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De yourte en yourte ou le pastoralisme mongole1

En août 2013, j’ai eu la chance avec un petit groupe de compagnons de voyages, de partir
découvrir les grandes étendues de steppes mongoles et de vivre le quotidien des
nomades dont la vie est rythmée par le bétail et oscille entre tradition et modernité. De
cette expérience, j’ai tiré des milliers de souvenirs, des photos mais aussi tout un carnet
de notes que j’ai voulu ici vous exposer afin de vous narrer le mieux possible la vie de
ces nomades.
• Fiche d’identité
La Mongolie, vaste pays comme 2,5 fois la France, a une population de plus de 3 millions
d’habitants dont 1,5 million se trouve dans la capitale, Oulan‐Bator. D’une grande
diversité ethnique, 80% de la population mongole est issue de l’ethnie des Kahlkha (qui
viennent à l’origine de l’est de la Mongolie). La Mongolie possède également une grande
diaspora (environ 5 millions de personnes). La langue utilisée est le mongol, véhiculé
par l’alphabet cyrillique.
Longtemps sous tutelle soviétique (de 1921 à 1989), la Mongolie est aujourd’hui une
république démocratique avec son propre drapeau qui reflète l’identité même de ce pays
et de son histoire : on trouve en effet sur ce drapeau 2 bandes rouges qui symbolisent
l’idéologie communiste, une bande bleue symbolisant le ciel (qui est également la
couleur nationale) et une bande jaune, couleur de la fraternité. Sur ce drapeau, sont
dessinés également tout un ensemble de symboles qui rappellent les croyances
animistes du pays mais aussi ses valeurs grâce à un idéogramme représentant la source
même de la vie :
‐ la flamme à 3 mèches : symbole de la prospérité passée, présente et future

‐ le soleil et la lune : symbole du grand ciel et de


l’indestructibilité de la Mongolie

‐ les triangles vers le bas : symbole des pointes de flèches qui


ont vaincu l’ennemi

‐ les rectangles horizontaux : symbole de la stabilité, de la force


et de la droiture des Mongols
‐ les rectangles verticaux : symbole des murs qui protègent la
nation, la force et la stabilité du pays
Figure 1 : Le Soyombole
‐ le Yin et le Yang : symbole de la dualité et de la
complémentarité. Perçue également comme 2 poissons (mâle et
femelle), il est symbole de fertilité. Ne fermant pas les yeux, ces 2 poissons représentent
également le peuple mongol toujours en état de veille, en état d’alerte.

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Les informations présentes dans cet article sont le fruit d’un voyage en Mongolie que j’ai eu la chance de faire
au mois d’Août 2013. Il ne s’agit donc pas d’un article aux informations exhaustives mais davantage d’un
« carnet de voyage » aux allures d’article académique : les informations récoltées sont le fruit de mes
rencontres, de mes échanges et de ma « vie » en compagnie des nomades dans la région d’Olziit, à 6h de route
d’Oulan‐Bator.

1
L’ensemble de ces éléments constituent le
Soyombole qui est l’emblème national de
la Mongolie.

• Oulan­Bator
La Mongolie a pour capitale Oulan‐Bator,
grande ville où se mélange modernité et
« tradition ». La ville connaît en effet une
forte croissance démographique et une
expansion géographique, résultat d’un
exode des campagnes qui n’est pas sans
conséquence comme en témoignent
malheureusement les « ghettos » à la
périphérie de la capitale où s’entassent
les yourtes de ceux qui viennent en ville à
la recherche d’une vie plus confortable.
Oulan‐Bator est également une ville de
mémoire où l’on retrouve l’image du
héros national, Genggis Khan, sur la place où siège le parlement. Il s’agit là d’une volonté
de ne pas oublier un passé mis à mal sous l’ère soviétique (qui avait volontairement
effacé l’image de ce héros populaire) ce qui explique peut‐être la présence de cet homme
sur les billets de banque, dans le nom des restaurants et même à travers les boissons
(une bière porte en effet son nom).

La vie religieuse
• Bouddhisme

La Mongolie est également une terre de croyances où différents systèmes religieux se


côtoient en harmonie. Le bouddhisme reste la principale source religieuse.

Longtemps interdit sous l’ère soviétique, le bouddhisme connait une nouvelle


jeunesse depuis peu : 85% de la population mongole est de confession bouddhiste. Les
monastères et les temples se sont ainsi ouverts à tous comme en témoigne celui de
Gandantegchinlin, à Oulan‐Bator.

Construit en 1809 puis restauré en 1990, il est l’exemple même de l’implantation et de


l’importance que revêt aujourd’hui le bouddhisme en Mongolie. Dans un style où se
mélangent des influences chinoises, tibétaines et mongoles, ce monastère se caractérise
par la statue de Megjid‐Janraiseg (le bodhisattva Avalokiteshvara) qui gît en son sein et
qui mesure 26,5 mètres de hauteur : portant un vase avec de l’eau éternelle, il est celui
qui voit tout. Tout dans ce temple respire le sacré ; des offrandes gisant devant les
statues aux drapeaux de prières, en passant par les boiseries même du lieu.

Aujourd’hui, chacun est libre d’y venir pour se


Figure 2 :par
recueillir, prier et/ou assister à une cérémonie rythmée La statue de Megjid‐Janraiseg
la récitation de mantras.
Pendant la cérémonie, la communauté de fidèles se rassemble dans une certaine

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effervescence autour des moines en prière. L’encens brûle, les cloches sonnent et
rythment la prière. Hommes et femmes y sont les bienvenus et y déambulent dans le
sens des aiguilles d’une montre ; certains viennent se faire bénir en touchant du front les
livres de prières, d’autres prient devant les reliques. Les demandes de prières
particulières affluent également et il n’est pas rare de voir des personnes remettre leurs
souhaits inscrits sur un papier à un moine.

Devant les représentations de Bouddha et les stades de son éveil, des offrandes sont
déposées, les moulins à prières tourbillonnent au gré des fidèles, les boules des
chapelets tournent au rythme des 108 illusions. Un petit salon est même installé afin que
les croyants puissent assister aux prières. L’autel et les bonzes se tiennent au centre de
la pièce d’où le sentiment religieux peut rayonner et se diffuser. Un arbre à souhait se
trouve même près du temple ; chacun vient toucher les trous sculptés dans le tronc et
espère ainsi que ses vœux seront exaucés comme en témoignent les nombreux foulards
bleus accrochés à l’arbre, signe de respect.
La plupart des temples sont bâtis sur la même structure, avec les mêmes emblèmes
notamment les 2 gazelles (celles qui auraient entendu pour la première fois la prière du
bouddha) entourant la roue du karma. Un stupa est généralement présent sur le site et
conserve les reliques du lama des lieux. Des moulins à prières accompagnent également
les croyants.
Religion dominante depuis le VI°siècle, le bouddhisme mongol se veut lamaïque (jaune)
à savoir qu’il est directement issu du Mahâyâma ou « Véhicule de diamant », du
bouddhisme tibétain. En ce sens, il reconnait le dalaï‐lama comme autorité spirituelle et
chef de la communauté religieuse. Dans cette branche du bouddhisme, l’accent est mis
sur la discipline monastique et sur le débat religieux comme moyen d’atteindre
l’illumination. Le lamaïsme reconnait également l’existence de plusieurs bouddhas
vivants qui ont atteint l’illumination durant leur vie terrestre et qui deviennent ensuite
des chefs spirituels. Ce modèle s’imposa en Mongolie dès 1920, les monastères se
multiplièrent alors et furent considérés comme des points de rassemblement pour la
population. Cela donna naissance à de nombreux centres bouddhistes à travers le pays
comme celui d’Oulan‐Bator.
Cet « engouement » pour le bouddhisme s’explique notamment par le passé religieux des
familles mongoles. En effet, à l’époque, la tradition voulait qu’un fils soit envoyé auprès
d’un lama pour recevoir une certaine éducation (aujourd’hui, il s’agit davantage d’un
choix personnel que d’une tradition). Du XVII° au XX° siècle, le monastère (et par là le
bouddhisme lui‐même) était ainsi considéré comme le lieu même d’apprentissage
(enseignement théologique et médecine traditionnelle y étaient notamment enseignés)
et de vie sociale. Dès le XVI° siècle, les temples et monastères se sont alors multipliés
dans toute la Mongolie et au début du XX° siècle, on ne dénombrait pas moins de 800
monastères. Le bouddhisme était également lié à la culture littéraire mais aussi
musicale.
Et pourtant, sous le régime communiste (qui occupa la Mongolie pendant 70 ans
environ), toute forme de religion fut interdite, le bouddhisme en fut une des victimes :
700 monastères furent détruits dans tout le pays, 10 000 moines furent exécutés. Un
quart de la population mâle était à cette époque moine : au moment des purges, le clergé
perdit plus de 95% de ses effectifs.

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Aujourd’hui, nous constatons un retour du sentiment religieux bouddhiste mais aussi de
pratiques chamaniques sans doute liées à cette interdiction qui pousse à présent les
mongols à se rapprocher de leur passé.

• Chamanisme et animisme
Longtemps réprimé sous l’ère soviétique, le chamanisme (et l’animisme) à l’image du
bouddhisme, vit également une « seconde jeunesse » actuellement. Il n’est donc pas rare
de croiser des rites de ce type au quotidien.

Le chamanisme serait la plus vieille religion originaire de Sibérie et d’Asie centrale.


Aujourd’hui, il est essentiellement pratiqué par les communautés Darkhad, les Buriads,
les Khotgads, les Uriankhars et les Tsaatan.
La base de ce système de croyances reste la communication entre les hommes et les
esprits de l’autre monde par le biais du chaman durant des séances de transe qui
ouvrent le passage vers le monde des esprits. Le chaman possède des pouvoirs curatifs
et peut ramener les âmes égarées. Il peut s’agir d’une femme ou d’un homme ; dans tous
les cas, il est choisi par l’esprit et non pas de façon héréditaire. Ce « don » se manifeste à
l’âge adulte quand le chaman est déjà sensibilisé au monde des esprits et accepte ses
responsabilités envers les esprits. On trouve ces chamans essentiellement chez les
Tsaatan et les Buriads en Mongolie. A noter que le bouddhisme et le chamanisme ne
s’excluent pas en Mongolie dans la mesure où le bouddhisme a même intégré des
pratiques chamaniques comme les pratiques médicales.

Figure 3 : Un Övöo
L’animisme est aussi très présent en Mongolie mais davantage comme un héritage de
tradition. En effet, vivant en harmonie avec la nature, les mongols sont attentifs à ne pas
contrarier les esprits et surtout le dieu du feu d’où l’importance de ne pas jeter de
déchets dans le poêle de la yourte (cf. la partie consacrée à la yourte). Sur les routes plus
campagnardes, il n’est pas rare également de constater des « manifestations » de ces
croyances. L’exemple le plus flagrant reste sans doute ces amas de pierre sur lequel
trône un tronc de bois où sont noués des foulards de couleur bleu et que nous

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rencontrons sur le bord des routes. D’origine animiste, il s’agit de ce que l’on nomme les
« Övöo », ces amas de pierres qui sont en fait des offrandes faites aux esprits des lieux
pour les remercier de protéger les voyageurs en chemin. Le foulard bleu est ici une
marque de respect. La personne se doit alors de faire le tour du övöo 3 fois dans le sens
des aiguilles d’une montre ; elle y dépose ensuite des offrandes telles qu’une poignée de
cailloux, un foulard, du lait…

• Religion traditionnelle
Pour autant, au sein des familles d’éleveurs mongols, la religion semble peu présente ; en
tout cas, les familles ne font pas « étalage » de signes religieux. Cela passe davantage par
un ensemble de traditions à respecter au sein de la yourte et dans son architecture
même, croyances qui oscillent entre chamanisme et animisme.
J’énoncerai ici quelques exemples de ces signes religieux comme par exemple la
présence d’un foulard bleu au centre de la yourte, à l’endroit même où le lien entre la
terre et le ciel se fait, dans cet espace réservé aux esprits : ce « symbole » est ainsi
synonyme de protection, de porte‐bonheur à l’image du ciel éternel. Nous retrouvons
une autre couleur importante présente dans la yourte ; il s’agit de l’orange avec lequel
sont colorées les tiges de bois fixant la yourte. Cette couleur est le symbole de l’infini, de
l’éternité.

Le pastoralisme mongol des steppes


• La vie nomade
En Mongolie, la plupart des habitants des steppes sont essentiellement semi‐nomades, à
savoir qu’ils alternent entre 3 et 4 campements délimités et connus durant l’année,
changeant d’endroits à chaque saison ou presque. Ce mode de vie ressemble davantage à
une transhumance qu’à un pur nomadisme.
Les mongols des steppes vivent essentiellement de l’élevage et tous (l’ensemble de la
famille) participent aux tâches quotidiennes selon une répartition en fonction du rôle et
du genre de chacun (même si de plus en plus ces
frontières sont poreuses) : les femmes
s’occupent du foyer, de la nourriture, de la traite
des animaux et les hommes du bois, du bétail, de
la corvée d’eau, des tâches plus physiques. Bien
que les activités et les tâches de chacun soient
clairement définies, il n’est pas rare par exemple
que l’homme vienne aider à préparer le repas,
tâche de la femme. La recherche, la coupe de
bois, la corvée d’eau sont davantage des
activités masculines tout comme les activités
liées au troupeau.

Leurs activités quotidiennes sont en effet


tournées autour du troupeau, de la traite des
vaches au fait de conduire le troupeau dans le
pâturage. La vie économique mais aussi le style
Figure
de vie4 dépend
: Femme mongole préparant
directement dedul’élevage, d’où l’importance que consacre le nomade au
yaourt
soin des bêtes, à vérifier l’état de santé de celles‐ci dans le respect de l’animal. Pour
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autant, la notion de propriété est toute « relative » : les troupeaux sont lâchés dans les
steppes, sans enclos. Si une bête s’égare, il y aura toujours un berger pour la reconduire
à son « propriétaire ». De même, lors d’un changement de camps, les voisins sont les
premiers à venir aider. Une forme de solidarité existe donc entre les éleveurs. En effet, la
vie nomade est également une vie de solidarité et de convivialité.
Au‐delà d’une « simple » activité, le troupeau constitue la fierté même du berger. Les
bergers sont fiers de montrer à l’étranger curieux ses nombreux diplômes du « meilleur
éleveur » et ses médailles qu’il a reçues ainsi que sa femme. L’état lui‐même encourage
et valorise l’élevage par ce biais.
L’animal a également une place bien particulière au sein de la vie nomade. Cette place lui
semble d’ailleurs attribuée depuis le début des âges : on dénote de nombreuses
peintures rupestres datant de l’âge de bronze et s’illustrant par la représentation
d’animaux. Les éleveurs ont en effet un grand respect de la nature de par leur style de
vie. Ainsi rien n’est jamais perdu et tout est réutilisé. Des os pour les jeux d’osselets à la
peau de mouton tannée pour en faire des cordes, tout est recyclé.
La vie nomade étant rythmée par le bétail et appartenant au monde des steppes, le
rapport aux distances et au temps est des plus relatifs. Demander son chemin est assez
« problématique » et bien souvent, l’hôte choisira de nous accompagner plutôt que de
nous indiquer le chemin. De même dans leur rapport au temps qui est davantage un
rapport aux bêtes à savoir que ce sont les activités liées au troupeau qui rythment et
conditionnent la vie nomade : on mange lorsque toutes les tâches du matin sont
effectuées (comme la traite des vaches). La notion d’heure fixe n’existe donc pas
réellement et la patience est maître mot.
• La vie en yourte

Figure 5 : Paysage de Mongolie

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Les nomades mongoles ont comme principale résidence une yourte dans laquelle
chaque chose est à sa place et suit une certaine logique.
En effet, la yourte ou « ger » est un
univers à lui seul avec ses propres
règles qui reflètent la conception
qu’ont les mongols de l’univers.
Chaque chose y a sa place et les
personnes elles‐mêmes sont placées
selon une logique : les invités sur le
côté gauche, en face des maîtres de
maison à droite de l’entrée de la
yourte au sud. Au fond, au nord,
l’espace est réservé aux ancêtres ou
à la religion. Les piliers centraux
font le lien entre le ciel et la terre.
Le montage comme le démontage Figure 6 : Les piliers faisant la connexion entre le ciel et la
d’une yourte s’opère en plusieurs temps. Pour ce qui est terre du montage, les Mongols
s’affairent dans un premier temps à l’installation du « plancher » et des meubles. Puis
vient le treillis de bois et on fixe la porte. On place ensuite le cercle de bois central posé
sur 2 piliers centraux. Les perches du toit sont alors placées. Traditionnellement, on en
compte 81, nombre faste dans la cosmogonie mongole. Enfin, le tissu intérieur est posé
ainsi qu’une couche de feutrine et enfin une toile blanche étanche est attachée sur
l’ensemble par des cordes. La yourte est tournée vers le sud, zone du travail où se trouve
le foyer, où la femme prépare le repas (à l’inverse du nord qui se veut sacré et où l’on
place bien souvent l’autel aux ancêtres, les photos des disparus…)

Pour le démontage, dans un premier temps, nous retirons la toile supérieure qui permet
d’éviter à l’eau de s’infiltrer dans la yourte. Puis nous retirions une deuxième couche de
feutre isolant composée d’un patchwork de tissus en tous genres (et même de vêtements
de type t‐shirt, jeans…). On démonte et on replie l’armature de la yourte faite de
croisillons ainsi que les perches
qui soutiennent la structure. Le
tout est ensuite placé dans un
camion qui transporte l’ensemble
vers un autre campement, à
environ 10‐20 kilomètres de là.
Des pierres sont alors déposées
sur l’emplacement afin de
signaler aux autres nomades que
l’espace est réservé.

Figure 7 : Démontage d'une yourte Au sein de la yourte, la vie


s’organise autour du poêle
central qui sert à la fois de
chauffage2 mais aussi de four et
de plaques pour cuisiner. Ce
poêle revêt d’ailleurs un
2
Les mongoles utilisent les bouses de yacks séchées et le petit bois environnant comme combustibles.

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caractère sacré puisqu’il est interdit d’y jeter des déchets : il est le gardien de l’esprit du
feu. Chacun est libre de circuler dans la yourte mais toujours dans le sens des aiguilles
d’une montre et sans rien enjamber. A noter que malgré cet aspect traditionnaliste,
beaucoup de mongols se sont équipés de télévision et d’antennes paraboliques. Pour
l’électricité, ils se sont équipés de panneaux solaires reliés à une batterie et parfois
même à un groupe électrogène. La plupart d’entre eux possède également une moto
pour pouvoir se déplacer (ce qui réduit aussi le sentiment d’isolement).
Tout autour du poêle, nous trouvons quelques lits pour les adultes et d’épais tapis de
feutre sur lesquels dorment les enfants. Quelques meubles de rangement et des tapis
pour ornementer les murs et le sol. Lorsque l’emplacement est visité chaque année, on
trouve même une chape de béton sur laquelle repose la yourte.
La nourriture des nomades est composée de beaucoup de viande de bœuf, de mouton, de
la marmotte (bien qu’un décret interdise sa chasse), de chèvre séchée ou cuite (raviolis,
soupe) mais aussi d’« aliments blancs », à savoir du lait (crème fraiche, thé salé, yaourt,
fromage). Le riz, les pâtes, la pomme de terre, les carottes complètent l’alimentation. La
viande est souvent bouillie ou cuite à l’aide notamment de pierres brûlantes déposées au
cœur même de l’animal

Lors du repas, le mari est généralement servi en premier puis c’est le tour des invités
masculins puis féminins et enfin du reste de la famille. N’y voyons pour autant pas un
quelconque rapport de forces (les mongols sont en effet très proches de leurs enfants
avec lesquels ils adoptent un comportement très protecteur). La famille reste un socle
des plus importants puisque la survie du groupe dépend des relations entre individus ;
chacun est garant du bon fonctionnement de la cellule familiale mais aussi du bétail, des
tâches domestiques qui rythment et soutiennent la vie de ces populations.

A noter également que l’appartenance à une famille, à un clan se marque par le port du
vêtement traditionnel (le deel) où chaque couleur (notamment celle de la ceinture) est
associée à une famille.
• Les jeux

Les jeux revêtent une part importante de la vie des mongols. La fête nationale mongole,
le Naadam, fait d’ailleurs la part belle aux jeux puisqu’à cette occasion, des compétitions
d’archers ont lieu ainsi que des courses de chevaux. C’est aussi l’occasion pour les
hommes de montrer leurs aptitudes à la lutte, sport qu’ils apprennent dès l’âge de 12
ans et qui constitue le sport national mongol. D’ailleurs, au sein de certains villages, un
stade de lutte peut y être érigé comme à Olziit où celui‐ci fut construit à l’entrée du
village, entouré par des barrières bleues (couleur porte‐bonheur). Au‐dessus des
tribunes, nous retrouvons l’emblème mongol et les symboles du feu (la flamme), de la
terre (le soleil), de l’eau (les vagues) et du ciel (la lune).

Ces jeux font la fierté du pays et permettent aux plus braves de montrer à tous leur
courage. En dehors de cet aspect, les jeux mongols sont un reflet de vie nomade puisque
celle‐ci est intimement liée au sport et à l’entrainement privé, aux rites mais aussi à
l’animal lui‐même.
Au quotidien, les mongoles sont friands de jeux de cartes, d’osselets ce qui permet de
créer une réelle convivialité et de faire tomber les barrières. Pour autant, les casinos
sont interdits sur le territoire mongol (bien qu’il en existe des clandestins).
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• Un autre exemple de fête : La célébration des fiançailles
Le mariage et les fiançailles revêtent une étape importante dans la vie de tout un chacun.
Ces étapes de la vie sont donc l’occasion de grandes fêtes qui reflètent tout un système
social mais aussi familial qui suit toute une logique. Les fiançailles notamment reflètent
une Mongolie en pleine mutation, oscillant entre tradition et modernité.

Lors de mon séjour en Mongolie, j’ai ainsi eu la chance de pouvoir assister à une
célébration de fiançailles. Il s’agissait d’un couple, ensemble depuis 15 ans et qui avait
déjà un enfant (ce qui témoigne de la modernité des traditions mongoles) mais qui
souhaitait « officialiser la chose ». Ici, le fiancé accompagné de sa famille est venu dans la
famille de sa future femme pour demander sa main (ce sera ensuite au tour de la fiancée
et de sa famille de se rendre dans la famille du futur marié).
Et voici le récit de cette fête :
Arrivé tôt dans la soirée, nous sommes accueillis à bras ouverts par l’ensemble des gens
rassemblés dans la yourte, une quarantaine de personnes environ. Très vite, nous nous
imprégnons de l’atmosphère festive qui y règne et nous participons à cette
effervescence.
La soirée est rythmée par des chants Figure 8 : Fête de fiançailles
mais aussi par de la nourriture et de l’alcool, vraie récompense pour les chanteurs
(alcool de lait, l’airag ou le lait de jument fermenté, l’arkhi ou vodka). Le tabac est
également sollicité et passe de main en main comme marque de convivialité. Chacun
garde son couvre‐chef comme marque de respect à l’intérieur de la yourte où se déroule
la fête : une yourte pour la future mariée et sa famille, ses amis ; une yourte pour le futur
marié et sa famille, ses amis. Tout le
monde est de la partie, y compris les
enfants. Les bols d’alcool tournent et
chacun se doit de boire 3 fois comme
marque de respect envers les convives,
pour leur faire honneur ; cette partie de
la fête est directement en lien avec les
rites traditionnels. Le futur marié
observe la scène sans qu’une attention
particulière lui soit apportée. Seule sa
tenue, identique à celle de sa future
femme et de son enfant, le distingue
des autres convives. Dans les
campagnes, le mariage a encore une
signification forte (sans doute dû aux conditions de vie particulièrement dure et où le
noyau familial permet la « survie » de la famille) à l’inverse des villes où le taux de
divorce est en augmentation.
A notre époque, le mariage est une affaire de choix, de sentiments et n’est plus le fruit
d’un arrangement (ou en tout cas, c’est de moins en moins le cas). On ne s’échange plus
vraiment de richesses entre les 2 familles comme avant (on offrait alors bijoux,
vêtements, meubles…) mais le côté sacré et solennel du mariage est encore ancré dans
les mœurs des hommes et des femmes mongols.

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Conclusion
Aujourd’hui, le mode de vie de ces nomades semble menacé ; précarité du « métier »,
conditions de vie difficiles… poussent de nombreux mongols à quitter les steppes et la
campagne pour se réfugier en ville où ils espèrent une vie meilleure. En effet, la
« survie » des nomades dépend des conditions climatiques de plus en plus difficiles : la
perte du bétail peut entrainer la ruine de toute une famille. Devant ce phénomène de
plus en plus important et une ghettoïsation de ces nomades dans les banlieues d’Oulan‐
Bator, des ONG mènent de plus en plus d’actions pour valoriser la culture et le mode de
vie traditionnel dans l’espoir de freiner cet exode rural. Le tourisme responsable tente
lui aussi de répondre à cette problématique en permettant à des petits groupes de
touristes de partager le temps de quelques jours, le quotidien de ces communautés
nomades. Pour autant, le gouvernement semble encourager l’urbanisation des nomades,
lui permettant ainsi d’avoir un meilleur recensement et une main‐mise sur ces
populations. De plus en plus de jeunes notamment partent vers les villes et la capitale,
attirés par la culture occidentale et la consommation. Les villes ont ainsi un taux de
croissance de plus de 5% par an pour certaines d’entre elles et les bidonvilles d’Oulan‐
Bator ne cessent de croitre sans qu’une quelconque infrastructure ne soit installée (pas
d’eau courante). De plus, beaucoup de ces personnes manquent de formation
professionnelle ce qui réduit les chances d’intégrer le mode de vie urbain et de trouver
un emploi. Déracinées, désœuvrées et sans ressources, ces personnes se paupérisent
davantage chaque jour sans que le gouvernement ne sache lutter contre. L’alcool devient
souvent une réponse à cette crise que vivent ces populations et l’alcoolisme devient ainsi
un véritable fléau pour la Mongolie moderne.

Aurélie Giovine, anthropologue


spécialiste des systèmes mythologiques et faits religieux

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Références

‐ Á. Birtalan, The representation of the Mongolian shaman deity Dayan Deerh in invocations
and in a Buddhist scroll painting, Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et
tibétaines 42 | 2011 (http://emscat.revues.org/1800)

‐ I. Charleux, Orientation des monastères mongols, Études mongoles et sibériennes,


centrasiatiques et tibétaines 36‐37 | 2006 (http://emscat.revues.org/252)

‐ C. Ferret, Un espace à l’aune du bétail, Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et


tibétaines 36‐37 | 2006 (http://emscat.revues.org/988)

‐ P. Finke, Le pastoralisme dans l’ouest de la Mongolie : contraintes, motivations et


variations, Cahiers d’Asie centrale 11/12 | 2004 (http://asiecentrale.revues.org/701)

‐ X. Hallez, Elbegdorž Rinčino, Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines


35 | 2004 (http://emscat.revues.org/371)

‐ G. Lacaze, Les parfaits coursiers du Naadam, Études mongoles et sibériennes,


centrasiatiques et tibétaines 41 | 2010 (http://emscat.revues.org/1618)

‐ L. Merli, Introduction, Études mongoles et sibériennes, centrasiatiques et tibétaines, Nord‐


Asie 2 | 2011 (http://emscat.revues.org/285)

‐ Mongolie, Le petit futé, Nouvelles Editions de l'Université, 2013

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