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ISBN : 978-2-226-42118-0
Introduction
alors se jeter dans cet océan ? Notre premier contact avec la pensée (on
pourrait dire l’Esprit) d’Ibn ‘Arabī nous a été offert par l’un de ses plus
proches disciples par-delà le temps, et son premier éditeur, l’émir Abd el-
clarté et ils ont éveillé à la fois notre curiosité et notre perplexité. Paradoxes
des thèses dont la hardiesse a valu à leur auteur, jusqu’à nos jours, la foudre
et hérésie.
par Ibn ‘Arabī lui-même pour contrer la critique méfiante des docteurs de la
Loi, nous entraîne dans des sphères si étranges et lointaines qu’il pourrait
poèmes traduits ici) n’en est qu’un témoignage incomplet. Attirés par la
beauté formelle tout autant que par le défi intellectuel et spirituel, nous nous
son mystère, une invitation à rechercher des clés qui elles-mêmes nous
revenir…
une vie, nous serait demeurée inaccessible sans les grands passeurs et
Claude Addas, Abdallah Penot et Denis Gril, pour n’en citer que quelques-
3
uns . Sans leurs remarquables travaux, nous serions restés sinon à la surface
des mots, du moins limités au miroir de notre propre univers intérieur. Non
que cette lecture ne soit par elle-même un voyage d’une grande richesse, car
tout poème, de même que tout tableau, toute œuvre artistique s’offrent à la
Cependant, une fois notre propre projection opérée, nous pouvons (mais cela
largement aventuré dans ces dunes infinies avec une approche littéraire et a
su définir quelques ensembles homogènes, thématiques et formels, tout en
pour nous un véritable encouragement, une invite à nous lancer à notre tour,
munis de nos guides et cartes. Le voyage n’en reste pas moins un défi
Musulman ou non, arabisant ou non, la beauté peut toucher toutes les âmes
du moins accepter l’existence d’une dimension autre, d’un temps non plus
qui défient nos lois physiques et logiques. Une dimension qu’Ibn ‘Arabī
l’esprit occidental peut être heurté ou réticent, ce monde est pour les
parcours terrestre du Shaykh al-Akbar s’est déroulé dans ces deux mondes
Mu ḥammad 7
Ibn al-‘Arabī naît à Murcie en 1165 , dans cet Al-Andalus
mythique et idyllique chanté par les poètes (mais déjà secoué par des
e
Yémen et établie dans la péninsule Ibérique depuis le VIII siècle. Son père
est un haut dignitaire auprès des souverains successifs et Ibn ‘Arabī lui-
même est promis à une fonction de scribe. Il mène une adolescence
heureuse et insouciante à Séville, son avenir semble tout tracé dans les pas
de son père. Mais une vocation précoce se fait jour en lui, peut-être inspirée
dont il témoignera à plusieurs reprises dans son œuvre. Elle se révèle à lui
par des visions et illuminations qui font de lui un être spirituellement réalisé
dès son entrée dans la voie mystique, conversion qu’il effectue sous la
8
guidance de Jésus , son véritable « premier maître ». Suivant l’exhortation
quittera plus.
recherche et fréquente tous les grands mystiques soufis de son temps (parmi
atteint la plus haute réalisation. Car seul celui qui emprunte lui-même les
Les villes qui jalonnent son parcours (Fès, Marrakech, Bougie, Tunis…)
sont marquées par des rencontres déterminantes dans les deux dimensions
petit lui révéleront son destin spirituel. Il pénètre aussi les différentes
« stations » spirituelles qui lui confèrent non seulement le rang de walī (mot
imparfaitement traduit par « saint ») élu dans la proximité divine, mais lui
pour Ibn ‘Arabī, même les choses inanimées sont vivantes) qui exclut, au
visions, il se voit consacré par tous les prophètes, depuis Adam jusqu’à
une colossale production d’écrits qu’il poursuivra jusqu’à sa mort. Il est lui-
même guidé par un autre maître invisible, celui que la tradition musulmane
nomme Al-Khi ḍr ou Al-Kha ḍir (le Verdoyant), détenteur d’une science
et de la prédestination
10
. Avoir Al-Khi ḍr pour guide signifie pour le
divine dans toutes les croyances, car « Il est l’Adoré dans tout ce qu’on
adore ».
musulman en 1201, suite à une vision qui lui ordonne de gagner l’Orient.
‘Arabī vit une énigmatique rencontre avec Celui qu’il désigne comme
muet naîtra ce qui sera l’œuvre maîtresse monumentale d’Ibn ‘Arabī : Al-
avoir sillonné l’Orient pendant vingt ans, les pérégrinations d’Ibn ‘Arabī
e
XVI siècle, voit aujourd’hui encore affluer les pèlerins.
ouvrages, je n’ai pas voulu faire œuvre d’écrivain, ni non plus suivre un but
précis, mais me délivrer d’une inspiration qui brûle mon cœur et écrase ma
12
poitrine . » Cette affirmation inclut aussi son œuvre poétique. La présence
prose ne saurait être arbitraire. Plusieurs textes nous éclairent sur sa vision
de la poésie. L’un d’eux, par son étrangeté même, nous donne la mesure de
poitrine à ma gorge, puis à ma bouche. C’était un animal avec une tête, une
langue, des yeux et des lèvres. Il s’étendit jusqu’à ce que sa tête atteigne les
croyait que les poètes recevaient leur inspiration d’un démon ou génie et
cette croyance a perduré. Par la suite, ce génie fut interprété comme le
accessibles à l’esprit humain. Par ailleurs, la poésie est soumise à des règles
celle qui ordonne le vers d’un poème » ; ainsi, « en tant que ses fondements
quelques vers à une centaine, voire davantage. Le vers est toujours divisé en
qui doit être respecté dans tout le poème. Il en existe seize, qui ont été
e
codifiés au VIII siècle mais que les poètes antéislamiques utilisaient déjà de
Pour qui est familier de la poésie arabe, la virtuosité d’Ibn ‘Arabī est
arabes qui véhiculent leurs origines dans la culture du désert et bien souvent
leur charge coranique. Ce qui fait de la langue arabe une langue de poésie
par excellence, voire une langue en soi poétique. La traduction est alors par
vers qui conservent leur mystère dans l’une et l’autre langues : ils nous
parviennent ainsi à travers les siècles, à nous lecteurs bien souvent privés
des clés qui, dès l’époque d’Ibn ‘Arabī, n’étaient connues que des seuls
peut-être leur étrangeté et, nous l’espérons, leur charge poétique. Les notes
qui suivent chacun de ces poèmes sont le fruit de nos propres explorations,
lexique directement dans la vie des nomades du désert. Par exemple, le mot
signifiant « vers », bayt, est le même qui désigne la tente (aujourd’hui plus
la métrique sont décrits par deux mots qui signifient « corde » (sabab) et
« pieu » (watad), celui qui est fiché dans le sol pour fixer la toile de la tente
à l’aide des cordes. Le premier hémistiche du vers est appelé ṣadr, qui a
cœur ?
décrit Ibn ‘Arabī dans les Futū ḥāt : « J’ai vu dans ce monde une mer de
sable aussi fluide que l’eau ; j’ai vu des pierres, petites et grandes,
mutuellement attirées les unes vers les autres, tel le fer vers l’aimant. […]
Lorsqu’elles sont toutes unies, cela constitue la forme d’un navire. J’ai moi-
même vu ainsi [se former] une petite embarcation et deux nefs. Quand un
vaisseau est ainsi constitué, les habitants le mettent à l’eau, puis ils
embarquent pour voyager où bon leur semble. […] Jamais je n’ai rien vu
hautes que la taille d’un homme. Le sol du navire à l’arrière est à hauteur de
la mer sur laquelle il s’ouvre sans qu’un seul grain de sable pénètre à
l’intérieur. » Étrange vision que Claude Addas nous interprète avec finesse
poétique arabe, sert à désigner le mètre d’un poème. De même, ramal, qui,
dans l’usage courant, signifie “sable”, est la dénomination de l’un des seize
Située dans ce contexte, l’histoire des vaisseaux de pierre qui voguent sur
une mer de sable n’a plus rien d’un délire onirique : le vaisseau (safīna)
ṣ
représente la qa īda, le poème arabe classique ; les pierres indissociables, ce
sont les kalimāt, les mots qui, assemblés les uns aux autres, forment des
vers dont la totalité constituent le poème ; les deux flancs du navire figurent
les deux hémistiches du vers et les deux colonnes renvoient aux deux
crypté, Ibn ‘Arabī nous signifie que la poésie est le moyen privilégié de
“voyager” dans le monde imaginal dont elle véhicule les réalités spirituelles
15
qui, par nature, sont supra-formelles . »
Aucune logique dans la présentation des poèmes du Dīwān n’a pu être
déterminée à ce jour, que ce soit l’ordre alphabétique des rimes (comme cela
16
est fréquemment le cas) ou la chronologie, très incertaine . Par ailleurs, il
est impossible de savoir si les poèmes rassemblés dans les manuscrits qui
nous sont parvenus l’ont été par Ibn ‘Arabī lui-même ou par ses disciples.
Nous n’avons pas voulu effectuer un classement par thèmes, qui nous
guide le voyageur explorant une contrée encore mal connue. Ibn ‘Arabī ne
dogmatisme : « Celui qui proclame l’Unité, celui qui associe, le négateur des
transcendance, chacun d’eux fait preuve d’un excès doctrinal… Je sus que la
17
Vérité résidait dans la foi et non dans la raison . » Nous avons cependant
« poèmes coraniques », chacun d’eux inspiré par l’une des cent quatorze
*1. Il s’agit du Dīwān al-kabīr (Le Grand Recueil) qui compte plus de huit cents
poèmes, paru aux éditions Būlāq du Caire en 1855. Cependant l’ouvrage majeur
à lui seul plus de mille sept cents poèmes dont très peu sont inclus dans le Dīwān.
Recueil, ni dans les Futūḥāt. Les nombreux manuscrits, copies plus ou moins
qui avait été peut-être prévu par Ibn ‘Arabī comme un grand recueil de toute son
œuvre poétique, dont le Dīwān al-kabīr et le Dīwān al-ma‘ārif auraient formé
deux tomes. On ignore quel manuscrit a servi de base à l’édition Būlāq mais il
ḥ
Mu yiddin Ibn ‘Arabī Society, vol. 39, 2006). Les références des poèmes
originaux traduits dans le présent recueil sont celles de l’édition d’A mad ḥ Ḥasan
Basaj, Dār al-Kutub al-‘Ilmiyya, Beyrouth, 1996 (disponible sur Internet en PDF
I
1 Lorsque dans mes entrailles se manifesta le
II
mystère , mon existence s’évanouit, mon étoile
s’éteignit,
nommer.
poésie, il nous a paru reconnaître ici une allusion au rôle initiatique de celle-
poète vers la présence divine, sa position au sein d’un autre ouvrage d’Ibn
Ḥallāj ṣ
18
(la qa īda 7 de son Dīwān ) au point qu’un auteur alla jusqu’à
accuser Ibn ‘Arabī de plagiat. Il faut noter, cependant, chez Ibn ‘Arabī,
vision, la perte de sa propre conscience jusqu’à l’oubli de son nom, chez Ibn
‘Arabī l’itinéraire est plus déterminé, le ton plus lucide et surtout il fait état
Ḥallāj,
19
Lui directement . En se référant ouvertement au poème d’Al- Ibn
‘Arabī s’inscrit assurément dans une tradition, celle qui unit les saints
ṣ
jusqu’à la mosquée al-Aq ā de Jérusalem puis traversant les sept cieux
jusqu’à la présence divine (17, 1 ; 53, 1-18). Ainsi que le suggère McAuley,
Ibn ‘Arabī, tout en rendant hommage à son illustre prédécesseur, aura voulu
exprimer subtilement sa propre supériorité spirituelle. Mais ne pourrait-on
pas y voir un témoignage sincère d’une expérience intime qui est pour
exprime « une subtilité présente dans le cœur comme le souffle vital dans le
I
tunique de fine soie verte !
II
Tu devins amant bien-aimé , on te vit desséché.
consumé.
III
pourquoi on te nomma le maître du cénacle .
IV V
vingt-huit demeures , parmi les planètes , plein
de fougue,
VI
entravé par la main de l’indigent.
soie » (18, 31, trad. éd. du Roi Fahd). Le symbolisme de la lune est d’une
mystique ?
peuvent prendre également un sens actif. La simultanéité des deux états est
Dieu est une réponse à l’amour divin. Un texte de l’émir Abd el-Kader
tu M’aimer ? Si tel est le cas, sache que ton amour pour Moi est seulement
une conséquence de Mon amour pour toi. Tu aimes Celui qui est. Mais Je
t’ai aimé, Moi, alors que tu n’étais pas !” Il dit ensuite : “Prétends-tu que tu
ici d’un cercle mystique, nous avons osé la traduction par « cénacle » en
« Mon cœur devient capable de toute image : il est prairie pour les gazelles,
couvent pour les moines, temple pour les idoles, Mecque pour les pèlerins,
22
tablettes de la Torah et livre du Coran . »
plus évidente, d’autant que les états de la lune peuvent symboliser les
arabe qui, dans la science ésotérique des lettres, sont l’expression des
gîte et s’y cache ». Le sens de « planète » est sous-entendu dans une très
belle image coranique : « J’en jure par celles qui vont se tapir véloces, dans
leur gîte » (81, 15-16, trad. de Jacques Berque dont la note précise :
« “Celles qui vont se tapir” sont les étoiles, telles que visibles dans le ciel
humain »).
VI. Ṣan‘a a le sens général d’« art, métier, travail de l’artisan » et le sens
23
plus spécifique d’« art d’élever des chevaux et de les soigner » . Notre
nature.
3
Contemple le Trône
I
1 Contemple le Trône sur Son eau , vaisseau
II
naviguant avec Ses Noms divins ,
enfants.
III
jusqu’au yā’
VI
Quiconque vient convoiter Son œuvre se jette
ẓ
Un ur ilā l-‘arsh (Dīwān, p. 15), mètre al-basī . ṭ
I. L’image du Trône sur l’eau apparaît une unique fois dans le Coran :
« C’est Lui qui a créé les cieux et la terre en six jours ; Son Trône était alors
sur l’eau » (11, 7). Selon un ḥadīth, Dieu, avant de créer Sa création, « était
dans une nuée, sans air au-dessous de Lui, ni air au-dessus de Lui. Puis Il
24
créa Son Trône sur l’eau ». Il s’agit de l’eau primordiale, à partir de
laquelle Dieu a « fait toute chose vivante » (Coran 21, 30). L’émir Abd el-
Kader, disciple spirituel d’Ibn ‘Arabī, précise : « Ainsi, toute chose vivante
procède de l’eau. Or toute chose est vivante, car toute chose glorifie Dieu.
[…] Sache d’autre part que cette “eau” n’est pas l’eau perceptible par les
II. Les Noms divins sont les multiples aspects par lesquels Dieu se
III. ا
Alīf ( ) et yā’ ( )ي sont la première et la dernière lettre de l’alphabet
qui a une importance essentielle dans l’œuvre d’Ibn ‘Arabī. Voir le poème
nouvelle”, 55, 29), l’univers tout entier meurt et renaît sans cesse. C’est
V. Cette très belle image est coranique : « Il enroule la nuit sur le jour et
note IV.
4
Ô croissant de lune
des yeux,
I
Sois petit serviteur dans leur prison et sois roi
II
lorsque vous nous éclipserez à la fin du
III
cycle . »
IV
perplexité, deux lampes allumées en plein jour .
les lumières.
V
Toute lumière dans tout cœur est vacillante ,
VI
excepté dans le cœur héritier de l’Élu .
10 Alors, petit frère, remercie Dieu pour ce
I. ṣ
Qa r, qui signifie communément « palais, château », peut avoir plus
disparaître ». Le nom verbal ma ḥw peut donc avoir un sens actif ou passif ce
qui introduit une certaine ambiguïté dans la lecture de ce vers. Notre
qui avaient été occultées dans les « ténèbres des vicissitudes ». (note de fin :
’Arabī] écrivit… » (il est fort possible que ces remarques en exergue à
« deux lampes », est le duel de sirāj, mot qui a quatre occurrences dans le
aussi une lune éclairante ! » (25, 61) ; « N’avez-vous pas vu comment Allāh
[cieux] renforcés, et [y] avons placé une lampe très ardente » (78, 13, trad.
des lumières sensibles. […] Quant au soleil véritable, source à la fois des
45-46, trad. éd. du Roi Fahd). Ainsi la lune, reflétant la lumière du soleil,
un dévoilement.
VI. Al-mukhtār, « l’Élu », est l’un des deux cent un noms attribués au
prophète Mu ḥammad.
5
I
deux croissants de lune se levant devant moi,
me vient de Lui.
peu éblouis :
II
devant moi .
ṭ
soufie, qu b (pôle) désigne un « homme parfait par l’intermédiaire de qui
l’émir Abd el-Kader écrit : « Le shaykh veut signifier que les Pôles sont non
seulement [une catégorie] de saints mais les plus élevés d’entre eux et qu’ils
en constituent l’élite la plus pure. Ils ont reçu le nom de “Pôles” parce que
les étoiles des mondes supérieurs et inférieurs gravitent autour d’eux qui
sont les Pôles de leur époque et aussi parce que le Pôle est le “lieu” sur
monde que par l’intermédiaire du Pôle : celui-ci reçoit donc son soutien de
Dieu et soutient à son tour le monde dans son ensemble, le haut comme le
30
bas, les corps comme les esprits . » Le mot imām signifie « guide, chef de
serait donc l’Imām symbolisé par l’un des croissants de lune ? Peut-il s’agir
shī‘ite a été mise en évidence par Henry Corbin et Mohammad Ali Amir-
e
Imām au IX siècle, devenu ainsi l’Imām caché qui réapparaîtra à la fin des
ṭ
temps pour dévoiler au monde le sens intérieur (bā in) de la Révélation, se
unité. Cependant, cette apparente contradiction fait sens car elle exprime,
selon nous, un mystère divin. En effet, le Coran ne dit-il pas : « Il (huwa) est
avec vous où que vous soyez » (57, 4) ou : « Nous sommes plus près de lui
En vérité, la révolte
au Paradis.
I
quelle fuite possible ?
ce poème dans lequel le poète se fait en quelque sorte la voix de Dieu ? Tout
sans cruauté toute la force du Destin sur la condition humaine. L’espoir n’est
colère. »
7
I
image et j’évaluai Sa proximité à une brasse et
séparation.
II
courbes d’une dune , son sourire est de perles,
III
son visage se révèle pleine lune .
IV
délicieux, de miel très pur, d’eau et de vin .
V
étapes, sans pouvoir ,
VI
je ne sache pas que je ne sais pas !
Je parvins à Lui en empruntant une voie humble
VII
jouvencelles qui s’inclinèrent vers nous
VIII
notre être à travers Ses plus beaux Noms .
célèbre ḥadīth : « Certes, Allāh a créé Adam selon Son image » (Inna Allāh
khalaqa Adama ‘alā ṣūratih) ou au verset de la Bible : « Dieu a créé
(khalīfa) sur terre (Coran 2, 30) et Ibn ‘Arabī, à maintes reprises dans son
vis rien qui soit plus parfait que mon image et mon être. » Notre lecture :
« je me figurai Dieu à partir de mon image » nous est par ailleurs suggérée
et IV).
déclare : « J’ai vu mon Seigneur sous une forme de la plus grande beauté,
grâce ; Il était revêtu d’une robe d’or… » Voici ce qu’en dit Henry Corbin :
détresse, par l’élan qu’elle suscite vers quelque chose qui à la fois précède et
35
dépasse l’objet qui la manifeste . »
IV. Les quatre rivières du Paradis (Coran 47, 15) ainsi que leurs
pendants terrestres sont autant de bienfaits divins : une eau qui « revivifie la
terre après sa mort », un « lait pur, délicieux pour les buveurs », une
« boisson enivrante » retirée des « fruits des palmiers et des vignes », une
« liqueur aux couleurs variées » sortie du « ventre » des abeilles (Coran 16,
65-69).
voile. […] Si certains d’entre eux [les philosophes] expérimentent les états
spirituels, tel Platon le Sage, cela est extrêmement rare ; ceux-là sont
36
semblables aux hommes du dévoilement et de la contemplation . »
VII. Kawā‘ib est le pluriel de kā‘ib, « jeune fille qui a les seins
évoquer les « belles aux seins arrondis, d’une égale jeunesse », promises
aux bienheureux.
d’Ibn ‘Arabī et des soufis. Elle trouve une base scripturaire dans le Coran où
il est dit : « À Dieu appartiennent les plus beaux Noms » (7, 180) et où,
la création est décrit comme la théophanie des Noms divins, leur nombre ne
peut donc être qu’illimité. C’est à travers eux que l’Essence divine
voilant car, suivant un ḥadīth, « son voile est la lumière ; s’Il l’enlevait, les
atteint Son regard ». Ils constituent une interface, un isthme entre la Réalité
absolue et l’existence manifestée. On peut dire que les créatures sont des
formes épiphaniques des Noms divins qui reçoivent leur existence (mais non
leur présence) à travers elles. Ibn ‘Arabī les désigne par le terme de
versets : « C’est Nous, en revanche, qui avons fait descendre le Rappel » (9,
15) ; « Ce que Nous t’énonçons là fait partie des signes et du sage Rappel »
(3, 58 trad. Jacques Berque ; voir aussi entre autres 16, 43-44 ; 36, 11 ; 38,
1 ; 41, 41).
8
I
univers , pour avoir créé, dans toute la diversité
II
même notre père, qualifié d’oublieux .
III
Je L’adorai et j’implorai Son soutien , ainsi
IV
qu’Il l’avait ordonné par Sa Loi , pour me
V
délivrer de mes passions ,
endurci,
VI
rectitude , par une noble conduite de générosité
et de bienveillance.
d’infidèle.
VIII
10 Je n’ignorai rien d’elle, sinon ses heures et
IX
tentateur insidieux .
la course au dévoilement.
de chacun d’eux, le nom de la sourate est précisé, par exemple ici : min rū ḥi
l-Fāti ḥa, ce qui signifie textuellement « venant de l’esprit de la Fātia ». La
Beyrouth, Ibn ‘Arabī déclare que ces vers lui ont été dictés « par
et de la réflexion ».
II. « Notre père » désigne Adam qui, selon les termes du Coran, a été
« oublieux » du pacte qui le liait à son Créateur : « Toi, Adam, ainsi que ton
pas de cet arbre : vous seriez des iniques » (7, 19) ; « Auparavant, Nous
avons accordé à Adam un pacte, mais il l’oublia » (20, 115, trad. Jacques
Berque). Il est intéressant de noter qu’en islam, Dieu n’est jamais qualifié de
« enfants de Dieu » mais Ses « créatures » ; ils sont en revanche les « fils
dans les Noms divins les plus évoqués par le fidèle, dans la formule bi-smi
Llāhi l-ra ḥmāni l-ra ḥīm, généralement traduite par « au nom de Dieu, le
suggéré que le Divin est à la fois masculin et féminin. L’idée que la gloire de
Dieu précède la création même de l’univers est semblable à celle qui donne
prophète avant qu’Adam ne soit entre l’eau et l’argile. » Il ne s’agit pas bien
ḍ
39
fut, je suis . » Le poète mystique Ibn al-Fāri (1181-1235), presque
contemporain d’Ibn ‘Arabī, exprime ce thème au début de son poème « Ode
évoquant le Bien-Aimé, nous bûmes un vin dont l’ivresse perdure, qui nous
40
enivre avant même que ne soient créées les vignes . »
III. Ibn ‘Arabī suit ici, en des termes sensiblement différents, le verset 5
de la Fāti ḥa : « C’est Toi que nous adorons, Toi de qui le secours
ḥarrara (dont
41
vice, défaut » . Notons également que l’un des sens du verbe
ḥrīr)
42
dérive le nom verbal ta est « consacrer à Dieu et à Son culte » ,
VI. Ici encore, Ibn ‘Arabī reprend, en des termes différents, et développe
VIII. « Je n’ai rien ignoré d’elle, sinon ses heures » évoque la Fāti ḥa,
récitée dix-sept fois par jour au cours des cinq prières quotidiennes de
soleil. Ibn ‘Arabī les « ignore » peut-être dans la mesure où, pour un
bouclier contre les forces du mal. Sans sa protection, le fidèle peut devenir la
cible de ses démons… Par ailleurs, l’allusion évidente à la sourate 114
[…] contre le mal du tentateur perfide, qui chuchote dans la poitrine des
difficilement ! Qui sait si “Seigneur des hommes” n’est pas placé ainsi, par
hommes
43
. » Le premier vers du poème, ouvrant sur le verset 2 de la Fāti ḥa
et finissant par le mot al-nās, « les hommes », reproduit en lui-même le
I
serez endurants .
II
essence en cette demeure , jusqu’à ce que
patients.
Dieu voila leur regard sur un ordre pour lequel
III
ils furent créés , afin qu’advienne ce que le
IV
Destin apporte .
V VI
eux, en eux et ils n’en furent pas conscients .
II. Selon le verset coranique : « Et Il est avec vous où que vous soyez »
(57, 4). Pour les mystiques, on ne peut attribuer véritablement l’être qu’à la
soit exalté – n’était pas, par Son Essence même qui est l’être de tout ce qui
l’imagination, ni par l’intellect. […] Mieux encore : Il est leur être même
44
[…]. Il est l’Être pur par lequel ce qui est est . »
malheur ne s’abat sur la terre ou sur vos propres personnes qui ne figure
déjà dans un Livre, avant même que Nous le fassions survenir » (57, 22,
présente dans la Connaissance divine. Ces entités (ou prototypes) sont elles-
mêmes expression des Noms divins, qui peuvent être des Noms de Beauté et
veut pour Ses serviteurs ce que Sa science lui apprend à leur sujet de toute
qu’une épreuve pour vous » (Coran 8, 28 ; 64, 15) ; « On a enjolivé aux gens
l’amour des choses qu’ils désirent : femmes, enfants, trésors thésaurisés d’or
jouissance pour la vie présente » (3, 14, trad. éd. du Roi Fahd).
ne dirent mot ». Mais cela semble peu logique dans le contexte et nous
qui le suit.
I
État après état , en elle ils le contemplent, se
succède.
II
Et certes, par mon mystère contenant Sa Vérité ,
III
nous, pas autre que le soleil .
IV
Pour moi, mon Seigneur se mit à l’œuvre et
V
issue de vous , afin que vos âmes puisent en
VII
douceur de la rosée matinale .
la dévoiler.
termes dans les six premiers versets : « Par le soleil en son premier éclat,
par la lune quand elle prend sa suite, par l’illumination du jour, par la nuit
quand elle l’occulte, par le ciel et ce qui l’a construit, par la terre et ce qui
miroir dans lequel le Divin se reflétera. Quant à l’âme, elle est « le voile et
son instabilité, opposé à la station spirituelle (maqām), qui est stable. Les
états que traversent les mystiques et aspirants peuvent ainsi être comparés
aux différentes phases de la lune. La lune est aussi le symbole du disciple
peut exister en tant que tel sans Sa créature. « C’est pourquoi, écrit Henry
Corbin, il est impossible que l’Être divin se sépare (et absurde que nous Le
‘Arabī] a dit à ce propos : “N’eût été Lui, n’eût été nous, ce qui est ne serait
pas.” Autrement dit : sans Dieu, la créature ne serait pas existenciée et sans
50
la créature, Dieu ne serait pas manifesté . » Le mot wujūd, qui apparaît
symétriquement dans les deux hémistiches, peut prendre le sens d’« être »
ou d’« existence ». Notre traduction par l’un et l’autre termes exprime une
différence ontologique : l’Être absolu n’appartient qu’à Dieu, par qui les
de Beyrouth donne wa-mā humu siwāhā, « ils ne sont pas autres », au lieu
de wa-mā huwa siwāhā, « il n’est pas autre ». Cette variante s’explique par
interprétation.
(trad. éd. du Roi Fahd) ou « Un jour de vous Nous aurons cure » (trad.
Jacques Berque). Il est significatif qu’Ibn ‘Arabī ait ainsi fait allusion à un
VI. Une autre version présente yulmi ḥu, « Il fait briller », au lieu de
yul ḥimu, « Il tisse » (site Poetsgate). Cette alternative est d’autant plus
séduisante que la racine SDY peut prendre, outre le sens de « trame d’un
52
tissu », celui de « rosée de nuit » et « bienfait, faveur » . Ainsi la traduction
émanant de Lui, car je sus qu’elle leur était telle une rosée nocturne. »
Cependant, la racine ‘DHB fait partie des a ḍdād (sing. ḍidd, « antonyme »),
ces nombreux mots arabes qui peuvent prendre deux sens contraires. Ainsi,
Bien que ce sens ne soit pas authentifié par les dictionnaires, notamment le
Lisān al-‘arab, il nous paraît nécessaire de puiser dans cette polysémie pour
L’étoile brûlante
I
à celui qui vient tendre l’oreille vers la Parole .
II
transforme son Occident en Orient .
III
Dieu le préserve des envieux et du mal tout
miséricordieux, compatissant ?
décline… », l’allusion aux djinns écoutant aux portes du ciel, protégées par
secret » céleste, aussitôt poursuivi par une « flamme éblouissante » (15, 18,
ce vers : « l’étoile brûlante, de son zénith, fondit sur celui qui venait dérober
de Dieu […] qui est jugée admissible par celui qui connaît la langue en
laquelle cette Parole s’est exprimée représente ce que Dieu a voulu dire à
signifie à la fois « tomber de haut, s’abattre sur » (se disant par exemple
d’un oiseau de proie) et, pour une étoile, « décliner, se coucher » mais aussi
55
« se lever, paraître » . L’étoile du poème est-elle ce météore punitif qui
l’aube naissante, […] contre le mal de l’envieux quand il envie » (trad. éd.
du Roi Fahd).
12
I
1 Éminente est la gloire de mon Seigneur loin
II
Ceci m’appartient et en vérité, si grandiose et
III
adorateurs .
IV
être parfaitement droit mais il n’en existe pas
V
témoin .
VI
5 Certains s’élèvent et la création est Vérité ,
la poussière ?
VII
d’atteinte , Le rechercher davantage pour nous
VIII
L’abaisse .
Car Il est incontestablement parfait, aussi se
lointain.
XI
ma générosité ?
X
propre essence. Je m’exclame : « C’est moi ! »,
XI
Il répond : « Mon Être le refuse . »
II. On peut voir ici une allusion au ḥadīth : « J’ai partagé la prière en
chaque verset reçoit l’écho d’un répons divin et dans la méditation d’Ibn
sublime qu’Il ne peut Lui être associé des adorateurs ». Mais comment ne
pas y percevoir une contradiction avec ce qui précède, l’« appel » de Dieu ?
Dans la doctrine d’Ibn ‘Arabī, la création est théophanie perpétuelle,
émanation du souffle divin dans Son désir à être connu (suivant le célèbre
ḥadīth : « J’étais un trésor caché et J’ai aimé à être connu. Alors J’ai créé
les créatures afin d’être connu par elles »), acte d’amour d’un Dieu
chaque lecteur.
IV. Rashīd a le sens de « qui suit le sentier droit, droit dans sa conduite,
qui dirige les autres sur un sentier droit ». Significativement, Al-Rashīd est
l’un des quatre-vingt-dix-neuf Noms divins en islam : « Celui qui dirige vers
la voie du salut ».
islam : « Je témoigne qu’il n’y a de Dieu que Dieu et que Mu ḥammad est
quand ton Seigneur tira une descendance des fils d’Adam et les fit témoigner
sur eux-mêmes : “Ne suis-Je pas votre Seigneur ?” ils répondirent : “Mais si,
nous en témoignons…” » (7, 172, trad. éd. du Roi Fahd). Le mot shahīd, de
« l’Omniscient ».
VI. Al-khalqu ḥaqq, « la création est une vérité, une certitude », évoque
Cependant, Al- Ḥaqq (le Vrai) est un Nom divin et ḥaqq/khalq font partie
manifestation, en quelque sorte les deux faces d’une même Réalité qui
« lier avec des entraves, empêcher, entraver » en rapport avec Dieu. Le sens
61
de « défendre, interdire » nous est suggéré par le contexte.
Dieu te transcende, la Loi sacrée te dit cependant qu’Il est à portée de main
Défenseur suprême.
I
Coran .
rang éminent.
II
Coran, et de la côte recourbée .
IV
votre quiétude s’évanouit .
V
Car sa mère n’est autre que la Nature et elle est
VI
ressuscita les morts .
VII
Le Miséricordieux fortifia par l’Esprit l’âme
unique.
ṭ
Ta‘ajjabtu min unthā (Dīwān, p. 155), mètre al- awīl.
est une injonction adressée aux épouses en faute : « Si toutes deux vous vous
repentez en Dieu, c’est que votre cœur incline au bien. Si vous faites front
juste parmi les croyants, et de plus, les anges prennent son parti » (66, 4,
alors leur puissance et tu sauras quel rang prépondérant elles occupent ! Une
des anges – opposée à deux femmes pour soutenir l’Envoyé de Dieu – sur
estompe tout ce qui est concevable… Combien de fois notre Maître [Ibn
‘Arabī] a-t-il évoqué ce verset avec admiration dans les Futū ḥāt, sans
64
toutefois en dévoiler le secret ? »
II. Min al-nafs, « à partir de l’âme », fait référence à la mention allusive
qui ont exploité parfois des sources bibliques pour éclaircir certains versets
III. Pour ṭalāqun bihi tublā deux lectures sont possibles : « un divorce
IV. Les vers 5-7 reprennent presque mot pour mot une tradition
prophétique : « Traitez bien les femmes, car la femme a été créée à partir
d’une côte courbe, et c’est la partie la plus haute qui est la plus courbe, au
point que si vous essayez de la redresser, elle casse, tandis que si vous la
66
laissez intacte, elle reste courbe ; alors traitez bien les femmes . » Si ce
adopte au contraire une position peu commune à son époque, affirmant que
rang éminent » aux côtés de Jésus, prophète et saint très vénéré en islam,
tout particulièrement par Ibn ‘Arabī qui a trouvé en lui son premier guide
69
spirituel .
Créateur. « En elle-même invisible, écrit Jean Annestay, elle porte toutes les
choses qui, sans elle, ne pourraient être existenciées… La Nature est alors le
domaine où s’impriment les traces du monde d’en haut. Elle est donc
réceptivité […] elle est “la matière à jamais invisible qui permet à tout ce
la vision d’Ibn ‘Arabī, toute créature reçoit la mesure et la limite de son être,
prédéterminées par le « décret de Dieu sur la chose selon ce qu’Il sait d’elle
71
et en elle ». L’image de la « côte courbe » peut devenir symbole d’une
forgeron ne leur garde pas leur droiture ? Réponse du père : Parce que ces
barres ne rempliront leur fonction qu’en ayant cette forme. Lorsque vous
contemplez les côtes de votre cage thoracique, vous vous rendez compte
des poumons qu’avec leur forme courbe, elles penchent avec affection sur
les deux organes les plus importants dans votre corps, comme si elles
propos de tous les hommes, quand il déclare : « Tout dans la création est sur
une voie droite » mais ajoute : « La droiture d’un arc est sa courbure. »
VI. La comparaison de la femme avec Jésus peut être éclairée en
‘Arabī. Pour lui, les principes masculin (agent actif) et féminin (pôle
réceptif) traversent la création à tous les degrés et sont présents dans chaque
devient créative sous l’action fécondante de l’agent actif, que ce soit au plan
« avec la permission de Dieu » (3, 49). Ainsi la femme, dans son degré
74
ontologique, peut-elle transmettre la vie . L’émir Abd el-Kader nous livre
n’est autre que le degré des possibles. Or, ce degré est d’un rang admirable
I
ténèbres de la nuit .
Unité et l’éthique.
pas rapide,
miséricorde au crépuscule.
l’aurore.
II
Et le mystère s’opacifie dans l’abîme partout où
convoitise et l’attachement.
IV
suivent un ordre harmonieux .
V
l’aube est opposée au crépuscule .
VI
divisés .
VII
divergent sur la fatalité et la liberté .
ṭ
mètre al-basī .
I. Les sept premiers vers du poème semblent développer le célèbre
« Dieu, lumière des cieux et de la terre. Sa lumière serait telle une niche où
se trouve une lampe, la lampe logée dans un cylindre de verre. Celui-ci tel
que nul feu ne l’a effleurée. Lumière sur Lumière » (24, 35, trad. Youssef
verset 97 de la sourate 6 : « Il est Celui qui a mis en place les étoiles afin
76
que par elles vous vous guidiez dans les ténèbres de la terre et de la mer . »
hamza finale, il est donc possible de lire hawwā’ ( )هّو اء, le « mystère que
)هّو اءة,
77
l’on ne saurait contempler » , qui rappelle aussi le mot hawwā’a (
aux « sept cieux » : « Celui qui a créé sept cieux superposés » (67, 3, trad.
éd. du Roi Fahd ; voir aussi 71, 15). D’où la définition de Kazimirski :
« voûtes de sphères célestes superposées les unes aux autres comme les
enveloppes de l’oignon
79
». Le mot ṭabaq peut prendre également le sens de
« couche superposée à une autre ». Or, ce vers hermétique ouvre la série de
sur une mer profonde. Une vague le couvre par-dessus lui, et par-dessus la
vague une nuée, des ténèbres par couches amoncelées » (trad. Jacques
Berque). « Ténèbres sur ténèbres » répondent ainsi à « lumière sur
lumière ».
Coran à travers plusieurs versets (notamment 2,12-14 ; 75, 36-39 ; 77, 18-
19). « Triple ténèbre » est une allusion directe à Coran 39, 6. Nous
été rendu aussi par « dans les ténèbres d’une triple membrane ». Il s’agirait
uns les autres, et cela jusque dans l’intimité d’une même personne […].
des nuits dont l’alternance fait succéder l’ombre à la lumière. [Sans cette
VI. L’Unicité divine est ici rappelée : il ne saurait y avoir une force des
veuille emprunte un chemin vers son Seigneur bien que vous ne vouliez que
(2, 286) ; « Le Vrai ne procède que de notre Seigneur. Que croie celui qui
veut, et que dénie celui qui veut » (18, 29, trad. Jacques Berque). Le Coran
dévoilée qu’aux seuls initiés. Ainsi l’exprime son disciple Abd el-Kader :
d’autre que les actes d’Allāh. […] Celui qui parvient à la véritable
connaissance de l’Unicité divine […], celui qui sait cela d’une science
l’imagination et sur la conjecture, celui-là sait que les créatures ne sont rien
d’autre que les réceptacles des actes, des paroles et des intentions que Dieu
crée en elles et sur lesquels elles sont sans pouvoir, même si d’autre part
81
Dieu les interpelle, leur impose des obligations, leur donne des ordres . »
e
acceptable à la justice divine ; l’école mu‘tazilite, apparue au XIII siècle, en
par Dieu. « En réalité, note Claude Addas, Ibn ‘Arabī ne rejette pas tant,
nous semble-t-il, les thèses des uns et des autres que le procédé intellectuel,
théorie : pour lui l’intellect (‘aql) ne peut conduire à une certitude décisive
et quiconque lui accorde une confiance excessive est par là même condamné
La fraîcheur de l’œil
I
1 La fraîcheur de l’œil n’est autre que moi-
II
même et l’amour est entre moi et Moi-même .
III
n’apparaîtrait qu’à Moi-même !
IV
que mon image et mon être .
VI
soutien .
VII
Heure .
de moi-même !
éprouver une fraîcheur (en parlant des yeux, lorsque, après avoir pleuré à
chaudes larmes par suite d’une peine, ils cessent de pleurer et que l’homme
cite le ḥadīth : « Une fraîcheur de mon œil a été placée dans la prière » ainsi
que le verset 17 de la sourate 32 « La Prosternation », inspiratrice du
poème : « Nulle âme ne peut connaître ce qui s’occulte pour eux comme
(taw ḥīd) et le Locuteur divin semble ici mêler Sa voix à celle du poète, ce
caché et J’ai aimé à être connu. Alors J’ai créé les créatures afin d’être
connu par elles.” Avec plus de fidélité encore envers la pensée d’Ibn ‘Arabī,
les êtres en étant connu par eux qui est le ressort de toute une dramaturgie
85
divine, d’une cosmogonie éternelle . »
celui qui unit la matière à la forme […]. [Le serviteur] n’existe que par son
Seigneur, mais sans son existence, Dieu ne saurait être les forces du
serviteur. Sans l’Être réel, il n’y aurait pas de serviteur ; mais, “dépouillé”
de Sa créature, Dieu ne se serait jamais manifesté. […] Dieu est tout à la
IV. Ibn ‘Arabī écrit dans les Fu ūs al- ṣ Ḥikam : « Il [Dieu] est donc ton
la manifestation des pouvoirs propres à chacun d’eux. Et tout cela n’est rien
87
d’autre que Lui ! »
différence mais aussi l’union, la liaison, l’amitié. Il fait partie des a ḍdād,
termes possédant deux significations contraires, une particularité de la
langue arabe dont la charge poétique révèle aussi une vérité métaphysique
imprègne le langage soufi. […] Ibn ‘Arabī l’exprime sans ambages : “En
Et lorsque Je l’aime, Je suis son ouïe par laquelle il entend, son regard par
lequel il voit, sa main par laquelle il saisit et son pied par lequel il
marche… »
VII. Commentant le ḥadīth : « Celui qui se connaît soi-même connaît son
Seigneur », Henry Corbin écrit : « L’authentique sagesse mystique, c’est
pour l’âme se connaître soi-même comme une théophanie, une forme propre
perçût
89
. » Comment ne pas rapprocher ce ḥadīth de la célèbre formule
l’introspection peut donner accès. Tout autre est la vision des mystiques,
pour qui la raison demeure un instrument limité, voire une entrave (selon
Il étend le pardon
I
châtiment et une renaissance universelle .
II
Miséricordieux ?
Ma Miséricorde embrasse toute chose » (7, 156) ; « Car Dieu pardonne tous
les péchés » (39, 53). Cette dernière sourate est inspiratrice du poème.
l’être. Voici par exemple ce qu’Adam lui déclare lorsqu’il le rencontre dans
le premier ciel, au cours de son ascension spirituelle : « Le bonheur dans la
vie future est perpétuel en dépit de la différence des séjours : car Dieu a
qu’il est, mais la Miséricorde y produira [pour les damnés] une félicité sans
note IV.
17
En Saba
I
1 Certes, en Saba il est pour nous un signe que
II
répondent : « L’Un . »
tu trouves
avant le corps,
III IV
Essence le Seigneur qui n’a pas engendré .
V
Car en vérité la Loi n’est autre que la voie. En
rien.
10 Quiconque saisit la signification de ce que
pondéré.
VI
Ainsi il en est fait mention en un point central
croyance.
appuis.
VII
accordée gonfle son orgueil , je lui réponds
mètre al-sarī’.
particulier de ce peuple qui, pour s’être montré ingrat malgré les signes de la
bonté divine, subit Son châtiment : « Oui, pour Saba résidait en ses
ils se dérobèrent, ainsi Nous déchaînâmes sur eux le flux de ‘Arim » (34,
er
I siècle apr. J.-C., la digue se rompit et les eaux ravagèrent les richesses du
91
pays . Rappelons que le mot āya signifie à la fois « signe », « miracle » et
« verset coranique ». Il serait donc possible de traduire également par « dans
verbale SB’, dans la forme IV, signifie « se faire docile, doux et soumis »
92
(Asba’a amra Llāh, « Il se soumit aux arrêts de Dieu sans murmurer »).
« Quand ensuite la frayeur se sera éloignée de leurs cœurs, ils diront : “Qu’a
dit votre Seigneur ?” Ils répondront : “La Vérité” » (trad. éd. du Roi Fahd).
III. Il est fait ici référence à l’épisode où Moïse, malgré sa proximité avec
Dieu, Lui demande de contempler Sa face, requête qui lui est refusée : « Tu
ne Me verras pas », car l’homme ne peut survivre à une telle vision. Mais
est pulvérisée, tandis que Moïse tombe foudroyé (Coran 7, 143). La même
IV. Lam yalid, « Il n’a pas engendré », cite le verset 3 de la sourate 112,
dont le premier vers proclame l’Unicité divine : « Dis : Il est Dieu, Il est
l’Un. »
V. Ibn ‘Arabī écrit dans les Futū ḥāt : « Dieu, en effet, n’a pas institué
« avenue ».
ṭ
pondération à travers ce même mot wasa , « milieu, centre, moyenne » :
ṭ
Ja‘alnākum ummatan wasa an, « Nous avons fait de vous une communauté
communauté de justes » (trad. éd. du Roi Fahd), « Nous avons fait de vous
Coran.
lire : « si quelqu’un me dit qu’une misère à nous infligée lui fait plier le
milieu…
18
Je me repens de Lui
I
suis entre Ses deux mains ,
II
De même que cherche refuge contre Lui et
IV
5 La rose de la pudeur sur ses joues et je
V
Il possède seul la perfection de l’être , lui qui
VI
est issu de Ses paumes ,
VII ?
deux jardins
VIII !
levants
IX
de Ses deux lieux de manifestation .
mètre al-mujtath.
I. Tāba min, « se repentir d’un péché », tāba ilā, « revenir à Dieu » : un
même verbe arabe exprime les deux mouvements et cette formulation n’en
paraît que plus paradoxale. Elle semble faire écho au verset 18 de la sourate
qu’il n’y avait pas de refuge contre Dieu qu’en Dieu Lui-même. C’est alors
que Dieu revint vers eux pour les amener au repentir. » Ce vers reflète (tout
‘Arabī. Rappelons que dans la spiritualité des Noms divins, synthétisés dans
divine tandis que les noms dits « de Majesté » sont effusion de Sa rigueur.
Ils sont symbolisés par les deux mains de Dieu dont la droite donne le Bien,
la gauche le Mal (voir également le poème 14, « Dieu illumine des cieux »,
commandé : « Dis : “Je cherche refuge auprès du Seigneur des hommes […]
hommes” » (114, 1 et 4-5, trad. éd. du Roi Fahd). Le commentaire d’Abd el-
faut pas pour autant faire du “tentateur” une sorte de contrepartie de Dieu
qui serait en quelque sorte Son contraire : cela reviendrait à Lui donner un
associé au sein de Son royaume. Que non ! Dieu nous commande de Lui
demander protection contre Lui-même car en vérité il n’est que Lui qui
puisse causer du tort ou être utile. […] Le tentateur n’est autre chose que la
manifestation du Nom divin “Celui qui égare” (Al-Mu ḍill) ; et Dieu ne nous
a-t-Il pas [dans de nombreux versets] interdit de craindre un autre que
96
Lui ? »
divine. C’est celle-là qu’éprouvent les gnostiques […] qui sont parvenus à la
soit exalté ! – sait aussi que Lui seul doit être craint puisque toutes les
choses, en ce monde et dans l’autre, ne sont rien de plus que Ses épiphanies
craignent que Lui et ils ne se prémunissent contre Allāh que par Allāh et
97
non par quoi que ce soit d’autre . »
traversant les siècles et les catégories sociales. Elle anime la piété populaire
proclame être une « miséricorde pour les mondes » (21, 107). Un autre
confondues. Ainsi Ibn ‘Arabī déclare : « Il a été envoyé vers tous les
hommes, selon ce que dit textuellement [le Livre]. Il [Dieu] n’a pas dit :
t’avons envoyé vers les hommes de ton époque et tous ceux à venir…” Il l’a
informé qu’Il l’avait envoyé vers tous les hommes. Or, “tous les hommes”
98
cela va d’Adam jusqu’au dernier . »
me glorifiez pas comme les chrétiens ont glorifié Jésus, fils de Marie. En
le messager d’Allāh. »
V. Comment cette « perfection » peut-elle être attribuée à celui dont le
« Dis : “Je ne suis qu’un homme comme vous…” » (18, 110 ; 41, 6) ? Ce
paradoxe peut concerner l’être humain en général qui, modelé d’une « argile
de boue croupie », est désigné par Dieu comme son « lieutenant sur la
terre », après qu’Il lui eût insufflé de Son esprit (2,30 ; 15, 28-29). Or, il
le désigne Ibn ‘Arabī, est incarné pour les mystiques de l’islam par la figure
du Prophète.
plus rare de « paume de la main » est attesté par le Lisān al-‘arab, tiré de
largement ».
VII. Pour mamman siwāhu, « qui d’autre sinon lui », nous lisons
mamman ( )مّم ن comme une contraction de man man ( )من من, « qui,
paradis (les autres créatures n’y entrant, si elles sont élues, qu’à la fin des
temps), Adam avant d’en être chassé pour descendre sur terre, Mu ḥammad
lors de son ascension céleste. Le récit coranique de cette expérience capitale
lire mumnin ( )ُمْم ٍن, participe passif de la forme IV de la racine verbale manā,
comme épithète d’Adam, et sawwāhu comme forme II de sawā, dont l’un
des sens est « créer, rendre accompli ». Ce vers pourrait alors être traduit
par « tel Adam qui n’a pas été engendré, Il le créa de Ses deux jardins »,
suivant le chant très célèbre avec lequel, selon la Tradition, Mu ḥammad fut
levée sur nous… » Dans la poésie arabe classique, la « pleine lune » désigne
sourate 55 : « Il est le Maître souverain des deux Orients et Il l’est aussi des
« occident », indiquant une direction dans l’espace), mais le mot ma la‘ qui ṭ
exprime le mouvement de lever des astres, tout comme dans l’ode d’accueil
au Prophète.
possibles…
19
II
noires et ce regard de houri me fit mourir
d’extase.
IV
dans la réalité sensible, ô mes yeux ?
V
5 Contemple sa grâce subtile et la splendeur de
VI
son apparence intimement , par la présence des
pensées,
VII
En vérité, elle est Jardin du refuge pour celui
VIII
qu’elle accueille, le Jardin d’éternité où la
IX
vision n’est plus voilée .
Elle est Jardin d’Éden où se trouvent la Dune
X
blanche et les formes qu’elle rassemble. »
XI
tandis que les gens du dévoilement les
musc suave.
de chants d’amour dans lequel Ibn ‘Arabī exprime ses visions mystiques à
100
travers le langage de la poésie lyrique courtoise . La beauté féminine
citée le rappelle : Dieu est un être beau qui aime la beauté. […] C’est d’une
beauté manifeste sous forme sensible cette Beauté qui est l’attribut divin par
excellence […]. C’est elle qui crée l’amour dans l’homme, éveille en lui la
II. La racine de ḥawar a notamment pour sens « être d’un noir et d’un
blanc bien prononcé de manière que l’un fasse mieux ressortir l’autre (se dit
102
des yeux dont la prunelle est ronde et d’un noir foncé) », dont dérive
l’expression coranique bi ḥūrin ‘īnin, évoquant les yeux des belles créatures
peuplant le Paradis, les houris (44, 54 ; 52, 20). Cette image apparaît déjà
dans la poésie antéislamique mais elle contient une évidente allusion
monde terrestre où les entités spirituelles prennent des formes sensibles afin
introduction. La suite du poème nous dira que cette « apparition » est bien
V. ṭ
Lu f signifie couramment « grâce, délicatesse » mais dans la pensée
ṭ
particulièrement attaché au terme la īfa (de la même racine L ṬF), utilisé à
plusieurs reprises par Ibn ‘Arabī dans ses commentaires du Turjumān al-
105
ashwāq .
VI. Bi-l-fā’i lā bi-ilā, littéralement « avec le fā’, non avec ilā », fā’ et ilā
étant des particules. Denis E. McAuley, sur la base d’un poème d’Ibn ‘Arabī
ḥadīth
106
énigmatique ferait allusion à un . En l’absence de référence précise,
âmes des gnostiques font retraite pendant les temps propices à l’éducation
107
spirituelle . »
Berque).
108
IX. Nous suivons McAuley dans son hypothèse de lire junna, « tout ce
109
qui couvre, abrite ou cache » au lieu de janna, « jardin », introduisant
ḥadīth
110
Résurrection . » Ce « lieu » paradisiaque est décrit dans un et Ibn
I
type turc , dont la lumière enveloppa mon
regard.
désir.
II
ne trouvai nulle trace à mon réveil .
III
annonce d’un réconfort qui ôterait de moi le
IV
voile de la misère et de la cécité .
V
de l’aléatoire .
VI
Certes, la Beauté soumet les âmes si bien que,
l’Homme.
VII
Il possède la perfection par l’infinie variété
VIII
grand par l’infinie petitesse qu’il contient .
IX
et d’une sphère et Son image transcende toutes
les formes.
112
Ra’aytu jāriya ṭ
, mètre al-basī .
I. Dans le monde arabe, les femmes turques sont réputées pour leur
pays.
II. Cette description sans détour d’un acte charnel peut surprendre.
e e
riche entre le VIII et le XII siècle (il suffit de penser aux Mille et Une Nuits,
dont les traductions ont souvent été très édulcorées) et que les plus grands
auteurs n’ont pas hésité à « appeler un chat un chat ». Par ailleurs, l’amour
charnel, pour Ibn ‘Arabī comme pour d’autres auteurs mystiques, est une
qu’en dit George Frigore : « “L’union de deux corps” est pour Ibn ‘Arabī la
sexuelle. Selon Sachito Murata (The Tao of Islam) le désir sexuel incarne, en
de l’Islam, le rêve revêt une grande importance car il est reconnu comme
ṭ
cette confusion est souligné par le mot kha ar qui signifie « péril, danger »
de la conserver.
VI. Qahr signifie « asservissement, contrainte ». Al-Qahhār,
VII. Le contexte nous pousse à lire ḥāza ()حاز, « posséder, prendre, avoir
exclusivement pour soi », au lieu de ḥāna ()حان, « approcher, arriver », que
donne le texte arabe publié par McAuley. Il est fort probable que le
qui pourrait être un ta ṣḥīf, une erreur de lecture due au copiste, qui
« l’Infiniment Grand », fasse partie des Noms divins, nous pensons qu’Ibn
dit : « Dieu a créé Adam selon Sa forme. » Comme tel, l’homme est le
également « prunelle de l’œil » car, déclare Ibn ‘Arabī, « il est par rapport à
Dieu ce que la pupille est par rapport à l’œil : c’est par lui que Dieu regarde
118
le monde et lui fait miséricorde » (voir le poème 15, « La fraîcheur de
l’infiniment petit.
éléments inférieurs et les sphères célestes » dont émanent les formes. Nous
que le verbe falaka signifie « être arrondi (seins), avoir le sein déjà
119
arrondi ») qui nous ramènent à la vision initiale du poème en lui donnant
une portée cosmologique. Pour Ibn ‘Arabī en effet, la création entière repose
I
vêtement de pudeur , entre la porte de la Maison
II
de Dieu et la Pierre noire .
III
parmi les humains .
regard ! »
IV
anime les formes . »
suivis.
J’embrassai avec vénération la trace de son pied
V
dans la terre, Ses filets qu’Il me tend et que je
lune.
VI
Ô beauté, tendre rameau qui s’élève tel le
yeux de jais.
121
Albastu jāriya (Dīwān, p. 56), mètre al-basī ṭ .
d’une autre pièce de tissu, transférant sur lui sa propre réalisation spirituelle.
Au-delà du lien unissant l’un l’autre, l’initié était ainsi rattaché à un lignage
122
remontant au Prophète ». Ibn ‘Arabī le décrit en ces termes : « Ce
prend le manteau qu’il porte au moment même où il réalise cet état spirituel,
qu’il fut investi de la baraka (influx spirituel) du grand maître soufi ‘Abd al-
parmi lesquels quatorze femmes, ainsi que l’atteste une série de poèmes au
début du Dīwān, dont celui-ci fait partie (ainsi que le suivant). « Dans la
plupart des cas, c’est pendant son sommeil qu’Ibn ‘Arabī s’est vu investir
ces femmes de la khirqa. Il précise : “Ici s’arrête ce qui s’est passé dans le
imaginal qui, rappelons-le, est pour les mystiques tout aussi réel que
l’univers visible.
son fils Ismaël (2, 127 ; 22, 26). Selon la légende, la Pierre noire enchâssée
noire, lui déclara : « Je sais que tu n’es qu’une pierre qui ne peut faire ni mal
(voir notre introduction) que lui apparaît le « jeune héros évanescent » (fatā)
qui lui insufflera en une vision toute la somme mystique que constituent Les
l’être duquel Ibn Arabī puise les connaissances qu’il va consigner dans son
livre est une épiphanie du Locuteur divin. Que cette épiphanie revête la
forme d’un homme peut surprendre et même scandaliser ceux chez qui la
miracle de Jésus qui, grâce au Souffle divin, donne vie à la figure d’argile :
souffle dedans et par la permission d’Allāh, cela devient un oiseau » (3, 49,
« tendre les filets, prendre au filet ». Mais il est tout aussi possible de lire
ḥubban lahu, « par amour pour lui », la traduction de ce vers serait alors :
« j’embrassai avec vénération la trace de son pied dans la terre, par amour
pour Lui mais prudent à Son égard ». Nous avons choisi de conserver
métaphore, une jeune femme à la taille souple. Le ton de ce poème n’est pas
e e
sans rappeler le poète ‘Umar Ibn Abī Rabī‘a (VII -VIII siècle), célèbre pour
ses poèmes d’amour teintés d’un libertinage raffiné. Il était connu pour ses
conquêtes galantes lors du pèlerinage de La Mecque. L’exaltation de la
excellence le médium par lequel cette Beauté incréée se révèle et exerce son
activité créatrice. De ce point de vue, elle est le focus des théophanies et,
Lorsqu’elle le revêtit
I
1 Lorsqu’elle le revêtit , elle glorifia Dieu :
II
« Dieu, qu’Il soit exalté, me suffit ! »
III
l’on savoure .
a déjà pardonné.
IV
trouverez dans la promesse tenue .
mètre al-ramal.
II. Ḥasbiya Llāh, « Dieu me suffit », est une citation coranique (9, 129 ;
39, 38).
vécue physiquement. Qu’il s’agisse ou non d’un rêve importe peu. Il faut
« L’Amant divin est Esprit sans corps ; l’amant physique pur et simple est un
ῑ
esprit et corps. » Citant Ibn ‘Arab , Henry Corbin ajoute : « La dialectique
expressément rappelé que l’on ne peut adorer ni aimer un Dieu que “l’on ne
128
voit pas”) . »
contempler (et adorer) Dieu si ce n’est dans une forme sensible qui Le
m’a été donné d’en aimer trois : le parfum, les femmes et la prière, fraîcheur
de mes yeux. » Méditant ce ḥadīth, Ibn ‘Arabī écrit : « Dieu ne peut être
‘Arabī souligne le fait que l’acte charnel est le seul moment où l’individu
après l’acte charnel (prescription avant toute prière en islam) afin de lui
130
rappeler que c’est en Lui qu’il doit s’anéantir et non dans un être de chair .
spirituel terrestre fut une femme alors âgée de plus de quatre-vingt-dix ans,
ṭ
Fā ima bint al-Muthannā, qui pourtant lui apparaissait si belle, si douce,
telle une jeune fille de quatorze ans qu’il n’osait à peine regarder sans rougir.
d’une union nuptiale, vécue ici dans le monde imaginal des visions en
131
rêve . L’une et l’autre réalisent au plan du microcosme la fusion créatrice
d’un pôle masculin et d’un pôle féminin, présente à tous les niveaux de
l’univers manifesté, jusque dans le Nom divin Al-Ra ḥmān qui, rappelons-le,
contient à la fois l’idée de miséricorde (d’où la traduction commune « le
Si Tu te manifestais à moi
I
regard en la plus belle des formes .
humains.
IV
et mon ouïe .
l’égarement.
V
Tout être lié par un pacte est en danger par
crainte.
Tradition.
VII
Sa trace .
ṭ
mètre al-basī .
dit : “Dieu est beau et Il aime la beauté.” Or c’est Lui qui a fait le monde et
l’a existencié. L’univers tout entier est donc suprêmement beau. Il n’y a en
lui nulle laideur. Bien au contraire, Dieu y a réuni toute perfection et toute
beauté […]. Car Dieu est Celui qui s’épiphanise en toute face, Celui à qui
tout signe renvoie, Celui que tout œil regarde, Celui qu’on adore en tout
adoré […]. L’univers entier Lui adresse sa prière, se prosterne devant Lui et
célèbre Sa louange. C’est de Lui seul que les langues parlent et c’est Lui
132
seul que les cœurs désirent . »
II. Sur les mots dhāt « essence », et ṣifa, « attribut, qualité », Abdallah
verbe créateur, auquel il est fait référence dans le Coran à huit reprises, par
(« Lorsqu’Il décrète qu’une chose doit être, Il lui suffit de dire : “Sois !” et
134
elle est », trad. Mohammed Chiadmi) .
Je suis son ouïe par laquelle il entend, son regard par lequel il voit… » Voir
Dieu vous a accordés et le Pacte qu’Il a conclu avec vous » (Coran 5,7) ;
« Et lorsque ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d’Adam et
qu’Il les fit témoigner à l’encontre d’eux-mêmes : “Ne suis-Je pas votre
VI. Les mots sīf « rivage » et sayf « sabre » sont issus de la même racine
verbale SYF qui signifie « porter un coup de sabre ». La ligne du rivage est
œuvre, Ibn ‘Arabī décrit le Coran comme un « océan sans rivage » pour
employant un synonyme de sīf, le mot sā ḥil (ba ḥrun bilā sā ḥil). Une image
carmel : « Ô mon Jésus, l’âme qui se plonge dans l’océan sans rivage de
137
votre amour attire avec elle tous les trésors qu’elle possède … » Cette
terme a une référence coranique, par exemple en 30, 50 : « Ainsi donc, suis
leurs avances aussi bien que leurs traces » (trad. Jacques Berque). « Les
créatures, souligne Abdallah Penot, qu’il s’agisse aussi bien des choses, des
formes,
I
travers Lui . Alors envole-toi sur mes traces !
II III
manifestation , tu Le verras dans chaque signe
IV
Dans chaque signe de Son immanence et
gnose.
V
avertissements et incitations à la prudence ,
du jour et à l’aube.
VI
jour, car Il est le Temps . Alors médite et
instruis-toi !
VIII
tapis de la voie droite
IX
Au moment de l’anéantissement en Lui, car Il
X
était descendu en moi vers le ciel où Il
du jour.
XI
traces .
XII
péril extrême .
J’avais été distrait de Lui par Lui, car Il m’avait
des formes.
XIII
Ne sait-Il pas que je suis dans la dualité alors
jeune âge ?
XIV XV
nous quel que soit notre rang , dans le désert
ou dans la cité.
140
Lammā shahadtu (Dīwān, p. 77), mètre al-basī ṭ .
Seigneur, agréante et agréée » (89, 27) et « Entre en Mon Paradis » (89, 29),
il est enjoint à l’âme de retourner, c’est le Seigneur sien, celui dont elle
Mon Paradis”, ce Paradis qui n’est autre que Toi, c’est-à-dire la forme divine
cachée dans ton être, l’Image primordiale secrète dans laquelle Il se connaît
en toi et par toi, celle qu’il te faut contempler pour réaliser que “celui qui se
141
connaît soi-même connaît son Seigneur” . » Voir aussi les poèmes 15,
note I.
II. Athar, « trace », et manzil (pl. manāzil), traduit ici par « lieu de
présence divine. L’univers entier est ainsi perçu comme un grand livre.
Abd el-Kader écrit : « S’ils [les croyants] sont incapables de voir Dieu dans
transcendance divine telle que la conçoivent leurs intellects sans que cette
transcendance soit chez eux mitigée par l’immanence dont elle est
inséparable dans la Loi sacrée. Ils n’ont pas su qu’Allāh est infiniment
même où […] Il se manifeste dans les formes et est donc appréhendé par
143
tous les sens, perçu par tout organe de perception, interne ou externe . »
au « verset clair » dans le vers 4 peut être une allusion au verset 7 de cette
sourate, qui contient effectivement une mise en garde : « C’est Lui qui t’a
et du jour, il y a certes des signes pour les doués d’intelligence qui, debout,
assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Allāh et méditent sur la création
des cieux et de la terre [disant] : “Notre Seigneur ! Tu n’as pas créé cela en
« Dieu a dit : “Le fils d’Adam Me contrarie ; il injurie le temps, alors que
n’avons à nous que cette vie d’ici-bas, pour vivre et mourir. Seul le temps
mystique du pèlerin sur la voie. Elle s’appuie sur le voyage nocturne (isrā’)
trône divin. Ce voyage, vécu physiquement par le Prophète, est pour les
IX. Nous lisons ici ‘inda l-tafānī bihi ( )عند التفاني به, « au moment de
( )عند التفاتي به que McAuley traduit par « lorsque je me tournai vers Lui ».
disciplines spirituelles […] et franchit les cieux et les sphères, […] Dieu
descend vers lui à sa rencontre dans chacune des mansions qu’il occupe
147
successivement et lui donne selon Son bon vouloir . »
n’est qu’une partie du voyage ; à moins qu’il ne soit d’entre les wāqifūn,
qui est renvoyé pour lui-même, pour se parfaire par une autre voie, et il y a
celui qui est renvoyé pour diriger et guider les créatures par sa parole. De
cet hémistiche peut recevoir une tout autre interprétation et exprimer une
voilà à ma droite, cherchant mes traces ». Cette lecture est également celle
149
de McAuley .
tout, pour le mystique, d’une exploration de son être propre : « Tout être
doué d’intellect, assure Ibn ‘Arabī, doit savoir que le voyage implique
peut nommer et, en ce sens, Celui dont l’Essence échappe à toute forme,
alors même qu’Il est présent dans chaque forme. Pour le pèlerin mystique, Il
Divin et peut être victime d’une illusion forgée par sa propre âme.
Le contexte nous suggère d’y voir l’illusion, pour les créatures, de croire en
n’y a pas, d’une part, une Essence divine et, d’autre part, des essences
[…]. Il n’y a rien d’autre que l’Essence divine. C’est elle qui est l’essence
des créatures. […] Nous sommes Son essence en tant qu’Il se manifeste par
nous. Car Il ne se manifeste que par nous, bien que nous soyons pur
151
néant . »
XIV. Allusion à Coran 57, 4 : « Il est avec vous où que vous soyez. »
XV. ‘Alā makānatinā, « quel que soit notre rang », renvoie à l’expression
135 ; 11, 93 et 121 ; 39, 39) traduites par « selon votre méthode », « à votre
niveau », « sur votre mode »… Il est ainsi possible de lire : « Il est avec vous
selon votre rang » ou « selon vos capacités ». Cette lecture trouve un écho
dans un texte d’Abd el-Kader qui commente le verset cité dans la note
précédente : « Il est l’Être pur par lequel ce qui est est. L’“être avec” d’Allāh
consiste donc dans le fait qu’Il est avec nous par Son Essence, c’est-à-dire
par ce qu’on désigne comme le Soi divin […]. Il y a d’autre part pour Allāh
une manière spéciale d’“être avec” l’élite des simples croyants […]. Il s’agit
une manière particulière d’“être avec” l’élite de l’élite, c’est-à-dire avec les
152
envoyés, les prophètes et leurs héritiers spirituels … »
25
I
1 Mes amis , ne vous empressez pas et taisez
II
moi quand je me tournais vers ma qibla .
III
constitue .
IV
confirma mon pélerinage .
V
l’éloignement, or Il n’appartient pas aux miens ,
Il s’oppose à moi et à mon harmonie avec Lui,
marque cependant une intimité qui ne se trouve pas dans le terme ṣāhib
traditionnellement employé, annonçant une révélation sur le ton de la
confidence.
tourne son cœur vers son Seigneur, dans la quête d’une rencontre intime
III. Écho au vers d’Al- Ḥallāj : « Ô tout de mon tout, ô mon ouïe et ma
153
vue, ô ma totalité, ma composition et mes parts ! »
du pèlerinage intérieur. Ainsi Al- Ḥallāj déclara dans l’un de ses poèmes :
« Il est des hommes qui processionnent mais non avec leur corps. Ils
154
processionnent autour de Dieu, qui les a dispensés d’aller au sanctuaire »
– ces propos firent partie des chefs d’accusation qui conduisirent à sa mise à
Ka‘ba, ainsi Ibn ‘Arabī écrit lui-même dans l’un de ses plus célèbres
que Mon serviteur se fait de moi », l’émir Abd el-Kader développe en ces
termes la pensée de son maître spirituel : « Dieu n’est pas contenu dans une
que dit quiconque parle de Lui et ce que croit tout croyant. Tout ce qui te
vient à l’esprit au sujet d’Allāh, […] sache qu’Il est cela et qu’Il est autre
que cela ! […] Aucune de Ses créatures ne L’adore sous tous Ses aspects ;
aucune ne Lui est infidèle sous tous Ses aspects. Nul ne Le connaît sous tous
155
Ses aspects ; nul ne L’ignore sous tous Ses aspects . »
26
I
l’Alif Il t’offrit Son image dans toute harmonie.
II
finissent par retourner à l’Alif .
III
alors arrête-toi et espère !
non dévoilé.
IV
donc et ne t’arrête pas !
V
comme une grâce qu’à celui qui possède la
connaissance.
VI
à lui que celui qui sait tout accueillir ,
VII
proximité .
I. ا
Alīf ( ), première lettre de l’alphabet arabe, « comparable dans sa
Dieu et Son unicité. L’alīf prend ainsi une valeur d’archétype pour
l’alphabet entier dont elle est le commencement et c’est ainsi qu’elle est
racine est encore déclinée dans les vers 1 et 2 avec sa forme VIII mu’talif,
d’implications métaphysiques.
d’un nombre précis de sphères célestes parmi toutes celles qui se meuvent
sphères, en même temps qu’elle engendre les lettres, accouple les qualités
159
physiques ».
160
contraire d’« espérer » . Cette lecture s’inscrit dans le ton général du
poème.
Vache » : « Satan vous promet la misère, vous enjoint l’opprobre. Dieu vous
e
Iblīs/Satan et un célèbre soufi du IX siècle, Sahl b. ‘Abdallah al-Tustarī :
« La dernière chose qu’Iblīs déclara à Sahl, raconte Ibn ‘Arabī, fut celle-ci :
Dieu a dit : “Ma miséricorde embrasse toute chose”, ce qui est une
affirmation de portée générale. Or, il ne t’échappe pas que je suis une de ces
‘Arabī, toujours dans une rigoureuse fidélité au texte sacré, affirme que
‘Arabī accepte sans réserve le sens explicite des versets qui annoncent un
séjour, provisoire ou éternel selon le cas, des pécheurs et des mécréants dans
la géhenne, commente Michel Chodkiewicz. Mais l’éternité du séjour
n’entraîne pas celle de la peine, qui ne saurait être éternelle sans que résulte
163
Allāh, « faveur inattendue et grâce de Dieu » .
VI. Le sens commun de la racine verbale ġarafa est « puiser (de l’eau,
etc.) avec la main ou avec quelque autre ustensile creux ». Ġuraf, pluriel de
ġurfa, « chambre, pièce », peut désigner aussi une grande mesure de grains.
non parce qu’ils seraient exempts de tout péché (comme le Prophète) mais
parce que tout péché leur est par avance pardonné devant la justice divine,
164
tout en demeurant soumis aux peines légales de ce monde . Dans les
Futū ḥāt, Ibn ‘Arabī évoque les « voiles » du pardon divin (selon
l’étymologie de la racine ĠFR, « couvrir, cacher » et de là « pardonner ») :
fermement que cet acte est une désobéissance », le voile « qui recouvre le
croyant dans ce bas monde et grâce auquel il ne passe pas outre aux limites
celui « qui le recouvrira dans sa vie future et le préservera d’être châtié pour
165
sa faute ». Ce dernier voile constitue l’« excuse » divine.
27
Contemple le Vrai
(Poème de l’alif )
I
dissidences apparentes , s’il veut me rendre
justice,
II
parle à travers nous . Tout s’interpénètre,
allusions.
III
comme l’eau elle prend les couleurs du verre .
V
remède ?
VI
mal ?
ẓ
Un ur ilā l- ḥaqq (Dīwān, p. 205) mètre al-basīṭ.
Liminaire », la Fāti ḥa, est le nom Allāh, dont la première lettre est l’alif ()ا.
Ce poème introduit aussi, avec la lettre alif, le cycle des poèmes dédiés aux
poésie arabe, la rime porte sur la dernière lettre de chaque vers, qui doit être
identique pour l’ensemble du poème). Cette forme poétique n’est pas une
création d’Ibn ‘Arabī, elle semble être apparue d’abord en Andalousie vers
e e e
le XI siècle et connut une certaine vogue au cours des XII et XIII siècles.
166
Cependant, elle prend chez Ibn ‘Arabī toute sa portée métaphysique . Le
rayonnante »), figure sacrée car nombre triangulaire du chiffre 4, somme des
sur les dix doigts de la main, le système décimal inventé dès le troisième
millénaire avant notre ère est par ailleurs commun à de nombreuses cultures.
mystique Man ūr al- ṣ Ḥallāj, dont le propos extatique : Anā l-Ḥaqq, « Je suis
le Vrai », c’est-à-dire : « Je suis Dieu », lui valut sa condamnation à mort et
167
son exécution en 922, après un procès de neuf ans .
attaques dont les écrits d’Ibn ‘Arabī ont fait l’objet dès son vivant de la part
qui nous a semblé également intéressante car elle reflète les oppositions qui
Ḥallāj : « Son esprit est mon esprit et mon esprit Son esprit ; qu’Il veuille, et
170
je veux ; que je veuille, Il veut . »
grand maître soufi Al-Junayd (mort en 911), dont Ḥallāj fut un temps le
disciple : Lawn al-mā’ lawn al-inā’, « La couleur de l’eau est celle de son
récipient ». Maintes fois citée, cette phrase a connu de multiples
travers toutes les religions historiques. Ainsi, Dieu est présent en toute
comme l’eau, n’a pas de couleur, Il ne peut donc apparaître que dans la
forme de celui qui Le connaît et qui est comme Son “récipient”. […] Si, du
point de vue de la Réalité essentielle, toutes les formes du monde sont les
IV. Autrement dit, par notre forme humaine, nous sommes existenciés
même temps nous sépare, nous éloigne de Dieu, elle est un carcan que l’âme
c’est dans la mort que se trouve ma vie, et c’est dans la vie qu’est ma
172
mort ! »
mon mal engendre tous les maux ? » car adwā’ est bien le pluriel de dā’,
humaine sont imposées par Celui-là même qui nous a donné la vie, entre les
ṣ
10 de la qa īda 1 : « On me dit : “Guéris-t’en par Lui !” Mais je dis : “Se
guérit-on d’un mal par ce mal ?”
173
» Ḥallāj lui-même s’est peut-être inspiré
du grand poète bachique Abū Nuwās (mort en 815) qui, à celui qui lui
VII. Selon McAuley, les lettres bā’ ( )بet lām ( )لseraient une allusion à
la distinction faite chez les soufis entre « gens du bā’», qui louent Dieu à
travers Dieu (bi-Llāh), conscients que leurs louanges leur sont permises par
à Dieu (li-Llāh), c’est-à-dire que c’est Lui qui se loue Lui-même à travers
175
Ses adorateurs . Cette dernière catégorie de mystiques est considérée
comme la plus élevée. Dans un poème ouvrant un cycle dédié aux lettres de
pour les chrétiens Dieu s’est fait homme, pour les musulmans Dieu s’est fait
Livre. Le Coran tout entier mais aussi chacune de ses sourates, chacun de
ses versets, voire chacun des mots qui le constituent peuvent être perçus
comme une présence divine dans le monde. Par ailleurs, les spirituels
musulmans ont vu l’univers tout entier comme un grand livre existencié par
le Verbe divin, écrit par le Calame divin sur une Table gardée (Coran
d’un traité de magie des lettres, presque contemporain d’Ibn ‘Arabī, nous
prévient : « Ne croyez pas que vous percevrez le mystère des lettres en vous
générales sur la symbolique des lettres lām et bā’ évoquées dans le présent
et le monde manifesté. La lettre bā’, qui est la lettre par laquelle s’ouvre le
Dieu qu’à travers lui-même, car il a été « créé selon Sa forme » ou « à Son
image » (selon que l’on évoque le ḥadīth prophétique : « Certes Allāh a créé
Adam selon Sa forme » ou le verset de la Genèse : « Dieu a créé l’homme à
Son image »), mais lui demeure inaccessible l’appréhension du Logos divin
étrangère à Ibn ‘Arabī. Voici ce qu’il écrit sur son expérience mystique de
l’amour qui le submerge, il n’en conserve pas moins la maîtrise des “états
condamné le contenu des propos de Ḥallāj mais le fait qu’il ait dévoilé, sous
l’emprise de l’ivresse, de dangereux et inviolables secrets. Cette « mystique
‘Arabī, or “Il est beau” ; Il s’aime donc Lui-même. Puis Il a aimé se voir en
Ḥaqq
179
enchaîne . » Et ce, à l’instar du célèbre Anā al- (Je suis le Vrai) de
Je me détournai d’elle
(Poème du tā’)
pas ».
elle s’envolait.
I
direction . Dès lors que je le sus, je feignis de la
négliger.
humble.
distraction.
II
perplexité !
ṭ
Tawwalaytu ‘anhā (Dīwān, p. 206) mètre al- awīl.
recueil d’amour L’Interprète des désirs dans lequel Ibn ‘Arabī, à travers le
de l’Unicité divine (taw ḥīd), l’homme par son essence se rattache au Divin,
il n’y a en fait qu’une seule Réalité qui est l’Essence divine. Rappelons
elles-mêmes […]. Il n’y a rien d’autre que l’Essence divine. C’est elle qui
est l’essence des créatures. […] Nous sommes Son essence en tant qu’Il se
manifeste par nous. Car Il ne se manifeste que par nous, bien que nous
180
soyons pur néant . » Ce dialogue intérieur reproduit ainsi, au plan du
es Son reflet inversé ! Tu es son cœur et Il est ton cœur ! » Voir le poème 7,
II. ‘Ayn, et dhāt, qui apparaissent plusieurs fois dans le poème (vers 3, 7
« perplexité » que le poète exprime lui-même. Ainsi apparaît une dualité qui
s’avère illusion, sans pour autant être totalement niée, paradoxe inhérent à
Trois noms
(Poème du thā)
figure triangulaire.
I
et faisant ses adieux , suivant un ordre émanant
du mystère divin.
II
souffle de l’Esprit en plein cœur .
moment de ma résurrection.
IV V
Je Le loue joyeux et non combattant , c’est
VI
pourquoi je suis entendu lorsqu’Il parle .
Mes paroles résonnent intensément sur terre et
VII
dans les cieux et tout cela est création .
VIII
Essence : moi-même et mes attributs ou
IX
plutôt je/Je suis le Trône , alors cherchez…
d’un article de Michel Vâlsan à propos d’une figure triangulaire dont les
données lui ont été communiquées par son maître René Guénon or, les
écrits de René Guénon sur la science des lettres sont imprégnés de la pensée
d’Ibn ‘Arabī, dont l’enseignement lui a peut-être été transmis par voie
182
initiatique car il ne l’avait vraisemblablement pas lu dans le texte . Il
s’agit d’un triangle équilatéral dont le sommet comprend la lettre alif ( ), ا
د
l’angle droit la lettre dāl ( ), l’angle gauche la lettre mīm ( ). À partir du م
sommet et en descendant de droite à gauche dans le sens arabe de lecture,
inversé présente à son sommet également l’alif, à son angle gauche la lettre
ḥā ()ح, à son angle droit la lettre waw ()و. La lecture inversée nous donne le
nom Ḥawwā’ (Ève). Il nous est bien sûr impossible de résumer ici la
tout comme le nom Adam qui se lit en descendant par le côté droit du
premier, à l’origine de tout l’univers. En lisant les lettres sur le côté droit du
dernière sourate du Coran. Sur le côté inférieur, nous lisons dāl, alif, mīm :
Divin. Enfin, sur le côté gauche, les lettres alif, waw, mīm font apparaître
livre de la Genèse où il est dit : « Dieu créa l’homme à Son image, homme
récurrence du chiffre 3 dans l’œuvre d’Ibn ‘Arabī et le fait que la lettre thā
( )ث, à laquelle est dédiée ce poème dans le cycle des mu‘ashsharāt, présente
184
trois points diacritiques formant un triangle .
succéderaient.
vision évoquée par ce poème, Ibn ‘Arabī ait vécu une expérience semblable
à celle de Mu ḥammad lorsque l’ange lui apparut pour la première fois dans
Mentionné allusivement dans le Coran (53, 1-11), cet événement est décrit
lui dit : “Lis. – Je ne suis point de ceux qui lisent”, répondit-il. “L’ange me
lecture est celle qui est donnée par l’édition de Beyrouth sur laquelle nous
par excellence, le plus noble lieu de révélation des Noms divins, porteur du
plus convaincante si l’on considère que dans le shī‘isme, le Coran est appelé
« guide silencieux » (imām ṣāmit) tandis que l’Imām est qualifié de « Coran
ṭ
parlant » (qur’ān nā iq). Voir également le poème « Évoque pour l’heureuse
étoile », note I.
IV. Nous lisons thanā’ī ‘alayhi ( )ثنائي عليه, « ma louange à Lui ». Le texte
arabe publié par McAuley donne thanānī ‘alayhi ( )ثناني عليه, qu’il traduit par
« Il me tourna vers Lui ». La ressemblance graphique des deux formes
la plus évidente.
V. Le terme mujāhid, « qui fait des efforts, qui lutte », est tiré de la
même racine que le mot jihād, souvent abusivement traduit par « guerre
« guerre militaire » n’en est qu’un aspect, qualifié de « jihād mineur » selon
retenu car le mystique qui a atteint les plus hauts degrés de la réalisation
ḥadīth : « Et lorsque Je l’aime [Mon serviteur], Je suis son ouïe par laquelle
il entend, son œil par lequel il voit, sa main par laquelle il saisit et son pied
par lequel il marche… » Voir le poème 15, « La fraîcheur de l’œil », note II.
(trad. éd. du Roi Fahd) ; « Nous lancerons sur toi une parole dense » (trad.
résonne dans l’univers entier par le Verbe créateur. Ainsi, le langage humain
Coran (2, 31) », écrit Pierre Lory, et les « bonnes paroles » qui montent vers
Dieu (Coran 35, 10) « sont les louanges sincères prononcées par les
hommes pieux et plus profondément encore celles que les vrais saints
que la louange vient de Dieu comme elle va vers Lui. Cette ascension des
verbes célestes dans les individus. […] Par ces paroles des saints, le Verbe
divin ne vient pas s’arrêter à son niveau terrestre mais irrigue sans cesse le
189
monde ». Dans cette optique, le verbe humain, écho du Verbe divin,
prend toute sa dimension créatrice. Le lien intime entre verbe et création est
exprimé par la racine arabe ḤDTH qui prend à la fois le sens de « parler,
naître », « créer, faire naître, faire surgir ». Le poème joue sur cette
polysémie.
les anges, tandis que huit, ce jour-là, porteront au-dessus d’eux le Trône de
ton Seigneur » (trad. éd. du Roi Fahd). Pour les soufis, le Trône est
universelle. Un ḥadīth rapporte que « la première chose que Dieu créa est le
Trône », il est donc assimilable à l’Intellect premier ou Esprit universel que
commente Jean Annestay, que l’angélologie soufie d’Ibn ‘Arabī mêle anges,
IX. Qui est le locuteur ? Les mots anā l-‘arsh, « je suis le Trône », ne
Dieu, le Trône ainsi que ceux qui le portent sont supportés par le
ḥammad,
191
que la révélation . » Le locuteur pourrait être aussi Mu désigné
en premier par Ibn ‘Arabī comme l’un des porteurs du Trône. Le dernier
(Poème du dhāl)
I II
tes deux créations en pépites d’or .
III
Dieu .
et de bruines.
intrinsèquement éminents.
Rappelle-leur qu’ils sont dans l’erreur afin qu’ils
IV V
Il est l’Imām et hors de lui tous sont guidés .
comparé à l’Éternel.
mètre al-kāmil.
mot nash’a aux côtés de khalaqa (« créer »), par exemple en 29, 19-20 :
Cela est facile pour Allāh. Dis : Parcourez la terre et voyez comment Il a
nash’ata l-akhīra). Car Allāh est omnipotent » (trad. éd. du Roi Fahd ; cf.
[Abraham] les mit en pièces [les idoles] » (21, 58, trad. Jacques Berque).
dans ce poème du cycle des mu‘ashsharāt dédié à la lettre dhāl ( ). Est-ce ذ
une coïncidence si le mot « or » en arabe, dhahab, commence par cette
magie blanche, suggère une correspondance intime entre ces deux quêtes
ésotériques. L’un des précurseurs d’Ibn ‘Arabī dans la science des lettres a
été le grand chimiste et alchimiste Jābir ibn Ḥayyān (721-815), chez qui « la
science ou “balance” des lettres constitue le parachèvement du fondement
192
de son alchimie ». Derrière la quête alchimique de la transmutation des
au-delà de la magie opératoire des lettres (qu’Ibn ‘Arabī ne nie pas) et d’une
pour laquelle, de toute éternité, il fut créé : celle de l’Homme parfait. […]
Dieu est devenu livre pour l’homme et l’homme doit devenir parole pour
193
Dieu . »
sāqa est : « pousser devant soi, mener, stimuler à la marche (bête de somme,
Couvrez-moi !
(Poème du zāy)
I
1 Couvrez-moi, couvrez-moi ! Ne dites pas que
II
je suis l’homme illustre dans un mois
III
permissif .
IV
Repoussant la liberté de celui qu’elle venait
V
d’enfermer dans un linceul de lois et
permissions,
VI
La parure de Dieu qu’Il a mise au jour invita
VII
Lui vers Lui .
VIII
Le mal est paré, ainsi qu’Il nous le révéla . Il
IX
quiconque Le respecte par la connaissance
triomphe.
Le parfum de la fleur des jardins est ambre, ainsi
XI
10 Zaynab sait, croyez-moi, ce que j’ai dit
les escarpements.
194
Zammilūnī (Dīwān, p. 210-211), mètre al-ramal.
mêmes termes que, selon la Sīra, Mu ḥammad exprima son effroi auprès de
son épouse Khadija après que lui fut apparu pour la première fois l’ange
poème 29, « Trois noms », note II). Un écho de cette tradition se trouve dans
II. Le mot shahr, répété trois fois dans les deux premiers vers, signifie
195
tout à la fois « mois », « lune » et « homme célèbre par sa science » ; par
ailleurs la lune est une métaphore courante pour un être beau et d’un grand
III. Nāzin est le participe actif du verbe nazā dont la racine NZW inclut
l’hypothèse de voir dans shahr nāz le nāsī’ le mois lunaire intercalaire, celui
dont les Arabes antéislamiques disposaient en quelque sorte à leur guise en
« mois permissif » est ici symbole de la liberté que l’être humain s’octroie à
Redans », dont cet hémistiche reprend les termes : « Dis : “Qui donc a
interdit la parure de Dieu, qu’Il a mise au jour pour Ses adorateurs, ou les
déclaré illicites les parures et les mets succulents dont Dieu a gratifié Ses
formulation paradoxale.
VIII. Ainsi qu’il est dit dans le Coran. En effet, zuyyina l-sū’u, « le mal
fait une même vérité : Dieu est le seul Agent. D’ailleurs, le Coran ne dit-il
pas : « Celui qu’Il veut, Dieu l’égare ; celui qu’Il veut, Dieu le met sur une
mécréance. Par là, les mécréants sont égarés : une année ils le font profane,
et une année ils le font sacré afin d’ajuster le nombre de mois qu’Allāh a
faits sacrés. Ainsi rendent-ils profane ce qu’Allāh a fait sacré. Leurs méfaits
leur sont enjolivés. Et Allāh ne guide pas les gens mécréants » (trad. éd. du
d’insérer le nasī’ entre les mois sacrés (durant lesquels les Arabes n’avaient
pour justifier leurs attaques contre les pèlerins. Dieu rappelle que l’année
XI. Qui est Zaynab ? Il pourrait s’agir de la fille d’Ibn ‘Arabī dont il fait
Je me détournerai
(Poème du sīn)
I
solitaires , appelés « les muets ».
II
éminents dans la présence du Sacré .
humain.
V VI
cécité , de ce qu’on nomme lassitude et
VII
condition humaine .
VIII
présent et au passé .
Abdallah Penot, ils sont exposés au blâme, d’où leur désignation aussi
mêmes leur état pour préserver les secrets divins qui leur sont confiés, ils ne
200
se montrent que sous des dehors ordinaires . » Par leur volonté de
d’impiété, ils pourraient être rapprochés de ceux que dans l’Église orientale
e
on a appelés les « fols en Christ », apparus autour du IX siècle et qui
e e 201
connurent une apogée aux XVI et XVII siècles . Cependant, ceux-ci se
promener nus ou couverts de saleté, porter des chaînes, tenir des propos
202
insultants, fréquenter les lieux de débauche … Tout autres sont la
dictée par le souci de ne pas trahir leur secret et le respect des convenances
spirituelles.
envers Allāh, écrit Michel Chodkiewicz. […] Ils se fondent dans la masse
vies très ordinaires ne les signale aux regards. […] Le serviteur pur est
devient l’ouïe par laquelle Dieu entend, la vue par laquelle Il voit, la main
204
par laquelle Il saisit.” »
III. Al-kursī apparaît une seule fois dans le Coran dans le sens de « Trône
lieu de ‘arsh, qui a vingt et une occurrences à propos de Dieu. Ces deux
« Trois noms », note VIII) et dont le Calame est un autre symbole. Ibn ‘Arabī
afrād.
IV. Dans bi-l-thamani l-ba ḥs, « à vil prix », on peut reconnaître une
allusion coranique : Joseph, jeté dans un puits par ses frères, fut découvert
207
par des caravaniers qui « le vendirent à vil prix » (Coran 12, 20) . Le récit
croyants, ils sortent par Lui des ténèbres vers la lumière » (2, 257, trad.
208
Jacques Berque) ? Il est tentant de proposer également une lecture
VI. Ayn est le nom d’action du verbe ān qui signifie « arriver dans un
par « temps » ou par « lassitude » peuvent ainsi être étayées l’une comme
mystique.
VII. Jins, « genre, sexe, race, espèce », apparaît dans les vers 8 et 9.
nous est suggérée par le contexte : le corps est cette limite qui nous
prison de l’âme (ainsi que l’exprimaient déjà les pythagoriciens) mais il est
(Poème du kāf)
I
elle fait partie de ma richesse . Je l’exploite sans
mensonge ni tromperie,
ne quittai la Royauté.
II
Ma perfection réside dans ma pauvreté et mon
III
5 Une Parole parfumée par la rosée tels les
IV
en collier ,
VI
gêne .
VII
Son flot et son harmonie m’habillent de
de Lui.
VIII
plaignaient du maître des tombes .
ṭ
mètre al- awīl.
déclinée dans les premiers vers, créant une assonance que la traduction ne
lettre kāf, à laquelle ce poème du cycle des mu‘ashsharāt est dédié. Dans le
Coran, le mot mulk est répété plus de quarante fois, la formule mulku l-
211
Būlāq du Caire que présente McAuley . L’édition de Beyrouth donne
met l’accent sur l’idéal de pauvreté qui est commun à toutes les voies
mystiques et qui a guidé tout particulièrement Ibn ‘Arabī. Rappelons que dès
en cela l’injonction de son véritable premier maître, qui n’était autre que
III. Tandis que les quatre premiers vers sont dominés par le thème de la
pour les mystiques de l’islam, l’univers manifesté (la création sur laquelle
Dieu exerce Sa Royauté) est signe, « tout entier “livre”. Si le Coran est
Livre de la création comme message total ». Pour Ibn ‘Arabī, ajoute Pierre
Lory, « l’acte de création chez Dieu n’est pas distinct chez Lui de son acte
de parole, une solidarité organique relie ces deux modes d’être. Dieu
instaure dans l’être une multitude indéfinie de créatures par une parole, et
avec la poésie : « Ceci est la parole d’un noble Messager, ce n’est pas la
parole d’un poète » (69, 40-41). Ces images d’un lyrisme raffiné évoquent la
né à Murcie dans une famille noble et pour qui Séville fut la ville d’attache
dans la première partie de sa vie, avant son départ définitif pour l’Orient.
vers 2), il est décliné dans celui du zāy (31, « Couvrez-moi ! », vers 8 et 9)
l’ouvrir […] et chez les mystiques, état où l’homme est parvenu quand il
VII. Pour nathr, la traduction par « prose » est par trop réductrice et ne
nous semble pas exprimer les fines nuances de ce vers (de même que ni ām ẓ
ne signifie pas « poésie » mais « ordre, organisation »). Notre traduction par
Prophète sans ordre apparent mais répondant à une logique et une harmonie
intrinsèques.
par « maître des tombes » nous est suggérée à partir du sens de « tertre,
216
tumulus » donné par Daniel Reig . Il pourrait s’agir d’une allusion à la
aussi s’agir de la ville de Nabek située au nord de Damas, à mille trois cents
« maître de Nabek » serait alors ce froid mordant qui règne sur la ville de
manière insupportable, faisant fuir ses habitants pour des régions plus
218
clémentes .
34
(Poème du lām)
I
Destin .
II
Devant eux, les visages des anges s’inclinent
la Cause suprême,
III
Car ils sont Son œil et quiconque est concerné
dans l’éternité.
chemins.
IV
Lorsque, tout proches de Moi , ils M’appellent,
V
Je réponds présent . Je suis le Législateur de
VI
toutes les confessions dans ce monde .
Si J’avais l’intention d’abroger les lois qu’ils ont
inférieur.
VIII
Saturne .
X
agissait, il se fatiguerait .
ṭ
mètre al-basī .
des saints » (dīwān al-awliyā’), mystiques ayant atteint le plus haut degré de
réalisation spirituelle et de proximité avec Dieu, dont Ibn ‘Arabī décrit avec
précision la hiérarchie dans les Futū ḥāt al-Makkiyya. Sans être des
« comptent parmi les êtres réalisés qui, ne respirant plus eux-mêmes mais le
ṭ
au monde. À sa tête se trouve le « Pôle » (qu b), qui « soutient et conserve
l’univers par son souffle et préside l’assemblée secrète des saints régissant
219
les affaires du monde visible et invisible ». À maintes reprises, Ibn ‘Arabī
exprime dans ses écrits sa haute conscience de son propre rang éminent
220
dans cette assemblée, ce que sous-entend le vers 4 .
221
II. Nous suivons McAuley pour la traduction de amlāk par « anges »
parfait, que Dieu établit comme Son lieutenant ou « calife » (khalīfa) sur
terre (Coran 2, 30). Cet idéal, qui est pour les soufis le but ultime de la
création, serait donc réalisé par les saints mystiques. Cependant, une autre
lecture est tout à fait légitime : « devant eux, les visages des rois/des
d’un sens différent. Notre traduction par « Son œil » suit le célèbre ḥadīth :
« Et lorsque Je l’aime [Mon serviteur], Je suis son ouïe par laquelle il
entend, son œil par lequel il voit, sa main par laquelle il saisit, et son pied
l- Ḥaqq « Je suis le Vrai, Je suis Dieu », qui lui aura valu sa condamnation à
mort. Notre traduction marque cette ambiguïté par l’emploi des majuscules.
ouvert un accès, une avenue. Si Dieu avait voulu, il aurait fait de vous une
pour vous tous est le retour. Il vous informera de ce qu’il en est de vos
nous avons assigné une législation et un plan à suivre. Si Allāh avait voulu,
certes Il aurait fait de vous tous une seule communauté » (trad. éd. du Roi
fait partie du dessein divin et tout être de haute spiritualité peut en être le
vecteur (vers 3)… Comment ne pas évoquer ici les célèbres vers d’Ibn
capable de toute image : il est prairie pour les gazelles, couvent pour les
moines, temple pour les idoles, Mecque pour les pèlerins, tablettes de la
soufis.
VIII. Saisissante image qui n’est pas sans rappeler les derviches tourneurs
terre et leur entre-deux en six jours, sans que Nous effleurât la moindre
(Poème du yā)
I
1 Celui qui L’invoque répond à l’appel du Vrai
nuit et jour.
II
appelé .
III
5 Il salue : « Que Dieu te fasse vivre ! » et qui
V VI
est-il Son lieutenant et son investiture lui
ou occulte.
guidé. »
Jacques Berque).
III. Bien que les diverses éditions donnent la forme passive yu ḥayyā, « il
est salué », le contexte nous suggère de lire la forme active yu ḥayyī, « il
ḥayyā
226
salue », ce qui est aussi le choix de McAuley . En effet, la forme II
(un salut traditionnel qui existait dès avant l’Islam) et cette formule est ici
investie d’une force opérative. Il n’est pas fortuit que dans un poème du
cycle des lettres de l’alphabet, l’accent soit mis sur le pouvoir des saints
mystiques, ceux qui par leur pure servitude deviennent réellement les
lettres, pouvoir qui leur est délégué par Dieu. Ainsi la formule « que Dieu te
(angélique ?). Il est alors investi (chargé au sens propre du terme) d’une
IV. Mi ḥrāb (pl. maḥārīb) désigne la niche concave pratiquée dans le mur
d’une mosquée et indiquant la qibla, la direction vers laquelle le musulman
doit se tourner pour effectuer la prière. Au cours des deux premières années
n’apparaissent pas avec cette acception dans le Coran. Ils sont traduits par
227
« temple », « sanctuaire », « saint des saints »…. Nous conservons ce
sens général qui est fidèle à l’idée d’universalité et d’unité du message divin,
anges : “Je vais instituer un lieutenant sur la terre.” Ils dirent : “Quoi ! Tu
rendrais tel celui qui tant y fait dégâts et qui verse le sang, alors que nous
« lieutenant » (khalīfa) de Dieu sur terre est en quelque sorte la raison d’être
note VIII.
choisie par McAuley sur la base d’un texte des Futū ḥāt dans lequel Ibn
ainsi qu’il apparaît dans le message coranique : « Lors ton Seigneur dit aux
anges : “Je suis en train de créer un humain d’une argile de boue croupie,
quand Je l’aurai rendu complet, lui aurai insufflé de Mon esprit, tombez
croupie » (Coran 15, 33) – s’oppose l’esprit divin qui est insufflé en lui. À la
que pour qu’ils m’adorent » (51, 56) – s’oppose l’être façonné à l’image de
de Dieu une connaissance que même les anges n’avaient pas – « Et Il apprit
à Adam tous les noms [de toutes choses] puis Il les présenta aux anges et
dit : “Ô Adam, informe-les de ces noms” » (2, 31-33). Pour réaliser cette
son ego pour devenir ainsi le miroir poli dans lequel Dieu peut se
Dieu
(Poème du lâm-alif)
II
juste des paroles .
III
Livre descendu .
IV
5 Surtout ne t’oppose pas aux gens du voile
détails.
grâce et distinction.
Ils enroulent le turban autour de leur tête sans
V
qui ont gravement altéré Son message !
VI
Livre , récité par les prophètes de la plus belle
VII
manière .
I. ṣ
Bukratan wa-a īlan est une expression coranique (33, 42) et nous
II. Aqwamu qīlan est une référence coranique signalée justement par
231
McAuley : « La prière nocturne est une marche plus ferme et une parole
III. ḍ
Le verbe awda‘a fait partie des a dād, mots qui peuvent prendre
révélé » serait aussi tout à fait légitime et notre choix demeure subjectif.
IV. Qui sont les « gens du voile » ? le lecteur demeure perplexe devant
aux richesses et aux apparences (vers 7 et 8). Le vers 9 semble alors une
coranique, suggère une tout autre interprétation. Dans une fidélité absolue à
Ainsi, les saints mystiques qu’Ibn ‘Arabī nomme les « gens du blâme » (voir
sceller ». Il écrit : « Ce sont ceux qui cachent ce qui leur est apparu dans la
du voile » peuvent être ces mystiques qui occultent leur haute réalisation
les saints qui ont atteint les sommets de la wilāya [prise en charge par Dieu]
ne choisissent jamais la “célébrité” car ils savent que Dieu ne les a pas créés
pour eux-mêmes, ni par voie de conséquence pour Ses créatures, mais bien
qu’Il les a créés pour Lui-même. […] Leur choix, confronté au choix divin,
est inexistant mais, si Dieu les contraignait à en faire un, ils feraient celui
rapprocher de Lui. Si leur état implique de voiler leur degré à leurs propres
233
yeux, comment ne le dissimuleraient-ils pas à autrui ? » De même,
sainteté, lui permettant de ne plus s’occuper des créatures mais de Lui seul :
« Par cet ordre, Il le retrancha définitivement du monde et, en demandant
en se revêtant de Son voile protecteur afin de s’isoler à jamais avec Lui sans
234
être accompagné de qui que ce soit . » L’édition de Beyrouth donne en
note la définition suivante du voile : « On dit que le voile est ce par quoi
regard. »
noue alors avec le poème. Une autre hypothèse serait de reconnaître dans
VI. Furqān est une autre désignation du Coran en tant que « Livre du
il désigne également la Torah (2, 53 ; 21, 48), plus généralement tous les
235
livres révélés, incluant ainsi l’Évangile (3, 4) . L’idée d’unité du message
distinctement » (73, 4, trad. Jacques Berque). Dans le texte arabe, elle fait
(muwashsha ḥāt)
Ibn ‘Arabī maîtrisait avec virtuosité les strictes règles et contraintes
pouvait dépasser cent vers). Ces règles, qui existaient de fait dans la poésie
e
antéislamique, avaient été formalisées et fixées au VIII siècle par le grand
auquel tout grand poète arabe se devait de se plier. Cependant Ibn ‘Arabī ne
strophique » (muwashsha ḥ, de la racine WSH Ḥ dont l’un des sens est
e
« orner, parer quelqu’un »), inventée au IX siècle dans cette Andalousie
strophes de cinq vers chacune, à rimes variées et croisées suivant une trame
de poème), les muwashsha ḥāt ont été souvent considérés comme indignes
de figurer dans les anthologies. Ibn ‘Arabī a pourtant choisi d’exprimer une
expression d’un lyrisme que l’on peut considérer comme exceptionnel dans
jardins andalous, ces riads (riyā ḍ, pluriel de raw ḍa, mot qui signifie à
l’origine « jardins ») dans lesquels le lecteur est invité à entrer, flâner, rêver,
I
Telle la basmala dans toute sourate.
II
Il m’établit comme Signe au jour de la
Résurrection,
émulation.
véritable.
III
semblable au mouvement des scintillantes ,
IV
10 Entre déploiement et repli, tel l’orbe fixe .
étoiles.
V
dunes ,
Jusqu’à ce que j’eusse pris ma revanche et je me
Ṭayy
VI
15 J’appartiens à la noble lignée des ,
VII
plus suave .
VIII
N’eussent été les délectations et les astres
IX
voguant ,
X
20 Je ne serais pas resté sans voix . À l’aube,
moi
XI
Une parole dense , parvenue de moi à moi.
XII
Je cherche refuge contre Lui et auprès de Lui ,
XIII
ô mes compagnons ,
côtes,
l’un des sens de la racine R ḤM, « matrice, utérus », Youssef Seddik, par sa
traduction, souligne la part du féminin dans la vision coranique du Divin :
237
« au nom de Dieu, le Tout-Maternant, le Clément ».
II. Il est possible de lire sūra dont la riche polysémie (outre « sourate »,
III. Darārī, dérivé de la racine DRR qui a entre autres le sens de « lait »
et de « perle », offre une image poétique pour les étoiles (que l’on retrouve
dans la « Voie lactée »). Au vers 19, elles sont sawārī, « celles qui
s’éloigner ».
lyrique. Ainsi le ciel étoilé est comparé à une étoffe qui est déployée puis
« enrouler les pays » signifiant « les parcourir avec rapidité »). Madār,
« axe, orbite, cercle », renvoie à la rotation des astres. Cependant, les mots
(schème fa‘ūl qui est un schème d’intensité), « chose dure et très solide »,
qui les tuiez : Dieu les tuait ; non plus que toi [Mu ḥammad] qui lançais [des
traits] quand tu en lançais : mais Dieu lançait » (8, 17, trad. Jacques
contre trois cent treize), victoire emportée, dit le Coran, avec l’aide de Dieu.
VI. La famille d’Ibn ‘Arabī est en effet issue du clan yéménite des Banū
Ṭayy Ṭayyi’),
e
(ou établi dans la péninsule Ibérique dès le VIII siècle. « Il
n’est pas rare, note Claude Addas, de rencontrer dans le vaste corpus
arabe et la générosité légendaire qui s’attache au nom des Banū Ṭayy, ses
ancêtres
239
», parmi lesquels le fameux poète Ḥātim al- Ṭā’ī, qui vécut dans
e
la deuxième moitié du VI siècle, renommé pour ses vertus chevaleresques.
VII. Une fois de plus, Ibn ‘Arabī joue avec virtuosité sur la richesse
sémantique d’une racine pour créer une rime avec un même mot, plaçant le
« connaître par les sens ». Ainsi, une signification ancienne et rare est
« sentir les parfums (se dit d’un homme parfumé) » et dans la forme II
240
(‘arrafa) « parfumer, faire prendre une bonne odeur » . La Tradition
rapporte que le Prophète, quelle que soit son activité, dégageait toujours une
mariage, la joie… Par ailleurs, les félicités promises au Paradis font l’objet,
lesquelles les femmes (« épouses pures », « houris aux grands yeux ») mais
aussi des « éphèbes immortels », comparés à des « perles cachées », ont une
place particulière. Il nous semble donc que le mot sarārī a ici une
C’est ainsi que nous interprétons un sens littéral hermétique : « il n’y aurait
XI. Allusion au verset 73, 5 : « Nous lancerons sur toi une parole dense »
ṣ
obligatoire de la qa īda, apparue dans l’Arabie antéislamique et canon de la
poésie classique arabe. Tout en s’exprimant ici dans une forme poétique
bédouines (voir note VI) et ses racines qui puisent dans la tradition du grand
poète antéislamique Imru l-Qays (mort vers 550), dont l’œuvre est
incontournable.
38
l’insomnie,
l’avare.
feu
I
est menteur, alors repentez-vous
Et implore : « Ô Miséricordieux, ô Généreux, ô
ni aucun secours ! »
II
N’as-tu pas entendu Ghaylān et Qays et tous les
poètes du passé ?
III
atteint l’homme, elle l’anéantit avant l’heure .
IV
qui aime éperdument Celui qui est moi” ? »
V
Leur consolation est ce qu’ils puisèrent dans la
jasmin
du pluriel est ici un emploi dialectal pour le duel. Il n’est pas étonnant de
rendu célèbre par ses poèmes d’amour dédiés à sa bien-aimée Mayya. Quant
peut s’agir du poète d’amour courtois Qays ibn Dhuray ḥ (625-680), dont les
e
amours avec Lubnā ont fait l’objet de divers récits au X siècle, ou du poète
le « fou de Leyla » (majnūn Layla). Cet amour impossible qui finit par
dépasser la personne de l’être aimé pour devenir l’amour de l’amour, qui fit
sombrer le poète dans la folie, est devenu pour les soufis l’allégorie de
III. La rime impose de lire dīn, « religion, culte », mais aussi « force »,
du mot dayn qui signifie « dette, créance » et « mort, trépas, pour ainsi dire
242
dette que tout homme doit payer » . Le sujet du verbe afnā, « anéantir »,
est alors la passion qui, en quelque sorte, réclame à l’homme sa dette avant
l’échéance.
IV. Écho au vers du poète Al- Ḥallāj : Anā man ahwā wa-man ahwā anā,
243
« Je suis Celui que j’aime et Celui que j’aime est moi » .
n’est plus ».
39
I
dessus des âmes , réjouissant ainsi un censeur et
II
un épieur .
III
En celle qui nous dit : « Glorifie le Nom de ton
Seigneur le Très-Haut »
IV
sacrée et les guerres ici-bas s’embrasèrent.
V
Sur le mont Sinaï mon cœur s’envola loin de
VI
moi
Et je ne cessai de l’interpeller.
sincère. »
VII
10 Dans l’étoile , le Trône me revint de plein
droit.
maître.
Ḥijr
VIII
Dans la cité d’Al- , un voile se leva pour
un adorateur
se révéla.
IX
Alors il posséda la science des sept , ni plus ni
moins.
X
Dans mon néant le Messager vint à moi ,
XI
pour Lui-même et Il exauce .
souffle divin), explique Abdallah Penot. La nafs est ce qui doit être mis à
« être envahi, occupé par la mer », peut légitimement être traduit par
premier verset : « Par le mont Sinaï ». Soulignons le jeu autour des racines
ṬWR (dont dérive ṭūr) et ṬYR (dont dérive ṭāra, « voler »).
VI. La Tradition rapporte qu’un polythéiste, entendant le Prophète réciter
la sourate 52, fut touché au point de déclarer : « Mon cœur a failli s’envoler.
tout ce qui est défendu, interdit, illicite. La traduction de ce vers par « dans
Ḥijr », titre tiré du verset 80 où sont évoqués les Thamūd, peuple fondateur
de la cité d’Al- Ḥijr, creusée dans le roc, et qui fut frappé du châtiment divin
pour avoir rejeté la prédication du prophète Ṣāliḥ. Le lecteur arabophone
goûte simultanément cette double lecture. Le mot ḥajr, « voile », est dérivé
de la même racine. La virtuosité d’Ibn ‘Arabī dans le jeu sémantique sur les
encore les sept cieux (mentionnés dans le Coran à sept reprises) ou les sept
son contexte –, Ibn ‘Arabī voit dans lam yakun, « il n’est pas », le néant
Lui-même en toute équité, ainsi que l’y autorise Son propre droit
249
inaltérable » (voir le poème 15, « La fraîcheur de l’œil », notes II et III).
Prépare-toi en pensant
I
balance, tu institueras puis destitueras .
étrange peine.
illustre étalon,
III
L’Intelligence sublime manifeste l’Essence du
impérissable.
10 Le corps grossier découvre des lettres
gnostiques,
voyageurs,
V
15 Et le secret de l’Ouverture se dévoile aux
VI
Pour une lampe qui ne peut irradier , dans une
VII
forme qui ne saurait être négligée .
les assoiffés.
doute en certitude,
de l’ondée et de la rosée.
VIII
Ô Bienveillant envers la créature, montre-Toi
IX
afin que je Te voie !
X
« Abandonne, répondit-Il, toute vallée qui
t’entrave,
I. Très certainement, il est fait allusion ici aux saints mystiques qui, de
par leur servitude absolue envers Dieu, deviennent Son œil et Sa main dans
L’invoque », note III). Ils sont alors exempts de tout châtiment même si leurs
gardée ; cependant que mes yeux versent des larmes amères ! Mais si au
II. Al-simāk al-a‘zal, « objet céleste sans armes » est le nom donné par
simāk armé ». C’est donc cette étoile, géante rouge dont la luminosité est
cent quinze fois celle du Soleil, que désigne « l’astre brillant intensément »
au-dessus de Spica, « celle qui est sans défense ». Or, « au plan ésotérique,
qu’elle émane des sept étoiles de la Grande Ourse, agissant comme un pont
lumière qu’Allāh ait manifestée dans l’existence. On dit qu’elle est l’Esprit
252
suprême . »
grand éclat », et dont « l’huile semble éclairer sans même que le feu la
mais non négligent ». Cette forme humaine que Dieu n’aurait pas
VIII. ṭ
Al-La īf, « le Bienveillant », est un Nom divin, également traduit
terminologie soufie, ṭ
la īf ou ṭ
la īfa prend le sens de « réalité subtile,
‘Arabī, Créateur et créature ne sont que deux faces d’une réalité unique,
suite du poème.
toi-même ».
« vallée », « rivière », « lit d’une rivière » mais aussi « voie, route » et peut
« entrave » le mystique…
41
I
Dieu dès l’aube , avec piété et dévotion.
II
La terre du monde visible trembla
III
Grandiose, du Transcendant .
souriant du Vrai.
V
Se révéla le secret de l’enveloppe ,
20 La clarté, la splendeur,
VI
préexistante, sublime .
VII
Et il puise dans mes mains . « Qui est-Il ? »
VIII
demandai-je. On répondit : « C’est Toi . »
254
Ḥāza majdan (Dīwān, p. 88-89 ).
des Noms divins de même que Al- Ḥaqq, « le Vrai » (vers 13), Al-Laṭīf, « le
Bienveillant » (vers 14), Al-Karīm, « le Généreux » (vers 15).
à son peuple, portant l’enfant. Ils dirent : “Marie, tu as commis une chose
mystique comme un « fardeau » (autre sens du mot), un voile qui lui cache
les réalités divines. Par ailleurs, la racine verbale RDĀ signifie « briser,
détruire, être détruit, périr ». « Le secret de la mort » est donc une lecture
mort.
VI. Ṣamad et a ḥad sont deux attributs divins qui font directement
référence à la sourate 112 : « Dis : “Il est Dieu, Il est un, Dieu de
divin.
VII. En rendant min yadayni par « dans mes [deux] mains », nous avons
et III). Notre lecture est guidée par les exigences de la métrique et le fréquent
L’essence du guide
I
l’huile-lampe pour les contemplateurs.
II
Et Sa flèche infaillible dans son cœur .
III
De la vision suprême, au jour du retour !
VI
Alors lui arrivera Jésus , porteur du Jugement.
VII
avec l’inséparable compagnon .
VIII
murmures du tentateur s’insinuent dans les
doutes.
IX
Lorsque le censeur vit se réaliser ses espoirs
est consolé ! »
sourate du même nom (24, 35), suggère de reconnaître dans l’« huile-
formelle. C’est à cette lumière que tous les prophètes puiseront jusqu’à
par celui qui parvient à annihiler son identité individuelle pour devenir l’œil
fois, l’écrit Ibn ‘Arabī dans les Futū ḥāt ; grâce à elle, l’homme voit et
suis plus là, c’est que Tu m’as fait lumière et si je suis encore là, c’est que
Tu as mis en moi une lumière qui me guide dans les ténèbres de mon être
256
individuel .” »
III. Al-masāq, « le retour », tiré de la racine verbale SWQ dont l’un des
sens est « pousser devant soi, mener, stimuler à la marche (bête de somme,
troupeau, etc.) », apparaît dans le Coran (75, 30) en rapport avec le jour du
conduit » (trad. éd. du Roi Fahd), « Vers ton Seigneur, ce jour, [le troupeau]
IV. Ilyās est le prophète Élie, que le Coran mentionne à deux reprises,
contre les adorateurs de la divinité païenne Ba‘al. Selon une tradition, Élie,
menacé par les idolâtres, fut ramené à Dieu sur une monture de feu, puis
divers récits, il fut ravi par Dieu jusqu’au quatrième ciel où lui furent
hommes une fois de retour sur terre ; puis il fut à nouveau enlevé au ciel.
Ainsi, tout comme Élie avec qui il est également identifié, Idrīs a été
transporté aux cieux sans avoir connu la mort, ce qui est également le cas,
dans la tradition musulmane, de Jésus – le Coran en effet nie
157) –, ainsi que d’Al-Khi ḍr (le Verdoyant), l’énigmatique figure qui, dans
le Coran, initie Moïse aux mystères des desseins divins (18, 59-82). Al-
Khi ḍr, tout comme Jésus, fut pour Ibn ‘Arabī un maître spirituel par-delà le
temps. L’évocation de trois de ces prophètes dans le poème ne peut donc
manquer de faire sens. Dans La Sagesse des prophètes (Fu ū ṣ ṣ al-ḥikām), Ibn
‘Arabī identifie clairement Idrīs à Élie, et le désigne par ailleurs comme
« celui qui guérit les blessures ». Les vers 10 et 11 pourraient faire allusion
le monde d’ici-bas, deux d’entre eux (Élie et Al-Khi ḍr) vivant toujours
Khi ḍr ne sont à leur tour que des projections différenciées de la ḥaqīqa
mu ḥammadiyya, la Réalité muḥammadienne 258
».
crurent pas en lui (41, 59). Plusieurs traditions lui assignent la fonction
Collier de la colombe (voir le poème 39, « Les cœurs se dressent », note II).
À travers ces quelques vers allusifs, telle une esquisse, est évoquée toute une
intrigue amoureuse qui pourrait être le thème d’une muwashsha ḥa populaire
chantée et qui est ici métaphore de l’amour pour le Bien-Aimé divin.
43
I
1 Lorsque m’apparut le divan , je fondis de
II
nostalgie pour Celui qui était avec moi .
III
Ô noble demeure antique !
IV
Chaque fois que je fis son éloge , elle me dit :
V
Créateur ! »
s’illumina.
il ne revint pas.
VI
plaintes inutiles sont livrées au vent . »
ḥ
‘Indamā lā a li-‘aynī (Dīwān, p. 365-366).
est tiré de ittaka’, forme VIII de la racine verbale WK’ ou TK’, « s’accouder,
quasiment toutes en rapport avec les élus dans les jardins d’Éden,
« accoudés sur des lits à baldaquin », « sur des lits tressés », « sur des lits
aux doublures de brocart », « sur de verts tapis » (par exemple 18, 31 ; 36,
12 « Joseph », le mot muttakā’ apparaît dans une scène tout à fait profane.
leur montrer la beauté de celui qu’elle avait tenté vainement de séduire. Elle
leur prépare « une collation à prendre accoudées » (12, 31, trad. Jacques
Berque). Il s’agit donc d’un mot doublement connoté et notre traduction par
divertissement qui évoque une célèbre muwashsha ḥa à laquelle Ibn ‘Arabī
II. Ainsi qu’il est dit dans le Coran : Wa-huwa ma‘akum aynamā
premier sanctuaire établi par Dieu sur la terre (3, 96-97), érigé par Abraham
et son fils Ismaël (21, 27 ; 22, 26). Jacques Berque, se basant sur un autre
sens de la racine verbale ‘TQ, traduit par « franche maison » car un ḥadīth
260
dit que la Ka‘ba « a été affranchie des tyrans ». Centre spirituel,
l’axe symbolique autour duquel tournent les pèlerins lors des rites de
miséricorde de Dieu envers les serviteurs, Dieu t’a placée parmi les
V. Nous lisons ici laysa hādhā fiyya bal fī iyalī, la métrique nous
imposant d’ajouter la hamza sous l’alif du dernier mot īlī ( )ايلي tel qu’il
apparaît dans l’édition de Beyrouth. Nous proposons donc de lire iyalī ( )إَيلي
qui renvoie à la racine sémitique el signifiant « dieu », plus particulièrement
e
à la divinité cananéenne El, mentionnée dès le XXIV siècle av. J.-C., dieu
rapprocher el de l’arabe ilah dont est issu Allāh. Mot à mot, ce vers
signifierait alors : « ceci n’est pas pour moi mais pour mon dieu ». Or,
comment un simple bâtiment cubique en pierre, qui plus est vide et maintes
contradiction entre un verset tel que : « Où que vous vous tourniez, là est la
angle est, « Main droite de Dieu sur la terre » ? La célèbre sainte mystique
e
Rābi‘a al-‘Adawiyya (VIII siècle) aurait dit : « Ce n’est pas la Ka‘ba que je
« Celui qui M’enferme dans une forme à l’exclusion d’une autre, c’est la
pierres. Mais aux yeux d’Ibn ‘Arabī, la seule voie d’accès au Divin est, pour
hermétique.
VI. Cette dernière strophe imite une célèbre muwashsha ḥa composée par
le grand médecin et poète andalou Ibn Zuhr (ou Avenzoar, 1091-1162), dont
nous donnons ici le refrain : « Ô échanson, à toi nous nous plaignons ! Nous
Il m’est si cher,
I
contient ! Assurément je Le connais et Lui ne
trompe pas.
II
jura
III
Et Il nous enseigna ce que nous ne savions pas
V
Certes Celui que je désire est ma réalité propre ,
VI
toute adversité l’être trouve une issue . »
l’Essence.
VII
Par un attribut sublime, mon existence fut
décrétée
Et Son dévoilement révéla les voiles de la
VIII
protection .
IX
Destin .
X
15 Furent descendus le Secours et la Victoire
XI
Sur le cœur épanoui d’un adorateur.
commandement,
montagne,
XII
dans les serres de la captivité .
XIII
Une almée chanta pour lui toute la nuit,
XIV
25 Je me pavane si fièrement et grâce à Toi je
conduit l’aspirant à polir son cœur afin qu’il devienne le miroir dans lequel
interprétation.
II. La-qad aqsama l- Ḥaqq, « en vérité Dieu le Vrai fit serment », évoque
un certain nombre de sourates du Coran qui s’ouvrent sur ou contiennent le
serment divin dans la formule Lā uqsimu bi…, « Non, je jure par… » (56,
pas. » Les versets 1 à 5 de cette sourate sont considérés comme les tout
des dix-huit interprétations données par l’exégèse, de ces deux mots chargés
266
de connotations mystiques . » L’« impair » peut représenter l’Un, l’Unicité
vision d’une dualité entre Dieu et l’univers manifesté telle qu’elle est
Seigneur seul – “et lorsqu’il combat la passion des autres, que l’autorité de
gnostiques a dit aussi : “Celui qui regarde les pécheurs au regard de la Loi
les hait ; celui qui les regarde par l’œil de la Vérité essentielle les
267
excuse .” »
V. La traduction par « Celui que je désire est une réalité pour moi »
serait tout à fait fidèle. Cependant, nous pensons que s’exprime ici la notion
épiphanique du Divin. « “Le Dieu qui est dans la croyance, dit Ibn ‘Arabī,
est celui dont le cœur contient la forme, celui qui se montre à ce cœur, de
Pour chaque croyant, l’Être divin est celui qui se montre à lui sous la forme
ṣ
insondable, inqualifiable, et les « attributs » (wa f) ou Noms divins par
Divin peut être appréhendé. Ces Noms (la Tradition en compte quatre-vingt-
Dieu » mais ils ne peuvent qu’être infinis) sont en partie révélés au croyant
Créateur ».
date n’est pas réellement fixée et doit être recherchée, selon une tradition,
(trad. Jacques Berque). Elle est considérée par l’exégèse comme la dernière
ouvert, pour toi [Mu ḥammad], ta poitrine ? » (trad. éd. Roi Fahd), « Pour toi
n’avons-nous pas épanoui ta poitrine ? » (trad. Jacques Berque). Selon
Mu ḥammad fut effectivement ouverte par un ange qui en retira le cœur pour
270
le purifier .
vision directe de Dieu ainsi que l’exprime le ḥadīth cité en note VIII. Et
subsiste que l’Un. C’est probablement ainsi qu’il faut comprendre la forme
feu du buisson ardent (20, 10-12) ? Le feu serait ici celui de l’irradiation
été décrite notamment par Al-Jā ḥiz (776-887) dans sa Risālat al-qīyan
Jā ḥiz, elle lui lance des œillades, l’enjôle par des sourires, lui fait des
271
avances dans les vers qu’elle chante. » Au sens strict, l’« almée » était
et divertir les femmes du harem. Les hommes ne pouvaient les écouter qu’à
une belle demeure andalouse où les hôtes sont invités à partager des
divertissements raffinés. Une belle esclave les ravit par son chant et ses
regards enjôleurs, elle est là pour charmer mais aussi entraîner, or elle n’a
d’yeux que pour un seul homme, dont elle désire capturer le cœur… Là
belle séductrice est épiphanie de Dieu qui attire le poète dans Ses filets car
Dieu mais peut naître dans la forme sensible d’un être de chair.
est une expression imagée pour dire « marcher avec fierté », « être à son
aise, se livrer sans réserve à quelque chose ». Notons que la métrique exige
I
1 L’interprète des désirs m’éclaira sur le
II
Généreux, le Tout-Créateur .
miséricorde.
15 Si Tu es juste, préserve-moi,
nos besoins.
III
Sa sagesse est le Temps .
IV
Elle apparut à partir d’un mont
vers 6 des « feuillets » auxquels furent confiées des choses obtenues « sans
mérite » suggère qu’Ibn ‘Arabī fait ici allusion à son propre recueil éponyme
dix-neuf plus beaux Noms de Dieu » telle qu’elle a été transmise par la
prière attribuée au Prophète, en rapport avec Allāh. Il est dérivé de dahr, qui
IV. Ṭūr, « mont », désigne aussi plus précisément le mont Sinaï où Dieu
apparut à Moïse sous la forme du buisson ardent, lieu symbolique de
‘aql : esprit, pensée, raison, intelligence, intellect (14, 15 note VII, 17,
‘ayn : regard, essence, source, disque (4, 9, 10, 19, 21, 23, 24, 25, 27, 28
note III, 29, 30, 34 note III, 35, 36, 38, 41, 42, 44) ; qurratu al-‘ayn :
fraîcheur de l’œil (15 note I, 18) ; ‘ayn thābita : entité immuable (9 note IV).
badr : pleine lune, astre éclatant (4, 7 note III, 14, 18 note VIII, 37).
ṭ
bā in : occulte, caché (4 note IV, 35 note V, opposé à ẓāhir).
bayn : union, fusion, différence, séparation, éloignement (15 note V, 38).
dhāt : essence (10, 12, 15, 17, 23 note II, 28 note III, 29, 30).
dhawq : goût, gustation (4).
falak (pl. aflāk) : univers, sphère, ciel (3, 14, 20 note IX, 23, 31).
ġayb (pl. ġuyūb) : mystère, couchant (3, 11, 39, 40, 41).
ġufrān : pardon (16) ; ġafara : couvrir, cacher, pardonner (26 note VII).
ḥāl : état, état spirituel (5, 7, 9, 10 note II, 20, 33, 38).
Al- Ḥaqq : le Vrai, Dieu (12 note VI et 10, 24, 27,32,34, 37, 40, 41, 44
‘illa (pl. ‘ilal) : cause, raison (42) ; ‘illatu l-‘ilal : Cause suprême (34).
‘ilm (pl. ‘ulūm) : science, connaissance (1, 2,15, 24, 28, 30, 31, 39, 42).
imām : guide, imam (29 note IV, 30, 37, 40, 5 note I).
insān kāmil : Homme parfait (20 note VIII, 34 note II, 35 note V).
ism (pl. asmā) : Nom, Noms divins (3 note II, 27, 29, 39) ; asmā’u l-
36 note IV).
kawn (pl. akwān) : être (7, 15, 38) ; ‘ālamu l-akwān : monde des
créatures (7).
ṭ ṭ
lu f, la īfa : grâce subtile, réalité subtile (19/note V, 40/note IX).
ma’nā (pl. ma‘ānī) : révélation, sens caché, signification, secret (4, 7, 17,
22, 40).
mulk, milk : pouvoir, royauté, richesse, droit (33/note I, 34/note II, 39,
40).
nafs (pl. nufūs) : âme, âme charnelle (10, 13, 14, 20, 31,39/note I).
ẓ
na ar : regard, vision, réflexion, gnose (14, 19, 21, 23, 24, 44) ; dhū
ẓ
na ar : clairvoyant
ṭ
qu b : pôle (5/note I, 34/note I).
rū ḥ (pl. arwāḥ) : esprit, âme (8/note I, 13, 14, 17, 21, 29 note II, 41, 44).
shams : soleil (10/note liminaire, 11/note II, 21, 24, 26, 40, 41, 43).
sirr (pl. asrār) : mystère, secret, aspiration (1/note I, 5, 10, 14, 20, 26,
ṣūra (pl. ṣuwar) : forme, image (7/note I, 15, 19, 20, 21, 23, 24, 25, 26,
37).
15, 19, 26, 28, 30, 37, 39) ; wujūdu l- ḥaqq : être véritable (5, 9) ; waḥdat al-
wujūd : Unicité de l’être (24 note XIII).
Cosmogonie
soleil des âmes (10) – Éminente est la gloire de Dieu (12) – Je m’étonnai
d’une femme (13) – Dieu illumine des cieux (14) – Je vis dans mon
soleil des âmes (10) – Éminente est la gloire de Dieu (12) – La fraîcheur de
La Lumière mu ḥammadienne
couple Créateur-créature
Ô hommes, craignez Dieu (9) – Lorsque le soleil des âmes (10) – Éminente
Lorsque je contemplai les formes (24) – Mes amis, ne vous empressez pas
(12) – La fraîcheur de l’œil (15) – Je revêtis en rêve une jeune fille (21) –
détournerai (32).
Théophanie
dans mon sommeil… (19) – Je vis dans mon sommeil… (20) – Je revêtis en
moi (23) – Lorsque je contemplai les formes (24) – Contemple le Vrai (27)
– Je me détournai d’elle (28) – Trois noms (29) – Celui qui L’invoque (35).
craignez Dieu (9) – Éminente est la gloire de Dieu (12) – Dieu illumine des
cieux (14) – Je me repens de Lui (18) – Je vis dans mon sommeil… (19) –
Le Destin
Dieu (9) – Dieu illumine des cieux (14) – Couvrez-moi ! (31) – Je grandis
Ô lune des mystères (2) – En vérité, la révolte (6) – Grâce soit rendue à
Trois noms (29) – Ne t’en remets à aucun autre que Dieu (36).
La miséricorde divine
Je me figurai mon Bien-Aimé (7) – Grâce soit rendue à Dieu (8) – Dieu
illumine des cieux (14) – La fraîcheur de l’œil (15) – En Saba (17) – Je vis
La femme, l’amour
vis dans mon sommeil… (19) – Je vis dans mon sommeil… (20) – Je
La voie mystique
Le dévoilement
Lorsque le soleil des âmes (10) – L’étoile brûlante (11) – En Saba (17) –
Je vis dans mon sommeil… (19) – Je vis dans mon sommeil… (20) –
de Dieu (34) – Celui qui L’invoque (35) – Ne t’en remets à aucun autre que
Dieu (36).
L’Homme parfait
Islam, Coran
Grâce soit rendue à Dieu (8) – Dieu illumine des cieux (14) – En Saba
(17) – Je me repens de Lui (18) – Je revêtis en rêve une jeune fille (21) –
Ô lune des mystères (2) – En Saba (17) – Mes amis, ne vous empressez
Celui qui L’invoque (35) – Ne t’en remets à aucun autre que Dieu (36).
Science des lettres, Parole Divine/parole
Contemple le Vrai (27) – Trois noms (29) – Considère ton existence (30) –
présentés et traduits par Michel Chodkiewicz, Seuil, 1982 ; Le Livre des haltes,
traduit par Abdallah Penot, Dervy, 2008. Cf. également les travaux de Bruno
2. Ibn ‘Arabī, Le Chant de l’ardent désir, choix de poèmes traduits et présentés par
Sami-Ali, Actes Sud, 1989 ; L’Interprète des désirs, traduit et présenté par
3. Des travaux en langue arabe nous ont également inspirés : citons particulièrement
des termes techniques du soufisme de Rafīq al-Ajam, Mawsū‘a al-mu ṣṭalaḥāt al-
ṣ
ta awwuf al-islāmī, Beyrouth, 1999.
4. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, Oxford University Press, 2012.
5. Ibn ‘Arabī, Al-Futū ḥāt al-Makkiyya, cité par Henry Corbin, L’Imagination
créatrice dans le soufisme d’Ibn ‘Arabī, Flammarion, 1958, rééd. Entrelacs, 2006,
remarquable ouvrage de Claude Addas, Ibn ‘Arabī, op. cit. Cf. également l’article
e
« Ibn al-‘Arabī », in Encyclopédie de l’Islam, Brill/Maisonneuve, 2 éd., 1990.
8. Rappelons que Jésus (‘Īsā), en islam, n’est pas fils de Dieu mais une figure
« Parole [de Dieu] projetée en Marie, et un Esprit venu de Lui » (Coran 4, 171), un
« signe pour les hommes et une miséricorde émanent de Nous » (19, 21). De
nombreux versets lui sont consacrés, essentiellement dans les sourates 3, 4, 5 et
19. Pour la place particulière de Jésus dans le soufisme, cf. Faouzi Skali, Jésus
9. Ces étonnantes expériences sont rapportées par Claude Addas, Ibn ‘Arabī, op. cit.,
p. 182 et 334.
10. Cf. Coran 18, 59-82. Au sujet du rapport entre Ibn ‘Arabī et Al-Kha ḍir, cf. plus
12. Cité par Claude Addas, Ibn ‘Arabī, op. cit., p. 194.
13. Ce texte apparaît dans l’introduction au Dīwān al-ma‘ārif. Cf. Claude Addas, « Le
vaisseau de pierre », Journal of the Mu ḥyiddīn Ibn ‘Arabī Society, vol. 19, 1996 ;
14. Claude Addas, « Le vaisseau de pierre », art. cit. ; Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s
15. Cité et commenté par Claude Addas, « Le vaisseau de pierre », art. cit.
16. Cf. l’article de Roger Deladrière, « The Dīwān of Ibn ‘Arabī », Journal of the
18. Husayn Mansūr Ḥallāj, Dīwān, traduit et présenté par Louis Massignon, Seuil,
2006, p. 103.
McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 97-100, qui signale également
e
réalité dans quelques poèmes mystiques du XIII siècle », Asiatische Studien-
21. Abd el-Kader, « Halte 112 », in Écrits spirituels, op. cit., p. 50.
p. 1376.
28. Abd el-Kader, « Halte 172 », in Écrits spirituels, op. cit., p. 80.
30. Abd el-Kader, « Halte 285 », in Le Livre des haltes, op. cit., p. 122.
31. Entretien avec Frédéric Lenoir, « Les Racines du ciel », France Culture, 8 mars
2015.
33. Abd el-Kader, « Halte 132 », in Écrits spirituels, op. cit., p. 94.
34. Cité par Michel Chodkiewicz, Un océan sans rivage. Ibn ‘Arabī, le Livre et la Loi,
35. Cité et commenté par Henry Corbin, L’Imagination créatrice, op. cit., p. 283
et 285.
36. Cité par Claude Addas, Ibn ‘Arabī, op. cit., p. 134.
37. Cf. Mohammed Ali Amir-Moezzi (dir.), article « Noms divins », in Dictionnaire
39. Cf. Abdallah Penot, in Abd el-Kader, Le Livre des haltes, op. cit., p. 271-272.
40. Cf. aussi la traduction d’André Miquel : « Ce très vieux vin, ô bien-aimé, bu à ton
signe, nous fit ivres avant la naissance des vignes ! » (Du désert d’Arabie aux
43. Jacques Berque, Le Coran. Essai de traduction, Albin Michel, 2002, p. 707.
44. Abd el-Kader, « Halte 132 », in Écrits spirituels, op. cit., p. 95.
46. Abd el-Kader, « Halte 145 », in Le Livre des haltes, op. cit., p. 170.
47. Cf. Abd el-Kader, « Halte 172 », in Écrits spirituels, op. cit., p. 80.
51. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit, p. 83-87.
56. Denis Gril, article « Étoile », in Mohammed Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire
62. Cité par Abd el-Kader, « Halte 193 », in Écrits spirituels, op. cit., p. 115.
64. Abd el-Kader, « Halte 249 », in Le Livre des haltes, op.cit., p. 165.
73. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 71 note 55.
74. Cf. Souad Ḥakim, « Ibn ‘Arabī’s Twofold Perception of Women, Women as
Human Being and Women as Cosmic Principle », Journal of the Mu ḥyīddin Ibn
‘Arabī Society, vol. 31, 2002 ; Reza Shah-Kazemi, « Jesus in the Quran. An
op.cit., p. 282.
77. Cf. Rafīq al-Ajam, Mawsū‘a al-mu ṣṭalaḥāt al-taṣawwuf al-islāmī, op.cit., p. 1012.
78. Cf. Souad Ḥakim, Al-Mu‘jam al-ṣūfī, op. cit., p. 1121.
79. Albert Kazimirski, Dictionnaire arabe-français, op. cit., t. 2, p. 56.
81. « Halte 275 » et « Halte 133 », in Écrits spirituels, op. cit., p. 144 et 148.
83. Albert Kazimirski, Dictionnaire arabe-français, op. cit., t. 1, p. 412. Cf. Rafīq al-
87. Cité par Michel Chodkiewicz, Un océan sans rivage, op. cit., p. 61.
88. Cf. Sami-Ali, « Langue arabe et langage mystique. Les mots aux sens opposés et le
90. Cité par Michel Chodkiewicz, Un océan sans rivage, op. cit., p. 66-67.
91. Cf. M. Chiadmi, Le Noble Coran, Tawhid, 2004, p. 428 note 1 et p. 430 notes 5-7.
94. Cité par Michel Chodkiewicz, in Ibn ‘Arabī, Les Illuminations de La Mecque,
96. Abd el-Kader, « Halte 175 », in Le Livre des haltes, op. cit., p. 228-249.
97. Abd el-Kader, « Halte 131 », in Écrits spirituels, op. cit., p. 76.
100. Cf. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 121 note 17.
104. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 123.
105. Cf. Rafīq al-Ajam, Mawsū‘a al-mu ṣṭalaḥāt al-taṣawwuf al-islāmī, op. cit., p. 808.
106. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 122 note 24.
108. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 123 note 31.
110. Maurice Gloton, in Ibn ‘Arabī, L’Interprète des désirs, op. cit., p. 90.
111. Abdallah Penot, in Abd el-Kader, Le Livre des haltes, op. cit., p. 420.
112. Manuscrit MS Veliyuddin 1681 f. 80 (Turquie), publié par Denis E. McAuley, Ibn
113. Ibn ‘Arabī, Traité de l’amour, traduction et notes de Maurice Gloton, Albin
114. George Grigore, « Le concept d’amour chez Ibn ‘Arabī », Romano-Arabica II,
2002.
117. Cf. Pierre Lory, Le Rêve et ses interprétations en Islam, Albin Michel, 2003, 2015.
118. Cf. Claude Addas, article « Homme », in Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.),
120. Abdallah Penot, in Ibn ‘Arabī, Les Révélations de La Mecque, op. cit., p. 201.
121. La métrique impose de lire, au vers 7, فعاودْتet ْوأدبرت au lieu de فعاودُتet أدبرُت
donnés dans l’édition de Beyrouth. Par ailleurs, le contexte nous pousse à
123. Cité par Henry Corbin, L’Imagination créatrice, op. cit., p. 85.
125. Cf. Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), article « Ka’ba », et article « Pèlerinage à
127. Cité par Henry Corbin, L’Imagination créatrice, op. cit., p. 335 note 131.
Human Being and Women as Cosmic Principle », art. cit. ; Annemarie Schimmel,
2000, p. 123 et s.
130. Cf. Ibn ‘Arabī, Les Révélations de La Mecque, op. cit., p. 272 note 33.
Doroob.com (site fermé depuis) ; Claude Addas, Ibn ‘Arabī, op. cit., p. 113 et 179.
132. Cité par Michel Chodkiewicz, Le Sceau des saints, op. cit., p. 9.
133. Abdallah Penot, in Abd el-Kader, Le Livre des haltes, op. cit., p. 404 et 402.
136. Cf. Michel Chodkiewicz, Un océan sans rivage, op. cit., p. 55 et note.
138. Nous remercions Julien Roy pour ce rapprochement pertinent qui démontre que la
139. Abdallah Penot, Le Livre des haltes, in Abd el-Kader, op. cit., p. 396.
respectivement في كِّل آيِة تنزيٍه au lieu de في كِّل آيٍة تنزيٌهet وكِّل آيِة تشبيه au lieu de
142. Cf. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 131.
143. Abd el-Kader, « Halte 193 », in Écrits spirituels, op. cit., p. 114.
145. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 133.
146. Cité par Claude Addas, Ibn ‘Arabī, op. cit., p. 186 et s.
149. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī Mystical Poetics, op. cit., p. 133.
150. Cité par Michel Chodkiewicz, Le Sceau des saints, op. cit., p. 155.
153. ṣ
Husayn Manoūr Hallāj, qa īda 1 Dīwān, op. cit., p. 41.
154. Al- Ḥallāj, muq aṭṭa‘a 51, cité par Éric Geoffroy, « Le sens du pélerinage »,
oumma.com, 2015.
155. Abd el-Kader, « Halte 254 », in Écrits spirituels, op. cit., p. 129-130.
en fin de certains vers par la kasra et de lire au vers 7 إاّل لمعترف au lieu de إاّل
المعترف.
157. Gabriele Mandel Khân, L’Écriture arabe, Flammarion, 2011, p. 27.
158. Pierre Lory, La Science des lettres en Islam, Dervy, 2004, p. 124-125.
159. Denis Gril, « La science des lettres », in Ibn ‘Arabī, Les Illuminations de La
161. Cité par Michel Chodkiewicz, Un océan sans rivage, op. cit., p. 63-64.
162. Ibid., p. 66-67. Voir aussi le poème 16, « Il étend le pardon », note ii.
p. 118-119.
166. Pour une analyse comparative de la tradition des mu‘ashsharāt, cf. Denis
168. Cf. Michel Chodkiewicz, Un océan sans rivage, op. cit., introduction.
169. Cf. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 174.
p. 153-172.
172. Al-Ḥallāj, qaṣīda 10, cité par Éric Geoffroy, Le Soufisme, op. cit., p. 114.
173. Ḥusayn Manṣūr Ḥallāj, Dīwān, op. cit., p. 41.
174. Abū Nūwas, Le Vin, le Vent, la Vie, Actes Sud, 1998, p. 81.
175. Cf. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 175 note 66.
176. Cf. Pierre Lory, La Science des lettres en Islam, op. cit. ; Denis Gril, « La science
Soufisme.org/site/spip.php ?article107.
178. Cité et commenté par Claude Addas, Expérience et doctrine de l’amour chez Ibn
‘Arabī, The Mu ḥyīddīn Ibn ‘Arabi Society, repris dans Geneviève Gobillot (éd.),
Mystique musulmane, parcours en compagnie d’un chercheur, Roger Deladrière,
Cariscript, 2002.
181. Cf. Abdallah Penot, in Abd el-Kader, Le Livre des haltes, op. cit., p. 397 et 403-
404.
182. Cf. Denis Gril, « La science des lettres », in Ibn ‘Arabī, Les Illuminations de La
184. Cf. Denis E. McAuley Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 183-185.
188. Cf. Éric Geoffroy, Jihād et contemplation. Vie et enseignement d’un soufi aux
189. Pierre Lory, La Science des lettres en Islam, op. cit., p. 120-122.
192. Denis Gril, « La science des lettres », in Ibn ‘Arabī, Les Illuminations de La
193. Pierre Lory, La Science des lettres en Islam, op. cit., p. 122.
194. La métrique impose de corriger l’édition de Beyrouth et de lire dans les vers 2 et 4
lieu de زينة.
195. Cf. Albert Kazimirski, Dictionnaire arabe-français, op. cit., t. 1, p. 1282.
203. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mysticsal Poetics, op. cit., p. 186.
205. Cf. Jean Annestay, « Introduction à la cosmogonie islamique », in Ibn ‘Arabī, Les
207. Cf. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 187.
209. Abdallah Penot, Abd el-Kader, Le Livre des haltes, op. cit., p. 394.
211. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 189 et 234.
212. Cité par Claude Addas, Ibn ‘Arabī, op. cit., p. 59.
213. Pierre Lory, La Science des lettres en Islam, op. cit., p. 38 et 123.
214. Cf. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 191.
1983.
217. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 191 note 28.
218. Cette intéressante interprétation nous a été suggérée par Sakhr Benhassine.
220. Au sujet de la hiérarchie des saints et du rang spirituel particulier d’Ibn ‘Arabī, cf.
221. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 192.
226. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 179.
229. Cf. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit. p. 34 et 179 note 79.
230. Cité par Claude Addas, Ibn ‘Arabī, op. cit., p. 150.
231. Denis E. McAuley, Ibn ‘Arabī’s Mystical Poetics, op. cit., p. 177 note 75.
232. Cité par Michel Chodkiewicz, Un océan sans rivage, op. cit., p. 72-73.
233. Ibn ‘Arabī, « Des pôles préservés à l’abri des regards et des secrets de leur
234. Ibid.
235. Cf. note de l’éd. du Roi Fahd ad loc. ; Albert Kazimirski, Dictionnaire arabe-
237. Youssef Seddik, Le Coran. Autre lecture, autre traduction, L’Aube, 2002, en
241. Cf. Jacques Berque, Le Coran, op. cit., p. 659 note ; Albert Kazimirski,
243. o
Ḥusayn Manṣūr Ḥallāj, muqaṭṭa‘a 57, Poèmes mystiques, op. cit., p. 83, n 45.
244. Cf. Abdallah Penot, in Abd el-Kader, Le Livre des haltes, op. cit., p. 432.
Sud, 2009.
248. Cf. Michel Chodkiewicz, Un océan sans rivage, op. cit., p. 122 et 156.
249. Cf. Abd el-Kader, « Halte 309 », in Le Livre des haltes, op. cit., p. 184.
251. Ian Ridpath, Mythology From Star Tales, Universe Books, 1988,
Souledout.org/cosmology/highlights/arcturushigh lights/arcturushighlights.html.
252. Cité par Abdallah Penot, in Abd el-Kader, Le Livre des haltes, op. cit., p. 395.
256. Cité par Denis Gril, « Le commentaire du verset de la Lumière d’après Ibn
257. Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), article « Élie », in Dictionnaire du Coran, op.
cit., p. 244-246.
258. Michel Chodkiewicz, Le Sceau des saints, op. cit., p. 100-102 ; Mohammad Ali
261. Ibn ‘Arabī, Al-Futū ḥāt al-Makkiyya, cité par Claude Addas, Ibn ‘Arabī, op. cit.,
p. 253.
262. Cf. Salah Stétié, Râbi‘a de feu et de larmes, Albin Michel, 2015, propos XLIV,
p. 115.
267. Abd el-Kader, « Halte 133 », in Écrits spirituels, op. cit., p. 148.
271. Cité par Malek Chebel, in Dictionnaire amoureux de l’Islam, article « Almées,
Sources
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Traductions
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1997.
Gril, Denis, « La théophanie des Noms divins, d’Ibn ‘Arabī à Abd el-
Guénon, René, « La science des lettres », revue Voile d’Isis, 1931, repris
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al-wa ī (Dictionnaire du soufisme), Dār al-
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Ibn Man ūr, Lisān al-‘arab (La Langue arabe, XIII siècle), plusieurs
Larousse, 1983.
Remerciements
Mons pour leur chaleureux soutien tout au long de cette aventure. Nous
remercions toutes celles et ceux qui ont manifesté leur intérêt pour notre
Albin Michel, Jean Mouttapa et Julien Darmon pour leur accueil et leur
Spiritualités vivantes
32. La Voie de la perfection. L’enseignement du maître persan Nur Ali Elâhi, Bahrâm
Elâhi.
74. Futuwah, traité de chevalerie soufie, traduit et introduit par Faouzi Skali.
Djamchid Mortazavi.
179. Dictionnaire des symboles musulmans. Rites, mystique et civilisation, Malek Chebel.
219. Les Quatrains d’Omar Khayyam, traduits et présentés par Omar Ali-Shah.
Espaces libres
À la croisée des trois monothéismes. Une communauté de pensée au Moyen Âge, Roger
Arnaldez.
La Fraternité en héritage. Histoire d’une confrérie soufie, Cheikh Bentounès avec Bruno
Solt.
Carnets du calligraphe
Carnets de sagesse