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DROIT ADMINISTRATIF

PREMIER SEMESTRE
SESSION 1
L2P2
Chargée de cours : Mme BOISSARD
Chargé(e)s de TD : Mmes CORSET, RICCARDI, MAALEM, TCHEOUI et Mr
VANGELE

Durée de l’épreuve : 3h
Aucun document autorisé.
VEUILLEZ COMMENTER AU CHOIX :
SUJET N°1.
COMMENTEZ : TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES - PREFET
D’ILLE-ET-VILAINE - 25 octobre 2019 - n° 1904029 C+,

OU

SUJET n° 2.
COMPAREZ : CAA VERSAILLES, 4E, 19-12-2017, n° 15VE03582 ET CAA
VERSAILLES, 7E, 02-07-2020, n° 20VE00675.

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SUJET N°1.
COMMENTEZ TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES - PREFET
D’ILLE-ET-VILAINE - 25 octobre 2019 - n° 1904029 C+
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 août et le 3 octobre 2019, le
préfet d’Ille-et-Vilaine demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 18 mai 2019 du
maire de Langoüet portant restriction de l’utilisation de produits
phytopharmaceutiques sur le territoire de la commune, ensemble la décision de
rejet de son recours gracieux du 20 juin 2019.
Il soutient que : - l’arrêté attaqué est entaché d’incompétence ; - il n’y a pas de
péril imminent ; - il n’existe pas de circonstances locales particulières justifiant
l’arrêté attaqué.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 septembre et le 8 octobre 2019, la
commune de Langouët, représentée par Me Tofani, conclut dans le dernier état de
ses écritures : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à l’annulation de l’arrêté n° 2017-
12859 du 11 août 2017 du préfet d’Ille-et-Vilaine ; (…) 4°) à ce que soit transmis
à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante : «
En cas de carence avérée d’un Etat membre pour promulguer sur toute l’étendue
du territoire national les mesures concrètes de protection des personnes
vulnérables exigées par les articles 12 de la directive n°2009/128/CE du 21
octobre 2009 et 3 du Règlement du Parlement européen et du Conseil
n°1107/2009 du 21 octobre 2009, les principes de primauté et d’effectivité du
droit de l’Union, emportent-ils le droit et/ou le devoir pour toute autorité locale
disposant d’un pouvoir de police sanitaire, de prendre, sur l’étendue de sa
compétence territoriale, des mesures, au moins provisoires, de protection des
personnes vulnérables au sens des textes précités ? » ; (…) 6°) à ce que la somme
de 3 000 euros soit mise à la charge de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code
de justice administrative.
La commune fait valoir que : - le maire tenait sa compétence des dispositions
constitutionnelles, européennes et légales visées dans l’arrêté ; - l’arrêté attaqué
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n’a pas méconnu les dispositions des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code
général des collectivités territoriales, ni celles des articles L. 1311-1 et L. 1311-2
du code de la santé publique ; - l’existence d’un péril imminent et de
circonstances locales particulières est caractérisée en l’occurrence ; - par voie
d’exception, l’arrêté préfectoral n° 2017-12859 du 11 août 2017 doit être annulé,
en ce qu’il est entaché d’erreurs manifestes d’appréciation et méconnaît les
dispositions de l’arrêté interministériel du 27 juin 2011. (…)
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 18 mai 2019, le maire de Langouët a restreint l’utilisation de
produits phytopharmaceutiques sur le territoire de la commune, en les interdisant
notamment « à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale
comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel », et en réduisant
cette distance à 100 mètres dans certains autres cas. Par un recours gracieux du
27 mai 2019, le préfet d’Ille-et-Vilaine a demandé au maire de retirer cet arrêté.
Par une lettre en date du 20 juin 2019, le maire de Langouët a rejeté ce recours
gracieux. Le préfet d’Ille-et-Vilaine demande l’annulation de l’arrêté municipal
du 18 mai 2019, ensemble le rejet de son recours gracieux. A titre
reconventionnel, le maire de Langouët demande au tribunal d’annuler l’arrêté
préfectoral du 11 août 2017. Par une ordonnance du 27 août 2019 le juge des
référés de ce tribunal a prononcé la suspension de l’exécution de l’arrêté du maire
de Langouët du 18 mai 2019 et celle de sa décision du 20 juin 2019 portant rejet
du recours gracieux du préfet d’Ille-et-Vilaine. (…)
Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du maire de Langouët du 18 mai
2019 :
3. Aux termes de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime : « I.-
Sans préjudice des missions confiées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de
l'alimentation, de l'environnement et du travail et des dispositions de l'article L.
211-1 du code de l'environnement, l'autorité administrative peut, dans l'intérêt de
la santé publique ou de l'environnement, prendre toute mesure d'interdiction, de

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restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la
délivrance, l'utilisation et la détention des produits mentionnés à l'article L. 253-
1 du présent code et des semences traitées par ces produits. Elle en informe sans
délai le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de
l'alimentation, de l'environnement et du travail. / L'autorité administrative peut
interdire ou encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des
zones particulières, et notamment : / 1° Sans préjudice des mesures prévues à
l'article L. 253-7-1, les zones utilisées par le grand public ou par des groupes
vulnérables au sens de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 ; / 2° Les zones
protégées mentionnées à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ; / 3° Les
zones recensées aux fins de la mise en place de mesures de conservation visées à
l'article L. 414-1 du code de l'environnement ; / 4° Les zones récemment traitées
utilisées par les travailleurs agricoles ou auxquelles ceux-ci peuvent accéder. /
L'autorité administrative peut aussi prendre des mesures pour encadrer : / 1° Les
conditions de stockage, de manipulation, de dilution et de mélange avant
application des produits phytopharmaceutiques ; / 2° Les modalités de
manipulation, d'élimination et de récupération des déchets issus de ces produits ;
/ 3° Les modalités de nettoyage du matériel utilisé ; / 4° Les dispositifs et
techniques appropriés à mettre en œuvre lors de l'utilisation des produits
mentionnés à l'article L. 253-1 du présent code pour éviter leur entraînement hors
de la parcelle. / II.- Il est interdit aux personnes publiques mentionnées à l'article
L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques d'utiliser ou de faire
utiliser les produits phytopharmaceutiques mentionnés au premier alinéa de
l'article L. 253-1 du présent code, à l'exception de ceux mentionnés au IV du
présent article, pour l'entretien des espaces verts, des forêts, des voiries ou des
promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public
ou privé. (…) / III.- La mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la
détention des produits mentionnés au premier alinéa de l'article L. 253-1 pour un
usage non professionnel sont interdites, à l'exception de ceux mentionnés au IV

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du présent article. Cette interdiction ne s'applique pas aux traitements et mesures
nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes
nuisibles mentionnés à l'article L. 251-3, en application de l'article L. 251-8. /
(…). ». Selon l’article L. 253-7-1 du même code : « A l'exclusion des produits à
faible risque ou dont le classement ne présente que certaines phrases de risque
déterminées par l'autorité administrative : / 1° L'utilisation des produits
mentionnés à l'article L. 253-1 est interdite dans les cours de récréation et espaces
habituellement fréquentés par les élèves dans l'enceinte des établissements
scolaires, dans les espaces habituellement fréquentés par les enfants dans
l'enceinte des crèches, des haltes garderies et des centres de loisirs ainsi que dans
les aires de jeux destinées aux enfants dans les parcs, jardins et espaces verts
ouverts au public ; / 2° L'utilisation des produits mentionnés au même article L.
253-1 à proximité des lieux mentionnés au 1° du présent article ainsi qu'à
proximité des centres hospitaliers et hôpitaux, des établissements de santé privés,
des maisons de santé, des maisons de réadaptation fonctionnelle, des
établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées et des
établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des
personnes atteintes de pathologie grave est subordonnée à la mise en place de
mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le
traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d'éviter la présence de
personnes vulnérables lors du traitement. Lorsque de telles mesures ne peuvent
pas être mises en place, l'autorité administrative détermine une distance minimale
adaptée en deçà de laquelle il est interdit d'utiliser ces produits à proximité de ces
lieux. / En cas de nouvelle construction d'un établissement mentionné au présent
article à proximité d'exploitations agricoles, le porteur de projet prend en compte
la nécessité de mettre en place des mesures de protection physique. / Les
conditions d'application du présent article sont fixées par voie réglementaire. ».
Aux termes de l’article R. 253-45 de ce code : « L'autorité administrative
mentionnée à l'article L. 253-7 est le ministre chargé de l'agriculture. / Toutefois,

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lorsque les mesures visées au premier alinéa de l'article L. 253-7 concernent
l'utilisation et la détention de produits visés à l'article L. 253-1, elles sont prises
par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la santé, de
l'environnement et de la consommation. ». L’article D. 253-45-1 du même code
prévoit que : « L'autorité administrative mentionnée au premier alinéa de l'article
L. 253-7-1 est le ministre chargé de l'agriculture. / L'autorité administrative
mentionnée au troisième alinéa du même article est le préfet du département dans
lequel a lieu l'utilisation des produits définis à l'article L. 253-1. ».
4. Il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé, conformément au
droit de l'Union européenne, la réglementation de la mise sur le marché et de
l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, dans le but d’assurer un niveau
élevé et uniforme de protection de la santé publique et de l’environnement contre
les effets pouvant résulter de l’utilisation de tels produits en particulier lors de leur
épandage. Il a confié à l'Etat, représenté notamment par le ministre de
l'agriculture, et éclairé par l’avis scientifique d’un organisme spécialisé, le soin de
déterminer les mesures de précaution et de surveillance prévoyant, notamment, la
possibilité d’interdire ou d’encadrer l’utilisation de ces produits dans certaines
zones, leur stockage, leur manipulation, leur élimination ou la récupération des
déchets issus de ces produits. La police spéciale ainsi instituée régit, en prenant
appui sur l’expertise de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation,
de l’environnement et du travail, de manière précise et sur l’ensemble du territoire
national, les activités qu’elle encadre. Dès lors, ni les dispositions du code général
des collectivités territoriales ayant donné au maire, responsable de l’ordre public
sur le territoire de sa commune, le pouvoir de prendre les mesures de police
générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité
publiques, ni les articles L. 1311-1 et L. 1311-2 du code de la santé publique lui
permettant d’intervenir pour préserver l’hygiène et la santé humaine, ni l’article 5
de la Charte de l’environnement, ni enfin le principe de libre administration des
collectivités territoriales ne sauraient en aucun cas permettre au maire d’une

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commune de s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale par l’édiction
d’une réglementation locale.
Sur la demande de renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne :
5. Le principe d’autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres
s’opposant à ce que le droit de l’Union européenne puisse interférer dans la
répartition des compétences des autorités administratives, ni le principe de
primauté du droit européen, ni celui d’effectivité du droit de l’Union n’ont pour
effet de modifier cette répartition en matière de police administrative. Dès lors, la
question de savoir si, en cas de carence avérée d’un Etat membre pour promulguer
sur toute l’étendue du territoire national les mesures concrètes de protection des
personnes vulnérables exigées par les articles 12 de la directive n° 2009/128/CE
du 21 octobre 2009 et 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil n°
1107/2009 du 21 octobre 2009, le maire d’une commune a le droit de prendre, sur
l’étendue du territoire communal, des mesures, au moins provisoires, de
protection des personnes vulnérables, ne soulève aucune difficulté sérieuse de
nature à justifier de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre
préjudiciel.
6. Par suite, la demande de transmission d’une question préjudicielle à la Cour
de justice de l’Union européenne doit être rejetée.
7. Il résulte de tout ce qui précède, (…) que le préfet d’Ille-et-Vilaine est fondé
à demander l’annulation de l’arrêté du 18 mai 2019 par lequel le maire de la
commune de Langouët a restreint l’utilisation de produits phytopharmaceutiques
sur le territoire de la commune, ensemble la décision de rejet du recours gracieux
du 20 juin 2019 (…).
Sur les frais liés au litige :
8. En vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative,
le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie
perdante du paiement par l'autre partie des frais qu’elle a exposés à l'occasion du

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litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de
Langouët doivent, dès lors, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : L’arrêté du 18 mai 2019 du maire de la commune de Langouët,
ensemble le rejet du recours gracieux présenté par le préfet d’Ille-et-Vilaine, sont
annulés. (…)
Article 3 : Les conclusions de la commune de Langouët présentées sur le
fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative
sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l’Agriculture et de
l’alimentation et à la commune de Langouët.

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OU
SUJET n° 2.
COMPAREZ CAA VERSAILLES, 4E, 19-12-2017, n° 15VE03582 ET CAA
VERSAILLES, 7E, 02-07-2020, n° 20VE00675.

1. CAA VERSAILLES, 4E, 19-12-2017, N° 15VE03582


Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C.A. a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision
du 13 février 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Saint-Denis a
résilié sa convention de stage passée en vue de son accueil au sein de cet
établissement en qualité de stagiaire associé.
Par un jugement n° 1401900 du 25 septembre 2015, le Tribunal administratif de
Montreuil a rejeté la requête de M.A.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 novembre 2015, 14 décembre
2015 et 24 juillet 2017, M.A, représenté par Me Gafsia, avocat, demande à la
Cour : 1° d'annuler ce jugement et la décision du 13 février 2014 du directeur du
centre hospitalier de Saint-Denis ; 2° de dire que sa rémunération sera maintenue
; 3° de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Denis le versement d'une
somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative.
M. A soutient que : (…) - la décision en litige est entachée d'erreur de droit ; - elle
est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation du caractère religieux que
présente le port d'une barbe, même imposante, et méconnaît les principes de laïcité
et de neutralité garantis par l'article 1er de la Constitution et son préambule et la
loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ; (…)
1. Considérant que, par une convention du 17 octobre 2012, modifiée par un
avenant du 7 juin 2013, signée entre M. A et le centre hospitalier de Saint-Denis,
complétée par une convention-cadre signée le 29 mars 2013 entre le centre
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hospitalier et le National Liver Institute de l'université égyptienne de Menoufiya,
il a été prévu que M. A serait accueilli en qualité de stagiaire associé au sein du
service de chirurgie générale, viscérale et digestive, sur le fondement des
dispositions du 1° de l'article R. 6134-2 du code de la santé publique, durant la
période du 4 novembre 2013 au 2 novembre 2014 ; que, par une décision du 13
février 2014, le centre hospitalier a résilié la convention du 17 octobre 2012 et
mis fin au stage de M. A et l'a informé qu'il était également, par voie de
conséquence, mis fin à la convention liant le centre hospitalier au National Liver
Institute ; que M. A a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation
de cette décision ; que, par un jugement du 25 septembre 2015 dont M. A relève
appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; (…)
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le praticien responsable du
suivi du stage de M. A a donné son avis, le 5 novembre 2013, sur la mesure
envisagée à l'encontre de l'intéressé en précisant que " devant les perturbations
suscitées par cette situation au sein de son service et de l'établissement hospitalier
en général il se range à la position de l'administration " ; que, par suite, le moyen
tiré de ce que cet avis n'aurait pas été recueilli doit être écarté ;
6. Considérant qu'il résulte des textes constitutionnels et législatifs que le principe
de liberté de conscience ainsi que celui de la laïcité de l'Etat et de neutralité des
services publics s'appliquent à l'ensemble de ceux-ci ; que si tout agent public
bénéficie de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l'accès
aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur
religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre du
service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ; que, dès lors,
il appartient à l'autorité administrative compétente de faire cesser toute atteinte
constituée par la manifestation par un agent public de ses croyances religieuses
dans l'exercice de ses fonctions, résultant notamment du port d'un signe destiné à
marquer son appartenance à une religion ;

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7. Considérant qu'après s'être présenté au centre hospitalier de Saint-Denis pour y
accomplir son stage avec le visage couvert d'une barbe particulièrement
imposante, M. A a été convoqué par la direction de cet hôpital à un premier
entretien le 2 octobre 2013, au cours duquel il lui a été demandé de tailler sa barbe
afin qu'elle ne puisse pas être perçue par les agents et les usagers du service public
comme la manifestation ostentatoire d'une appartenance religieuse incompatible
avec les principes de laïcité et de neutralité du service public ; que cette demande
lui a été réitérée les 10 et 14 octobre 2013, sans que M. A n'y réserve une suite
favorable ; que le directeur du centre hospitalier, estimant que ce dernier ne se
conformait pas aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, ainsi
qu'il y était tenu en vertu de l'article 3 de sa convention de stage, a alors procédé
à la résiliation de celle-ci ;
8. Considérant que le port d'une barbe, même longue, ne saurait à lui seul
constituer un signe d'appartenance religieuse en dehors d'éléments justifiant qu'il
représente effectivement, dans les circonstances propres à l'espèce, la
manifestation d'une revendication ou d'une appartenance religieuse ; qu'en
l'espèce, la direction du centre hospitalier, après avoir indiqué à M. A que sa
barbe, très imposante, était perçue par les membres du personnel comme un signe
d'appartenance religieuse et que l'environnement multiculturel de l'établissement
rendait l'application des principes de neutralité et de laïcité du service public
d'autant plus importante, lui a demandé de tailler sa barbe afin qu'elle ne soit plus
de nature à manifester, de façon ostentatoire, une appartenance religieuse ; que les
demandes formulées par le centre hospitalier auprès de M. A étaient justifiées par
la nécessité d'assurer, par l'ensemble du personnel, le respect de leurs obligations
en matière de neutralité religieuse ; qu'en réponse à ces demandes, M. A s'est
borné à invoquer le respect de sa vie privée sans pour autant nier que son
apparence physique était de nature à manifester ostensiblement un engagement
religieux ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant manqué à
ses obligations au regard du respect de la laïcité et du principe de neutralité du

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service public, alors même que le port de sa barbe ne s'est accompagné d'aucun
acte de prosélytisme ni d'observations des usagers du service ; qu'un tel
manquement était de nature à justifier une mesure disciplinaire ; que, par suite, la
sanction de résiliation de la convention qui lui a été infligée n'était pas
disproportionnée mais légalement justifiée par les faits ainsi relevés à son
encontre ; (…)
10. Considérant que la sanction prononcée à l'encontre de M. A a été prise au
regard des nécessités du service public et résulte du refus de l'intéressé de
respecter le principe de neutralité de ce service qui l'accueillait en stage ; que, dès
lors, elle ne présente pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A à mener
une vie privée normale ni ne méconnaît, en tout état de cause, la liberté
fondamentale du droit au travail garantie par la charte sociale européenne, l'article
15 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 23 de la
déclaration universelle des droits de l'homme et le préambule de la Constitution ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à
demander l'annulation de la décision de résiliation de sa convention du 13 février
2014 ni, par suite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le
Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que sa requête doit, dès
lors, être rejetée (…) ;
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire
application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative
et de mettre à la charge de M. A le versement de la somme de 1 000 euros au
centre hospitalier de Saint-Denis au titre des frais qu'il a exposés non compris
dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : M. A versera au centre hospitalier de Saint-Denis une somme de 1 000
euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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ET

2. CAA VERSAILLES, 7E, 02-07-2020, n° 20VE00675 - 7EME CHAMBRE


Procédure contentieuse antérieure :
M. C a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du
13 février 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier Delafontaine de
Saint-Denis a résilié sa convention de stage.
Par un jugement n° 1401900 du 25 septembre 2015, le tribunal administratif de
Montreuil a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15VE03582 du 19 décembre 2017, la Cour a rejeté l'appel formé
par M. C contre ce jugement.
Par une décision n° 418299 du 12 février 2020, rectifiée par une ordonnance du
20 février 2020, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et
renvoyé l'affaire à la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 novembre 2015 et des mémoires enregistrés les
14 décembre 2015, 24 juillet 2017, et, après cassation, le 18 mai 2020, M. C,
représenté par Me A, avocat, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du
tribunal administratif de Montreuil n° 1401900 du 25 septembre 2015 ; 2°)
d'annuler la décision du 13 février 2014 par laquelle le directeur du centre
hospitalier Delafontaine de Saint-Denis a résilié sa convention de stage ; 3°) de
mettre à la charge du centre hospitalier Delafontaine de Saint-Denis la somme de
3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : (…) - cette décision est
entachée d'une erreur de droit dans l'application des principes de laïcité et de
neutralité ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de son
comportement et du caractère que revêt le port d'une barbe ; - elle méconnait les
principes de laïcité et de neutralité garantis par l'article 1er de la Constitution, par

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son Préambule et par et la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des
Eglises et de l'État ; (…).
Considérant ce qui suit :
1. M. C, chirurgien de nationalité égyptienne, a conclu avec le centre hospitalier
Delafontaine de Saint-Denis une convention le 17 octobre 2012 prévoyant son
accueil en qualité de stagiaire dans le cadre des dispositions des articles L. 6134-
1 et suivants du code de la santé publique. Ce stage, qui devait initialement
démarrer le 4 novembre 2013 et durer un an, a été précédé d'une période
d'observation suivie par M. C au sein des services du centre hospitalier à compter
du 30 septembre 2013. Dès le 2 octobre suivant, la directrice des affaires
médicales du centre hospitalier l'a reçu afin de lui demander de raser ou de réduire
la taille de sa barbe, considérée par l'administration comme présentant le caractère
d'un " signe religieux extérieur et ostentatoire ". M. C n'ayant pas déféré à cette
invitation, celui-ci a été invité à cesser de se présenter au sein du service, à titre
conservatoire, à compter du 14 octobre 2013, avant d'être suspendu de ses
fonctions par une décision du directeur du centre hospitalier du 31 octobre suivant.
Par une décision du 13 février 2014, cette autorité a résilié la convention le liant
au centre hospitalier et a mis fin à son stage. M. C fait régulièrement appel du
jugement du 25 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Montreuil
a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision du 13 février 2014 :
En ce qui concerne la manifestation extérieure d'une croyance religieuse :
2. Aux termes de l'article L. 6134-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction
applicable au litige : " Dans le cadre des missions qui leur sont imparties et dans
les conditions fixées par voie réglementaire, les établissements publics de santé
peuvent participer à des actions de coopération, y compris internationales () ".
L'article R. 6134-2 du même code dispose que : " Bénéficient d'une formation
complémentaire dans le cadre des conventions mentionnées à l'article L. 6134-1 :
/ 1° Les médecins et pharmaciens titulaires d'un diplôme de docteur en médecine

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ou en pharmacie permettant l'exercice dans le pays d'obtention ou d'origine et
n'effectuant pas une formation universitaire en France. Ils sont désignés en qualité
de stagiaires associés pour une période de six mois renouvelable une fois () ".
Ainsi que l'a jugé le Conseil d'État, statuant au contentieux, par sa décision n°
418299 du 12 février 2020, les praticiens étrangers qui sont, en application de ces
dispositions, accueillis en tant que stagiaires associés dans un établissement public
de santé doivent respecter les obligations qui s'imposent aux agents du service
public hospitalier. A ce titre, s'ils bénéficient de la liberté de conscience qui
interdit toute discrimination fondée sur la religion, le principe de laïcité fait
obstacle à ce qu'ils manifestent leurs croyances religieuses dans le cadre du
service public.
3. Pour estimer que M. C avait manqué aux obligations qui viennent d'être
rappelées, le directeur du centre hospitalier Delafontaine de Saint-Denis a, dans
les motifs de la décision attaquée, relevé que l'intéressé arborait une " barbe très
imposante de type islamique, rappelant à l'évidence [son] appartenance religieuse
et lue par tous [les] personnels comme telle ", et dont le caractère ostentatoire ne
ferait, selon lui, aucun doute. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que
les membres du personnel ou les usagers du centre hospitalier, qui ne produit
aucune pièce en ce sens, auraient manifesté une quelconque gêne à la vue de la
barbe de M. C, ni qu'ils auraient identifié celle-ci comme un signe d'appartenance
religieuse. L'établissement ne fournit pas davantage d'éléments de nature à révéler
que cette barbe, dont aucune photographie contemporaine de la décision attaquée
n'est versée aux débats, devrait nécessairement s'analyser comme ayant une
signification d'ordre religieux que l'intéressé aurait souhaité lui donner. Dans ces
conditions, les seules circonstances que M. C ait refusé de raser ou tailler sa barbe
et n'ait pas formellement démenti le caractère religieux de celle-ci sont
insuffisantes pour établir que l'intéressé aurait méconnu l'interdiction de
manifester une croyance religieuse au sein du service. Par suite, le directeur du
centre hospitalier Delafontaine de Saint-Denis a inexactement qualifié les faits de

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l'espèce en estimant que la barbe et le comportement de l'intéressé présentaient un
caractère religieux et ostentatoire révélant que celui-ci manifestait une conviction
religieuse au sein du service. (…) 5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans
qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C est fondé à
soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de
Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font
obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C, qui n'est pas, dans la présente
instance, la partie perdante, le versement de la somme que le centre hospitalier
Delafontaine de Saint-Denis demande au titre des frais exposés par lui et non
compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce centre
une somme de 1 500 euros à verser à M. C sur le fondement des mêmes
dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1401900 du
25 septembre 2015 et la décision du directeur du centre hospitalier Delafontaine
de Saint-Denis du 13 février 2014 sont annulés.
Article 2 : Le centre hospitalier Delafontaine de Saint-Denis versera à M. C une
somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Delafontaine de
Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont
rejetées.

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