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Malaise dans les musées

DU MÊME AUTEUR

Lait noir de l’aube : journal, Gallimard, 2007.


Journal atrabilaire, Gallimard, 2006.
Bonnard, Hazan, 2006.
Une leçon d’abîme : neuf approches de Picasso, Gallimard,
2005.
L’An 1895 : d’une anatomie impossible, L’Échoppe, 2004.
De immundo : apophatisme et apocatastasie dans l’art d’au-
jourd’hui, Galilée, 2004.
Du surréalisme, Mille et une nuits, 2003.
Court Traité des sensations, Gallimard, 2002.
La Barbarie ordinaire : Music à Dachau, Gallimard, 2001.
Marcel Duchamp et la fin de l’art, Gallimard, 2000.
Le Voyageur égoïste : carnets de voyages 1978-1988, Payot,
1999.
Cinq Notes sur l’œuvre de Louise Bourgeois, L’Échoppe,
1999.
La Responsabilité de l’artiste : les avant-gardes entre terreur
et raison, Gallimard, 1997.
Malinconia : motifs saturniens dans l’art de l’entre-deux-
guerres, Gallimard, 1996.
Éloge du visible : fondements imaginaires de la science,
Gallimard, 1996.
Paradis perdus : l’Europe symboliste, Flammarion, 1995.
Élevages de poussière : Beaubourg vingt ans après, L’Échoppe,
1992.
Le Nez de Giacometti : faces de carême, figures de Carnaval,
Gallimard, 1992.
De l’invention simultanée de la pénicilline et de l’action
painting, et de son sens, Échoppe, 1990.
Considérations sur l’état des Beaux-Arts : critique de la
modernité, Gallimard, 1989.
Méduse : contribution à une anthropologie des arts du visuel,
Gallimard, 1989.
Brève défense de l’art français : 1945-1968, L’Échoppe, 1989.
Le Nu et la norme : Klimt et Picasso en 1907, Gallimard,
1988.
Marcel Duchamp ou le Grand fictif : essai de mythanalyse
du Grand Verre, Galilée, 1975.
Jean CLAIR

Malaise dans les musées

Flammarion
DÉJÀ PARUS DANS LA COLLECTION CAFÉ VOLTAIRE :

Jacques Julliard, Le Malheur français (2005).


Régis Debray, Sur le pont d’Avignon (2005).
Andreï Makine, Cette France qu’on oublie d’aimer (2006).
Michel Crépu, Solitude de la grenouille (2006).
Élie Barnavi, Les religions meurtrières (2006).
Tzvetan Todorov, La littérature en péril (2007).
Michel Schneider, La Confusion des sexes (2007).
Pascal Mérigeau, Cinéma : Autopsie d’un meurtre (2007).
Régis Debray, L’obscénité démocratique (2007).
Lionel Jospin, L’impasse (2007).

© Flammarion, 2007.
ISBN : 978-2-0812-0614-4
À Jean Grenier
in memoriam.

« Mais voyez combien ce transport de monuments,


qui ne peut jamais être que partiel et très borné,
combien ce transfèrement funeste à l’Europe devient
encore inutile au pays qui en aura été le receleur. En
effet, croyez-vous que la nation qui se serait adjugé à son
prétendu profit quelques-uns des modèles du beau,
comme autant de ballots de marchandises, trouverait un
gros bénéfice dans cette importation ? »
Quatremère de Quincy,
Lettres à Miranda (1796).
I
LA SIMONIE 1

« Depuis que la culture s’est détachée du culte


et s’est faite culte elle-même, elle n’est plus qu’un
déchet... »
Thomas Mann, Le Docteur Faustus (1945).

« No culture has appeared or developed except


together with a religion. »
T. S. Eliot, Notes towards the definition
of Culture (1948).

1. « Convention illicite par laquelle on reçoit une


récompense temporelle, une rétribution pécuniaire pour
quelque chose de saint et de spirituel », Littré.
Ce petit livre est né d’un désenchantement. J’ai
passionnément aimé l’art. Je serais même tenté de
voir dans sa délectation un besoin immédiat, une
disposition innée, détachée des contingences de la
naissance, du milieu social, de l’éducation. Il appa-
raîtrait dès qu’on a ouvert l’œil, il console de ce
que Cioran appelait l’inconvénient d’être né. Il est
ravissement pour l’œil dès les premiers regards,
pareil à la veilleuse des petits enfants qui leur assure
que le monde continue de vivre en leur absence.
Mon premier choc artistique n’avait-il pas été, à
sept ou huit ans, causé par la copie faite de sa
propre main par mon instituteur d’un tableau de
Matisse, qu’il nous invitait, punaisée sur le tableau
noir, à copier à notre tour ? On était en 47, ou 48 :
peu de temps après la guerre, les livres, les cartes
postales, les reproductions, les éditions d’art n’exis-
taient pas encore. Tout était gris et sale et dépareillé
dans cette petite école de banlieue. D’un coup, les
violets et les verts du paysage de Matisse, la

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douceur incroyable de ses courbes m’entrèrent
dans l’œil. J’ai passé ma vie à retrouver ce tableau,
à rechercher la joie qu’il m’avait donnée 1.
Aujourd’hui, soixante ans plus tard, j’aime
toujours l’art, et d’un souci plus jaloux, d’un œil
plus attentif, d’une passion plus exigeante. Mais je
fuis désormais les musées-emporium où je l’ai
étudié. Je ne franchis plus avec plaisir que les seuils
de ces lieux, de plus en plus rares, où la solitude,
le silence et la lumière permettent encore de l’aimer
– Bruxelles, Londres, Munich, Vienne...
Ce peuvent être aussi des lieux plus secrets, un
musée d’Université, enfoui sous la neige, à Wil-
liamstown, pour revoir un Piero della Francesca,
ou le musée Permeke, à Jabbeke, perdu dans les
Flandres occidentales – dix kilomètres à partir de
Bruges – le musée Vögeler de Worpswede pour y
retrouver Rilke et le souvenir de Clara Westhoff et
de Paula Modersohn-Becker – ou encore, bien sûr
et simplement, certains de ces musées de la pro-
vince française où une part des collections
nationales, après 1793, fut mise en dépôt.
De cette rencontre unique on garde le souvenir
comme d’un premier amour dont on s’efforce de
retrouver l’émotion. Mais les musées d’aujourd’hui
la refusent, qui préfèrent l’amour en groupe, en
général bruyant, et les transports de masse. On peut
toujours, à New York, retourner voir le Metropo-
litan Museum. La fréquentation des grandes

1. Il s’agit du Paysage marocain de 1912, que je devais


découvrir trente ans plus tard au Moderna Museet de
Stockholm.

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surfaces n’interdit pas la jouissance singulière des
petits sanctuaires.
Plaisir élitiste. Pourquoi pas ? Les élites de nos
jours ne font plus guère que survivre. Ne peut-on
pas simplement les épargner ? Divertissement d’in-
tellectuel, inaccessible au néophyte ? Mais non, ce
plaisir de la découverte singulière, cette joie de la
rencontre volontaire au bout de la route a toujours
existé : les pèlerins qui partaient à Compostelle ou
à Sainte-Foy-de-Conques, tous ces lieux pour
lesquels tant d’œuvres aujourd’hui appelées
« d’art » ont été faites, étaient des gens simples, qui
voyageaient dans des conditions plus ardues que
les nôtres. Ils y allaient pourtant. Faudrait-il donc,
quand il s’agit de culture et non plus de culte,
déployer moins d’efforts, débarquer en autobus cli-
matisé, devenir nonchalants, et finalement indif-
férents, bruyants, vulgaires, avachis, pour croire
admirer ces trésors ?
Ou bien serait-ce que, comparée à l’ancienne
devotio moderna, l’admiration d’aujourd’hui, qui se
croit d’autant plus grande qu’elle se veut « pure »,
« libre », « spontanée », vaudrait si peu de chose ?
Un plat de lentilles ?
L’Église elle-même, le plus ancien fournisseur
des musées de France, ne croit plus guère à l’art.
Ce n’est plus l’Église de la Contre-Réforme, qui fut
à l’origine d’une des grandes époques de la pein-
ture, de la sculpture et de l’architecture d’Occident.
Elle est devenue elle-même une Église réformée,
tristounette et acide. Elle ne croit plus non plus
beaucoup à ses reliques – et ce n’est que par habi-
tude qu’elle continue à garder dans des vases

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précieux les innombrables fragments de la Vraie
Croix qui, réunis, seraient gros comme un chêne,
ou les viscères d’un saint, indéfiniment déroulés...
Elle les expose désormais comme des œuvres d’art.
Elle les sort cependant une fois l’an, par habitude,
et les porte en procession, pour la vénération des
quelques vieux fidèles qui lui restent. Eût-elle des
acheteurs, elle les vendrait.
Mais la République ne fait pas mieux. Vieille
dame désargentée, sa mémoire est devenue si hési-
tante, elle croit si peu à l’art, elle en a tellement
oublié le sens et perdu l’usage qu’elle ne voit
d’autre issue à ses meubles précieux que de les
gager au Mont-de-Piété des Émirats avant de
devoir peut-être les vendre demain.
*
Une autre expérience cependant me revient en
mémoire. Elle eut lieu une dizaine d’années après
celle du Matisse copié en classe. L’été 57, les
vacances, un petit village du Maine, les Chouans
en 1793 s’étaient arrêtés là et les Anglais, avant eux,
n’avaient pas poussé plus loin. J’allais à la messe,
comme tout le monde ici, mais aussi parce que
j’aimais ça : les éclats des vitraux, la rutilance des
habits du curé, les odeurs de cire et d’encens, l’har-
monium, les chants, le grand finale attendu avec
impatience : la volée des cloches. Un petit opéra de
deux sous, rejoué chaque dimanche.
Je crois me souvenir que l’architecture, sous le
simple toit d’ardoises, était belle et simple, haute et
lumineuse, et qu’il y avait des statues. Le Guide Vert
me les rappelle : une gracieuse sainte Suzanne en

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bois polychrome du XVIe siècle, une Vierge à l’enfant
en pierre du XIVe, une autre de la Renaissance.
Sont-elles toujours là ou bien ont-elles été mises
en réserve par le responsable de la DRAC locale,
inquiet qu’elles ne fussent volées par quelque bro-
canteur en maraude ? Combien sont-elles, ces
églises où les murs noircis ne laissent plus apparaître
que l’ombre claire des châssis des tableaux qui les
ornaient ? Par les curés eux-mêmes peut-être,
anxieux de se débarrasser de ces preuves de la vieille
idolâtrie ? Voulant se dépouiller d’un luxe superflu
pour arriver à la foi la plus pure, ils ne se seront
jamais privés que des croyances dont ces merveilles
sont le signe. Libérés d’elles, ils auront cru s’appro-
cher de leur Dieu, pareils à la colombe de Kant qui
croyait voler plus vite délivrée de l’air qui la porte.
Et puis un jour, la châtelaine – « château du
début XVIIe, construit par Fouquet de la Varenne,
premier gouverneur de la Poste, gracieuses fenêtres
à meneaux, toiture en ardoises, étonnante charpente
en forme de coque de navire renversée » –, une
Parisienne revenue au pays et qui s’était entichée
d’art abstrait et de musique moderne, dont elle vou-
lait faire partager la beauté aux paysans du lieu,
décida d’offrir un spectacle qui se tiendrait dans le
chœur de l’église, avec l’accord du curé convaincu
à la modernité. C’était le soir. Je ne reconnus rien.
La musique dissonante, les giclées abstraites sur les
murs, les costumes extravagants, les gesticulations,
les cris. Et, plus choquants que tout, les applaudis-
sements à la fin de chaque « performance », qui
fracassaient le silence accoutumé du lieu.

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Je demeurai pétrifié, glacé. Le diable dans le
beffroi. Je ne remis plus les pieds dans l’église. Le
monde était désenchanté. Le chant s’était éteint. La
petite musique s’était tue. À seize ans, j’avais appris
le sens du mot « profaner ».
Bien sûr, je n’avais guère idée de ce qu’on pou-
vait appeler « le sacré ». Mais j’en avais en moi,
sans le comprendre, et plus profondément qu’au-
jourd’hui, le sens. Il existait un monde invisible,
au-delà des apparences sensibles, mais auxquelles
les apparences sensibles donnaient forme, ou plutôt
dont elles montraient le chemin, comme les cailloux
du Petit Poucet.
La liturgie naïve de cette église n’était, je le sai-
sissais confusément, que l’expression du désir d’en-
tourer la divinité d’images qui lui ressemblent le
plus possible. Rien n’était donc jamais assez pré-
cieux, la multitude et la splendeur des choses, la
somptuosité des lumières, la suavité des senteurs,
la majesté des sons.
Mais cette sensualité qui me comblait, avec une
force que l’enfant seul peut connaître, je n’en étais
pas, je le devinais, le destinataire. Cet enchantement
ne tenait son pouvoir d’envoûtement que de
s’adresser à une entité supérieure, à un esprit par-
fait, à tout ce qu’on appelait, en cette occasion,
« Dieu ». Il fallait donc un corps pour imaginer un
Dieu. Réjouir ce corps, c’était s’approcher du Dieu.
Petit païen, je voyais le divin à travers sa manifes-
tation dans le monde visible. Se croire un pur
esprit, comme la colombe du philosophe, c’était
faire péché d’angélisme. Cette approche sensualiste

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et sans doute impie me paraissait la seule qui res-
pectait la beauté du monde créé.
Des années plus tard pourtant, je lirais ces lignes
étonnantes :
« ... J’ai dit à tous les êtres qui assaillent les portes
de mes sens : “Entretenez-moi de mon dieu
puisque vous ne l’êtes point, dites-moi quelque
chose de lui.” Ils m’ont crié d’une voix éclatante :
“C’est lui qui nous a créés.” Pour les interroger, je
n’avais qu’à les contempler et leur réponse, c’était
leur beauté 1. »
Cette confession de saint Augustin, fondant le
sentiment du divin dans l’appréhension du beau,
est la plus haute définition que je connaisse de l’art,
de l’art d’Occident. Elle ouvre sa longue histoire
intellectuelle, spirituelle et morale. Et Dostoïevski,
à l’autre bout du chemin, la relance, lorsqu’il écrit
que c’est la beauté qui sauvera le monde. Entre
eux, c’est une histoire de l’Europe qui s’est écrite,
qui ne commence pas à Clovis et ne s’arrête pas à
Combes.

La profanation, ce soir-là, l’entreprise que je


sentais, au sens premier du mot, diabolique, n’était
pas dans la laideur, la sottise ou dans la pauvreté
des sons, des gestes, des vêtements, elle était dans
le fait que ce spectacle, assez misérable au fond, au

1. « Et dixi omnibus his, quae circumstant fores carnis


meae : dicite mihi de deo meo, quod uos non estis,dicite mihi
de illo aliquid. Et exclamauerunt uoce magna : ipse fecit nos.
Interrogatio mea intentio mea et responsio eorum species
eorum. », Confessions, Livre X, chap. 6.

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lieu d’être soumis à un principe extérieur ou supé-
rieur, n’était destiné qu’aux seuls humains qui
s’étaient déplacés pour le voir.

On me trouvera benêt. Un nostalgique du clo-


cher pointu, comme naguère un président, comme
un poète peut-être : « Mon petit Liré... la douceur
angevine... », quand l’Île-de-France descendait jus-
qu’à la Loire. Suis-je tenté, moi aussi, par le biais
inattendu de la sensualité et des arts qui la satisfont,
de faire mon retour à la foi de mon enfance ? Mais
un Juif qui fait son aliya retrouve un bloc intact
d’interdits, de lois, de prescriptions, de gestes, de
chants, de prières, une liturgie immémoriale, une
langue enrichie mais non pas différente. J’entends
bien que son retour est le retour en Israël, non pas
nécessairement le retour à la religion, ni même à
un rituel. Mais la force d’Israël, c’est précisément
de n’avoir jamais distingué entre la croyance en son
dieu et la croyance en son lieu. Le chrétien qui,
cherchant ses racines, tente son retour vers ses
origines, quand même il ne serait plus ni croyant
ni pieux, ne retrouvera qu’une terre dévastée, un
dogme vacillant, des homélies n’osant plus avancer
les mots de « mystère » ou de « sacré », un clergé
honteux, une liturgie en lambeaux, une commu-
nauté de patronage, des prières en un français
pitoyable, des chants grégoriens devenus rengaines
et des images enfin ayant perdu, dans les musées
qui les conservent, et leur valeur et leur sens. La
laïcité lui sera d’un maigre réconfort.
Est-ce la méfiance de l’image qui fut chez les
Juifs la raison de cette croyance aveugle et par

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conséquent imperturbable ? Religion d’un Dieu qui
n’aurait pas encore trouvé sa face, elle en a pour-
suivi obstinément la recherche sans rien changer de
sa liturgie, animée par l’espérance, à la fin des
temps, de la dévoiler. Est-ce au contraire l’usage
immodéré des images chez les chrétiens qui aura
altéré la fermeté de leur foi au point qu’ils ne le
retrouvent plus nulle part ? Le visage de son Dieu
imprimé dans la Véronique, indéfiniment non pas
différé mais déformé, n’agite plus qu’à la manière
d’un vieux chiffon, décoré aujourd’hui de dessins
abstraits, mais usé jusqu’à la trame.
Mais je ne fais que redire ce que Malraux, un
jour, avait écrit autrement : « Les œuvres qui pas-
saient de l’amour au grenier peuvent passer de
l’amour au musée, mais ça ne vaudra pas mieux.
Toute œuvre est morte quand l’amour s’en retire 1. »

Le pouvoir des images


Bien sûr, imaginer qu’il n’y a pas eu d’art qui ne
se fondât dans l’idée d’un être omnipotent, méta-
physique, transcendant, soumis à un principe exté-
rieur ou supérieur, à loi des ancêtres ou à la Loi
d’un Dieu, imaginer un Beau qui serait, comme à
l’origine, dépendant d’un culte, est aujourd’hui une
pensée folle, qu’on sanctionnera demain peut-être
par un enfermement psychiatrique. Le sens
commun parle d’« autonomie de l’art », d’un art
libéré des dieux et des puissants, de « créativité de

1. André Malraux, La Politique, la Culture, Paris, Folio/


essais, Gallimard, 1996.

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l’esprit », d’un « avènement de l’individu », de
« droit au blasphème », et autres bêtises... L’art
serait au service des idéaux des peuples. Ce fut
longtemps la peinture « municipale » que raillait
Baudelaire, les tableaux des salles de mariage, exal-
tant le Travail, la Famille et la Patrie, peints durant
la Troisième République ; ou bien, dans les mairies
d’Alsace ou des banlieues à l’Est de Paris, les
tableaux exaltant la défense héroïque devant les
Prussiens... Puis la peinture des régimes totali-
taires... Mais, aujourd’hui, pire encore, ce qu’on
appelle « art » n’est plus qu’un idiotisme exprimant
les caprices infantiles d’un individu qui croit ne
plus rien devoir à personne.

Oui, et pourtant... Le culte ancien des images


– j’entends le culte rendu par les images, non le
culte que nous rendons aux images – est toujours
prêt à resurgir. Je croisais l’autre jour un groupe
de visiteurs du Musée du Quai Branly qui, dans un
silence religieux, buvait les paroles d’un conteur
africain. Il leur expliquait avec passion que le
masque Baoulé qu’ils avaient sous les yeux, le
poisson reliquaire, le fétiche à clous du Congo, le
crâne surmodelé de Papouasie, le mannequin funé-
raire de Mélanésie, dont les formes les faisaient
s’extasier, n’étaient pas des œuvres d’art – et, ajou-
tait-il avec un certain regret, le Musée Branly mal-
heureusement les présentait comme tels –, mais des
outils, des instruments, plus destinés à être maniés
par ceux qui en avaient le pouvoir qu’à être vus
par le regard de tous, des médiums placés entre le
monde visible et le monde invisible, des armes,

20
TABLE

I. La Simonie ............................................ 9
II. La Vaine Gloire .................................... 41
III. L’Acédie ................................................ 85
No d’édition : L.01ELJN000155.N001
Dépôt légal : octobre 2007

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