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LES DÉSERTS – TÉMOINS DE L’HISTOIRE DU MONDE

Les déserts ont toujours marqué l’imagination. Aujour-


d’hui, on les arpente de long en large pour en extraire des
ressources minérales variées, métaux précieux et, surtout,
l’indispensable pétrole. Pourtant, au-delà des richesses
qu’ils recèlent et du folklore (les dunes, les hommes bleus,
les chameaux, les cactus...), les déserts ont été, de tous les
temps, des points de rencontre pour les civilisations et le
commerce. Comment l’activité humaine s’est-elle fait une
place dans ces no man’s land ?

Le sable, le vent, les roches, les oasis apparaissent et dispa-


raissent, modifiant le désert au fil des siècles. Le vent sculpte
les dunes ; il transporte le sable vers les oasis qui sont me-
nacées à leur tour ; des rivières, dont les traces dans le sable
montrent l’ancienne existence, ont elles aussi été effacées
par l’action concertée du vent et du sable. Le désert vit.
Les déserts sont des habitats auxquels la faune, la flore
et les humains se sont adaptés. Selon les Nations Unies, les
terres désertiques et les régions avoisinantes comptent cinq
cents millions d’habitants, soit presque 8 % de la popula-
tion mondiale. Les nomades comme les sédentaires ont
adapté leurs modes de vie aux conditions de leur milieu
avec la plus grande ingéniosité. Si certains vivent isolés, la
majorité a développé des communautés au carrefour des ré-
seaux d’échanges qui traversent leurs territoires. Peu fertiles,
les déserts n’en sont pas moins des passages obligés entre
des régions plus prospères et développées. C’est ainsi que le
désert comme point de rencontre prend tout son sens.
Peu à peu, les zones habitables s’étendent, tandis que
la découverte de ressources naturelles attise la convoitise.
Les aires désertiques rapetissent ; parties de territoires na-
tionaux, traversées de routes protégées, lieux de richesses
naturelles enviées, elles deviennent des lieux de conflits.
Les luttes entre les tribus sont devenues des guerres entre
des civilisations. Plus tard, l’épopée coloniale teintera ces
conflits de notes raciales. Certains déserts (le Sahara, le
Sinaï et le désert d’Arabie, par exemple) sont, depuis des
siècles, au centre de la géopolitique
TURQUIE internationale. Tour à tour, ils furent
SYRIE traversés par les armées du pharaon,
IRAN
IRAK les centurions romains, les cheva-
liers du Moyen-Âge, les légionnaires,
ÉGYPTE Lawrence d’Arabie, les soldats de
ARABIE SAOUDITE l’Afrika Korps et ceux des Desert
Rats.
SOUDAN Puis, quand le feu et le sang
cessent de se faire entendre, le désert
se transforme en un lieu de quié-
tude et d’évasion spirituelle, où
Le Moyen-Orient certains arrivent à rencontrer dieu
ou diable. À toutes les époques, des moines, des mystiques
et des chamans ont communié avec les esprits du désert.
Pour les explorateurs et pour les aventuriers, qui recherchent
le défi ou l’exploit, l’épreuve du désert les transformera,
comme en témoignent leurs récits.
Pour que le désert prenne son sens, il doit être pensé et
décrit. Des théories, des impressions, des sentiments... mais
aussi des divagations et des élucubrations sont présentés.
Des savants et des lettrés, aux regards étrangers, la plupart
du temps européens, souvent biaisés, donneront une ima-
ge du désert qui s’intégrera parfaitement aux mouvements
orientalistes des XVIII e et XIX e siècles et qui ont figé tou- Mouvements orientalistes

tes les cultures à l’est de l’Europe dans des images Après les croisades,
pour mieux comprendre
stéréotypées et folkloriques. Certaines traînent encore en l’Orient et tenter de
ce début du XXIe siècle. le convertir, la chrétienté
européenne l’étudie.
Le Concile de Vienne,
en 1312, crée des chaires
de langues orientales
LA GÉOGRAPHIE DU DÉSERT dans plusieurs villes
d’Europe. Quand
Bonaparte, pour mieux
Le Sahara, le Sinaï, le désert d’Arabie – situés aux confins préparer sa campagne,
du bassin méditerranéen, berceau de civilisations et carre- crée l’Institut d’Égypte
(en 1798), il fait naître une
four de trois continents – sont des lieux de passage. vague d’intérêt, tandis que
Pourtant, il y a d’autres déserts... Quels sont-ils ? les connaissances acquises
sont mises au service
des conquêtes coloniales.
Deux bandes désertiques entourent la planète Terre : celle
du nord commence au Mexique, longe le Sud-Ouest améri-
cain, recouvre le nord de l’Afrique, puis le Moyen-Orient et Un erg dans
se termine dans le désert de Gobi, en Asie centrale. La bande le Sahara nigérien.
du sud suit la côte ouest de l’Amérique du Sud, traverse
l’Afrique du Sud pour atteindre l’Australie.
Selon le Bureau de la Convention de Ramsar, les Convention de Ramsar
bandes désertiques, qui menacent les zones humides, re- La convention pour
la conservation des zones
couvrent 33 % de la superficie émergée de la terre, dont humides a été adoptée
57 % de l’Afrique, 69 % de l’Australie et 84 % du Moyen- à Ramsar (Iran), en 1971,
et compte plus de
Orient. cent pays signataires.

L’absence de pluie n’est qu’un des éléments du processus


de désertification qui, une fois enclenché, est presque irré-
versible... Quels sont les autres éléments qui favorisent la
naissance des déserts ?

L’absence de nuages fait grimper les températures pendant


le jour, alors qu’elles chutent radicalement dès le coucher
LES PLUS GRANDS DÉSERTS
Selon la superficie – qui varie au gré des sources

DÉSERT SITUATION SUPERFICIE (km2)

Sahara Afrique 8 000 000


Grand Désert australien Australie 3 830 000
(comprend le désert de Gibson, le Grand Désert de sable,
le Grand Désert de Victoria, la plaine de Nullarbor et le désert de Simpson)
Désert d’Arabie Péninsule arabe 1 300 000
(comprend le Rub al-Khali [Arabie Saoudite et Yémen]
et le Nefoud Dahy [Arabie Saoudite] )
Désert de Gobi Mongolie 1 295 000
Kalahari Afrique 1 200 000
Désert du Nevada États-Unis/Mexique 1 000 000
(comprend le désert Mojave et le désert de Gila)
Patagonie Argentine/Chili 770 000
Grand Désert salé Iran 400 000
(comprend le désert de Lut)
Karakoum Turkménistan 350 000
Taklamakan shamo Chine 344 000
Désert de Sonora États-Unis/Mexique 320 000
Thar Inde/Pakistan 295 000
Kyzykoum Kazakhstan/Ouzbékistan 230 000
Désert du Namib Namibie 155 000
Atacama Chili 132 000
Désert du Colorado Californie/Mexique 40 000
Vallée de la Mort Californie/Nevada 13 628
Néguev Israël 13 000
du soleil, entraînant des écarts considérables. La faible plu-
viosité, généralement inférieure à l’évaporation naturelle,
ne suffirait pas à créer un désert. La disparition graduelle
de la végétation, empêchant le sol de retenir l’humidité
Températures
qu’il absorbe, constitue le principal facteur de désertifica-
Les fortes températures
tion. créent des illusions
Le sol devient compact et sa surface se couvre de pous- d’optique appelées
mirages. Les mirages
sières fines que les vents soufflent dans les régions voisines, n’ont rien à voir avec
lesquelles, graduellement, voient l’étendue de leurs zones les hallucinations,
puisqu’on peut même
fertiles diminuer. Seule la rosée matinale offre encore un les photographier.
peu d’eau pour les espèces animales et végétales du désert. La trajectoire des rayons
lumineux est influencée
D’ailleurs, les rares arbres et arbustes sont dotés de très par les variations de la
petites feuilles et de milliers d’épines qui les protègent con- température. L’air plus
chaud monte, car il est de
tre les animaux assoiffés et affamés qui en mangeraient plus faible densité que
les bourgeons. l’air froid, ce qui fait que
la lumière voyage plus
Même les roches se protègent ! Sous l’effet contrasté rapidement et peut être
de la chaleur du jour et du froid de la nuit, les roches ne déviée par cet air chaud.
Cela créé un effet de
cesseraient d’éclater et de se désagréger. C’est pourquoi loupe ou une contorsion.
elles sécrètent une substance rougeâtre, l’oxyde de fer, qui Les objets éloignés
couvre peu à peu leur surface et les protège contre les tem- semblent rapprochés
tandis que les points de
pératures extrêmes. repère deviennent
D’autres témoins de ce processus de désertification méconnaissables,
confondant le voyageur
sont les ravins ou lits de rivières asséchées, les wadi (oued qui tente de se guider.
au singulier), qui font partie du paysage désertique et ser-
vent de points de repère et de routes pour les voyageurs.
Pendant la saison des pluies (généralement l’hiver), l’oued
est un lieu de repos bienvenu. Toutefois, si des pluies tor-
rentielles surviennent, ces rivières peuvent causer des
dommages importants. Conséquence de l’imperméabilité
des sols, la pluie ne peut que s’engouffrer dans ces canali-
sations naturelles. Le déferlement d’eau entraîne des débris
de toute sorte. Si les averses surviennent la nuit, un cam-
pement installé dans un oued pourra être emporté corps et
biens par les flots (même si la pluie tombe à des kilomè-
tres de là). Les statistiques montrent que le désert cause
chaque année plusieurs morts par noyade !

Les étendues arides sont ponctuées d’îlots de végétation,


les oasis, qui sont des endroits vitaux pour les voyageurs.
Quelles sont leurs principales caractéristiques et comment
se forment-elles ?

Si une rivière s’assèche, la dénivellation de terrain qui lui


a permis d’exister demeure. L’eau des pluies qui s’abattent

Une oasis dans parfois dans le désert empruntera alors assurément le che-
le Rub al-Khali,
à Dubai, dans
min qu’empruntait l’eau de l’ancienne rivière. Les oasis,
les Émirats arabes unis. généralement situées dans des cuvettes, peuvent naturel-
lement recueillir l’eau. Le sol moins compact absorbe l’eau
et rend la terre fertile. Les oasis sont des villages verts dans
les déserts. De nos jours, en Jordanie et en Égypte par exem- Les vents

ple, on utilise une technologie qui permet de transformer L’Afrique est balayée par
le chamsin (ou khamsin),
des oasis en zones agricoles – l’inverse du processus de un vent de sable, surtout
désertification. en Égypte ; par le chergui,
au Maroc ; le dzhari et le
Les oasis du Sahara ne représentent qu’environ un ghibli, vents chauds et
millième de sa superficie. Elles se trouvent fréquemment violents qui soufflent sur
le Sahara et la Libye.
dans des lits de rivières, au pied de massifs qui ont des L’Égypte, le Sahara et le
sources ou elles apparaissent directement au-dessus de nap- Soudan doivent aussi
affronter le haboob
pes phréatiques peu profondes. Elles sont le plus souvent (d’un mot arabe signifiant
agrémentées de palmiers dattiers, qui en font des points « phénomène »), qui se
déplace à 80 km/h et
de rencontre importants. peut former un mur
de poussière haut
d’un kilomètre.

Du sable, du sable et encore du sable... oui,


mais les rois et maîtres du désert, ce sont
les vents. Toute une science s’est dévelop-
pée pour comprendre leur rôle et leur
nature. Quels sont-ils ?

Les efforts de reboisement, les travaux de


canalisation et d’irrigation, le processus
de fertilisation – par élargissement des
zones humides – tentent de contrer la
désertification. Mais c’est peine perdue,
car le sable ne se déplace pas, il est souf-
flé par les vents. Ce sont les vents qui
sculptent les rochers en propulsant vio-
lemment les grains de sable contre leurs parois et, par Le « doigt de Dieu »,
en Libye.
érosion, leur donnent les formes les plus variées – comme
le fameux « doigt de Dieu » du désert libyen. Le vent du
désert le plus connu est le simoun. Il s’agit d’un vent brû-
lant qui souffle sur les côtes sud-est de la Méditerranée. Le
mot vient de l’arabe semoum, qui signifie vent brûlant et

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