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Esprit : revue internationale

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


. Esprit : revue internationale. 1935-07-01.

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LA MÉDECINE
DANS LE MONDE DE L'ARGENT
par le D' A. VINCENT

D'un plan de réforme 2

« Votre critique est juste. Les faits que vous citez sont
exacts. Les pratiques que vous condamnez, nous les reje-
tons également disent dans l'ensemble les commenta-
teurs de nos articles précédents mais qu'allez-vous nous
offrir pour remplacer le désordre établi ? C'est là que nous
vous attendons ».
Aux éternels et stériles batailleurs de la plume, je ne réser-
verai certes aucune désillusion. Celle-ci serait de leur cons-
truire un système contre lequel toutes leurs objections
tomberaient. Je ne saurais le faire.
Aux chercheurs sincères et désintéressés, je n'apporterai
prétention,
pas hélas un travail tout cuit. Je n'ai pas cette
ni le génie nécessaire.Pareille chose ne peut être faite en un
jour et par un seul homme. Ces derniers, auxquels seuls je
m'adresse, trouveront ici moins un projet qu'une invitation
au travail.
Tous les médecins qui ont compris la nécessité d'une
harmonisation de la médecine avec un monde nouveau,
tous ceux surtout qui ont déjà fait en eux leur révolution

). Voir Esprit, Mars, Avril, Mai, Juin.


2. On m'a accusé d'avoir suscité le désespoir de certains étudiant! en
médecine.Je crois mériter leur pardon, car je leur ai rendu service en leur
montrant ce qu'est devenue, sous le régime actuel, la carrière dans laquelle
ils s'engagent. Puissent les pages qui vont suivre leur redonner espoir, tout
en les laissant sur le plan de la dure réalité.
3. Tout en continuant à leur apporter votre consentement.
personnelle, trouveront ici un plan qu'il faudra remanier,
bouleverser, peut-être retracer sur d'autres bases, sur
lequel il faudra ensuite construire. C'est un travail en
commun que nous entreprenons.
Peut-on espérer voir se dresser, sur les ruines de la désor-
ganisation actuelle, un service de santé cohérent, atteignant
son maximum possible d'efficacité, dans un monde enfin
libéré de l'emprise de l'Argent, d'où l'éducation des jeunes
couches s'efforcera de faire disparaître peu à peu la notion
de profit ?
Avant tout, nous nous garderons de la facilité.
Facilité, l'attitude qui consiste, ayant senti le mal, à prê-
cher le retour à un ordre suranné. Le médecin de famille
est mort. Certains ont pensé lui redonner vie, soit par la
voie syndicale, soit en répétant à satiété dans leur journal
et sans jamais dire comment, qu'il fallait le ressusciter.
Nous nous garderons bien de tomber dans pareille utopie.
Nous n'avons pas la faiblesse de croire que tout était parfait
au temps du médecin de famille. Et la crise morale qui
sévit dans le corps médical actuel n'est pas due aux seuls
individus. Elle est surtout le produit du milieu et du
moment. Il y a une crise des formes économiques et sociales,
un changement des techniques et des nécessités scientifi-
ques, qui font du médecin de famille un anachronisme dans
!? société moderne.
Facile aussi est la tâche des réformateurs de la fausse
démocratie qui, exploitant le travail du médecin au profit
de leur propagande politique, se bornent à l'extension
administrative progressive du fonctionnaire médico-social
déjà existant.
Enfin, nous nous garderons bien aussi de copier des
méthodes qui ont pu ailleurs donner d'excellents résul-
tats, mais ne s'adapteraient pas toujours à notre terrain de
travail la France.

LE STADE PRÉMONITOIRE

Malgré l'espoir que nous mettons en la révolution, nous


nous garderons aussi de l'enthousiasme qui nous ferait
compter sur le coup de baguette magique de son interven-
tion. Ce n'est pas parce que nous aurons changé les institu-
tions que la marche des choses se fera de façon parfaite.
Tabler là-dessus serait s'exposer aux plus graves désillu-
sions.
Les institutions ne sont que le cadre de l'ordre social.
L'homme en est la matière. La matière peut souffrir dans
un cadre étroit et difforme. Mais si profonde est sa déforma-
tion que changer le cadre ne suffira pas à lui imprimer la
parfaite harmonie.
Il nous faut mériter notre révolution. Pour cela, nous
devons la travailler, y préparer l'homme. Sur notre terrain
particulier, nous devons dès maintenant habituer médecins
et auxiliaires médicaux à la notion de service social, les
entraîner à penser socialement. II faut que chacun d'eux
fasse en lui-même sa révolution, se dépouille de la pensée
individualiste. C'est là la condition primordiale et indispen-
sable du succès.
En l'état présent, il est des médecins qui soigneront trente
ans une famille sans jamais lui apporter autre chose que le
secours d'un art professionnel plus ou moins éclairé. Il en
est d'autres qui, à un malade de passage, qu'il soit d'hôpital
ou de clientèle, sauront donner beaucoup sur le plan spiri-
tuel. Il faut faire la rééducation morale des premiers et
préparer, chose plus facile, l'adaptabilité des seconds à un
ordre nouveau qui permettra, sur le plan technique, les plus
belles réalisations.

A. PRINCIPES

Posons d'abord, à la base de notre construction, quelques


principes intangibles
)) L'État doit être au service de la personne humaine.
Pour permettre à l'homme de se réaliser au maximum, il
faut lui assurer les meilleures conditions physiques possibles,
le meilleur climat psychologique. Il faut le faire sans appor-
ter d'entrave au développement de la personne.
La société doit protéger l'homme sain contre la maladie.
Elle doit assurer à l'homme malade les conditions les
plus favorables à la guérison.
Elle doit conserver à l'incurable sa qualité et sa dignité
d'être humain, tout en assurant sa vie matérielle.

2) La médecine doit se dégager de l'emprise de l'argent,


du marronisme médical, de la dichotomie, du règne des
spécialités pharmaceutiques.
Chaque homme a une fonction sociale à remplir. Le profit
n'étant plus son principe moteur, il le fait avec conscience
et dignité. En échange, la société le fait vivre, d'abord parce
qu'il est homme, ensuite pour qu'il puisse accomplir sa
fonction sociale.

3) Le malade qui bénéficie de la fonction sanitaire, reste


un homme. H n'est plus seulement un numéro dans un lit
d'hôpital ou une source de profit dans une clientèle privée.
Les frais de traitement sont assumés par la collectivité.
Le travailleur qui doit interrompre son travail pour cause
de maladie est assuré de toucher intégralement son salaire
pendant toute la durée de celle-ci.
S'il devient infirme une pension assure sa subsistance.
Lorsque le travailleur vieillit et ne peut plus travailler,
il a droit à une retraite. Il n'y a pas d'âge légal de la retraite.
Il n'y a qu'un âge physiologique.

4) Les hommes à qui incombe la fonction sanitaire, méde-


cins, auxiliaires médicaux, pharmaciens, ont droit à une vie
qui leur permet de se réaliser, d'accomplir leurs aspirations
culturelles.

5) Le médecin remplit sa fonction humaine, mais n'est


pas un <' /one~onn<t:'?'e ».
Dans la conception étatiste, le fonctionnaire est un petit
bourgeois doté pour la vie d'une place où son petit travail
quotidien lui rapporte toujours la même portion congrue
d'avantages matériels et la même absence de biens spiri-
tuels. Quelle que soit la façon dont il s'acquitte de sa tâche,
son traitement mensuel lui est assuré, tant qu'il n'y a « pas
d'histoires ».
Il peut quelquefois éviter les histoires en accomplissant,
selon la conscience et sa conception du devoir, la besogne
qui lui est confiée. Il est beaucoup plus sûr de les éviter en
gagnant la faveur de ses supérieurs hiérarchiques, s'il a
l'échine assez souple, en sachant se faire assez terne, assez
plat, assez neutre pour passer inaperçu en d'autres circons-
tances, en se faisant protéger si ses relations familiales ou
l'élastique vertu de son épouse le favorisent.
Le médecin, pas plus que n'importe quel autre travailleur,
ne doit tomber dans cette dégradation. Ce sont au contraire
les travailleurs fonctionnarisés qui doivent se défonction-
nariser. Le fait d'avoir un travail fixe et assuré ne doit pas
condamner le travailleur à l'irresponsabilité et au sommeil
béat dans l'attente de la retraite.

6) Le médecin n'est plus un isolé, mais travaille « en


équipe », ce qui est une grande force dans une profession
où la conduite à tenir est si Incertaine; où !'œuvre accomplie
est si discutable et si discutée.
Finie !'éterneHe lutte avec le confrère pour lui prendre
des clients. Chacun profite de l'expérience de tous. Le
médecin a comme témoins et juges de son travail ses collè-
gues directs, ses chefs de service, ses malades.
7) La médecine pratique s'est haussée au niveau des
progrès techniques de la science médicale et en fait bénéficier
tous les hommes.
Le médecin n'est plus obligé de prescrire au malade
quelque drogue alors qu'il sait qu'une méthode physiothéra-
pique le guérira sans accumuler dans son organisme des
toxiquesdangereux.
Un examen complémentaire peut-il lever un doute
diagnostique, il est prescrit sans atermoiement.

8) Le secret professionnel a pris un sens ~u-notn et pr~n~.


Une éducation sociale bien conduite est en train de faire
disparaître le préjugé stupide des maladies honteuses. Un
malade, quelle que soit sa maladie, est considéré comme
un homme malheureux, égal en dignité aux autres hommes
et qu'il faut soigner au mieux, tant pour lui que pour la
société. Dès lors, il n'y a plus grande importance à ce
que le nom de sa maladie figure sur des fiches. Le secret
professionnel a fecuP Non pas.
Le secret professionnel ne réside pas, quoi qu'on dise,
dans une étiquette. La maladie oblige le malade à se dévêtir
physiquement et moralement devant son médecin. Ses
imperfections physiques, ses faiblesses morales, ses senti-
ments, ses défaillances, son indignité parfois, il met tout à
nu devant le médecin auquel il a confié sa vie. C'est ce dépôt
personnel et intime, par lequel le médecin accède à la
connaissance de l'être, qui constitue pour lui le vrai secret
professionnel. Et ce secret, quel que soit le régime
politique, quelles que soient les lois, restera dépôt sacré
du malade à son médecin ou à son infirmière, si ceux-ci
sont moralement dignes de le recevoir, et dans ce cas
seulement.
Respecter le secret professionnel,ce n'est donc pas, sous ce
prétexte avoué, livrer à l'anarchie et à la négligence la santé
publique, pour laisser subsister un état de choses qui sert
des intérêts particuliers. Respecter le secret professionnel,
c'est, tout en luttant contre les préjugés, accroître le niveau
moral et le niveaude culture du médecin et de ses auxiliaires,
dans un monde où le respect de la personne humaine, de
l'être profond a enfin pris un sens pour tous.

9) La nécessité du libre choix du médecin tend à s'affaiblir


à mesure que la médecine s'éloigne de l'art pour devenir
une science. Il devient de moins en moins indispensable à
mesure qu'augmentent la valeur professionnelle des méde-
cins et leur valeur morale, à mesure que se développe le
travail « en équipes ».
Néanmoins, pour une période transitoire aussi longue
que l'exigera l'évolution, le libre choix doit être appliqué
toutes les fois que cela est possible, c'est-à-dire toutes
les fois qu'une agglomérationhumaine comporte plus d'un
médecin.
10) Un même malade est toujours suivi soit par un même
médecin, soit par une même équipe médicale, dont les mem-
bres sont en liaison étroite de collaboration.
Ainsi l'exigent la qualité et la continuité des soins reçus
par le malade.
H ) Le corps médical est l'objet d'une dure sélection et
d'une auto-critique sévère et permanente, tant au point de
vue des capacités professionnellesque des qualités morales.
Il lui est assuré par la société une vie matérielle aisée, mais
conditionnée par le travail.
Il joue dans le monde un rôle moral et social très important.

12) Un service sanitaire bien organisé et assurant à la


société ce bien primordial la santé doit coûter cher, extrê-
mement cher. Seule une société économiquementréorganisée
et qui a su retrancher de son budget les dépenses militaires
écrasantes peut en assumer la charge.
Pour ceux qui ont conservé des habitudes de pensée capi-
talistes, je dirai que cette dépense ne représente qu'une mise
de fonds susceptible des plus fructueux bénéfices, puisqu'elle
sera rapidement récupérée, voire même remplacée, à mesure
que s'améliorera la santé publique, par les économies que
fera la société en journées de travail non perdues, en pen-
sions d'invalidité, en frais de pompes funèbres, etc. et,
plus tard, en frais médico-pharmaceutiques.

B. -LES ÉTUDES MÉDICALES


A la base d'un tel plan de réforme, il nous faut placer,
en toute première ligne, la réorganisation des études médi-
cales. Elles seules, bien conduites, pourront donner au
futur médecin les connaissances scientifiques et l'éducation
qui lui permettront de jouer son rôle social.
Un concours d'entrée et un examen médico-psychoto-
gique d'orientation professionnelle permettront de juger si
les candidats ont les aptitudes intellectuelles,physiques et
psychologiquespropres à faire de bons médecins.
Les études seront suffisamment longues pour être com-
plètes. Elles ne pourront être hâtives, écourtées par le désir
de gagner rapidement de l'argent.
D'ailleurs, les étudiants seront payés, de sorte que la
carrière médicale, ainsi que toute autre carrière à prépara-
tion scolaire, ne sera pas réservée à une classe privilégiée.
La première partie des études de médecine se fera dans
les centres régionaux, où les étudiants, peu nombreux, dissè-
queront à l'aise et recevront les premières notions de méde-
cine de jeunes maîtres à l'esprit clair.
La fin des études médicales se fera dans les grands centres
universitaires, où peut s'entendre la voix des professeurs
éminents, où l'on peut trouver la diversité de malades néces-
saire à l'achèvement d'une éducation médicale.
L'enseignement des facultés et des écoles sera fusionné
avec le concours des hôpitaux, de sorte que tout étudiant
devra avoir au moins les possibilités d'instruction pratique
qui ne sont actuellement données qu'à un externe des hôpi-
taux.
Les étudiants devront être convaincus de la nécessité de
traiter « en hommes » et non « en matériel » les malades
hospitalisés, qui eux comprendront que leur devoir envers
la société est de se soumettre aux nécessités de l'enseigne-
ment.
Un plus grand développement sera donné aux sciences
para-médicales, afin de fournir aux médecins une solide
base scientifique pour asseoir et critiquer leurs méthodes
souvent empiriques.
II sera donné dans les facultés un enseignement de la
psychologie et des sciences sociales. Une part beaucoup
plus grande qu'à l'heure actuelle sera faite à l'étude de
l'hygiène et des diverses sciences qui s'y rapportent, à celle
des maladies professionnelles, et d'une façon générale à
toutes les sciences dynamiques, qui étudient l'homme dans
son développement personnel et dans sa fonction sociale,
l'homme en vie et en santé.
Des sections spécialisées seront créées et aboutiront à des
diplômes spéciaux, qui seront exigés pour l'exercice des
spécialités correspondantes. Mais cette spécialisation ne
sera que secondaire et viendra se greffer sur des connais-
sances médicales générales préalables. On évitera absolument
toute spécialisation prématurée, dès le début des études
médicales. I! est essentiel de développer la culture générale
et de maintenir l'esprit de synthèse. Le médecin ne doit pas
être un technicien polarisé et à courte vue.
La réforme des études pharmaceutiques sera effectuée
dans le même esprit que celle des études médicales. Elle
visera à donner au pharmacien une instruction scientifique
et technique et à le détourner de l'esprit commercial.
D'ailleurs, la pharmacie, à mesure qu'elle s'intégrera à la
nouvelle organisation du service sanitaire, sera de plus en
plus une fonction sociale.
S'il est nécessaire de la laisser persister, pour une faible
part, à l'état de commerce, elle sera soumise au règlement
général du commerce dans le pays.
Un développement considérable sera apporté à l'ensei-
gnement des assistantes sociales et des auxiliaires médicaux
(sages-femmes, infirmiers, secrétaires médicaux), pour
lesquels des centres d'enseignement seront créés et orga-
nisés avec l'esprit de service social.

C. LA PLACE DE L'HYGIÈNE
ET DE LA MÉDECINEPRÉVENTIVE

Prévenir vaut mieux que guérir. Une place extrêmement


large sera faite dans l'organisation sociale à la protection
contre les maladies.
Les vaccinations qui ont fait leurs preuves seront généra-
lisées. Des mesures d'hygiène urbaine et rurale seront prises
pour éditer la naissance et la propagation des épidémies.
Le souci d'éviter les maladies de la nutrition passera avant
celui de satisfaire les minotiers. La lutte contre l'alcoolisme
et la tuberculose primera les intérêts des laitiers et des bouil-
leurs de crus. Les maladies professionnelles,les accidents du
travail se raréfieront, car on admettra que la main de
l'ouvrier est plus précieuse que le rendement de la machine.
Des examens périodiques et systématiques, pratiqués à
l'école, à l'atelier, à l'usine, aux champs, décéleront précoce-
ment la tuberculose de l'adolescent, l'hypertension et
l'azotémie de la cinquantaine, le cancer de l'adulte et du
vieillard. On diminuera la mortalité. On assurera à l'homme
une existence moins précaire. On reculera les limites de la
vie humaine.
Toute cette organisation n'existe dans la France capita-
liste qu'à l'état rudimentaire. Elle reste peu efficace ou inopé-
rante parce qu'elle est incoordonnée, parce que sa fonction-
narisation exclut les initiativespersonnelles, le mérite indivi-
duel. A ces postes de tout repos, appointés et retraités, le
favoritisme et l'étatisme ont placé très souvent des militaires
en retraite ou des ratés de la profession médicale.
Ces médecins fonctionnaires n'ont même pas autorité
pour prendre des mesures nouvelles qui peuvent s'imposer
ou pour faire cesser des règlements surannés, dont l'ineffi-
cacité est scientifiquement prouvée. Ils ne jouent que le
rôle de conseils auprès d'autorités administratives pour qui
l'hygiène publique n'est qu'un instrument de propagande
électorale.

D. LES MÉDECINS

Les médecinsdont on a évité la spécialisationoutrancière,


chez qui on a développé l'esprit clinique en même temps
que la culture scientifique, chez qui on n'a pas tué l'esprit
de synthèse, se répartissent en deux groupes de base

)) un corps de médecins hygiénistes, chargé d'appliquer


les mesures de protection de la santé publique.

2) un corps de médecins praticiens, qui a une double


mission

conserver la santé de l'individu par l'exercice de la


médecine préventive.
rétablir la santé de l'individu lorsqu'elle est compro-
mise par la maladie.
Ces médecins sont en contact direct e< permanent avec
l'homme.
Ils sont en contact avec lui non seulement dans leur
cabinet lorsqu'il est malade, mais aussi dans la vie quoti-
dienne, par des réunions, des conférences, des causeries,
des examens périodiques.
Leur formation technique leur permet d'être les éduca-
teurs et les conseillers dont dépend l'état sanitaire du pays.
3) Entre ces deux corps de médecins, médecins de la
société et médecins de l'homme, une liaison étroite est créée
par
un service de statistiques permettant de centraliser
les observations des praticiens, de les mettre ainsi au service
des hygiénistes qui peuvent en déduire certaines règles,
déterminer des mesures d'ordre général nécessaires.
un corps enseignant, chargé du perfectionnement
constant des uns et des autres.
4) En contact permanent avec cette double base, l'élite
forme un corps hospitalier élargi, de médecins, chirurgiens,
spécialistes.
A l'expérience de ceux-ci, le médecin praticien fait appel
chaque fois qu'il en sent la nécessité. Il n'est plus obligé,
avant de demander un consultant, de soupeser la bourse de
son client et de proportionner le volume de celui-ci au poids
de celle-là.

5) Ce corps hospitalier est en même temps un corps


enseignant, auquel se joignent pour cette fonction les scien-
tifiques purs. H est chargé de former les jeunes générations
de médecins. Il est chargé aussi de maintenir le niveau
professionnel de tout le corps médical.

E. -L'ORGANISATION PRATIQUE
L'organisation pratique devra être extrêmement souple,
sensible et adaptée.
I! est tout d'abord un certain nombre d'établissements
sanitaires et de services publics dans lesquels la médecine
ne peut être pratiquée intelligemment et humainement que
sous la forme intégralement collectivisée.
C'est dans cette partie du cadre que rentrera l'élite scienti-
fique et morale. Là seulement, elle trouvera le détachement
des choses matérielles nécessaire à la sérénité d'esprit qui
préside à la recherche désintéressée. Roux et Calmette
n'étaient pas des médecins à grosse clientèleprivée.
La grosse masse du corps médical, celle qui est en contact
direct avec la masse populaire, celle qui comprendra forcé-
ment le « tout-venant » sera régie par une organisation
partiellement collectivisée, au moins pendant une longue
période, tant qu'elle n'aura pas complètement perdu la
notion de profit.
Enfin subsistera pour les médecins la possibilité d'exercer
une médecine privée avec tous les risques et les avantages que
comporte ce mode.

1) Médecine complètement collectivisée.

Dans cette catégorie, les médecins,professeurs, auxiliaires


recevront un traitement fixe et une retraite, seront secourus
en cas de maladie ou d'invalidité.
Ils ne seront pas pour cela des fonctionnaires, car ils ne
seront pas inamovibles, ils n'avanceront pas à l'ancienneté,
mais au mérite 1, car ils ne dépendront pas seulement de
leurs supérieurs hiérarchiques, mais aussi de leurs collègues
et des bénéficiaires de leur travail (malades et leurs familles,
étudiants, etc.)
Seront ainsi complètement coUectIvisés
les établissements d'enseignements
les instituts scientifiques
les laboratoires de recherche
les services d'hygiène et de prophylaxie
les maisons de malades
les maisons de convalescence et de repos;
les établissements pour incurables

t. Les places les plus élevées pourront donc être occupées par des jeunes.
les établissements thermaux
les sanatoria, les préventoria
les asiles d'aliénés, les maisons d'éducation pour anor-
maux, les prisons.
L'hôpital, terreur des malades et des familles, disparaîtra.
On ne lui substituera pas l'hôpital vertical, royaume des
garçons d'ascenseur.
La « maison de malades »1 sera construite à la périphérie
de la ville, en multiples pavillons disséminés dans un parc.
Le malade y trouvera, avec la qualité des soins médicaux, la
vigilance des soins infirmiers et la tiédeur amicale d'un
foyer. Il s'y rendra sans terreur. Et ainsi on ne traitera à
domicile que les petites maladies qui s'annoncent de courte
durée. Les grands malades seront le plus souvent, mais
toujours avec leur assentiment, transportés à la maison des
malades.
Pour les soins chirurgicaux et obstétricaux, la maison de
malades et la maternité paraissent devoir, en se perfection-
nant, se généraliser. L'intervention chirurgicale, l'accou-
chement à domicile doivent disparaître. Pour qu'ils puissent
renaître dans un avenir éloigné, il faudrait voir les habitations
particulières adopter « le style hygiénique », évolution que
nous ne souhaitons pas au goût artistique de nos descendants.
Pour les affections médicales contagieuses, l'isolement
obligatoire en maison de malades paraît être également la
formule de l'avenir. Toutefois, comme le système sera
extrêmement souple, on saura excepter de cette règle les
maladies pour lesquelles l'encombrement hospitalier repré-
sente un danger (grippe, rougeole, coqueluche) et réaliser
dans ces cas l'isolement à domicile.
Pour les affections médicales non contagieuses (et il s'agit
là, en réalité, de la plus grande partie des malades) la maison
de soins, la maison de repos me paraissent devoir atteindre
un développement purement transitoire, limité à la période
de l'évolution durant laquelle l'insuffisance et l'insalubrité
des habitations n'auront pas encore totalement disparu.

1. Non pour céder à un vain désir de néologisme, mais pour marquer le


fossé qui sépare ce qu'est Fhôpita) de ce qu'il devrait être.
Quand sera atteintel'époque où chacun aura droit à un local
spacieux, aéré, salubre, il faudra soigner le malade à domi-
cile, dans son milieu, dans sa famille, chaque fois qu'il sera
reconnu que ce climat est plus favorable à sa guérison.
La maison de malades sera aussi un centre d'enseigne-
ment, mais d'où seront bannis le mépris des malades et
l'ignorance de la qualité humaine attachée à chacun d'eux.
Des maîtres enseigneront à leurs jeunes élèves à voir derrière
le numéro de chaque lit, non seulement une maladie, mais
aussi un malade et un homme.
Le personnel soignant sera suffisamment nombreux. Ainsi
disparaîtrontl'infirmière grincheuse,la surveillanteacariâtre,
qui rendent odieuse la vie de certaines salles d'hôpital. Le
personnel infirmier sera au service des malades.
La salle commune sera réservée aux convalescents et à
certaines maladies chroniques. Tous les grands malades,
tous ceux pour qui la possibilité d'isolement est la condition
primordiale de la vie personnelle seront traités en chambres
individuelles.
Un corps médical travaillant à pied d'œuvre, ayant à sa
disposition tous les perfectionnements techniques, pourra
suivre quotidiennement, voire horairement les malades,
dans des conditions idéales d'examen et de traitement.
2) Médecine partiellement collectivisée.
I! s'agit là des soins à domicile et aux ma}ades non alités.
Les organismes qui en seront chargés devront, avec une
extrême souplesse,savoir s'adapter à tous les cas particuliers.
Il est bien évident qu'en France les mêmes méthodes ne
sauraient être appliquées au quartier de la grande ville et
au petit village, avec ses fermes disséminées.
Nous étudierons trois types d'organisation, en sachant
très bien que tous les intermédiaires sont possibles.

A). Type d'organisation dans une grande agglomération


urbaine (ou rurale, s'il s'en constitue à l'avenir).
La maison de soins (ou dispensaire) comportera
1. un service de consultations de médecine généra!e

ESPRtT 6
2. un service de soins à domicile
3. un servicede consultations spécialisées, dont les méde-
cins pourront à l'occasion se rendre à domicile, sur indica-
tion du praticien ou sur demande du malade
4. un service de garde
5. un service de contrôle.

)) Le service de consultation comportera un nombre de


médecins proportionnel à l'importance du district desservi
par la maison de soins. Tant que les médecins n'auront pas
acquis la notion de service social, tant que les malades ne
seront pas convaincus de la réalité de cette notion, ce service
fonctionnera de la façon suivante
Chaq-ue malade choisira son médecin. Il le payera tota-
lement ou partiellement seulement, le complément étant
versé par la collectivité 1. Cette rémunération sera, toutes
choses égales d'ailleurs, plus modeste que dans le régime
actuel, puisqu'elle assurera seulement la rétribution du
travail du médecin, désormais libéré de tous ses frais
professionnels.
Chaque médecin aura ainsi « intérêt » à bien soigner ses
malades, puisqu'il sera payé par tête de malade. Toutefois,
il ne sera pas toléré qu'un seul médecin donne un nombre
de consultations exagéré, incompatibleavec l'exercice d'une
bonne médecine.
Ce mode de fonctionnement disparaîtra, bien entendu,
dès que le permettra l'évolution des esprits. Il est de toute
urgence de faire disparaître cette notion de proportionnalité
entre la qualité du travail effectué et l'importance du profit
qui en résulte.
Entre les médecins d'une même maison de soins, il n'y
aura pas de cloison étanche et il leur sera possible de se
réunir pour discuter entre eux un cas délicat. Le principe
du travail en commun, de la collaboration devra dominer.
Le temps de présence à la maison de soins demandé à

). Cela dépendra de l'existence possible d'assurances sociales, qui resteront


purement administratives et ne pourront créer anarchiquement des organis-
mes de soins et de contrôle faisant double emploi avec la médecine sociale
organisée.
chaque médecin sera extrêmement élastique. Il sera, dans la
mesure où nous l'avons indiqué, fonction du facteur person-
ne Il se pliera aux nécessités quotidiennes, à la variation
périodique et saisonnière du nombre des malades.
I! est bien évident que le travail du médecin
ne peut être
soumis à la régularité et à l'exactitude d'une usine mécani-
sée.
Cependant, le service des statistiques devra s'efforcer de
déterminer le nombre de médecins nécessaires dans une
maison de soins donnée pour que le temps moyen de travail
quotidien de chacun n'excède pas huit heures cinq à six
heures étant consacrées au traitement des malades,deux ou
trois heures à la compulsion des observations et au travail de
perfectionnement personnel.

2) Le service des soins à domicile sera effectué des


médecins praticiens, au même titre que le service de par
consul-
tations. On pourra peut-être, pour ce travail plus p!énib!e
et plus ingrat, choisir par exemple les plus jeunes. Il sera
tenu compte surtout des désirs et des aptitudes de chacun.
Ces visites à domicile seront faites grâce à
un service auto-
mobile annexé à la maison de soins.
Ici encore, la durée moyenne du travail sera adaptée
aux
nécessités quotidiennes. En période d'épidémie, des méde-
cins passeront du service de consultation au service de soins
à domicile ou même au service hospitalier du district.
Je vois surgir ici la grosse objection des individualistes
« Votre malade, suivi par un médecin à la maison de soins,
par un autre à son domicile, sera soigné sans continuité ».
Tout d'abord, il faut qu'une éducation du malade l'amène
à venir consulter le médecin à la maison de soins chaque
fois qu'il en sentira la nécessité. II devra réserver l'appel
à domicile aux cas aigus qui l'empêchent de se déplacer.
Dans ces cas, le médecin chargé des visites sera mis immé-
diatement au courant de l'état pathologique de son malade

1. Ce temps s'adaptera par la suite


au temps de travail des autres tra-
vailleurs. H ne sera pas le même pour toutes les spécialités médicales.
en jetant un coup d'œil sur son livre de santé S'il a besoin
d'un renseignement complémentaire, d'une confrontation
d'impressions, il les demandera facilement à son confrère
qui suit le malade aux consultations. Une réunion quoti-
dienne de toute l'équipe médicale aura lieu à cet effet,
chaque jour, à la maison de soins.
Le médecin sera ainsi singulièrement plus au courant du
passé pathologique de son malade que ne l'est le praticien
actuel qui, pris dans la bousculade des heures, ne se
souvient que rarement, d'une visite à l'autre, ce qu'il a
diagnostiqué chez son malade et ce qu'il lui a prescrit.
Un mode de liaison analogue existera entre les praticiens
des services de consultations et de visites et ceux du service
de remplacement, qui prendront leur place pendant les
vacances. Ils leur « passeront '> tes malades comme fait
actuellement, à son remplaçant, le médecin qui prend quel-
ques jours de repos. Seulement, ici, les remplaçants seront
généralement compétents.

3) Les consultations spécialisées. Dans chaque dispen-


saire existera un ou plusieurs spécialistes de chaque caté-
gorie. Naturellement, le mode de travail et de rémunération,
toujours souple, s'adaptera à chaque cas particulier, tout en
répondant à une idée directrice simple et unique.
I! est certain qu'un temps de travail de six heures, qui
peut convenir à un médecin de médecine générale, est trop
élevé pour un radiologiste, par exemple

4) Un service de garde fonctionnera jour et nuit. Il pourra


être assuré, dans une grande agglomération, par plusieurs
médecins se relayantdans les 24 heures. Ces médecins seront
en rapport direct et étroit avec les praticiens du service de
soins à domicile, auxquels ils passeront leur malade le jour
même ou le lendemain.
Grâce à ce service, les accidentés de la voie publique

). Voir plus loin.


2. De'meme, un chirurgien qui fait un travail de consultation et un travail
opératoire ne saurait voir ces deux sortes de travaux traitées sur le même pied.
Le temps de travail opératoire sera avant tout dicté par les nécessités du jour.
seront immédiatement secourus, les malades graves ne
resteront pas sans soins plusieurs heures sans trouver un
médecin à son domicile, les femmes seront assurées de ne
plus accoucher sans le secours d'un praticien.
Il est bien entendu que, au moins pendant la période
d'adaptation, pour éviter les abus, les malades qui feront
appel à ce service lui devront une rémunération supplé-
mentaire.
5) Service de contrôle. Dans l'établissement de ces
services médicaux, on n'oubliera pas que le travail est fait
par des hommes et qu'il est par conséquent toujours néces-
saire de prévoir les défaillances. On organisera un système
de régulation, le contre-mécanisme par lequel tout système
cohérent doit être contrôlé. Mais le contrôle ne sera pas
effectué, comme à l'heure actuelle, dans les compagnies
d'assurances et dans les assurances sociales, par des incom-
pétents travaillant au rabais.
Le cadre des médecins contrôleurs sera fourni par des
médecins ayant reçu une instruction médicale supérieure,
ayant effectué des études plus longues pour lesquelles ils
auront été sélectionnés. Souvent, ils seront en même temps
membres du corps enseignant ou médecins de « maisons de
malades ».
Dans chaque dispensaire, les médecins contrôleurs seront
aussi les médecins consultants, travaillant en collaboration
avec les praticiens, pouvant être appelés par ceux-ci ou
demandés par le malade, ou jetant de temps en temps un
coup de sonde, de leur propre initiative.
Ainsi, chaque médecin praticien travaillera en contact
journalier avec ses collègues et ses maîtres, en équipe. Chacun,
médecin et malade, pourra apprécier ses qualités profession-
nelles et morales, ses aptitudes techniques, ce qui permettra
de mettre chacun à la place qui lui convient le mieux, dans
le cadre de la société. Si une défaillance se produit, elle ne
passera pas inaperçue des nombreux témoins. Comme à
l'usine, au bureau, à l'exploitation agricole, l'homme ne
pourra vivre dans la béatitude du fonctionnaire de l'ancien
régime.
B). Type d'organisation dans une région à population
dense (banlieue d'une grande ville).

Le nombre des médecins de chaque dispensaire sera


forcément plus réduit. L'organisation sera donc différente.
Les mêmes médecins partageront leur journée entre le
service des consultations et le service des soins à domicile.
Leur journée de travail restera limitée à la moyenne
normale (huit heures par exemple).
Pour le reste de la journée, pour le dimanche, un tour de
garde sera organisé, auquel participeront tous les médecins
du centre.
Ici, comme dans les centres urbains fonctionnera un
service de contrôle.

C). Type d'organisation rurale, dans une région à popu-


lation disséminée.

Ici, étant donné la faible densité de la population, il est


impossible d'organiser des centres avec plusieurs médecins.
Un médecin et une infirmièredevront assurer tout le service
du dispensaire et on sera obligé de concevoir un exercice
de la médecine se rapprochant de ce qu'est actuellement la
médecine rurale. Comme maintenant, le libre choix sera
pratiquement rendu impossible par l'isolement de l'agglo-
mération rurale.
Le médecin assurera donc les consultations, les visites,
le service de garde.
Pour les spécialistes et le contrôle, le district rural dépen-
dra du centre urbain ou suburbain le plus rapproché.
Nous risquons ici de retomber sur les écueils où s'est
échouée la médecine individualiste
médecin surchargé de travail et partant mauvaise
qualité des soins.
indifférence du médecin à l'égard de ses malades, consi-
dérés comme source de profit
impossibilitépour le médecin d'entretenir et de perfec-
tionner son instruction personnelle.
Voici comment il y sera obvié
A un même poste seront attachés deux médecins qui s'y
succéderont dans le temps. Ainsi, un même médecin sera à
la disposition de ses malades 24 heures par jour, mais il ne
le sera que pendant six ou huit mois de l'année. Le reste de
son temps sera partagé entre ses cours de perfectionnement et
ses vacances qui, par compensation, seront plus longues que
celles de son confrère urbain.
Je verrais très bien un médecin rural exercer huit mois de
l'année 1, passer deux mois dans un centre de perfection-
nement et se reposer deux mois. Pendant ces quatre mois
d'absence, il « passerait » ses malades à un remplaçant
toujours le même, connaissant donc aussi bien que lui la
population de la région. Ce remplaçant assurerait ainsi
chaque année deux remplacements toujours les mêmes.
La stabilité des médecins à leur poste serait en effet une
des conditions essentielles de continuité dans les méthodes
appliquées.
Nous voyons donc qu'il est possible de créer dans tout le
pays un système extrêmement souple, dont n'ont été tracées
ici que les grandes lignes, un système capable de se plier à
toutes les nécessités régionales et locales, garantissant au
maximum la valeur des soins médicaux et dominé par le
souci de la personne, celle du malade et celle du médecin.

3) Médecine privée.
Les postes de médecine collective seront attribués aux
étudiants qui auront fait les meilleures études. Mais ils
auront la possibilité,s'ils le désirent, d'opter pour la méde-
cine privée, en laissant leurs places à ceux qui suivront.
La possibilité sera ainsi laissée à certaines fortes person-
nalités de se constituer une place hors du cadre officiel.
En aucun cas l'autorisation ne sera donnée, à un médecin
titulaire d'un poste omciet, de faire de la clientèle privée.
La médecine privée sera soumise aux mêmes organismes
de contrôle que la médecine collective

1. Les chiffres sont toujours donnes à titre d'exemple.


F. LA LIAISON LE LIVRE
DE SANTÉ INDIVIDUEL

La liaison entre les différents étages de cette organisation


sanitaire sera assurée d'une façon très simple par le livre de
santé individuel.
Comme chaque homme reçoit actuellement à vingt ans
un livret militaire, tout être humain recevra à sa naissance
un livre de santé. Sur ce livre, il sera facile d'inscrire et de
suivre l'état sanitaire du nouveau-né à la maternité, du nour-
risson à la crêche, de l'enfant au jardin d'enfant, à !'éco!e,
dans sa famille, puis de l'adolescent, de l'adulte à l'usine, à
l'atelier, à la ferme, au bureau.
Le livre de santé sera l'auxiliaire précieux qui restera aux
mains de chacun, qui permettra au médecin d'avoir immé-
diatement sous les yeux le passé pathologiquede son malade.
It remplacera avantageusementle médecin de famille, mortel
et sujet à des défaillances de mémoire. Il remplacera plus
avantageusement encore les fiches le plus souvent inexistan-
tes du petit industriel et ses ordonnances qui s'entassent dans
les cartons des assurances sociales.

G. LES SYNDICATS
ET L'ORGANISATION DE CONTROLE

Les médecins adhéreront au syndicat des travailleurs


sanitaires~. Là, médecins,pharmaciens, sages-femmes,auxi-
liaires médicaux collaboreront, apprendront à se mieux
connaître. Malgré ce que nous pensons des syndicats
médicaux, nous croyons nécessaire de conserver la forme
syndicale. Ce qui est mauvais à l'heure actuelle, ce n'est
pas l'institution, c'est l'esprit qui y règne.
I! y aura, au sein d'une même équipe, contrôle mutuel,
d'ordre technique et moral, contrôle dans l'entr'aide et

1. Non par simple démagogie, mais pour permettre un contact plus étroit
et plus intime des médecins et de leurs collaborateurs.
non critique systématique et partisane, comme celle qu'en-
traîne la concurrence commerciale en régime de médecine
individualiste.
A un degré de plus, il y aura un contrôle des médecins
traitants par des médecins techniquement plus instruits,
dits médecins consultants. Critique de collaboration, qui sera
très différente de l'actuel combat entre médecins praticiens
et médecins d'hôpital. Ce contrôle restera strictement limité
au domaine technique et ne portera nullement sur la valeur
humaine du médecin. On évitera ainsi la formation d'une
aristocratie médicale, qui risquerait de faire peser sur le
corps sanitaire tout entier une contrainte pénible.
Par contre les malades, techniquement incompétents,
auront la possibilité d'exprimer librement ce qu'ils pensent
des membres du corps sanitaire, de leur comportement, de
leur dévouement. Dans l'appréciation de ces critiques, la
part devra être faite de l'erreur partisane et des incompati-
bilités individuelles.Ce ne sera pas un contrôle à proprement
parler, mais une influence d'ordre moral librement exercée.
Lorsqu'un médecin se révélera inférieur à sa tâche, soit
par incapacité professionnelle, soit par inaptitude psychique,
des sanctions pourront être prises contre lui par un organis-
me comprenant des représentants du syndicat sanitaire, du
corps juridique et du public usager. Les coéquipiers, les
consultants et les malades du médecin mis en cause seront
entendus comme témoins.
Ceci permettra de parer aux défaillances individuelles et
d'éviter l'installation du médecin dans le confort dissolvant
et neutralisant du fonctionnariat.
Dr A. VINCENT.

Le Dr Vincent recevra volontiers toutes les critiques,


suggestions, offres de collaboration qui pourraient lui
être présentées à propos de ce plan. Lui écrire aux bons
soins d'Esprit.
« TOUTE MONTAGNE
ET TOUTE COLLINE
SERONT ABAtSSÉES »
par Robert CROTTET

Alors l'Homme monta sur la plus haute montagne de la


Terre, plus haut que toutes les montagnes connues, car dans
sa soif de monter vers Dieu, l'Homme avait découvert des
sommets dont nul autre avant lui n'avait même soupçonné
l'existence.
Ayant atteint la cime, il s'assit sur un roc de granit, plus
froid que la glace à cette hauteur, la glace même ne résiste
pas au froid. Tout meurt, sauf le granit qui a reçu de t'éter-
nité le baiser de vie.
Et l'Homme se prenant la tête dans les mains se mit à
trembler, mais ce n'était pas de froid. Depuis longtemps, il
avait cessé de sentir son corps. Depuis longtemps, son corps
n'était que pensée et cette pensée était tout entière tendue
vers Dieu. Et l'Homme tremblait de toute sa pensée, car
dans sa montée vers Dieu, il avait atteint le dernier sommet.
Si cette fois encore Dieu demeurait dans le silence, l'Homme
désespéré abandonnerait sa pensée. Alors il se coucherait
de tout son corps sur le granit et le granit boirait le corps
de l'Homme, car il avait reçu de l'éternité le baiser de vie
qui donne la mort à toutes choses qui s'aventurent sur
ces
altitudes.
Tout le jour l'Homme trembla sur son rocher, de toute

Cette légende est pubUée en même temps, par accord avec l'auteur.
dans Présence(Genève).

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