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HistoireEngagée.

ca
Là où le présent rencontre le passé

Imaginations,
existences et
spatialités noires en
(ré)émergences
DE HISTOIRE ENGAGÉE / ON 5 JUILLET 2018

/ DANS NON CATÉGORISÉ

Jade Almeida, Christine Chevalier-


Caron, Gaëlle Étémé, Astrid Girault,
Catherine Larochelle, Philippe Néméh-
Nombré, Pascal Scallon-Chouinard,
responsables du dossier
Frontispice en bois gravé de Franz Masereel pour la première
édition du recueil de poésie Pigments de Léon-Gontran
Damas (1937).

J’avais besoin de me perdre dans la négritude


absolument. Peut-être qu’un jour, au sein de ce
romantisme malheureux…[1]

C’est probablement parce qu’elle est aussi


complexe, tortueuse même, que la relation de
Frantz Fanon à la négritude a suscité autant de
commentaires, autant de discussions. Ici, on met en
dialogue le Fanon de Peau noire, masques blancs et
celui des Damnés de la terre : quelle place occupe la
négritude à di�érents moments de l’oeuvre[2]? Là,
on questionne l’uniformité de la négritude en tant
que mouvement : où et comment Fanon s’adresse-
t-il à Aimé Césaire, à Léopold Senghor[3]? Et
ailleurs, plus généralement, on tente de faire sens
de cette ambivalence, de ce qu’elle permet et de ce
qu’elle signi�e aujourd’hui[4].

C’est que, d’abord, Fanon semble appréhender la


négritude comme un ensemble de pratiques
individuelles et collectives de reconnaissance de soi,
qui concrétisent le geste essentiel de déprise des
structures coloniales et raciales. Une émergence,
une auto-constitution dans la di�érence, nécessaire
dans la lutte pour la libération. Un détournement,
autrement dit, de la relation de domination et de
ses e�ets internalisés et paralysants par la
revalorisation historique et culturelle pour soi;
plutôt que de se faire reconnaître, se reconnaître et
se faire connaître.

Sous un autre angle, en revanche, Fanon apparaît


pourtant mé�ant. Inverser les termes et réinscrire
de la valeur dans ce qui n’en avait pas ou plus,
n’est-ce pas une �xation di�érente mais tout aussi
problématique de la binarité coloniale? Dans ce
schéma, la résistance n’est-elle donc pas elle-même
�dèle aux termes coloniaux? Et puis, sur quoi
s’appuie cette revalorisation si ce n’est sur une
compréhension essentialiste, unidimensionnelle et
éventuellement élitiste de l’expérience noire? Chez
Fanon, la négritude semble donc traduire une
nécessité, mais une nécessité transitionnelle, une
nécessité qui ne constitue pas en elle-même la
libération, et dont la fonction transformatrice est
menacée par l’essentialisme et l’élitisme.

Les mots de Fanon sont propres à son contexte,


mais les questions qu’il pose sont celles
qu’investissent également, bien que di�éremment,
tant la longue tradition féministe noire de Anna
Julia Cooper[5] à Robyn Maynard[6] que les cadres
afro-pessimistes de Frank B. Wilderson[7], Jared
Sexton[8] ou Calvin L. Warren[9]. Tant les
di�érents mouvements antiracistes, du Combahee
River Collective[10] à Black Lives Matter, que les
interventions décoloniales de Eve Tuck[11], Idle No
More ou Glen Coulthard[12]. Tant les esthétiques
diasporiques de Soul II Soul[13], de Dionne Brand
ou du Black Theatre Workshop que la résistance
culturelle sur le continent. Tant, �nalement, le
travail historique que la construction d’alternatives
et de futurs radicaux. Ces questions sont d’actualité.

HistoireEngagée ouvrait, il y a bientôt deux ans, le


dossier Afro-Amériques: résistances, histoires et
mémoires sur une citation d’Aimé Césaire tirée de
son Cahier d’un retour au pays natal. La relance de ce
dossier, qui s’intitulera dorénavant Imaginations,
existences et spatialités noires en
(ré)émergences, aura quant à elle pour intention
de questionner historiquement, dans le présent et
dans le futur, les façons par lesquelles les personnes
et communautés noires se (re)font et (re)font les
sociétés. Comment et pourquoi ces identités
collectives, revalorisations et reconnaissances
émergent-elles? Comment repenser les histoires
noires et leurs di�érents héritages, et de quelle
manière en parler? Comment les di�érentes
expériences noires sont-elles vécues à l’intersection
notamment du genre, de la classe et de l’orientation
sexuelle? Quelles similarités ou distinctions peut-on
entrevoir entre ces existences et d’autres
expériences minoritaires, diasporiques ou
colonisées?

Nous invitons donc artistes, universitaires,


étudiants-es, militants-es et autres à nous faire
parvenir des contributions de types variés: articles
de fond, textes de rubriques, recensions de livres,
d’expositions, de colloques, de �lms ou de
documentaires, essais, entrevues, etc. Ces
contributions peuvent explorer notamment les
pistes suivantes:

Historiographie, commémorations, histoire


publique et invisibilisée, enseignement de
l’histoire

Arts et esthétiques noirs, afro-descendants et


diasporiques

Invisibilisation, visibilisation et hyper-


visibilisation

Pratiques et pensées de libération, expériences


de résistance, solidarités

Diasporas, déplacements, communautés noires,


nations, frontières

Colonialité(s), postcolonialité(s), décolonialité(s)

Territoires, spatialités et communautés

Veuillez nous faire parvenir vos propositions sous


forme de courtes présentations/résumés d’environ
250 mots d’ici le 15 septembre 2018, à l’adresse
suivante : contributions@histoireengagee.ca. Pour
avoir plus de détails sur la forme de certaines
propositions envisageables, vous pouvez consulter
notre page « Balises de rédaction et directives de
soumission ».
[1] Fanon, F. (1952 [1971]). Peau noire, masques

blancs. Paris: Le Seuil.

[2] Par exemple, le quatrième chapitre de


McCullock, J. (2003). Black Soul, White Artefact:
Fanon’s Clinical Psychology and Social Theory.
Cambridge: Cambridge University Press.

[3] Par exemple, Bernasconi, R. (2002). The

Assumption of Negritude: Aimé Césaire, Frantz


Fanon, and the Vicious Circle of Racial Politics.
Parallax, 8 (2), pp.69-83

[4] Notamment Coulthard, G. S. (2014). Red Skin

White Masks: Rejecting the Colonial Politics of


Recognition. Minneapolis: University of Minnesota
Press.

[5] Cooper, A. J. (2016 [1892]). A voice from the

South. Mineola, États-Unis: Dover Publications.

[6] Maynard, R. (2017). Policing Black Lives. State

Violence in Canada From Slavery to the Present. Black


Point (Canada) : Fernwood Publishing.

[7] Wilderson, F. B. (2015). Incognegro: A Memoir of

Exile and Apartheid. Durham, NC: Duke University


Press.

[8] Sexton, J. (2011). The Social Life of Social

Death: On Afro-Pessimism and Black Optimism.


InTensions, 5, pp. 1-47.

[9] Warren, C. L. (2018). Ontological Terror:


Blackness, Nihilism, and Emancipation. Durham, NC:
Duke University Press.

[10] Combahee River Collective. (1978). A Black

Feminist Statement. Dans Eisenstein, Z (dir.),


Capitalist Patriarchy and the Case for Socialist
Feminist (pp.210-218). New York : Monthly Review
Press.

[11] Tuck, Eve & K. Wayne Yang,. (2012).

Decolonization is not a metaphor. Decolonization:


Indigeneity, Education & Society, 1(1), 1-40.

[12] Coulthard, G. S. op. cit.

[13] Voir notamment Walcott, R. (2003). Black Like

Who (2e éd.). Toronto: Insomniac Press.

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