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Cyril Achard

L’IMPROVISATION JAZZ
DOUBLE APPROCHE THEORIQUE ET PRATIQUE

Delatour France
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suivants du Code de la propriété intellectuelle.

ISBN 978-2-7521-0423-6
© 2021 by Éditions DELATOUR FRANCE
www.editions-delatour.com
Collection M usique/P édagogie
Sous la direction de Jean-Michel Bardez

Cette Collection comporte des ouvrages de réflexion, des méthodes, des partitions qui tissent une pensée
continue des processus de « formation ».

La transmission de connaissances suppose des étapes qu’il faut sans cesse dépasser, en se trouvant toujours
aux frontières du sens… des transitions, une intégration progressive, une adaptation de l’ensemble de la
mémoire, une polysémie, une évolution continue, un déplacement sans fin, issu de distances critiques,
de transgressions, de transversalités. Il existe d’ailleurs toujours des territoires parallèles inconscients,
cryptés, voire interdits, dont il convient de transmuer les cloisons apparemment étanches.

Ce sont de multiples expériences très intenses de vie, d’autonomie et de pratiques collectives, de


déchiffrages, d’écoutes, d’improvisations, de mémorisations, qui mettent en jeu, en savoir, en actes, des
progressions souvent rapides si elles ont été stimulées. Ce que nous savons du cerveau, des émotions,
plus récemment grâce aux sciences croisées sur cette recherche, nous permet d’être mieux à même
d’imaginer des parcours. La « formation musicale », la formation du musicien, de la musicienne, est liée
aux pédagogies instrumentales, vocales, à la connaissance du plus grand nombre de « répertoires », en
tous temps et lieux, à des processus historiques, analytiques, à une culture large.
La formation artistique, sous tous ses aspects est un « fondamental » et non un « divertissement ». Y
avoir accès est souvent une chance… Elle permet une approche plurivalente de la complexité à travers
celle du « sonore musical », de l’ensemble des actes créatifs, souvent associés, imaginés par l’espèce
actuelle.

Dans la même collection

Livres
Vocabulaire pratique d’analyse musicale - Philippe Gouttenoire et Jean-Philippe Guye
On a volé la tierce mineure - Xavier Charles
Vocabulaire de l’espace en musiques électroacoustiques - Bertrand Merlier
Une histoire du saxophone par les méthodes parues en France : 1846-1942 - Pascal Terrien, dir.
A History of the Saxophone Through the Methods Published in France: 1846-1942 - Traduction de Sylvia Kahan
Enseigner le piano aujourd’hui - Stéphane Gendron
Formation musicale, formation du musicien - Textes réunis par Jean-Paul Despax et Jean-Michel Bardez)
Le jeu sunétique : Un outil pour le monde sonore - Philippe Festou
Chanter : Une voie vers soi - Marc Brochet
Les identités des professeurs de musique - Sous la direction de François Joliat, Angelika Güsewell, Pascal Terrien
Le corps musicien : Vers une méthode sensorielle de l’interprétation pianistique - Ester Pineda
L’improvisation jazz - Double approche théorique et pratique - Cyril Achard
La composition pour tous - Anne Olga de Pass

Partitions
Tableaux d’une exposition pour piano à 4 mains - Moussorgski/Bruno Rossignol no
La contrebasse Vol. I - Régis Prudhomme
La contrebasse Vol. II - Régis Prudhomme
Prélude à l’après-midi d’un faune pour piano à 4 mains - Debussy/Bruno Rossignol
Le « petit livre d’orgue » transcrit pour deux instruments à un seul clavier - Bach/François Delalande
TABLE DES MATIÈRES

Glossaire 7
Avant-propos 9

I. Connaissances préalables
Nomenclature des accords classés 11
Échelles diatoniques et chord-scales 15
Harmonies majeure et mineure 19
Tons voisins, modulations, accords ornementaux 24
Correspondance entre tonalités modales et chord-scales 26

II. Approche théorique


Préambule 29
Méthode d’analyse tonale 30
Application :
Morceau d’étude no.1 : le « blues jazz » ou « blues avec Anatole » 33
Morceau d’étude no. 2 : sur le modèle de Some day my prince will come 36
Morceau d’étude no. 3 : sur le modèle de Out of nowhere 41
Morceau d’étude no. 4 : sur le modèle de Wave 47
Morceau d’étude no. 5: sur le modèle de Angel eyes 52

III. Approche pratique


Préambule 59
L’arpège comme outil de base 59
Transpositions 61
Progressions récurrentes :
II-V-I majeur 63
Altération du II-V-I majeur 65
II-V-I mineur 66
Altération du II-V-I mineur 68
Cellule Anatole majeur 70
Cellule Anatole mineur 72
Cellule Christophe 74
Application et développement sur la base du « 12 Bars Blues » 77
7

Glossaire

Chiffrage des degrés - Les degrés diatoniques sont notés (I-II-III-IV-V-VI-VII). En harmonie
mineure on précise -III, -VI, -VII pour les accords posés sur les médiante, sus-dominante mineure et
sous-tonique. L'accord napolitain est noté -IInap, l'accord cadentiel phrygien -II.
L'accord diminué s'utilise en situation mélodique comme fonctionnelle. Nous utiliserons dans les
deux cas la notation VII/II, VII/III etc. pour ce renversement de l'accord 7(b9) sans fondamentale
(V7b9s.f).
Lorsque cet accord est utilisé en formule mélodique (n’assumant plus la fonction dominante), nous
le notons dans ce cas VII n.r. pour « VII non résolu ».

Dominantes secondaires - Elles sont exprimées comme suit V/II, V/III etc. Pour tonicisation du
degré II, du degré III etc. Par extension, les cadences secondaires sont chiffrées : II-V/II, II-V/III etc.

Enchaînement, progression, cadence - Un enchaînement d'accords est une suite aléatoire,


contrairement à la progression qui traduit elle, une logique harmonique reflétant un sentiment tonal.
Une cadence est originellement une fin de phrase et évoque un sentiment conclusif ou semi-conclusif.
La théorie jazz parle le plus souvent de cadences là où les musiciens classiques n'y verraient que de
simples progressions.

Harmonie de « pudeur française » - Lorsque au sein de la dominante, la résolution de la tonique


vers la sensible reste suspendue, nous notons p.f après le degré représentant cette forme particulière
de la fonction dominante (IIm7(b5) p.f par exemple, voir page 42).

Homonyme - Pour échelles ou deux modes ayant une tonique commune (par exemple do majeur et
do mineur).

Quarte et sixte de cadence : Cet accord, dont la morphologie illusoire est similaire à celle de I/5,
correspond à une forme de dominante particulière. On parle d'amplification de la fonction dominante
par double appogiature des tierce et quinte du degré V.
En Mode majeur nous le noterons V4/6, en Mode mineur V4/6m.

C/G G7 C Cm/G G7 Cm

V4/6 V7 I V4/6m V7 Im

Police d'écriture - En italique le nom de la note au sein de l’échelle, en standard le nom de la fonction
ou du degré.
Nous écrivons par exemple, tonique et sous-dominante pour les première et quatrième notes d'une
échelle. Puis tonique, dominante et sous-dominante respectivement pour la fonction des degrés I, V
et IV. Quelque fois nous utilisons ^1, ^2, ^3, ^4 etc. pour première, seconde, troisième, quatrième
note de l'échelle. Nous utilisons ^7 pour sensible, et b7 pour sous-tonique.

Renversement - Nous écrivons par exemple I/3, I/5, I/7 pour premier, second et troisième
renversement du degré I.

Septièmes - Nous utilisons les symboles suivants : 7M, -7 et --7 respectivement pour septièmes
8

majeure, mineure et diminuée.

Substitution tritonique - Nous écrivons Sub.+4 / V pour substitut tritonique du degré V7. Lorsque la
dominante se présente sous une forme renversée, avec la quinte diminuée à la basse. La notation
retiendra cette quinte diminuée comme fondamentale de l'accord substitut.
Par exemple, en do majeur la progression II-V-I évoluera vers II--II7-I, avec -II7 comme Sub.+4 / V.

Tonalités voisines - Par simplification nous nommons par exemple, ton du IV, ton du III etc. pour
tons de la sous-dominante, ton de la médiante etc.

Tonicisation : phénomène harmonique imitant la progression V7-I(m) entre deux degrés autres que
les dominante et tonique principales. La tonique secondaire visée est un degré diatonique, la
dominante secondaire qui la précède se situe une quinte au-dessus (par ex. : B7-Em ou D7-G7 en do
majeur).
9

Avant-propos

En matière d'improvisation musicale, les connaissances théorique et pratique sont rarement


suffisantes, il est nécessaire d'être également au fait de certaines méthodes facilitant leur articulation
conjointe. En accompagnant le lecteur pas à pas, les principes énoncés ici lui permettront d'aborder
l'exercice d'improvisation avec facilité. L'objectif étant de discipliner l'étude théorique et pratique
d'un standard de jazz.
Pour cela, il s'agit de développer un raisonnement logique en matière d'analyse harmonique.
D'un point de vue pratique, nous nous attacherons à suivre un programme ordonné s'appuyant sur une
série d'exercices préliminaires, et basé sur l'étude de progressions d'accords stratégiques.
Ce travail vise à stimuler l'expression du « chant interne » chez l'improvisateur, ainsi qu'à favoriser
l’élaboration d'un phrasé juste et cohérent. Un tel processus aboutira à la mise en place d'un
mécanisme transposable d'un morceau à l'autre.

Parce que l'analyse harmonique, à quelques exceptions près, ne laisse que très peu de place à
l'interprétation personnelle, parce que les exemples étudiés ici respectent une logique et une
cohérence dans leur cadre d'écriture : ce manuel propose un modèle d'étude efficace et rigoureux.

Notre travail reposera sur l'examen de morceaux d'étude, analogues et inspirés par le répertoire jazz
et Bossa Nova. Ces deux genres musicaux partagent nombre de valeurs communes, au premier rang
desquelles se place leur langage harmonique, empreint de couleurs et progressions d'accords
similaires. Historiquement le jazz est premier, c'est pour cela que dans les lignes qui suivent nous ne
parlerons que de langage, d'harmonie et de pratique jazz, fusionnant ainsi les deux genres par
simplification.
Sa forte identité artistique résultant d'une solide et déjà longue tradition culturelle, son extrême
richesse musicale et la cohésion de son corpus, érigent le jazz en tant que référence à l'intérieur de la
famille des «musiques actuelles». Pouvant être considéré comme l'un des derniers styles apparus dans
la lignée des musiques savantes, j'estime que l'observation de son langage et de ses particularités
rejaillissent favorablement sur les aptitudes à improviser, quel que soit le contexte musical, et bien
évidemment lorsque l'exercice y est à propos.

La présente méthode repose sur l'analyse théorique de morceaux d'étude qui sont des références,
élaborés de manière à réunir l'ensemble des caractéristiques essentielles de l'idiome jazz.
D'un point de vue pratique, nous passerons en revue les principales progressions d'accords, ces piliers
de l'édifice harmonique sur lesquels reposent la construction d'un standard de jazz.

A ce stade, il me parait important de souligner le point suivant.


Bien que la théorie musicale jazz ne puisse être contenue de façon restrictive dans un seul cadre
conceptuel, cet ouvrage se concentre sur l'étude d'une forme d'écriture volontairement et strictement
limitée à l'horizon de la pensée tonale.
En effet, les «standards» dont la date de création est antérieure à la période charnière - correspondant
à la fin des années cinquante et déterminée par l'enregistrement de l'album Kind of Blue par Miles
Davis (1959) - obéissent majoritairement aux principes ordonnés par cette logique tonale.

C. Achard
11

Première partie
Connaissances préalables

1 - Nomenclature des accords classés


Définition
Tout accord jouant un rôle au sein du système harmonique tonal appartient à l'ensemble des accords
classés.
Dépourvu de tout perturbateur mélodique, l'accord classé est généré par une des principales échelles
diatoniques : gamme majeure, gamme mineure harmonique, gamme mineure mélodique.
Certaines échelles comme les modes à transposition limitée - principalement les mode unitonique et
mode diminué appartenant au système d'Olivier Messiaen - pourront servir de base à la formation
d'accords classés moins traditionnels.

Principes structurels
La majorité des accords classés comprend les triades (consonantes et dissonantes) ainsi que les
tétrades (dissonantes). Ces constructions harmoniques sont générées par l'empilement de tierces
successives, dont le son de base est appelé fondamentale.
Le reste des accords classés regroupe toutes les harmonies (triades et tétrades avec un ou deux sons
ajoutés) ayant intégré au fil du temps différentes dissonances et notes instables (quarte, seconde, sixte,
neuvième, onzième, et treizième), et cela à des degrés divers.
Il est évident que l'ère musicale que nous considérons désormais s'étend jusqu'à la période moderne,
intégrant les innovations et les apports harmoniques auxquels le jazz a largement contribué.
Au-delà, toute sonorité ne répondant pas à de tels critères structurels sera considérée comme un
agrégat.

La nomenclature suivante est organisée par ordre de densité harmonique croissant. Les accords sont
donnés à l'état fondamental. Dans la pratique, le choix des dispositions est variable.

C Cm C aug / C+ / C#5 C° Csus4 / Csus Csus2

(1)

C7 Cm7 Cm7(b5) Cmaj7 Cmmaj7 C+maj7 C+7 C7 (b5) C°7

(2) (3) (4)

Cadd2 Cadd9 C6 Cmadd2 Cmadd9 Cm6 Cmadd4 C7 sus

(5)
12

C7 (9) Cm7(9) Cm9 (b5) Cmaj9 Cmmaj9 C+maj9 C+7 (9) C7 (b9) C7(b9/b5)

(2) (3)

C7(#9) C7 (#9/b5) C6/9 Cm6/9 C7 (13) C7 (b5/13) Cm7 (add13) Cm7 (13) Cmaj7(add13) Cmaj7(13)

(6) (7) (8)

C7(addb13) C7(addb13) Cm7(addb13) C7(#11) Cm7 (add11) Cm7(11) Cm11 (b5) Cmaj7(#11)

(9) (10)

6 ------- 5 b6 ------- 5
C7(9) sus C7(b9) sus C7(13) sus C 4 ------- 3 C 4 ------- b3

C7(9/13) C7(b9/b13) C7(b9/13) C7(9/b13) C7alt

(11) (12)

Notes
(1) La triade augmentée s'utilise le plus souvent sur les degrés I et IV du Mode majeur, avec la quinte
augmentée employée en note passage ou appogiature.

Deux exemples d'utilisation de I #5 en do majeur

C#5 F C#5 Dm

Iapp. IV Iapp. II

Dans ce cas la triade augmentée peut être assimilée


à une « pseudo-dominante », en vertu du pouvoir
attractif de sa note altérée et du saut par 5te descendante
à la voix basse.

(2) Cet accord est naturellement posée sur le degré -III du Mode mineur. En situation tonale (accords
en mouvement), sa nature exacte est celle d'une dominante avec sixte mineure ajoutée à la basse (V7/-
13

6). Jadis appelé « accord de quinte superflue », il appartient à la catégorie « d'accords par
supposition »* donnée par Rameau dans son Traité (1722) :

E7/C ou C+maj9 Am

V* I

(3) Il faut distinguer l'accord de septième (7#5) avec quinte augmentée ornementale (note de passage
ou appogiature) sur le degré V du Mode majeur, de cet accord augmenté de septième, naturellement
issus du mode unitonique.

(4) Pour certaines dispositions d'accords de septième générées par le mode super locrien, il est
préférable de chiffrer -5 plutôt que #11, afin de souligner l'absence de quinte juste dans le mode et
d'en proscrire l'emploi.

(5) La triade majeure correspond à un degré fort, c'est ce qui lui permet de supporter l'ajout d'un son
instable comme celui d'une sixte.
En ce qui concerne la triade mineure avec sixte ajoutée, elle n'a pas d'existence propre en contexte
tonal : dans ce cas, la notation m6 est utilisée par confort de lecture et d'exécution.
• En Mode majeur, IIm6 contient le triton tonal (^4 - ^7), ce qui fait de lui une dominante (second
renversement de V7(9) s.f) :

(Dm6 ) = G79 s.f

(IIm6) = V79 s.f

• En Mode mineur, IVm6 correspond au premier renversement de IIm7(b5) :

Bm7(b5) /D ou Dm6 Bm7(b5)

IIm7(b5)/3 ou IVm6 IIm7(b5)

N.B. : dans le système ramiste, la sixte ajoutée à l'accord du IVm est une dissonance nécessaire à la
sous-dominante lorsqu'elle progresse vers la tonique. La cadence plagale constitue la seule exception
d'utilisation tonale de cet accord m6 à l'état fondamental :

Dm6 Am

IVm6 I

Pour le reste, on réservera son usage aux situations modales doriennes (accords m6 statiques).
14

(6) La quinte apparaît théoriquement. En pratique, cette note « inutile » est le plus souvent supprimée.
Associée à la neuvième augmentée, elle renvoie à un accord généré par le mode demi-ton/ton. Pour
rappel, la neuvième augmentée est orthographiée comme telle par simplification. Le ré# n'en demeure
pas moins un mi-, c'est à dire la dixième mineure (-10) de l'accord de septième.

(7) En théorie la treizième est supportée par six sons inférieurs : 1-3-5-7-(9)-(11)-13. La parenthèse
rappelle qu'en pratique l'accord est le plus souvent entendu sans neuvième ni onzième.

(8) Même raisonnement que (5), la racine demeure Am7(b5).

(9) Notation personnelle permettant de légitimer l'emploi de l'accord de treizième sans le soutien des
extensions inférieures (neuvième et onzième). Certains considèrent ici que la treizième se substitue à
la quinte, d'où l'appellation d'accord « équivalent quinte » pour cette forme à quatre notes.

(10) Même raisonnement que (5). En contexte tonal cet accord n'existe pas, il n'est que le premier
renversement de l'accord septième majeur neuvième, Abmaj9 dans ce cas. On lui prêtera plus de
considération en situation statique et modale (mode éolien).

- Écriture en situation tonale : A-mj9/C A-mj9 : état fondamental

- Écriture en situation modale : Cm7 (addb13)

(11) Accord généré par le mode demi-ton/ton. Comme pour tous les accords de treizième, la onzième
est toujours éludée.

(12) Les jazzmen ont pour habitude de fusionner deux appellations pour un même mode.
Ainsi le mode super locrien générant l'accord qui possède le nombre d'altérations maximal, est
également appelé mode altéré et son accord type noté 7alt .
La synthèse accordique proposée ici n'est qu'informelle, elle tend à renseigner le lecteur sur la
nature de toutes les extensions possibles et permises par l'échelle altérée.
15

2 - Échelles diatoniques et chord-scales


Ce chapitre énumère l'ensemble des échelles à connaître avant de se lancer dans l'exercice d'analyse
harmonique. Commençons par insister sur la nécessité de distinguer entre gammes, échelles
diatoniques, chord-scales, Modes et modes.

Gamme/échelle
L'échelle diatonique est le socle de base à partir duquel se déclinent différentes combinaisons scalaires
musicales, regroupées sous l'appellation généralisante de gammes. Le modèle diatonique occidental
est heptatonique, il est représenté par les échelles diatoniques majeure et mineure (naturelle).
L'échelle diatonique mineure possède trois degrés mobiles avec les seconde, sixième et septième
notes (^2 ou ^-2, ^6 ou ^-6, ^7 ou ^-7).
L'apport de la sus-tonique abaissée (^-2) est intimement lié à l'historique du deuterus (mode phrygien
dans le plain-chant grégorien).
Si l'échelle diatonique définit une succession d’intervalles caractéristiques se répétant infiniment, la
gamme est bornée par les limites de l'octave et prend en compte le nom de sa tonique (^1). Nous
dirons échelle diatonique majeure d’une part, gamme de do majeur d’une autre.

Mode/mode
Par Modes majeur et mineur, nous désignons les deux cadres d'écriture tonals principaux que
définissent les harmonies majeure et mineure.
A l'inverse, le terme de « mode » renvoie à une conception modale de l'harmonie, on parle pour cela
de tonalité modale. Nous utilisons la différence entre majuscule et minuscule pour distinguer entre
l’un et l’autre (Mode – mode).

Chord-scales
Échelles de gammes provenant d'horizons scalaires divers (diatonisme, tonalités modales, modes à
transposition limité). Nous recourrons aux chord-scales en contexte tonal, lorsqu'il s'agit d'en référer
à un emprunt spécifique, et afin d'en désigner la gamme mère correspondante.

> Illustration 1
Tonalité de do majeur

Dm7 D-maj7 G7 Cmaj7


II -IInap. V I

En situation tonale comme ici, préciser l'emploi du chord-scale lydien sur le degré -IImaj7 (sixte
napolitaine) est plus rigoureux et significatif qu'en référer au mode lydien. Il ne s'agit pas là que d'une
simple nuance terminologique.
Parler de mode lydien renvoi à une conception modale de l'harmonie (accords statiques, note modale),
alors que la notion de chord-scale lydien traduit l'usage d'une échelle spécifique sur un emprunt en
situation tonale (accords en mouvement, progressions harmoniques, cadences).

En matière d'improvisation tonale, recourir à un chord-scale ne doit en aucun signifier la volonté de


faire entendre sa note modale.
Les notes modales prisées en situations modales, sont instables et interdites en contexte tonal. Nous
en référons ici aux 9e mineure, 11e augmentée, 6te majeure et 6te mineure, respectivement notes
modales des modes phrygien, lydien, dorien et éolien.

Dans le cas précédent, l'improvisateur ne devra en aucun cas accentuer la 11e augmentée du chord-
16

scale de D- lydien. Il s'appuiera plutôt sur les notes stratégiques (fondamentale, tierce, quinte) de
l'accord D-maj7.

> Illustration 2
Exemple d'emprunt en do majeur
Chord-scale de fa# dorien

1 2 -3 4 5 6 -7

F6 F#m7 G(9)sus

IV #IVm7 V

Dans cet exemple, l'improvisateur utilise le chord-scale de fa# dorien sur F#m7, emprunt au ton de la
médiante. En aucun cas, il ne devra accentuer la sixième note de l'échelle dorienne, cette note (ré#)
ne peut être utilisée ici qu'en passage.

Échelles diatoniques tonales


Do majeur Do mineur naturel Do mineur harmonique

1 2 3 4 5 6 7M 1 2 -3 4 5 -6 -7 1 2 -3 4 5 -6 7M

Ces trois échelles fondamentales sont à la


base du langage tonal majeur et mineur.

Harmonisation des échelles diatoniques tonales

Tonalités Degrés
Majeure Imaj7 IIm7 IIIm7 IV maj7 V7 VIm7

Mineure Im7 IIm7(b5) -IIImaj7 IVm7 Vm7 -VImaj7 -VII7


naturelle
Mineure Immaj7 IIm7(b5) -IIImaj7 IVm7 V7 -VImaj7 VII°7
harmonique
En gras les degrés attestant d'une réelle activité tonale.

Échelles diatoniques modales


Les échelles suivantes sont celles auxquelles la mécanique harmonique tonale recourt le plus
fréquemment, elles alimentent le discours tonal de degrés cadentiels modals et de colorations
mélodiques.
17

do phrygien do dorien

1 -2 b3 4 5 -6 -7 1 2 -3 4 5 6 -7

do lydien do mixolydien

1 2 3 #4 5 6 7M 1 2 3 4 5 6 -7

Harmonisation des échelles modales

Tonalités modales Degrés


Dorienne Im7 IIm7 -IIImaj7 IV7 Vm7 VIm7(b5) -VIImaj7

Phrygienne Im7 -IImaj7 -III7 IVm7 Vm7(b5) -VImaj7 -VIIm7


Lydienne Imaj7 II7 IIIm7 #IVm7(b5) Vmaj7 VIm7 VIIm7
Mixolydienne I7 IIm7 IVmaj7 Vm7 VIm7 -VIImaj7
En gras les degrés attestant d'une réelle activité modale (degrés cadentiels modals).

Échelle diatonique à usage mélodique


Do mineur mélodique (ou mineur ascendant)

1 2 -3 4 5 6 7M

L'usage de cette échelle est exclusivement mélodique, il peut être lié à l'emploi d'accords spécifiques
comportant certaines colorations (IV7(#11), IIm9(b5) etc.) ou bien imposé par le donné mélodique.

Les chord-scales en contexte tonal


La liste suivante regroupe les principaux chord-scales que le lecteur devra connaître avant d'aborder
la partie analytique. Les chord-scales sont ces « échelles d'accords » permettant d'assigner à un
emprunt tonal, une échelle originelle (racine harmonique).
Cette connaissance favorise la transversalité entre pensée théorique et démarche pratique, comme
nous le verrons dans la troisième partie consacrée à l'improvisation.

do lydien - Cmaj7(#11) do mixolydien - C7 do locrien - Cm7(b5)

1 2 3 #4 5 6 7M 1 2 3 4 5 6 -7 1 -2 -3 4 -5 -6 -7

Lecture de l'échelle majeure Lecture de l'échelle majeure Lecture de l'échelle mineure naturelle
à partir de la 4eme note. à partir de la 5eme note. à partir de la 2eme note.
18

do phrygien majeur - C7(b9/b13) do mixolydien -13 - C7(9/b13) do locrien =9 – Cm11(b5)

1 -2 3 4 5 -6 -7 1 2 3 4 5 -6 -7 1 2 -3 4 -5 -6 -7

Lecture de l'échelle min. harmonique Lecture de l'échelle min. mélodique Lecture de l'échelle min. mélodique
à partir de la 5eme note. à partir de la 5eme note. à partir de la 6eme note.

do lydien augmenté - C+maj7 do lydien dominant (Bartók) - C7(#11)

1 2 3 #4 #5 6 7M 1 2 3 #4 5 6 -7

Lecture de l'échelle min. mélodique Lecture de l'échelle min. mélodique


à partir de la 3eme note. à partir de la 4eme note.

do super locrien ou do altéré - C7(alt)

1 -2 #2 (-3) 3 -5 -6 -7
Lecture enharmonique de l'échelle mineure mélodique à partir de la 7 eme note

do demi-diminué (mode de Bertha) - C7(b9/13)

1 -2 #2 (-3) 3 #4 5 6 -7

do par tons (mode unitonique) – C+7

1 2 3 #4 #5 -7

> Remarques

Les échelles demi-diminuée et altérée permettent la constitution de l’accord 7(#9). Cette neuvième
augmentée (#9) résulte de la cohabitation entre une tierce mineure (-10 à la mélodie) et une tierce
majeure (présente dans l'harmonie). La « -10 » appartient à l'échelle mineure naturelle, tandis que la
tierce majeure de V7 est issue de l'échelle mineure harmonique.
Cet accord 7(#9) est donc une entité hybride que les jazzmen ont su « traiter » en lui associant deux
échelles d'improvisation adaptées avec les chord-scales super locrien et demi-diminué.
Il peut également arriver que l'accord 7(#9) soit imposé par le compositeur en vertu de sa couleur
caractéristique, hors nécessité mélodique.

La septième mineure (sib) du mode octotonique est une interprétation enharmonique de la sixte
augmentée (la#), répondant à l'utilisation de ce mode sur l'accord augmenté de septième (C+7).
19

3 - Harmonies majeure et mineure


Ce manuel ne concentre pas son propos sur l'harmonie. Les chapitres 2-3-4 de cette première partie,
ne constituent que de succins résumés de principes théoriques bien plus vastes encore. Les notions
fondamentales livrées ici en rappel seront nécessaires au musicien pour la poursuite de sa lecture.

Les fonctions tonales


Intimement liées au mécanisme cadentiel, dont la formule archétypale est donnée par le « cycle
tonal » I-IV-V-I, ces fonctions tonales se concentrent sur la dernière partie du cycle : IV-V-I.

Harmonie majeure
- On attribue aux accords précédant la dominante, lorsque celle-ci introduit une cadence parfaite ou
rompue, la fonction prédominante (accords de préparation).
- On attribue à l'accord précédant le dernier accord d'une cadence parfaite ou rompue, la fonction
dominante (accord de tension).
- On attribue aux accords concluant la cadence parfaite et rompue, la fonction tonique.
- On attribue au premier accord d'une cadence plagale, la fonction plagale.

Fonctions Prédominante Plagale Dominante Tonique


(6) 7 (6) (7)
Degrés IV – IIm – VIm IV V I(6) – VIm
diatoniques I/5 – V7sus

> Remarques

D'un point de vue théorique, le son naturellement ajouté à la triade du degré IV en fonctions plagale
et prédominante, est la sixte et non la septième :

F6 C F6 G7

IV I IV V

Il en va de même pour le degré I en fonction tonique (accord résolutif), on lui préférera la sixte
majeure à la septième plus instable et souvent incompatible avec la mélodie :

G7 C6

V I

A l'inverse la septième est naturelle lors de progressions ordonnées selon le cycle des quintes :
G7 Cmaj7 Fmaj7

V I IV
20


On parle de progression plagale pour IIm7- I, le primat du geste plagal étant réservé au saut de
quinte ascendant à la voie grave (IV-I).

Le degré VIIm7(b5) n'existe pas en harmonie majeure. Cette sonorité doit être rattachée à l'accord de
neuvième sans fondamentale : V7(9) s.f.
Bm7(b5) = G7(9) s.f

Harmonie mineure
- On attribue aux accords précédant la dominante, lorsque celle-ci introduit une cadence parfaite ou
rompue, la fonction prédominante (accords de préparation).
- On attribue au premier accord d'une cadence parfaite ou rompue, la fonction dominante (accord de
tension).
- On attribue à l'accord concluant la cadence parfaite, la fonction tonique.
- On attribue au premier accord d'une cadence plagale, la fonction plagale.

Fonctions Prédominante Plagale Dominante Tonique


Degrés IVm(7) – IIm7(b5) IVm(6) V(7) – VII°7 Im
diatoniques -VI -III+maj7
Im/5 – V7sus

> Remarques

Pour les mêmes raisons qu'en Mode majeur, nous parlons de progression plagale pour
l’enchaînement IIm7(b5) - Im.

En fonction plagale, la sixte est un son ajouté à la sous-dominante. IVm6 n’est pas un renversement
de IIm7(b5).

Si le degré VI est stable en Mode majeur, puisqu'il confère un sentiment de repos à la cadence
rompue, ce n'est pas le cas du degré -VI en Mode mineur, ce dernier étant posé sur la note instable du
Mode mineur : la sus-dominante mineure (^-6 – la- en do mineur).

La mécanique tonale mineure exclue des périodes fonctionnelles, les degrés -III, Vm, et -VII. Ces
derniers seront préférés en situations modales mineures.

Bien que le degré -III+maj7 contienne la sensible et appartienne à la catégorie dominante, son
enchaînement avec le degré I ne donne pas littéralement lieux à une cadence parfaite.

Notes instables

En Mode majeur les foyers instables se concentrent autours des sous-dominante et sensible (^4 et
^7 – fa et si en do majeur). Tout degré contenant une seule ou les deux notes est moyennement ou très
instable : II, IV, ou V7.

En Mode mineur les foyers instables se concentrent autours des sus-dominante mineure et sensible
^-6 et ^7 – la- et si en do mineur). Tout degré contenant une ou ces deux notes est moyennement ou
très instable : II, IV, -VI ou V7.
21

Notes fonctionnelles
La règle suivante est valable en Modes majeur et mineur :
- La note fonctionnelle portant la charge de la fonction prédominante est la tonique (^1).
- La note fonctionnelle portant la charge de la fonction dominante est la sensible (^7).
- La note fonctionnelle portant la charge de la fonction tonique est la tonique (^1).
Au cœur de la succession des fonctions prédominante – dominante – tonique, se dessine en
soubassement la ligne mélodique : tonique-sensible-tonique (^1 - ^7 - ^1).
Ces notes cardinales sont dépositaires du « code tonal » en vertu de leur orientation mélodico-
harmonique.

> Illustration

Exemple en ton de do majeur : Dm7 G7 C

II V I

Les degrés chromatiques


Certains degrés « extra-diatoniques », mais non moins intimement liés à la mécanique fonctionnelle
tonale, sont le fruit de processus originellement mélodiques. Tous remplissent la fonction
prédominante (degrés précédant la dominante) en harmonie majeure comme mineure.

Fonction Prédominante
Degrés chromatiques -IInap – II7 – -VI7


Le degré -IInap est l'accord de sixte napolitaine.
● 7
II : « dominante de la dominante » (emprunt au ton du V).
Historiquement, il convient de faire précéder tout accord parfait d'une sensible, lorsque celui-ci est
emmené par saut de quinte descendant (II7-V).
La note chromatique du degré II7 est sa tierce majeure, laquelle se résout le plus souvent de manière
exceptionnelle (vers le bas) comme dans : II7 – IIm7 ou II7 – V7.

-VI7 : accord de sixte allemande*. Forme la plus utilisée par les musiciens de jazz, parmi les trois
accords de sixte augmentée. L'interprétation moderne lui prête une nature fonctionnelle en tant que
substitut tritonique de II7.

> Illustration
Les trois prédominants chromatiques

D-/F G7 D7 G7 A-7 G7

-IInap. V7 II7 V7 -VI7 * V7


La sensible (fa#) est orthographiée
sol- pour coller à l'harmonie
descendante et parallèle.
22

> Remarques

Ces trois prédominants s'utilisent en position fondamentale comme renversée.

L'accord de sixte napolitaine est le seul justifiant de l'exception suivante : la sensible (^7) de V7
n'est pas préparée par la tonique (^1), mais par la sus-tonique abaissée (^-2), fondamentale de l'accord
napolitain.

Extensions des degrés harmoniques mineurs


1 - Le Mode mineur repose sur un socle défini par l'échelle mineure naturelle, laquelle fournit à
l'harmonie mineure cinq principaux degrés tonals :
Im(7) – IIm7(b5) – (-IIImaj7) – IVm(7) – (Vm7) – -VI(maj7) – -VII(7)*.

Bien que structurellement issu de l'échelle mineure naturelle, l'utilisation du degré bVII(7) en
progression vers Im (-VII-Im) demeure une cadence d'ascendance modale éolienne.

2 - L'harmonie mineure s'enrichit de la fonction dominante en empruntant la sensible à l'échelle


mineure harmonique. De cette manière, à la liste de degrés précédents, s'ajoutent : -III+maj7 , V(7) et
VII°7.

3 - Les tonalités modales homonymes (phrygienne et dorienne) enrichissent la population tonale


mineure de degrés cadentiels (modals) participant du processus d'affirmation tonale.
- Degrés cadentiels phrygiens : -VIIm(7) et -II(maj7).
- Degrés cadentiels doriens : IIm7, IV(7), VIm7(b5).

Synthèse de l'ensemble des degrés harmoniques mineurs

Im(7) - Immaj7
-II(maj7)
IIm7(b5) - IIm7 - II7
-III+maj7 - bIIImaj7
IVm(7 ou 6)- IV7(#11)
V(7) - V7 sus - Vm7
-VI(maj7) - -VI7
VIm7(b5)
-VII(7) - -VIIm(7)
VII°7
En gras les degrés tonalement décisifs

> Remarques :

Rares sont les cas où l'usage de l'échelle mineure mélodique homonyme s'impose en contexte tonal.
Son utilisation est essentiellement liée à l'emploi du degré IV7(#11) ou à l'usage de tournures
mélodiques empruntant spécifiquement le mode mineur ascendant (^5 - ^6 - ^7 - ^8).

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