font un devoir/plaisir de siéger au Conseil d’Administration (ou
leur conjoint), c’est médiatiquement valorisant pour les deux. Depuis les années 80, la navette s’est amplifiée avec des
ex-dirigeants d’ONG qui entrent dans l’Officiel (Ministres, Secrétaires d’État, Ambassadeur, Députés) et des ex-Ministres
qui dirigent des ONG (ACF, Oxfam…), tout le monde ayant table ouverte dans les média.

Un agrandissement totalement en interne

Cette création d’une poignée de rêveurs agissants est devenue gigantesque, mais toujours avec les mêmes gens
et la même philosophie qu’au départ :
- Recrutement universitaire à tous les niveaux de responsabilités terrain ou siège
- très peu de recrutement de cadres et managers professionnels extérieurs (sauf les Comptables et DAF)
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- Formations au départ et aux responsabilités ultra-courtes
- Aucune doctrine ni philosophie d’organisation ni de hiérarchie («nous ne sommes pas des fonctionnaires !»)
- sur-travail des volontaires
- des permanents/fondateurs deviennent dirigeants, d’autres entrent dans le système politico-médiatique
- des Politiques entrent à des postes dirigeants ou représentatifs
- turn-over important des volontaires dont quelques uns restent et deviennent Cadres Permanents, promotion par dé-
faut.
Tous les services se sont étoffés, remplis de Volontaires passé.es permanent.es, très féminisés, dirigés par d’anciens
membres promus : recrutement / formation / promotion endogènes dans tous les services à l’exception de la Comptabilité
qui recrute directement en France des personnels qualifiés et diplômés, c’est obligatoire pour gérer 3/400 millions d’€ de
subventions/dons et rendre compte au MinFin et aux Bailleurs.
Les ONG sont passées sans modification de doctrine ni de méthodes
d’un petit pécheur côtier à un Porte-avions.
Des financements permanents sans feed-back négatifs
Une entreprise fonctionne bien tant qu’elle vend, elle dépend donc de son chiffre d’affaire et de la qualité de ses marges.
Désorganisée, elle perd de la rentabilité ce qui est dangereux face à la concurrence et peut l’amener à la faillite si le mar-
ché change. La permanence des crises mondiales et la permanence de leur financement sont une rente permanente :
les ONG continueront à fonctionner car elles sont nécessaires.
Si les financements des donneurs institutionnels encadrent la destination précise et l’usage des fonds, il n’en est pas de
même des «fonds propres» petits dons de millions d’individus à qui on ne rend pas compte individuellement de l’usage
de leur argent, une plaquette avec quelques photos d’enfants sauvés et un beau rapport annuel suffisent là où les bail-
leurs exigent de long rapports documentés et impose des Audits. Cet argent sans maître autorise beaucoup d’initiatives
souvent utiles mais aussi beaucoup de gaspillages par des décisions de managers sans expérience. Un chef de cellule n’a
rien trouvé d’étrange à me dire qu’il avait perdu 500 000 Euro/an pendant 3 ans (i.e. 1 500 000 Euro) à cause d’une
mauvaise organisation des missions sur une même zone mais que l’an prochain «ça ira mieux puisqu’on allait fusionner
les missions!»
Une structure hiérarchique mono-classe, associative et élitiste
Nous sommes dans une situation où l’Armée recruterait ses Officiers directement à la sortie de l’université et les enverrait
commander des troupes coloniales après 15 jours de formations ! et ensuite promouvait, toujours en interne, les mêmes
qui se satisferaient de stages théoriques de 2 semaines pour devenir Général en quelques années. La liste des humani-
taires assassinés en août au Niger est l’exemple de ce recrutement exclusif : nous envoyons sur le terrain des jeunes di-
plômés enthousiastes là où l’Armée prépare ses cadres pendant des années 1. Que penseriez-vous de l’efficacité de trou-
pes coloniales dont les chefs changeraient tous les 3/6 mois ? j’insiste sur le mot « colonial» qui reflète bien cette struc-
ture : n’importe quel.le jeune européen.ne diplômé.e peut diriger un hôpital dans les colonies ! Oups ! en Afrique.
Les ONG sont un exemple d’une structure mono-classe/mono-âge dans son encadrement. Quand Armée, Entreprises
ou Sapeur-Pompiers emploient des gens de tous niveaux sociaux et forment longuement leurs cadres aux responsabilités,
l’ONG est un système Universitaire dans ses fonctions techniques de support : recrutant un Master Relations Inter-
nationales comme chef log et une jeune infirmière comme DRH d’un pays ou Directrice d’Hôpital.
En ONG, la superstructure de hiérarchie, de doctrine et de responsabilités est faite sur une mentalité associative et élitiste
qui fait que chacun se croit le droit de dire et de décider collectivement et qu’il n’y a pas de chef. C’est fort démocratique
mais il faudrait faire la part entre associatif/volontariat><responsabilités professionnelles. Le contre-exemple le
plus évident est les Sapeurs-Pompiers : il y a 200 000 volontaires formés, encadrés et promus par les Professionnels ( 20
000) et des Militaires (3 000). Ils acceptent une hiérarchie, des grades et passent des formations pour accéder aux grades
et responsabilités supérieurs. Les formateurs sont eux même contrôlés et font évoluer les méthodes par des retours
d’expériences, exemple le BNS.
3 phrases clés de la philosophie ONG
- «puisque nous somme tous diplômés supérieur, nous n’avons pas besoin de chef»
- «je suis expatriée donc je suis cadre»
- «ces gens là (l’Armée) ne sont pas de notre monde».
Tout le système du haut en bas est rempli de gens recrutés au même endroit par les mêmes, formés et encadrés par
leurs identiques, recrutés et promus sans pratique ni formation aux responsabilités. Les sur-diplômés (HEC, ENA…) font
un petit tour et puis s’en vont, une plus brillante carrière les attend avec une belle ligne humanitaire dans leur CV, restent
des moyens-diplômés (Bac + 3/5) qui ont immédiatement sur le terrain et au siège des responsabilités immenses qu’ils
n’auraient jamais eu en entreprise : ils ne souhaitent pas retourner subalternes en France !
Des gestionnaires formés en interne, promus en interne.
Tout système organisé pour une action (entreprise, syndicat, parti politique, armée, ONG…) est une structure avec des
buts, des moyens et des personnels responsables et exécutants. Pour que ça marche il y a 3 impératifs de qualité RH :
recrutement - formation - encadrement. Dans les ONG seuls les médicaux sont recrutés sur diplômes et expériences, pas
les gestionnaires et supports pour lesquels on recrute des volontaires diplômés d’Universités/Grandes-Ecoles sans expé-
riences professionnelles ni encore moins managériales qui se retrouvent immédiatement avec d’énormes responsabilités.
Dans l’intense turn-over, certains moyens diplômés restent et sont promus cadres permanents sans plus d’expérience ni
formation au management et à l’organisation.
Les volontaires de base ne coûtent pas cher (400 EUR/mois), sont enthousiastes et compensent leur manque de profes-
sionnalisme par un sur-travail allant jusqu’au burn-out. Le turn-over important allié à un défaut d’archivage induit la
perte des expériences et de la mémoire des opérations. Les recrutements/formations sont faits par les mêmes volontaires
passés permanent mais sans plus d’expérience, le niveau est en conséquence.
Des recrutements et des promotions endogènes.
Qu’attendre de jeunes gens-filles diplômé.es ayant passé 2-3 ans sur le terrain avec d’autres jeunes gens diplômé.es
sinon de recruter les mêmes. Sur le terrain, certaines ONG donnent l’impression d’une réunion festive post-bac. La Sor-
bonne disait «asinus asinum fricat», les recrutements sont du même ordre : jeunes, diplômé.es et plutôt parisien.nes. Un

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https://www.ouest-france.fr/monde/niger/attaque-au-niger-qui-sont-les-huit-victimes-6934266
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cadre blanchi sous le harnois ou un ex-militaire d’OPEX auront du mal à entrer dans le sanctuaire : «ils ne sont pas de
notre monde » comme m’a dit en 1996 le Chef de Cabinet de Xavier Emmanuelli, Secrétaire d’État à l’Action Humanitaire.
La déformation managériale devient pérenne car le volontaire terrain qui a fonctionné plusieurs années dans un système
défaillant ne peut rien apporter d’autres que (c)ses défaillances dans sa carrière de responsable siège.
Des comportements choquants et dangereux
Les jeunes gens en mission ont des comportements choquants pour les populations : des soirées dansantes arrosées où
on trouve un partenaire pour la nuit, qui sont normales chez nous, choquent les populations et sont dangereuses pour la
réputation donc la sécurité des expatriés et de la mission car les autorités (informées par les gardiens, les chauffeurs et
les voisins) jugent fort mal ces jeunes gens et jeunes filles qui viennent étaler ce qui est pour eux de graves turpitudes.
Les comportements des jeunes occidentaux, transgressifs pour la culture locale, entraînent un mépris des populations qui
amènent à des exactions contre la mission : pillage, vol de voitures… Et cela malgré un travail efficace pour aider les
populations vulnérables ! Quel dommage de se faire mépriser alors qu’on fait du bon travail !
Les attitudes de patrons coloniaux
Les Volontaires Enthousiastes se comportent en souverains coloniaux (je reviens sur le terme) avec un total manque de
conscience des responsabilités d’employeur : virer sur le champ quelqu’un pour une faute qui en France vaudrait un aver-
tissement (et autres choses vues...) Dans des pays où il n’y a pas de chômage et où un salaire fait vivre une famille
élargie, c’est non seulement immoral mais c’est le meilleur moyen de se déconsidérer aux yeux des employés et des
communautés. Et quand on respecte les procédures, c’est l’inflation : 40 demandes de sanctions pour 200 personnels en 2
ans dans un hôpital de Brazzaville : 20% de sanctions = Ça n’est pas un problème de personnel mais de management, la
DRH en délire !
Dans ces pays tout se sait, aussi bien ce que font les ONG que ce que font contre elles des personnes malveillantes.
Quand une ONG a un problème, tout le monde (la Police en 1 er) sait qui, comment et pourquoi. Si le personnel expatrié
est respecté et apprécié, il y a un filet invisible de protection tendu par le personnel et le voisinage qui évitera beaucoup
d’ennuis. Dans le cas contraire, les gens ne feront rien contre l’ONG, mais ne feront rien pour non plus. Dans mes forma-
tions Sécu, je dis toujours que «votre première sécurité c’est la confiance de votre équipe et la considération des voisins,
si vous n’avez pas ça, vous pouvez sortir les barbelés et les engins blindés sous escortes !»
Une sécurité sans RETEX ni analyses
Les problèmes de sécurité, mal analysés et mal archivés mais sur-mémorisés (on se rappelle toujours un mort en mis-
sion), ne sont jamais analysés dans un processus d’accidentologie et de géopolitique mais traités comme les aléas
du sacrifice humanitaire. La grande majorité des accidents vient de la non-observation des règles mais rien n’est fait
pour faire évoluer les règles et les formations. En Irak 2004/6, l’UE mit en place une coordination sécurité de toutes les
ONG qu’elle subventionnait, le système a duré 2 ans : Les Chef de Mission et DirSecu formés étaient tous partis, les
experts sécu (ex militaires ou policiers) n’arrivaient pas à s’entendre avec des Secu-Off des ONG, ils n’étaient pas du
même monde. Jusqu’à présent 75% des accidents mortels en mission étaient les accidents de la route : on ne conduit pas
un 4x4 comme la Clio de maman. Les décisions sécuritaires sont prises par des «««responsables-Sécu»»» du siège qui
émettent des règles sans analyser le terrain.
Une Représentation sur-dimensionnée
Chez moi en Bretagne, je ne suis qu’un citoyen lambda. Sur le terrain, représentant d’ONG, j’entre à volonté dans les Mi-
nistères, je discute avec des Représentants ONU, je suis quelqu’un d’important, de ceux que l’on voit à la TV, descendant
des avions UN et présentant une situation de crise à un envoyé spécial TV. Je crois avoir appris à faire la part de choses et
à savoir rendre les clés de mon poste à ma.on successeur.e. Mais, sachant le niveau de formation et de pouvoirs des
Représentants Officiels (Ambassadeurs…) j’ai un doute concernant le respect que les autorités locales nationales peuvent
avoir pour des jeunes Chef-fes de Mission qui viennent dans leurs bureaux pour les aider mais aussi les diriger puisque ce
sont eux qui gèrent les fonds. J’ai vu de toutes jeunes personnes qui en France auraient tout juste dépassé.es le statut de
stagiaire, être Conseiller.es de Ministres. Toujours ce vieux temps des Colonies.
Des formations amateures
Des permanents «expérimentés» deviennent formateurs, confondant pratique et expérience. Ça n’est pas parce qu’on
conduit depuis 30 ans qu’on est un bon conducteur, beaucoup sont même pires qu’à leur début, n’ayant qu’une pratique
sans remise à niveau ! Ce biais est permanent en RH : La pratique, c’est faire seul sans être corrigé de l’extérieur, se pen-
ser expérimenté parce qu’on a accumulé des manières empiriques de réagir à des problèmes qu’on est incapable d’analy-
ser, de théoriser et d’enseigner.
L’expérience, c’est : être formé, pratiquer, être bien encadré (« on n’est pas cadre si on n’est pas un formateur») formé au
niveau supérieur par un encadrement supérieur et retour d’expérience. C’est être capable de théoriser sa pratique
pour en faire un enseignement, c’est penser en structures et organisations.
Toutes les ONG sont comme une caserne de pompier où les Sapeurs volontaires se formeraient tous seul, avec le temps
et de la bonne volonté ! Pas de RETEX institutionnalisé.
Une hiérarchie sans responsable
J’ai démarré ma carrière avec des Secrétaires, des télex et des fax. Tout était enregistré, archivé et hiérarchisé, la mé-
moire répertoriée aidant aux décisions. Les e-mails ont pulvérisé tout çà : chacun est Cc, chacun est concerné, chacun
donne son avis. Après le tsunami d’e-mails de tous vers tous, on arrive à un compromis, solution chèvre-chou/carpe-
lapin/figue-raisin qui ne mécontente personne mais biaise les opérations car prise trop tard et mal adaptée.
La confusion est permanente entre Associatif et Opérationnel, chacun étant associativement l’égal de tous, tout le
monde se croit habilité à intervenir et se pense Cadre, on confond Briefing-opération et réunion associative, chacun ayant
les mêmes droits décisionnaires, on se coordonne en réunion puis chaque service se «coordonne» avec les autres en nou-
velles réunions. Cette mentalité associative fait que personne ne s’autorise à donner ordres ni directives car « nous som-
mes tous égaux car volontaires !», il y a un refus des apparences de la hiérarchie. L’exemple est dans le superbe dé-
pliant sur carton glacé «gestion du stress» de la Croix Rouge (CICR), tous les symptômes y sont très bien décrits mais
les conseils sont de s’en rendre compte par soi-même et de trouver soi-même la solution là où l’Armée forme ses ca-
dres à prévenir et gérer.
Je parle d’«apparences de la hiérarchie» car cette dilution décisionnelle et ce refus des hiérarchies fait que, quand il y a fi-
nalement décision, il n’y a pas de responsables désignés donc pas de responsabilités assumées. Les erreurs et aberrations
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n’ont pas de maître et sont vues comme inévitables, personne ne les analyse. Mais dans une telle dilution, il y a en fait de
vrais décideurs dont on ne pourra pas mettre les noms au bas d’un ordre écrit, si tant est qu’on retrouve le docu-
ment, Comme disait Joffre après la Marne «je ne sais pas qui a gagné la bataille mais je sais qui l’aurait perdue !» En ONG
c’est le contraire, tout le monde gagne, personne ne perd !
Une organisation administrative et comptable proliférant et non répertoriée/archivée
Beaucoup de documents redondants, élaborés au jour le jour, souvent améliorables et dans tous les cas mal enregistrés ni
archivés. Quelle que soit la taille de l’ONG, géante ou petite, je ne suis jamais arrivé dans aucune mission où j’aurais eu l’
historique et les documents mêmes récents, au grand mieux tout était en vrac dans divers ordinateurs missions et siège.
Ce désordre permanent relevant de la prolifération métastasique et non d’une ontogenèse structurée concerne l’ensemble
des ONG. Des organisations couvrant le monde n’ont même pas le système d’enregistrement/archive d’une
compagnie de car de tourisme !
Tout cela a induit une structure administrative proliférant au siège comme sur le terrain. Chaque année rajoute son ni-
veau de procédures à ces mille-feuilles cancéreux. On bricole des améliorations sur un bâtiment sans fondation bâti sans
plan, structures élaborées à mesure de besoins apparents non analysés.
Les documents, procédures et programmes PC de comptabilité, établis par les Experts-Comptables du siège pour le Plan
Comptable officiel ne sont pas adaptés à une saisie sur le terrain en plusieurs devises par des employés locaux qui n’ont
qu’une formation sur Excel. La gestion comptable des budgets est inutilement compliquée, il n’y a pas de niveaux allant
du plus simple (le terrain) au plus compliqué (siège), la même complexité et les mêmes documents vont du haut en bas
et de bas en haut. Là dessus se greffe une absence totale de classification et d’archives, la quête du Graal est plus facile
que la recherche d’un document de l’an dernier !

LES SOLUTIONS
UN PROBLÈME GÉNÉRAL
Ce que je décris concerne TOUTES les ONG avec lesquelles j’ai travaillé depuis 1994 : française, suisse, alleman-
de, italienne, US, grandes ou petites. Et toutes celles avec qui j’ai collaboré sur le terrain : belge, US, hollandaises, an-
glaises…Si les Bailleurs obligent à des Audits Financiers, elle n’ont jamais eu d’audit management, elles n’ont jamais fait
appel à ISO ou AFNOR mais reçoivent le «Prix Cristal» pour une comptabilité bien rendue qui n’analyse en rien l’efficacité
des opérations, RH, structures et méthodes.
Le problème n’est pas les personnes mais la structure : organisation, hiérarchie, doctrine, recrutement, formation,
encadrement, documents, archivage. Une vraie formation aux responsabilités prend des années, passe par des forma-
tions longues et repose sur un encadrement solide. L’Armée a mis 5 siècles à se structurer, tirant parti des échecs et
batailles perdues pour avancer (on ne tire jamais leçon d’une victoire, c’est souvent même le contraire, voir 1940), les
ONG n’existant que depuis 50 ans, ne prenons pas des siècles à nous améliorer !
Les solutions doivent venir de l’extérieur, pas d’automédication ! Un avocat se défendant lui-même a «un idiot
comme avocat et un imbécile comme client», la structure engluée vient de son auto-construction, il faut des architectes
extérieurs. Les organismes normatifs, ISO, AFNOR doivent intervenir et pousser à de partenariats extérieurs : profession-
nels d’entreprise (transport, logistique, sécurité…), geopoliticiens, sociologues, ethnologues… Pour ce qui est Logistique et
Sécurité en pays difficiles, l’Armée serait un des partenaires.
LES AJUSTEMENTS RAPIDES INTERNES
Créer des Commissions d’Organisation réunissant des experts de toutes provenances.
Administration : Mise en place d’un système unique de documents, de classement, de programme comptable terrain <>
siège, simplifié et ergonomique, d’archivage aussi bien papier que PC.
Logistique : Refonte du système de soutien au missions : stocks, commandes, livraisons, personnels soutiens.
Sécurité : Création d’un Service totalement indépendant, analysant les données terrains et géopolitiques, reformulant
le guide sécu général et les formulaires SitRep, formant les personnels et cadres. Pour plus d’efficacité, ce service devrait
être indépendant, nouvelle ONG financée et organisée par les Bailleurs de fonds.
Pharmacie : La faillite de Pharmaciens-Sans-Frontières, PSF-CI, seule ONG-Pharma du monde, a laissé un très gros man-
que non comblé par les ONG médicales dont ce n’est pas la compétence. Comme pour la Sécurité, toutes gagneraient à la
création d’une ONG PHARMACIE, autonome et indépendante.
Les formations : Remise à plat des formations primaires (au départ) et supérieures (Cadre et Direction) en partant de l’
expérience des professionnels des terrains difficiles, de la sécurité, des relations avec les cultures autres et des logisti-
ques lourdes : Armée, Sécurité civile, BNS urgentistes et de guerre, Cadre ONG, Sociologues/ethnologues et spécialistes
des relations interculturelles, Professionnels du transport et BTP.
Ces formations, multiples et rallongées, seront complétées par un encadrement terrain lui-même formateur ET évaluateur
à fin d’aider au passage de la Pratique à l’Expérience/théorisation.
LES AJUSTEMENTS A IMPOSER PAR LA LOI

UN ORGANISME CENTRAL DE SÉCURITÉ ET DE FORMATIONS


dépendant de l’UE, un Organisme Central de Sécurité et de Formations supervisera l’ensemble des analyses sécu-
ritaires, des documents, des procédures et des formations des ONG. Un Centre physique assurera la centralisation et
des Moniteurs Sécurité Pays assureront tous les suivis et mise en place des coordinations et des procédures in-situ
ISO & AFNOR
Tout le système administratif/comptable/RH/Managérial est le fruit de nombreuses années d’auto-construction et d’auto-
satisfaction. Une mise à plat ne peut se faire qu’avec du temps et les spécialistes AFNOR et de la norme ISO 9001. Aucu-
ne ONG internationale n’est normée AFNOR ou ISO, étrange pour des organisations internationales subventionnées
par Milliards d’argents publics et employant des dizaines de milliers de personnels en Europe et dans le monde alors
que les grandes entreprises traitant pour des marchés publics français ou européens y sont astreintes.

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DES BREVETS NATIONAUX ou EUROPÉENS
Alors qu’il y a un «Brevet National d’accompagnement de promenades équestres» et dans l’action sociale «BAFA et BAFD»
(Animateur et Directeur de colos), il n’y a rien pour des gens partant diriger des équipes en pays de cultures et sociétés
différentes, dangereux avec des contextes géopolitiques explosés.
Les Ministères et Experts travailleront avec Coordination-Sud et le Comité de Liaison des ONG - CLONG à la création
d’un Brevet National Action Humanitaire (BNAH) et d’un Brevet National de Direction Humanitaire (BNDH)

CONCLUSIONS
Les ONG font un super travail financé par les impôts de tous, dans son livre «Associations lucratives sans but», le
Conseiller Maître à la Cour des Comptes Pierre-Patrick Kaltenbach analyse le monde associatif qui représente près de la
moitié de la dépense sociale (10 à 12 % du PIB). Les ONG emploient des milliers de jeunes diplômé.es et des dizaines de
milliers d’employé.es dans le monde, elles sont un des constituants de la géopolitique et de l’influence de la France et de l’
Europe, il faut que les Pouvoirs Publics français et européens se soucient de leurs méthodes de travail et les
réglementent. Tous les Parlements français et européens, Ministères et Commissions sont concernés : Finances, Santé,
Solidarité/Action Sociale, Affaires Étrangères, Défense, Travail, Éducation Nationale.
Les ONG sont utiles et nécessaires au vu des millions de bénéficiaires secourus et de la grandeur de leur enthousiasme ci-
toyen. Mais, nées dans le volontariat militant d’Universitaires motivés, ayant grandies de manière exponentielles et finan-
cées en abondance, les ONG ont un défaut constitutif : l’organisation amateure des débuts s’est pérennisée. Il est
temps de tout remettre à plat en collaborant avec les vrais pro de la sécurité et de l’organisation !

Bibliographie
- «le management des ONG», PDF – Marc LE BRIZE – marclebrize@yahoo.com
- https://www.ouest-france.fr/monde/niger/attaque-au-niger-qui-sont-les-huit-victimes-6934266
- «La dérive associative». Pierre-Patrick Kaltenbach - Sept/oct 1996. Revue Le Débat (n°91), Gallimard.
- «Association lucrative sans but», P-P Kaltenbach, préface de Philippe Séguin, Éditions Denoël, 1996
- LinkedIn : les milliers de profils de volontaires, cadres et dirigeants d’ONG.
- «La sociologie des organisations» Philippe Bernoux – Points.
- «la sociologie des entreprises» Philippe Bernoux – Points
- «l’étrange défaite» Marc BLOCH – Folio Histoire
- «la crise humanitaire au Biafra» B. Kouchner, Le Nouvel Observateur, 1969.
- les sites des ONG et du CLONG

Notice biographique Marc LE BRIZE


Né en 1951, fils de militaire, cadre en entreprise puis en ONG, Formateur en Masters opérations et sécurité en terrains
dangereux, expert en Collaboration Civilo-Militaire (CIMIC), analyste en géopolitique opérationnelle, organisateur et for-
mateur en organisations et responsabilités managériales. Trois grands patrons m’ont appris ce qu’il fallait faire pour créer
et mener des équipes, les autres m’ont montré tout ce qu’il ne faut surtout pas faire.

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