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Théorèmes d’Abel angulaire et taubérien faible Le théorème d’Abel angulaire est un résultat qui généralise le théorème d’Abel radial

en permettant la convergence selon un domaine angulaire. Il s’énonce de la manière


suivante :
Guide de lecture : Le marquage Dev. indique le développement à proprement dit.
Les éléments autour sont des rappels, compléments, remarques ou applications. Soit an z n une série entière de rayon de convergence égale à 1 telle que la série
P P
an
converge. On note f sa somme sur le disque unité ouvert. Soit θ0 ∈ [0, π/2[ un réel.
1 Introduction On considère alors l’ensemble
Il est connu, le bord du disque de convergence est toujours un domaine d’incertitudes. ∆ := {z ∈ C | |z| < 1 et ∃ρ > 0, ∃θ ∈ [−θ0 , θ0 ], z = 1 − ρeiθ }
On effet si on considère
Alors la limite quand z tend vers 1 en restant dans le secteur ∆ est égale à an .
P
X X zn X zn
zn , 2
, Autrement dit,
n n

Pour la première série on peut voir que le rayon de converge est égal à 1 avec diver- X
gence pour tout nombre complexe de module 1. Pour la seconde série, on remarque lim f (z) = an
z→1
n=0
que le rayon de convergence est égale à 1 avec convergence absulue sur le cercle de z∈∆

rayon 1. Enfin pour la troisième on observe encore une fois que le rayon est égal à 1,
qu’il y a divergence de la série en z = 1 (série harmonique), mais convergence de la
série en z = −1 (CCSA) et plus généralement sur tout point du cerle unité différent
de 1 par le critère d’Abel.

Forcément, les résultats de régularité sur le bord du disque sont tous aussi incertains.
θ0

On rencontre parfois, lors de 0 1
P l’étude des fonctions analytiques réelles, le théorème
d’Abel radial. Il dit que si an xn Pest une série entière de rayon de convergence R
non nul telle que la série numérique an Rn converge, alors la fonction somme

X
f : x 7−→ an xn Figure 2 – Domaine ∆
n=0
Ce théorème donne une sorte de résultat de régularité sur le bord du disque sous la
est continue à gauche de R, c’est à dire lim− f (x) = f (R). condion de rester dans le domaine ∆. Remarquons le l’angle θ0 est libre, on peut le
x→R
prendre aussi large que l’on veut, pour peu que l’on évite l’angle limite.
On peut généraliser ce résultat sur C en disant que si une série entière an z n converge
P
en un point z0 , alors la convergence est uniforme sur [0, z0 ] (donc la fonction somme
de la série est continue sur ce segment).

z0 θ0

• 0 1

Figure 3 – Domaine ∆ élargi


Figure 1 – Convergence radial (selon un rayon) vers le point z0

Vincent LE GRUIEC page 1 19 juillet 2023


Le théorème est ici énoncé dans une forme simplifié, bien qu’usuelle, mais il faut com- On va réaliser un transformation d’Abel en écrivant que pour tout n, an = Rn−1 − Rn .
prendre que par une transformation géométrique le résultat reste vrai pour tout rayon Pour |z| < 1 et n ∈ N∗ , on écrit
de convergence R < ∞ et tout point Reiα du cercle |z| = R :
n
X n
X
ak z k − Sn = ak z k − 1


Reiα k=0 k=1


• n
X
= (Rk−1 − Rk ) z k − 1


θ0 k=1
n−1
X n
 X
= Rk z k+1 − 1 − Rk z k − 1


0 R k=0 k=0
n−1
X
= Rk z k+1 − z k − Rn (z n − 1)

+∞
X
n inα n
an R e z k=0
n=0 n−1
X
= (z − 1) Rk z k − Rn (z n − 1)
| {z }
k=0 n→+∞

(remarquer que le premier terme de certaines sommes et nul et que la somme commence
à n = 1). Ainsi en passant à la limite quand n → +∞, on obtient
θ0

0 1
+∞
X
f (z) − S = (z − 1) Rk z k
k=0
2 Le développement
Dès lors, pour tout N ∈ N∗ et |z| < 1, on a
Un développement à retrouver dans [Gou08] page 252 (263 pour l’édition 3). À re-
N +∞
trouver également dans [BB18] page 51. X X
|f (z) − S| ≤ |z − 1| |Rk | + |z − 1| |Rk ||z|k (∗)
k=0 k=N +1
Théorème 1 : (Abel P angulaire) Soit an z n une série entière de rayon de conver-
P
gence R ≥ 1 telle que an converge. On note f la somme de cette série entière sur On aimerait contrôler ces deux termes. La somme du premier terme est finie, en parti-
le disque unité. On fixe θ0 ∈ [0, π/2[ et on pose culier on peut trouver α > 0 assez petit pour que dès que |z − 1| < α soit réalisé alors
PN
|z − 1| k=0 |Rk | ≤ ε . Pour contrôler le second terme, puisque Rn → 0, on peut fixer
Dev.

∆ = {z ∈ C | |z| < 1 et ∃ρ > 0, ∃θ ∈ [−θ0 , θ0 ], z = 1 − ρeiθ } N > 0 assez grand pour que |Rk | < ε pour tout k > N . On obtient alors la majoration
suivante pour |z| < 1 tel que |z − 1| < α :
Alors
+∞
+∞
X
lim f (z) = an X |z − 1|
z→1 |f (z) − S| ≤ ε + ε|z − 1| |z|k ≤ ε + ε
z∈∆ n=0 1 − |z|
k=N +1

P+∞ Pn Pour z ∈ ∆ (c’est à partir de maintenant que l’on a besoin de se placer dans le secteur
Démonstration. Notons S = k=0 an , Sn = k=0 an et Rn = S − Sn pour tout angulaire), on écrit z = 1 − ρeiθ . On a |z − 1| = ρ et |z|2 = z z̄ = 1 − 2ρ cos(θ) + ρ2 .
n ∈ N. Soit ε > 0. On veut alors trouver δ > 0 tel que pour tout z ∈ ∆,
|z − 1| 1 + |z| 2ρ 2
|z − 1| =⇒ |f (z) − S| < ε′ =ρ ≤ ≤
1 − |z| 1 − |z| 2 2ρ cos(θ) − ρ 2 2 cos(θ0 ) − ρ

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Donc si on prend ρ = |z − 1| < cos(θ0 ) (ce qui est possible car 0 ≤ θ0 < π/2), on avec 1 − xk = (1 − x)(1 + x + . . . + xk−1 ) ≤ (1 − x)k et k/n > 1 pour k > n :
trouve
|z − 1| 2 n
X Xk
< |Sn − f (x)| ⩽ (1 − x) |kak | + |ak | xk
1 − |z| cos(θ0 ) n
k=0 k>n
Finalement, si on pose δ := min(α, cos(θ0 ) ), on trouve via (∗) que Xn
1 X
⩽ (1 − x) k |ak | + sup (k |ak |) xk

1
 n k>n
k=0 k>n
z ∈ ∆, |z − 1| < δ ⇒ |f (z) − S| < 1 + ε
cos(θ0 1
⩽ (1 − x)nM + sup (k |ak |) .
k>n n(1 − x)

On peut alors se demander si la réciproque est vraie : Est-ce que si Où M est un majorant de la suite (nan ) puisque an = o(1/n).

+∞
X Si on prend x = 1 − ε
n dans cette dernière inégalité, on obtient
lim f (z) = S alors an = S ?
z→1
n=0 1
z∈∆θ0
|Sn − f (x)| ≤ εM + sup (k |ak |)
k>n ε
La réponse est négative. En effet, si on considère
Toujours comme nan −−−−−→ 0, on peut trouver N1 > 0 tel que supk>n (k |ak |) < ε2
n→+∞
+∞
X 1 1 pour n > N1 . Ainsi, à partir de (∗) on conclut que pour n > max(N1 , N2 ) on a
lim (−1)n z n = lim =
z→1 z→1 1 + z 2
|z|<1n=0 |z|<1 |Sn − S| < (M + 2)ε
et pourtant (−1)n diverge. Le théorème suivant donne une sorte de réciproque sous
P
l’hypothèse an = o(1/n).
Tauber a démontré en 1897 que sous l’hypothèse an = o(1/n), si la limite radiale
existe, alors la série converge et lui est égale. Ce résultat a été amélioré par Little-
Théorème 2 : (Taubérien faible) Soit an z n une série entière de rayon de conver-
P
wood : l’hypothèse an = O(1/n) suffit. Le théorème taubérien de Hardy-Littlewood
gence 1 et f la somme de la série entière sur le disque unité. On suppose que en est une généralisation.

Dev.
∃S ∈ C, lim f (x) = S 3 Compléments
x→1−

Si an = o(1/n), alors an converge et de plus la somme vaut S. En terme d’applications, on pourrait être tenté de calculer certaines sommes de séries
P
alternées comme le propose [Gou08]. Cependant, comme le précise le rapport du jury
Démonstration. Soit ε > 0 et n ∈ N. On écrit 2022, cette application n’est pas pertinente. La mise en oeuvre est la suivante :
On considère par exemple la série de Mercator
 ε  ε
|Sn − S| ≤ Sn − f 1 − + f 1− −S (∗) X (−x)n−1
n n
f (x) = = ln(1 + x) pour |x| < 1
n
Puisque f (x) −−−→ S, On contrôle facilement le deuxième terme. On dispose de N2 > 0 n≥1
x→1
tel que |f (1 − nε ) − S| < ε pour n > N2 . Comme la série harmonique alternée converge (d’après le critère de convergence des
séries alternées), on déduit sa somme du théorème d’Abel :
Pour le premier terme : pour x ∈ [0, 1[, on écrit
+∞
X (−1)n−1
n
X X = lim− f (x) = ln(2)
|Sn − f (x)| ⩽ 1 − xk + a k xk

ak n=1
n x→1
k=0 k>n

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Cette application n’est pas pertinente pour les raisons suivantes :
3. Enfin troisième point (ce que le jury attend), on montre par le CCSA que la
1. Tout d’abord on prend la limite selon la droite réelle ici, donc on a pas besoin P (−1)n−1 n
série de fonction x convergent simplement sur [0, 1]. On montre de
de théorème d’Abel angulaire pour passer à la limite à gauche, mais seulement n
plus que la convergence est même uniforme sur [0, 1] grâce à une majoration
le théorème d’Abel radial (qui est un théorème plus faible, la démonstration
uniforme du reste (CSSA)
est similaire à la celle angulaire, avec un contrôle des termes plus simple pour
conclure)
|x|N +1 1
|RN (x)| ≤ ≤ −−−−−→ 0
2. Deuxièment, c’est le genre de somme que l’on peut calculer par les méthodes N +1 N + 1 n→+∞
élémentaires. Typiquement, on considère la fonction C ∞ , f : x 7→ ln(1 + x) sur Le reste convergence uniformément vers 0 sur [0, 1] et donc la série de fonctions
I = [0, 1]. Par la formule de Taylor-Lagrange, on dispose pour tout x ∈ I d’un converge uniformément sur [0, 1]. En particulier la somme y est continue et on
réel c ∈ [0, x] tel que peut passer à la limite à gauche en 1. En reconnaisant que la somme est le
DSE de x 7→ ln(1 + x) on retrouve le résultat. Cette question faisait partie
+∞
X f (k) (0) k xn+1 (n+1) des questions préléminaire du sujet d’anlyse et probabilité 2020 que l’on peut
ln(1 + x) = = x + f (c) retrouver ici.
k! (n + 1)!
k=0
Le rapport du jury 2022 précise aussi que le théorème d’Abel n’est pas un théorème
Un calcul explicit des dérivées et une majoration du reste permet d’obtenir de prolongement mais un théorème de continuité. Pour ce qui est de prolongement,
voici pour terminer un résultat qui m’a été posé en oral blanc.
n
X (−1)k−1 xk 1
ln(1 + x) − ≤ −−−−−→ 0 On va discuter de la question du prolongement holomorphe d’une série entière en un
k n + 1 n→+∞
k=1 point du bord. On commence par la défintion de points singuliers et de points réguliers
Définition 3 : Soit an z n une série entière de rayon R . On note f la fonction ho-
P
P∞ n−1
et en particulier pour pour x = 1, on retrouve n=1 (−1)n = ln(2). C’est lomorphe sur le disque ouvert de convergence définie par la somme de la série entière.
un méthode très générale : formule de Taylor + majoration du reste. On re- On dit qu’un point z0 du cercle |z| = R est
démontre enfaite le DSE de x 7→ ln(1 + x) en montrant que la formule qu’on 1. régulier pour cette série si il existe ε > 0 et une fonction holomorphe g définie
connait sur ]−1, 1[ (obtenu par intégration de la somme géométrique) est en sur D(z0 , ε) tel que g coïncide avec f sur D(z0 , ε) ∩ D(0, R) (autrement dit g
réalité vrai sur ]−1, 1]. On peut d’ailleur si prendre plus facilement ici (éviter prolonge f )
les calculs de dérivées) : on part de
2. singulier pour cette série s’il n’est pas régulier.
n
X 1 (−1)n xn+1
(−1)k xk = + Théorème 4 : Soit
P
an z n une série entière de rayon R. Au moins un point du cercle
1+x 1+x
k=0 |z| = R est singulier pour cette série entière.
valable pour x ∈ ]−1, +∞[ puis, pour un x > −1, on intègre entre 0 et x, on Démonstration. Sans perte de généralité on peut supposer R = 1 pour fixer les idées.
obtient On raisonne par l’absure. Si tous le point étaient réguliers, on pourrait recouvrir le
Xn
(−1)k xk+1
Z x n+1
t cercle unité par une union de disques sur lesquels f admet un prolongement holo-
= ln(1 + x) + (−1)n dt morphe
k+1 0 1 +t [
k=0 S1 ⊂ D(z, εz )
avec z∈S1

Par compacité de S , on peut en extraire un sous-recouvrement fini, autrement dit on


1
x x
tn+1 xn+2
Z Z
dt ≤ n+1
t dt = −−−−−→ 0 lorsque x ∈ [0, 1] dispose de z1 , . . . , zN tels que
0 1+t 0 n + 2 n→+∞ [
S1 ⊂ D(zi , εzi )
1≤i≤N

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Mais alors   Références
[BB18] Julien Bernis et Laurent Bernis. Analyse pour l’agrégation de mathéma-
[
D(0, 1) ∪  D(zi , εzi )
1≤i≤N tiques : 40 développements. fre. Références sciences. Paris : Ellipses, 2018.
isbn : 9782340022904.
contient un disque de rayon un peu plus grand que 1 sur lequel f se prolonge
P de ma-
nière holomorphe. Ceci contredit alors que le rayon de convergence de an z n soit [Gou08] Xavier Gourdon. Analyse. fre. 2e éd. Les maths en tête. Paris : Ellipses,
égal à 1. 2008. isbn : 9782729837594.

0 1

Figure 4 – Le disque avec bord rouge agrandi le rayon de convergence : absurde.

Finalement vous pouvez allez voir ce document pour tout connaître des comportements
sur le bord du disque d’une série entière.

Vincent LE GRUIEC page 5 19 juillet 2023

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