Soutenance

Avant de commencer je tiens à remercier les membres du jury pour leur présence
aujourd’hui ainsi que mon directeur de thèse Bruno Haas pour son accompagnement
et son soutien tout au long de ce doctorat. La thèse que je soumets aujourd’hui à la
discussion du jury, intitulée Objectivité et Modélisation, constitue l’aboutissement
d’un parcours à la fois personnel et universitaire sur lequel je souhaiterais revenir
brièvement avant d’en souligner les principales conclusions et les possibles
prolongations de ma thèse. Cette soutenance est la prolongation d’une recherche sur la
Science de la Logique que je poursuis depuis mon master sur les « déterminations de
la réflexion » de la doctrine de l’essence, effectué toujours à Paris I sous la direction
de Bruno Haas. Le résultat des déterminations de la réflexion à savoir l’identité, la
différence et la contradiction est l’identité de l’être et de l’être posé
(Sein=Gesetzsein). Cette idée m’a donné la clé d’accès à la conception d’objet chez
Hegel.
Néanmoins, quand j’ai commencé ma recherche, j’ai vite découvert qu’il y avait, en
ce qui concerne l’objectivité, soit un rejet absolu de la part de certains interprétateurs
(de Rosenkranz à Hösle) soit un traitement rapide et très peu satisfaisant
(commentaires de la Logique, cf. Pippin). J’ai pris cette absence bibliographique
comme indice de la difficulté interprétative qu’elle présente cette partie de la Logique.
En effet, le lecteur averti qui tombera sur un traité logique sait que traditionnellement
l’objectivité ne fait pas partie de la logique, car elle concerne plutôt des êtres réels
alors que la logique se concentre aux objets formels de la pensée.
La question qui se pose alors est la suivante : Quelle est la fonction de l’objectivité,
c’est-à-dire du mécanisme, du chimisme et de la téléologie, dans la Science de la
Logique ? Pourquoi l’objectivité serait-elle un thème logique et non un élément qui
prendrait place dans la Realphilosophie ? C’est à décrire le bien-fondé de cette
inscription que s’attache notre étude en général, en partant d’un constat
herméneutique simplement formulable : il faut référer l’anomalie apparente à la
définition hétérodoxe de la logique chez Hegel, chez qui elle n’est pas la science du
calcul logique et des formes logiques abstraites, par opposition aux objets réels de
l’expérience, mais la science du rapport qui lie le discours (logos) à son objet. Cette
hypothèse, pleinement déployée au sein d’une introduction générale, permet ensuite
d’entrer dans le texte hégélien à nouveaux frais, à travers une traduction et un
commentaire linéaire de l’ensemble de l’objectivité.
Le commentaire dévoile peu à peu celle-ci comme une théorie générale de la
modélisation. La théorie hégélienne de l’être ainsi que sa conception singulière de la
détermination logique conduisent d’abord à penser l’objet du discours comme
substitut de l’être, que l’on ne peut dire directement. Cet objet, tant par sa fonction de
substitution que par le rôle qu’il joue dans la formation du discours et de la pratique
scientifique, se décrit comme un modèle. On saisit alors la fécondité heuristique de
l’inscription du modèle dans la logique. D’une part, cette perspective permet de
décrire efficacement les enjeux épistémologiques de la modélisation scientifique, en
particulier les raisons logiques de sa nécessité et la manière dont elle fonctionne.
D’autre part, elle permet de délimiter le lieu propre de la modélisation au sein de
l’être, et cette restriction se manifeste par une véritable typologie des modèles, dont
les différents moments et leurs articulations peuvent être précisément décrits et
instanciés. Ainsi, le mécanisme analyse deux modèles possibles, de la mécanique
classique (Galilée, Descartes etc.) puis de la mécanique newtonienne, tandis que le
chimisme analyse le modèle de la chimie. Enfin, la téléologie ne constitue pas un
autre type de modèle, mais concerne plutôt l’application du modèle, dans la mesure
où celui-ci est utilisé comme dispositif expérimental ou comme objet technique.