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MARTINE FRANCIS
NOTES DE COURS

PHILOSOPHIE ET RATIONALITÉ
340-101-MQ

DU MYTHE À LA RATIONALITÉ

AUTOMNE 2023
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CHAPITRE 1 : LE MYTHE ET L’INTERPRÉTATION DU MONDE

Le mythe est une structure universelle de la pensée. Toutes les grandes civilisations ont
raconté les origines de leur monde, la naissance de l’Univers, de l’Homme, de la Mort, de
l’Amour.

Nous avons conservé ces structures en nous ; elles n’ont que changé d’apparence et de
forme.

OBJECTIFS DU CHAPITRE 1

L'étudiant/e devra pouvoir :


a) Comprendre et expliquer les principales caractéristiques du mythe ;
b) Donner des exemples de modèles de comportement fournis par le mythe ;
c) Distinguer entre le mythe et la religion ;
d) Identifier des éléments mythiques récupérés par les religions ;
e) Présenter les aspects positifs et négatifs des mythes dans l’espace actuel.
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ÉLÉMENTS DU CONTENU
Un récit sacré universel qui se transmet à travers les âges

• Se présente sous forme de tradition orale, écrite ou même plastique (Arts)


◊ Il se situe à l'origine des Temps, du Monde, de la Matière
◊ Il met en scène des êtres extraordinaires : dieux, héros, grands ancêtres
◊ Il introduit de l'Ordre dans l'univers : il montre le passage du Chaos au Cosmos
◊ Il est compris et vécu comme vrai, ce qui le distingue des contes et des légendes

L’univers est représenté en deux dimensions : le Sacré et le profane


• Le Monde Sacré
— il s'agit de la réalité ultime qui échappe aux imperfections de la réalité ordinaire
— c'est la résidence des dieux, du monde spirituel, des valeurs essentielles
— il est la source de toute vie, de toute existence, de tout pouvoir
— ce monde est la source du sens de toutes les choses
• Le monde profane
— il s'agit du monde ordinaire ; l'existence et la vie y sont imparfaites
— c'est le lieu où habitent les êtres humains
— ce monde ne peut pas trouver en lui-même son fondement ; il a continuellement
besoin d'être organisé par le monde Sacré
— dans ce monde, les humains agissent en se conformant aux modèles fournis par le
monde Sacré

L'organisation du temps
◊ Le mythe structure le temps à partir d'une origine absolue
• Il s'agit du temps de la Création, de la mise en ordre du monde par les Dieux
◊ Le mythe structure le temps de façon circulaire, le temps se déroule selon un
cycle, ce qui implique des fins périodiques et des recommencements
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Ex. : Les calendriers religieux : l’année est découpée en fêtes, rites, vacances,
jeûnes, mariages, funérailles, interdiction de travailler, restrictions alimentaires,
etc.
• On peut réactualiser les grands événements fondateurs de l'univers et de son ordre
La nature est sacralisée
◊ La nature est sacrée, elle est habitée par des "forces" qui sont divinisées et qui
prennent une valeur symbolique

Les modèles de comportement


Le héros et le rétablissement de l'ordre
◊ Le mythe met en scène des êtres extraordinaires : Dieux, Grands Ancêtres, Héros
• Ces êtres sont plus ou moins divins avec des qualités exceptionnelles
• Le comportement des héros est exemplaire : il sert de modèle à suivre
• Il y a aussi des êtres « négatifs », méchants, asservis au Mal : c’est le modèle à ne
pas suivre

Des modèles pour les comportements humains


L'être humain est responsable de la survie de son espèce, de la préservation de la Nature
et de l’avancement de l’Humanité. Il doit garantir le maintien de l’Ordre, la Justice, la
Paix, la Solidarité, la Pitié, etc. Les héros ou les Dieux fournissent le modèle ou imposent
le comportement à suivre. De nos jours, nous pouvons référer à des hommes et des
femmes qui ont fait avancer la société par leur combat, leurs découvertes, leurs écrits, etc.

Au cours de l’Histoire, une mutation : le mythe devient religion


◊ La religion est une institutionnalisation sociale et politique du mythe
• Elle encadre le mythe dans un pouvoir temporel et politique qui devient
l'intermédiaire obligé entre les peuples et les domaines du Sacré
• Le contenu mythique se fige sous forme de dogmes et de rituels. Les 3 grandes
religions monothéistes illustrent bien ce passage. C’est pourquoi il y a beaucoup de
ressemblances entre les récits, les personnages, les miracles, les interdits, etc. Par
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exemple, les Juifs et les Musulmans ne mangent pas de porc. Les Catholiques ne mangent
pas de viande le vendredi, du moins à une certaine époque.

Identification aux mythes modernes : les comportements fétichistes et ritualisés


Consommation symbolique de l'idole : objets, parfums, vêtements, coupe de cheveux,
potins, etc, on veut tout connaître de sa vie, à la limite, c’est du voyeurisme, donc un
comportement malsain. Mais c’est surtout la satisfaction imaginaire de participer à
quelque chose de plus grand que nous. Cela nous permet de sortir de notre vie médiocre,
« ordinaire », sans glamour….

Pathologies reliées au mythe


La plupart des gourous se prennent pour le Christ revenu sur Terre avec un message
d’amour et de fin du Monde : Raël, Jimmy Jones, l’Ordre du Temple Solaire en sont des
exemples parfaits. Sur Internet, vous trouverez des informations sur l’identité de ces
personnages et des actions qu’ils ont commises. Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de
ces leaders et prédicateurs. Beaucoup de personnes vulnérables ou naïves tombent sous
leur emprise et subissent de grands sévices physiques, psychologiques, financiers, etc.

On peut distinguer quatre grandes phases : l'approche, la séduction, la persuasion,


l'aliénation.

Approche
Approche séductrice ou suscitant la curiosité
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Exemples :
- programmes de développement personnel,
- activités humanitaires, écologiques, culturelles et éducatives,
- médecines alternatives, psychothérapies, ésotérisme

Détection des adeptes potentiels


Ils sont choisis pour leur caractère fragile :
- repérage du caractère dépressif par un test, une consultation, une discussion,
- exploitation de l'échec scolaire, professionnel ou sentimental,
- ciblage sur les personnes en chômage, en deuil.

Séduction
Multiplication des promesses
On fait miroiter l'espoir de s'en sortir, de guérir, de résoudre les problèmes de chacun,
d'atteindre le bonheur, d'être sauvé d'un péril imminent...

Sentiment de puissance et de faire partie de l'élite


L'adepte a accès, au sein du groupe, à des connaissances secrètes, extraordinaires dont ne
peut disposer le commun des mortels. Ces connaissances sont réservées aux initiés, aux
"élus", dont il fait bien évidemment partie. Dans la secte, l'adepte a le sentiment d'être du
bon côté et de pouvoir être "sauvé".

Empêchement du questionnement personnel


Le chef de la secte ayant reçu une "révélation", une "illumination", il est vain pour
l'adepte d'essayer de réfléchir par lui-même, il doit se laisser guider et sera ainsi plus à
même de comprendre la "Vérité".
Un autre moyen d'y parvenir est de faire en sorte que l'adepte soit constamment occupé.

Aliénation
Émission d'instructions ou de messages contradictoires
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Ces changements de direction ou d'attitude sont toujours expliqués de manière crédible. Il


s'ensuit une confusion dans l'esprit de l'adepte quant aux valeurs de la secte, entre ce qui
est autorisé ou non et un accroissement de son sentiment de culpabilité, de son indécision
et par conséquent de sa soumission.
Pour la secte, cet ensemble de signaux contradictoires constitue un système de défense
efficace en cas d'accusation.

Conditionnement à être de plus en plus à disposition de la secte


Ce conditionnement est obtenu par un effet d'entraînement mutuel du fait de la
soumission à l'autorité, de l'ambiance, du semi-enfermement, d'un emploi du temps très
rempli, d'une nourriture pauvre et déséquilibrée, de la privation de sommeil, de la perte
de la notion du temps, du jour et de la nuit, de la pratique de chants lancinants,
tambourinés à un rythme proche des battements de coeur... Son état chronique de fatigue
ne permet plus à l'adepte d'être en mesure d'analyser les situations dans lesquelles il se
trouve et de les critiquer.

Rupture avec le milieu d'origine


Pour éviter les influences du monde extérieur qui est "ignorant" et qui peut compromettre
sa "renaissance personnelle", l'adepte ne peut recevoir de visites, de lettres, de coups de
téléphone...

Déracinement
Le déracinement géographique, culturel, linguistique, la privation des papiers d'identité,
le changement de nom coupent l'adepte de son ancien environnement, de son entourage et
de tous ceux qui pourraient l'aider ou le soustraire de l'emprise de la secte.

Pourquoi avons-nous encore besoin du discours mythique ou religieux de nos


jours ?
La pensée mythique est formée à partir de symboles. Cette symbolique nourrit le besoin
de comprendre, de trouver un sens à des événements tragiques qui arrivent dans
l’existence. Devant l’absurde de la vie, les êtres humains mettent la Raison de côté et
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cherchent dans un « ailleurs » une explication, un but à toute forme de souffrance. C’est
un retour à la pensée magique.

CHAPITRE 2 : LES SCIENCES ET LA COMPRÉHENSION DU MONDE

Les sciences reposent sur la pensée


rationnelle et les techniques. C’est une méthode d’investigation qui recherche le comment
des choses, le lien de cause à effet. Elles se basent sur des faits et des preuves.

Les sciences touchent à toutes les facettes de la Vie : la Terre, la Nature, l’Espace ; tout
peut être sujet de science, y compris l’Homme.

OBJECTIFS DU CHAPITRE 2

L'étudiant/e devra pouvoir :


a) Présenter les principales caractéristiques de la pensée scientifique et technique
b) Décrire les étapes de la démarche scientifique et les objectifs visés
c) Identifier des pratiques qui s’écartent de la méthode expérimentale traditionnelle
d) Identifier les limites et les principaux préjugés qui portent sur les sciences
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Les attitudes et les aptitudes de la démarche scientifique


◊ Observer les phénomènes
• Le goût de regarder, observer, remarquer, s’étonner
◊ Questionner
• La capacité de douter, de remettre en question
• La capacité de formuler de bonnes questions, de délimiter un problème
◊ Raisonner
• Conceptualiser la question, abstraire
• Établir des relations entre les éléments
◊ Être méthodique
• Le goût de mettre en ordre, d'organiser
• Suivre une méthode stricte et protocolaire
◊ Être ouvert et objectif
• La maîtrise de soi suffisante pour avoir un recul
• La capacité d'accepter de nouvelles façons de penser
• L'idéal d'impartialité et l’importance de la critique

Les Sciences dans notre monde

La méthode expérimentale
◊ L'observation
• La soumission aux faits
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— l'élimination des préjugés et des idées faites d'avance, des jugements de valeur,
des intérêts personnels
• La construction des faits
— des données observables : se limiter à ce qu'on peut observer
— des données opératoires : décrire les opérations, les instruments et les techniques
qui permettent l'observation
— des données mesurables : quantifiées, selon des échelles de mesure précises
◊ L'hypothèse
• L'explication supposée du phénomène observé
— la recherche de règles générales, de répétitions, derrière la diversité des
phénomènes
— les déductions (à partir de théories déjà acquises)
— l'énoncé de l'hypothèse sous forme de régularités, d'invariances ou de lois
générales à vérifier
◊ L'expérimentation
• Une observation provoquée
— générée artificiellement
— dans le but de vérifier l'hypothèse
• Le contrôle de l'observation
— l'élimination des variables (ou facteurs) non contrôlées
— la mesure des variables : l'importance de la quantification
— la répétitivité de l'expérience (elle est vraie partout)

• La vérification de l'hypothèse :
— la cohérence des résultats avec les prévisions
— les limites des statistiques : l'échantillon (nombre et sélection)
— les limites de l'extrapolation et de l'interpolation
• La portée des résultats :
— exploration des conséquences non prévues : découvertes inattendues, déductions
possibles, rapports avec d'autres éléments de connaissance...
◊ L'énoncé de la loi
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• Formulation de l'hypothèse sous forme de loi scientifique


— des régularités mesurées et quantifiées
— des concepts opérationnels : définies par des opérations précises et des données
quantifiées
• Le caractère incomplet et provisoire de toute loi
— la découverte par approximations successives
— lien avec la progression des techniques d'observation et de mesure
◊ La formulation d’une théorie
• Le regroupement de lois et d'idées explicatives à l'intérieur d'une théorie

Les limites, les espoirs et les préjugés sur la science


• Seule la connaissance scientifique est véritable et réelle
• Toute réalité est exprimable en langage mathématique ou le sera lorsque la
science sera assez avancée
• Tout ce qui peut être exprimé de façon cohérente en termes quantitatifs, ou qui
peut être répété sous des conditions de laboratoire, tombe dans le domaine de la
science.
• Dans un domaine donné, seule l’opinion des experts dans ce domaine est
pertinente.
• Dans les grands débats sociaux, l’opinion des savants devrait prévaloir, car elle est
plus fondée
• La science pourra un jour résoudre tous les problèmes humains

Toutes ces idées sont à revoir ou à nuancer !


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UN PROBLÈME CONTEMPORAIN : LES PSEUDOSCIENCES

Le discours des pseudosciences est partout. Avec l’arrivée des réseaux sociaux, elles
s’immiscent dans les moindres recoins de nos conversations, émissions de télévision,
revues, documentaires, médecines, etc. Vivant dans une société qui défend la liberté
d’expression, il est souvent malvenu de critiquer et de mettre en doute le contenu de ces
« sciences nouvelles ». Toutefois, il faut quand même le faire, question de promouvoir la
connaissance scientifique et de protéger les individus des abuseurs et charlatans. Voici
quelques domaines touchés par le discours pseudoscientifique. À première vue, l’on
pourrait croire que nous sommes réellement en présence d’un savoir fondé sur la
rationalité mais en creusant un peu, on découvre vite les supercheries et « raisonnements
douteux ». Parmi les plus populaires : l’homéopathie, l’acupuncture, la scientologie, la
théorie des Anciens Astronautes, le créationnisme, la Terre plate.
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Une brève description de chacun :

L’homéopathie : L'homéopathie repose sur le principe de la « loi de similitude »


(également connue sous l'appellation « le semblable guérit son semblable »), c'est-à-dire
qu'une maladie et ses symptômes peuvent être guéris par un produit connu pour
provoquer des symptômes similaires.

L’acupuncture : L'acupuncture consiste en une stimulation de zones précises de


l'épiderme : les « points d’acupuncture ». Les techniques de stimulation des points
d’acupuncture sont effectuées avec des moyens divers : des aiguilles le plus souvent,
mais aussi d'autres moyens physiques (mécaniques, électriques, magnétiques, thermiques,
lumineux) ou physico-chimiques, voire d'autres méthodes alternatives.

La scientologie : La Scientologie promeut une méthode pseudoscientifique


appelée dianétique par son fondateur et propose plus largement un ensemble de croyances
et de pratiques relatives à la nature de l'être humain et de sa place dans l'Univers,
enseignant que les humains sont des êtres immortels qui ont oublié leur véritable nature.

La théorie des Anciens Astronautes : La théorie des anciens astronautes est une
théorie pseudo-scientifique et ufologique selon laquelle plusieurs anciennes civilisations
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auraient été en contact avec des « visiteurs » extraterrestres venus apporter sur
la Terre quelques savoirs dans les domaines de l'écriture, de l'architecture, de
l'agriculture, des mathématiques, de l'astronomie et de la médecine.

Le créationnisme : Le créationnisme est une doctrine qui stipule que Dieu a créé non
seulement l'univers mais également chacune des espèces vivantes, contrairement au très
large consensus scientifique qui soutient l'idée d’un processus évolutif par lequel de
nouvelles espèces se forment à partir d'ancêtres communs. Depuis que sont décrits les
phénomènes évolutifs en astronomie, en géologie et en biologie, les créationnistes
entretiennent la polémique à cet égard, car l'explication scientifique de ces phénomènes
n'est pas compatible avec leur interprétation des textes religieux. Le débat relève d'enjeux
politiques importants, notamment en matière d'enseignement, de recherche scientifique,
de liberté d'opinion et de croyances.

La Terre plate : Vision du Monde selon laquelle la Terre est plate. Toutes les photos et les
descriptions scientifiques sont fausses.

CHAPITRE 3 : LA PHILOSOPHIE ET LA RÉFLEXION SUR LE MONDE

Dans cette partie du cours, nous allons aborder la naissance de la


philosophie en Grèce, durant la période antique et classique. Nous
allons voir les premiers philosophes qui sont en fait les premiers
physiciens. Ils cherchaient à expliquer le monde sans faire reposer leurs
explications sur la pensée mythique. On les nomme Présocratiques.
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Par la suite, viendra Socrate qui va orienter la pensée vers la connaissance de soi. Il va
aussi poser le problème de l’ignorance. Avec son élève Platon, nous questionnerons en
autres la légitimité du pouvoir politique et la notion d’élite. La question du Bonheur sera
discutée à travers la morale des Stoïciens et des Épicuriens. Pour conclure, nous
constaterons que toute la culture grecque est le socle de notre civilisation : Architecture,
Mathématique, Géométrie, Médecine, Théâtre et tellement d’autres….

OBJECTIFS DU CHAPITRE 3

L'étudiant/e devra pouvoir :


• identifier les principales caractéristiques de la Civilisation du palais
• décrire brièvement les conséquences de la chute de la Civilisation du palais
• expliquer certains facteurs qui ont amené les Grecs à inventer la démocratie
• montrer comment s'est traduit, dans les pratiques culturelles des Grecs, le besoin
de maintenir l'équilibre entre les différents groupes sociaux et les individus
• présenter les différentes formes qu'a pris la rationalité en Grèce

Schéma du contenu
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Le développement de la pensée rationnelle en Grèce


La Civilisation du palais repose sur un pouvoir central absolu dans la personne du
Roi
• Tous les pouvoirs sont centralisés aux mains du Roi, dont la personne est sacrée
et participe au divin; il a plus ou moins le statut d'un dieu. Il est le centre de la
communauté; sa personne est la représentation de l'unité (cohésion) du peuple et
du royaume.
• Le pouvoir du Roi s'étend à tous les domaines, tant matériel (économique,
militaire, législatif, judiciaire, intellectuel) que spirituel (religieux); il s'exerce au
moyen de groupes sociaux qui ont des fonctions spécialisées et exclusives
• Les groupes sociaux ont des fonctions spécialisées
- les guerriers protègent: membres de la noblesse guerrière, ils contrôlent une
grande partie de la richesse
- les agriculteurs ont pour tâche de nourrir le peuple
- les scribes constituent l'essentiel de la bureaucratie: ils ont pour fonction de
maintenir les inventaires pour le Roi et de rédiger ses décrets ou lois
• L'écriture est une connaissance secrète, qui doit le rester sous peine de mort: elle
sert au Roi comme instrument de contrôle du Royaume
L'écroulement de la Civilisation du palais
• Les causes sont mal connues. Les principales hypothèses envisagées sont des
invasions d'autres peuples, des guerres internes, des catastrophes naturelles, ou
encore l'influence d'autres civilisations qui aurait amené une modification du
fonctionnement social, politique, économique, religieux...
◊ Les conséquences
• La disparition du pouvoir central sacré entraîne la perte du point de référence qui
servait à unifier le pays.
• Géographiquement, la ville éclate: les lieux publics se multiplient; les gens se
mélangent. On passe de l'homogène à l'hétérogène. C'est la naissance de la Cité.

(VIIIe - VIIe siècle)


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• Cela laisse en présence des classes sociales qui ont leurs fonctions propres, qui ont
besoin les unes des autres pour survivre, qui sont condamnées à trouver une façon
de s'entendre
• Se pose alors le problème des rapports entre les classes, de la proportion de
pouvoir accordée à chacune, de l'équilibre de cette répartition, de l'égalité et des
inégalités acceptables dans l'accès des individus à la richesse
—> bref : le problème de la géométrie sociale.
• Toutes ces questions, devenues publiques, ne font plus l'objet de décrets royaux.
Le besoin apparaît alors de trouver un critère de référence pour arbitrer les
oppositions entre les classes et les individus sur ces problèmes
• Pour remplacer l'autorité royale disparue: ils sont voués à la discussion, à trouver
des critères autres que la force; ces critères seront la raison et la majorité
• Le domaine politique se détache de la religion, le monde des dieux s'éloigne de
celui des hommes; la religion devient privée, alors que la politique devient
publique
La nouvelle géométrie sociale c’est la démocratie
• La nouvelle forme de vie sociale qui apparaît alors est fondée sur une nouvelle
conception du pouvoir: non plus personnel et imposé, mais collectif et négocié
• Ce pouvoir est incarné dans des lois écrites, qui remplacent l'arbitraire des
décisions royales, et qui sont au-dessus de tous les individus sans exceptions
• Une constitution qui définit l'identité collective qui est au-dessus des individus
• Les dirigeants sont élus et ils occupent temporairement les postes de pouvoir
• L'égalité des citoyens est affirmée: tout citoyen peut être nommé aux fonctions de
direction
• Ce pouvoir collectif est symbolisé entre autres par l'Agora: la place vide, au centre
de la ville, qu'aucun individu ne peut accaparer, et qui représente le pouvoir
collectif
• La justice est rendue au terme d'un procès, conçu comme processus au cours
duquel la vérité doit être mise à jour au moyen d'une discussion publique qui doit
pouvoir convaincre tout le monde (au moins la majorité); cela s'oppose à
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l'ancienne conception de la justice où la vérité est détenue par la personne du Roi


qui la décrète
• La parole devient un des principaux instruments du pouvoir, puisque toutes les
décisions doivent être débattues, et non plus imposées de force
• La connaissance devient un instrument de persuasion, ce qui implique qu'elle doit
être publiée, rendue publique
• L'écriture devient un instrument qui doit être partagée par tous afin que la
connaissance soit le plus largement diffusée; elle ne peut plus faire l'objet d'un
contrôle secret
• Des disciplines se développent pour supporter cette nouvelle géométrie sociale:
rhétorique, sophistique, logique

◊ La religion s'oriente vers un idéal d'équilibre intérieur


• Elle devient une affaire davantage privée, concernant chaque individu, et non plus
une activité réservée aux rois et aux grands prêtres
• Elle est davantage axée sur le développement intérieur des personnes, la morale
devient plus importante que l’organisation des divinités
• La musique est "mesurée"; on développe une théorie musicale pour rendre compte
de l'ordre harmonieux des notes, les formes musicales sont reliées à des nombres
et à des proportions : tierce, quarte, quinte, etc.

◊ Une nouvelle forme de mathématique : La géométrie.


• Elle est adaptée à la discussion des rapports d'égalité et d'inégalités, à la
détermination des proportions.
◊ On cherche une explication rationnelle de l'univers
◊ Des disciplines se spécialisent dans la discussion rationnelle
• La rhétorique: pour émouvoir les juges et le public lors des procès
• La sophistique: pour faire valoir ses idées sur la place publique et convaincre
• La logique: pour départager les opinions et la valeur de vérité des arguments
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—> L'apparition de ces métiers de la raison et l'importance des discussions dans les
processus de prise de décision mettent de l'avant l'importance de l'éducation : il
faut désormais convaincre plutôt que d'imposer ses idées par la force
◊ La philosophie apparaît
• Il s'agit d'un effort pour trouver le sens des choses et de la vie par la discussion
rationnelle de leurs fondements: qu'est-ce que le Vrai, le Bien, le Beau ? Qu'est-ce
que la réalité? Qu'est-ce que la connaissance? Qu'est-ce qu'un être humain? Quel
est le meilleur système politique ?

◊ L'émergence de l'esprit critique comme instrument de démocratie


• La discussion rationnelle apparaît comme une alternative aux solutions
autoritaires; elle implique nécessairement une attitude critique, c'est à dire la
capacité de choisir, à partir de critères rationnels (jugés valables par toute
personne raisonnablement formée et informée).
• Cette discussion rationnelle est une exigence éthique puisque, sans elle, il n'y a
pas de démocratie possible.

UNE RÉVOLUTION DANS L’HISTOIRE : LE MIRACLE GREC

La Physique : lois de la Nature, les propriétés de la matière, les origines de la vie


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La Cosmologie : les lois régissant le mouvement des planètes, (ancêtre de


l’astrophysique)
Les Mathématiques : lois des nombres, leur application à la compréhension de la réalité
La Géométrie : le rapport entre les formes et les angles, application à la construction et à
l’organisation sociale
Le Droit : l’énonciation des droits du citoyen et les moyens pour les faire valoir
La Démocratie : création d’un nouveau système politique engageant le peuple dans le
fonctionnement d’une société dynamique
L’Éducation : instruction des gens afin d’éveiller leur esprit aux nouvelles
connaissances ; mise en commun de ces connaissances
La Gymnastique : les Grecs valorisaient un esprit sain dans un corps sain ; éducation du
corps autant que celle de l’esprit
La Théologie : étude et recherche sur le phénomène de la croyance religieuse
L’Éthique : recherche du bien et de la meilleure action possible selon la situation ;
édification de codes
La Biologie : recherche, observation des animaux, tentative de créer une classification qui
est encore reconnue aujourd’hui malgré quelques petites modifications
La Médecine : premiers condensés des connaissances médicales selon Galien et
Hippocrate, dissection de corps humains afin d’en comprendre la structure et le
fonctionnement
La Musique : Avec Pythagore, création des premières tables d’harmonie et tentative de
transposer les notes et les espaces entre celles-ci en quantités mathématiques
Le Théâtre : La tragédie grecque est une représentation de la vie humaine dans tout ce
qu’elle peut avoir de dramatique et de divin : la naissance, la mort, l’amour, l’amour
trompé ou mortel, le destin, mais aussi l’humour, les aventures, etc.
La Poésie et la littérature historique avec Tucydide et Homère : rendre compte des
épopées des grands héros.

LA PHILOSOPHIE : UNE ATTITUDE CRITIQUE


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Cette partie du cours vous explique plus en détails un aspect essentiel de


la philosophie : l’importance de la pensée critique et de la réflexion.

L'étudiant/e devra pouvoir :


a) Expliquer les principales caractéristiques d’une attitude philosophique
b) Expliquer ce qu’est une pensée critique
c) Donner des exemples de questions proprement philosophiques

ÉLÉMENTS DU CONTENU
L'attitude philosophique : la volonté de se faire ses propres idées, d’avoir une pensée
autonome

◊ Les moyens: 1- la réflexion


• penser à ce que tout le monde pense dans une perspective d’analyse
• faire un retour sur la pensée individuelle et collective
—> faire preuve de détachement, de recul, d’objectivité
◊ Les moyens: 2- l'esprit critique
• manifester de la curiosité, de l’étonnement
• opérer un doute, mise en question des apparences
◊ Les moyens: 3- la pensée rationnelle
• besoin de comprendre, de mettre en ordre, de donner du sens
• recherche et exigence de vérité
• avoir recours à des preuves, à des arguments rationnels.
◊ Les moyens: 4- la reconnaissance de son ignorance
• l'ignorance est un prérequis à la recherche de la vérité
• un exemple de la valeur de l'ignorance: le développement des sciences.
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◊ développer un intérêt pour les questions fondamentales


• reconnaître la valeur de la connaissance

Les questions de la philosophie


◊ Quelques caractéristiques des questions philosophiques:
• des questions universelles: qui se posent à tous et tous peuvent se poser
• des questions fondamentales: qui portent sur les choses les plus importantes de la
vie
• des questions dont les réponses: sont souvent fondées sur des valeurs, sont
partiellement subjectives et exigent une implication personnelle de ceux qui
répondent
• des questions dont les réponses ne peuvent pas faire l’objet de preuves au sens
strict (qui ne peuvent pas être vérifiées scientifiquement) mais qui doivent être
justifiées au moyen d’arguments
• des questions ouvertes, dont les réponses ne sont jamais complètes, absolument
certaines et définitives; elles sont toujours à refaire

◊ Les domaines du questionnement philosophique:


• Il existe plusieurs domaines ou champs du questionnement philosophique. Ici,
nous mentionnons les principaux :

Éthique Politique Épistémologie Droit Arts


Logique Métaphysique Religions Transhumanisme Éducation

Une brève définition de la philosophie


◊ Réfléchir de façon critique et rationnelle sur les questions fondamentales pour
dégager le sens de la présence humaine dans l’univers et comprendre ce qui nous fait
vivre
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Les sources de la philosophie


• L’étonnement devant la réalité
• La conscience de la mort
• La question du sens
• La volonté de savoir
• Le doute
• Les conséquences de la réduction de l’instinct

Schéma du contenu
1. Le problème des questions
• l'intelligence se distingue de l'instinct par le fait que les réponses ne sont pas
données (sous forme de réflexes);
— cette capacité se développe progressivement.
• poser des questions est le moyen indispensable pour apprendre: personne ne peut
apprendre sans (se) poser de questions.

2. Au-delà des évidences: poser des problèmes


◊ La pensée automatique c’est le règne des évidences et des préjugés
- Alors, tout va de soi: le normal, le conformisme, la force des habitudes, de la
tradition et la vie préfabriquée.
• Il faut éviter le réflexe de ne pas penser
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— Certains ont besoin de faire taire l’inconfort intellectuel. Ils recherchent la


réponse-bouchon pour éliminer la question et la réflexion

◊ Il faut apprendre à problématiser :


• problématiser consiste donc à mettre en lumière ce qui est questionnable,
discutable, ce qui peut être critiqué sur un sujet donné ou dans une affirmation.

S’INTÉRESSER AUX QUESTIONS FONDAMENTALES.


Aucun être humain ne peut vivre sans se questionner. Voici les grandes questions ou
réflexions philosophiques auxquelles tout être humain est confronté un jour dans sa vie.

LA CONSCIENCE DE LA MORT :
- Nous savons que nous allons mourir un jour ; nous ne savons pas ce qu’il y a après;
- Nous ne comprenons pas pourquoi nous naissons puisque nous allons mourir;
- Cette conscience de notre mort amène aussi la conscience du temps.

LA QUESTION DU SENS :
- La conscience de la mort amène à se poser la question du sens de la Vie ;
- Elle pose aussi la question de la morale

LE DOUTE :
- L’être humain est le seul être vivant à savoir qu’il sait et le seul à savoir que parfois, il
ne sait pas.
- Il est obligé de constater son ignorance ou ses lacunes. Ces lacunes entraînent des
erreurs, de fautes, alors, il doute de lui-même.

L’ÉTONNEMENT :
- Parce qu’il capable de connaître, l’être humain est capable de s’étonner ;
- Certaines questions se posent:
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◊ Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?


◊ Pourquoi suis-je au monde?
◊ Comment savoir que notre existence n’est pas un rêve?
◊ Sommes-nous seuls dans l’univers?
◊ Dieu existe-t-il?

LA RÉDUCTION DE L’INSTINCT :
- L’être humain est un animal qui en évoluant perd de plus en plus sa part d’instinct ; il
doit tout apprendre. Le temps requis à l’acquisition de son autonomie est plus long que
chez tous les autres animaux : marcher, manger, être autonome
- Qui dit apprentissage, dit formation, éducation, culture : comment choisir ce que nous
apprendrons à nos enfants ? aux étudiants ?
- Que reste-t-il de l’idée de la liberté ? jusqu’où sommes-nous des êtres programmés par
nos besoins physiologiques, psychologiques, sociologiques, culturels, etc. ?

POURQUOI S’INTÉRESSER AUX QUESTIONS FONDAMENTALES ?


- par besoin de se sécuriser ;
- par besoin de se connaître mieux en tant qu’être humain et en tant qu’humanité ;
- par besoin de comparer ses réponses et ses doutes avec les autres;
- par besoin de donner un sens au monde et à notre vie;
26

SOCRATE ET LA PENSÉE CRITIQUE

Notes d’introduction
Avant de débuter ce chapitre sur Socrate, il faut faire quelques mises au point sur le
personnage lui-même. Tout d’abord, l’histoire nous dit que Socrate n’a rien écrit.
Certains soutiennent qu’il ne savait pas lire et écrire; d’autres affirment plutôt qu’il était
contre le fait d’écrire car cela nuisait à la mémoire. Une fois les choses écrites, elles sont
figées et elles ne peuvent plus être refaites.
Ce qui nous amène au second point : le Socrate réel et le Socrate de Platon. Platon fut
disciple de Socrate. Issu de l’aristocratie athénienne, il est ce qu’on appelle « un lettré »,
il est instruit. C’est lui qui va mettre sur papier tous les propos de Socrate.
Conséquemment, il est difficile de distinguer quels sont les propos réels de Socrate et les
ajouts et inventions de Platon.
Le troisième point consiste à tenir compte du contexte politique, religieux et social au
moment des événements. L’une des accusations portées contre Socrate consiste à dire
qu’il ne reconnaît pas les Dieux de la Cité d’Athènes; ce qui est faux. Aussi, on lui
reproche d’être contre la démocratie naissante à Athènes; ce qui est faux aussi.
Finalement, il sera accusé d’exercer une mauvaise influence sur une partie de la jeunesse
athénienne. Nous devons tenir compte de ces aspects quand viendra le moment de
présenter sa pensée, son enseignement et son procès. En conclusion, nous voulons que
vous reteniez avant tout l’impact énorme de la pensée de Socrate en Occident, sans
oublier les aspects que nous venons de mentionner.
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Nous débutons donc ce chapitre par la présentation du personnage et quelques aspects


intéressants de sa personnalité en général.

VOLET 1 : LA PRÉSENTATION DU PERSONNAGE ET DU CONTEXTE


HISTORIQUE

LE PERSONNAGE
 Socrate est né à Athènes en 469 av. J. -C. environ ;
 Sa mère est sage-femme et son père est sculpteur ;
 Il épouse une femme nommée Xanthippe de laquelle il aura trois
enfants ;
 Il ne sait ni écrire, ni lire ou refuse de le faire (ici mystère)
 Il n’est pas beau physiquement et sa tenue est négligée, aux dires
de ses concitoyens ; (ce détail nous semble insignifiant mais il est crucial
pour les Grecs de cette époque)

 Il participe activement aux guerres que mèneront les


Athéniens (entre autres la guerre du Péloponnèse)

ATHÈNES AU SIÈCLE DE SOCRATE

La ville et ses habitants


 La Grèce est divisée en Cité-État possédant chacune sa divinité ;
 Toutefois, tous les Grecs partagent la même langue et la même religion ;
 La ville d’Athènes elle-même est peu développée sur le plan urbain : les rues sont
sales et pas sécuritaires la nuit ; les maisons du peuple sont modestes et les égouts
embaument les rues ;
 La ville compte environ 160 000 citoyens athéniens libres ;
 Les autres sont appelés métèques et ont peu de droits ;
 Le reste de la population est composée d’esclaves, environ 300 000 ;
 Les hommes s’occupent du commerce et les femmes vaquent aux tâches ménagères ;
 Les enfants mâles sont éduqués à la guerre et à la vie politique, selon leur talent ;
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L’administration de la justice
 Chacun peut porter une accusation envers une personne qu’il croit coupable ;
 Certaines personnes pratiquent le métier d’accusateurs publics ;
 Il y a des magistrats qui président à la cour, mais les citoyens rendent le verdict ;
 Le procès ne dure qu’une journée, 501 personnes siègent au tribunal ;
 Chaque accusé plaide sa cause, sauf les inaptes ;
 En cas de besoin, on peut avoir recours à des sortes d’avocats (logographes) ;
 À la fin de l’argumentation, le jury passe au vote et la décision est sans appel ;
 Ensuite, on fixe la sentence, si elle n’existe pas déjà ;
 L’Aréopage occupe un rang et un rôle important dans la gestion des crimes religieux et
de meurtres ;
 Bien qu’il y ait des lois humaines à respecter, les procès et les sentences restent
entourées d’une aura mystique, religieuse et divine ;
 L’Assemblée jouit d’un pouvoir important lors des procès ;
 Les votes se font à main levée ;
 Des grands orateurs et sages ont valorisé le respect de la loi, garante de la démocratie
et de l’amélioration du peuple.

La religion et les dieux


 Beaucoup d’Athéniens croient encore aux dieux, créateurs de
l’univers et des hommes et de leur destinée ;
 Plusieurs endroits sont dédiés à des dieux et sont aussi des
endroits sacrés où les Grecs viennent consulter l’Oracle,
représenté par la Pythie, Celle-ci connaît le passé, le présent et l’avenir. Elle dit
toujours vrai ;
 Si un Grec rapporte les propos de cette prêtresse, tous sont quasi tenus d’y croire.
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VOLET 2 : LES OBJECTIFS DE LA MÉTHODE SOCRATIQUE

Les objectifs visés


 Mettre le savoir humain à l’épreuve et déterminer le bien inhérent à l’Homme ;
 Socrate considère que ses concitoyens croient savoir mais qu’ils ne savent pas
réellement ;
 Ils sont prisonniers d’un savoir apparent qui ne résiste pas à l’examen de la Raison et
de la critique ;
 Il désire donc amener ses semblables à sortir de leur ignorance.

La méthode aporétique (aporie = sans issue, cul-de-sac)


 Cette méthode consiste à questionner l’interlocuteur jusqu’à ce que celui-ci se rende
compte de son ignorance ;
 Face à l’absence d’issue, la personne doit se tourner vers une recherche de la Vérité,
basée sur le discours de la Raison, le logos ;
 Toutefois, cette recherche ne peut débuter sans la reconnaissance de son ignorance : si
tu sais que tu ne sais rien, tu détiens là la clé de toute connaissance.
 Donc, Socrate cherche un savoir qui contient la connaissance du bien et du mal, et qui,
conforté par un auto-examen critique, a la justice pour but dans le domaine pratique ;
 Il cherche l’universel des concepts examinés et non pas la diversité telle que vue par
chacun et l’arbitraire ;
 Nul ne fait le mal volontairement ; le mal vient de l’ignorance dans l’âme. Celui qui
sait est bon, du moins, il peut et il doit faire le bien ;
 Socrate veut apporter son aide dans l’accouchement de l’esprit des gens, c’est ce que
l’on nomme la maïeutique ;
 La connaissance de soi vient de l’intérieur uniquement, mais la personne peut recevoir
de l’aide de l’extérieur ;

VOLET 3 : LES ACCUSATIONS PORTÉES CONTRE SOCRATE


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Les accusations
 Trois personnes vont accuser Socrate d’impiété, c’est-à-dire, de ne pas croire aux
dieux de la Cité, de vouloir en admettre d’autres et de corrompre la jeunesse.
 Il faut dire que Socrate boit et danse lors des banquets auxquels il est invité et parfois,
pas invité du tout. Il aime les plaisirs, tout comme les autres Grecs de son époque ;
 Mais il prêche aussi la modération, la maîtrise de soi, le mépris des biens matériels ;

La réaction des accusateurs


 Refuser de voir les côtés positifs des propos ;
 Utiliser les préjugés des gens afin de donner plus de poids à leurs visions des choses ;
 Tenter par tous les moyens de discréditer la nouveauté et ce qui sort du cadre habituel,
car cela représente une menace pour l’ordre établi ;
 Conserver les anciennes façons de penser et de voir le monde car cela offre un cadre
sécurisant (la ligne droite, infinie, immuable et stérile.) servir les intérêts personnels

Maintenant que le décor est planté, suivent des extraits de textes portant sur Socrate, ses
enseignements, etc. Avec ces textes, nous allons tenter de recréer ce qu’ont été
l’enseignement de Socrate, la réaction de ses concitoyens et surtout son procès. Ensuite,
chacun en sa conscience, pourra s’approprier pour lui-même ce grand personnage du
monde de la philosophie et de l’Histoire.
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PLATON : LA CONNAISSANCE ET LA POLITIQUE

Notes d’introduction
Platon est l’un des plus grands philosophes de l’Antiquité. Il est né vers 428 av. J.-C et il
est mort vers 348 av. J.-C. Il est issu d’une famille aristocratique d’Athènes; il est très
instruit. Destiné à une carrière politique, il choisit un autre chemin. Il devient élève de
Socrate. Il va suivre les enseignements de son Maître, écrire tous ses propos et surtout il
nous fera parvenir les minutes du procès de Socrate*. Il va fonder une école
philosophique appelée l’Académie vers 387 av. J.-C. qui durera jusqu'en 86 av. J.-C.

Platon a écrit une trentaine d’ouvrages sont une forme nouvelle pour l’époque : les
dialogues. Cela consiste à mettre en scène des personnages qui discutent. Le plus
souvent, Socrate est le personnage principal; les autres ne servent qu’à lui poser la bonne
question au bon moment et à écouter attentivement la réponse du Maître. Les sujets sont
variés et portent sur des questions comme le Beau, le Vrai, la Justice, l’Éthique, la
Politique, le Savoir, etc. Son école est à proprement parlé, le modèle des écoles
occidentales : des maîtres qui accueillent des étudiants, qui à leur tour forment d’autres
étudiants.
Lorsque la ville d’Athènes fait un procès à Socrate pour impitié et trahison, Platon est
convaincu que celui-ci va être innocenté. Nous savons tous que ce n’est pas le cas : la
démocratie athénienne va condamner Socrate. La Cité d’Athènes vient de créer son pire
ennemi : Platon, dans son livre La République, attaque vivement la démocratie. Nous
allons donc voir en premier la Théorie des Idées, l’Allégorie de la caverne qui explique
comment nous accédons à connaissance vraie et par la suite, nous analyserons les
arguments platoniciens sur la valeur de la démocratie.
*Les minutes signifie tout le contenu du procès.
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LA THÉORIE DES IDÉES : SOURCE DE LA CONNAISSANCE VRAIE

CE QUE SONT LES IDÉES OU LES FORMES


La théorie des formes, théorie des idées ou théorie des formes intelligibles est la doctrine
selon laquelle les concepts, notions, ou idées abstraites, existent réellement, sont
immuables et universels et forment les modèles (archétypes) des choses et formes que
nous percevons avec nos organes sensoriels. Le terme platonisme renvoie généralement à
cette doctrine sur les Idées et la réalité en particulier. On disait couramment « idée »
plutôt que « forme », pour désigner ce qu'on nommerait peut-être aujourd'hui concept ou
abstraction.

Platon nomme forme des réalités intelligibles, archétypes ou modèles de toutes choses.
Ces formes sont les véritables objets de la définition et de la connaissance, par opposition
aux réalités sensibles. Platon déduit des propriétés de ces formes : elles sont des réalités
immatérielles et immuables, demeurant éternellement identiques à elles-mêmes,
universelles et intelligibles, seules réellement étant, et indépendantes de la pensée.

Cette théorie des formes, qui constitue l'essentiel du platonisme, peut donc être résumée à
deux notions, celle de forme, qui désigne l'être intelligible, et celle de participation, qui
désigne le rapport de l'être intelligible au devenir sensible, rapport par lequel ce dernier
est déterminé et est connaissable.

En bref, il existe dans le monde dans lequel nous vivons, des multitudes d’êtres, d’objets.
Ceux-ci sont le reflet des Êtres parfaits, immuables et universels que nous percevons avec
nos sens. Comme dans l’exemple (dans le visuel), il existe plusieurs races de chats ;
siamois, persans, himalayens, etc. Malgré leurs différences morphologiques, en les
voyant, nous disons : « voici un chat » et après, nous mentionnons sa race. Pour Platon,
seule la connaissance de ces idées ou formes représente la vraie connaissance des choses.
Ainsi, par abstraction, nous isolons les critères qui font partie de la définition de ces
idées.
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C’est ici qu’entre en scène la fameuse Allégorie de la caverne. Dans ce récit, Platon nous
explique d’où vient notre connaissance imparfaite du Monde. Nous sommes dans une
caverne, depuis que nous sommes nés. Nous sommes prisonniers de cet endroit; nous y
sommes attachés, le dos tourné à l’entrée. Nous voyons des ombres sur les murs, nous
croyons que celles-ci sont les vraies choses, parce que nous n’en n’avons jamais vues
d’autres. Elles habitent notre conscience. Mais un jour, un homme se détache et sort de la
caverne. Il est ébloui par la lumière, il a du mal à ouvrir les yeux, mais une fois ouverts,
ses yeux lui font voir la Réalité, la vraie, la seule.

LES DIVERS DEGRÉ DE LA CONNAISSANCE

Platon nous met aussi en garde contre le message des sens, c’est ce qu’il appelle la
connaissance sensible ou la connaissance empirique. Nos sens nous transmettent une
perception des objets extérieurs. Par exemple, nous percevons une
paille dans un verre d’eau. Nous la voyons cassée ou tordue. Mais
quand nous la retirons de l’eau, elle est parfaitement droite. Il en est
de même pour tous les autres sens. Nous pouvons tromper l’ouïe, la
vue, le toucher, le goût, etc. La perception de nos sens est changeante,
variée d’un individu à l’autre. Comment arriver à une connaissance
générale et universelle du Monde qui nous entoure ? Pour Platon, seule
la connaissance intelligible est valable, car elle repose sur un contenu unique, vrai pour
tous. L’exemple de la géométrie est utilisé par Platon pour
illustrer ce genre de savoir. Pour lui, les formes géométriques
sont parfaites; elles représentent des rapports de calcul et
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d’angles que tout individu peut découvrir. Ici le rôle des mathématiques est fondamental.
Ainsi, le cercle ou le triangle correspond toujours à la même définition. Elle est
immuable, c’est une vérité absolue.

Les formes identifiées par Platon permettaient de comprendre la


structure de l’Univers et de la Nature. En les étudiant, l’esprit
pouvait avoir accès aux mystères du Monde. À ces Formes
s’ajoutent des concepts comme la beauté, la justice, le bien, la
vertu, etc, comme déjà mentionné. Finalement, lorsque l’on se donne
la peine d’observer la Nature, nous pouvons y voir ces Formes immuables.

LA VISION PLATONICIÈNNE DE L’ÂME

L’une des théories de Platon la plus connue et la plus reprise en des formes multiples est
celle de la Métaphore de l’attelage ailé. Fidèle à sa vision structurée et harmonieuse du
Monde, l’être humain n’échappe pas à sa pensée. Platon divise l’âme en trois parties
distinctes. Ici, il est important de définir brièvement ce que Platon entend par le terme
« âme ». C’est le principe immatériel, spirituel de l’Homme qui anime le corps. L’âme est
supérieure au corps pour Platon. D’ailleurs, dans ses écrits, il fait le jeu de mots suivant.
En grec, l’âme se dit psuchè, d’où nous avons tiré le mot psyché. Le corps se dit soma,
comme on le dit dans l’expression : avoir des symptômes psychosomatiques. Un tombeau
se dit suma. Pour lui, le corps est le tombeau de l’âme. L’âme entre dans un corps au
moment de naître. Elle subit le corps tout au long de la vie : la faim, le froid, la douleur,
le désir, la maladie, etc… Mais pourquoi Platon s’attarde-t-il à l’âme humaine ? Parce
que c’est l’âme, principe qui nous définit en partie, qui est responsable de notre
comportement.
Ci-dessous, voici les 3 genres de personnes selon la partie dominante de son âme. Platon
va non seulement expliquer chacune d’elle mais il va transposer ce schéma dans la
constitution de la Cité. C’est le propos de son ouvrage La République. À partir de ce
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schéma, il va assigner à chaque groupe des fonctions bien définies et justifier que la
démocratie n’est pas un bon système politique.

Bref rappel des composantes de chacune des parties de l’âme

L’âme désirante correspond aux besoins et appétits naturels du corps. À ceux-ci,


Platon ajoute le goût de l’argent, des plaisirs faciles, la possession d’objets de luxe, On ne
peut pas les éliminer c’est pourquoi il faut apprendre à les maîtriser, les doser. Sinon, ils
peuvent causer de grands torts à certaines personnes : pertes financières, gestes
d’agressivité, vandalisme, vol et fraude, endettement, etc. Ici, il faut rapidement dompter
le cheval noir car il est indiscipliné.

L’âme ardente correspond à une force morale intérieure positive. (Ici, il ne faut pas
prendre le mot moral au sens moderne et religieux du terme). Il s’agit d’une ardeur, d’où
l’expression avoir du cœur. Elle se manifeste dans des émotions comme la colère,
l’indignation devant l’injustice, le sens de l’honneur, la fierté, la pudeur, la honte. Elle est
motivée par l’affirmation de soi, l’estime de soi et la recherche de l’appréciation des
autres. Elle marque un attachement aux idéaux et le courage est sa vertu principale. Elle
nous fait affronter le danger et la souffrance.
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Toutefois, cette partie de l’âme a aussi un aspect dont il faut se méfier. Elle peut nous
pousser à la colère, la recherche du pouvoir, le désir de vengeance, agir par orgueil parce
qu’on ne veut pas mal paraître aux yeux des autres. Cette âme a de bonnes dispositions
mais il faut bien la guider. Le cheval blanc est l’intermédiaire entre l’âme désirante et
l’âme raisonnante. Il doit rester sous la domination de la Raison pour éviter les
débordements et les actes irréfléchis.

L’âme raisonnante est le siège de la Raison et elle est orientée vers le Bien et la
Vérité. C’est la tête, le cocher, celui qui gouverne les deux autres parties. C’est le siège
de la sagesse, sa vertu principale. C’est la partie la plus haute, la plus noble, c’est donc
elle qui doit chercher la connaissance, distinguer le bien du mal, etc. Elle est responsable
de l’équilibre du comportement chez l’individu, du sentiment de justice.
On voit que Platon a une vision hiérarchique du corps humain; il va l’appliquer à la
structure de la Cité d’Athènes.

LA CITÉ IDÉALE : LA RÉPUBLIQUE

Comme nous l’avons vu


précédemment, Platon va transférer sa vision structurale de l’Homme sur la structure
politique et sociale de la Cité parfaite. Il affirme que nous vivons en société car nous
avons besoin d’autrui afin de survivre; il doit donc y avoir une division du travail : ceux
qui produisent les biens, ceux qui assurent la défense autant à l’intérieur qu’à l’extérieur
et ceux qui administrent le gouvernement et l’administration générale. Voici à quoi
correspondent les 3 classes de cette Cité. Cela permet de créer une société unie, forte et
indépendante.
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Argument contre la démocratie


Platon va qualifier la démocratie qui est le pouvoir du peuple, de pouvoir des aveugles.
Voici en ses termes comment il décrit cet état de chose : « Laisseriez-vous le navire sur
lequel vous naviguez être piloté par un jeune novice qui ignore tout du pilotage ou bien à
un capitaine expérimenté ? » Son idée est que nous ne pouvons pas laisser la société aux
mains de n’importe qui : des criminels, des ignorants, des indifférents, des gens
ambitieux, malhonnêtes, etc. La Raison nous indique facilement que cette fonction doit
être occupée par des personnes intellectuellement et moralement supérieures ou du
moins, formées à la gestion politique. Une cité qui fonctionnerait sous ce modèle
assurerait à tout le peuple la liberté, la sécurité, la prospérité. La dernière pierre qui porte
sur elle la réussite de ce plan : l’éducation des citoyens.

L’éducation des citoyens


Au départ, tous les citoyens reçoivent une éducation commune dans des institutions
publiques ; l’État prend en charge l’éducation des individus. Très tôt, les personnes
responsables de cette éducation (enseignants en tout genre) doivent déceler les talents et
les aptitudes des jeunes enfants afin de les diriger au plus vite vers leur domaine de
prédilection. Il ne s’agit pas d’une société clivée où les enfants sont « coincés » dans leur
classe sociale. Des fils ou filles de guerriers ou de producteurs peuvent accéder à une
éducation de haut niveau s’ils/elles témoignent d’aptitudes intellectuelles en ce sens.
Tous les enfants reçoivent une formation militaire, de gymnastique, de musique; ces
domaines forment le caractère à la discipline, à l’effort et donnent une bonne base à
chacun. Plus tard, les enfants seront divisés selon leurs aptitudes propres.

Politique et corruption
Platon est conscient que les hauts fonctionnaires de l’État sont avant tout des êtres
humains et qu’à ce titre, ils peuvent succomber aux désirs de l’âme désirante Alors, ceux-
ci n’auront pas plus d’avantages ou de privilèges ou de gains financiers que les autres.
Ainsi, ils seront dévoués à la gestion publique pour le bien commun et non pour leur
profit personnel. Pour ceux qui oseraient trahir leur fonction, voler, favoriser leur famille
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ou un ami, ils seraient écartés de la Cité (exclus) ou emprisonnés, selon la gravité de la


faute.

Et les femmes ?
Finalement, les filles ont accès aux mêmes activités que les garçons; elles peuvent être
militaires si elles en démontrent les capacités. L’État doit être servi, géré, éduqué et
défendu par une élite, hommes et femmes. Pour Platon, une société sans élite ne peut pas
se développer et assurer sa survie. Elle finira par disparaître ou être assimilée par une
autre, plus forte, mieux structurée, plus instruite. C’est d’ailleurs ce que beaucoup
d’historiens soutiennent. La pensée de Platon a grandement influencé la civilisation
occidentale dans le monde de l’éducation, entre autres. Certaines écoles à travers le
monde s’en inspirent pour la formation de leur élite intellectuelle et militaire.

LES DEUX GRANDES MORALES GRECQUES

LA GRANDE QUESTION DES GRECS : COMMENT


TROUVER LE BONHEUR MALGRÉ LES MALHEURS DE LA
VIE

L’Éthique est l’un des domaines de la philosophie. Nous pouvons aborder l’éthique dans
deux sens différents. Le premier est relié au sens de moral, comment faire la part entre le
bien et le mal. L’autre s’adresse plutôt à ce que nous appelons l’art de vivre, la recherche
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du bonheur, par opposition à malheur. La question du bonheur est présente tout autour de
nous : dans les chansons, les poèmes, les pièces de théâtre, les coach de vie, les cartes de
fêtes, les citations et réflexions que nous retrouvons sur Facebook, etc. On entend souvent
des gens poser la question : quelle est la recette du bonheur ???

Cette quête ne nous est pas exclusive, elle remonte déjà à plusieurs siècles avant nous. On
dit qu’en Occident, c’est le philosophe Épicure qui le premier a écrit un traité sur la
question du bonheur; nous allons l’étudier un peu plus loin dans notre chapitre. Mais
commençons par la partie la plus difficile de notre étude : la définition de la notion de
bonheur ! C’est une notion extrêmement relative, vire même impossible à décrire de
façon objective. Au pire, on pourrait en donner une définition négative : le bonheur c’est
l’absence de souffrance. Mais on voit bien que c’est incomplet, non adéquat.

C’est pourquoi nous allons analyser les deux visions antiques du bonheur : le stoïcisme et
l’épicurisme. Ces deux morales ou arts de vivre se sont perpétués dans notre civilisation
depuis la Grèce antique. Le stoïcisme a influencé la morale religieuse, surtout chrétienne
et l’épicurisme s’est faufilé jusque dans nos livres de recettes !!!

LA NOTION DE BONHEUR : UNE BRÈVE ANALYSE

C’est sans doute l’une des notions les plus ardues à cerner. Toutefois, on peut essayer
d’isoler quelques critères. Premièrement, strictement au point de vue matériel ou
physique, nous nous entendons tous sur le fait qu’avoir une bonne hygiène de vie, bien
manger, faire de l’exercice, ne pas consommer de drogues nous aide à être bien. Ensuite,
il y a des valeurs à privilégier comme l’amour, l’amitié, la vie de famille, l’intégrité,
l’honnêteté, la persévérance, l’ambition, le partage, etc. Finalement, il y a des attitudes à
développer comme la confiance en soi, ne pas se laisser abattre par des échecs, mettre les
efforts nécessaires à sa réussite, etc. On comprend que cette idée du bonheur est
beaucoup plus complexe qu’on le croit et pourtant, pour certains, le bonheur tient en peu
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de choses. Allons voir maintenant la vision des stoïciens et des épicuriens. Les notes de
ce chapitre font référence au visuel Stoïcisme et Épicurisme.

LE STOÏCISME OU L’ART D’ACCEPTER LE DESTIN

Plus qu’une attitude, le stoïcisme est une vraie philosophie de vie. Avec ces préceptes
– accepter, mettre en perspective, réfléchir, méditer, profiter du moment présent –
nous pouvons donner davantage de sens à notre vie et nous concentrer sur l’essentiel
en supprimant le superflu.

Une philosophie de vie


Le stoïcisme est un courant philosophique développé en Grèce par Zénon de Kition vers
301 av. J.-C. Influencé par Aristote et Platon, ce système de pensée a traversé les siècles
et subi de multiples transformations. Ses 3 représentants les plus célèbres sont: Épictète
(philosophe grec), Sénèque (philosophe romain) et Marc Aurèle (empereur romain).
Le nom « stoïcisme » (« stoa » signifie « portique » en grec) provient de Stoa Poikilè, un
monument d’Athènes où Zénon et ses élèves avaient pour habitude de se réunir.
Aujourd’hui, le terme « stoïque » fait référence à une attitude calme, voire insensible.
Cependant, le stoïcisme dépasse largement une simple attitude. C’est une vraie
philosophie de vie.
Le stoïcisme a été une école de philosophie active pendant plusieurs siècles en Grèce et à
Rome. En tant qu’institution formelle, elle s’est évanouie, mais son influence a traversé
les siècles et se poursuit encore aujourd’hui. Les théologiens chrétiens, tels que Thomas
d’Aquin, ont admiré et adopté son intérêt pour les vertus, et il existe des parallèles entre
l’ataraxie (ou tranquillité de l’âme), stoïcienne et le concept bouddhique du nirvana (ou
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l’Éveil). Pour Épictète, la souffrance ne vient pas des événements de notre vie, mais de
nos jugements à leur sujet.

Les 4 vertus cardinales


Plutôt qu’imaginer une société idéale, les stoïciens voient le monde tel qu’il est tout en
poursuivant son auto-amélioration par le biais de quatre vertus cardinales:
1. La sagesse pratique: capacité de naviguer dans des situations complexes de manière
logique, informée et calme;
2. La tempérance: exercice de la maîtrise de soi et de la modération dans tous les
aspects de la vie;
3. La justice: traiter les autres avec équité même quand ils ont mal agi;
4. Le courage: non seulement dans des circonstances extraordinaires, mais face à des
défis quotidiens avec clarté et intégrité.
Si le stoïcisme se concentre sur l’amélioration personnelle, ce n’est pas une philosophie
égocentrique. À une époque où les lois romaines considèrent les esclaves comme une
propriété, Sénèque appelle à un traitement humain et souligne que nous partageons tous
la même humanité fondamentale.
Le stoïcisme n’encourage pas non plus la passivité. L’idée est que seules les personnes
qui ont cultivé les vertus et la maîtrise de soi peuvent apporter des changements positifs
chez les autres.
Pour les stoïciens, il est essentiel de transformer les émotions afin de parvenir au
calme intérieur. Les émotions sont des réactions humaines instinctives à certaines
situations et ne peuvent être évitées. Mais l’esprit rationnel peut se distancer de l’émotion
brute et voir si elle est appropriée.
42

Les stoïciens distinguent la réaction instinctive du sentiment résultant d’un jugement


correct. Le but étant d’atteindre la tranquillité d’esprit résultant d’un jugement clair.
Les conseils de Sénèque
Beaucoup de pensées de Sénèque nous sont connues grâce aux lettres qu’il a écrites à ses
amis, leur prodiguant des conseils pour surmonter une difficulté. Comme lorsque son ami
Lucilius apprend qu’un procès menaçant sa carrière et sa réputation lui est intenté.
Le stoïcien répond à son ami paniqué qui s’attend probablement à recevoir des
encouragements. Pourtant, Sénèque prend une autre voie et lui recommandant de se
préparer au pire.

C’est une idée essentielle du stoïcisme. Toujours essayer d’imaginer le pire, puis se
rappeler qu’on y survit. Le but étant de réaliser que nous sommes capables de
supporter les plus grands malheurs. Pour calmer Lucilius, Sénèque lui conseille
d’embrasser les notions d’humiliation, de pauvreté et de chômage. Pour voir que même
le pire n’est pas la fin de tout. Si Lucilius perd le procès, que peut-il lui arriver de plus
grave que l’exil ou la prison? Sénèque est bien placé pour envisager ces questions, il a
lui-même survécu à la faillite et à 8 ans d’exil en Corse.

4 principes du stoïcisme
Le stoïcisme est avant tout un état d’esprit. Pour l’atteindre, plusieurs choses sont
requises:

1. Accepter ce qu’on ne peut pas changer


Épictète nous invite à distinguer ce qui est sous notre contrôle et ce qui ne l’est pas. Il n’y
a aucune raison de laisser des circonstances indépendantes de notre volonté
perturber notre équilibre. Ces circonstances dictées par l’extérieur comprennent des
choses comme la météo, la circulation, l’opinion des gens ou la santé (celle de nos
proches, et dans une certaine mesure la nôtre). Reconnaître qu’une grande partie de la
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vie est hors de notre contrôle signifie qu’il faut se concentrer sur la seule chose que
nous contrôlons: nos propres actions.
Au lieu de se concentrer sur les résultats – qui sont affectés par des circonstances
extérieures hors de notre contrôle – définissons des objectifs strictement liés à nos
propres efforts.
Par exemple, plutôt que fixer comme objectif le gain d’un match (tennis, hockey,
basketball, peu importe la discipline), dont beaucoup de paramètres ne dépendent pas de
nous, faisons-en sorte de nous préparer au mieux, de nous entraîner autant que possible et
de jouer au maximum de nos capacités. Si malgré tout, la défaite est au rendez-vous, à
quoi bon se fâcher ? Nous n’aurions rien pu faire de plu

2. Réfléchir avant de parler et de réagir avec émotion


Le stoïcisme invite à travailler sur soi pour avoir plus de maîtrise et de conscience. Être
stoïque ne consiste pas à ne pas parler, mais à bien parler. L’écoute pour la
compréhension permet de réfléchir puis d’agir plutôt que réagir.
L’action est calme lucide, consciente, sereine. La réaction est émotive, avec en arrière-
pensée le désir et la peur. Si quelqu’un vous insulte, ne vous engagez pas dans un combat
émotionnel. Analysez, s’il y a une part de vérité dans la déclaration et réfléchissez à la
façon dont vous pourriez vous améliorer.

3. Rester humble et ouvert à de nouvelles connaissances


Reconnaissez avec humilité que vous ne savez pas tout et essayez d’apprendre à chaque
occasion. Vous ne pouvez pas apprendre si vous pensez déjà tout savoir. La sagesse est
une vertu stoïcienne fondamentale. La cultiver, c’est admettre que vous avez encore
des choses à apprendre. Lisez, écoutez, regardez. La connaissance est à portée de main,
profitez-en.

4. Se concentrer sur l’équité plutôt que la sévérité


Un vrai stoïcien ne s’intéresse pas aux conflits émotionnels, à la vengeance ou à la
rancune. Mais cela ne signifie pas qu’il faut rester froid et distant. Face à des attaques, il
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convient de prendre du recul et de gérer la situation de manière rationnelle plutôt


qu’émotionnelle.

L’ÉPICURISME OU L’ART DE LA MESURE DES PLAISIRS

Les plaisirs font partie prenante de la vie humaine. Tout être va rechercher le
plaisir plutôt que la douleur, le désagrément, la perte, la maladie, etc. Épicure était
conscient de ce fait et en observant ses concitoyens, il voyait des abus, des excès;
beaucoup devenaient esclaves des plaisirs et de la satisfaction de tous leurs désirs.
La pensée d’Épicure a traversé les siècles jusqu’à nous. Durant différentes périodes
de l’Histoire, elle a été mal comprise, mal expliquée et donc mal appliquée.

Dans les émissions télé, nous entendons souvent les gens dire : « Je suis très épicurien »,
« J’adore les plaisirs de la table, bien manger, bien boire. » Ils se prétendent épicuriens,
mais le sont-ils vraiment ? Que veut dire ce terme dans la pensée d’Épicure ? Et surtout,
qu’est-ce qu’Épicure nous dirait sur nos habitudes de vie, de consommation, de
dépendances ? C’est dans les mots du philosophe que nous allons analyser cette question
qui en fait pas l’unanimité chez les gens. Cette partie du cours correspond à la partie du
visuel sur l’épicurisme.
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Courte biographie
Il naît à Athènes (341-270 av. J.-C.), mais il fut élevé à Samos. Il revient à Athènes en
306 av. J.-C.), et fonde une école qu’il appelle le Jardin. Il y connaît une certaine
célébrité : il accueillait les gens de toutes les classes, y compris les femmes et les
esclaves. Tous vivaient en communauté, la vie étant basée sur l’entraide et l’amitié.

Pour Épicure, l’âme est matérielle, elle disparaît avec le corps. Il n’y a rien en dehors de
la réalité matérielle et sensible. Donc, ce qui compte c’est la qualité de la vie matérielle,
considérant que la vie après la mort n’existe pas. Par conséquent, nous sommes les seuls
responsables de notre vie, il n’y a pas de destin.

Le secret du bonheur : le tetrapharmakon = le quadruple remède.

Tu n’as pas à craindre les dieux

Tu n’as pas à craindre la mort

Le bonheur est accessible

La souffrance est supportable

Principe 1 : Tu n’as pas à craindre les dieux


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Pour Épicure, si les hommes craignent les dieux, c’est parce qu’ils s’en font des opinions
fausses. S’il ne nie pas l’existence des divinités, le philosophe en fait des êtres immortels
et bienheureux, tellement différents des hommes qu’ils ne se soucient pas d’eux. Aucun
dieu ne viendra jamais se pencher sur votre assiette pour savoir si vous
mangez hallal ou kasher ; aucun ne perdra jamais son temps à se demander si vous avez
bien fait vos prières aujourd’hui : les dieux n’ont rien contre les humains mais ils
appartiennent à un autre niveau de réalité et se désintéressent totalement de leur sort.

Principe 2 : Tu n’as pas à craindre la mort


La mort n’est pas une chose à craindre en elle-même. En effet, elle ne peut signifier que
deux choses : soit une plongée dans le néant, soit l’entrée dans un monde meilleur. De
toute façon, notre propre mort ne nous concerne que très peu, et pendant très peu de
temps : tant que nous sommes là, c’est qu’elle n’y est pas ; dès qu’elle est là, c’est que
nous n’y sommes plus. Les morts qui peuvent être douloureuses pour nous, ce sont
surtout celles des autres, celles des gens à qui nous tenons : elles constituent des
souffrances.

Principe 3 : Le bonheur est accessible


Le bonheur, au sens d’ataraxie, est possible. La vie étant, par essence, souffrance, les
moments de bonheur sont des exceptions, des pépites, qu’il faut être capable de
provoquer quand on le peut, de savourer quand elles adviennent. Et le meilleur moyen de
les savourer, c’est d’avoir l’esprit en paix à ce moment-là : savoir remiser ses soucis pour
jouir pleinement du bref instant de joie qui nous est offert. Et ça n’est pas à la portée du
premier venu : être capable de réellement profiter de l’instant, sans pour autant perdre sa
raison et en demeurant maître de soi-même est un art, et qui doit s’apprendre.

Principe 4 : la souffrance est supportable


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Puisque le vrai bonheur, c’est l’absence de trouble, toute souffrance empêche le bonheur.
Pourtant, on rencontrera de la souffrance tout au long de son existence, que cette
souffrance soit physique, morale, spirituelle ou autre. Et le message d’Épicure à cet égard
est très simple : il faut faire avec, et ça va passer. Car face à la souffrance, il n’y a que
deux issues possibles : soit elle est trop importante et elle nous emporte (ce qui nous
ramène au Principe 2, la mort étant alors une bénédiction, puisqu’elle met fin au
malheur), soit-elle ne va pas nous tuer, et il faudra bien que nous continuions à traîner
notre carcasse. Dans les deux cas, se plaindre est inutile, car souffrir n’est pas un
scandale, ni une injustice : c’est l’essence et la nature de l’expérience de la vie. C’est le
prix que l’on paie pour pouvoir, par ailleurs, goûter quelques rares et fugaces instants de
bonheur.

La classification des plaisirs

Épicure classe les plaisirs dans un ordre, une hiérarchie.

Ils sont naturels et nécessaires : manger, boire, dormir, se vêtir, se loger, se soigner;

Naturels mais non nécessaires : la sexualité à outrance, satisfaire ses besoins vitaux
de manière luxueuse, le besoin d’être aimé qui engendre une sous-estime de soi;

Non naturels non nécessaires : le désir d’être riche, connu, populaire, avoir du
pouvoir, posséder des objets chers mais inutiles, modifier son corps à outrance pour
correspondre à l’image de la beauté parfaite;

Une réflexion moderne sur le concept de « besoin » Pierre-Yves McSween


Dans son livre, Pierre-Yves McSween nous invite à revoir certaines de nos habitudes face
à l’achat, la consommation, etc. Voici deux réflexions face à notre société « dépensière)
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« En effet, qui, dans un magasin, n’a jamais été excité à l’idée de se procurer un nouveau
bien…qu’il a délaissé quelques heures ou jours plus tard, allant même parfois jusqu’à
regretter son achat? Ce sentiment de vide qui survient après avoir effectué un achat se
présente constamment. Si notre vie est plutôt vide, peu importe ce qu’on achète, elle sera
toujours aussi vide à notre retour à la maison… même si on revient les mains pleines. »

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