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P. 02 P. 08 P. 22 P. 32
Mobilités
Accélération sur
la décarbonation
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 — 49 €
lejournaldugrandparis.fr
C’est de l’eau usée
mais ça ressource
notre indépendance
gazière.
GRTgaz, premier transporteur de gaz en France, soutient les gaz renouvelables
qui peuvent couvrir 20% de nos besoins d’ici 2030.
photo : Okó
• Crédit
© JGP
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 Sommaire P.1
REPÈRES
PAGE 02 — L
a hauteur des enjeux
en Ile-de-France
PAGE 04 — L
a crise sanitaire a changé
les pratiques, pour un effet limité
PAGE 06 — P
ascal Auzannet:
“ Travailler à un Grand Paris
Raphaël Richard, Rédacteur en chef de toutes les mobilités ”
—
INFRASTRUCTURES
Mobilités : accélération
PAGE 10 — A
lexis de Pommerol (SGP) :
“ Le réseau se déploie,
le projet devient tangible ”
sur la décarbonation PAGE 12 — U
n métro de plus en plus ambitieux
sur le CO₂
Les mobilités dans leur ensemble, secteur qui émet le plus de gaz à effet PAGE 14 — U
ne pluralité d'énergies
de serre en Ile-de-France, constituent une priorité pour tenter de ralentir pour la transition des bus
les effets du changement climatique. De nombreux acteurs sont donc PAGE 16 — U
n effort massif de modernisation
passés à l’action pour faire évoluer les pratiques dans une région dans des infrastructures
laquelle la marche reste le moyen de déplacement le plus important, mais
PAGE 17 — Véhicules motorisés et mobilités
où les alternatives à la voiture individuelle peinent à convaincre les
durables : l’impossible cohabitation ?
automobilistes, malgré un des réseaux de transport collectif les plus
denses au monde. PAGE 20 — C
onforter la place du vélo
dans les politiques de mobilité
Et si la pandémie de Covid-19 a semblé un temps pouvoir faire bouger les
lignes, la situation est quasiment revenue aujourd'hui comme avant la MOBILITÉS ÉLECTRIQUES
crise sanitaire. A l'exception du vélo qui fait une percée importante chez PAGE 24 — L
e pari du véhicule électrique
les usagers, grâce au développement des infrastructures et des services à l’épreuve du marché
(force de l'aide à l'achat, véligo…) porté par les pouvoirs publics, tout en
PAGE 26 — Rétrofit : La révolution se prépare
atteignant une part modale qui reste modeste.
PAGE 28 — Verdissement des flottes :
Sous l'impulsion de l’application de la zone à faibles émissions, les auto- L’appel d’air des JOP 2024
mobiles et autres véhicules thermiques ont aussi entamé leur transition,
PAGE 30 — Un modèle à inventer pour
avec une batterie de solutions qui se développe en fonction des besoins.
les véhicules intermédiaires
L'électrique pour les voitures, le gaz et demain l'hydrogène offrent des
options pour les camions, bus et bateaux. Bien que le rythme s'accélère DEMAIN ET AILLEURS
dans cette décarbonation de la mobilité, les freins financiers demeurent
toutefois importants pour de nombreux habitants et professionnels, malgré PAGE 34 — H
ydrogène :
les aides existantes.
L’écosystème se met en place
PAGE 36 — M
aaS : Le numérique au service
Il faut donc continuer à creuser dans de multiples directions pour proposer de déplacements plus agiles
des solutions à tous. Le réseau de transport collectif continue ainsi son
PAGE 38 — L
e transport à la demande
déploiement, notamment avec le Grand Paris express, tandis que celui
au secours des zones rurales
existant est en plein « verdissement ». Le covoiturage semble désormais
plus répandu, le transport à la demande se cherche encore, et le buzz sur PAGE 40 — M
obilités décarbonée et solidaire
le véhicule autonome est retombé. doivent aller de pair
PAGE 42 — L
e véhicule autonome
Dans ce secteur aux multiples visages, ce hors-série, réalisé en partenariat avance à bas bruit
avec l'Ademe Ile-de-France, fait le point sur le développement des différentes
technologies et leur intérêt environnemental. Il démontre la volonté des PAGE 44 — A
Copenhague, le pari de la neutralité
carbone passe par le vélo
acteurs publics et privés de vouloir accompagner cette transition majeure
qui doit, à la fois, participer à améliorer la qualité de l'air de l'Ile-de-France PAGE 47 — V
ille pionnière, La Rochelle tente de
et contribuer à l'objectif zéro carbone à l'horizon 2050. réduire encore la place de la voiture
Hors-série
Directeur de la rédaction : Jacques Paquier / Rédacteur en chef : Raphaël Richard /
Le journal du Rédactrice en chef déléguée : Fabienne Proux / Rédactrices en chef adjointes : Catherine Bernard / Emmanuelle Chaudieu /
Grand Paris Ont participé à ce numéro : Elena Jeudy-Ballini / Guillaume Ducable / Correctrice : Michèle Cataldi /
Société éditrice
JGPmedia au capital de 100 000 € Directeur commercial : Eric Naessens / Direction artistique & création : Frédéric Savarit /
96 boulevard Diderot 75012 Paris Imprimerie : ISI Print - Parc des Damiers, 139 rue Rateau, 93120 La Courneuve
CPPAP : 1126 I 92553
ISSN : 2427-6227
Dépot légal à parution 01 43 55 83 60 abonnement@lejournaldugrandparis.fr www.lejournaldugrandparis.fr
P.02 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
REPÈRES
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Ile-de-France mobilités
Un plan de mobilité en cours d'élaboration
Le PDUIF (plan de déplacements urbains de quotidienne des personnes, les infrastructures
l’Ile-de-France), adopté en 2014, est arrivé à de charge pour les véhicules électriques, etc. Un Données
échéance et doit être révisé suite au vote de la loi projet doit être présenté au conseil d'administra- Un outil de visualisation
d’orientation des mobilités, pour laisser place au tion d'Ile-de-France mobilités à l'été 2023 en vue de la mobilité dans
plan des mobilités ou « plan MobId ». Ce dernier d'une approbation définitive fin 2024. le Grand Paris
doit permettre, entre autres, « l’équilibre durable
Après le tableau de bord de la
mobilité de l’Institut Paris Region,
entre les besoins en matière de mobilité et de facilité
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REPÈRES
PART MODALE DES DÉPLACEMENTS
EN ILE-DE-FRANCE
SOURCE : ENQUÊTE MOBILITÉ COVID, ILE-DE-FRANCE MOBILITÉS, SEPTEMBRE-NOVEMBRE 2021
42,5 % 19,4 %
transports collectifs La crise sanitaire a eu un impact très
marche marqué sur les transports en commun,
qui est en voie de se résorber sur
certains secteurs et n'a pas bouleversé
2,6 % 1,1 %
développé. L'essor des nouvelles
mobilités comme les trottinettes ou les
vélo autres scooters électriques ne semble pas
avoir d'impact direct sur l'usage de
l'automobile, puisqu'il provoque surtout
1,6 %
des reports des piétons ou des usagers
des transports en commun.
deux-roues motorisés
1% 2%
Marche 0 kgCO2e Chantiers Agriculture
ou vélo
0,7 % 3,4 %
Production d'énergie Autres transports
Vélo 0.02 kgCO2e
(électrique) 5%
Déchets
30 %
Métro 0.025 kgCO2e Résidentiel
Équivalent CO2 par personne en France pour une distance de 10 km. Sont incluses Le transport routier représentait, en 2018, près de 30 % des émissions
les émissions directes, et la production et distribution de carburant et d'électricité. La de gaz à effet de serre en Ile-de-France, selon Airparif,
construction des véhicules (voiture, vélo, batterie, train, avion...) et des infrastructures et les autres transports 3,4 %. Le secteur provoque toutefois d'autres
(route, rail, aéroport...) n'est pas incluse. types de poluants aux effets également délétères. En effet,
L'Ademe a développé une série d'outils grand public de sensibilisation disponibles « les particules émises hors échappement par les systèmes
sur Internet, afin d'estimer les émissions de CO2 sur plusieurs thèmes. Mon impact de freinage, les pneumatiques sur les chaussées sont devenues
transport permet de connaître celles d'une personne en fonction du mode de
largement prépondérantes par rapport aux émissions dues
transport employé et de la distance qu'elle parcourt. L'effet du télétravail peut aussi
à l’échappement des véhicules essence et diesel équipés d’un filtre
être évalué. Les données permettent « de se rendre compte du rapport multiplicatif
de l'impact d'un mode à l'autre », signale l'agence. à particules », rappelle l’Ademe, dans une étude publiée en avril 2022
https://datagir.ademe.fr/transport sur les émissions des véhicules routiers hors échappement.
P.04 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
REPÈRES
La crise sanitaire
a changé les pratiques,
pour un effet limité
—L
a pandémie de Covid-19 a conduit les Franciliens à télétravailler davantage
et à recourir plus souvent au vélo. Les conséquences de ces évolutions sur les
émissions de CO₂ des transports restent toutefois limitées.
70 %
des télétravailleurs
réguliers affirment que
le télétravail permet de
relocaliser leur quotidien
autour de leur domicile.
Source : enquête Ademe 2020
En mai 2022, deux ans après le premier déconfi- 2 % des distances parcourues, considérait alors une étude datée de novembre 2021 de l'Institut
nement, le niveau de fréquentation des transports l'Ademe, soit 3,3 millions de déplacements pour Paris Region – réalisée notamment avec SNCF
avait presque retrouvé son niveau de février 2020, 42,9 millions de km évités un jour de semaine. Transilien. En effet, les salariés ont tendance à
rapporte le tableau de bord de la mobilité mis en L'étude se basait sur 1,1 jour de télétravail par concentrer leurs jours de travail à distance sur les
place par l'Institut Paris Region. Le développement semaine, or la tendance semble supérieure. « Ce lundis et vendredis. Sur les trois corridors étudiés
du télétravail et du vélo ont pourtant fait évoluer niveau peut paraître faible, mais la baisse est située en septembre 2021, les vendredis montrent un
les pratiques, avec des effets environnementaux sur l'heure de pointe, or la congestion a un impact sur niveau de fréquentation du mass transit, à l’heure
encore difficiles à évaluer. 41,6 % des actifs les émissions », observe Nicolas Louvet, CEO du de pointe du matin, inférieur de 24 % à celui des
français ont télétravaillé pendant le confinement cabinet 6t qui a conduit des études sur le sujet. « Le mardis, note ainsi l'Institut Paris Region. « Afin
dont 24,3 % qui sont devenus télétravailleurs à télétravail peut permettre de rendre la mobilité plus d’apporter un meilleur bénéfice à la collectivité et
cette occasion, fait valoir une enquête de l'Ademe confortable, ajoute-t-il. C'est une solution simple, qui aux voyageurs eux-mêmes en termes de confort
publiée en juillet 2020. « En moyenne, quel que soit ne coûte rien et a un vrai effet bénéfique. » de déplacement, il est nécessaire que le travail
le motif, un déplacement réalisé par un télétravailleur de lissage des heures de pointe soit repris, et
sur un jour travaillé au bureau est de 9 km, contre TÉLÉTRAVAIL LES LUNDIS ET VENDREDIS qu’il soit étendu au lissage entre les jours de la
5,5 km sur un jour télétravaillé (39 % de réduction Ce n'est pas non plus une option miracle car « si semaine », indique donc l'agence d'urbanisme.
en grande partie liée à l’absence de déplacements le télétravail a semblé dans un premier temps pou- Un rééquilibrage qui ne peut être opéré que par
pendulaires) », indique ce document. voir apporter une respiration, il apparaît désormais l'action des entreprises.
La généralisation du télétravail permettrait l’évite- probable que celle-ci ne soit effective que certains L'Ademe alerte aussi sur de potentiels effets
ment quotidien de 1,7 % des déplacements et de jours, et pour certains secteurs desservis », a relevé rebonds du télétravail, notamment sur l'étale-
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 P.5
REPÈRES
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Covid
Les loisirs, la culture et le shopping encore très touchés
Selon le Tableau de bord de la mobilité en Ile-de-France tenu par l'Institut Paris Region,
les déplacements liés aux motifs des loisirs, des activités culturelles ou du shopping sont inférieurs
de près de 15 % à ceux enregistrés début 2020. Un chiffre qui ne s'améliore plus depuis un an.
La différence avec l'avant-crise est plus faible en grande couronne. La Seine-et-Marne affiche ainsi
- 3,2 % tandis que la chute est de près de - 30 % à Paris. A l'inverse, les parcs et jardins connaissent,
eux, un net gain de fréquentation, à plus de 20 % sur l'ensemble de la région.
l'étude de novembre 2021 de l'Institut Paris Region. bus et tramways, par rapport à ceux en souterrain.
Avec les infrastructures mises en place et l'assis- La voiture et l'avion (en nombre d'avions, pas
tance électrique, les experts constatent par ailleurs encore de passagers) ont de leur côté retrouvé leur
que les distances parcourues par ce biais sont plus niveau d'avant crise, plus vite pour les seconds
longues. Pour Nicolas Louvet de 6t, il manque que prévu. Les nouvelles habitudes issues du
désormais des parkings sécurisés et des facilités Covid semblent donc, aujourd’hui, avoir un effet
de multimodalité avec les transports en commun seulement à la marge sur les mobilités. « Le monde
que ceux-ci permettraient, pour que la bicyclette d'après ressemblera beaucoup au monde d'avant
prolonge son succès. sur le choix modal », confirme Nicolas Louvet.
Les nouvelles mobilités restent, elles, une alterna-
tive encore minime, alors que la marche est tou- Raphaël Richard
jours le mode privilégié en Ile-de-France. Quelque
40 000 trajets par jour – un chiffre certes en nette
hausse – sont ainsi par exemple enregistrés en
Ile-de-France en trottinettes par les opérateurs Qualité de l'air
de free-foating. Ces engins attirent toutefois plus Partenariat Ile-de-France
les piétons et les cyclistes que les automobilistes, mobilités/Airparif
ment urbain : « plus de la moitié des nouveaux leur utilisation ne provoque donc pas de réduction Ile-de-France mobilités et Airparif
télétravailleurs en aire urbaine moyenne indiquent des émissions. ont annoncé, le 1er juillet dernier,
souhaiter leur localisation de résidence plus loin de la mise en place d’un partenariat
leur lieu de travail », indique l'enquête de l'agence. PRÉFÉRENCE POUR LES TRANSPORTS pour « renforcer la surveillance et
l’information concernant la qualité de
De nouveaux déplacements, vers des espaces DE SURFACE l’air dans les enceintes ferroviaires
de coworking par exemple, peuvent aussi être Parmi les autres pratiques qui ont émergé pendant souterraines » dans la région. Si
générés par ce changement de fonctionnement. la crise sanitaire et ayant eu un impact sur les le réseau parisien dispose, selon
déplacements, Dany Nguyen-Luong, directeur du l'association, « d’un des systèmes de
L'OPPORTUNITÉ DU VÉLO département mobilité transports de l’Institut Paris mesure de référence le plus avancé au
Autre cause de la baisse de fréquentation des Region, signale l'augmentation des téléconférences monde », différents aspects peuvent
transports en commun, l'essor du vélo, qui affiche pour remplacer les réunions, l'accélération des être améliorés. Tel est l'objet de ce
+ 90 % à Paris et dans les Hauts-de-Seine – les achats à distance « qui perdure » et la « rémanence » partenariat qui prévoit notamment de
deux territoires qui ont mis en place des dispositifs des téléconsultations de santé. Le e-commerce a travailler sur les données existantes
de comptage – entre mai 2019 et mai 2022. Selon ainsi conduit à la réduction des trajets des particu-
pour établir une cartographie unifiée
à l’échelle des réseaux RATP/SNCF,
les estimations, il pourrait représenter environ 6 ou liers dans les magasins par des flux de livreurs. La
selon le type de gares ou stations.
7 % de part modale aujourd'hui. « Le vélo constitue fréquentation des transports en commun est, elle, Des mesures de la concentration des
une opportunité pour améliorer l’équilibre global encore touchée en Ile-de-France par la baisse du particules en sortie de systèmes de
du réseau mass transit entre pointe et hors pointe nombre de touristes. Les usagers marquent quant ventilation à l’interface ventilation/
comme entre semaine et week-end », fait valoir à eux une préférence sur les modes de surface, ville vont également être menées.
P.06 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
REPÈRES
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Pascal
Auzannet
—
“T
ravailler à
un Grand Paris
de toutes les
mobilités ”
—P
ascal Auzannet, ancien président d’Ixxi
(RATP smart systems) et désormais consultant,
préconise une réforme de la gouvernance des
transports franciliens, distinguant le réseau
structurant et l’organisation des mobilités
en zone dense.
Quelles ont été les principales évolutions institutionnelles Quotidiennement, les opérateurs sont confrontés à de très hauts niveaux
qui ont marqué la gouvernance des mobilités en Ile-de-France de trafic et doivent exploiter certaines lignes en saturation. Si l’amélioration
depuis la Seconde Guerre mondiale ? des accessibilités dans la grande couronne est un enjeu bien identifié par
Pascal Auzannet — Pendant près d’un demi-siècle, l’État a été à l’initiative, IDF mobilités, les actions engagées doivent répondre à la demande des élus
tout en contrôlant l’ensemble de l’organisation des transports franciliens. d’un véritable « plan Marshall ». Dans la zone centrale, des dysfonctionne-
En 2000, la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) a permis l’entrée ments sont constatés. Ainsi, la vitesse des bus, tant à Paris qu’en petite
de la Région au conseil d’administration du STP, rebaptisé Syndicat des couronne, n’a cessé de baisser depuis une vingtaine d’années.
transports d’Ile-de-France (STIF), puis en 2004, une nouvelle étape de Concernant la pratique du vélo, d’importants efforts sont engagés par plu-
décentralisation a acté le retrait total de l’État. A compter de ce moment, sieurs acteurs institutionnels mais, en termes de part modale et malgré des
tout le pouvoir a été confié aux collectivités territoriales, et plus particu- hausses importantes constatées sur la dernière période liée au Covid-19, il
lièrement à la Région. Cette décentralisation a connu une inflexion en reste encore beaucoup de progrès à réaliser.
2010 avec la loi sur le Grand Paris, l’État souhaitant s’impliquer dans le
développement du futur métro. Sous l’égide d’Ile-de-France mobilités et Quelle méthode préconisez-vous ?
de la Région, de très substantielles améliorations dans de nombreux P. A. — Il faut, d’une part, renforcer l’implication d’Ile-de-France mobilités
domaines ont été réalisées. Je pense notamment à la modernisation des sur ce qui est structurant (réseau ferré SNCF, RER, métro) et le traitement
réseaux, leurs extensions, la décarbonisation, à la digitalisation de la de la grande couronne, et, d’autre part, pour la zone centrale, identifier les
billettique. acteurs institutionnels les plus pertinents avec les leviers d’action adaptés
pour optimiser l’organisation des transports de surface (bus, tramways,
Donc la gouvernance est en bonne adéquation taxis, vélos, trottinettes, transport fluvial…). Compte tenu de l’urgence cli-
avec les enjeux de mobilité ? matique, l’objectif est bien de réduire la place de l’automobile, au bénéfice
P. A. — Des évolutions sont encore souhaitables. La métropole du Grand des modes les plus vertueux. Le potentiel est élevé car, majoritairement,
Paris a élaboré un plan climat air énergie métropolitain (PCAEM) qui s’est les déplacements sont de courtes distances : 72 % des déplacements font
notamment traduit par l’instauration d’une zone à faibles émissions (ZFE) moins de 3 km sur le périmètre de la métropole du Grand Paris, dont les
métropolitaine. Mais, malheureusement, a contrario des autres métropoles compétences doivent être renforcées en lien avec IDF mobilités. L’objectif
françaises, la MGP ne bénéficie pas de la compétence transport, ce qui est bien de travailler à une nouvelle gouvernance.
ne lui permet pas de disposer des leviers d’action indispensables dans le
domaine des mobilités de surface. Propos recueillis par Jacques Paquier
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 P.07
REPÈRES
Mobilités
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© JGP
Une gouvernance
à unifier
— De
nombreuses voix déplorent
la cacophonie de la gouvernance
des transports en Ile-de-France,
exemples à l’appui.
Verbatim
INFRASTRUCTURES
— L’ensemble du réseau de bus francilien a entamé sa transition vers de nouvelles énergies. © JGP
—L
e réseau de transports en commun francilien poursuit son développement
tandis que les infrastructures existantes se verdissent. D’autres solutions
alternatives à la voiture se font aussi une place dans la région.
P.10 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
INFRASTRUCTURES
Alexis de Pommerol
—
“L
e réseau se déploie,
le projet devient tangible ”
—A
lexis de Pommerol, directeur des lignes du Grand Paris express,
fait le point sur les chantiers du futur métro qui doit être mis en
service en totalité entre 2025 et 2030.
De nombreux chantiers sont en cours sur toutes les lignes, quelle conjointement avec Aéroports de Paris. L'ouverture de la ligne 14 sera aussi
est votre vision globale de la réalisation du Grand Paris express ? assurée en 2024, à l'exception de la gare Villejuif-Institut Gustave Roussy
Alexis de Pommerol — Nous sommes dans un moment où il faut être où elle croisera la ligne 15. Cette gare Villejuif-Institut Gustave Roussy sera
particulièrement souple pour faire le grand écart, entre des sites sur lesquels opérationnelle à la fin de l’année 2024 en ce qui concerne la ligne 14. D'un
on s'apprête à lancer les premiers travaux de déviation des réseaux souter- point de vue technique, elle fait aussi figure de laboratoire.
rains (eau, électricité, etc.) et d'autres où les premiers escalators ou les sols
définitifs sont posés dans les futures gares. 170 chantiers sont en cours. La ligne 15 sud aura aussi une gare décalée par rapport
La première rame, fabriquée par Alstom, est sortie de l’usine et est à l’essai à la mise en service prévue fin 2025 ?
actuellement avant d’être livrée sur les rails du Grand Paris express fin 2023. A. de P. — Cette ligne sera la première ligne vraiment nouvelle, le premier
Différents ouvrages commencent à émerger, le projet devient tangible. Le projet, mené à bien par la Société du Grand Paris, de métro automatique
réseau se déploie, ce n'est pas toujours un long fleuve tranquille, mais nous sur roulement fer. Elle permettra de démontrer que nous pouvons livrer un
avançons avec les entreprises, les riverains et les territoires, avec lesquels système performant et fiable. Nous avons achevé fin 2021, sur la ligne 15
nous travaillons, notamment à l'intermodalité autour des gares. Il reste sud, les 11 tirs de tunneliers, 37 km ont été percés et 9 km de rails sont
beaucoup à faire, ce n'est pas le moment de baisser la garde. déjà posés. Il reste 16 gares à aménager ainsi que 30 ouvrages de services
et 2 sites de maintenance à Vitry-sur-Seine et à Champigny-sur-Marne.
Les prochaines mises en service concernent la ligne 14, Tout est en travaux. Nous allons notifier, à la fin de l’été, le dernier marché
aux deux extrémités. Seront-elles à l'heure pour les Jeux d'aménagement de gare, et quasiment tous les marchés dont ceux d'équi-
olympiques et paralympiques de 2024 ? pement des tunnels sont donc sécurisés. C'est une immense logistique
A. de P. — Aujourd'hui, nous tenons le calendrier que nous suivons de près à organiser entre les différentes entreprises qui interviennent. Fin 2023,
du fait de cet événement. Au nord [pour rejoindre Saint-Denis Pleyel], la un premier train devrait être livré. Il y a effectivement une gare qui ouvrira
Société du Grand Paris a réalisé les infrastructures du tunnel et la gare, et avec un an de décalage, celle de Saint-Maur-Créteil en raison de difficultés
la RATP s'occupe du prolongement de ses équipements de ligne. Le fran- techniques durant la phase de génie civil.
chissement pour relier la gare au Stade de France est réalisé, par ailleurs,
par Plaine Commune. Saint-Denis Pleyel sera la première gare que nous Sur les lignes 16 et 17, les premiers rails viennent d'être soudés ?
mettrons en service au printemps 2024, c'est donc un peu notre laboratoire. A. de P. — En effet, nous sommes en train de poser les tout premiers rails du
Nous avons de très bonnes relations avec la RATP, avec laquelle nous tronçon commun des lignes 16 et 17. C’est une étape symbolique à double
sommes unis par cet objet que nous devons livrer ensemble à l'heure. Nous titre pour ce tronçon, puisque ce sont des rails 100 % bas carbone et jusqu’à
avons réussi à entraîner les entreprises, mais nous restons vigilants. 90 % moins émissifs en CO2 que les rails « classiques ». La mise en service
Au sud [la ligne doit continuer jusqu'à Aéroport d'Orly], la maîtrise d'ouvrage des dix gares de ce tronçon est prévue fin 2026, entre Saint-Denis Pleyel et
des travaux a été confiée à la RATP, sauf la gare Aéroport d'Orly réalisée Clichy-Montfermeil pour la 16 et Le Bourget Aéroport pour la 17. La première
reliera Noisy-Champs et la seconde le Parc de expositions de Villepinte en
2028, avec des travaux de viaduc qui vont débuter l'an prochain. Tous les
marchés d'aménagement de gare ont été notifiés pour la première mise
en service, et le dernier lot de génie civil de la 17 doit l'être l'an prochain.
© GERARD ROLLANDO
Sur la ligne 18, une visite avant l'été a permis de voir les travaux
du viaduc en vue d'une mise en service en trois temps…
A. de P. — Le chantier du viaduc a commencé il y a quelques mois et la
première mise en service entre Massy-Palaiseau et CEA Saint-Aubin est
prévue en octobre 2026. La commande du matériel roulant, différent du
reste du réseau, vient d'être lancée. Quant au marché de génie civil, nous
avons notifié la partie ouest en souterrain entre Saint-Quentin-en-Yvelines
et Versailles Chantiers au début de l'année. Le marché pour la partie au
sol sera signé en 2023. Le tronçon Aéroport d'Orly-Massy-Palaiseau doit
fonctionner en 2027 et le reste de la ligne en 2030.
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 P.11
INFRASTRUCTURES
© PATRICK GUILLARDIN
Verbatim
Des solutions pour
gérer les tensions
d'approvisionnement
“ Depuis mars, les entreprises
de travaux nous ont alertés sur
les prix des matériaux et nous
appliquons, dans la ligne de ce qui
a été demandé par les ministères
concernés, une actualisation
plus rapide des indices que ce
qui était prévu dans les contrats,
explique Alexis de Pommerol.
Pour certaines pièces, des
entreprises ont revu leur stratégie
d'approvisionnement pour
commander plus tôt, nous avons
donc adapté nos paiements. Les
échanges avec les entreprises
et les ministères ont permis de
mettre en place des solutions et
d’accompagner au mieux tous nos
partenaires face aux difficultés
qu’ils rencontrent, nous restons
vigilants. ”
Les deux lignes les moins avancées sont les tronçons ce qui permettra d'avoir un calendrier plus robuste. Les quatre procédures
est (Champigny Centre-Saint-Denis Pleyel) et ouest sont menées de front et je suis très satisfait du dialogue que nous avons, qui
(Pont de Sèvres-Saint-Denis Pleyel) de la 15 sur lesquels les permet notamment de répartir au mieux les risques et d'apporter des pistes
marchés de conception-réalisation sont en cours de discussion. d'amélioration. Nos équipes et celles des entreprises sont très mobilisées
Comment avancent ces échanges avec les entreprises ? dans ce cadre et les échanges portent leurs fruits. Nous sommes pour le
A. de P. — Nous sommes en dialogue compétitif pour les quatre marchés moment dans le calendrier fixé, avec un premier marché qui sera notifié
et nous n'avons pas encore d'offre définitive. Grâce à notre expérience sur à la mi-2023, puis les autres suivront jusqu'à fin 2024. Nous restons dans
la ligne 15, nous pouvons élaborer un programme global pour ces deux nos objectifs de budgets et de délais de mise en service à l’horizon 2030,
lignes. Les groupements retenus réaliseront 90 % des opérations et il restera, il faut donc que la procédure maintienne son rythme.
notamment, les automatismes de ligne qui sont communs à toute la ligne 15.
Ce fonctionnement en conception-réalisation permettra des réorganisations Propos recueillis par Raphaël Richard
des moyens par les entreprises en fonction de l'avancement des chantiers,
P.12 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
INFRASTRUCTURES
Voussoirs ou rails bas carbone, réutilisa- public avait aussi prévu de se limiter à 4,4 mil- enjeux environnementaux sont animés depuis
tion des déblais argileux ou, demain, recours lions de tonnes émises pendant la construction. longtemps par la Société du Grand Paris », fait
à la terre crue... autant de solutions qui font du Fin 2021, un plan a été présenté afin de réduire ce valoir le directeur de la stratégie, de l'environ-
Grand Paris express un « super laboratoire », chiffre de 25 % supplémentaires (par rapport aux nement et de l’innovation. Par exemple, sur les
observe John Tanguy, directeur de la stratégie, estimations réalisées en 2018), grâce par exemple 45 millions de tonnes de déblais des chantiers,
de l’environnement et de l’innovation. La Société à un budget consacré au développement d’inno- 70 % doivent être valorisés et 15 % transportés
du Grand Paris avait posé dès l'origine d'ambi- vations permettant de réduire les émissions. a minima par voie fluviale ou ferroviaire était-il
tieux objectifs environnementaux. « L'ambition Pour calculer son impact, la SGP dispose depuis prévu dès l’origine.
originelle était de faire de ce projet un élément de 2012 d'un outil dédié, baptisé Carboptimum,
transition énergétique, avec le report modal auquel en cours de mise à jour afin d'intégrer l'évolu- PRIME AUX SOLUTIONS DÉCARBONÉES
il va conduire et la rénovation des territoires qui tion des pratiques de mobilité à la suite de la Le maître d'ouvrage a par ailleurs souhaité sou-
va en découler », remarque-t-il. pandémie de Covid-19. Un autre logiciel est en tenir les projets de recherche de ses partenaires,
Si 27 millions de tonnes d'émissions de CO₂ préparation, avec CDC biodiversité, pour évaluer notamment au travers d'appels à projets, car il
doivent ainsi être évitées à terme, l'établissement les effets de l'opération sur la biodiversité. « Les ne peut réaliser seul ses ambitions. Les marchés
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 P.13
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INFRASTRUCTURES
© SGP / G. ROLLANDO
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Lignes 16 et 17 Thales Métakaolin
Des rails bas carbone Réduire la consommation Un liant issu des déblais
et recyclables électrique pour produire du béton
La pose des premiers rails des lignes 16 et Thales, dans le cadre de l’appel à projets Alors que la production de ciment est très
17 du Grand Paris express le 29 juin dernier, « le Grand Paris de l'environnement » lancé émettrice de CO2, la Société du Grand Paris
dans le tunnel reliant l’ouvrage Finot à la par la Société du Grand Paris, est lauréat a recherché un liant alternatif pour fabriquer
future gare Saint-Denis Pleyel (Seine-Saint- dans la catégorie « une exploitation du du béton. Produit par flash calcination à
Denis), a été l'occasion de présenter des rails réseau moins énergivore » avec son projet partir de déblais du chantier, le métakaolin
fabriqués en acier bas carbone. La Société Maia (Mobilité assistée par intelligence a été identifié comme cette solution,
du Grand Paris indique que « la fabrication artificielle). Cette solution intelligente, créée présentant « des taux de substitution
de ces rails émet entre 60 et 90 % de CO2 en pour le Grand Paris express, doit « permettre importants (30 % voire au-delà) » au
moins par rapport à des rails issus de la filière de comprendre et prédire les demandes ciment. Une étude a été financée en 2021
fonte “historique” et permet d’économiser passagers, et ceci afin d'ajuster toujours en coopération avec l'Ademe, qui a permis
au moins 1,4 tonne de CO2 par tonne de rails au mieux l'offre de transport », explique de démontrer les bénéfices de cette option.
livrés sur le chantier ». l'entreprise. Ce pilotage au plus juste pourrait « Utiliser le métakaolin comme liant pour
Le rail bas carbone repose sur un procédé conduire à « éviter les mouvements de train les dix millions de tonnes de béton restant
de fabrication de l’acier via un four à arc inutiles, consommateurs d'énergie, tout en à produire, pour le Grand Paris express,
électrique utilisant plus de 95 % de ferrailles garantissant une qualité de service minimum permettrait de réduire d’environ 50 %
recyclables, alors que celui de la filière aux passagers ». les émissions de CO2 de ces bétons en
traditionnelle se fait par haut fourneau et Maia sera connecté à différentes sources comparaison avec des liants classiques »,
convertisseur à oxygène, nécessitant de de données comme celles du système de indique l'établissement public. L’installation
grandes quantités de minerai de fer et de transport – billettique, analyses vidéo, d’un site de production dédié fait d’ailleurs
charbon, sources d’importantes émissions comptage passagers, tables horaires l’objet d’un projet de mise en œuvre. Cela
de CO2 au moment de la chauffe du haut prévues, mouvements de trains, etc. – et les permettrait d’industrialiser son usage pour
fourneau et de l’affinage de la fonte en acier externes – calendrier scolaire, prévisions le Grand Paris express, mais aussi au-delà
par un procédé chimique. Les rails issus météo, planification de manifestations pour d’autres projets. A terme, l’objectif
d’acier recyclé sont composés pour 30 à 40 % publiques, etc. L'analyse de ces informations de la SGP est de rendre cette solution
de rails usagés et pour 60 à 70 % d’autres avec les techniques de big data et de machine « économiquement intéressante » dans la
ferrailles de faible densité. « Cette filière learning doit permettre de comprendre et région et de « démocratiser son usage dans
électrique permet donc de recycler de l’acier de prédire les parcours des passagers en ses ouvrages (tunnels, gares, immobilier) ».
existant, en divisant entre deux et dix fois fonction des différentes tranches horaires. R.R.
les émissions de CO2 par tonne d’acier dans L'opérateur pourra ainsi contrôler si l’offre
l’ensemble du processus de fabrication, fait transport est bien en ligne avec la demande,
valoir la SGP. Le rail est lui 100 % recyclable. » ajouter ou retirer des trains de la circulation,
Le maître d'ouvrage cherche à étendre cette en mesurant avant la mise en œuvre l'impact
pratique sur l’intégralité des lignes du futur sur les indicateurs, tant énergétiques que de
métro. satisfaction passager.
E.C. R.R.
publics lancés intègrent ainsi des critères dédiés un test d'un nouveau matériau sur la ligne 18 ont été identifiés dans ce cadre. Une réflexion est
et prévoient un système de prime à ceux qui (Aéroport d’Orly-Versailles Chantiers). Un béton aussi en cours autour de la notion de comptabilité
proposent des solutions décarbonées. Depuis à faible impact carbone, développé par Vinci écologique, pour intégrer l'impact sur l'environ-
un an, une clause a été ajoutée afin d'imposer construction avec sa gamme Exegy, était ainsi nement dans l'évaluation économique du projet.
également l’utilisation de 100 % de béton bas déployé pour les voussoirs et les tuyaux pour « Nous avons la chance de travailler sur du temps
carbone. Pour les travaux déjà attribués, la SGP tunnels de petits diamètres. long, ce qui permet de faire mûrir des projets
peut racheter du carbone : si une entreprise pro- d’innovation qui ont besoin d'être éprouvés sur le
pose des solutions alternatives à celles prévues UNE VINGTAINE DE PROJETS terrain », souligne John Tanguy. Avec l'ambition
à l'origine, une prime est donnée. Des disposi- DE RESTAURATION que les innovations puissent servir à d'autres
tifs qui ont conduit à des initiatives de rails bas En plus d'éviter et de réduire, l'établissement opérations. « Nous essayons de faire bouger les
carbone ou de bétons moins émissifs. compense ses émissions de gaz à effet de serre : filières, évoluer les pratiques, explique-t-il, pour
Après avoir eu recours à du béton fibré et non 80 ha depuis 2017, dont la moitié de compensa- jouer notre rôle de maîtrise d'ouvrage publique. »
armé pour le tunnel du lot 2 de la ligne 16 (Saint- tion forestière et l'autre de compensation écolo-
Denis Pleyel - Noisy-Champs), fin 2021 débutait gique. Une vingtaine de projets de restauration R.R.
P.14 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
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La loi du 17 août 2015 relative à la transition A terme, la flotte de la régie regroupera environ véhicule au gaz peut parcourir 400 km au quotidien,
énergétique pour la croissance verte prévoit que 1 100 bus électriques et 1 600 bus à biométhane. remarque Denis Benita, ingénieur transport à
la totalité des nouveaux bus devront, à partir de Par rapport aux ambitions de départ, un rééqui- l'Ademe qui déploie des dispositifs d'incitation
2025, être à « faibles émissions ». La RATP s'est librage a été opéré à l'avantage des seconds, en la matière. Mais il y a tout de même une per-
donc engagée à cette échéance à renouveler la nettement moins chers et plus matures. « Il y a cée du bus électrique en France qui devient une
totalité de sa flotte de 4 700 véhicules, pour passer des lignes sur lesquelles le biométhane est plus per- réalité. » Les bus diesel (72 %) restaient toutefois
tout d'abord à l'hybride puis surtout à l'électrique tinent, d'autres où c'est l'électrique, explique Fran- majoritaires sur le parc roulant France en 2021.
et au biométhane en attendant l'hydrogène. Ile- çois Warnier de Wailly, directeur du programme Les véhicules au gaz/biogaz représentaient 14 %,
de-France mobilités – qui n'achète plus de diesel bus 2025. Aujourd'hui, on a un panel de solutions les hybrides 8 % et les électriques 5 %.
depuis 2020 – vise 2029 pour atteindre cet objectif pour décarboner, charge à l'autorité organisatrice « Les biocarburants ne présentent pas d'intérêt
sur l'ensemble de la région. Avec l'ouverture à la de choisir selon la ligne et son environnement. » majeur sur le plan environnemental, ils offrent en
concurrence en grande couronne, l'autorité orga- revanche une bonne solution de substitution en
nisatrice de la mobilité en Ile-de-France achète AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS attendant une baisse des prix des bus électriques
dorénavant tous les bus et cars sur ce périmètre et « Aucune des technologies n’est parfaite », observe ou à hydrogène », signale Denis Benita, qui sou-
fera de même en petite couronne à partir de 2025, Ile-de-France mobilités qui apprécie, dans le bio- ligne la facilité de les mettre en place car ils ne
date de fin du monopole de la RATP. gaz, « une technologie éprouvée et fiable offrant de nécessitent pas de changement de motorisation
Actuellement, plus de 50 % du parc exploité par fortes autonomies » et la possibilité de « charge tout en améliorant les émissions de CO₂. L'autorité
cette dernière est déjà composé de bus propres et rapide à des coûts maîtrisés ». Elle souligne aussi
500 nouveaux bus seront mis en service chaque l'intérêt d'avoir une filière biométhane « en plein
année. « Le programme bus 2025 permettra de essor et locale ». Moins bruyant, l'électrique a aussi
100 %
diminuer de 50 % les émissions de CO₂ induites pour lui « une chaîne de traction simple facilitant la
par la circulation des bus d’ici à fin 2024 », fait maintenance », mais la production et le recyclage
valoir l'opérateur. En parallèle, les centres bus des batteries est un sujet pour l'autorité et l’offre de véhicules propres en zone dense
sont également convertis, avec un coût supérieur industrielle de bus articulés et de cars est jugée en 2025 et 100 % sur toute la région
pour l'électrique et « des exigences fortes » d'Ile-de- « non satisfaisante ». en 2029, a fixé comme objectif Ile-
France mobilités sur la qualité environnementale « Avec une autonomie de 200 à 250 km par jour, le de-France mobilités.
des bâtiments. bus électrique arrive un peu à sa limite quand un
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 P.15
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© RATP / ÉRIC TOUZÉ
© RATP
Hydrogène
IDF mobilités commande une cinquantaine de bus Verbatim
Déjà engagée dans une expérimentation de bus à hydrogène à Versailles,
Ile-de-France mobilités a annoncé le 12 juillet son implication dans deux “ Aujourd'hui, on a un
autres projets liés à cette énergie : H2 Créteil – porté par le Sipperec avec le panel de solutions pour
groupe Suez – et Vallée sud hydrogène – par l’EPT Vallée Sud Grand Paris décarboner, charge à
avec la société Hynamics. Dans ce cadre, l’autorité organisatrice des mobilités l'autorité organisatrice
va acquérir, à partir de 2024, jusqu’à 47 bus à hydrogène standard pour un
montant de 48 millions d’euros, incluant des prestations de maintenance des de choisir selon la ligne
véhicules. « Si la technologie est prometteuse, nous sommes encore au stade et son environnement ”
de l’expérimentation avec uniquement sept bus en circulation, indique IDF François Warnier de Wailly,
mobilités. Il y a encore beaucoup de difficultés avec des technologies peu directeur du programme bus
matures et l’offre en hydrogène vert est encore quasi inexistante. » 2025 de la RATP
organisatrice de la mobilité y voit en effet une solu- HAUSSE DES PRIX d’approvisionnement sur le moyen terme », précise
tion à développer, en attendant le renouvellement DE L'ÉNERGIE l'opérateur qui va subir fortement la hausse du
complet des flottes. Le bilan de ces différentes énergies dépend aussi coût de l'énergie, particulièrement pour le gaz.
Les biocarburants n'ont toutefois pas d'avantage de leur origine. Si la RATP se fournit en biomé- Alors que l'hydrogène (voir encadré) va monter
en matière d'oxyde d'azote, à propos duquel l'écart thane et soutient, dans ce but, le développement en puissance dans les années à venir, « les dif-
entre le gaz et le diesel s'est nettement réduit des méthaniseurs, l'électricité provient pour sa férentes énergies vont cohabiter jusqu'en 2050 »,
avec la norme euro 6, même si « le gaz garde part du réseau national. « Nous avons une relative estime Denis Benita, avec des choix selon les
un énorme avantage sur le démarrage à froid », indépendance énergétique », remarque François usages et l'objectif de tendre vers le zéro émission.
rapporte l'ingénieur de l'Ademe. « On s'acharne Warnier de Wailly. Un sujet sensible actuellement Toutefois, « la technologie fait avancer les choses
sur l'échappement du véhicule, mais les émissions compte tenu de la hausse des prix. L'opérateur mais les gains potentiels sont bien plus importants
des pneumatiques ou des freins peuvent être bien a souscrit d'ailleurs des contrats d'approvision- avec les changements de comportement », relève-
supérieures. » Quant aux particules, « on arrive nement à long terme (PPA) afin d’accroître la t-il. L'Ademe travaille donc aussi sur cet aspect,
aux limites des systèmes de mesure », note-t-il, un part des énergies renouvelables dans son mix avec l'avantage que certains de ces nouveaux bus
programme spécifique va donc être mis en place. énergétique et de sécuriser ses coûts sur le long apportent plus de confort aux usagers. Autre levier
Certains véhicules électriques sont équipés de terme, avec l'ambition d’atteindre 10 % d’énergies mis en avant par IDF mobilités : former les conduc-
la technologie « regen » qui récupère l'énergie renouvelables dans sa consommation d’électricité teurs à l’écoconduite, qui peut avoir des effets
perdue au freinage et crée un freinage naturel totale d’ici à 2025. « Nous suivons attentivement sur les consommations et donc les émissions.
limitant les émissions. l’évolution de la situation pour optimiser nos coûts Raphaël Richard
P.16 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
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© C. RECOURA
Un effort massif
pour moderniser
les infrastructures
—P
our améliorer son niveau de service, le réseau francilien
nécessite d'importants investissements menés par les
opérateurs historiques en lien avec Ile-de-France mobilités.
Toutes les lignes en bénéficient.
Régénération
Un train-usine pour
remplacer les voies
Pour renouveler le ballast,
les traverses et les rails,
SNCF réseau utilise un
train-usine qui permet de
remplacer 100 à 150 km
de voies chaque année.
La régénération concerne
également le remplacement
des appareils de voie :
environ 150 aiguillages sont
renouvelés tous les ans.
© SYLVAIN CAMBON
5,1 milliards
cet été, période traditionnelle de travaux avec la Côté Transilien, des travaux sont en cours sur les
baisse du nombre d'usagers. S’agissant d’abord lignes L, J, H, K et N, mais le projet d’envergure
du réseau RER, un nouveau poste de signalisation concerne l’achèvement de la phase 1 du projet d’euros
et d’aiguilles de retournement à Charles-de-Gaulle d’électrification de la ligne P sur l’axe Paris-Gretz- investis en 2022 sur
Étoile – qui vont permettre de retourner les trains Provins, pour permettre l’arrivée de nouveaux l’ensemble du réseau pour la
entre Charles-de-Gaulle Etoile et La Défense – a trains roulants, et avec lui des gains de ponctualité. modernisation et l’entretien des
été installé pour le RER A. Sur le RER B, le chan- Enfin, sur le réseau métro, des travaux sur sept infrastructures en Ile-de-France.
tier de remplacement des ponts ferroviaires de lignes sont programmés cette année : moder-
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 P.17
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© DR
Mobilités actives
Comment s’en sortent
nos voisins européens ?
Chaque ville doit faire en sorte
d’accommoder ce qu'elle a hérité
de son passé à de nouveaux usages
et les grandes capitales européennes
s'efforcent de développer des systèmes
adaptés et inspirants. Ainsi, deux
programmes ont permis au vélo
de faire son retour à Oslo. La Free Car
Zone supprime ainsi de nombreux
stationnements et émet des restrictions
très fortes sur l’entrée des véhicules
motorisés dans la capitale norvégienne.
et mobilités durables :
défini. « Oslo y est parvenue car, dans
cette perspective, la ville a déployé des
moyens conséquents pour améliorer
ment public est très long à faire évoluer », indique soutenir les collectivités et de pallier les difficul-
Mathieu Chassignet, ingénieur mobilité et qualité tés persistantes, des initiatives voient le jour.
de l’air à l’Ademe. Un écart créant des conflits entre Soutenue par l’Ademe dans le cadre de l’appel à
piétons, cyclistes et automobilistes. « L’espace communs - résilience des territoires, la démarche
urbain est précieux mais pas extensible. A Paris, « Rue commune » ambitionne la transformation
les rues sont anciennes et on ne peut repousser les des voies de circulation pour répondre aux enjeux
murs ! » Afin de favoriser les nouvelles mobilités de la transition écologique. Objectif : mettre à la
dans une perspective d’adaptation de la ville au disposition des élus locaux un guide méthodo-
changement climatique, il s’agit donc de trouver logique de diagnostic et de mise en œuvre, afin
de la place sans laisser les modes alternatifs se d’accélérer l’adaptation des rues métropolitaines
partager les miettes de l’espace public. « Il est ordinaires. Pour ce faire, les acteurs du projet
nécessaire de réduire la présence prépondérante - porté par Franck Boutté consultants, Léonard,
de la voiture. Cela implique de diminuer l’emprise et Richez associés - ont identifié trois enjeux : la
du stationnement ainsi que le nombre de voies de transition vers la mobilité décarbonée, la trans- D’autres grandes villes européennes (comme
circulation. Si ce choix n’est pas assumé politique- formation du sol, mais aussi le développement Porto, au Portugal) essayent d’améliorer
la gestion du stationnement des vélos et
ment on ne répond pas à la demande citoyenne, et l’inclusion des nouveaux usages. des trottinettes par des places de parking
et de bonnes conditions de pratique du vélo, de la Elena Jeudy-Ballini spécifiques.
Se déplacer plus vite
et plus propre grâce
au nouveau métro
Avec 200 km de lignes nouvelles et la création
de 68 gares, dont 80 % interconnectées au
réseau existant, le nouveau métro va permettre
à des millions de franciliens de gagner du
temps pour aller travailler, étudier, se soigner,
sortir… Avec lui, c’est toute la transition
écologique qui avance au quotidien, grâce
à de nouvelles solutions de transports
en commun propres et au développement
des mobilités douces dans les nouveaux
Conception et réalisation : QUAI#3 pour la Société du Grand Paris – Illustration : © Matthias Orsi – Cartographie : Mars 2018 – Sept. 2022
Aéroport Le Mesnil-Amelot
Charles-
de-Gaulle
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VAL-D’OISE de Gonesse
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d’Orly
Massy
ESSONNE Palaiseau Au-delà de 2030
Conforter
la place du vélo
dans les politiques
de mobilité
—L
’essor du vélo dans les mobilités du quotidien ne
cesse de se confirmer d’année en année et sa place
n’est plus remise en question. Reste à donner un
vrai coup d’accélérateur avec des aménagements
plus sécurisés et continus. Autre enjeu : la montée
en compétences au sein des collectivités avec des
chargés de mission dédiés.
La place du vélo dans les mobilités du quotidien ? « Il y a une appétence gigantesque des Français a rien, c’est quand même un changement majeur.
« Un mouvement de fond qui s’accélère et ce n’est pour le vélo, note pour sa part Camille Thomé, L’enjeu aujourd’hui est de résorber les coupures
que le début », selon Louis Belenfant, directeur directrice de l’association Vélo & territoires. Il y a urbaines et de créer un réseau vélo pour l’Ile-de-
du Collectif vélo Ile-de-France. En témoignent eu une augmentation de la fréquentation en France France, comme il existe un réseau cohérent de
les évolutions constatées dans le baromètre des entière, particulièrement en milieu urbain, depuis transports en commun et pour les voitures. C’est
villes cyclables, réalisé tous les deux ans par la le début de l’année 2022. Entre le 1er janvier et le ce à quoi nous travaillons avec la Région et la
Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) et 30 juin, elle a été de + 38 % par rapport au premier Métropole avec le projet de RER V. Les cyclistes
dont la troisième édition a été publiée en février semestre 2019. Si le bilan est plus nuancé par ne demandent qu’une chose : avoir un trajet aussi
2022 : « En deux ans, des villes ont progressé dans rapport à 2021, on est quand même à + 12 %, soit évident qu’en voiture ou en transport en commun
chaque département en passant de défavorable une croissance à deux chiffres. Et cette tendance est et être en sécurité. »
au vélo à moyennement favorable. Par ailleurs, boostée par l’usage en semaine et en milieu urbain. » Autre facteur confortant la place du vélo : celle-ci
le nombre de villes qualifiées dans le baromètre n’est plus remise en question. « Il n’y a plus d’élus
a doublé : plus de 300 ont obtenu la limite des RÉSORBER LES COUPURES URBAINES franciliens aujourd’hui qui s’opposent au vélo, la
50 réponses pour être classées, notamment dans la Ce mouvement s’est nettement accéléré depuis
très grande couronne parisienne (Meaux, Etampes, deux ans, encouragé notamment par les aména-
Mantes-la-Jolie, Coulommiers…) », commente gements type coronapistes mis en place lors de la
Louis Belenfant. Et même si l’Ile-de-France peut crise sanitaire. « Sans ces pistes, les gens auraient
nettement mieux faire en la matière, « cela montre pris leur vélo deux ou trois semaines et puis auraient
que lorsque les collectivités mettent en place des arrêté, estime Louis Belenfant. Même si ce n’est
politiques cyclables, cela fonctionne », relève-t-il. pas encore suffisant et même si par endroits il n’y
© JGP
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 P.21
INFRASTRUCTURES
© MATTHIEU DUPONT
Verbatim
“ Les politiques cyclables
publiques deviennent
sérieuses, elles ne sont
plus regardées avec
condescendance ”
Camille Thomé, directrice de
© JGP
l’association Vélo & territoires
prise de conscience est générale », indique Louis sujet. En revanche, quand on va dans le détail Comme le souligne Camille Thomé, l’ingénierie
Belenfant. « Les politiques cyclables publiques dans les autres collectivités, notamment les villes, est très importante : « il faut des gens pour travailler
deviennent sérieuses, elles ne sont plus regar- celles-ci n’ont souvent pas la taille critique pour sur ces sujets », citant l’exemple d’Ile-de-France
dées avec condescendance », pointe pour sa part disposer d’une personne exclusivement dédiée au mobilités qui vient de doubler ses effectifs pour
Camille Thomé. Signe de cette mobilisation : la vélo. Aujourd’hui la Région, la Métropole, l’Etat, toute sa politique servicielle en la matière.
multiplication des plans vélo. Des plans qu’il l’Ademe… vont financer les réalisations de politiques
faut cependant mettre en œuvre, ce qui suppose cyclables, mais elles ne financent pas l’embauche LE STATIONNEMENT EN GARE,
des moyens financiers mais aussi humains. Et à de chargés de mission vélo qui sont indispensables UN DES CHANTIERS MAJEURS
ce niveau, les situations sont très « disparates », pour mettre en place ces politiques. Si les collecti- Parmi les axes d’intervention de l’autorité organi-
selon le directeur du Collectif vélo Ile-de-France : vités territoriales ne recrutent pas, cela va prendre satrice des mobilités dans la Région : la location et
« on a des départements (Paris, Seine-Saint-Denis, encore un temps fou. Il faut des gens pour dessiner l’aide à l’achat de vélo électrique, mais également
Hauts-de-Seine…) qui ont recruté massivement les pistes, instruire les dossiers, suivre les chantiers, le développement de stationnements sécurisés
avec une réelle montée en compétences sur ce et ça, on en manque en Ile-de-France. » en gare, objet d’un schéma directeur adopté en
février 2020. Cette question fait par ailleurs l’objet
d’un article de la loi d’orientation des mobilités
(LOM) dont le décret d’application a été publié le
© JGP
MOBILITÉS ÉLECTRIQUES
— Véhicule électrique en free-floating dans une rue du 2Oe arr. de Paris. © JGP
—A
vec le soutien des pouvoirs publics, les ventes de véhicules électriques connaissent
une forte croissance tandis que la filière du retrofit se met doucement en place.
Le secteur fluvial se convertit lui aussi à d’autres énergies en vue notamment
des Jeux de Paris 2024.
P.24 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
MOBILITÉS ÉLECTRIQUES
Le pari
du véhicule
électrique
à l’épreuve
du marché
— Face à la persistante
mauvaise qualité de l’air
en région parisienne en
partie due aux transports,
la décarbonation du parc
automobile fait partie du
principal levier utilisé par les
pouvoirs publics. Mais passer
de la volonté politique à la
réalité économique ne coule
pas de source.
Sans nul doute, les véhicules électriques 163 000 nouvelles immatriculations compta- L’ÉLECTRIQUE TOUJOURS PLUS CHER
séduisent de plus en plus de Français, peut- bilisées entre janvier et juin derniers, le 100 % QUE LE THERMIQUE
être davantage soucieux de réduire leur facture électrique (99 635, + 27,6 %) détrône en effet A la carotte des bonus s’ajoute également le
énergétique que pour des raisons écologiques, l’hybride (63 159, - 12,6 %). bâton, car la limitation de circulation des véhi-
quand bien même l’Etat fixe un objectif de neu- A ce rythme, le parc roulant automobile français cules polluants dans les plus grandes villes se
tralité carbone pour 2050. Ainsi, alors que le à faibles émissions pourrait se rapprocher, fin durcit avec, d’une part, l’extension des zones à
marché automobile global a chuté de 16 % au 2022, du million de véhicules, boosté notamment faibles émissions (ZFE) – même si leur mise en
cours du 1er semestre de 2022, les immatricu- par le bonus « écologique » (6 000 euros pour œuvre reste complexe, notamment sur le territoire
lations de véhicules électriques ont bondi de les particuliers et à géométrie variable pour les de la métropole du Grand Paris (lire par ailleurs) –
28 %, mais de seulement 8,3 % en intégrant professionnels) prolongé jusqu’à fin 2022, alors et, d’autre part, les obligations de verdissement
les véhicules hybrides rechargeables, indiquait qu’il devait prendre fin au 30 juin, assorti d’un des flottes de véhicules.
le baromètre de l’Avere-France (Association montant d’acquisition augmenté (de 45 000 à Ainsi, alors que la loi d’orientation des mobilités
nationale pour le développement de la mobi- 47 000 euros). A celui-ci se joignent aussi les du 24 décembre 2019 fixe comme objectif la fin
lité électrique) le 8 juillet 2022. Sur les près de aides accordées par les collectivités territoriales. de la vente de voitures particulières et de véhi-
cules utilitaires légers neufs utilisant des énergies
fossiles d’ici à 2040, le Parlement européen est
allé encore plus loin en votant, le 8 juin 2022, la
fin de la vente des véhicules légers thermiques
Verbatim
et hybrides rechargeables neufs d’ici à 2035.
“ Bien que 90 % des utilisateurs
Parallèlement, le code de l’environnement fran-
de véhicules électriques se branchent çais prévoit que, d’ici à 2026, la moitié des
à domicile ou sur leur lieu de travail, véhicules renouvelés dans les services publics
la recharge publique reste primordiale, d’Etat doit être à faibles émissions (VFE), soit
© ROMUALD TERRANOVA
notamment pour encourager les Français n’émettant pas plus de 60 grammes de dioxyde
à passer à la mobilité électrique et faciliter de carbone par kilomètre (70 % en 2027), tan-
l’itinérance ” dis que les collectivités territoriales ont jusqu’à
Clément Molizon, délégué général de l’Avere-France fin 2024 pour atteindre un taux de 30 % (40 %
à fin 2025). A compter de 2026, plus du tiers
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 P.25
MOBILITÉS ÉLECTRIQUES
ZFE
L’interdiction des Crit’air 3 reportée d’un an
Le 30 juin 2022, le conseil de la métropole du Grand Paris (MGP) a reporté d’un an, soit au
1er juillet 2023, la restriction de circulation à l’intérieur du périmètre de l’A86 des véhicules
Crit’air 3 qui s’ajouteront aux Crit’air 5, Crit’air 4, soit de 20 % à 44 % du parc. Pour Daniel
Guiraud, vice-président de la MGP, « la responsabilité en incombe à l’Etat », qui « n’a pas
permis dans les temps la mise en place d’un prêt à taux zéro garanti par la puissance
publique, et n’a pas clarifié les conditions de la verbalisation des contrevenants ».
© DEEPBLUE4YOU
6 936 véhicules
électriques
ont été vendus en Ile-de-France en
juin 2022, dont 3 715 étaient 100 %
électriques (3 437 particuliers et
278 utilitaires) et 3 221 hybrides
rechargeables.
© JGP
La zone à faibles émissions s’applique au périmètre situé à l’intérieur de l’A86.
des véhicules publics renouvelés devront être l’acquisition ne doit pas être la seule option, piloté par l’Avere, propose aux entreprises, aux
à très faibles émissions (électrique, hydrogène, d’autres pistes peuvent être proposées telles que collectivités territoriales et même aux particu-
hybride rechargeable). Pour les bus et autobus, la location avec des services associés ou encore liers, en copropriété ou non, une aide financière
la totalité du parc renouvelé devra être à faibles l’autopartage, même pour les professionnels, à pour l’installation de points de charge pouvant
émissions à partir de 2025. L’obligation de VFE l’instar de Mobilib’ à Paris. aller de 20 % à 50 % du montant plafonné de
est progressive dans les entreprises gérant un Le dernier frein s’avère technique avec la question l’installation. A Paris, la Ville finance la moitié
parc de plus de 100 véhicules : 10 % en 2022, de l’autonomie, même si le réseau de bornes de du montant des travaux (4 000 euros maximum
20 % en 2024, 40 % en 2027 et 70 % en 2030. recharge se développe. Au 31 mars 2022, l’Ile- pour un prééquipement ou 500 euros maximum
Reste à savoir comment respecter ces objectifs face de-France comptait 11 081 points de recharge par point de charge) engagés par les copropriétés
aux nombreux obstacles qui freinent le développe- publics et 3 085 stations, révèle le baromètre et les bailleurs sociaux pour installer des bornes.
ment de l’électrique, à commencer par son coût, de l’Avere et du ministère de la Transition éco- En parallèle, depuis le 1er janvier 2021 et jusqu’au
car il reste toujours plus cher à fabriquer (d’autant logique. La ville de Paris annonce de son côté 31 décembre 2023, tous les contribuables peuvent
plus avec la pénurie des matières premières et de 2 300 bornes Belib’ et équipe progressivement bénéficier d’un crédit d’impôt (de 75 % du mon-
composants, accroissant leur prix) et donc à acqué- ses parkings concédés, dont celui de la rue Lobau tant des dépenses dans la limite de 300 euros par
rir, en dépit des aides à l’achat et des économies à (4e arr.), et les stations-service qui lui appar- système de charge) pour l’acquisition et la pose
l’usage qu’il permet (énergie et entretien). tiennent, notamment Porte d’Aubervilliers (19e). de systèmes de charge pour véhicule électrique.
Pour accélérer la cadence, le programme Advenir,
L’ENJEU DE L’AUTONOMIE Fabienne Proux
La transition s’avère par conséquent délicate, tant
pour les particuliers les plus modestes que pour
les petits entrepreneurs (artisans, indépendants,
petits commerçants). Aussi Clément Molizon,
Professionnels
délégué général de l’Avere-France, constatait fin
Le coup de pouce de Paris
juin 2022 l’évolution du marché de l’occasion, qui Depuis 2018, la ville de Paris octroie aux autoentrepreneurs, TPE ou PME
bénéficie également du bonus écologique (+ 70 % (max 50 salariés) domiciliés à Paris ou en petite couronne, des aides aux professionnels
d’immatriculations au 1er semestre 2022). Mais pour acheter des véhicules micro-utilitaire (1 000 euros), utilitaire léger (6 000 euros)
pour Jean-Yves Marie-Rose, chargé des trans- ou poids lourd (9 000 euros) moins polluants (électriques, hydrogène ou GNV),
ports et des mobilités à l’Ademe Ile-de-France, qui se cumulent au bonus écologique de l’Etat.
P.26 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
MOBILITÉS ÉLECTRIQUES
© REV MOBILITIES
66 %
d’émissions de gaz à effet
de serre émises par une
voiture citadine diesel,
61 % par un utilitaire
et 87 % par un poids
lourd ou un bus seraient
réduites en les rétrofitant.
Source Ademe
© JGP
Rétrofit
La révolution se prépare
—T
ransformer des véhicules existants diesel ou essence en électrique
à batterie ou à pile à combustible hydrogène, c’est la promesse
du rétrofit qui monte progressivement en puissance. Une formule
toutefois plus adaptée aux professionnels qu’aux particuliers.
Verdissement
des flottes
L’appel d’air
des JOP 2024
— Les Jeux olympiques et
paralympiques (JOP) de Paris 2024
pourraient bien être une aubaine
pour les acteurs parisiens du fluvial.
Si un calendrier serré les oblige,
la perspective d’être au cœur d’un
événement de portée mondiale
mobilise les armateurs fluviaux sur
cet enjeu de transition énergétique.
MOBILITÉS ÉLECTRIQUES
Sogestran
© ENCRIER
multiplie les pistes
en matière de transition énergétique
— Le
Zulu 6 de l’armateur CFT (Sogestran), fonctionnant avec une pile à combustible,
devrait être opérationnel début 2023. Adapté à la logistique urbaine, il devrait
naviguer entre Paris et sa proche banlieue.
© SOGESTRAN
Projet de bateau Zulu 6 qui doit être opérationnel à Paris dès le début de l’année 2023.
A travers sa filiale CFT, le groupe Sogestran du Zulu 6 a été initié dès 2018 dans le cadre du
(Le Havre) est devenu un acteur incontournable programme européen FCH JU (Fuel cells and
de la logistique fluviale. Un opérateur qui explore hydrogen joint undertaking).
plusieurs pistes pour limiter les émissions de ses
quelque 150 bateaux, dont 90 sont en exploitation DES CHOIX DICTÉS PAR LA RÉALITÉ
sur la Seine. « En matière de motorisation nous ÉCONOMIQUE
avons défini trois grands axes, explique Steve Sur les longues distances, l’approche de Sogestran
Labeylie, responsable des relations institution- est différente et s’oriente davantage vers l’hybri-
nelles du groupe : les transports interurbains dation des bateaux. « L’objectif reste d’optimiser
longue distance, les transports en milieu urbain et les consommations et c’est pour cela que nous
la question des temps passés à quai. » travaillons sur des carburants alternatifs (HVO, XTL
Si l’électrification à quai reste du ressort du ges- ou BTL) qui réduisent de 50 à 60 % les émissions
tionnaire du domaine portuaire Haropa, Sogestran de gaz à effet de serre », explique Steve Labeylie.
© JGP
avance ses pions sur la question plus spécifique Une nécessité plus qu’une option « car le passage
des motorisations. « S’agissant des trafics en zone à l’hydrogène est un projet économique très lourd
urbaine, à Paris notamment, nous essayons de limi- que l’on ne pourrait pas appliquer à toute notre
ter les émissions de polluants avec, comme étape flotte dans les deux ans ! C’est pour cela que nous
ultime, leur suppression totale grâce aux motorisa- recherchons des solutions alternatives applicables
tions à hydrogène par exemple. » Le dernier projet rapidement et supportables économiquement. »
en cours du groupe consiste à équiper le Zulu 6, G.D.
actuellement sur un chantier au Havre, d’une
pile à combustible pour produire de l’hydrogène.
Le Zulu 6, rappelle Steve Labeylie, « est un bateau
Verbatim
dédié à la logistique urbaine, plus petit et avec un
“ La ZFE s’impose tonnage moins important (400 t), ce qui le rend
à nous indirectement, mieux adapté aux motorisations alternatives ».
même si nous ne Sa mise en service est prévue en début d’année
sommes soumis prochaine à Paris avec, en ligne de mire, le trans-
à aucune contrainte port de colis, de palettes ou encore d’éléments
réglementaire ” préfabriqués pour le bâtiment. Sur les six navires
Olivier Jamey, président de la Zulu de sa flotte, CFT en exploite déjà un sur Paris
Communauté portuaire de Paris. depuis deux ans, équipé d’une motorisation die-
sel classique. Le projet de passage à l’hydrogène
P.30 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
MOBILITÉS ÉLECTRIQUES
Un modèle à inventer
pour les véhicules intermédiaires
Le projet
eXtrême Défi
porté par l’Ademe
vise à favoriser
l’émergence
de véhicules
intermédiaires.
© GRTgaz
les plus récents, seront bannis de la ZFE
de l’agglomération parisienne. Le bioGNV
représente une solution intéressante
pour la qualité de l’air et qui de plus s’inscrit
dans une démarche d’économie circulaire
locale avec la méthanisation.
Mobilités de demain
et d’ailleurs
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 P.33
DEMAIN ET AILLEURS
—L
’Ile-de-France est un laboratoire des mobilités de demain avec ses taxis à l’hydrogène,
ses navettes autonomes et, bientôt peut-être, ses solutions de mobilités aériennes.
Le futur s’invente aussi à Copenhague ou La Rochelle.
P.34 Le journal du Grand Paris / HS N° 44 / Juin 2022
DEMAIN ET AILLEURS
© SCHARFSINN86
Hydrogène
L’écosystème
se met en place
—P
articulièrement adapté aux
véhicules lourds ou nécessitant
une grande autonomie,
l’hydrogène constitue un
complément intéressant aux
véhicules électriques à batterie
dans la perspective de la
décarbonation totale des flottes.
Mais la mise en place d’un
écosystème adapté est délicate. pas encore connus -, 59. L’Ile-de-France compte
d’ores et déjà cinq projets lauréats.
Tous concernent la mobilité, « l’Ile-de-France
n’étant pas une région utilisant beaucoup d’hydro-
« Faire une fête pour inaugurer une pompe à « En effet, les appels à projets (AAP) lancés dans ce gène industriel », précise l’Ademe. Pas question
carburant est certainement un peu loufoque. Dans cadre financent exclusivement les projets utilisant pour autant de convertir à ce gaz tout type de
quelques années, ouvrir une station à hydrogène un hydrogène produit par électrolyse », rappelle véhicules. « Nous nous attachons à valoriser son
sera, je l’espère, devenu quelque chose de très Thomas Bertheau, chargé de mission hydrogène à usage uniquement là où une solution équivalente en
banal ! », lançait, en 2018, Augustin de Roma- l’Ademe Ile-de-France. Mais la contrainte n’a guère termes de décarbonation serait impossible », précise
net, pdg du groupe Aéroports de Paris, lors de constitué un frein : « Ces APP ont été plébiscités Thomas Bertheau. En effet, l’électrolyse consomme
l’inauguration de la station hydrogène d’Orly par les acteurs », poursuit l’expert. Au niveau natio- beaucoup d’électricité et ne se justifie donc que si
(Val-de-Marne). Quatre ans plus tard, le phéno- nal, le premier, fin 2020, a suscité 19 réponses, une motorisation électrique à batterie ne suffit pas.
mène reste suffisamment rare pour que des céré- le second en mars 2021, 34, enfin le troisième « Or, pour des véhicules légers, l’électrique classique
monies d’inauguration, voire de première pierre, en septembre 2021- et dont les lauréats ne sont fait largement l’affaire », précise l’expert. Il en va
soient encore organisées, comme celle qui s’est
tenue le 27 juin dernier à Issy-les-Moulineaux
(Hauts-de-Seine).
Pourtant, si les stations franciliennes se comptent
encore sur les doigts des deux mains, plusieurs
choses ont changé entre les deux dates. A Issy- Verbatim
les-Moulineaux comme à la porte de Saint-Cloud “ Le taxi à hydrogène
(Paris 16e arr.), ouverte au printemps, les nouvelles est désormais mature ”
stations délivrent un hydrogène fabriqué sur place
“ Nous avons lancé les premiers taxis
par un électrolyseur. Produit à partir d’électricité,
à hydrogène Hype en 2015, lors de la
le gaz n’est certes pas totalement « vert » mais
largement décarboné, à l’image de la production
COP21, et ils sont désormais environ
électrique française dominée par le nucléaire.
200. Dans un premier temps, nous nous
© HYPE
DEMAIN ET AILLEURS
Ecosystèmes hydrogène
5 projets lauréats en Ile-de-France
7
L’Ademe avait, dès 2019, lancé un premier appel à projets sur les écosystèmes de mobilité
hydrogène. Lui ont succédé les AAP « écosystèmes territoriaux hydrogène » initiés par France
Ile-de-France mobilités Relance. En tout, cinq lauréats ont déjà été désignés. Il s’agit de :
expérimente depuis 2019 sept
bus à hydrogène circulant dans H2 Créteil (Val-de-Marne), porté par le groupe Suez et SipEnR, filiale du syndicat Sipperec.
la communauté d’agglomération Il doit permettre d'utiliser une partie de l’électricité produite par l’incinérateur d’ordures ménagères
de Versailles-Grand Parc de Créteil pour produire l’hydrogène. Celui-ci alimentera une dizaine de bus d'Ile-de-France mobilités
(Yvelines) et s’approvisionnant et des bennes à ordures de Paris Est Marne & Bois.
à une station opérée par Air
liquide aux Loges-en-Josas. Elle DBeaut’Hy Truck, porté par la PME E-Néo, le logisticien DB Schenker et L’Oréal, consiste à effectuer
a annoncé en juillet qu’elle allait le retrofit hydrogène de poids lourds qui réaliseront le transport de produits entre sites logistiques.
en acheter une cinquantaine
Last Mile : le projet, initialement porté par Akuo et repris par Hype, vise à construire un réseau
d’autres d’ici à 2025.
de 16 stations hydrogène en Ile-de-France.
2020 Hype 600, porté par HysetCo (contrôlée par Hype, Kouros, Total energies, Toyota et Air liquide),
entend développer les infrastructures de recharge et à porter la flotte de taxis hydrogène à 600 unités.
Projet H24FP, porté par HysetCo, ambitionne de bâtir six nouvelles stations d’ici aux JOP 2024, dont deux
disposeront d’un électrolyseur permettant une production d’hydrogène décentralisée bas carbone.
© JGP
© JGP
© JGP
Les sociétés HysetCo et Hype proposent désormais des L’hydrogène suscite actuellement un bel engouement, La station hydrogène de la porte de Saint-Cloud (Paris
offres dédiées aux taxis indépendants afin de les convertir comme en a témoigné l’affluence au Salon Hyvolution qui se 16e arr.), portée par la société HysetCo, fabrique elle-même
à l’hydrogène. tenait en mai 2022. son hydrogène grâce à un électrolyseur (sur la photo).
autrement pour les bus - ou autocars - roulant plus LES BATEAUX ÉGALEMENT CONCERNÉS
de 200 km par jour, les bennes à ordures circulant Les bateaux représentent en revanche des vitrines
au moins 100 km quotidiennement, les camions de choix. Le 100 % électrique suffit certes aux
ou utilitaires ayant tout à la fois besoin d’une vedettes qui promènent des touristes à l’intérieur
grande autonomie et d’une importante charge de Paris, mais non aux paquebots venant de
Multimodalités
utile. « Pour un camion de 44 tonnes, on a calculé l’estuaire de la Seine et encore moins au transport
Les aéroports investissent
que des batteries diminueraient la charge utile de de marchandises. L’usage de l’hydrogène se heurte Si les avions à hydrogène ne devraient
3 tonnes », détaille Thomas Bertheau. Pour aller cependant à des problèmes de réglementation pas voler avant 2035, les aéroports
au bout de sa logique, l’Ademe a d’ailleurs choisi concernant, notamment, le stockage du gaz. Pour constituent cependant des écosystèmes
de ne plus aider l’achat de taxis hydrogène : ils ont fonctionner à l’hydrogène, Zulu 6 - un pousseur de intéressants pour développer l’usage de
certes besoin d’une large autonomie et de temps la société Sogestran qui devrait être prochainement ce gaz. Y circulent en effet de multiples
de recharge réduits pour effectuer un maximum mis en service - stockera ainsi son gaz dans un véhicules et engins de manutention.
de courses, mais l’agence considère qu’une option conteneur amovible qui sera rechargé à terre. C’est pourquoi la région Ile-de-France,
électrique pourrait être suffisante. Catherine Bernard
Choose Paris Region, le groupe ADP, Air
France-KLM et Airbus ont lancé un appel
à manifestations d’intérêt international
pour bâtir une filière hydrogène
© JGP
La flotte Hype compte actuellement environ 200 taxis Hype en Ile-de-France. © JGP
P.36 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
DEMAIN ET AILLEURS
MaaS
Le numérique au service
de déplacements plus agiles
— Alors que l’Ile-de-France
est caractérisée par un réseau
dense de transports en commun
et un nombre important
d’opérateurs de nouvelles
mobilités, les applications de
MaaS (mobility as a service)
ont toute leur pertinence pour
faciliter le lien et les connexions
entre toutes ces offres.
DEMAIN ET AILLEURS
L’application Ile-de-France mobilités permet
par exemple de louer un Velib ou de localiser
le Cityscoot le plus proche.
© JGP
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©DR
Covoiturage
Guide
L’autopartage
— Un
registre pour nourrir la réflexion des collectivités à destination
organisatrices de la mobilité des collectivités
En novembre 2021, l’Association des
Pour accompagner le développement du covoiturage au quotidien sur leur acteurs de l’autopartage a publié,
territoire, les collectivités autorités organisatrices de mobilité (AOM) – la Région avec un cofinancement de l’Ademe,
s’agissant de l’Ile-de-France – peuvent s’appuyer sur les données du Registre un « guide de l’autopartage pour
de preuve du covoiturage. « Il s’agit d’une start-up d’État créée en 2019, suite les territoires ». Ce document donne
à la loi d’orientation des mobilités (LOM), qui permet aux collectivités d’inciter
aux décideurs locaux les clés pour
mettre en place ou favoriser le
financièrement le covoiturage, présente Victor Stefanini, chargé de déploiement
développement de l’autopartage sur
du Registre de preuve de covoiturage. Le Registre joue le rôle de tiers de confiance leur territoire, et contribuer à répondre
entre les collectivités et les opérateurs de covoiturage. C’est un outil de centrali- ainsi aux défis des prochaines années.
sation de l’ensemble des données des trajets des 20 plateformes de covoiturage Après une revue de l’historique de
actuellement référencées. Ces dernières nous remontent leurs données. Nous avons l’autopartage en France, des différents
convenu avec elles d’un système de classification appliqué à chaque trajet : il y types d’autopartage (en boucle,
a ainsi trois niveaux d’indice de confiance par trajet. Pour la classe A, l’opéra- free-floating, combiné - en boucle
teur certifie la mise en relation entre le conducteur et le passager ; le B certifie la + free-floating -, entre particuliers),
mise en relation et le trajet d’un occupant du véhicule, soit celui du conducteur, des usages et impacts, du cadre
soit celui du passager ; enfin, la classe C certifie la mise en relation et le trajet
juridique et réglementaire, ainsi que
des modalités de développement,
de l’ensemble des occupants du véhicule. Une fois remontées, les données sont
l’ouvrage apporte un éclairage
affichées dans le registre et les collectivités AOM connectées peuvent consulter sur les spécificités territoriales.
L’un des sujets celles qui les concernent. Le Registre de preuve de covoiturage sert à nourrir leur « S’adressant majoritairement à
du MaaS est de
faire du lien entre réflexion, observer ce qui se passe sur leur territoire et, si elles mettent en place une une population multimodale, il
différents modes campagne d’incitation financière au covoiturage, pouvoir en mesurer l’impact. » trouve plus naturellement sa place
de transport.
Si le registre n’est pas accessible au grand public, ses données sont ouvertes et et sa rentabilité dans les zones les
servent notamment à alimenter le site de l’Observatoire national du covoiturage plus denses, rappellent à ce titre
au quotidien et les jeux de données open data disponibles sur data.gouv.fr. les auteurs. Il peut néanmoins être
E.C. déployé sur tout type de territoire,
sous des formes adaptées à chaque
contexte. » Le guide passe ainsi en
revue les stratégies de développement
pour les différents types de densité
des bassins de mobilité : zones
denses, villes et agglomérations de
taille moyenne et les zones de faible
densité. Guide à télécharger sur
asso-autopartage.fr.
favoriser le développement de
l’autopartage sur leur territoire.
P.38 Le journal du Grand Paris / HS N° 44 / Juin 2022
DEMAIN ET AILLEURS
21 territoires couvrant 304 communes sont desservis par un transport à la demande en Ile-de-France.
Le transport à la demande
au secours des zones rurales
© DR
—L
es territoires peu denses conjuguent des difficultés multiples
laissant la part belle à la voiture. Une problématique environnementale
et sociale que de plus en plus d’initiatives tentent de résoudre.
Parmi elles, le transport à la demande voit son développement
s’accélérer afin de mieux relier les communes moins bien dotées mobilités complète l’offre de lignes régulières et
aux services existants. dessert les communes alentour, moins bien dotées
en transport en commun. Dans certaines villes
telles que Gaillon-sur-Montcient, 680 habitants, ou
Dans les territoires périurbains peu denses où dynamique ou non, fait partie du bouquet d’offres de Tessancourt-sur-Aubette, moins de 1 000 habitants,
vivent près de 40 % des Français, l’usage de la mobilité envisageables sur les territoires périurbains ce nouveau service s’avère d’autant plus précieux
voiture demeure largement majoritaire et concentre et peu denses. Sa mise en place nécessite d’identifier qu’il permet à chacun de se rendre à l’hôpital, à la
70 % des déplacements, d’après le Cerema. En les usagers destinataires du service et les moyens gare ou au centre commercial.
cause : une offre moindre de transports en com- de financement », souligne Séverine Boulard. Une Un modèle déployé sur 21 territoires couvrant
mun, la dispersion des activités économiques et le alternative qui assure par ailleurs un relais lors 304 communes. Depuis juin 2019, 120 000 voyages
manque d’alternatives. En zone rurale, le dévelop- des moments creux de la journée ou de l’année. ont été réalisés. Pour en bénéficier, la plateforme
pement des mobilités durables constitue donc un dédiée d’Ile-de-France mobilités permet de réser-
enjeu environnemental et social important. D’après 21 TERRITOIRES DESSERVIS ver son trajet et de suivre son TAD en temps réel.
le Laboratoire de la mobilité inclusive, un Français Favorisant le déplacement des personnes modestes Le syndicat francilien des transports ambitionne
sur quatre a déjà refusé un emploi faute de moyen et à mobilité réduite, celui des jeunes, voire des d’élargir ce dispositif à une vingtaine de territoires
de transport. « Avant de mettre en place des expé- touristes, la ligne de TAD Meulan-Les Mureaux supplémentaires d’ici à 2024.
rimentations, il convient de se questionner sur les (Yvelines) déployée en 2021 par Ile-de-France Elena Jeudy-Ballini
besoins et les flux existant pour pouvoir poser un
diagnostic. Tous les services ne sont pas pertinents
sur tous les territoires. La problématique en zone
rurale est loin d’être simple ! », indique Séverine Tenmod
Boulard, chargée des thématiques changement Un appel à manifestations d’intérêt
de comportement, management de la mobilité et encourage les innovations en zone rurale
ingénierie territoriale à l’Ademe. L’appel à projets Tenmod, lancé en 2018, favorise la mise en œuvre par les territoires peu
La mobilité partagée figure au nombre des solu- denses et ruraux de projets de mobilités quotidiennes, durables, pour tous, innovantes
tions déployées sur certains territoires ruraux. et répondant à un besoin local, en soutenant financièrement l’ingénierie nécessaire à
A juste titre : si la voiture demeure le mode de leur développement. « Cet AMI s’insère dans la démarche France mobilités et fait suite
déplacement privilégié, le taux d’occupation est, aux Assises nationales de 2017 », explique Séverine Boulard. Lors de l’édition 2019, la
de surcroît, relativement faible avec 1,3 personne communauté urbaine de Grand Paris Seine & Oise comptait parmi les lauréats avec son projet
« Hubs du territoire ». La collectivité vise la mise en place de nombreux hubs comprenant
en moyenne par véhicule. Pour l’heure, le transport
une plateforme de services du quotidien adossée à des lockers. La finalité est de permettre
à la demande s’impose comme l’une des solutions
l’interconnexion des différentes options de moyens de transport (bus, covoiturage, train,
les plus judicieuses adaptées aux logiques fran- transport à la demande, piéton ou vélo, etc.), mais aussi d’offrir des services de proximité
ciliennes. « Le transport à la demande, qu’il soit (paniers frais, dépôts de pain, relais colis, coworking, food trucks, etc.).
P.40 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
DEMAIN ET AILLEURS
Mobilités
décarbonée et solidaire
doivent aller de pair
—M
ême si la voiture reste le principal moyen de déplacement pour près de
la moitié des Franciliens, le verdissement des mobilités ne pourra pas se
limiter au passage au moteur électrique, car la question ne doit pas se
réduire à traiter uniquement un sujet de transport, mais aussi d’inclusion.
Bien que l’Ile-de-France présente un équipe- trique suffira-t-il réellement à réussir la transition peut pas être la seule alternative, car ces options
ment en solutions de transport et de mobilité bien écologique des transports ? Probablement pas. ne règlent qu’une partie des problèmes de mobi-
supérieur à la moyenne nationale (l’offre de vélos Même si « des petits véhicules électriques abor- lité de millions de personnes. Aussi, se profile le
en libre-service s’élève à 34 % contre 20 % en dables arrivent sur le marché, constate Bertrand- risque que la décarbonation des transports, que
France, et celle de transports collectifs urbains à Olivier Ducreux, ingénieur au service transports les pouvoirs publics souhaiteraient mener à vive
77 % contre 45 %), près d’un Francilien sur deux et mobilité de l'Ademe, beaucoup de Français allure, accentue la fracture sociale si une partie
(48 %) utilise quotidiennement la voiture comme ne peuvent absolument pas se payer un véhicule des habitants est laissée, pour diverses raisons,
moyen de déplacement principal (68 % au niveau électrique, car c’est très cher, il faut donc les encou- sur le bas-côté de la route.
national), révélait le Baromètre des mobilités du rager », a reconnu fin juin dernier Bruno Le Maire,
quotidien en juillet 2022*. Et si le taux de moto- ministre de l’Economie et des Finances, en justi- LA PRÉCARITÉ MOBILITÉ EXISTE AUSSI
risation en véhicules thermiques dans la région fiant le prolongement jusqu’à fin 2022 du bonus EN ILE-DE-FRANCE
Capitale (56 %) est sensiblement moins élevé écologique (lire par ailleurs). Aussi, « pour réussir cette transition écologique,
que celui du reste de l’Hexagone (73 %), il n’en Même subventionné et complété par l’incitation il faut traiter de l’inclusion », prévient Francis
reste pas moins conséquent. Dans ce contexte, au report modal vers les transports en commun et Demoz, délégué général du Laboratoire de la
le basculement du véhicule thermique vers l’élec- les modes actifs, le passage au véhicule propre ne mobilité inclusive. Depuis sa création en 2013,
© HUGE
Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022 P.41
DEMAIN ET AILLEURS
Mobilité solidaire
« Tous mobiles » apporte des réponses concrètes
Le Laboratoire de la mobilité inclusive a créé en 2022, en partenariat avec
le ministère de la Transition écologique, la plateforme « Tous mobiles » dont
l’objectif est de « mettre en commun un socle solide de connaissances et
d’expériences » à destination des collectivités locales, pour qu’elles se saisissent
des enjeux de la mobilité solidaire et puissent adapter leurs réponses aux besoins
de leur territoire. A partir de deux onglets, « comprendre » et « agir », sont
déclinés décryptages et méthodes d’intervention, complétés par des initiatives
de terrain. Le laboratoire propose également une cartographie des plateformes
de mobilité inclusive recensant 179 solutions en France qui aident les publics
fragiles à trouver des solutions, et crée un réseau d’opérateurs. Six se trouvent en
Ile-de-France, dont Mobilhub à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), La Roue libre
77 à Combs-la-Ville (Seine-et-Marne) et Wimoov à Paris.
© JGP
le think tank s’intéresse aux freins et difficultés précaires ou travaillant en horaires décalés) et détaille-t-il, soulignant que la principale défail-
du développement des mobilités inclusives. Les cognitif, l’utilisation des transports en commun lance des dispositifs tient à leur méconnaissance,
origines de celles-ci ne datent pas de la prise de et notamment la multimodalité étant trop com- engendrant un important taux de non-recours aux
conscience de la nécessité d’agir pour limiter les plexes. Dès lors, ces publics ne peuvent accéder aides qu’il évalue à 60 %. Mais il va aussi « falloir
effets du dérèglement climatique, mais de diffi- ni à la formation, ni à l’emploi, et encore moins à faire preuve d’innovations sociales (transport à la
cultés plus profondes et, surtout, d’un manque de la culture et aux loisirs, c’est ce que l’on appelle demande, garages solidaires, leasing social) qui
prise en compte global du problème. la précarité mobilité. Si le « risque mobilité » est bénéficieront à tous, ajoute Francis Demoz, car
« Il y a une dizaine d’années déjà, le constat a été nettement moindre en Ile-de-France (10 % des plutôt qu’une charge, le coût de la mobilité solidaire
fait que des publics fragilisés, hors les personnes Franciliens contre 18 % des Français), « il n’est est un gain pour la société ».
à mobilité réduite, étaient face à d’importantes néanmoins pas nul malgré la densité de services Fabienne Proux
barrières d’accès à la mobilité », rappelle Pierre existants », souligne Sébastien Bailleul, directeur
* Baromètre réalisé par la Fondation pour la nature et l’homme
Taillant, ingénieur économique au service trans- régional de Wimoov Ile-de-France. Ainsi, 13 % des (FNH) et Wimoov.
ports et mobilité de l’Ademe. Ces freins étaient non habitants de la région Capitale déclarent n’avoir
seulement d’ordre économique (prix trop élevé accès à aucune solution de mobilité contre 10 %
d’une voiture), mais aussi d’ordre social (salariés en France, indiquait également le baromètre
© DR
FNH/Wimoov.
13,3
durable de long terme », déplore Francis Demoz
qui estime que « plusieurs leviers d’action sont
essentiels ». En priorité « il faut une approche
millions transversale et co-construite car aucun des acteurs
de Français, dont 10 % ne dispose de l’ensemble des pièces du puzzle ». La Verbatim
de Franciliens, sont précarité mobilité se heurte en effet à plusieurs
en précarité mobilité “ L’inclusion doit
écueils dont la diversité des acteurs (sociaux,
(précarité carburant, devenir une condition
économiques, publics, privés…).
vulnérabilité mobilité, nécessaire à la
dépendant à la voiture). Pointant la « défaillance des politiques publiques »,
en la matière, FNH et Wimoov invitent de leur côté
transition écologique en
matière de transports ”
35 %
des Franciliens ont
à renforcer les mesures d’urgence face à la crise
énergétique (aider à l’achat de vélos, électriques
ou pas, accroître le réseau de pistes cyclables,
Francis Demoz, délégué
général du Laboratoire de la
mobilité inclusive
renoncé à un emploi du favoriser l’autopartage) et lancer un plan social
fait d’un problème de national d’accompagnement vers les mobilités
mobilité et durables, adapté aux besoins des habitants.
37 %
Ce qui passerait, selon Pierre Taillant, par la mise
en œuvre d’un « projet de territoire sur mesure » à
partir d’un diagnostic pour déterminer le public
à un rendez-vous médical.
(2e Baromètre des mobilités au
auquel s’adresse l’offre (seniors, actifs, deman-
quotidien – mars 2022). deurs d’emploi) « afin de trouver la maille pertinente
en fonction des bassins d’emploi » puis, dans un
second temps « construire un diagnostic précis avec
les acteurs qui peuvent apporter des compétences »,
P.42 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
DEMAIN ET AILLEURS
Le véhicule
autonome
avance
à bas bruit
— Sujet à la mode il y a quelques
années, le buzz est retombé sur
le véhicule autonome sur lequel
continuent de travailler constructeurs
et opérateurs de transport.
Mais si les technologies d'assistance
à la conduite se développent,
la véritable autonomie n'est pas
pour tout de suite.
La RATP a mis en circulation mi-septembre une navette à Saint-Rémy-Lès-Chevreuse
sur une boucle de 4 km qui dessert notamment la gare, la piscine et le collège.
Après avoir atteint le pic de la « courbe de observe Bertrand-Olivier Ducreux, ingénieur au Vincennes continue de circuler le week-end sur une
la hype » – que connaît chaque innovation – en service transport et mobilité de l'Ademe. boucle de 6 km qui la confronte à différents envi-
2018-2019, le véhicule autonome se fait désormais Le projet Evra a ainsi été soutenu, regroupant ronnements propres à la zone dense. A Saint-Rémy-
beaucoup plus discret. « C'est un phénomène plusieurs expérimentations, notamment Valeo lès-Chevreuse, la logique est différente, en reliant
classique, remarque Côme Berbain, directeur de qui a travaillé sur une fonction valet de parking, la gare RER à un parking qui dessert habitats,
l'innovation du groupe RATP, plus on entend parler Renault en matière d'assistance à la conduite ou piscine et collège, dans un secteur qui ne dispose
d'une technologie, moins elle est mûre. » « Il y a un de transport à la demande – avec des Zoé sur le pas de transports en commun. La boucle de 4 km
changement de sémantique qui s'est opéré, on parle Plateau de Saclay où Transdev a aussi mis en offre une sorte de prolongement du réseau ferré.
désormais de véhicule à conduite automatisée car le place un service de navettes. L'opérateur filiale « Les navettes ont désormais un niveau de maturité
véhicule autonome est très loin d'être une réalité », de la Caisse des dépôts n'a en revanche pas qui permet de vendre du service aux collectivités et
remarque Marc Charlet, le directeur général du poursuivi celui prévu entre Vernon et Giverny aux entreprises », fait valoir Côme Berbain. Les
pôle de compétitivité NextMove. (Eure). ArianeGroup en a déployé un pour ses acteurs privés ont deux types de demandes : les
Toutefois, si le sujet fait moins l'objet de communi- salariés aux Mureaux (Yvelines) tandis que la déplacements sur leurs propres sites ou pour relier
cations, les expérimentations et les recherches se RATP en avait proposé plusieurs dont celui de les gares de transport lourd. Quant aux conditions
poursuivent. Ainsi de celles menées à l’occasion Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines) qui devait pertinentes de déploiement d'un tel service, elles se
de l'appel à projets de l'Ademe lancé en 2018 dans débuter récemment. situent, selon le directeur de l'innovation du groupe
le cadre du Programme d'investissements d'avenir. RATP, sur des parcours de quelques kilomètres
Une démarche qui visait notamment à évaluer SERVICES AUX COLLECTIVITÉS en zone moyennement dense ou dense.
l'intérêt pour les voyageurs de cette solution et en ET ENTREPRISES
quoi elle pouvait apporter une alternative à la voiture « Nous avons un programme stratégique d’innova- BUS ET TRAMAWAYS AUTONOMES
individuelle. Si les conclusions n'ont pas encore tion sur la mobilité autonome urbaine partagée en Le projet Tevac, porté par NextMove et qui visait
été tirées – des tests étant toujours en cours –, il Ile-de-France et ailleurs, note Côme Berbain. Ces à fédérer les acteurs de la mobilité connectée de
« apparaît très clairement, comparativement à 2018, technologies vont impacter profondément les mobi- la Vallée de la Seine, a abouti en 2019, permettant
que, par rapport aux promesses et à l'engouement de lités et elles nous intéressent pour répondre au défi d'initier plusieurs projets, notamment SAM porté
l'époque, la technologie est encore très balbutiante », climatique. » En matière de navettes, celle testée à par Vedecom sur le territoire de Saclay. Cet Institut
a aussi produit un serious game à destination des
territoires, afin de réfléchir au développement de
services. Le pôle de compétitivité a ainsi amorcé
un accompagnement des acteurs (collectivités
© JULIEN TRAGIN
DEMAIN ET AILLEURS
© RATP
© NAVYA
Constructeurs
Les Français en pointe sur les navettes
Avec Navya et EasyMile, la France a su se placer en pointe sur les navettes autonomes, qui
peuvent généralement accueillir de 10 à 15 personnes. « Pour ce type de service, nous avons
des véhicules et nous faisons passer nos demandes aux constructeurs », observe Côme Berbain,
directeur de l'innovation du groupe RATP. Des travaux sont par ailleurs en cours pour produire
des véhicules plus gros, de type minibus, mais qui n’aboutiront pas à court terme.
© RATP
présents à bord. L'autonomie pour les bus est un
© HAMDI CHREF
BILANS ÉNERGÉTIQUES
Verbatim
« Les tests se poursuivent sur les navettes, mais il
y a encore pas mal de progrès techniques à faire,
“ Les navettes ont
notamment dans les situations de conditions désormais un niveau
météorologiques dégradées », tempère le directeur de maturité qui permet
général de NextMove. Et la priorité actuellement de vendre du service
est souvent mise sur l'électrification plutôt que sur aux collectivités et aux
l'objectif d'autonomie. « Tout le monde est revenu à entreprises ”
la raison sur les promesses du système », souligne Côme Berbain, directeur de
Bertrand-Olivier Ducreux de l'Ademe, qui travaille l'innovation du groupe RATP
avec les acteurs du secteur sur la performance de
celui-là, notamment sur le compromis à trouver
Navette de la RATP à Vincennes.
entre vitesse et sécurité. distance. « Dans l'expérience utilisateur du véhicule,
L'Ademe attend par ailleurs de pouvoir dresser des la présence de l'opérateur, c'est la vraie rupture »,
bilans énergétiques des projets qu'elle suit, dans estime l'ingénieur de l'Ademe. Mais pour cela, il
aujourd'hui surtout par la démocratisation de le cadre de son appel à manifestations d'intérêt. faudra réussir une exigeante démonstration de
systèmes d'assistance à la conduite sur les véhi- En théorie, « des véhicules bardés de capteurs et sécurité. Une expérimentation de ce type doit
cules particuliers. « Des capteurs, radars et lidars connectés génèrent une consommation électrique débuter prochainement à Toulouse, qui permettra
sont déployés pour améliorer la sécurité et prendre plus importante, mais cette question fait partie des d'évaluer le ressenti des voyageurs. Des réflexions
la main sur certaines phases, mais le conducteur expérimentations qui fourniront des données réelles sont notamment en cours sur les informations
doit rester vigilant pour reprendre la main en cas de services », rapporte Bertrand-Olivier Ducreux. à afficher dans le véhicule et la possibilité de
de besoin », relève Marc Charlet. Ceci permettra de vérifier la compétitivité des communiquer avec l'opérateur à distance. « On
La RATP s'intéresse aussi aux bus et aux tram- solutions par rapport à la voiture individuelle, et a toujours été prudent sur le développement du
ways, mais dans une logique d'assistance pour la compatibilité de la consommation d'énergie véhicule autonome, le niveau 5 [autonomie totale]
le moment. En 2021, puis de nouveau depuis la avec un financement des collectivités. n'est clairement pas près d'être atteint, remarque
rentrée, des tests sont effectués en la matière sur La réglementation n'est en tout cas pas un obs- Marc Charlet. Il ne le sera d'ailleurs peut-être jamais
la ligne 393 (à Créteil). Après des roulages tech- tacle en France, puisqu'elle permet notamment tellement c'est complexe. »
niques à vide, des voyageurs vont maintenant être de franchir la prochaine étape : la supervision à Raphaël Richard
P.44 Le journal du Grand Paris / HS N° 45 / Septembre 2022
DEMAIN ET AILLEURS
A Copenhague,
le pari de la neutralité
carbone passe par le vélo
— La capitale danoise s’est fixé l’objectif de devenir neutre
en carbone dès 2025. Mais, malgré un développement massif
du vélo et le verdissement à marche forcée des bus, la voiture
individuelle fait encore de la résistance.
© JGP
C’est de Copenhague que le Tour de France mer, omniprésente dans la capitale danoise ; des à son comble : la part de la voiture est réduite à
2022 a donné son coup d’envoi, le 1er juillet dernier. places de stationnement partout ; des boutiques la portion congrue (voir plus bas). Mais, malgré
L’événement a provoqué la fierté - légitime - des de réparation à chaque coin de rue ; et surtout, un l’amour des Danois pour leur bicyclette, la voiture
habitants : ici, le vélo est roi, comme en témoigne respect sans faille des règles de circulation de la prend encore trop de place dans la Capitale. Certes,
le flot continu - mais discipliné - des cyclistes sur part de tous les usagers de la route, qu’ils soient l’accès au centre est interdit aux véhicules les plus
les pistes dédiées aux heures de pointe du matin. piétons, cyclistes ou automobilistes. Résultat : polluants, « moins d’un habitant sur trois possède
Car tout est fait pour faciliter la vie des cyclistes : dès le plus jeune âge, les petits danois prennent un véhicule et peu s’en servent tous les jours, mais
des pistes larges et confortables et qui ne suivent le vélo pour aller à l’école ou au club de sport, et cet usage résiduel - combiné à la circulation des
pas toujours les artères routières ; des « super- l’habitude perdure même à un âge avancé. véhicules utilitaires - suffit à stopper la baisse
véloroutes », garanties sans feu de signalisation, Dans les nouveaux quartiers, comme à Nordhavn des émissions de CO₂ », résume Line Barfod,
qui relient les banlieues à la ville-centre ; des où l’ancien port se transforme en quartier mixte adjointe à la maire de Copenhague chargée de
passerelles spéciales qui permettent de franchir la d’activité et d’habitation, la logique est poussée l’environnement. Et de fait, l’empreinte carbone
des transports ne diminue plus depuis 2018, et
sa part a donc, logiquement, augmenté : elle était
de 25 % des émissions totales de GES en 2010,
DEMAIN ET AILLEURS
© JGP
© RASMUSHJORTSHØJ – COAST STUDIO
Verbatim
“ Moins d’un habitant
sur trois possède un
véhicule et peu s’en
servent tous les jours,
mais cet usage résiduel
- combiné à la circulation
des véhicules utilitaires -
suffit à stopper la baisse
des émissions de CO₂ ”
Line Barfod, adjointe à la maire de
Copenhague chargée de l’environnement
Jeppe Gaard,
responsable de la
division « contrats »
Aménagement de Movia
Nordhavn,
la ville des 5 minutes
Le quartier de Nordhavn, situé dans la
partie nord-est de la capitale danoise, a été
conçu pour jouer le rôle de vitrine d’une ville
décarbonée. Et pour cause : « nous avons
lancé le concours d’architectes en 2008, “ Le zéro émission
c’est-à-dire un an avant que Copenhague
accueille la COP15. C’était donc l’occasion
ne représente
d’inciter les participants à aller encore plus pas un surcoût
important ”
loin en matière d’environnement », rappelle
Anna Skovbro, la directrice générale de By
og Havn, le propriétaire des infrastructures
portuaires de la ville et l’aménageur du site. — Jeppe Gaard, responsable de la division « contrats » de Movia, l’autorité
Le groupement lauréat, conduit par le cabinet de transport public de bus, de bateau-bus, et de train local sur la Zélande
d’architecture Cobe, a donc conçu « une ville - île où se trouve Copenhague -, durcit, au fil du renouvellement de ses contrats
des 5 mn » : « 5 mn doivent suffire pour aller
avec les opérateurs de service, ses exigences en matière d’émissions carbonées.
au travail, faire ses courses, déposer son
enfant à l’école par un moyen de transport
durable : à pied, en vélo ou en transport en Pouvez-vous présenter Movia ?
commun », détaille Anna Skovbro. Pour ce Jeppe Gaard — Movia est une société contrôlée par la municipalité de Copenhague, deux régions
faire, il a fallu construire une nouvelle ligne et 44 municipalités de la Zélande. Nous gérons le service de bateaux-bus de Copenhague, des trains
de métro, inaugurée en 2020, dessiner des locaux dans les zones rurales, et tous les bus de la région, soit 500 lignes, 1 300 véhicules et 200
pistes cyclables aussi larges que les voies
millions de passagers par an. Nous déléguons la totalité des opérations à des sociétés extérieures.
réservées aux voitures, imposer des règles
strictes sur la construction de parkings Le métro est opéré par une autre société, contrôlée par les municipalités de Copenhague, Fre-
voitures - une place seulement pour 200 m2 deriksberg et par l’Etat, tandis que les trains de banlieue sont du ressort de l’Etat. Nous avons
d’habitation -, « mais aussi concevoir une cependant un système de tarification commun, ainsi qu’une application de transport unique.
rue commerçante digne de ce nom pour
que les résidents trouvent sur place tout Où en êtes-vous du verdissement de votre flotte ?
ce dont ils ont besoin, y compris une vie J. G. — Nous avons entièrement électrifié notre service de bateaux-bus. A vrai dire, nous nous
sociale », souligne la directrice générale attendions à un surcoût bien plus important. Cette facture, moins gourmande que prévu, a
de l’aménageur. Mais comment attirer permis d’étendre le service d’une station au nord et de deux au sud. Nous avons trois stations
les commerçants alors que les habitants de recharge à très haute puissance (600 kW) sur lesquelles les bateaux se chargent pendant
- 3 500 environ aujourd’hui - n’arrivent
environ 7-8 minutes. Le trajet entre les deux terminus dure 1h30 et nous n’avons jamais eu de
qu’au compte-gouttes ? « Nous avons créé
une filiale foncière qui a acheté les rez-de- problèmes techniques majeurs !
chaussée actifs de l’artère principale du Quant à nos bus, nous agissons au fur et à mesure que les contrats - d’une durée de 12 ans - sont
quartier, et a modulé les loyers pour attirer renouvelés. Fin 2022, 14 % de notre flotte utilise des biocarburants - essentiellement du biodie-
les entrepreneurs », poursuit Anna Skovbro. sel - et 25 % est zéro émission, c’est-à-dire électrique, sauf un bus fonctionnant à l’hydrogène.
Mission accomplie puisque, outre un grand Notre objectif est d’atteindre les 100 % sans énergie fossile à Copenhague en 2025, et sur la
magasin, plusieurs restaurants, cafés et bars totalité de notre territoire en 2030.
à vin cohabitent désormais avec un fleuriste,
une pharmacie, un cinéma, une librairie, des Quels enseignements tirez-vous de ces premières expériences ?
boutiques de meubles et d’habillement et, J. G. — Nous constatons que le surcoût additionnel pour arriver à zéro émission est rela-
bien entendu, un magasin-atelier de vélos.
tivement peu important : il est compris entre 0 et 7 %. En effet, si un bus électrique coûte
« Nous avons déjà revendu notre filiale
foncière », confie la dirigeante. le double d’un bus diesel, le moindre prix du carburant et des coûts de maintenance plus
faibles permettent, dans certains cas, d’arriver à un équilibre sur la durée du contrat. Nous
consentons en outre à nos opérateurs s’engageant sur le zéro émission une durée de garantie
du contrat de 10 ans au lieu de 6 ans, et des compensations si les municipalités souhaitent
voir évoluer le nombre de véhicules en circulation.
DEMAIN ET AILLEURS
Des larges pistes cyclables ont été aménagées, notamment dans le secteur préservé. Elles sont aussi utilisées par des vélos cargo utilitaires.
© JGP
© JGP
Ville pionnière,
La Rochelle tente de réduire >>> Suite de la page 45
© JGP
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9 un vélo en libre-service
Yélo est loué 9 fois par jour
pendant la période estivale.
100 actes de
location en autopartage sont
enregistrés chaque jour.
2009 année de
mise en service du premier
bus de mer solaire électrique.
Depuis 2019, toute la flotte
est motorisée de cette façon.
durée du transport, avec l’automobile », assure Ber- Parallèlement, l’agglomération travaille à améliorer organiser le rabattement vers ces lignes. Pour
trand Ayral. Mais cela vaut essentiellement pour son réseau de transports en commun avec trois ce faire, l’agglomération a candidaté à un PIA
La Rochelle et les villes voisines. Pour le reste de maîtres-mots : « rabattre, transporter, diffuser ». (programme d’investissements d’avenir) dédié
l’agglomération, il faut rendre le vélo plus agréable « Nos quatre lignes de bus à haut niveau de service au véhicule autonome. « Il permettrait, d’une part,
et sûr. C’est pourquoi le schéma directeur vélo voté représentent 60 % de la fréquentation. Mais le défi aux habitants de huit communes périurbaines de
par l’Agglo pour la période 2017-2030 stipule que de demain est d’avoir des transports efficaces sur se rendre dans les lieux de service - magasins,
cette dernière contribuera à hauteur de 60 % au des axes plus longs qu’utilisent quotidiennement centres de santé, etc. - et, de l’autre, d’effectuer le
coût des infrastructures initiées par les communes de nombreux Rochelais. Aussi l’agglomération rabattement vers le TER ou des pôles d’échange
membres. Pour l’instant, une quinzaine de km de travaille-t-elle, avec la Région, à la mise en place multimodaux », détaille l’élu.
voirie cyclable sont créés chaque année. d’un car express La Rochelle-Niort. Il faut aussi
LE COVOITURAGE PLÉBISCITÉ
Parallèlement, l’Agglo a mis en place deux ser-
vices d’autopartage, opérés par la société Citiz :
les véhicules électriques dotés d’un « toit noir »
© JGP
Le 3 Sommet
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de l'Axe Seine
8 octobre
Le 1 Paris
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0 avenue d is
2 Par
75007
Zoom sur
les démonstrateurs
SAVARIT
FRED SAVARIT
de la transition en
© FRED
©
Vallée de la Seine
exclusive
A 14 h, projection n Cornic
du film de Stéfa
La Seine, un trajet,
portrait d'un batelier
Enedis a déjà raccordé quatre fois
plus de bornes de recharge qu’il
n’y a de stations-service.
C’est une sacrée bonne nouvelle.
Illustration 3D : Asile.
Que ce soit sur les routes, les autoroutes ou même en bas de chez vous,
Enedis raccorde chaque jour de nouvelles bornes de recharge électrique.
Vous en croiserez sûrement une sur votre chemin.
Bienvenue dans
la nouvelle France électrique