Hors-série

Atlas
Septembre-octobre 2022
8,50 €

des énergies

Comment sortir
des énergies fossiles ?
Peut-on se passer
du nucléaire ?
À quand la transition
énergétique ?
Réponses en cartes
et en infographies.

Allemagne 10,50 € Andorre 9 € Antilles Réunion 9,50 €

Canada 13,90$CAN Espagne 9,50 € Gabon 7000 F CFA
Grande-Bretagne 8,35 £ Grèce 9,50 € Italie 9,50 € Japon
1600 ¥ Maroc 92 MAD Pays-Bas 9,50 € Portugal cont.
9,50 € Suisse 13 CHF TOM 1800 XPF Tunisie 18 DT Afrique
autres CFA 6100 F CFA

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UN MONDE “La révolution énergétique a eu lieu, désolé si vous l’avez manquée !” 4

ACCRO
À L’ÉNERGIE Les grands enjeux de la transition énergétique

À
Une humanité énergivore 10
425 “bombes climatiques” 12
la fin de juillet, au moment
de boucler cet atlas, Privés de courant, privés d’avenir 14
l’Europe – et surtout Ces générateurs à essence que les Nigérians détestent 16
l’Allemagne – vient Une dépendance funeste aux hydrocarbures 18
de pousser un soupir
de soulagement :
le gaz russe circule
de nouveau dans le gazoduc La fin des combustibles fossiles, c’est pour bientôt?
Nord Stream 1, après dix jours de
maintenance. Cette opération annuelle, Il faut laisser le pétrole, le gaz et le charbon dans le sol 22
qui passe d’habitude inaperçue, a pris Les montagnes russes de l’or noir 24
cette année une dimension nouvelle. L’Alberta englué dans son pétrole 25
Bruxelles et Berlin craignaient que
la Russie, par mesure de rétorsion, ne Gaz : comment se passer des tuyaux ? 26
coupe le robinet. Des craintes qui ne sont Elle est belle, ma rente gazière ! 28
pas tout à fait apaisées : de nombreux pays Un monde sur le charbon ardent 30
se demandent comment (et à quel coût)
ils passeront l’hiver.

Quelle place donner au nucléaire?

C’est tout le paradoxe auquel
nous sommes confrontés : à l’heure
où les scientifiques du Giec, l’ONU,
La voie de l’atome 34
et même l’Agence internationale
de l’énergie nous exhortent à extraire La Chine sur la route des sels fondus 36
et à consommer moins de combustibles Déchets : un pari sur 100 000 ans 38
fossiles, nous redoutons d’affronter
Vers la naissance de soleils artificiels 40
un hiver sans gaz naturel…
C’est simple, constate Saleemul Huq,
directeur du Centre international
pour le changement climatique et Des énergies renouvelables en plein essor
le développement, situé au Bangladesh :
“Le monde entier est comme un junkie La transition a enfin commencé 44
accro aux combustibles fossiles. Maintenant Réinventer l’hydroélectricité au Brésil 46
que les Russes ont fermé le robinet, au lieu L’Inde mise sur le solaire 48
de s’en passer, on essaie d’en trouver ailleurs.”
Ce que montrent nos cartes et nos Un océan de possibles 52
infographies, et les articles de la presse L’éolien en zone de turbulence 54
étrangère, c’est que nous sommes accros L’Europe parie sur l’offshore 56
à l’énergie… Quelle que soit sa provenance.
Nous en consommons toujours plus. Bio, mais pas toujours verte 58
C’est pourquoi notre monde mise Toute la chaleur de la Terre 59
aussi sur le solaire et l’éolien,
qui se développent enfin à grande
échelle. Et la raison pour laquelle,
malgré les risques et le coût, il investit Les leviers de la transition énergétique
encore dans le nucléaire, notamment Avec l’hydrogène, la Ruhr voit l’avenir en vert 62
en Asie, où se construisent les réacteurs
De l’électricité à la demande 64
d’aujourd’hui et de demain.
Pourtant, pour assurer un avenir commun L’Amérique latine, eldorado du lithium 66
aux 10 milliards de Terriens que nous Vers des mobilités durables 70
serons bientôt, il faudra faire davantage. À consommer avec modération 71
Et avant tout, économiser et gérer
l’énergie, le plus possible. Fribourg, ville modèle 72
Bonne lecture !
—Virginie Lepetit À voir, à lire et à jouer 74

En couverture : Illustration d’Andrzej Wojcicki/Science Photo Library/Getty Images

Certains des articles de ce hors-série ont déjà été publiés dans notre hebdomadaire ou sur notre site.
 La révolution
énergétique
a eu lieu,
désolé
si vous l’avez
manquée !”
Faire un meilleur usage de l’énergie, c’est ce que préconise
le chercheur américain Amory Lovins. Isolation des bâtiments, éolien, solaire...
Les solutions existent déjà, affirme-t-il.

4 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL

A
—The Guardian Londres
la mi-mars, les températures ont
chuté bien au-dessous de 0 °C
à Snowmass, dans le Colorado.
C’est là que vit Amory Lovins, à
près de 2 200 mètres d’altitude,
dans les Rocheuses, mais il n’a
même pas allumé le chauffage.
À vrai dire, le chauffage n’est
pas installé chez lui. Il vit dans
une superbe maison en adobe
et verre qu’il a conçue dans les
PHOTO RUDOLF SIMON/WIKIMEDIA COMMONS
années 1980 : perchée sur la
montagne, elle engrange l’énergie solaire et elle est si bien isolée
qu’il y fait pousser des bananes et de nombreux autres fruits
tropicaux sans aucune combustion de gaz, de pétrole ou de bois.
Surnommé “l’Einstein de l’efficacité énergétique”, Amory
Lovins enseigne le génie civil et environnemental à l’univer-
sité Stanford. Il fait partie des grands défenseurs et innova-
teurs en matière d’économies d’énergie depuis les années 1970.
Il a écrit son premier article scientifique sur le changement
climatique en 1968, pendant ses études à Oxford.
En 1976, il a remis au gouvernement de Jimmy Carter
Bio une feuille de route sur les moyens de tripler le rendement
énergétique et de sortir du pétrole et du charbon dans un délai
de quarante ans. Depuis, il a conseillé pour ainsi dire tous les
grands secteurs d’activité et gouvernements [aux États-Unis],
notamment par l’intermédiaire de l’organisme qu’il a créé, le
Rocky Mountain Institute.
Pourtant, depuis les années 1980, l’économie d’énergie a tou-
jours été considérée comme le parent pauvre de l’écologie, une
AMORY solution bien morne par rapport à une transition de grande
LOVINS ampleur vers les énergies renouvelables et d’autres nouvelles
Surnommé technologies. Aujourd’hui, Amory Lovins a bon espoir que la
“l’Einstein situation évolue. Il défend l’isolation en masse des bâtiments,
de l’efficacité en plus de la généralisation des énergies renouvelables. “Nous
L
énergétique”, devons passer à la vitesse supérieure, avec la même ambition que
ce physicien si nous étions en temps de guerre. Nous devrions beaucoup plus
américain a nous préoccuper des économies d’énergie”, estime-t-il.
cofondé en 1982
le Rocky Mountain
Institute, qui a guerre de Vladimir Poutine en Ukraine le met
s’est donné pour hors de lui, mais il y voit aussi une étape éven-
mission de réduire tuelle de la transition écologique et un moyen
la consommation d’économiser des dollars par milliers de milliards.
d’énergie “Poutine a fait tout ce que nous redoutions le plus,
aux États-Unis. mais, incidemment, il pourrait avoir donné un coup
Il est l’inventeur, de pouce à la transition énergétique et aux solutions
en 1989, du climatiques. Que ces bouleversements aboutissent ou
“négawatt”, une non à une récession, [la guerre en Ukraine] pour-
unité théorique rait se révéler un atout pour l’économie du climat.”
(exprimée en En l’occurrence, le physicien américain a des
watts) mesurant liens familiaux avec l’Ukraine : ses quatre grands-
une puissance parents ont émigré de petits villages entre Kiev et Odessa
économisée. au début du xxe siècle. Il a encore un proche là-bas mais, à
Ses travaux lui sa connaissance, tous les autres ont péri dans le massacre
ont valu d’être de Tarashcha, lors duquel les nazis ont assassiné près de
lauréat, avec 14 000 Juifs en 1941, n’épargnant que 11 personnes qui étaient
sa compagne parties aux champignons ce jour-là.
Hunter Lovins, “Le solaire et l’éolien sont aujourd’hui les sources d’énergie
du prix Nobel primaire les moins chères dans 91 % des régions du monde, et
alternatif en 1983, l’Agence internationale de l’énergie, qui émane de l’ONU, prévoit
“pour leur travail que les énergies renouvelables fourniront 90 % de la hausse de la
de pionniers production ces prochaines années. La révolution énergétique a
dans la promotion déjà eu lieu. Désolé si vous l’avez loupée”, tranche-t-il.
de l’énergie douce Comme pour les chocs pétroliers des années 1970, l’enjeu
pour la sécurité actuel n’est pas une pénurie d’énergie mais notre capacité
mondiale”. à en faire un meilleur usage, souligne le scientifique. → 6
5

5 ← La solution est selon lui une “conception globale”, c’est-
à-dire un recours aux techniques classiques de l’ingénieur
pour aboutir à des résultats radicalement moins énergi-
vores en changeant de raisonnement initial. Il prend comme
exemple sa maison. Il l’a dessinée de manière à collecter de
l’énergie et à ne nécessiter aucun chauffage, ce qui écono-
mise 99 % de l’énergie nécessaire pour chauffer les pièces et
l’eau, et 90 % de la consommation d’électricité. “Et ça coûte
moins cher à construire”, ajoute-t-il.
“Quand on fabrique une voiture en fibre de carbone, on éco-
nomise aussi deux tiers de l’investissement en eau et la moitié
de l’énergie, de l’espace et du temps nécessaires pour assembler le
véhicule. Et il faut bien moins de batteries car la voiture est légère
grâce à la fibre de carbone. Ce matériau est financé grâce à l’éco-
nomie réalisée sur les batteries et à un système de propulsion plus
petit.” Il poursuit : “Si on fait la même chose pour l’économie dans
son ensemble, en concevant réellement des systèmes dans leur glo-
J
balité, c’est-à-dire les usines, les équipements, les bâtiments, les
véhicules, alors les économies d’énergie seront démultipliées, et ce
bien plus que ce que les gens jugent possible. Et les coûts baissent.”
usqu’à présent, cette méthode de conception globale
a surtout été adoptée par le secteur privé. Walmart,
premier employeur mondial de poids lourds, a amé-
lioré son rendement énergétique de près de 40 %
grâce à une réorganisation de ses activités. D’autres
marques et constructeurs automobiles, notamment
Tesla et BMW, ont également fait des économies
d’énergie colossales.
Le premier et plus grand succès du physicien est sans
doute son concept d’Hypercar, qui remonte à 1991 :
un véhicule tout électrique à la carrosserie en fibre
de carbone, qui pouvait faire plus de 125 kilomètres
avec 1 litre d’essence. L’idée a été raillée à l’époque, mais tous
les constructeurs prennent aujourd’hui ce chemin.
Quand les pouvoirs publics cherchent réellement à éviter le
gaspillage d’énergie, ils sont amplement récompensés. Amory
Lovins et le Rocky Mountain Institute ont calculé qu’au moins
deux tiers – voire les trois quarts – de toute l’énergie fournie
par des combustibles fossiles pourraient être économisés à
profit dans la majorité des pays industrialisés. Ces économies
seraient encore plus grandes dans les pays en développement,
où les rendements énergétiques sont souvent moins bons et
parce qu’il est plus facile de fabriquer les choses correctement
d’emblée au lieu de les perfectionner par la suite.
6 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
“Poutine
pourrait
avoir
donné
un coup Selon le scientifique, l’Allemagne, la Suède, le Danemark
sont à la pointe de l’innovation pour le bâti et le Japon pour
de pouce l’industrie. Il mentionne l’American Council for an Energy-
à la Efficient Economy, organisme d’après lequel les économies
d’énergie intelligentes, ainsi que le bâtiment et l’industrie
transition intelligents, sont autant de domaines en progression. “La
énergé-
A
Chine est la championne incontestée quant à la rapidité des
changements, mais pas en termes absolus car elle a commencé
tique très bas”, affirme-t-il.
et aux
solutions mory Lovins craint que les
clima- étapes de la conception soient
trop fragmentées et que nous
tiques.” perdions de vue le contexte
énergétique global tel qu’il était
pensé à l’époque victorienne.
Dans un récent podcast avec
le conseiller britannique en
énergie Micheal Liebreich, il
explique que des économies
de 80 % ou plus peuvent être
faites dans les domaines les
plus inattendus. Il indique par exemple qu’il faut beaucoup
moins d’énergie pour pomper la chaleur ou le froid avec
des tuyaux larges et droits qu’avec des tuyaux étroits et
alambiqués, car il y a moins de frictions.
“Dans notre maison, on économise 97 % de l’énergie nécessaire
au pompage en optimisant l’installation de la tuyauterie. Si la
même chose était faite partout dans le monde, on économiserait
un cinquième de l’électricité consommée au niveau mondial, ou la
moitié de l’électricité produite grâce au charbon. Et on récupère
notre argent instantanément dans le cas du neuf ou générale-
ment en un an dans le cadre de la modernisation de bâtiments
et d’industries.” Et pourtant, poursuit le physicien, ce type
d’optimisation n’est pas enseigné et ne figure certainement
pas dans les études ou les modélisations climatiques com-
mandées par les gouvernements. Pourquoi ? “Car ce n’est
pas une technologie, ce n’est ni plus ni moins qu’une question de
conception”, assène-t-il.
Selon lui, la conception la plus inefficace de toutes sur le
plan énergétique est sans doute celle du nucléaire, qui est
fortement subventionné, coûteux et défendu par un lobby
très influent dans la sphère politique. Recourir à cette éner-
gie pour remédier aux pénuries d’électricité ou lutter contre
les changements climatiques revient à proposer du riz et du

caviar à des populations affamées, estime-t-il, alors qu’il est
bien moins cher et moins complexe de leur donner unique-
ment du riz. “Face à une urgence climatique et énergétique, ce qui
est notre cas actuellement, il faut investir judicieusement et non
tous azimuts, afin de financer la solution la plus économe. Il vaut
mieux, et de loin, déployer des technologies rapides, bon marché
et sans danger, comme l’éolien et le solaire, que lancer une énergie
longue à mettre en œuvre, spéculative et hors de prix. Toute autre
stratégie aggrave plus que de raison le dérèglement climatique.”
Il démolit l’énergie nucléaire en citant des statistiques.
“En 2020, le nucléaire a enregistré un solde net de capacités de
0,4 gigawatt, contre une augmentation de 278 gigawatts pour les
énergies renouvelables, soit [près de 700] fois plus. Les énergies
renouvelables ont inondé le marché et éliminé autant d’émissions
de CO2 toutes les trente-huit heures que les centrales nucléaires
en un an. Même si le nucléaire est peu coûteux, les énergies
renouvelables le sont encore moins et leur rendement les rend
plus rentables encore. Aucun nouveau type ou format de réacteur,
aucun cycle de combustible dans un réacteur, n’y changera quoi
que ce soit. Faites le calcul. C’est plié.”
L’avenir se joue dans la rénovation en profondeur des
bâtiments au moyen de l’isolation intérieure et de pompes à
chaleur, mais aussi de l’isolation extérieure. “On peut conce-
voir la tuyauterie de manière à créer une sorte de dôme, comme un
couvre-théière, tout autour de nos maisons, comme dans l’isolation
extérieure proposée par l’entreprise néerlandaise Energiesprong
[‘faire le saut énergétique’]. En une journée, pendant que vous
êtes au travail, les salariés de cette société surisolent votre maison
conformément à la norme de neutralité énergétique, installent
“Le
nucléaire
est peu
coûteux,
mais les au lieu du contraire ? Pourquoi récompenser les fournis-
seurs d’énergie quand ils vendent davantage d’énergie au
énergies lieu de récompenser la baisse des factures ? Pourquoi ne pas
renou- s’appuyer sur le système fiscal pour accélérer l’adoption des
énergies renouvelables ?
velables Amory Lovins, qui dirige actuellement le Rocky Mountain
le sont Institute, enseigne à Stanford pendant que ses collègues
repensent les industries du ciment et du bois, ainsi que l’agri-
encore culture, le commerce de détail et l’aviation. Il espère que les
moins avions pour les court- voire les moyen-courriers seront bientôt
électrifiés et rendus moins énergivores grâce à de nouveaux
et leur combustibles, carlingues, structures et surfaces ultralégers.
rendement Il plaisante à peine en disant qu’il souhaite qu’un grand
mouvement populaire se lance dans le tricotage de millions
les rend de bonnets de laine jaune et bleu. Grâce à ces couvre-chefs,
plus et en baissant le thermostat de deux ou trois degrés, des mil-
liards de mètres cubes de gaz pourront être économisés. “La
rentables guerre de Poutine est financée par ceux qui achètent les éner-
encore.” gies fossiles russes. Les deux premières semaines de la guerre,
l’Occident a versé 8 milliards d’euros à la Russie. Nous faisons
face à une nouvelle crise énergétique et économiser l’énergie est le
moyen le plus ambitieux, le moins cher, le plus sûr, le plus propre
et le plus rapide d’y remédier”, affirme-t-il.
À 2 200 mètres d’altitude, chez lui à Snowmass, Amory
Lovins déguste sa soixante-dix-neuvième récolte de bananes
pendant que la quatre-vingtième pousse tranquillement.
Et de préciser : “Et bien d’autres fruits tropicaux.”
—John Vidal
Publié le 26 mars 2022

D
une pompe à chaleur et recouvrent le toit de panneaux solaires.
À votre retour, vous les rémunérez au lieu de régler des factures
à vos fournisseurs d’énergie.” SOURCE
THE GUARDIAN
ans un contexte d’urgence historique Londres, Royaume-Uni
comme le nôtre, il est de loin préfé- Quotidien
rable et moins coûteux que les gouver- theguardian.com
nements investissent dans l’économie L’indépendance et la qualité
d’énergie et éliminent les nombreuses caractérisent ce titre né en 1821.
subventions et barrières qui entravent C’est le journal de référence
la transition vers l’efficacité énergé- de l’intelligentsia, des enseignants
tique des particuliers et des entreprises. et des syndicalistes.
Il faut également faire preuve de créa- Orienté au centre gauche,
tivité. Pourquoi ne pas rémunérer les il se montre très critique
architectes et les ingénieurs en fonc- vis-à-vis du gouvernement
tion des économies qu’ils proposent conservateur.

7
 Les g
enjeu de la transition
8 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
rands
x
énergétique
9
 UNE HUMANITÉ ÉNERGIVORE
A
vec nos industries, nos transports, notre chauffage et l’électricité que nous utilisons, nous sommes
des dévoreurs d’énergie : notre mode de vie actuel consomme des quantités phénoménales
de carburants et de ressources. Jusqu’à quand ?
173 340

160 000
Une croissance exponentielle
Consommation d’énergie primaire dans le monde depuis 1950 (par source, en TWh) 140 000

D’après les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), si nous ne changeons rien, 120 000
la consommation d’énergie primaire pourrait augmenter encore de 50 % d’ici à 2050.
Mais ce n’est pas inéluctable, et l’AIE appelle à un changement drastique pour réduire 100 000
notre consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre associées.
80 000

60 000
charbon hydroélectricité
40 000
gaz naturel éolien
pétrole solaire 20 000
nucléaire biocarburants
biomasse traditionnelle autres renouvelables 0
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2019

Qui consomme le plus ?

Consommation d’énergie par habitant (en kWh, 2020)

3 864 - moyenne Afrique

19 877 - moyenne Monde
38 809 - moyenne pays du Golfe
60 270 - moyenne Amérique du Nord
165 188 Qatar : l’éden artificiel
Les richesses en hydrocarbures du pays l’ont conduit à dépenser
sans compter. Bien qu’il soit encore le premier consommateur
d’énergie par habitant, ce chiffre baisse année après année.

100 386 Canada : pays vaste et froid

Les Canadiens ont longtemps compté sur des ressources naturelles
abondantes pour, notamment, se chauffer. Le pays exploite surtout
ses propres hydrocarbures. Gaz et sables bitumineux.

73 726 États-Unis : l’“American way of life”

Le chauffage, la climatisation, le transport... Les Américains dépensent
beaucoup d'énergie au quotidien. Une énergie essentiellement puisée
dans les ressources fossiles. Comme au Qatar, ce chiffre est en baisse.
37 057 France : la loi de l’atome
La France, qui reste dans la moyenne européenne (31 555 kWh
par personne), se distingue par la part du nucléaire dans
sa consommation d’énergie primaire : 36 %.

28 106 Chine : ça chauffe

La Chine est l’un des seuls pays qui voit sa consommation
d’énergie par habitant augmenter d’année en année. Deux causes :
l’industrialisation et l’amélioration du niveau de vie.

10 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
Alimentation électrique
Mix électrique mondial en 1990 et 2019.
Production d’électricité par source 27 040 TWh
(en % de la production totale) 0,9 % 2%
2,5 %
2,8 %
5,3 %
La part des énergies renouvelables ne cesse
d’augmenter dans le mix électrique mondial, 10,3 %
mais c’est l’hydroélectricité qui domine
toujours ce bouquet.
16 % 904
11 900 TWh
0,8 % 3 308
0,9 %
11,1 % 23,5 %
14,7 %
16,9 %
18,4 %
5 429
37,2 % 36,7 %

1990 2019
charbon pétrole hydroélectricité solaire autres renouvelables
gaz naturel nucléaire éolien biocarburants

7 923

Qui consomme quoi ?

Consommation d’énergie primaire par pays et par source (en TWh, 2020)
2 054
La consommation d’énergie par habitant (voir page ci-contre) ne se reflète pas
forcément dans la consommation primaire du pays (ci-dessous). En effet,
celle-ci comprend non seulement la production d’électricité, mais aussi 2 421
l’énergie utilisée pour les transports, le chauffage, les procédés industriels...
Et elle dépend aussi du poids de la population. Ainsi le Qatar, champion
de la consommation d’énergie par habitant, mais peu peuplé, est un “petit
2 558
joueur” à l'échelle de la planète. Contrairement à la Chine, qui consomme, elle,
un quart de l’énergie mondiale. Ce pays de plus de 1,4 milliard d’habitants,
usine de la planète, puise l’essentiel de son énergie dans les ressources
fossiles, au premier rang desquelles le charbon. Et son mix énergétique
devrait rester très carboné, si l'on en croit les projets d'investissements
dans les centrales charbon (lire p. 30-31). De quoi voir l'avenir en noir... 8 326
charbon nucléaire 22 871
gaz naturel renouvelables dont hydroélectricité
pétrole

139
53 242
339 9 046
1 406
125 1 110
350
1 126
745
873 1 184

Qatar France Canada États-Unis Chine

475 2 419 3 789 24 406 40 438
SOURCES : BP STATISTICAL REVIEW, 2021, AGENCE INTERNATIONALE DE L’ÉNERGIE

11
 425 “BOMBES CLIMATIQUES”
M
algré le réchauffement, les
investissements dans le charbon,
le pétrole et le gaz se poursuivent.
Des scientifiques ont recensé 425 projets
d’extraction de combustibles fossiles,
en activité ou en construction, dont
les émissions de CO2 cumulées feraient
exploser le budget carbone mondial.
“Les États ‘courent à la catastrophe
climatique’ s’ils continuent à dépendre
des énergies fossiles, et les pays qui veulent
remplacer à la hâte le pétrole, le gaz
et le charbon russes par leurs propres
énergies polluantes ne font qu’aggraver
la situation”, rapporte le New York Times,
citant l’avertissement du secrétaire général
des Nations unies, António Guterres,
le 21 mars 2022, lors d’un sommet organisé
sur la durabilité. “Si nous persistons
dans cette voie, nous pouvons dire
adieu à 1,5 °C [de réchauffement]. Même
2 °C seront sans doute hors de portée.
Et ce serait désastreux.”
Ces dernières années, les scientifiques,
mais aussi les grandes organisations
internationales, ont martelé la nécessité
de sortir des énergies fossiles (lire p.22-23).
“Nous devons mettre fin à la pollution
par les combustibles fossiles et accélérer
la transition vers les énergies renouvelables
avant de brûler notre unique maison”,
a encore exhorté, deux mois plus tard,
António Guterres, cité par le quotidien
suisse Tages-Anzeiger. Il réagissait
à la parution, le 18 mai, du rapport
de l’Organisation météorologique
mondiale (OMM) intitulé “État du climat
mondial en 2021”, indiquant que
le système énergétique mondial
conduit l’humanité à la catastrophe.
Pourtant, malgré ces alertes répétées,
Émissions potentielles de CO₂ (en gigatonnes)
provenant des “bombes carbone” sur la durée prévue
de leur exploitation, par pays
(Seules sont montrées les émissions de plus de 5 Gt)
SOURCE : “CARBON BOMBS”, MAPPING KEY FOSSIL FUEL PROJECTS (KJELL KÜHNE ET COLLABORATEURS, HTTPS://DOI.ORG/10.1016/J.ENPOL.2022.112950). CETTE CARTE EST UNE PROJECTION AZIMUTALE ÉQUIVALENTE DE LAMBERT.
12 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
le monde prend la direction opposée.
Une équipe internationale de chercheurs
vient de recenser les plus grands projets
d’extraction de combustibles fossiles ÉTATS-UNIS 151,1
dans le monde – définis comme
des infrastructures qui pourraient émettre
plus de 1 milliard de tonnes (1 gigatonne)
de CO2 pendant leur durée d’exploitation.
Dirigée par Kjell Kühne, de l’université MEXIQUE 10,3
de Leeds, au Royaume-Uni, cette étude,
publiée dans la revue Energy Policy
le 12 mai, a révélé que 425 “bombes
carbone” (195 projets pétroliers et gaziers,
et 230 mines de charbon) sont
opérationnelles ou à l’état de projet
dans 48 pays. En font partie les nouveaux
puits de forage pétroliers et gaziers COLOMBIE 8,8
de Montney, au Canada, et ceux du Permian
Delaware Tight, aux États-Unis, projet
désigné comme la plus grande bombe
VENEZUELA 7,8
carbone du monde. La Chine est le pays
qui en compte le plus, 141.
Si toutes ces infrastructures étaient
exploitées jusqu’à leur terme (169 n’avaient
pas encore commencé leurs activités
en 2020), leurs émissions potentielles
BRÉSIL 25,9
combinées représenteraient deux fois
le budget carbone mondial – le plafond
d’émissions – à ne pas dépasser pour
espérer maintenir le réchauffement
climatique à 1,5 °C par rapport à l’ère
préindustrielle. De quoi réduire à néant
les objectifs de l’accord de Paris sur la lutte
ARGENTINE 5,2
contre le dérèglement climatique.
Alors que les énergies fossiles sont
responsables de 75 % des émissions
mondiales de gaz à effet de serre,
“désamorcer les bombes carbone
devrait être une priorité de la politique
d’atténuation du dérèglement climatique”, ALGÉRIE 5,8
soulignent les chercheurs.
Les 48 pays qui ont au moins Les 425 bombes carbone
une bombe carbone identifiées par l’étude :
sur leur territoire...
site d’extraction de charbon
CHINE ... dont ceux qui en ont
plus de dix site d’extraction de gaz ou de pétrole
 RUSSIE 117
CANADA 39 POLOGNE
5,6
KAZAKHSTAN 20,3

MONGOLIE 16

Champs
gaziers et
pétrolifères
de Montney

CHINE 332,9

TURKMÉNISTAN 13,3

Le champ d’hydrocarbures
du Permian Delaware KOWEÏT 17,1
représente la plus grosse
bombe carbone
avec 27,8 Gt d’émissions
potentielles de CO₂.

INDONÉSIE 21,9

AUSTRALIE 46,3

Équ
ateu
r
INDE 27

IRAN 23,9

ÉMIRATS
ARABES UNIS 23

QATAR 43,3

TOTAL DES ÉMISSIONS :

IRAK 27,6

AFRIQUE DU SUD MOZAMBIQUE

ARABIE SAOUDITE 107,1
1 182 Gt
18,2 11,8

13
 PRIVÉS DE COURANT
PRIVÉS D’AVENIR
P
rès de 800 millions de personnes
dans le monde n’ont accès à aucun service
de fourniture d’énergie – autant dire
qu’elles sont à des lieues des quantités
d’énergie nécessaires pour atteindre un niveau
significatif de croissance et d’industrialisation”,
faisait observer le magazine américain
Foreign Affairs dans son édition
de janvier-février 2022.
Si elle constate des avancées, l’ONU
estime que “des progrès soutenus
sont nécessaires afin d’améliorer l’accès,
pour 3 milliards de personnes,
à des technologies et des combustibles
non polluants et sûrs pour cuisiner, d’accroître
l’utilisation des énergies renouvelables
et de développer l’électrification
en Afrique subsaharienne”. HAÏTI 47
Certes, de plus en plus de personnes utilisent Part de la population
l’électricité : la proportion de la population
ayant accès à l’électricité
mondiale y ayant accès est passée de 83 %
(par pays, 2020*)
en 2010 à 91 % en 2020, selon les chiffres
de la Banque mondiale. Mais 733 millions
de personnes étaient encore privées De 7 % à 23 %
de ce service essentiel en 2020, dont De 23 % à 39 %
568 millions en Afrique subsaharienne.
De 39 % à 55 %
Dans cette région du monde, seulement
48 % de citoyens avaient accès à l’électricité De 55 % à 71 %
en 2020. Un chiffre qui recouvre des situations De 71 % à 87 %
très différentes. Ainsi, dans les deux pays Moyenne : 87 %
en queue du peloton mondial, au Soudan De 87 % à 100 %
du Sud et au Tchad, à peine 7% et 11%
de la population, respectivement, avaient Pas de données
accès à l’électricité.
“L’impossibilité d’accéder au réseau électrique
Abréviations :
enferme les gens dans la pauvreté et retentit BF Burkina Faso, BO. Botswana, CA. Cameroun,
sur tous les aspects de la vie”, souligne sur ÉT. Éthiopie, MA. Mauritanie, OU. Ouganda,
son site l’organisation Solar Sister, qui aide RC République centrafricaine,
les femmes africaines à apporter l’électricité RDC République démocratique du Congo,
dans leur communauté – des villages ZA. Zambie, ZI. Zimbabwe
non connectés au réseau électrique –
* À l’exception du Kosovo (donnée de 2019).
grâce au solaire. “La pauvreté énergétique
a une multitude de conséquences négatives, SOURCE : BANQUE MONDIALE (DATA.WORLDBANK.ORG).
directes et indirectes, sur la santé, l’éducation CETTE CARTE EST UNE PROJECTION ÉQUIVALENTE DE PETERS,
ELLE PERMET DE PRENDRE EN COMPTE LA SUPERFICIE RÉELLE
et les revenus des femmes en particulier et plus DES CONTINENTS, L’AFRIQUE ENTRE AUTRES.
généralement des populations hors réseau.”

14 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
 CORÉE
DU NORD
50

LIBYE 70

PAKISTAN
75
MA. 47
MALI 51 NIGER SOUDAN
19 55
SÉNÉGAL 70 YÉMEN 73 BIRMANIE
TCHAD
GAMBIE 62 BF 11 ÉRYTHRÉE 52 (MYANMAR)
GUINÉE-BISSAU 33 19 DJIBOUTI 62 70
NIGERIA ÉT.
GUINÉE 45 55
SIERRA LEONE 26 51 CAMBODGE
RC 86
LIBERIA 28 CA. 15
CÔTE D’IVOIRE 70 65
OU. SOMALIE 50
GHANA 86 42
TOGO 54 KENYA 71 PAPOUASIE-
BÉNIN 41 RWANDA 47 NLLE-GUINÉE 60
GUINÉE ÉQUAT. 67 BURUNDI 12
RDC 19
CONGO 50 TANZANIE 40

MALAWI 15
ANGOLA 47
ZA. 45 MADAGASCAR 34

ZI.
53 Seulement 7 % de la
BO.
NAMIBIE 56 72 population sud-soudanaise
est reliée au réseau
MOZAMBIQUE 31 électrique, ce qui en fait
ESWATINI 80 le taux le plus bas
AFRIQUE DU SUD 84 LESOTHO 47 au monde. Les guerres
civiles successives, qui se
poursuivirent même après
l’indépendance du pays,
en 2011, en sont sans doute
la principale explication.

15
Ces générateurs à essence
que les Nigérians détestent
C
rachats de fumée et crachats de sang,
dans un vrombissement assourdissant.
C’est à ce prix qu’une centaine de mil-
lions de Nigérians utilisent l’électricité
produite par environ 22 millions de petits
groupes électrogènes à essence disséminés
dans le pays, le plus peuplé d’Afrique. En
février 2020, 43 % des habitants n’étaient
pas connectés au réseau national, pré-
cise Al-Jazeera, qui dresse un état des
lieux désastreux de l’accès à l’électricité
au Nigeria, pays classé au 171e rang en la
matière par la Banque mondiale.
Les infrastructures défaillantes,
dont la capacité est normalement de
12 000 mégawatts, ne sont en mesure
de fournir qu’environ 4 000 mégawatts
la plupart du temps, estime l’Agence
16 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
Le manque de fiabilité du réseau électrique oblige une grande partie
de la population à utiliser, bien malgré elle, des générateurs bruyants et polluants.
américaine pour le développement inter-
national. Cela représente une perte
nationale annuelle de 26,2 milliards
de dollars, soit l’équivalent de 2 % du
produit intérieur brut.
À Ilorin, capitale de l’État de Kwara,
dans le sud-ouest du pays, Mathew Bello
pallie la faiblesse du réseau de son quar-
tier. “Parfois, il y a de la lumière, témoigne
le commerçant, mais le courant est faible.”
Lorsque le courant s’arrête totalement, il
met en marche son propre générateur, et
les habitants du quartier se bousculent
à sa porte pour regarder la télévision,
charger leurs portables, jouer à des jeux
vidéo ou se faire couper les cheveux à la
tondeuse électrique.
Hors de prix
Son générateur consomme entre 17 et
27 litres d’essence par jour, confie-t-il.
Entre le carburant, l’huile, l’entretien
et les réparations, les dépenses men-
suelles atteignent l’équivalent de plus
de 200 euros par mois. Une somme pour
Mathew Bello, dont les revenus mensuels
tournent autour de 350 euros.
Au-delà des frais et de la pollution
qu’ils engendrent, les générateurs ont
des conséquences négatives sur l’au-
dition pour deux tiers de leurs utili-
sateurs, rapportait l’Access to Energy
Institute (A2EI) en 2019. “Le bruit est
délirant”, témoigne un étudiant qui uti-
lise le sien pour lire et travailler en tant
que photographe indépendant : “Chaque
fois qu’un générateur s’arrête dans le quar-
tier, c’est comme si vous retrouviez une
“Lorsqu’un générateur s’arrête
dans le quartier, c’est comme si vous
retrouviez une partie de votre âme.”
Un photographe indépendant
Pollution mortelle
Chaque année, dans le monde,
9 millions de personnes meurent
prématurément de maladies
provoquées par la pollution,
principalement celle de l’air,
rapporte le Guardian. Celle-ci
provient notamment de la
combustion des carburants utilisés
pour l’industrie, le chauffage et
SUR NOTRE le transport. “La pollution reste
SITE le plus grand et plus grave danger
courrierinternational qui menace la santé des humains
.com et de la planète”, souligne
le professeur Philip Landrigan,
Le Paraguay l’un des principaux auteurs de
exporte l’étude internationale citée par
son électricité le quotidien britannique.
et laisse “Notre rapport appelle à une sortie
ses habitants rapide et radicale de toutes
dans le noir. les énergies fossiles au profit
Le pays ne des énergies propres et
consomme que renouvelables”, conclut-il.
16 % de l’électricité
qu’il produit.
Le reste est vendu partie de votre âme dont vous n’aviez pas
à l’Argentine conscience qu’elle vous manquait. Tout le
et au Brésil voisins. monde les déteste, ajoute-t-il, mais tout le
Les Paraguayens monde en possède un.”
doivent utiliser Cette nécessité obéit à une logique court-
des générateurs termiste, regrette un membre d’A2EI,
ou du bois, relate et reflète le manque d’investissements
le site argentin publics dans d’autres solutions telles que
ElDiarioAR. l’énergie solaire, largement sous-exploitée
dans le pays. Lancé en décembre 2020, le
programme gouvernemental Solar Power
Naija visait à fournir de l’électricité solaire
à 25 millions de Nigérians déconnectés
du réseau traditionnel. Pour le moment,
seuls 100 000 générateurs solaires domes-
tiques auraient été déployés, selon l’agence
chargée du programme.
—Courrier international
 Ajouter le WWF sur son testament
c’est s’engager pour bien
plus grand que soi
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Une dépendance funeste
aux hydrocarbures
La consommation énergétique de l’Union européenne repose à près
de 70 % sur les énergies fossiles, dont une large part est importée de Russie.
Mais se tourner vers d’autres producteurs ne fait que déplacer le problème.

E
n 2021, 38 % du gaz naturel utilisé par
l’Union européenne provenait de Russie, selon
l’organisme de recherche Bruegel”, indiquait
The New York Times en février 2022, dans
un article prémonitoire intitulé “Comment
un conflit en Ukraine pourrait remode-
ler la dépendance de l’Europe vis-à-vis
de la Russie”. “Certains pays, comme la
Pologne et la Lituanie, ont [ces dix dernières
années] progressivement réduit leur dépen-
dance au gaz russe. Mais pour d’autres, la
dépendance n’a cessé de croître.”
L’Allemagne est le plus gros client euro-
péen de Moscou. La majeure partie du gaz
qu’elle importe provient directement de
Russie via le gazoduc Nord Stream 1, qui
passe par la mer Baltique. Un deuxième
pipeline, Nord Stream 2, récemment
achevé, a vu sa mise en service bloquée
à l’initiative de Berlin, en représailles à
l’offensive russe en Ukraine.
Avec la baisse progressive des livraisons
de gaz russe depuis le mois d’avril, les pays
européens se sont tournés vers d’autres
pays producteurs d’hydrocarbures – les
États-Unis, l’Algérie, le Qatar, la Norvège,
l’Azerbaïdjan –, parfois en ordre dispersé,
chaque pays menant des discussions
bilatérales de son côté, parfois regroupés
sous l’étendard européen.
155 milliards de mètres cubes de gaz
“Le 15 juin, Ursula von der Leyen qualifiait
d’‘historique’ le protocole d’approvision-
nement gazier entre l’Union européenne,
Israël et l’Égypte permettant à l’Europe
d’avancer vers la fin de sa dépendance aux
livraisons d’énergie russe”, rapporte Heti
Vilaggazdasag. Selon le contrat, le gaz
naturel transitera des gisements marins
d’Israël vers l’Égypte via un gazoduc, puis
il sera liquéfié avant d’être acheminé vers
les ports de l’UE. Une coopération tripar-
tite entérinée le lendemain de la réduction
par le groupe russe Gazprom des livrai-
sons de gaz par le gazoduc Nord Stream 1.
Les sources d’approvisionnement
méditerranéennes n’aideraient que modé-
rément l’Europe à atteindre son objectif
“Le monde entier est comme
un junkie accro aux combustibles
fossiles.”
Saleemul Huq, DIRECTEUR DU CENTRE INTERNATIONAL
POUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET LE DÉVELOPPEMENT
d’indépendance énergétique, fait obser-
À la une ver l’hebdomadaire hongrois, qui précise :
“Israël extrait 12 milliards de mètres cubes
annuels de ses trois gisements sous-marins.
L’Égypte, elle, a exporté 8,9 milliards de
mètres cubes de gaz liquéfié l’an dernier
et 4,7 milliards entre janvier et mai 2022,
dont 60 % vers l’Asie. Or, en 2021, l’UE
a acheté 155 milliards de mètres cubes de
gaz à la Russie.”
Par ailleurs, indique Heti Vilaggazdasag,
“LE PÉRIL le centre de recherches Corporate Europe
HIVERNAL Observatory estime que “l’accord de fourni-
QUI GUETTE ture de gaz restreint la marge de manœuvre de
L’EUROPE” l’Union européenne concernant les atteintes
Dans une forêt aux droits humains en Israël comme en
de conduites Égypte. Un constat tout aussi valable vis-
de gaz, un Petit à-vis de l’un des principaux pays produc-
Chaperon rouge teurs de gaz liquéfié, le Qatar, au sujet duquel
rencontre non pas l’UE nourrit de grands espoirs.”
le loup, mais l’ours “Le monde entier est comme un junkie
russe, à la une de accro aux combustibles fossiles, a déclaré
The Economist du le 30 juin Saleemul Huq, directeur du
16 juillet. “L’hiver Centre international pour le change-
qui arrive promet ment climatique et le développement,
d’être rude et situé au Bangladesh, cité par le New York
meurtrier”, alerte Times. Maintenant que les Russes ont fermé
l’hebdomadaire le robinet, au lieu de s’en passer on essaie
britannique, d’en trouver ailleurs.”
qui en rejette Les objectifs de réduction des émis-
la responsabilité sions de gaz à effet de serre sont passés
sur Vladimir au second plan. “J’ai pensé à l’urgence cli-
Poutine, qui matique, encore éclipsée par une nouvelle
restreint les crise après celle de la pandémie, et je me suis
livraisons de gaz. rendu compte que tout était lié”, confiait, à la
mi-mars, l’experte du climat ukrainienne
Svitlana Krakovska, dans une interview
donnée au site suisse Heidi.news. “Les
racines de la guerre et celles du dérègle-
ment climatique sont les mêmes. Si nous
ne réglons pas ces causes, c’est l’humanité
entière qui se dirige vers sa propre perte.”
—Courrier international

18 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
L’Europe sous perfusion de gaz russe
Situation au 31 décembre 2020
Part des importations Volume de gaz importé de Russie
de gaz russe par rapport (en millions de m3)
à l’ensemble du gaz consommé
(par pays de l’UE) 50 000
80 % et plus
30 000
De 60 % à 79 %
De 40 % à 59 % 20 000

De 20 % à 39 % 10 000
3 500
Moins de 20 %

1 TOP 5 des pays producteurs de gaz en Europe

Situation à la mi-juillet 2022

La Russie ferme des gazoducs en représailles
du soutien de l’UE à l’Ukraine
fermé débit fortement réduit

Note : les volumes de gaz importés de Russie par FINLANDE

l’Autriche, la Croatie et le Danemark, ne sont pas (92 %)
clairement identifiés par ces pays et ne figurent
donc pas sur la carte. 2
Abréviations : NORVÈGE
AU. Autriche, BE. Belgique, CR. Croatie,
DA. Danemark, LU. Luxembourg, P-B Pays-Bas,
R.T. République tchèque, SL. Slovénie
SOURCES : EUROSTAT, EURONEWS ESTONIE
SUÈDE (86,5 %)
(14 %) 1

RUSSIE
DA. LETTONIE
e
(52 %) (100 %)
anc
r o ven ents
p e
LITUANIE (50 %) En gisemsqu’îl
e s
d la p l r e
POLOGNE de Yama
ns de
atio
(45,5 %) RUSSIE
t
4
por
s im
3
P-B(36 %) m
l de 7 : ons de
IRLANDE ALLEMAGNE
(59 %) t a
(0)
3
To l’UE2 milli
de 020
ROYAUME-
UNI 155

BE.(8 %)
LU. 5
(27) R.T. (86) UKRAINE
FRANCE SLOVAQUIE
(20 %) (75 %) Guerre
en Ukraine
AU.
(59 %) HONGRIE
(110 %) ROUMANIE
CR. (15,5 %)
(55 %)
SL.
(81 %)
ITALIE
(40 %)
BULGARIE
(73 %)
ESPAGNE
(10,5 %)
PORTUGAL GRÈCE
(10 %) (39 %)

MA.
(0) CHYPRE
(-)

19
 c’est
La fin des combustibles

bient
20 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
pour
fossiles,

ôt ? 21
Il faut laisser le pétrole, le gaz
et le charbon dans le sol
L
Top 20 des réserves mondiales de pétrole
VENEZUELA
304
22 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
Pour que le monde ait une petite chance de rester dans les limites de
réchauffement prévues dans l’accord de Paris, il faudrait arrêter d’extraire
des combustibles fossiles. Pourtant de nouveaux forages sont autorisés.
’extraction des combustibles fossiles
doit cesser au plus vite. La question
n’est plus de savoir si cela aura lieu,
mais quand et comment, affirmait en
août 2021 le magazine New Scientist.
D’après l’article, c’est d’abord le char-
bon qui disparaîtra, suivi du pétrole et
du gaz. Pourquoi cet ordre ? Parce que
“la réalité, c’est que le monde aura besoin
de pétrole pendant des décennies”, reprend
le périodique britannique, citant Vicki
Hollub, PDG d’Occidental Petroleum,
lors de la conférence sur la science et
l’investissement sur le climat à New York
en mai 2021. Pour les transports, mais
aussi pour l’industrie et la production
de plastiques et de solvants.
“Il y aura toujours un marché pétro-
lier en 2050, renchérit pour le maga-
zine le professeur Andreas Goldthau,
de l’université d’Erfurt, en Allemagne.
Mais il sera de plus en plus petit.” Il pré-
voit ainsi que la production passera de
90 millions de barils par jour en 2019 à
24 millions de barils par jour en 2050,
(réserves prouvées de pétrole brut, en milliards de barils, 2020)
ARABIE SAOUDITE IRAN CANADA
262 208,6 170,5*
principalement en raison du passage
aux moyens de transport électriques.
“Quant au gaz naturel, désormais large-
ment utilisé pour la cuisine et le chauffage
domestique, la production d’électricité et
dans l’industrie lourde, il suivra la même
trajectoire de déclin que le pétrole, mais
avec un calendrier qui le maintiendra plus
longtemps dans le mix énergétique. Selon la
feuille de route de l’Agence internationale
de l’énergie, d’ici à 2050, la demande de
gaz ne chutera que de 55 %, pour atteindre
1 750 milliards de mètres cubes par jour,
remplacés soit par de l’électricité propre,
soit par de l’hydrogène gazeux”, poursuit
le New Scientist.
Un pic en forme de plateau
Même les grandes compagnies pétrolières
admettent que leur industrie se meurt
lentement. De fait, “nous vivons le pic
de l’ère des combustibles fossiles”, déclare
au magazine britannique Kingsmill
Bond, stratège membre du groupe de
réflexion sur l’énergie Carbon Tracker.
IRAK ÉAU KOWEÏT
145 107 101,5
“Le plateau va durer un peu, mais ensuite
ce sera la chute.”
Et pourtant la question est bien de
savoir quand cette chute arrivera, et
il y a urgence. “Pour atteindre les objec-
tifs de l’accord de Paris, le pic mondial de
production de pétrole et de gaz naturel
aurait dû se produire en 2020”, notait en
1 000
MÈTRES. C’est la profondeur à laquelle est situé le gisement
canadien offshore Bay du Nord, à 470 kilomètres au large
de Terre-Neuve, dans l’Atlantique. Le gouvernement canadien
a donné son feu vert le 6 avril à son exploitation par la société
canadienne Equinor, en partenariat avec Cenovus Energy et BP.
Le coût total de ce projet controversé s’élève à 16 milliards
de dollars canadiens (environ 12 milliards d’euros), indique
Radio-Canada, et les exploitants entendent extraire au moins
500 millions de barils, grâce à une plateforme flottante.
RUSSIE LIBYE ÉTATS-UNIS NIGERIA
80 48,4 44,5 37
septembre 2021 le site américain d’infor-
mation Axios. Il faisait référence à une
étude publiée dans la revue Nature, réa-
lisée par des scientifiques de l’University
College de Londres. Désormais, les pays
devront non seulement investir davan-
tage dans les énergies propres, mais aussi
fi xer des limites strictes à l’extraction
des combustibles fossiles, renchérissait
le site écologiste américain Grist, qui
avait lui aussi remarqué l’étude.
Au Canada, l’extraction s’intensifie
Les chercheurs ont tenté d’estimer la
part des réserves mondiales de combus-
tibles fossiles qui doit rester dans le sol
afin de limiter le réchauffement clima-
tique à 1,5 °C au-dessus des températures
préindustrielles. Conclusion: pour avoir
50 % de chances d’atteindre cet objectif,
58 % des réserves de pétrole connues,
59 % des réserves de gaz naturel et 89 %
des réserves de charbon ne doivent pas
être extraites. Concrètement, cela signi-
fie que la production mondiale de pétrole
SOURCE : ANNUAL STATISTICAL BULLETIN 2021 DE L’OPEP (ASB.OPEC.ORG)
KAZAKHSTAN CHINE QATAR BRÉSIL ALGÉRIE ÉQ.
30 26 25,2
et de gaz doit baisser de 3 % en moyenne
chaque année jusqu’en 2050. Pour y par-
venir, “toutes les ressources pétrolières et
gazières non exploitées de l’Arctique devraient
être laissées intactes”, reprend Axios. Cela
implique, par exemple, que la production
de pétrole aux États-Unis chute de façon
constante jusqu’en 2050.
Et pour le Canada, quatrième pays sur
le plan des réserves prouvées (voir ci-
dessous), cela signifie, observe Le Devoir,
qu’au rythme actuel de production de
2,95 millions de barils par jour “la produc-
tion devrait s’arrêter avant 2030”. Las, “la
seule production pétrolière de l’Ouest cana-
dien devrait dépasser les 6 millions de barils
par jour en 2035 [lire pages suivantes],
tandis que Terre-Neuve espère pour sa part
doubler la production en milieu marin, et
ce après 2030. Plus de 40 nouveaux forages
ont d’ailleurs été autorisés cette année par le
[gouvernement] fédéral”, a indiqué au quo-
tidien québécois l’Association canadienne
des producteurs pétroliers.
—Courrier international
* Dont 160 milliards de barils
issus des sables bitumineux.
Abréviations : AZ. Azerbaïdjan,
ÉAU Émirats arabes unis,
ÉQ. Équateur, NO. Norvège
NO. ANGOLA AZ.
12,7 12,2 8,3 7,9 7,2 7
23
Les montagnes russes
de l’or noir
C
hoc pétrolier ou pas? La question est déjà
obsolète car le choc est là, significatif et du
même ordre que le deuxième qui a marqué
la fin des années 1970”, expliquait au
Temps un banquier suisse en mars 2022.
La guerre en Ukraine a provoqué une
véritable “explosion des prix du pétrole”,
dont l’onde de choc s’est fait sentir dans
le monde entier.
24 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
En mars, après le déclenchement de la guerre en Ukraine, les cours du pétrole
ont flambé. Et depuis, ils sont devenus erratiques.
Depuis le 24 février, les cours du baril de
Brent fluctuent au rythme des nouvelles
de l’invasion de l’Ukraine par la Russie,
l’un des premiers producteurs d’hydro-
carbures dans le monde. “Dire que les
prix du pétrole ont été volatils ces derniers
jours serait un euphémisme”, notaient, un
mois après les débuts de la guerre, des
analystes du cabinet de conseil Morgan
Stanley, dans Bloomberg.
Une manne pour les producteurs
Le baril de Brent a atteint près de 140 dol-
lars le 8 mars, son plus haut niveau depuis
treize ans, avant de refluer, le 15 mars,
sous la barre des 100 dollars. Les deux
jours suivants, la résurgence du Covid
en Chine et les mesures de confinement
ont encore joué sur les cours. “L’évolution
rapide de la guerre en Ukraine et les sanc-
tions qui s’ensuivent à l’encontre de la
Russie entraînent de fortes fluctuations
sur le marché”, expliquait alors le média
économique américain.
L’Organisation des pays exportateurs
de pétrole (Opep) est même sortie de sa
réserve le 15 mars, en déclarant que “l’inva-
sion de l’Ukraine par la Russie est susceptible
de porter un coup sévère à l’économie mon-
diale, ce qui pourrait peser sur la demande
de pétrole”, relève le Wall Street Journal.
Le cartel, dans son rapport mensuel, ne
prend pas la peine de revoir ses prévisions
de demande et d’offre ou de croissance,
“l’évolution rapide et incertaine affectant sa
capacité à prévoir avec précision les consé-
quences profondes du conflit sur les mar-
chés énergétiques mondiaux”.
Quoi qu’il en soit, “l’Opep a affirmé sans
équivoque que l’impact de la guerre sur la
croissance économique mondiale serait dou-
loureux”. Mais la hausse des prix n’est pas
mauvaise pour tout le monde. D’abord
pour les plus gros producteurs tels l’Ara-
bie saoudite, dont la moitié du PIB vient
du pétrole et du gaz, ou l’Irak, dont le
budget est financé à 85 % par la manne
pétrolière. La flambée des prix de l’or
noir est aussi, souligne le quotidien éco-
nomique américain dans un autre article,
“un coup de pouce pour le secteur de l’éner-
gie aux États-Unis”.
—Courrier international
4 000
MILLIARDS DE DOLLARS. Ce sont les bénéfices nets
que devraient engranger les producteurs de gaz et de pétrole
dans le monde en 2022, selon l’Agence internationale
de l’énergie (AIE). Soit le double de l’année précédente.
Ce chiffre s’explique par des cours au plus haut, en raison
de la guerre en Ukraine, et par “des investissements assez
faibles dans le pétrole, le gaz, le charbon et les carburants
à faible émission de carbone, toujours inférieurs aux niveaux
observés en 2019 avant la pandémie”, souligne l’AIE.
L’ALBERTA ENGLUÉ DANS SON PÉTROLE
O
n produit ici l’un des Vers le parc national
100 km
pétroles les plus polluants, ière
Riva Paix Wood Buffalo,
avec une empreinte de l un site du patrimoine
mondial de l’Unesco
carbone par baril plus élevée
que toute autre forme de brut”,
résume crûment le Financial Times.
Ici, c’est une vaste zone
de 225000 km2 dans la province
canadienne de l’Alberta, où

PROVINCE DU SASKATCHEWAN
l’extraction de sables bitumineux,
sorte d’épais goudron, a explosé RÉGION DE
PEACE RIVER 1
au début des années 2000. Le Wall Fort McMurray
Street Journal décrit le processus
ainsi : “Les producteurs de brut RÉGION
prélèvent le sable saturé de bitume D’ATHABASCA
PEACE
à l’aide de gigantesques grues RIVER 2
excavatrices ou pompent le pétrole
directement dans des puits
en y injectant de la vapeur d’eau
surchauffée afin de le liquéfier.
Cette extraction nécessite Petit lac
des Esclaves
de grandes quantités d’énergie
et ravage les paysages.”
sca
Ath ivière

En vingt ans, mines et puits ont

aba

RÉGION
durablement pollué les cours DE COLD LAKE
R

d’eau et les zones de chasse des

communautés autochtones locales.
Montré du doigt, ce pétrole sale
n’a aujourd’hui plus la cote. PROVINCE
“La région qui était l’eldorado DE Edmonton
du secteur mondial de l’énergie L’A L B E R T A
est délaissée par les investisseurs,
affirme le Wall Street Journal.
Sous la pression des banques Les quatre grandes zones d’exploitation des sables bitumineux,
soit 140 000 km2 (1/4 de la France)
et des écologistes, les compagnies
pétrolières la désertent.” Gisement de Fort McMurray exploitable à ciel ouvert,
soit 4 750 km2
Mais la donne pourrait changer.
Du fait des conséquences Zone sous concession pétrolière, soit 82 000 km2
(15 % de la France)
de la guerre en Ukraine,
“l’hostilité politique est en train Réserves indiennes Communautés métisses
de s’essouffler”, estime le Financial
Times. Surtout, les compagnies
Grâce aux sables bitumineux de l’Alberta, le Canada se situe
locales ne veulent pas céder. à la 4e place du classement mondial des réserves pétrolières.
“Tant que les champs pétroliers
existants – peu importe leur 1er Venezuela 2e Arabie saoudite (15 %)
(18 %) 3e Iran (12 %)
empreinte carbone – restent
rentables, ils devraient continuer 4e Canada (10 % des réserves
d’être exploités”, conclut Reste mondiales, 9,5 % étant
situées en Alberta)
le Wall Street Journal. Il y aurait du monde
(46 %)
encore environ 160 milliards de
barils sous les forêts de l’Alberta. SOURCE : OIL SANDS INFORMATION PORTAL (ALBERTA GOVERNMENT, 2020)

25
 GAZ : COMMENT SE PASSER
DES TUYAUX ?
D
ans son rapport trimestriel publié
le 5 juillet, l’Agence internationale
de l’énergie (AIE) a revu à la baisse
les prévisions de consommation
de gaz naturel : elle devrait diminuer
de 0,5 % sur l’année 2022. Les raisons?
“La guerre en Ukraine, qui fait grimper
les prix et alimente les craintes
de perturbations persistantes
des approvisionnements”, écrit l’AIE.
Ces craintes sont celles des pays
consommateurs. Et il suffit de regarder
cette carte pour voir où ils se situent :
en Amérique du Nord, en Europe
et en Asie. Or ces pays sont dépendants
à la fois de la matière première
et des “tuyaux” qui l’acheminent
(lire aussi p. 18-19). En clair, il est possible,
comme l’a fait la Russie, pays
producteur, de “couper le robinet”.
D’où l’intérêt de l’Europe pour le gaz
naturel liquéfié (GNL). Australie,
Qatar, Nigeria… Les pays exportateurs
de ce gaz compressé, liquéfié
sous pression à − 162 °C, sont tout
autres que ceux qui utilisent
les gazoducs. Et l’itinéraire du GNL,
acheminé dans des navires géants,
les méthaniers, est bien plus flexible.
Une flexibilité limitée malgré tout,
car il faut une usine de liquéfaction
au point de départ et une
de regazéification à l’arrivée, raccordée
à un réseau gazier. Et c’est là que
le bât blesse. Car les capacités
de regazéification, notamment,
sont limitées. Ainsi, “plus de 20 projets
européens de GNL ont été annoncés
ou accélérés depuis mars, avec
le potentiel de remplacer environ
80 % des importations en provenance
de Russie”, souligne Bloomberg,
citant le cabinet FTI Consulting.
Des projets coûteux et longs,
rappelle le média américain. Réseau mondial de gazoducs (soit 2 449 gazoducs répertoriés)

26 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
Terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) SOURCE : GLOBAL ENERGY MONITOR (GLOBAL GAS INFRASTRUCTURE TRACKER). SITUATION EN JANVIER 2022.

27
Elle est belle, ma rente gazière !
L
’Algérie a confirmé ces derniers jours son
statut de puissance gazière. La récente décou-
verte d’un important gisement en fait un
acteur incontournable sur la scène énergé-
tique africaine et internationale. La conjonc-
ture géopolitique du moment la propulse sur
le devant de la scène euroméditerranéenne
et en fait un interlocuteur privilégié d’un
Occident qui connaît une crise majeure
d’approvisionnement en gaz.”
Cette déclaration enthousiaste, c’est
celle du site algérois L’Expression, le
30 juin. Elle fait suite à l’annonce, trois
jours plus tôt, de la découverte d’un
gisement de gaz à condensat (gisement
qui donne aussi, quand on l’exploite,
quelques hydrocarbures liquides) dans
le champ de Hassi R’mel, dans le Sahara
algérien. C’est l’entreprise algérienne
Sonatrach qui l’annonce : les réserves
28 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
Comment renoncer au gaz et diversifier son économie
quand les cours sont au plus haut et que les grandes puissances vous courtisent ?
C’est le dilemme auquel est confrontée l’Algérie.
de ce gisement sont estimées “entre 100
et 340 milliards de mètres cubes de gaz à
condensat”. Cette découverte a lieu au
moment où le bras de fer entre l’Otan et
la Russie “prend la direction d’un durcis-
sement inquiétant”, insiste L’Expression.
Une situation dans laquelle l’Algérie doit
pouvoir tirer son épingle du jeu.
Allié de Moscou
Le bloc occidental souffre d’un grave
déficit en matière d’énergie. Et dans le
face-à-face entre l’Est (la Chine et la
Russie) et l’Ouest pour le contrôle de
l’économie mondiale, un troisième bloc,
celui des non-alignés, pourrait émerger ;
un bloc dans lequel l’Algérie serait en
mesure de jouer un rôle prépondérant,
estime le média, dont les positions sont
proches de celles de la présidence algé-
rienne : “Le pays possède des atouts ines-
timables en matière de gisements de toutes
sortes, en sus du capital solaire le plus riche
du monde. La récente découverte de gaz
confirme un statut de puissance-relais qui
intéresse Russes et Chinois pour le poten-
tiel qu’elle recèle en matière de positionne-
ment stratégique, permettant de rayonner
sur toute l’Afrique.”
L’Algérie occupe une position privilé-
giée d’allié fiable de Moscou et de parte-
naire de Pékin, poursuit le site, mais les
Occidentaux pourraient eux aussi la cour-
tiser. Car, avec le futur gazoduc transsaha-
rien, l’essentiel du gaz africain transitera
par son territoire (voir carte ci-contre). Au
moment où les Européens cherchent acti-
vement à se défaire de leur dépendance
au gaz russe, l’Algérie se positionne ainsi
comme une solution de remplacement cré-
dible, renchérit le site d’information Tout
sur l’Algérie (TSA). Pour le moment, elle
couvre 11 % des besoins de l’Europe. Une
part qui devrait très vite augmenter ; en
témoigne l’accord conclu avec l’Italie en
avril, qui prévoit l’export de 30 milliards
de mètres cubes de gaz par an.
En attendant que cette stratégie porte
ses fruits, les bénéfices bondissent. En
effet, la guerre en Ukraine a fait s’envo-
ler le prix des hydrocarbures. Une crise
qui profite avant tout aux pays expor-
tateurs de pétrole et de gaz (lire p. 24).
En 2022, l’Algérie devrait ainsi empocher
58 milliards de dollars, contre 34 milliards
l’an dernier, insiste TSA, en s’appuyant sur
À la une les prévisions du Fonds monétaire interna-
tional (FMI). Mais certains observateurs
s’inquiètent de voir Alger se contenter
de cette manne et lever le pied sur les
réformes destinées à diversifier l’économie.
L’argent coule à flots
C’est notamment le cas de Middle East
Eye : “La flambée des cours […] a été une
divine surprise pour [les] dirigeants [algé-
“CRISE riens], qui ont vu s’éloigner le risque de
ÉNERGÉTIQUE : cessation de paiement, la menace du recours
L’AFRIQUE À au FMI et les abandons de souveraineté
LA RESCOUSSE sur la décision économique nationale qui
DE L’EUROPE ?” lui sont associés, note le site. Depuis près
En une de son d’un an, l’argent coule de nouveau à flots
édition de juin, dans les caisses de l’État.” Mais “ce sont les
le magazine réformes économiques qui paient la facture
African Business de cette prospérité financière retrouvée,
se demande si poursuit le média. Au lieu de l’‘ouverture
les pays africains de l’économie algérienne sur le monde’
producteurs de gaz promise par le président Tebboune, le gou-
pourraient pallier vernement compte ses sous et la chronique
les restrictions de l’économie des dix-huit derniers mois
des échanges se résume à une litanie de restrictions sur
avec la Russie. les importations.”
Depuis le début En dépit des importantes ressources
de la guerre en de son sous-sol, le pays attire ainsi “deux
Ukraine, l’Afrique à trois fois moins d’investissements étran-
apparaît comme gers que le Maroc et fait à peine aussi bien
une alternative. que la Tunisie voisine, dont l’économie pèse
un quart de celle de l’Algérie, note Middle
East Eye. Au bout du compte, en dépit des
accents réformateurs adoptés par ses diri-
geants, l’économie de l’Algérie se retrouve
aujourd’hui encore moins diversifiée et
encore plus dépendante des hydrocarbures
qu’elle ne l’était voici encore deux à trois
ans. Quant à la rente dont la fin a été pro-
mise par le président algérien, elle ne s’est
en réalité jamais portée aussi bien.”
—Courrier international
L’Algérie, une puissance africaine
L’Algérie est le dixième pays du monde, et le premier
d’Afrique, en matière de réserves prouvées de gaz naturel,
avec 4 500 milliards de m3, d’après le World Factbook de la CIA. FRANCE
Le pays fournit 11 % des importations de gaz en Europe,
contre 47 % pour la Russie.
L’entreprise d’État Sonatrach
se targue d’être la première
compagnie africaine.
Mer
Méditerranée
ESPAGNE ITALIE
Sardaigne
Gazoducs en service Projet du
Terminaux de gaz naturel gazoduc Galsi,
liquéfié (GNL) abandonné
Sicile
Alger Skikda

Medgaz Arzew
Transmed
Les compagnies Sonatrach
Ce gazoduc va
(Algérie) et Engie (France) transporter plus
ont signé un accord en juillet Gazoduc de gaz vers l’Italie
pour livrer du gaz naturel via Maghreb-Europe,
fermé depuis pour compenser
le gazoduc Medgaz. Un autre Hassi TUNISIE
le 31 octobre 2021 R’mel la fermeture des
accord concerne la fourniture en raison de la crise gazoducs russes.
de gaz naturel liquéfié (GNL). avec le Maroc Hassi
Messaoud
MAROC
A L G É R I E

In
Amenas
LIBYE
S.O.

Tropique du Cancer

S.O. Gazoduc transsaharien (TSGP)

Dimanche 19 juin 2022, l’Algérie,
le Niger et le Nigeria ont lancé
Hassi R’mel une étude de faisabilité pour
MAURITANIE
Véritable plaque tournante la construction d’un gazoduc
de l’industrie gazière algérienne, MALI reliant le port pétrolier de Warri,
Hassi R’mel est à nouveau dans NIGER au Nigeria, à Hassi R’mel en Algérie.
l’actualité avec la découverte Longueur : 4 128 km
d’un gisement de gaz à condensat Coût : 20 milliards de dollars
SÉNÉGAL d’une capacité estimée Mise en service : 2027
“entre 100 et 340 milliards de m3”. Capacité de transport :
Ce qui pourrait permettre à l’Algérie 30 milliards de m3
GA. de fournir 10 milliards de m3
supplémentaires sur le marché BURKINA
G.É. mondial d’ici à la fin de l’année. FASO TCHAD
GUINÉE
BÉ. NIGERIA
TO.
S.L. GHANA
CÔTE
D’IVOIRE
LI. 1 000 km
Warri
Golfe CAMEROUN
SOURCES : SONATRACH, GLOBAL ENERGY MONITOR,
“LE JEUNE INDÉPENDANT”, DZAIRDAILY.COM, “LES YEUX DU MONDE” de Guinée

29
Un monde sur le charbon ardent
B
onne ou mauvaise nouvelle ? Le rapport
“Boom and Bust Coal 2022” de Global
Energy Monitor, une ONG qui réperto-
rie les projets de centrales à combus-
tibles fossiles et renouvelables, révèle
que, après avoir augmenté en 2020 pour
la première fois depuis 2015, la capacité
totale d’électricité au charbon en déve-
loppement a diminué de 13 % l’année der-
nière, passant de 525 gigawatts (GW) à
457 GW. Ce qui signifie, selon ce rapport
publié en avril, que le charbon intéresse
(un peu) moins les investisseurs.
Une tendance réelle pour 2021, mais
la pandémie et, surtout, la guerre en
Ukraine sont passées par là, et leurs consé-
quences ont de quoi doucher les espoirs
30 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
Avec la guerre en Ukraine et la flambée des prix du gaz, le charbon, énergie
la plus émettrice de CO2 , revient sur le devant de la scène. Un regain sans doute
temporaire en Occident, mais plus durable en Asie, et particulièrement en Chine.
de tous ceux qui ont cru à une fin rapide
du charbon, souligne dans The Atlantic
Robinson Meyer, auteur du bulletin The
Daily Planet. “Le retour du charbon [dans
le mix énergétique] est probablement tem-
poraire, mais qui le sait vraiment ? Avant
la pandémie, tout le monde était convaincu
que le charbon était en train de disparaître
en tant que source d’électricité majeure,
en particulier en Amérique du Nord et en
Europe. Il ne pouvait tout simplement pas
rivaliser avec les énergies renouvelables bon
marché et le gaz naturel.”
La crise énergétique provoquée par la
guerre en Ukraine prouve que, “malgré
un appel mondial à la transition vers les
énergies renouvelables pour lutter contre
le changement climatique, les pays riches
comme pauvres sont toujours fortement
dépendants du charbon”, observait de son
côté, au début de juillet, le Jakarta Post.
Capacités de production accrues
Ainsi, selon le ministère de l’Énergie et
des Ressources minérales indonésien,
l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas se sont
joints à l’Allemagne pour explorer les
options d’achat d’une plus grande quan-
tité de charbon à l’Indonésie. Une bonne
occasion pour Jakarta, alors que le prix
de référence de la tonne de charbon sur
les marchés mondiaux avait doublé cinq
mois après l’invasion de l’Ukraine : au
début de juillet 2022, l’Indonésie exportait
son charbon à 319 dollars la tonne, contre
159 dollars en janvier de la même année.
Certes, mais en Occident, cela reste une
stratégie de court terme, reprend dans
The Atlantic Robinson Meyer… En Chine,
en revanche, où 60 % de l’électricité vient
des centrales à charbon, c’est une autre
histoire. De fait, le 20 avril, Pékin a validé
une hausse de ses capacités de production
de charbon de 300 millions de tonnes.
Ce qui amènerait la Chine à un nouveau
record de production cette année, après
les 4,07 milliards de tonnes extraites en
2021. Ce chiffre représentait déjà une
hausse de 4,7 % par rapport à l’année
précédente, selon les données publiées
À la une par le Bureau national des statistiques
en janvier 2022, rapportait alors le site
Zhongguo Jingji Wang. L’objectif : limi-
ter les pénuries de charbon, qui, l’an
dernier, ont conduit à des coupures d’élec-
tricité massives, ainsi que le recours
aux importations.
“Le gouvernement chinois et les entre-
prises d’État ont fait de l’approvisionne-
ment en énergie et de la stabilité des prix
“L’ASIE EST une tâche politique fondamentale”, jus-
DROGUÉE tifient alors les autorités, ajoutant que
AU CHARBON” “la priorité est de continuer à s’engager
En une de son dans cette bataille et d’assurer la sécurité
édition du de l’approvisionnement en électricité et en
1er novembre 2021, chauffage et ainsi protéger la population
l’hebdomadaire pendant l’hiver”, indique le journal en
japonais Nikkei ligne Pengpai Xinwen.
Asia souligne Même stratégie en Indonésie, où, malgré
le double discours le potentiel de séduction qu’exercent les
des dirigeants exportations, la priorité est d’abord la
du continent. Ainsi, consommation intérieure. L’économie
loin de miser sur indonésienne (comme beaucoup d’éco-
les renouvelables nomies asiatiques) (lire ci-contre) est
comme annoncé, fortement dépendante de ce combus-
le Vietnam tible, et le pays aura du mal à réduire sa
compte doubler consommation intérieure de charbon,
sa production comme elle s’y était engagée à la COP26,
d’électricité via estime le Jakarta Post.
les centrales Pour l’heure, rappelle Global Energy
à charbon d’ici Monitor, le monde compte encore plus
à 2030. Une de 2 400 centrales électriques au charbon
marche arrière en activité dans 79 pays, pour un total de
constatée près de 2 100 GW de capacité. De plus,
également en Inde 176 GW de capacité sont en construction
et en Chine. et 280 GW sont en projet de construction
dans 296 centrales. Charbon for ever ?
—Courrier international
La Chine voit la vie en noir

Mongolie-intérieure
C’est là qu’ont été installées le plus de
nouvelles capacités : 91 GW en vingt ans.
“La Région autonome de Mongolie-
Intérieure détient le plus grand nombre
de mines de charbon à ciel ouvert au
monde”, souligne le journal chinois HEILONGJIANG
Pengpai. Un système qui repose aussi
sur la corruption des fonctionnaires,
comme l'ont révélé plusieurs scandales.

RE
IEU JILIN
NTÉR
OL IE-I
NG
MO HEB
BJ LN
XINJIANG GANSU
SX TJ

NX SD
QINGHAI

HN
JS
SAX
TIBET

HUB SH
SICHUAN
AH
CQ ZJ
HUN
GZ
JX FJ
Huaibei Pingshan
YUNNAN GX La troisième unité de cette
GD centrale, en construction,
aura une capacité
de 1 350 MW, ce qui fera
de ce réacteur le plus
HAN puissant du monde.
Sa technologie est de type
Abréviations : ultra-supercritique.
AH Anhui, BJ Pékin, CQ Chongqing, FJ Fujian,
GD Guangdong, GX Guangxi, GZ Guizhou, HAN Hainan,
HEB Hebei, HN Henan, HUB Hubei, JS Jiangsu, JX Jiangxi,
LN Liaoning, NX Ningxia, SAX Shaanxi, SD Shandong,
SH Shanghai, SX Shanxi, TJ Tianjin, ZJ Zhejiang, HUN Hunan
SOURCE : GLOBAL ENERGY MONITOR

Répartition des centrales Statut : opérationnelles en construction planifiées Capacité : De 1 350 MW

électriques au charbon (couleur (3 037) (172) (90) (taille
(janvier 2022) des des
cercles) cercles) à 30 MW

60 %
DE L’ÉLECTRICITÉ CHINOISE provient de centrales
au charbon. Ce parc de centrales a une capacité
opérationnelle de plus de 1TW, d’après le Global Energy
Monitor. C’est plus de sept fois la puissance électrique totale
installée en France métropolitaine.
1000
GW DE NOUVELLES CAPACITÉS de centrales charbon
ont été installées en Chine entre 2000 et 2021, d’après le Global
Energy Monitor. Au pic de la “décennie dorée” du développement
accéléré de l’industrie du charbon en Chine (2002 à 2012), la Chine
construisait plus de 80 GW de capacités par an.

31
 Quelle place
au nucl
32 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
donner
éaire ? 33
La voie de l’atome Parc nucléaire mondial
(situation en mai 2022)
L’énergie nucléaire connaît un regain d’intérêt. Pour preuve,
de nouveaux projets de centrales voient le jour en Asie,
en Afrique… mais aussi en France.
CANADA
19/0/0/6
13 624

A
ÉTATS-UNIS
92/2/3/40
94 718
les risques et les déchets qu’elle engendre
(lire p. 38-39), l’énergie nucléaire fournit
environ 10 % de l’électricité mondiale,
avec 440 réacteurs en fonctionnement. MEXIQUE
Et 57 réacteurs supplémentaires sont 2/0/0/0
en construction dans le monde, pour À la une 1 552
une capacité de 58 GW. Plus d’un tiers
de ces nouvelles capacités sera implanté
en Chine, un dixième en Inde.
Équateur
EPR et petits réacteurs modulaires
En France aussi, l’heure est plus que
jamais à la renaissance du nucléaire. En
témoignent les annonces d’Emmanuel
Macron à Belfort le 10 février : la construc-
tion de six EPR (réacteur pressurisé “L’OPTION
européen, à eau sous pression) de type 2 NUCLÉAIRE”
PRINCIPAUX PAYS
et une option pour huit supplémentaires. “Avons-nous ARGENTINE
Et le développement de petits réacteurs besoin du PRODUCTEURS 3/1/1/0
D’ÉLECTRICITÉ 1 641
modulaires, de 100 à 300 MW, plus faciles nucléaire pour
à fabriquer que les EPR et beaucoup moins résoudre la crise D’ORIGINE
coûteux, dont le premier prototype est climatique?” NUCLÉAIRE
prévu pour 2030. se demande 1. ÉTATS-UNIS
En Allemagne, où l’on déconnectera le New Scientist 2. CHINE
vec cette première unité, l’Égypte inscrit en la dernière centrale nucléaire à la fin de dans son édition 3. FRANCE
lettres d’or dans l’histoire son entrée dans l’année, cette stratégie interroge. Il s’agit du 28 mai 2022. 4. RUSSIE
le club des pays dans lesquels sont implan- de “la plus grande extension d’un parc Le magazine 5. CORÉE DU SUD
tées des centrales nucléaires, et la réalisation nucléaire dans toute l’Europe”, rappelle britannique
tant attendue d’un rêve nucléaire vieux de Die Zeit. Pour le journal, c’est simple, ne tranche pas,
soixante-dix ans.” Un rêve nucléaire, rien Macron “n’a aucune solution de rempla- mais pose les
de moins! Amjad Al-Wakeel, président de cement pour son parc de réacteurs vieil- termes du débat :
l’Autorité égyptienne pour les centrales lissants. Et il a trahi sa propre promesse une production
nucléaires, jubile après l’annonce, à la fin de développer les énergies renouvelables.” d’électricité
NOMBRE DE RÉACTEURS PAR PAYS
de juin, de la construction imminente de Si l’on se fonde sur l’expérience de décarbonée,
la première centrale nucléaire du pays. Un Flamanville, il faudra plusieurs “cen- mais des centrales
En service En construction
projet confié à l’entreprise publique russe taines de milliards d’euros” pour finan- construites (436) (57)
Rosatom, qui coûtera 20 milliards d’euros cer les nouveaux réacteurs, rappelle la en béton à forte
pour une puissance attendue de 4,8 GW. Frankfurter Allgemeine Zeitung. Mais empreinte
À l’heure actuelle, l’Afrique du Sud est selon le quotidien, il n’est pas souhai- carbone, les coûts Taille des cercles : ils sont
le seul pays africain à posséder une cen- table d’arrêter le nucléaire en France : et les retards proportionnels au nombre de réacteurs.
trale nucléaire, mais plusieurs États du “La réalisation des objectifs ambitieux de la des nouveaux 100
continent ont signé des contrats pour lutte contre le réchauffement climatique va chantiers, le risque
50
la construction de centrales, principa- nécessiter d’énormes quantités d’électricité d’accident et, bien
lement avec la Russie. Une situation qui sans CO2. Ce que fournissent les centrales sûr, les déchets. 25
reflète le regain d’intérêt pour cette éner- nucléaires.” Et Berlin est mal placé pour 10
5
gie, qui avait marqué le pas après l’acci- donner des leçons à la France, argumente 1
dent nucléaire de Fukushima, en 2011. le quotidien : sa politique énergétique a
Plébiscitée par les uns pour l’électri- débouché sur une dépendance considé-
cité théoriquement décarbonée qu’elle rable vis-à-vis du gaz russe. Principales réserves d’uranium :
fournit, vilipendée par les autres pour —Courrier international

34 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
 SOURCES : AGENCE INTERNATIONALE DE L’ÉNERGIE ATOMIQUE (PRIS.IAEA.ORG),
WORLD NUCLEAR ASSOCIATION (WORLD-NUCLEAR.ORG)

RUSSIE PLUS DES DEUX TIERS DES

37/4/27/10 RÉACTEURS EN CONSTRUCTION
27 727
SONT EN ASIE

KAZAKHSTAN
0/0/0/1
CORÉE
ARMÉNIE CHINE DU SUD
1/0/0/1 OUZBÉKISTAN
0/0/2/0 51/19/33/0 24/4/0/2
448 52 150 23 150 JAPON
IRAN PAKISTAN 33/2/1/27
1/1/1/0 31 679
6/0/1/1
915 3 256

ÉMIRATS BANGLADESH TAÏWAN

ARABES 0/2/0/0 3/0/0/3
UNIS 2 859
2/2/0/0
2 690
INDE
23/8/12/0
6 885

BRÉSIL L’IMMENSE MAJORITÉ

2/1/0/0 DES 89 RÉACTEURS PLANIFIÉS
1 884 EST EN ASIE

AFRIQUE
DU SUD
2/0/0/0
1 854

Abréviations : HO. Hongrie, P-B Pays-Bas,

RT République tchèque, SL. Slovénie
C’EST EN EUROPE QUE L’ON TROUVE
LA PLUS GRANDE CONCENTRATION DE FINLANDE
RÉACTEURS FERMÉS DÉFINITIVEMENT 5/0/1/0
SUÈDE 4 394
P-B 6/0/0/7
1/0/0/1 6 885
482
ROYAUME-UNI
11/2/2/34
6 848 LITUANIE
0/0/0/2
ALLEMAGNE BIÉLORUSSIE
3/0/0/33 1/1/0/0
4 055 1 110
RT
Planifiés Fermés définitivement 6/0/1/0 UKRAINE
(89) (203) 3 934 SLOVAQUIE 15/2/0/4
BELGIQUE 4/2/0/3 13 107
7/0/0/1 1 868
5 942
Lecture des chiffres :
dans l’ordre, nombre de réacteurs FRANCE ROUMANIE
56/1/0/14
ÉTATS-UNIS en service/en construction/planifiés/fermés 61 370 SUISSE
4/0/0/2
HO. 2/0/2/0
1 300
4/0/0/0
92/2/3/41 2 973 1 902
94 718 ITALIE
0/0/0/4 BULGARIE
SL.
Capacité de production ESPAGNE 1/0/0/0 2/0/1/4
d’électricité (en mégawatts) 7/0/0/3 2 006 TURQUIE
688 0/3/1/0
7 121

(1. Australie, 2. Kazakhstan, 3. Russie, 4. Canada)

35
La Chine sur la route des sels fondus
P
lus propre, plus sûr et fonctionnant avec
une ressource naturelle abondante. Le
South China Morning Post ne voit que
des avantages aux réacteurs nucléaires
à thorium et sels fondus. En théorie,
ces réacteurs qui se passent d’eau ont
effectivement beaucoup de qualités (voir
ci-contre). En théorie, car pour l’heure
aucun n’est en fonctionnement.
Mais la Chine entend bien y remédier :
elle a construit à Wuwei, dans la province
de Gansu, à la périphérie du désert de
Gobi, un réacteur expérimental d’une puis-
sance de 2 mégawatts (MW) qui, espère-t-
elle, montrera que cette technologie peut
avoir une application commerciale. Si ces
expériences sont un succès, un réacteur
de 373 MW, capable d’alimenter des cen-
taines de milliers de foyers, devrait être
construit d’ici à 2030, indique la revue
Nature. Ce serait le premier d’une série
installée dans les régions peu peuplées
du centre et de l’ouest de la Chine.
Selon le plan officiel, qui prévoit la
neutralité carbone de la Chine à l’hori-
zon 2060, ces réacteurs fourniront un
approvisionnement électrique à l’est du
pays, densément peuplé, en combinaison
avec des centrales éoliennes et solaires.
36 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
Pékin expérimente dans le désert de Gobi un réacteur fonctionnant
au thorium et aux sels fondus. Une technologie qui présente notamment
l’avantage de ne pas requérir d’eau pour son fonctionnement.
Production
Barres de contrôle d’électricité
Réacteur Sel de
Sel purifié refroidissement
Générateur
Unité de
retraitement
chimique (du sel)
Mélange Échangeurs
sel-combustible de chaleur
Pompes
Bouchon de sel congelé Turbine
Eau/vapeur
Réservoirs de vidange de secours
Les réacteurs à sels fondus. Le matériau fissile est dissous au cœur du réacteur dans du sel
liquide, qui assure également le refroidissement à la place de l’eau. La fission libère de la chaleur transmise
par le sel caloporteur et les échangeurs de chaleur jusqu’au circuit contenant de l’eau. La vapeur ainsi
produite actionne une turbine qui génère de l’électricité. En cas de surchauffe du réacteur, un bouchon de sel
congelé fond, permettant au mélange sel-combustible de s’écouler dans des réservoirs de secours.
L’un des autres avantages que Pékin voit a indiqué à Nature Ritsuo Yoshioka,
dans ce concept, c’est que le pays pos- ancien président du Forum internatio-
sède certaines des plus grandes réserves nal Thorium Molten-Salt, à Oiso, au
de thorium du monde, assez selon cer- Japon, qui a travaillé en étroite collabora-
tains calculs pour répondre aux besoins tion avec des chercheurs chinois. Ceux-ci
énergétiques du pays pendant au moins Wuwei auraient développé un alliage capable de
vingt mille ans, indique Nature. De plus, résister aux rayonnements du thorium
“il s’agit d’un déchet de l’industrie minière à des températures de près de 1 000 °C,
des terres rares, en pleine croissance en précise le South China Morning Post.
Chine, il constitue donc une solution intéres- Les réacteurs à sels fondus ne sont
sante pour remplacer à l’uranium importé”. que l’une des technologies nucléaires de
Ce concept de réacteur n’est pas neuf. pointe explorées par la Chine. En 2002,
La France, les États-Unis, l’Union sovié- un forum intergouvernemental a recensé
tique l’ont étudié depuis les années 1940 six technologies de réacteur prometteuses
sans parvenir à surmonter le problème de à développer d’ici à 2030, y compris des
corrosion due aux sels fondus. En 2011, réacteurs refroidis par métal liquide
la Chine a lancé son propre programme (plomb ou sodium). Des programmes ont
et investi quelque 3 milliards de yuans été lancés pour chacune d’elles.
(autour de 450 millions de dollars), —Courrier international
 Le Temps
du débat.
Animé par Quentin Lafay
du 1er au 26 août
et Emmanuel Laurentin
dès le 29 août
du lundi
Disponible sur franceculture.fr au vendredi
et l’application Radio France. 18H20-19H
© Radio France/Ch. Abramowitz

L'esprit
En partenariat avec
d'ouver-
ture.
Déchets : un pari sur 100 000 ans
O
—Dagens Nyheter Stockholm
lkiluoto, Finlande. Quatre pastilles d’ura-
nium de la taille d’un ongle suffisent à
produire assez d’électricité pour chauffer
une maison de taille moyenne pendant
un an. Mais cette énergie colossale a un
prix – et c’est pourquoi Jonas Leino lui
construit une enceinte spéciale. Quand
elle sera opérationnelle, personne n’aura
plus le droit d’y entrer. “Les murs, le toit et
le sol sont en béton de 1,30 mètre d’épaisseur.
Au-dessus, il y aura la salle des commandes,
d’où on guidera les robots”, explique-t-il.
Jonas Leino est le représentant de
Skanska (l’entreprise de BTP suédoise),
qui construit ici une usine d’encapsulage
pour le compte de Posiva, la société finlan-
daise de gestion des déchets radioactifs,
38 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
C’est décidé. La Finlande enfouira ses déchets nucléaires sur la presqu’île
d’Olkiluoto. Elle deviendra ainsi le premier pays à opter pour leur stockage
définitif. Le quotidien suédois Dagens Nyheter a visité les lieux.
à Olkiluoto, à un peu plus de trois heures
de route au nord-ouest d’Helsinki.
C’est là que le combustible usé de haute
activité sera enrobé de fonte et scellé
dans d’énormes tuyaux de cuivre de cinq Atlantique
centimètres d’épaisseur, cinq mètres
de long et un mètre de diamètre. Les
cylindres seront acheminés à 500 mètres
de profondeur au moyen d’un ascenseur,
dans la roche primitive, pour une durée
d’au moins 100 000 ans.
Scellés pour l’éternité
Cinq kilomètres d’une route en pente
[parcourus dans un long tunnel], et nous
arrivons. Il flotte dans l’air une odeur de
poussière de roche et de dynamite. Il faut
dire que les forages et les percements
vont bon train. Dans quatre ans, le site
DANEMARK
sera en mesure d’accueillir les premiers
cylindres. Jyrki Liimatainen, l’un des
géologues de Posiva, indique une gale-
rie noyée dans la pénombre : “D’ici à cet
été, on aura terminé le percement de cinq
tunnels de ce type, de 300 mètres de long,
et on pourra commencer à calculer précisé-
ment le nombre de trous dont on aura besoin
et où il faudra les forer dans les tunnels.”
Ces tunnels seront à terme une cen-
taine, disposés en arête de poisson sur
un plan horizontal. Chacun sera percé de
trous verticaux dans lesquels des engins
commandés à distance viendront dépo-
ser les cylindres de cuivre. Quand un
tunnel sera plein, à raison d’une trentaine
de cylindres par tunnel, il sera rempli de
bentonite. Dans cent ans, le site attein-
dra sa capacité de stockage et sera scellé
pour l’éternité.
La Finlande est le premier pays du
monde à organiser le stockage définitif
de ses combustibles usés de haute acti-
vité, talon d’Achille du nucléaire partout
Sites de stockage définitif de déchets nucléaires
Océan
FINLANDE
SUÈDE
Olkiluoto
NORVÈGE Forsmark Helsinki
(en projet)
Stockholm RUSSIE
ESTONIE
Oskarshamn
(en projet)
LETTONIE
COURRIER INTERNATIONAL
Mer
Baltique
LITUANIE
400 km RU.
dans le monde. La méthode, suédoise,
se nomme KBS-3. La société suédoise de
gestion des déchets radioactifs, SKB, a
demandé en 2011 l’autorisation de l’utiliser
en Suède pour un site de stockage défini-
tif à Forsmark, à 140 kilomètres au nord
de Stockholm, et un site d’encapsulage à
Oskarshamn, à 340 kilomètres au sud de la
capitale. Mais la décision se fait attendre.
La demande du finlandais Posiva, elle,
est arrivée en 2012. Quatre ans plus tard,
en 2016, le chantier d’Onkalo – “caverne”
ou “cavité”, en finnois – débutait.
“Je dirais que nos politiques sont un peu
plus réactifs. Notre Parlement a pris comme
décision de principe, voilà vingt ans, que le
stockage géologique serait la solution ad hoc
pour notre combustible usé. Résultat : la
question n’a pas été de savoir quoi faire, mais
plutôt quand le faire”, analyse Tiina Jalonen,
directrice du développement de Posiva.
Comment savoir si le dispositif fonc-
tionnera toujours dans 100 000 ans et
s’il résistera à une nouvelle ère glaciaire?
“Nous avons bien entendu testé tous nos
matériaux et leurs interactions avec la
couche géologique, et nous avons choisi d’im-
planter le site de stockage définitif à près de
500 mètres de profondeur, afin que ce qui
se passe à la surface n’ait pas d’incidence
sur ce qui est en bas. Et ici, à Olkiluoto, la
montagne a 2 milliards d’années, donc il y
a peu de chances qu’elle bouge.”
Pasi Tuohimaa, le responsable de la
communication, ajoute : “Nous nous
appuyons sur quarante années de recherches
approfondies. À un moment donné, il faut
prendre une décision. Elle est là, la solu-
tion, pour le stockage définitif des déchets
– l’Agence internationale de l’énergie
atomique (AIEA) a d’ailleurs parlé de
‘révolution technologique’.”
Olkiluoto, c’est le pays du nucléaire.
À quelques minutes de route de là, on
aperçoit les trois réacteurs de la société
de production d’électricité TVO. OL1 et
OL2 sont du même type que le réacteur
suédois de Forsmark et sont entrés en
service voilà respectivement quarante-
deux et trente-neuf ans. Le troisième,
OL3, a fait parler de lui pour avoir été l’un
des plus chers et des plus longs à entrer
en service [c’est le premier EPR à avoir
été commercialisé par Areva, la mise
en service était prévue en 2009, mais le
chantier a cumulé douze ans de retard].
Le combustible usé en provenance de
ces réacteurs et des deux réacteurs de
Loviisa, sur la côte sud de la Finlande,
sera progressivement stocké ici pour l’éter-
nité, à Olkiluoto. “Nous, les Finlandais,
on est des pragmatiques. On ne voulait
pas dépendre de l’électricité de l’étranger
et, comme on est devenus tributaires du
nucléaire, on doit s’occuper de ses déchets”,
résume Pasi Tuohimaa. Il marque une
pause, avant d’ajouter : “Je veux dire,
même Greenpeace n’y trouve rien à redire!”
Politiquement parlant, il y a une diffé-
rence qui saute aux yeux entre les partis
écologistes suédois et finlandais. En
Finlande, les Verts soutiennent le déve-
loppement de la filière nucléaire – une
nouvelle centrale est d’ailleurs prévue
à Pyhäjoki, dans l’ouest du pays – et
veulent voir le nucléaire classé parmi
les énergies vertes. En Suède, le Parti
écologiste affirme sur son site Internet
que “le nucléaire est polluant et dangereux
SOURCE à toutes les étapes, de l’extraction au stoc-
kage définitif des déchets radioactifs, en
DAGENS passant par l’enrichissement de l’uranium”.
NYHETER
Stockholm, Suède À l’épreuve des séismes modérés
Quotidien Que sait la Finlande que la Suède ne sait
dn.se pas? “Il n’y a pas de différences en matière
Fondé en 1864, de savoir-faire : après tout, c’est une méthode
c’est le grand suédoise. Je peux simplement supposer que les
quotidien libéral questions n’ont pas fait la navette plusieurs
du matin. Sa fois comme chez nous, y compris pour reve-

390 000
page 6 est célèbre nir aux mêmes instances. Quand l’Autorité
pour les grands de sûreté nucléaire finlandaise a donné son
débats d’actualité. feu vert, elles lui ont fait confiance.”
“Les Nouvelles À côté de lui, dans l’énorme caverne qui
du jour” servira de sépulture aux déchets nucléaires
TONNES DE COMBUSTIBLES USÉS* ont été produites par les centrales appartient finlandais à 500 mètres sous terre, le géo-
nucléaires entre 1954 (début de la production d’électricité nucléaire) et 2016, au groupe logue Jyrki Liimatainen acquiesce. Il est
estime l’AIEA dans un rapport paru en janvier 2022. Pour l’heure, seules la Finlande Bonnier, le plus persuadé que l’idée est bonne : “Nous ne
et la Suède ont décidé d’enfouir définitivement ces déchets hautement radioactifs grand éditeur décelons aucun mouvement dans la mon-
dans des couches géologiques profondes. La Finlande a “ouvert” son site et propriétaire tagne alors que nous prenons des mesures en
d’Olkiluoto il y a quelque mois (lire ci-contre) et la Suède a donné fin janvier de journaux temps réel. Des petits tremblements de terre
son feu vert à l’enfouissement des déchets sur le site de Forsmark, au nord en Suède. peuvent avoir lieu dans la région, mais leur
de Stockholm. Ailleurs (comme en France, qui étudie le stockage profond sur magnitude tourne autour de 1,5. Les cylindres
le site de Bure), les déchets sont entreposés en attendant une décision définitive. de cuivre peuvent résister à des mouvements
Aux États-Unis, premier producteur d’électricité nucléaire devant la Chine et la géologiques de 5 centimètres sans casser. Ce
France, le projet d’enfouissement est situé à Yucca Mountain, dans le Nevada. qui équivaut à une magnitude de 6 environ.”
* Ce chiffre ne concerne que le combustible et non les autres déchets issus du cycle de vie —Hans Strandberg
du combustible et du démantèlement des centrales. Publié le 30 novembre 2021

39
Vers la naissance
de soleils artificiels
U
—New Scientist Londres
n torrent de chaleur blanche s’enroule
autour de la base d’une machine en forme
de donut, avant qu’une lumière intense
emplisse brusquement tout l’espace, puis
disparaisse au profit de la seule obscurité.
Voilà ce qui s’est passé lorsqu’une expé-
rience européenne visant à reproduire la
réaction alimentant le soleil – la fusion –
a établi un nouveau record mondial en
matière d’énergie.
Lors de l’expérience menée dans le
tokamak JET (Joint European Torus),
près d’Oxford, le 21 décembre 2021,
les chercheurs sont parvenus à main-
tenir un plasma très chaud pendant
cinq secondes, ce qui a permis de déga-
ger une énergie thermique record de
59 mégajoules, contre 22 mégajoules
pendant moins d’une seconde pour le
précédent record du JET, qui datait
de 1997. “Ce n’est pas un résultat vraiment
40 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
En décembre 2021, un réacteur expérimental britannique est parvenu
à produire de l’énergie via la fusion nucléaire pendant cinq secondes.
Un record, et une nouvelle étape vers la fusion commerciale.
surprenant. C’est en fait le couronnement
de tout le travail effectué depuis des années.
On est arrivés à ce que, oui, cela se passe
comme cela devait se passer d’après ce que
l’on avait compris. Je dois dire que je suis
assez soulagé”, explique Volker Naulin,
un membre de l’équipe d’EuroFusion,
un consortium d’instituts de recherche
sur la fusion. La fusion nucléaire offre
la promesse d’un approvisionnement
continu en énergie presque décarbonée,
sans le problème des déchets radioactifs
que pose sa cousine, la fission nucléaire
[voir schéma ci-contre].
Réussite expérimentale
Ce nouveau record marque une étape
importante car, avec lui, l’utilisation com-
merciale de la fusion pourrait devenir
une réalité. Si cinq secondes peuvent ne
pas sembler une durée très longue, c’est
pourtant le maximum que permettent
d’atteindre les aimants en cuivre du JET.
Mais Volker Naulin souligne que la durée
et le rendement de l’expérience ont le
mérite de confirmer leur bonne com-
préhension de la physique des plasmas.
Cette réussite montre que le tokamak
de fusion Iter [réacteur thermonucléaire
international], de taille et puissance tout
autres, en cours de construction dans le
sud de la France [à Cadarache], est bien
parti pour atteindre ses objectifs lorsqu’il
sera mis en service en 2025.
Ceux-ci seront de produire davantage
d’énergie qu’il n’en faut pour déclencher
la réaction (l’objectif tant espéré de la
fusion) et la maintenir sur une période
prolongée, fixée au départ à environ
cinquante minutes. Aux yeux de Volker
“C’est la confirmation que ce qui a
été calculé pour [le réacteur] Iter, ce
ne sont pas des chiffres fantaisistes.”
Volker Naulin,
MEMBRE DE L’ÉQUIPE D’EUROFUSION
Naulin, le nouveau record du JET est le
signe que les modélisations effectuées
pour Iter sont justes : “C’est vraiment la
confirmation que ce qui a été calculé pour
Iter, ce ne sont pas des chiffres fantaisistes.”
Deutérium et tritium
Le grand progrès technologique qui a
permis ce nouveau record a été l’aban-
don, pour les parois du JET, de matériaux
SOURCE à base de carbone tels que le graphite, qui
agissaient comme une éponge sur les iso-
NEW SCIENTIST topes d’hydrogène utilisés pour créer le
Londres, plasma. En lieu et place, on a désormais
Royaume-Uni recours à des métaux tels que le tungs-
Hebdomadaire tène et le béryllium, à l’instar de ceux
newscientist.com qui seront employés dans Iter.
Soucieux Ce record a été établi à la suite d’une
d’écologie et bon série de “tirs” de plasma menés au JET
vulgarisateur, entre septembre et décembre 2021, après
New Scientist est un retard d’environ un an en raison de
l’un des meilleurs la pandémie. Ces essais de fusion ont
magazines utilisé, pour la première fois au JET
d’information depuis plus de vingt ans, deux isotopes
scientifique de l’hydrogène : le deutérium et le tri-
du monde. tium, alors que, ces dernières années, la
Créé en 1956, plupart des essais ne se faisaient qu’avec
il s’intéresse du deutérium. Or l’association de ces
aux avancées deux isotopes permet d’obtenir une
scientifiques fusion à des températures plus basses
et technologiques et constitue le combustible le plus effi-
dans l’industrie, cace pour les centrales électriques du
en matière futur, d’après les chercheurs.
d’environnement “Le JET se rapproche du seuil de ren-
ou, plus tabilité énergétique, avec une énergie
simplement, dans libérée proche de celle consommée pour
la vie quotidienne. faire fonctionner le réacteur, explique
Juan Matthews, professeur à l’univer-
sité de Manchester, au Royaume-Uni.
Il ne faut pas oublier que le JET utilise un
combustible à base de tritium et de deuté-
rium. Les tests d’impulsion qui s’y déroulent
sont très précieux pour mettre Iter sur de
bons rails lors de son entrée en fonctionne-
ment, car très peu d’expériences de fusion
utilisent du tritium.”
—Adam Vaughan
Publié le 9 février 2022
Comment fonctionne la fusion ? Iter et les principaux réacteurs
Nous avons chaque jour un exemple de fusion nucléaire sous nos yeux : expérimentaux
c'est ainsi que le Soleil, comme les autres étoiles, produit de l’énergie. JET
(R-U)
C’est une énergie en théorie illimitée (du moins à l'échelle humaine) et qui, Wendelstein 7-X
(Allemagne)
selon ses promoteurs, serait propre et sûre. “La quantité d’énergie dégagée
MAST-U
par la fusion est quatre fois plus importante que celle des réactions de fission (R-U)
nucléaire”, avance l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
SPARC
Les réacteurs à fusion de première génération “devraient fonctionner avec (É-U)
Iter (Cadarache,
un mélange de deutérium et de tritium, des formes lourdes de l’hydrogène France)
(présents sur Terre, ils possèdent respectivement un et deux neutrons),
explique l’AIEA. En théorie, il suffit de quelques grammes de ces réactifs Réacteurs : en service en construction
pour produire un térajoule d’énergie.” C’est plus de soixante ans des besoins
en énergie d’un habitant d’un pays développé. Iter est un programme international auquel participent 35 pays.
Cette technologie reste expérimentale. Pour le moment, on ne parvient Il vise à construire le plus grand réacteur thermonucléaire
à déclencher et surtout à contrôler cette réaction que dans des réacteurs expérimental au monde, à Cadarache, dans les Bouches-du-
expérimentaux – et seulement pendant quelques secondes (lire ci-contre). Rhône. Ce réacteur tokamak, en cours d’assemblage, doit entrer
en phase expérimentale en 2025.

Bobine magnétique centrale

Bobine magnétique Antenne de chauffage
poloïdale par ondes électromagnétiques Le tokamak ou le pouvoir du donut
Il faut un état de la matière appelé plasma (lire ci-dessous)
pour que se produisent les réactions de fusion. Dans les réacteurs
expérimentaux tokamak, les noyaux doivent se percuter à des
températures très élevées, plus de 100 millions de degrés Celsius,
ce qui permet de déclencher la fusion malgré leur répulsion
électrique mutuelle. Ils se rapprochent jusqu’à ce que leur force
d’attraction nucléaire dépasse la force de répulsion électrique.
Ils fusionnent alors.

Le réacteur tokamak crée ces conditions. En forme de tore

(similaire à un donut), il confine les noyaux dans un espace réduit
grâce à des champs magnétiques puissants, ce qui accroît les
probabilités de collision et évite que le plasma surchauffé n’entre
en contact avec les parois du réacteur. Comment cela se produit-il ?
Un transformateur crée un champ électrique qui fait circuler
l’électricité dans la colonne de plasma. Les deux champs
Plasma Bobine magnétique magnétiques (toroïdal et poloïdal) confinent le plasma.
toroïdale Et la fusion a lieu.

Le plasma, quatrième état de la matière La fission et la fusion

Le plasma est un gaz chargé électriquement, constitué d’ions La fission nucléaire consiste à bombarder La fusion nucléaire consiste
positifs et d’électrons libres, et porté à des températures très un noyau lourd pour le scinder en deux ou à fusionner deux isotopes
élevées (plus de 100 millions de degrés Celsius). Ses propriétés trois noyaux plus légers. Cette réaction de l’hydrogène (deutérium et
sont distinctes de celles des solides, des liquides et des gaz. s’accompagne d'une émission de neutrons tritium) pour former un atome
et d’une grande quantité d'énergie. plus lourd – de l’hélium. Cette
PLASMA Fusion sur Terre Elle peut aussi déclencher une réaction réaction libère une immense
(GAZ IONISÉ) en chaîne, comme dans les centrales quantité d’énergie, mais
Centre du Soleil nucléaires ou les bombes atomiques nécessite des conditions
(15 millions K) et donne des sous-produits radioactifs. extrêmes pour se produire.

Neutron
GAZ Surface du Soleil (6 000 K) Noyaux
légers
Noyau
LIQUIDE Eau bouillante lourd

SOLIDE Glace
Noyaux
plus légers
Zéro absolu (0 K*) + + ÉNERGIE
* 0 KELVIN = -273,15 °C ÉNERGIE Noyau lourd

41
 Des énergies ren

en plei
42 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
ouvelables

n essor 43
 LA TRANSITION A ENFIN COMMENCÉ
S
ources d’indépendance énergétique et outils clés de la lutte contre le dérèglement climatique,
les énergies renouvelables connaissent une expansion continue depuis plus de vingt ans.
Mais, parallèlement, le recours aux combustibles fossiles continue lui aussi de croître, ce qui retarde
le moment où l’énergie proviendra majoritairement de sources renouvelables.

Une montée en puissance

Part des énergies renouvelables dans l’accroissement des capacités mondiales de production d’électricité

90 % 81 % 360
80 % 320 Part des énergies renouvelables
dans la production d’électricité
70 % 280
28,5 %
60 % 240 30 %
50 % 200 25 %
40 % 160 20 %
30 % 120 15 %
20 % 80 10 %
10 % 40 5%
0% 0 0%
2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2001 2005 2009 2013 2017 2021

Renouvelables (GW) Plus de 80 % des nouvelles capacités d’électricité installées en 2021 exploitent des sources
Non renouvelables (GW) d’énergie renouvelables. Une hausse qui reflète la croissance de l’utilisation de ces énergies,
Part de renouvelables (%) mais qui est également due au tassement de l’expansion des combustibles fossiles.

SOURCE : RENEWABLE CAPACITY HIGHLIGHTS 2022 (IRENA)

Une croissance tirée par le solaire et l’éolien

10 % C’est la part de
l’électricité mondiale
fournie par le solaire
et l’éolien en 2021, selon
une étude réalisée par
Capacités de production d’énergie de sources renouvelables ajoutées en 2021
Ember, un groupe de réflexion
spécialisé dans le climat
et l’énergie, rapporte le site
C’est le solaire qui a connu le plus important accroissement de la chaîne britannique BBC.
de capacités de production (133 GW), suivi par l’éolien Une première. Pour limiter
(93 GW). Ces deux sources d’énergie ont contribué pour 88 % le réchauffement de la planète
aux capacités renouvelables nouvellement installées en 2021. à 1,5 °C par rapport à l’ère
préindustrielle, le solaire
et l’éolien devront croître
d’environ 20 % chaque année
jusqu’en 2030, estiment
les scientifiques.
+133 GW +93 GW
+19 GW +10 GW
+1,6 GW Géothermie

Solaire Éolien Hydroélectricité Biocarburants

SOURCE : RENEWABLE CAPACITY HIGHLIGHTS 2022 (IRENA)

44 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL

L’hydroélectricité, énergie dominante
Part des différentes sources d’énergies renouvelables
dans la capacité mondiale d’énergies renouvelables en 2021
La capacité mondiale de production d’énergie renouvelable s’élevait à la fin
de 2021, à 3064 GW. C’est l’hydroélectricité qui y contribue pour la plus
large part : 1230 GW (hors capacités liées au pompage-turbinage de l’eau).
Le solaire et l’éolien représentent respectivement 849 GW et 825 GW. Les
autres énergies renouvelables sont la bioénergie (143 GW), dont la biomasse
et les biocarburants, la géothermie (16 GW) et les énergie marines (524 MW).

40 % 28 % 27 % 5%

Hydroélectricité Solaire Éolien Autres

SOURCE : RENEWABLE CAPACITY HIGHLIGHTS 2022 (IRENA)

Quels sont les pays les plus en pointe ?

Part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en 2020

En 2020, les énergies renouvelables

représentaient près de 83 % de la
consommation d’énergie en Islande,
près de 70% en Norvège et 48 % en Suède.
Une part qui s’élevait à 46 % au Brésil
et à 37 % en Nouvelle-Zélande, également
dans le peloton de tête des pays
consommateurs d’énergies renouvelables.

0% 1% 2% 5% 10 % 20 % 50 % 100 %

Pas de données

SOURCES : BP STATISTICAL REVIEW OF WORLD ENERGY 2021

La France, mauvais élève de l’Europe 34 % de l’électricité dans l’UE

Part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie en 2020 vient des énergies renouvelables
Objectif dépassé Autres
Objectif atteint Les énergies renouvelables 8%
%

Objectif non atteint ont représenté en France 19 % Biocarburants

0
e6

8%
de la consommation brute
èd
Su

énergétique. Bien au-dessous Éolien

Solaire 36 %
%

des 23 % qu’elles auraient dû 14 %

44

2%
de

atteindre, selon une directive

n

e4

%
la

européenne de 2009.
Fin

37
ni

%
tto

he

34

2
Le

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Hydroélectricité
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M

SOURCE : EUROSTAT

45
Réinventer l’hydroélectricité
au Brésil
E
ntrave à la migration des poissons, modifi-
cation du débit d’eau douce vers les océans,
réduction du mouvement des sédiments et du
transport des nutriments, fragmentation des
rivières, perturbation de la dynamique des
crues et érosion des deltas, voilà quelques-
unes des conséquences directes et observées
des grands barrages dans de nombreux
bassins fluviaux mondiaux”, détaillent,
en avril 2021, des chercheurs de l’univer-
sité d’État du Michigan (MSU) dans un
article publié dans Nature Sustainability.
46 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
Au deuxième rang mondial en matière de capacité hydroélectrique,
le géant sud-américain a prévu de construire de nouveaux barrages.
Or, des chercheurs ont montré que des turbines fixées dans le lit des rivières
sont aussi productives et bien moins nocives pour l’environnement.
En outre, précisent les scientifiques, les
barrages sont à l’origine d’émissions de
gaz à effet de serre (dont du méthane),
provenant de la fermentation de la végé-
tation dans les réservoirs, en particulier
dans les régions tropicales, telles que le
bassin de l’Amazone. Dans certains cas,
ces émissions sont comparables à celles des
centrales à charbon, a montré une étude
publiée en 2016 dans la revue Plos One por-
tant sur 1 500 barrages hydroélectriques.
“Compte tenu de la demande croissante
d’énergie et de l’intérêt continu pour le déve-
loppement de l’hydroélectricité, il est important
de repenser l’hydroélectricité afin d’éviter les
conséquences socioenvironnementales néfastes
des grands barrages prévus dans des régions
telles que le bassin du fleuve Amazone”, sou-
ligne Suyog Chaudhari, l’auteur de l’article
publié dans Nature Sustainability.
Un coût divisé par deux
Les recherches menées par son équipe
montrent qu’environ 63 % de l’énergie
totale qu’il est prévu de produire à partir
de l’hydroélectricité conventionnelle en
Amazonie brésilienne pourrait l’être au
moyen de turbines en cours d’eau, ou
hydroliennes, qui utilisent l’énergie ciné-
tique de l’eau sans nécessiter de stockage.
Sur cinq des neuf sites de barrages étu-
diés plus spécifiquement, la totalité de
l’énergie hydroélectrique prévue pourrait
être produite par ce moyen, en n’utilisant
qu’une fraction du tronçon de rivière que
les grands barrages affecteraient.
Or, non seulement les hydroliennes
s’avèrent plus respectueuses de l’envi-
ronnement que des barrages ou même
des centrales hydroélectriques au fil de
l’eau (sans retenue d’eau), mais elles sont
également moins coûteuses à installer et
à entretenir. Le chercheur précise : “Nous
constatons que le coût par kilowattheure
[de l’électricité produite par] des turbines
de cours d’eau représente environ 50 % du
coût de l’hydroélectricité conventionnelle.”
Des résultats qui, il l’espère, auront
“des implications importantes pour le déve-
loppement durable de l’hydroélectricité en
Amazonie et dans le monde entier, en pous-
sant à la transition vers des méthodes de
production d’énergie qui répondent aux
besoins énergétiques tout en minimisant
SUR NOTRE les effets socioenvironnementaux négatifs”.
SITE —Courrier International
courrierinternational
.com
L’Espagne démolit Une frénésie
des barrages de constructions
pour libérer
ses cours d’eau Environ 1 000 barrages sont
En 2021, en construction dans le monde,
108 ouvrages principalement en Asie, et l’Agence
hydrauliques ont internationale de l’énergie (AIE)
été détruits sur le s’attend à ce que la production
territoire espagnol, d’hydroélectricité augmente
rapporte El País. de 50 % d’ici à 2040. Dans le bassin
“De nombreuses fluvial de l’Amazone, le plus vaste
constructions sont et le plus riche en biodiversité
devenues obsolètes de la planète, l’expansion
au fil des ans”, hydroélectrique s’accélère.
précise le quotidien Alors que 158 barrages d’une
madrilène. capacité individuelle supérieure
Il y en aurait à 1 mégawatt sont actuellement
quelque 171 000 en service ou en construction
à travers le pays. dans cinq pays (Pérou, Colombie,
Brésil, Équateur, Bolivie),
351 nouvelles installations
sont en projet.
Des hydroliennes pour remplacer des barrages

Les 9 projets ... dont les 5 ( ) qui pourraient être avanta- Indice moyen d’adéquation (pour l’installation d’hydroliennes)
de barrages... geusement remplacés par des hydroliennes :
1. Tabajara 4. Samaúma 7. Jatoba ( ) Zones moins - + Zones plus
2. Inferninho 5. Quebra Remo ( ) 8. Marabá ( ) appropriées appropriées
3. Prainha ( ) 6. Castanheira 9. Bem Querer ( )

Barrages : en service en construction planifiés Frontières du Brésil Bassin versant de l’Amazone

Villes de plus de 1,4 million d’habitants SOURCE : “IN-STREAM TURBINES FOR RETHINKING HYDROPOWER DEVELOPMENT
IN THE AMAZON BASIN” (NATURE SUSTAINABILITY, AOÛT 2021,
SUYOG CHAUDHARI ET COLLABORATEURS) HTTPS://DOI.ORG/10.1038/S41893-021-00712-8

VENEZUELA

GUYANA

GUYANE
SURINAME (FR.)
COLOMBIE

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ÉQUATEUR
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Brasilia

BOLIVIE
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500 km
CHILI PARAGUAY

47
 Capacités électriques solaires installées sur le réseau national
(en MW, par État et territoire, au 30 nov. 2021)
Moins de 2

De 2 à 99

De 100 à 999 LADAKH CHINE

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De 1 000 à 3 000

Plus de 4 000 HIMACHAL

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superficie de 5 000 MW,
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13 % de la nationale) ODISHA
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48 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
 Les 42 parcs
solaires (mis
L’Inde
mise sur
en service ou approuvés)
représentent une capacité
totale installée de 25 751 MW

le solaire
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L’A villa lectr Des grandes centrales
de e l’é
àd aux équipements plus légers,
le gouvernement indien
a fait de l’énergie solaire une
source de développement

L
AR. PRADESH et d’indépendance
BH. énergétique.

NAGALAND
ASSAM
MEGHALAYA
Les États du nord-est de l’Inde
BA. MANIPUR ont un ensoleillement moins fort
que le reste du pays, mais,
étant proches des tropiques,
Tropique ils disposent malgré tout
TRIPURA d’un potentiel non négligeable.
MIZORAM du Cancer

BIRMANIE
(MYANMAR)

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ÎLES ANDAMAN- ho vill ha e
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rés éle 2 eÉ
ea ctri tat ’Inde a ajouté 10 gigawatts à sa capacité de
u n fié en
ati s (1 no production d’énergie solaire en 2021, enre-
on 61 m
al 4) br
e gistrant une croissance de près de 200 %
d’une année sur l’autre. Un record. Le pays
a maintenant dépassé 50 gigawatts de capa-
cité solaire”, rapportait The Hindu en
mars 2022. Traditionnellement portée par
le charbon, la croissance de l’offre énergé-
Abréviations : BA. Bangladesh, BH. Bhoutan
tique de l’Inde est désormais tirée par les
SOURCE : “AN ASSESSMENT OF SOLAR POWER POTENTIAL ajouts de capacité d’énergie renouvelable.
AND PROSPECTS IN INDIA” (SUNIL SINGH1, ATUL KUMAR,
MAHABIR SINGH NEGI, INTERNATIONAL JOURNAL OF MECHANICAL ENGINEERING) Une tendance qui reflète les engage-
ments exprimés par le Premier ministre
indien lors du sommet sur le → 50

49
 49 ← climat à Glasgow (la COP26), en
novembre 2021. Narendra Modi avait
alors déclaré que 50 % des besoins éner-
gétiques du pays seraient couverts grâce
à des sources d’énergie renouvelables d’ici
à 2030. Aujourd’hui, 72 % de la demande
d’électricité de l’Inde est encore satis-
faite par des centrales thermiques,
principalement alimentées au charbon.
Or le pays a fait face à des pénuries de
charbon d’août à octobre 2021, princi-
palement dues à la demande croissante
en électricité, explique The Economic
Times. La crise s’est traduite par une
volatilité des prix et des risques pour la
sécurité énergétique, devenus patents
en janvier 2022 lorsque l’Indonésie a
bloqué ses exportations de charbon afin
de privilégier son approvisionnement
national. Le développement de l’énergie
solaire est donc tout à la fois une réponse
à des enjeux économiques, climatiques
et d’indépendance énergétique.
Publiée en avril 2022 dans l’Internatio-
nal Journal of Mechanical Engineering,
une étude dirigée par Sunil Singh, de l’uni-
versité HNB Garhwal (Uttarakhand),
fait le point sur le développement du
solaire en Inde. Au 31 mars 2021, 42 parcs
solaires, d’une capacité cumulée de
25 751 mégawatts (MW), étaient reliés
au réseau. Ces centrales photovoltaïques
sont parmi les plus grandes du monde.
La plus vaste, au Gujarat, s’étend sur
11 000 hectares, à peu près la surface de
Paris intra-muros !
Le modèle indien de mégaparcs solaires
a permis d’augmenter rapidement la capa-
cité de production d’énergie solaire, sou-
ligne The Economic Times. Et, grâce à
des enchères inversées qui attribuent
les contrats aux entreprises qui font les
offres les moins coûteuses, de rendre les
tarifs très compétitifs, “inférieurs de près
de 50 % à ceux des centrales au charbon”.
Malgré tout, “la croissance de la capacité
solaire est encore loin du taux de construction
annuel moyen de 30 gigawatts (GW) néces-
saires pour atteindre l’objectif de 300 GW
de capacité solaire d’ici à 2030”, tempère
le quotidien économique indien.
Priorité aux toits à Delhi
Pour exploiter pleinement le potentiel
solaire du pays, les autorités indiennes
ont pris des mesures pour donner de l’élan
au solaire en toiture, notamment en obli-
geant les États à acheter de l’énergie aux
propriétaires. Une solution décentrali-
sée qui présente le double avantage de
ne pas accaparer de surfaces cultivables
ou utiles à d’autres activités économiques
et d’alléger la pression sur le réseau élec-
trique. Ainsi, sur les 47 GW de capacité de
production solaire au 30 novembre 2021,
un peu plus de 6 GW provenaient d’ins-
tallations sur les toits, selon l’étude de
l’université HNB Garhwal.
50 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
Sous les panneaux,
une ombre précieuse
Comment installer des panneaux
solaires sans empiéter
sur les surfaces agricoles ?
En les plaçant en hauteur,
au-dessus des cultures. C’est
l’“agrivoltaïque”, une solution
qui se développe un peu partout
dans le monde. La production
À la une simultanée de nourriture et
d’électricité, grâce à des modules
surélevés et installés en rangées
espacées, apporte une réponse
au conflit d’occupation des sols.
Une préoccupation forte en Inde,
comme l’exprimait en 2019
un article d’Earth Journalism
Network : “La plus grande victime
de la révolution solaire indienne
a été la terre, en particulier
des centaines d’hectares
“L’AVENIR EST dans les régions arides et semi-
DANS L’EAU” arides.” Ainsi, lorsque l’aéroport
C’est ce qu’affirme de Cochin, dans le Kérala,
Visão en une est devenu le premier aéroport
de son édition au monde entièrement alimenté
du 8 juin 2022. à l’énergie solaire, l’agriculture
“Cette ‘source de n’a pas été oubliée. “Les activités
vie’ est la solution agrivoltaïques développées dans
pour notre les espaces entre les panneaux
indépendance solaires ont produit jusqu’à présent
énergétique 90 tonnes de légumes environ”,
et pour notre précisait The Hindu le 30 juin 2022.
affranchissement Selon l’expérimentation conduite
des combustibles en Allemagne par le Fraunhofer
fossiles, précise Institute for Solar Energy Systems
l’hebdomadaire (ISE) depuis 2017, l’agrivoltaïque
portugais. présente en outre l’avantage
Des parcs d’augmenter la productivité
photovoltaïques agricole des terres, plus
flottant sur les particulièrement en cas de chaleur :
rivières à l’énergie “Au cours de l’été caniculaire
éolienne en mer, de 2018, l’ombrage partiel sous
en passant les modules solaires a augmenté
par celle produite le volume des récoltes [de céleri,
par les vagues et de pomme de terre et de blé].”
les marées, l’eau Aux États-Unis, le constat
est au cœur de est identique. “Un projet mené
la décarbonation en Arizona a permis de tripler
du pays, avec le rendement des cultures
des projets plantées sous ce type de système
toujours plus et d’observer une réduction
créatifs et des des besoins en irrigation allant
technologies jusqu’à 50 %”, a déclaré Garrett
de pointe.” Nilsen, du ministère de l’Énergie
américain, rapportait The New
York Times le 28 juin 2022.
De plus, les plantes refroidissent
les modules en rejetant de l’eau
dans l’air. Ce que M. Nilsen
décrit comme “une relation
symbiotique entre les plantes
et les panneaux solaires”.
 “Delhi va bientôt devenir la capitale
indienne des toits solaires”, annonçait en
mai 2022 l’India Times, précisant que le
gouvernement du territoire allait proba-
blement rendre obligatoire l’installation
de panneaux solaires sur les toits des bâti-
ments publics. “Grâce au développement
du solaire en toiture, le gouvernement de la
ville va explorer des mécanismes innovants
pour gérer efficacement les pics de charge,
ce qui est également complémentaire à la
croissance des véhicules électriques dans
la ville”, a déclaré un membre de l’exé-
cutif de Delhi, Satyendra Jain, cité par
l’hebdomadaire. “Au cours des cinq der-
nières années, Delhi est devenu un leader
environnemental en devenant le seul État
à fermer toutes ses centrales thermiques”, a
précisé Jasmine Shah, vice-président de
la Commission du dialogue et du déve-
loppement de Delhi, rapporte le journal.
Lampadaires et pompes solaires
Les zones rurales n’ont pas été oubliées.
Lancé en 1992, le programme d’applica-
tions solaires photovoltaïques hors réseau
a pour vocation de fournir de l’énergie aux
villages et hameaux les plus isolés du pays,
au moyen du déploiement de lampadaires,
de lampes d’étude, de pompes et de petites
centrales solaires. Au 31 mars 2021, il avait
permis d’électrifier 11308 villages, indique
l’étude de l’université HNB Garhwal,
dont 1 953 dans l’Assam, État du Nord-Est
situé sur les contreforts de l’Himalaya.
“L’Inde a électrifié 96 % de ses villages et
pourtant environ 300 millions de personnes
n’ont pas accès à l’électricité, tempère The
Hindu. Un village est déclaré électrifié si
10 % des ménages reçoivent l’électricité
ainsi que des lieux publics tels que les écoles,
le bureau du panchayat [conseil local], les
centres de santé et communautaires. En
clair, cela peut laisser un grand nombre de
foyers sans raccordement”, précise le quo-
tidien. Et de citer en exemple le Madhya
Pradesh, qui a récemment indiqué avoir
atteint 94 % d’électrification, alors que
FALCO/CUBA
Tout baigne
“Maintenant que tous les toits
des immeubles sont recouverts
[de panneaux solaires] et que
les terres disponibles sont rares,
le prochain grand potentiel
est l’eau”, déclarait à Kompas
la vice-présidente de l’entreprise
chargée de la construction
de deux centrales solaires flottantes
à Singapour, en mars 2021.
La première, qui compte
13 000 panneaux photovoltaïques,
s’étend dans le détroit de Johor,
qui sépare la cité-État de la Malaisie.
SUR NOTRE La seconde, constituée de
SITE 122 000 panneaux, sera installée
courrierinternational sur le réservoir de Tengeh, sur
.com une surface équivalente à 45 terrains
de football. Ce sera l’une des plus
Au Liban, la crise grandes d’Asie du Sud-Est, précise
énergétique le quotidien indonésien.
fait exploser En Thaïlande, l’entreprise publique
le business des Electricity Generating Authority
panneaux solaires of Thailand prévoit de construire
“Des milliers 16 fermes solaires flottantes
de Libanais sur ses réservoirs hydroélectriques
se tournent au cours des vingt prochaines
désormais vers
l’énergie solaire
pour s’affranchir près de 45 millions de ménages n’avaient
d’un réseau pas accès à l’électricité.
électrique Par ailleurs, même lorsque l’électri-
peu fiable, mais cité est introduite dans un village, des
ce sont surtout études ont montré que les ménages conti-
des personnes qui nuent d’utiliser des groupes électrogènes
ont des moyens”, au kérosène ou au gazole pour satisfaire
précise la chaîne leurs besoins en énergie. Cela à cause de
satellitaire coupures de courant aux heures de pointe
Al-Jazeera. et à un approvisionnement irrégulier.
“L’infrastructure électrique en dehors des
centres urbains a été construite selon l’hypo-
thèse simpliste qu’un ménage rural consomme
une unité d’électricité par jour, ce qui, comparé
à la moyenne nationale de 12 à 15 unités, est
une sous-estimation grossière”, expliquait le
SIX PIEDS SUR TERRE
UN NOUVEAU PODCAST SIGNÉ
À ÉCOUTER SUR NOTRE SITE ET SUR VOTRE APPLICATION DE PODCAST PRÉFÉRÉE
années, rapporte l’Agence
internationale de l’énergie.
Au Portugal, le plus grand parc
solaire flottant d’Europe,
composé de 12 000 panneaux,
a été inauguré le 15 juillet 2022,
dans le réservoir d’Alqueva, au sud
du pays annonce Visão.
“Parmi les avantages d’opter
pour des panneaux solaires flottants
sur des réservoirs, on peut citer
le fait qu’aucun terrain n’est
nécessaire pour les installer
et la facilité de raccordement
au réseau électrique existant”,
note l’hebdomadaire portugais.
Les modules photovoltaïques
flottants offrent par ailleurs
un meilleur rendement par rapport
aux installations standards,
fait observer le site spécialisé
PV Magazine India. Autant
de facteurs qui devraient alimenter
la croissance rapide de cette
technologie solaire, en particulier
dans les îles et dans les pays
à forte densité de population.
quotidien économique Mint fin 2017. Qui
ajoutait : “Cela revient à brancher un geyser
dans une prise de courant et à se demander
ensuite pourquoi le fusible a sauté.”
En réduisant la dépendance à l’égard
de l’infrastructure électrique centrale, le
développement de microréseaux solaires
va dans le bon sens. Mais, comme conclut
l’étude publiée dans l’International Journal
of Mechanical Engineering, au regard des
objectifs annoncés par le gouvernement
indien, “il est nécessaire d’installer davan-
tage de centrales solaires […] et de mettre
en place beaucoup plus de projets à petite
échelle au niveau local”.
—Courrier international
D’autres voix
pour un monde
durable
51
 UN OCÉAN DE POSSIBLES
L
’océan déborde d’énergie. Et les idées ne manquent pas pour transformer en électricité
le mouvement des marées, des vagues et des courants. Sélection des technologies
océaniques les plus abouties.

ÉOLIENNES OFFSHORE FIXES ÉOLIENNES FLOTTANTES

C’est la technologie offshore Elles sont généralement
la plus avancée en matière déployées dans des zones
d’énergie renouvelable. où la profondeur dépasse
Ces éoliennes sont implantées les 40 mètres. Autre avantage,
sur des hauts-fonds, jusqu’à leur amarrage dans les fonds
40 mètres de profondeur, marins est peu invasif pour
et jusqu’à 80 kilomètres la faune et la flore sous-marines.
de distance des côtes.

USINE MARÉMOTRICE
L’eau accumulée dans un bassin
de rétention avec la marée haute
CERF-VOLANT HYDROLIEN est libérée à marée basse
Arrimé au fond de l’eau ou à une barge, et permet de produire de
cet engin qui soutient une turbine l’électricité en passant à travers
se déplace dans le courant suivant des turbines.
une trajectoire linéaire ou elliptique. VIS D’ARCHIMÈDE
La vitesse relative se trouve Le courant passe à travers une hélice
augmentée, ainsi que la quantité en spirale dont le mouvement
d’électricité produite. de rotation est converti en énergie.
HYDROLIENNE
À AXE VERTICAL
Grâce à ses pales disposées
de part et d’autre de son axe
de rotation, ce système génère
de l’énergie quel que soit
le sens du courant.

SOURCE : OFFSHORE RENEWABLES: AN ACTION AGENDA FOR DEPLOYMENT, 2021

52 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
 L’usine marémotrice domine
La centrale électrique marémotrice est encore le principal mode d’exploitation des énergies marines.
Mais du fait du nombre limité de sites adaptés et des impacts environnementaux, son potentiel
de croissance est limité. À la différence des technologies qui utilisent l’énergie des vagues et des courants.

Usines marémotrices
521,5 MW
Énergie des courants de marée
10,6 MW
Énergie des vagues
Autres 2,31 MW
13,2 MW
Énergie thermique
0,23 MW

Énergie osmotique
0,05 MW
PANNEAUX SOLAIRES FLOTTANTS SOURCE : IRENA, 2020

Ils sont fixés sur des plateformes

ou membranes flottantes sans
être arrimés à une pile ou à un pont.
Ils fonctionnent en eau douce ou salée,
et peuvent fournir en énergie les îles
ou des pays où les contraintes
territoriales sont fortes.

CHAÎNE FLOTTANTE
ARTICULÉE
Constituée de plusieurs segments
articulés ou d’un long flotteur
souple, cette chaîne récupère
l’énergie des vagues en suivant
CAPTEUR À VOLET OSCILLANT leur mouvement parallèlement. COLONNE D’EAU OSCILLANTE
Ce système exploite le mouvement Le passage de la houle augmente
de va-et-vient de la houle le niveau d’eau à l’intérieur
pour en capturer l’énergie grâce d’une structure vide à moitié
à sa partie mobile. submergée. L’expulsion de l’air
CAPTEUR IMMERGÉ emprisonné à l’intérieur permet
DE PRESSION DIFFÉRENTIELLE d’actionner une turbine.
Le mouvement de la houle crée
un différentiel de pression
dans le dispositif qui actionne
des pompes à pression
pour générer de l’électricité.

HYDROLIENNE À AXE HORIZONTAL

En passant à travers les pales attachées en étoile
à l’axe horizontal, le courant entraîne leur rotation
et permet la production d’électricité. Il faut toutefois
que la nacelle ou les pales puissent tourner à 180 degrés
pour s’adapter au sens du courant.

53
 Le top 50 des pays dans le vent
CAPACITÉ INSTALLÉE PAR PAYS (onshore + offshore, en MW, 2021) LES CINQ PREMIERS PAYS
300 000 1 CHINE 328 973
2 ÉTATS-UNIS 132 738
100 000 3 ALLEMAGNE 63 760
50 000
20 000 4 INDE 40 067
10 000
5 000 2 000 5 ESPAGNE 27 497

Les pays ayant une capacité installée

inférieure à 390 MW ne sont pas
montrés sur la carte.

ÉTATS-
UNIS

CHINE

ALLEMAGNE

ESPAGNE INDE

r
teu
ua
Éq
2021 : 399 078 MW soit 48,4 %
2012 : 82 809 MW soit 31 %
1

2
202
201

ÉVOLUTION DE LA CAPACITÉ INSTALLÉE

PAR CONTINENT
AMÉRIQUE DU NORD
ENTRE 2012 ET 2021 20
5% 12
t2 20 : 10 ASIE
soi ,7 % 21 7
: 22 196
MW oit 18 20 M
0 92 s 52 W so EUROPE
: 67 3 MW MW it 4
12 3 2012 : soi 0
20 154 7 4% t 26 % AUTRES
1 : ,9 %
2
20
2021 :
6%
TOTAL 2012 : La capacité
266 918 MW installée
mondiale
TOTAL 2021 : a triplé
824 874 MW en neuf ans. SOURCE : “STATISTIQUES DE CAPACITÉ RENOUVELABLE 2022” (IRENA)

54 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
L’ÉOLIEN EN ZONE
DE TURBULENCE
E
n quarante ans, elles se sont
fait une place dans le paysage.
Installées en haut des collines
ou en plein champ, au large
des côtes ou en pleine mer,
les éoliennes produisent aujourd’hui
7 % de l’électricité consommée
dans le monde entier, selon
les derniers chiffres publiés par
l’Agence internationale de l’énergie.
Et aujourd’hui, la puissance cumulée
de toutes les éoliennes en service
sur la planète dépasse les 840 GW.
95 % de cette capacité est
installée à terre.
Ces chiffres spectaculaires masquent
toutefois une réalité plus complexe.
Et d’abord un déséquilibre :
les implantations d’éoliennes
se concentrent essentiellement
en Chine et aux États-Unis, qui abritent
plus de la moitié des installations.
En outre, elles suscitent de plus
en plus de protestations des habitants
(nuisances sonores, destruction
des paysages…), ce qui nuit à leur
déploiement. Enfin, si la puissance
installée a augmenté de façon
spectaculaire ces dernières années
– elle a été multipliée par quatre
entre 2009 et 2019 – la croissance
du secteur stagne.
La solution pourrait venir de l’éolien
offshore, où les turbines sont installées
en mer, au large des côtes. Aujourd’hui
75 % des installations en mer
se trouvent en Europe, principalement
au Royaume-Uni (lire p. 56-57)
et en Allemagne. La Chine, elle aussi,
mise sur l’offshore. Mais la récente
baisse des subventions publiques
décidée par Pékin a fragilisé le secteur.
55
 Le fonctionnement d’un parc éolien en mer
Les éoliennes offshore fonctionnent selon le même principe que les terrestres : elles utilisent l’énergie cinétique du vent pour
la transformer en électricité. Elles sont le plus souvent rassemblées à quelques kilomètres des côtes dans un “parc éolien” de 20 à 50 éoliennes.
Leur puissance de production est plus importante que celles des éoliennes terrestres du fait des vents marins plus forts en pleine mer.

STATION ÉLECTRIQUE TERRESTRE POSTE DE TRANSFORMATION LES ÉOLIENNES

À terre, l’électricité venue du poste EN MER
de transformation rejoint une station C'est l’endroit où est
électrique qui l’injecte dans le réseau acheminée l’électricité
de transport. produite par le parc éolien.
C’est sur cette plateforme
qu’elle est transformée en
électricité “haute tension”. Le
courant généré circule ensuite
vers la terre ferme via un câble
unique sous-marin enterré.
Pour résister aux conditions météo difficiles,
une éolienne offshore doit être plus robuste qu’une
éolienne terrestre, et fixée dans le sol ou ancrée
au fond de la mer. Les pales de l’hélice sont plus
longues et le mât sur lequel repose l’hélice plus haut,
pour capter toute la puissance du vent.
Les éoliennes fonctionnent à pleine puissance
à partir de 40 km/h de vent environ.

câble unique

Profondeur d’ancrage :
40 mètres maximum
Pour des raisons de sécurité, les câbles électriques sont
enterrés entre 1 et 3 mètres sous le fond marin

L’Europe parie sur l’offshore

La mer du Nord est en train de devenir la centrale électrique verte du continent.
Le Royaume-Uni est leader sur la zone, mais quatre pays de l’Union européenne
viennent d’annoncer un gigantesque projet de coopération.

L
’éolien offshore peut Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas Royaume-Uni. “Au cours des dix dernières
faire exploser Poutine.” l’ont prise au mot en signant en mai un années, la capacité des turbines offshore du
Dans une tribune ambitieux accord de coopération off- Royaume-Uni est passée de 1 GW à près
publiée le 18 mai shore. “L’objectif est de faire de la mer du de 10 GW au début de 2020 [12,7, selon les
2022 dans le Times de Nord une vaste centrale d’énergie durable”, derniers chiff res de l’Irena, soit près de la
Londres, le ministre s’enthousiasme la RTBF. moitié de sa capacité éolienne], et les coûts
du Climat et de de construction ont été réduits de près des
l’Énergie danois, Dan Une capacité décuplée en 2050 deux tiers”, s’enflamme The Guardian.
Jorgensen, est clair : Les éoliennes en pleine mer sont plus Désormais sortis de l’UE, les Britanniques
après l’agression productives et moins décriées que leurs viennent aussi de lancer un plan offshore
russe en Ukraine, cousines terrestres – même si beaucoup “audacieux” qui “nécessiterait près de 50 mil-
l’indépendance éner- s’interrogent sur leurs effets sur la bio- liards de livres d’investissement et d’instal-
gique du continent diversité. “L’objectif est de porter la capa- ler une éolienne par jour durant toute la
viendra du vent. Et cité totale éolienne en mer des quatre pays prochaine décennie”. Là encore, l’objectif
plus précisément de celui de la mer du Nord. à 65 gigawatts (GW) d’ici à 2030”, reprend est de “multiplier par quatre la capacité
La BBC rappelle que l’objectif de l’Union la RTBF, pour atteindre 150 GW d’ici à éolienne off shore du Royaume-Uni, pour
européenne est de “multiplier par vingt- 2050, soit dix fois la capacité actuelle. atteindre 40 GW d’ici à 2030”. La course
cinq la capacité éolienne en mer d’ici à 2050 Le leader européen incontesté de au vent a-t-elle commencé?
et par cinq d’ici à 2030”. La Belgique, le l’éolien offshore reste pour l’heure le —Courrier international

56 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
L’éolien offshore en mer du Nord SOURCES : THE WIND POWER
(THEWINDPOWER.NET),
MICHAËL PIERROT. THE WIND
POWER EST UNE BASE DE
1 500 DONNÉES EXPERTE AU SERVICE
Puissance installée 1 000 Limites des zones ZEE des État membres DES ACTEURS DE LA FILIÈRE
des parcs éoliens offshores 500 économiques exclusives de l’UE (bleu foncé) ÉOLIENNE.
100 “OFFSHORE WIND REPORT 2021”
(en MW, au 31 décembre 2021) : (ZEE) (THE CROWN ESTATE)

Océan Méridien
de
Atlantique Greenwich

Îles
Orcades
Top 5 de l’éolien offshore NORVÈGE
dans le monde 26 MW
(part de chaque pays, 2021)
1er CHINE 47,4 %
2e ROYAUME-UNI 22,8 %
3e ALLEMAGNE 13,9 %
4e PAYS-BAS 4,4 %
5e DANEMARK 4,1 %
Autres 7,4 %

ÉCOSSE

M e r d u N o r d
DANEMARK
2 306 MW

Parc éolien de
55° N Hornsea
Sa première phase de
1 218 MW en fait déjà
le plus grand parc
éolien offshore
du monde.

PAYS
DE ROYAUME-UNI ALLEMAGNE
GALLES
8 022 MW 7 713 MW
(en mer du Nord) (en mer du Nord)
PAYS-BAS
12 700 MW 3 003 MW 7 747 MW
(au total avec la Manche (au total
et la mer d’Irlande) avec la mer Baltique)

BELGIQUE
2 262 MW
Manche
200 km
FRANCE
50° N

57
 BIO MAIS PAS TOUJOURS VERTE

50 %
C’est la part que représente aujourd’hui la bioénergie dans la consommation d’énergies renouvelables.
Sa partie traditionnelle, la combustion de biomasse (bois, déchets animaux et charbon de bois),
est la première énergie renouvelable utilisée dans le monde pour le chauffage
ou la cuisson, surtout dans les pays faiblement industrialisés.

×2
PAS DE FUMÉE Verbatim
SANS CO2 “Au niveau mondial, 18 % de l’huile végétale
Si l’on mesure sont transformés en biogazole, Au cours des dix
et 10 % des céréales en éthanol (…).
les émissions À grande échelle, les agrocarburants
dernières années,
de CO2 à la sortie modernes ne sont pas plus durables la production
de la cheminée, qu’une variété plus ancienne : d’électricité
on voit que le bois l’huile de baleine. d’origine biologique
en émet plus que Et brûler de la nourriture a doublé.
tous ses concurrents est la définition de la décadence.” La production
combustibles, GEORGE MONBIOT, JOURNALISTE ET MILITANT ÉCOLOGISTE, d’agrocarburants a,
même le charbon. DANS THE GUARDIAN, LE 30 JUIN 2022
elle, augmenté
Brûlé dans de 15 %, et celle
des fourneaux de biomasse
rudimentaires, moderne
le bois pollue l’air À LA FERME (le recyclage des
des habitations, La première station-service de biogaz paysanne de Suisse
déchets) destinée
avec de graves a été inaugurée le 4 juillet près de Schaffhouse. au chauffage
conséquences Issu de la méthanisation du fumier et de divers déchets agricoles,
cet agrocarburant peut servir pour produire
n’a crû que de 5 %
pour la santé. de l’électricité, rouler et se chauffer. environ.

Chaleur humaine
Alors qu’au Japon la quantité de couches pour adultes souillées augmente de plusieurs
dizaines de milliers de tonnes par an, la ville de Hoki a eu l’idée de transformer ces déchets en granulés
et de s’en servir pour chauffer l’eau des bains publics. Bien que le processus de transformation
produise des émissions de carbone, ce combustible est moins polluant que le charbon ou le gaz employés
auparavant, selon les calculs de la municipalité, et il valorise 10 % des ordures locales.

58 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
Toute NOTRE SÉLECTION
la chaleur
de la Terre Pour commander,
scannez le code QR

Les humains profitent des

sources thermales depuis
la préhistoire. Désormais, cette
chaleur souterraine est aussi
exploitée pour le chauffage
ou la production d’électricité.
Ou rendez-vous sur notre site :
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ou par téléphone : 03 21 13 04 31
(du lundi au samedi de 9 heures à 18 heures)
Comment ça va,
les Français ?

L
Qu’est-ce qui nous
e premier endroit qui vient rassemble, en tant
à l’esprit lorsqu’on prononce qu’individus, société
le mot “géothermie”, c’est et nation ? Qu’est-ce
l’Islande. L’île compte plus qui nous divise ?
d’une centaine de volcans La France racontée
actifs. C’est dans ces régions par la presse étrangère.
géologiquement actives que
l’on trouve les sources de • Format : 230 mm x 297 mm
• 76 pages
moyennes et hautes températures néces-
saires à la production d’électricité. Une 8,50€*
énergie largement exploitée dans le pays,
qui couvre plus de 90 % de la demande de
chauffage, selon les données de l’Irena,
l’agence onusienne des énergies renou-
Les révolutions
velables. Une abondance qui a orienté du genre
la stratégie industrielle du pays : il a De #MeToo aux
notamment attiré sur son sol nombre nouvelles masculinités,
de producteurs d’aluminium, une indus- des droits des LGBTQI
trie qui nécessite de grandes quantités à leur visibilité dans
d’électricité. Ce modèle fait de l’Islande la culture, les débats
l’un des pays les plus énergivores de la sur le genre et la fluidité
planète, avec presque 700 gigajoules
passionnent la presse
mondiale.
(GJ) d’énergie primaire par habitant
• Format : 230 mm x 297 mm
en 2019, selon l’Agence internationale • 76 pages
de l’énergie. Plus que le Qatar. L’île est
donc à la recherche de nouvelles zones
8,50€*
géothermiques, indique le quotidien
islandais Morgunbladid.
L’Islande n’est pas la seule à profiter Europe :
de la chaleur de son sous-sol. Une tren- le retour en force
taine de pays exploitent cette source
Brexit, pandémie,
d’énergie renouvelable. En 2021, la capa-
guerre en Ukraine...
cité de production géothermique mon-
Et si les dernières crises
diale s’élevait à 15,6 gigawatts (GW).
Aux premiers rangs des producteurs :
relançaient l’Union
les États-Unis (3,9 GW), l’Indonésie européenne ?
(2,3 GW), les Philippines (1,9 GW), la Les analyses de
Turquie et la Nouvelle-Zélande. L’île nor- la presse étrangère.
dique n’arrive qu’en neuvième position, • Format : 230 mm x 297 mm
avec 756 mégawatts (MW). En France, la 8,50€* • 76 pages
capacité n’est que de 16 MW. Selon les esti-
mations de la Global Geothermal Alliance,
l’énergie géothermique pourrait fournir
Offre valable dans la limite des stocks disponibles en France métropolitaine jusqu’au 31 décembre 2022
8,3 % des besoins mondiaux en électricité. * Port en sus en fonction du produit.
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—Courrier International

59
 Les le
de la transition
60 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
viers
énergétique
61
Avec l’hydrogène,
la Ruhr voit l’avenir en vert
Grâce à la construction d’un électrolyseur de 100 mégawatts, les usines chimiques
et les aciéries de la région ne tourneront bientôt plus au charbon, au pétrole ou au gaz naturel,
mais à l’hydrogène vert, produit à partir du vent et du soleil. Visite guidée.
P
—Der Spiegel (extraits) Hambourg
our montrer où réside l’avenir de la Ruhr,
Sopna Sury fait une heure et demie de
route vers le nord, jusqu’au Pays de l’Ems
[frontalier des Pays-Bas]. Une fois à la
centrale au gaz de Lingen, la directrice
[de l’exploitation de l’hydrogène] de RWE
Generation [filiale du groupe énergétique
allemand RWE] grimpe dans un monte-
charge et gagne le toit du bâtiment de
la turbine, 50 mètres plus haut. “Ici, on
comprend l’importance que ce site aura
pour la Ruhr”, déclare-t-elle en désignant
un transformateur.
Venant de toutes les directions, des
lignes électriques convergent sur les
générateurs. Sopna Sury montre celles
qui viennent du nord. “Elles apportent
l’électricité des parcs d’éoliennes de la mer
du Nord.” Puis elle se tourne vers le sud.
“Par là, ce sont des gazoducs qui vont direc-
tement dans la Ruhr.” Cette combinaison
des réseaux électrique et gazier va faire
de Lingen “la centrale électrique de la
Ruhr”, ajoute-t-elle. Une centrale pour la
reconversion verte de la région et de son
industrie lourde. Les usines chimiques
62 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
et les aciéries du coin ne tourneront plus
au charbon, pétrole et gaz naturel mais
à l’hydrogène vert, produit à partir du
vent et du soleil, made in Lingen. Si tout
se passe comme prévu, dans trois ans,
il y aura ici un électrolyseur d’une capa-
cité de 100 mégawatts, dix fois plus que
le plus grand d’Allemagne actuellement.
Il permettra de fabriquer de l’hydrogène
en quantité industrielle.
Et c’est Sopna Sury, une femme délicate
aux origines indiennes, qui doit mettre
en route cette transformation historique,
dans un secteur où les hommes ont long-
temps donné le ton. Ces ingénieurs et
ces patrons régnant sur d’énormes sites
industriels aux cheminées fumantes
ont imprimé leur culture sur la région
de la Ruhr depuis près de deux cents
ans. L’industrie du charbon et de l’acier
a jadis fait de l’Allemagne la première
puissance économique du continent.
Depuis plus de trente ans, elle est syno-
nyme de déclin, de perte d’emplois et de
craintes pour l’avenir.
Sopna Sury est convaincue que la Ruhr
peut renouer avec son glorieux passé.
Ce qui la rend si optimiste, ce sont pré-
cisément les infrastructures fossiles de
la région : tous ces kilomètres de gazo-
ducs et de lignes électriques qui étaient
considérés comme un fardeau pour l’en-
vironnement. Il faut juste les adapter,
explique-t-elle. Cela coûtera moins cher
que de poser de nouvelles lignes et, sur-
tout, cela fera gagner du temps : le pre-
mier qui réussira la transition aura les
meilleures chances de survivre. “La zone
pourrait alors devenir gagnante.”
La peur du changement, elle ne semble
pas la connaître. Elle a grandi à Neuss
[en Rhénanie-du-Nord-Westphalie], est
diplômée en sciences économiques et a
Tous ces kilomètres de gazoducs
et de lignes électriques vont être
adaptés. Cela coûtera moins cher
que de poser de nouvelles lignes.
commencé sa carrière au sein du cabi-
net de conseil McKinsey, où elle a aidé le
secteur financier dans sa transformation
numérique. Elle ne voulait pas seulement
donner des conseils mais aussi conduire
elle-même le changement, prendre des
décisions et “en être responsable”.
Le secteur de l’énergie paraissait idéal
SOURCE pour cela : rares sont les domaines de
l’industrie où la pression en faveur du
DER SPIEGEL changement est aussi forte. Début 2011,
Hambourg, lorsqu’elle est entrée chez l’exploitant
Allemagne nucléaire E.ON [groupe énergétique alle-
Hebdomadaire mand], elle ne pouvait pas imaginer que
spiegel.de cette pression deviendrait aussi impor-
Un très grand tante. Trois mois plus tard, la centrale
magazine de Fukushima explosait. La chancelière
d’enquêtes, Angela Merkel, qui, quelques mois aupa-
lancé en 1947, ravant, avait prolongé la durée d’exploi-
agressivement tation des centrales nucléaires, décide
indépendant, alors que l’Allemagne doit sortir rapi-
et qui a révélé dement de cette technologie risquée.
plusieurs Aujourd’hui, le pays doit fermer ses cen-
scandales trales nucléaires mais aussi ses centrales à
politiques. charbon et combler le vide par les énergies
Depuis sa création, renouvelables. Une expérience inédite.
le Spiegel
a choisi la ligne Révolution industrielle
du journalisme Sopna Sury a enfilé une veste de signali-
d’investigation. sation et rabattu les lunettes de protec-
Il est le magazine tion de son casque de chantier. Elle nous
d’actualités conduit ainsi équipés dans un hangar.
allemand ayant À l’intérieur, un enchevêtrement de gazo-
la plus grande ducs jaunes. Actuellement, la majeure
diffusion. partie du gaz naturel qui transite ici pro-
vient des Pays-Bas. Les Néerlandais en
cesseront la production dans quelques
années, car elle provoque de forts trem-
blements de terre dans la région.
Pour la révolution allemande de
l’hydrogène, c’est un heureux hasard.
“À ce moment-là, on pourra utiliser les
conduites qui partent de Lingen pour trans-
porter l’hydrogène sorti de nos électrolyseurs
jusqu’à la Ruhr”, explique Sopna Sury.
L’une des plus anciennes mène direc-
tement au parc chimique de Marl [en
Rhénanie-du-Nord-Westphalie], où des
travaux d’extension sont en cours jusqu’à
la raffinerie de BP de Gelsenkirchen-
Scholven. Le groupe britannique, qui est
l’un des principaux partenaires commer- DANEMARK
ciaux de Sopna Sury, a monté le consor- Mer du Nord Mer
tium pour la promotion de l’hydrogène Baltique
GET-H2 avec, entre autres, RWE, [le SCHLESWIG-
HOLSTEIN
groupe chimique] Evonik et le gestion- Construction
naire de réseau gazier Open Grid Europe. d’un électrolyseur
“L’hydrogène vert produit par RWE dans le de 100 MW à Lingen
cadre de GET-H2 réduira drastiquement nos MECKLEMBOURG-
POMÉRANIE-
émissions de CO2”, assure Thomas Frewer, Hambourg* OCCIDENTALE
chargé de la question chez BP. Derrière lui
se dresse un hydrocraqueur, un monstre BASSE-SAXE
PAYS- Brême* POLOGNE
de tuyaux et de cuves sous pression qui BAS
extrait le soufre du pétrole grâce à l’hy- SAXE- Berlin*
Hanovre ANHALT
drogène pour fabriquer des carburants.
Le système engloutit d’énormes quantités Marl
d’hydrogène. Celui-ci est produit à partir RHÉNANIE-
BRANDEBOURG
de pétrole brut et de gaz naturel fournis DU-NORD-
WESTPHALIE
à cet effet. Ce qui laisse de sales traces Essen
Essen
dans le bilan carbone de BP. L’hydrogène Leipzig
vert de Lingen devrait y remédier.
Cologne Dresde
HESSE SAXE
Réduction des émissions de CO2 THURINGE
Il faut pour cela que les nouvelles petites BE.
usines expérimentales deviennent de Francfort 50°
grands complexes de production, faute RHÉNANIE-
RÉPUBLIQUE
N
PALATINAT
de quoi elles ne seraient pas rentables. TCHÈQUE
C’est ce qu’on appelle l’effet d’échelle. LU.
Dans la région de la Ruhr, tous les ingré- SARRE
dients sont réunis, y compris un système BAVIÈRE
de conduites qui transportent jusqu’à Stuttgart
présent de l’hydrogène “gris” (lire enca- FRANCE

SOURCES : RWE GROUP, FNB-GAS

dré ci-contre), issu de sources fossiles. Si
Sopna Sury parvient à ses fins, ces cana-
lisations transporteront bientôt du gaz
“vert” jusqu’aux grands groupes indus-
triels comme ThyssenKrupp. Sinon, les
aciéries et les usines chimiques risquent
de partir sous des cieux où l’électricité
verte est bon marché et peut être pro-
duite en grande quantité, en Scandinavie
ou dans les régions ensoleillées du Sud.
Mais ce qui préoccupe le plus la direc-
trice de RWE pour le moment, c’est
que l’Union européenne risque d’exiger
qu’on presse le pas. La présidente de la
Commission, Ursula von der Leyen, a
présenté [mi-juillet 2021] son programme
Fit for 55 [un paquet de mesures pour
réduire les émissions de CO2 d’au moins
55 % d’ici à 2030]. Sopna Sury craint que
la Commission ne fi xe la barre trop haut
et oblige RWE à ne faire appel qu’à des
sources vertes pour produire son hydro-
gène. De son point de vue, les électro-
lyseurs devraient pouvoir recourir au gaz
naturel au moins au début, si les parcs
éoliens de la mer du Nord ne fournissent
pas assez d’électricité verte à Lingen.
Bruxelles pourrait aussi exiger que
l’électricité verte servant à la production
d’hydrogène provienne d’installations
éoliennes ou solaires construites expres-
sément à cet effet. Pour le moment, on
peut acheter l’électricité aux parcs exis-
tants. “Ça compliquerait considérablement
les choses”, reconnaît Sopna Sury.
—Gerald Traufetter
Publié le 9 août 2021
BADE-
WURTEMBERG
Projet
Munich
de réseau AUTRICHE
d’hydrogène
vert SUISSE
100 km
Le tronçon Lingen-Marl sera le premier à être opérationnel * Cités-États.
Anciens gazoducs qui pourraient être convertis en hydrogénoducs
Stockage dans d’anciennes mines de sel
Hydrogénoducs à construire
Cœur de la Ruhr Raffinerie Industrie chimique Aciérie
Vert, jaune, bleu ou gris, les couleurs de l’hydrogène
L’hydrogène (ou plutôt le de la molécule d’eau grâce à un
dihydrogène, chaque molécule courant électrique. Si l’électricité
étant constituée de deux atomes) utilisée dans ce processus provient
est appelé à jouer un rôle important d’une source renouvelable (solaire,
dans la transition énergétique. éolienne, hydroélectrique…),
C’est un vecteur énergétique l’hydrogène est dit vert et son
(c’est-à-dire qu’il doit lui-même être empreinte carbone est la plus basse.
produit avant de servir de source Si l’électricité est d’origine nucléaire,
d’énergie) particulièrement efficace l’hydrogène est dit jaune.
et non polluant. La combustion Quand il est produit par
de 1 kilogramme de ce gaz libère vaporeformage du méthane (CH4)
environ trois fois plus d’énergie – le procédé le plus utilisé
que 1 kilogramme d’essence actuellement – l’hydrogène est
et ne rejette que de l’eau. classé bleu s’il y a captage du CO2
Selon la façon dont il est produit, émis lors de sa fabrication, ou gris si
on attribue à ce gaz un code couleur, le dioxyde de carbone est relâché
lié à son empreinte carbone. dans l’atmosphère. L’hydrogène bleu
L’hydrogène peut être obtenu peut également être obtenu par
par électrolyse, en dissociant craquage (c’est-à-dire dissociation
l’hydrogène et l’oxygène thermique) du méthane.

63
 DE L’ÉLECTRICITÉ À LA DEMANDE
L
e stockage de l’énergie est un élément clé et aux besoins de mobilité. Petit panorama
de la transition énergétique car il répond des technologies existantes qui transforment
au problème de l’intermittence de l’électricité le surplus d’électricité en une énergie mobilisable
produite par les sources renouvelables à tout moment.

Stockage stationnaire
Par opposition au stockage embarqué dans des applications mobiles (batteries pour les véhicules, les téléphones,
les ordinateurs…), le stockage dit stationnaire est réalisé dans des infrastructures fixes. Il permet d’emmagasiner
d’importantes quantités d’énergie de façon durable, participe à la stabilité du réseau électrique en lissant les variations
de production et peut répondre aux besoins des sites isolés non reliés aux réseaux électriques.

PAR RETENUE D’EAU STOCKAGE GRAVITAIRE

Dans le cas d’un système de transfert d’énergie par pompage (Step),
l’électricité excédentaire sert à pomper de l’eau d’un bassin inférieur
vers un bassin supérieur. Ainsi de l’électricité peut à tout moment
être produite en laissant l’eau redescendre par gravité du bassin
supérieur au bassin inférieur en passant à travers une turbine qui
entraîne un alternateur.
Transformateur PRODUCTION
D’ÉLECTRICITÉ
Bassin supérieur
Comme le Step, il exploite l’énergie potentielle de pesanteur.
L’électricité permet d’élever des lests qui, lorsqu’ils sont relâchés,
entraînent lors de leur descente des générateurs électriques.
Ce stockage peut être terrestre, en surface ou en sous-sol
(dans d’anciens puits de mine), ou maritime, à partir
d’une barge munie d’un treuil-générateur qui descend et remonte
des masses de béton dans l’océan.
PRODUCTION
Générateur D’ÉLECTRICITÉ
Treuils

Alternateur

Bassin
inférieur Lests
Turbine / pompe

PAR AIR COMPRIMÉ PILE À COMBUSTIBLE

L’électricité sert à comprimer de l’air ambiant à très haute pression
(de 100 à 300 bars). Cet air est ensuite stocké dans de vastes cavités
souterraines et la chaleur générée par les compresseurs (jusqu’à
600 °C) récupérée via des échangeurs. L’air et la chaleur (stockée
dans de la roche, de l’huile ou des sels fondus) sont ensuite libérés
dans une turbine si le réseau électrique le nécessite.
Au moyen d’un électrolyseur, l’électricité est convertie en énergie
chimique sous forme de dihydrogène. Celui-ci est ensuite stocké
(sous forme liquide, solide ou gazeuse) dans des réservoirs. Il peut
alors, à la demande, être converti en énergie électrique par une pile
à combustible, un générateur qui recombine le dihydrogène
à l’oxygène et produit de l’eau et de l’électricité.

Accumulateurs PRODUCTION
D’ÉLECTRICITÉ
Dihydrogène
PRODUCTION
D’ÉLECTRICITÉ
Oxygène
Entrée
d’air

H2 H2
Turbine Moteur Compresseur
générateur
O2
Cavités souterraines
Eau
Électrolyse Pile à combustible Transformateur

64 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
 100
“Nous devons augmenter notre capacité
FOIS PLUS
de stockage. Selon une estimation, nous aurons
besoin d’au moins 100 fois plus de stockage d’ici
à 2040 si nous voulons recourir massivement aux
énergies renouvelables et éviter une catastrophe
climatique”, rapporte le journaliste spécialiste
des sciences et des technologies Matthew Hutson,
dans un article du New Yorker publié en avril. Stockage embarqué
BATTERIE ÉLECTROCHIMIQUE
Il s’agit d’un système réversible où l’énergie est stockée sous forme
chimique puis restituée sous forme électrique grâce à une réaction
d’oxydoréduction. Le courant est produit par la circulation
PAR VOLANT D’INERTIE d’électrons entre deux plaques (ou électrodes) qui peuvent être
L’électricité alimente un système rotatif (volant d’inertie) qui fait constituées de différents matériaux, d’où une grande variété
tourner à très grande vitesse une masse autour d’un axe cylindrique de batteries (plomb, lithium-ion, nickel-hydrure métallique…).
dans un caisson sous vide. L’énergie cinétique liée à la rotation La batterie d’un téléphone portable est constituée d’un seul
du cylindre peut ainsi être conservée, puis récupérée sous forme accumulateur de 3,7 volts alors que celle d’un véhicule électrique
d’électricité grâce à un alternateur, selon le principe de la dynamo. associe de nombreux accumulateurs pour atteindre 400 volts.

PRODUCTION PRODUCTION
D’ÉLECTRICITÉ D’ÉLECTRICITÉ

Alternateur Électrons

Arbre de transmission Cathode Anode

Ions lithium
(par exemple)
Masse

Caisson sous vide

SUPERCONDENSATEUR
Ce dispositif de stockage électrostatique de l’électricité offre
BATTERIE THERMIQUE une puissance élevée pour un temps de charge très court. Cela
Il s’agit d’une batterie qui convertit de l’électricité en chaleur est dû à l’absence de réaction chimique lors de l’accumulation
à très haute température au moyen de résistances. Cette des charges à la surface des électrodes et à l’emploi de matériaux
chaleur fait fondre du silicium, qui est alors stocké dans des blocs conducteurs électroniques comme le carbone activé.
de graphite. Les blocs retiennent la chaleur, qui peut être Ce système est déjà employé dans des bus électriques.
convertie à la demande en électricité grâce à des cellules Des supercondensateurs avec électrodes de graphène gravé
thermophotovoltaïques (TPV). au laser (LSG), d’une grande flexibilité mécanique,
sont à l’étude pour équiper les appareils PRODUCTION
électroniques de nouvelle génération D’ÉLECTRICITÉ
tels que les cellules solaires flexibles
ou les écrans d’ordinateur Électrons
PRODUCTION
D’ÉLECTRICITÉ
enroulables.
Résistances Graphite
Électrode Électrode

Ions électrolytiques

Cellules
Silicium fondu thermophotovoltaïques

SOURCE : TECHNOLOGIES DE STOCKAGE EFFICACES (CEA)

65
L’Amérique latine, Principaux gisements
de lithium dans le monde

eldorado du lithium
(novembre 2021)

Les plus grandes réserves de ce métal, composant essentiel des batteries,

se trouvent dans le sous-continent. Face aux convoitises des géants
de l’énergie et de l’automobile, les gouvernements de la région s’organisent
pour que cette manne bénéficie au développement de leurs pays.

Mine en
exploitation

Réserve prouvée

On extrait le lithium
de différents milieux géologiques :
saumures* continentales
saumures* géothermales et pétrolières
sédiments volcaniques

L
pegmatites et granites

—El País México (extraits) Mexico

Salar d’Uyuni,
plus grand
es perspectives économiques de gisement
l’Amérique latine ne sont pas particuliè- mondial
rement prometteuses. Même avant la
pandémie de Covid-19, la région montrait
des signes d’essoufflement, et les orga- SUR NOTRE
nismes multilatéraux ainsi que les ana- SITE Équateur
lystes estimaient que les pays devraient
revoir leur politique s’ils souhaitaient courrierinternational
promouvoir le développement. .com BOLIVIE BRÉSIL
Dans ce contexte, le lithium repré- PÉROU
sente une occasion en or. Ce métal, un Les minerais,
excellent conducteur électrique, est un casse-tête
indispensable à la fabrication des batte- européen
ries qui permettront de réduire la dépen- L’Europe, qui
dance mondiale envers les combustibles dépend du reste
fossiles et d’opérer une transition vers du monde pour CHILI
des énergies renouvelables plus propres. accéder aux
C’est en Bolivie que l’on trouve les plus métaux essentiels ARGENTINE
importantes réserves de la planète. Le à la transition Le triangle
“triangle du lithium” qu’elle forme avec énergétique, du lithium,
l’Argentine et le Chili abrite 63 % des aimerait exploiter 63 % des
réserves mondiales de lithium. Et le Pérou les ressources réserves
et le Mexique en détiennent presque de son sous-sol, mondiales
3 millions de tonnes. En Amérique latine, relate Le Temps.
c’est ce lithium qui attise aujourd’hui Mais creuser, c’est 1 000 km
la convoitise de la grande fi nance. La cher et ça pollue.

66 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

COURRIER INTERNATIONAL
 PRODUCTION MONDIALE :
82 000 t (2020)
RÉSERVES MONDIALES :
21 000 000 t

CHINE
3e producteur mondial
14 000 t (17 %)
Un gisement évalué 4e réserve mondiale
à 66 000 tonnes a été 1 500 000 t
découvert à Tréguennec
(Finistère) dans une zone
Natura 2000.

Tropique du Cancer

Voir zoom en bas à gauche

Équateur

ARGENTINE AUSTRALIE Tropique du Capricorne

4e producteur mondial 1er producteur mondial
6 200 t (7,5 %) 40 000 t (49 %)
3e réserve mondiale 2e réserve mondiale
1 900 000 t 4 700 000 t
CHILI
2e producteur mondial
18 000 t (22 %)
1re réserve mondiale
9 200 000 t

* Saumures : désignent des eaux dont la salinité SOURCES : “GLOBAL LITHIUM MINES, DEPOSITS AND OCCURRENCES” (NOVEMBRE 2021,
est supérieure à 35 g/l. BRITISH GEOLOGICAL SURVEY), LIFT (LITHIUM FOR FUTURE TECHNOLOGY), USGS

transition énergétique a surpris ces pays
dans un moment de ferveur nationaliste.
Au cours des derniers mois, des efforts
ont été faits pour confier le contrôle de
la production aux États, comme le sou-
haitent une bonne partie des citoyens.
Nombreux aussi sont ceux qui s’opposent
à l’exploitation du minerai pour des rai-
sons environnementales. On appelle
le lithium “l’or blanc” en raison de sa
valeur sur le marché et de sa couleur
blanc argenté. En anglais, on parle plutôt
de “pétrole blanc” (white oil).
Bien que subtile, la différence n’est pas
anodine. Pour les Latino-Américains, le
lithium est un métal précieux, au même
titre que l’or et l’argent, qui sont exploi-
tés sur le continent depuis l’époque colo-
niale. Pour les étrangers, dans la culture
anglo-saxonne, c’est un maillon dans la
chaîne de valeur, une ressource naturelle
destinée à être transformée.
En 2021, le prix du lithium sur le marché
international a augmenté d’environ 80 %.
Il y a à peine quatre ans, une étude avait
conclu que les véhicules électriques
représenteraient plus de la moitié des
ventes de voitures dans les pays déve-
loppés en 2040. Or, selon une analyse
publiée en novembre 2021 par la firme
KPMG, ce palier sera franchi dix ans plus
tôt que prévu. Le monde évolue rapi-
dement dans cette direction et on sent
qu’il est urgent de produire du lithium,
comme si on craignait un retournement
de la conjoncture.
Au Chili, ce sont des investisseurs
privés qui, depuis des années, extraient
et transforment le minerai en vue de son
exportation. Le gouvernement [de droite]
de Sebastián Piñera [qui a terminé son
mandat le 11 mars 2022] a annoncé [en
janvier] qu’il avait attribué à deux socié-
tés, l’une chinoise et l’autre chilienne,
Le 1er février, le Chili a entrepris des
démarches en vue de nationaliser
certains des plus grands gisements
de cuivre et de lithium du monde.
deux lots leur permettant d’exploiter
80 000 tonnes de lithium. L’annonce a
provoqué un tollé, car son successeur,
Gabriel Boric, [de gauche], a été élu [en
décembre] sur la promesse de créer une
“société nationale du lithium” et d’instaurer
une “nouvelle gouvernance” des déserts de
sel qui abritent les précieuses réserves.
Une cour d’appel a suspendu l’attribution
des contrats et l’incertitude règne quant
à la suite des événements. Le 1er février,
le Chili a entrepris des démarches en vue
de nationaliser certains des plus grands
gisements de cuivre et de lithium du
monde. Le Congrès a approuvé en pre-
mière instance une proposition visant
à donner le contrôle à l’État.
Andrés Manuel López Obrador, le
président du Mexique, un pays dont les
réserves pourraient être supérieures au
chiffre de 1,7 million de tonnes avancé par
le Service géologique des États-Unis, envi-
sage aussi de s’engager dans cette voie.
Dans le cadre d’un projet de loi visant à
réformer le secteur de l’énergie, le chef
de l’État propose de nationaliser → 68

67
67 ← le lithium et de créer une institu-
tion étatique ayant pour mandat d’en
assurer la transformation. Selon cer-
tains experts, toutefois, le gouverne-
ment n’a pas les moyens de créer une
telle société d’État. Le Mexique est donc
lui aussi, d’une certaine façon, dans l’im-
passe [même si le Parlement a adopté en
avril une loi interdisant toute nouvelle
concession d’exploitation du lithium
dans le pays].
Investissements chinois
Au Pérou, le gouvernement de Pedro
Castillo cherche à modifier le contrat
qu’il a conclu avec la société canadienne
American Lithium Corp. L’État sou-
haite que les entreprises péruviennes ne
fassent pas qu’extraire le lithium destiné
à l’exportation, mais qu’elles investissent
aussi dans la création d’usines capables
d’en faire un produit ayant une valeur
ajoutée, l’objectif étant de générer plus
d’emplois mieux rémunérés.
L’Argentine est, dans une certaine
mesure, l’exception. Ce sont les provinces
qui détiennent les droits d’exploration,
et le gouvernement du président [péro-
niste, de gauche] Alberto Fernández s’est
efforcé de mettre en valeur les réserves
du pays au niveau mondial. En 2020, il
s’est donné pour objectif d’augmenter
de 700 % la production annuelle de car-
bonate de lithium de façon à atteindre
230 000 tonnes à la fin de cette année.
Il faudra, pour y parvenir, plus de 1 mil-
liard de dollars d’investissements privés.
À l’occasion d’une visite en Chine du pré-
sident argentin, des représentants de son
gouvernement ont confié aux médias
que leur pays était en train de négocier
avec l’État chinois de nouveaux inves-
tissements qui permettraient notam-
ment de financer la construction d’une
usine de batteries.
Alors que l’Argentine se précipite, la
Bolivie prend son temps. Vu l’abondance
de ses réserves, c’est le pays qui suscite
le plus d’enthousiasme de la part des
investisseurs. Mais le précieux mine-
rai génère déjà des conflits. En 2019,
le président [de gauche] Evo Morales a
annoncé que l’entreprise allemande ACI
Systems investirait près de 1,3 milliard
de dollars pour exploiter une grande
partie des réserves nationales de lithium.
Quelques semaines plus tard, les négo-
ciations ont été paralysées par une forte
crise politique, et le chef de l’État a été
contraint de fuir le pays.
Les pays du Sud approvisionnent
depuis longtemps le reste du
monde en matières premières sans
que leurs citoyens en tirent avantage.
68 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
En novembre 2020, Luis Arce, un allié
d’Evo Morales, est devenu président de la
Bolivie. La trajectoire qu’il a choisi d’em-
prunter s’écarte de celle de son prédé-
cesseur. Tout d’abord, il a organisé un
événement public, une sorte de foire,
afin d’attirer des entreprises nationales
et étrangères souhaitant investir. Puis il a
autorisé huit d’entre elles – des sociétés ori-
ginaires d’Argentine, de Chine, des États-
Unis et de Russie – à réaliser des essais
pilotes de la technologie d’extraction.
Un groupe technique affilié à la société
d’État Yacimientos de Litio Bolivianos
formulera ensuite ses recommandations
concernant les entreprises auxquelles les
contrats devraient être attribués. Selon
Diego von Vacano, professeur à l’univer-
sité A & M du Texas et conseiller infor-
mel du gouvernement de Luis Arce, les
critères examinés comprennent le pour-
centage de récupération du minerai et
SOURCE les répercussions sur l’environnement.
L’extraction du lithium à partir de sau-
EL PAÍS MÉXICO mures, comme celle qui est pratiquée en
Mexico, Mexique Bolivie, est moins dommageable pour l’en-
elpais.com/mexico vironnement que celle qui se fait à partir
El País, le plus de sédiments solides, comme au Mexique.
grand quotidien Cela dit, toutes les formes d’exploitation
espagnol, qui minière ont des répercussions sur l’éco-
se veut “global”, système. “La Bolivie ne veut pas reproduire
a lancé en 2020 les erreurs qui ont été commises par le passé,
cette édition par exemple au Chili”, souligne l’expert.
purement web “Tout au long de l’histoire du colonialisme,
consacrée lorsqu’elle parlait d’exploitation minière, la
à l’actualité, littérature avait tendance à décrire les gise-
qui propose ments comme des paysages morts ou déserts,
notamment des lieux sans aucune vie. Ils étaient pré-
des reportages sentés comme une terra nullius, une locu-
et des analyses tion latine qui signifie ‘terre n’appartenant
sur le pays à personne’. C’est pourtant faux”, explique
du monde qui Thea Riofrancos, professeure associée de
compte le plus sciences politiques au Providence College,
grand nombre dans l’État américain du Rhode Island.
d’hispanophones. La jeune femme se rappelle la première
fois qu’elle a visité les réserves chiliennes,
en 2019 : “Le désert m’a fait une impres-
sion très forte à plusieurs égards. C’est
une immense étendue blanc gris qui court
jusqu’à l’horizon et semble n’avoir aucune
limite. Et puis il y a les flamants. Et quand
on a de la chance, on peut aussi y voir de
magnifiques oiseaux de proie.”
“Opep” du lithium
Les pays du Sud approvisionnent depuis
longtemps le reste du monde en matières
premières sans que leurs populations
en tirent de réels avantages, rappelle la
chercheuse. “Le cas de la Bolivie est par-
ticulièrement tragique, précise-t-elle. Il
suffit de penser aux mines [d’or et d’argent]
de Potosí [exploitées depuis l’époque de la
colonisation]. Le pays a fourni au monde
toutes sortes de minerais, de l’argent à
l’étain, mais aussi du gaz naturel et des
denrées agricoles. Et aujourd’hui, c’est le
lithium qui est le produit vedette.”
Cela explique peut-être pourquoi le
gouvernement de Luis Arce fait preuve
de discrétion quant à l’état d’avancement
du programme pilote. Le ministère des
Hydrocarbures et de l’Énergie bolivien
n’a pas répondu aux demandes d’infor-
mation d’El País concernant le potentiel
estimé de cette industrie en termes de
produit intérieur brut.
Les bénéfices attendus varient en
fonction des fluctuations du prix sur
les marchés internationaux. C’est pour-
quoi l’Argentine et la Bolivie envisagent
la création d’une sorte de cartel du
lithium sur le modèle de l’Organisa-
tion des pays exportateurs de pétrole
(Opep), qui impose à ses membres des
quotas de production de façon à éviter
l’effondrement des cours.
“C’est une course contre la montre”,
conclut Diego von Vacano. L’expert
affirme qu’“il est urgent d’accélérer les
choses” si l’on veut éviter que les inves-
tisseurs se tournent vers d’autres pays.
Il ajoute que les profits pourraient être
investis de façon à distribuer les béné-
fices aux citoyens, comme c’est le cas en
Norvège ou au Qatar : “Ça peut être très
positif. On peut créer un régime de rede-
vances qui bénéficie aux régions de Potosí
et d’Uyuni, entre autres, mais aussi au
reste du pays. Cet argent peut être uti-
lisé pour financer l’éducation ou la santé.
Le pays pourrait ainsi connaître une
transformation radicale.”
—Isabella Cota
Paru le 8 février 2022
Les Serbes disent non
à l’“or blanc”
“Tous les permis ont été annulés.”
En janvier 2022, la Première ministre
serbe, Ana Brnabic, a annoncé
l’arrêt du projet d’exploitation
d’un gisement de lithium dans
la vallée de la Jadar par la société
anglo-australienne Rio Tinto,
après “des semaines de
protestations” de la population,
indique la BBC. Cette décision
est survenue à quelques semaines
d’élections générales dans le pays.
Les autorités serbes n’avaient guère
envie d’“aborder les élections
d’avril sur fond de routes bloquées
et d’accusations de favoritisme
envers les investisseurs étrangers
au détriment des intérêts
nationaux”, explique le
correspondant dans les Balkans
du média britannique. Selon ses
détracteurs, l’exploitation du lithium
risquait de contaminer
les réserves d’eau de la région.
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75013 Paris
Vers des mobilités durables
L
e secteur des transports est responsable
d’une large part des émissions globales
de gaz à effet de serre, environ 25 % si
l’on intègre les émissions liées à l’énergie
consommée. Les eurodéputés ont voté le
8 juin 2022 la fin de la vente de voitures à
moteur thermique en 2035, mesure phare
de la lutte contre le changement clima-
tique. Encouragées par des politiques
européennes favorables, les ventes de
véhicules électriques ont dépassé pour
la première fois, en décembre 2021, celles
des voitures diesel sur le Vieux Continent,
indique le Financial Times.
Face à la crise énergétique mondiale
émergente déclenchée par l’invasion de
l’Ukraine par la Russie, l’Agence interna-
tionale de l’énergie recommande par ail-
leurs, pour réduire la consommation de
pétrole, de rendre les transports publics
70 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
Du Chili au Maroc en passant par l’Espagne et l’Allemagne, les pouvoirs
publics encouragent les transports collectifs et les mobilités actives.
Une réponse à la triple crise climatique, énergétique et sociale.
moins chers et d’encourager la marche
et le recours au vélo.
En Espagne, le Premier ministre socia-
liste, Pedro Sánchez, a annoncé le 12 juillet
que son gouvernement allait rendre gra-
tuit l’accès à certains trains des réseaux
publics régionaux et de banlieue du 1er sep-
tembre au 31 décembre 2022, rapporte
La Vanguardia. Et ce n’est pas le seul pays
en Europe à tendre vers la gratuité des
transports publics, observe le quotidien
barcelonais. Au Luxembourg, les voya-
geurs nationaux et étrangers n’ont plus
besoin d’un ticket pour monter dans un
bus, un train ou un tram publics depuis
2020, et en Allemagne, le gouvernement a
mis en place un passe transport à 9 euros
pour permettre aux usagers de sillonner
le pays durant l’été 2022.
Davantage de pistes cyclables
Déjà boosté par la pandémie, l’usage du
vélo se développe aussi sous l’effet du ren-
chérissement des carburants. “Je me suis
mis au vélo à l’âge adulte, et c’est aujourd’hui
l’un de mes modes de transport préférés, a
déclaré sur Twitter Juan Carlos Muñoz
Abogabir, le ministre des Transports
chilien, à l’occasion de la Journée mondiale
de la bicyclette. Nous allons créer davan-
tage de pistes cyclables et améliorer certaines
d’entre elles afin que ce soit une option pour
un plus grand nombre de personnes.” Le
Chili compte 2 030 kilomètres de pistes
cyclables et veut doubler ce chiffre en
quatre ans, précise La Tercera.
Même dans les pays du Moyen-Orient
et d’Afrique du Nord, où la voiture règne
en maître, le vélo apparaît de plus en plus
comme une solution de remplacement,
relève The Economist. Mais les routes
sont encore très inadaptées. Ainsi, du
Maroc à la Syrie, “des collectifs organisent
des défilés à vélo, proposent des réparations
gratuites et font campagne pour obtenir plus
de place sur les chaussées”. Une “vélorution”
serait-elle en marche ?
—Courrier international
Trains à hydrogène
“À partir de décembre, la plus
grande flotte mondiale de trains
À la une fonctionnant à l’hydrogène devrait
circuler dans le Taunus”, indique
la Frankfurter Allgemeine
Zeitung. Ils auront une vitesse
maximale de 140 km/h et une
autonomie de 1 000 kilomètres.
Certes, l’hydrogène produit à
Francfort-Höchst n’est pas encore
vert, mais ces trains ne dégageront
en roulant que de la vapeur d’eau
et de la chaleur. La Deutsche Bahn
“LE TRAIN a l’ambition d’être climatiquement
RETROUVÉ” neutre d’ici à 2040 et mise
Écolo et convivial, beaucoup sur cette technologie
le rail revient sur clé, précise le quotidien allemand.
le devant de la
scène, partout L’aviation zéro émission
dans le monde.
Le numéro
est un mirage
du 13 juillet “L’emploi de carburants durables
de Courrier ne conduira pas l’aviation à zéro
international lui émission nette de CO2” d’ici à 2050,
consacre sa une. comme s’y sont engagées les
Un dossier compagnies aériennes à la fin
qui rassemble de 2021, observe le Financial
analyses Times. Les quantités de SAF
et reportages (sustainable aviation fuels,
de la presse “carburants durables d’aviation”)
étrangère. disponibles représentent moins
de 0,1 % des besoins de l’aviation.
De plus, leur combustion se traduit
par des émissions de carbone.
Quant à se tourner vers l’hydrogène
vert, ce n’est pas réaliste au vu
des quantités dont on disposera
durant les prochaines décennies.
“La seule façon de garantir que
l’aviation n’émettra pas [de CO2]
est de ne pas voler ou de rendre
l’avion si cher que les gens
l’emprunteront beaucoup moins”,
conclut le quotidien britannique.
 À CONSOMMER AVEC MODÉRATION
×2
Doubler le taux
d’amélioration
de l’efficacité
énergétique,
pour passer
de 2 % par an
(observé entre 2010
et 2020) à 4 %
par an, entraînerait
une baisse de
la consommation
d’énergie équivalente
à 5 milliards
de tonnes de CO2
par an d’ici à 2030,
soit la quantité émise
par les États-Unis
aujourd’hui,
selon une récente
étude de l’Agence
internationale
de l’énergie.
34 %
C’est l’augmentation annuelle
moyenne de la consommation
électrique mondiale associée
aux usages numériques mobiles,
sur la période 2013-2019.
Cette consommation d’énergie
représente aujourd’hui 1,5 fois
celle de nos usages fixes, selon
l’étude “Impact environnemental
du numérique” du Shift Project,
qui invite à “une reprise
de contrôle de nos usages
en les priorisant et en essayant
d’utiliser le moins possible
nos ressources”.
17 MILLIARDS DE MÈTRES CUBES
C’est la quantité de gaz qui serait économisée chaque année si tous les citoyens
européens suivaient – à la maison et sur leur lieu de travail – les recommandations
du plan présenté à la fin avril 2022 par l’Agence internationale
de l’énergie et la Commission européenne (lire ci-dessous).
De quoi chauffer près de 20 millions de foyers. Cela permettrait aussi
de réduire de 220 millions de barils la consommation annuelle de pétrole.
10 GESTES À ADOPTER
BAISSER LE THERMOSTAT DU CHAUFFAGE DE 1 °C
AUGMENTER CELUI DE LA CLIMATISATION DE 1 °C
BIEN RÉGLER SA CHAUDIÈRE
TRAVAILLER DEUX OU TROIS JOURS PAR SEMAINE DEPUIS SON DOMICILE
COVOITURER
RÉDUIRE SA VITESSE SUR L’AUTOROUTE
NE PAS PRENDRE SA VOITURE LE DIMANCHE
MARCHER OU CIRCULER À VÉLO POUR EFFECTUER DE COURTS TRAJETS
PRÉFÉRER LES TRANSPORTS PUBLICS À LA VOITURE
CHOISIR LE TRAIN PLUTÔT QUE L’AVION
Verbatim TOURNÉE VERTE
“En augmentant notre efficacité énergétique, Coldplay s’est engagé
nous pouvons réduire complètement à utiliser moins
notre dépendance au pétrole et au gaz russes, d’énergie et “quasi
et nous rapprocher de la neutralité climatique.” exclusivement” des
DAN JORGENSEN, MINISTRE DU CLIMAT ET DE L’ÉNERGIE DANOIS,
DANS THE GUARDIAN, LE 8 JUIN 2022
énergies renouvelables
pour les concerts
de sa tournée
mondiale en 2022.
Un plancher cinétique
37 MILLIARDS DE LIVRES qui capte l’énergie
Soit 44 milliards d’euros. C’est la somme des fans et
que le gouvernement britannique s’est engagé des panneaux solaires
à débloquer pour aider les ménages à régler fixés en divers endroits
leurs factures d’énergie. La Confédération dans les stades
de l’industrie britannique a réagi en lui dès l’arrivée
suggérant d’“améliorer le parc immobilier du groupe devraient
britannique, véritable passoire thermique, fournir assez
plutôt que de dépenser des milliards en factures d’électricité pour
énergétiques chaque année”. chaque spectacle.
71
Fribourg, ville modèle
L’autoproclamée “capitale allemande de l’environnement”, dans le sud-ouest du pays,
vise la neutralité carbone en 2038. De nombreux bâtiments sont déjà autonomes en énergie
et le nombre de cyclistes a dépassé celui des automobilistes.
Q
—Deutsche Welle (extraits) Bonn
uelle autre ville que Fribourg-en-Brisgau,
bastion écologiste historique, pourrait
mieux incarner une Allemagne climati-
quement neutre, reprenant à son compte
le slogan des Verts allemands [pour la
campagne des législatives de 2021] :
“Nous sommes prêts, parce que vous l’êtes” ?
Depuis 2008, cette cité de 230 000 habi-
tants a adopté de manière un peu pom-
peuse l’étiquette de “green city” et s’est
autoproclamée capitale allemande de
l’environnement.
Avec ses mille huit cents heures d’en-
soleillement annuel, Fribourg carbure à
l’énergie solaire – et c’est exactement ce
que prévoit Robert Habeck. Le ministre
72 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022
COURRIER INTERNATIONAL
[écologiste] de l’Économie et du Climat
est déterminé à rendre l’Allemagne clima-
tiquement neutre d’ici à 2045. Fribourg
vise l’objectif sept ans plus tôt, en 2038.
Ici, la liste des bâtiments publics
équipés d’installations photovoltaïques
est longue : le nouvel hôtel de ville – le
premier au monde autonome en éner-
gie, avec 800 panneaux solaires sur sa
façade. Le tout nouveau stade de foot-
ball – avec la plus grande centrale photo-
voltaïque au monde sur son toit. L’église
– le diocèse veut être le premier du pays
à zéro émission.
La vie sans voiture, ou presque
À compter de 2023, Fribourg entend injec-
ter chaque année 12 millions d’euros pour
de nouvelles mesures favorables au climat.
L’installation de panneaux solaires sur les
bâtiments à usage professionnel est obli-
gatoire dans le land du Bade-Wurtemberg,
et donc à Fribourg – Robert Habeck veut
l’étendre à l’ensemble du pays.
Dans l’ouest de la ville, à Dietenbach, la
municipalité construit un nouveau quar-
tier neutre en CO2 qui accueillera quelque
15 000 personnes. “Là-bas, on ne brûlera
plus rien – ni biomasse, ni granulés de bois,
ni pétrole, ni gaz, dit Franziska Breyer, de
l’Office de la protection de l’environne-
ment de Fribourg. Tout le quartier fonc-
tionnera grâce à la chaleur récupérée des
eaux d’égout, à des pompes à chaleur et à
des installations photovoltaïques.”
Alors qu’il y a quarante ans, 15 % des
Fribourgeois avaient opté pour le vélo
comme moyen de transport, ils sont
aujourd’hui un sur trois à le faire. À l’in-
verse, la part des automobilistes est
passée de 39 % à 21 %. “Sur ce plan, nous
sommes en tête de toutes les villes allemandes,
poursuit Franziska Breyer. Mais nous
avons toujours trop de voitures.”
À un quart d’heure du centre-ville en
tramway, vers le sud, on peut se faire une
SOURCE bonne idée de la vie dans une ville sans
voiture ou presque. Dans l’écoquartier
DEUTSCHE Vauban, l’ancien site d’une caserne fran-
WELLE çaise portant le nom de l’architecte du
Bonn, Allemagne Roi-Soleil Louis XIV, 5 600 personnes
dw.com vivent depuis plus de vingt ans déjà selon
Créée en 1953, ce mode de vie, qui pourrait bientôt être
cette radio la norme en Allemagne. Une sorte de
en 30 langues Fribourg puissance trois, encore plus
a l’ambition verte, encore plus écologique, encore
de “présenter plus ouverte au vélo.
l’Allemagne Ici, on vit dans des maisons passives
à l’étranger [énergétiquement] aux couleurs vives,
en tant que avec des panneaux solaires sur le toit. Une
nation culturelle centrale au bois alimente les habitants
européenne”. en électricité. Le quartier est sillonné
Financée par de larges voies piétonnes et cyclables
des fonds publics et de rues réservées au jeu – un paradis
de l’État fédéral, pour les enfants. Les rares personnes qui
la DW diffuse possèdent une voiture la cachent dans
aujourd’hui un parc de stationnement à la lisière
également du quartier.
des programmes Andreas Konietzny fait partie des
de télévision. habitants de la première heure. C’est
Le siège en 2001 que cet architecte originaire de
de la radio est Düsseldorf s’est installé à Vauban. Une
à Bonn, celui décision qu’il n’a jamais regrettée. “Lors
de la télé, à Berlin. d’une visite, ma sœur, qui vivait à l’époque
en Californie, a noté le nombre de pas qu’elle
devait faire pour aller au supermarché, au
bord de l’eau et à l’école. Ses amis améri-
cains ne l’ont pas crue lorsqu’elle leur a dit
que tout se trouvait à moins de 400 mètres.
Là-bas, aux États-Unis, il faut prendre sa
voiture pour tout.”
Andreas Konietzny partage avec une
autre famille une voiture, qui l’attend par-
fois plusieurs semaines d’affilée dans un
garage souterrain à 300 mètres de chez
lui. Le tramway de la ligne 3, en direc-
tion du centre, passe à intervalles d’une
minute. Les touristes du monde entier qui,
chaque année, viennent par dizaines de
milliers admirer Vauban aiment séjour-
ner au Green City Hotel, un établisse-
ment durable végétalisé dont l’intérieur
est aménagé avec du bois local.
Petit budget s’abstenir
Le revers de la médaille, à Fribourg
comme dans l’écoquartier Vauban, c’est
le coût de la vie, eff royablement élevé.
En Allemagne, il n’y a qu’à Munich et
à Francfort qu’un locataire débourse
plus pour se loger. Si les ambitieux pro-
jets du ministre du Climat suscitent des
critiques, c’est avant tout parce que pour
quantité d’Allemands ils n’offrent pas de
solutions abordables.
Certes, Vauban compte à présent
des appartements accessibles aux étu-
diants, mais la majeure partie de ses
habitants restent des écolos cultivés
et aisés. “Aujourd’hui, une foule d’ensei-
gnants et d’architectes comme moi vivent
ici. Le revers de la médaille, c’est la gen-
trification du quartier. Au début, la popu-
lation était plus mélangée. C’est triste de
voir que les personnes qui ont un petit
budget ne peuvent plus vivre ici”, regrette
Andreas Konietzny.
Cet homme qui a attendu avec impa-
tience que Robert Habeck lance son offen-
sive pour le climat ne travaille qu’à un
jet de pierre de Vauban, dans un édifice
qui porte bien son nom de Sonnenschiff
[“Bateau solaire”]. Un édifice construit
par Rolf Disch, architecte pionnier du
solaire, couronné de prix et visionnaire,
qui affiche déjà 77 ans au compteur.
Créées en 1994 par l’architecte, elles
Karlsruhe sont toutes à énergie positive : elles pro-
Metz
duisent davantage d’énergie qu’elles n’en
Stuttgart
consomment.
Strasbourg ALLEMAGNE L’Allemagne, extrêmement en avance
BADE-WURTEMBERG dans la lutte contre le réchauffement cli-
FRANCE Fribourg-en-Brisgau
matique il y a trente ans, a perdu cette
avance de façon absurde. Rolf Disch peine
SUR NOTRE à conserver son calme lorsqu’on l’inter-
Rhin
SITE roge sur la politique climatique allemande.
Bâle courrierinternational Des dizaines d’années qu’il tanne les poli-
Zurich .com tiques pour qu’ils investissent davantage
SOURCE :OPENSTREETMAP CONTRIBUTORS
dans les énergies renouvelables. En 2012,
Berne En Espagne, quand l’Allemagne a décidé de réduire les
SUISSE une école fait subventions au photovoltaïque, le marché
rimer autonomie a dégringolé de 80 %. “Toute une industrie
50 km
avec énergie a été détruite. Des milliers d’emplois ont été
Labellisée supprimés. Ici aussi, à Fribourg, on a failli
Genève PassivHaus, l’école couler. Alors que nous étions champions du
ITALIE Brains, à Madrid, monde des technologies solaires.”
est autonome en Qu’à cela ne tienne, Rolf Disch planche
Mais quand on parle transition énergé- énergie. Une façon sur un nouveau projet dans la ville voisine
tique, Rolf Disch s’enflamme tout autant de sensibiliser de Schallstadt, au sud-est de Fribourg.
que dans les années 1980, lorsqu’il a pré- ses élèves au Il y construit quatre immeubles – soit
senté la première station-service solaire caractère limité 83 appartements – à énergie positive. Un
au monde, qu’il est devenu champion du des ressources projet qu’il finance de sa poche. “Je ne
monde de conduite de voitures solaires de notre planète sais toujours pas comment cela fonction-
et a traversé l’Australie à bord d’un véhi- et à la nécessité nera économiquement, ni comment cela
cule 100 % solaire. “Cela fait longtemps d’en prendre soin, peut être rentable.”
que je dis que l’Allemagne pourrait être cli- raconte El País. Il reste donc encore du travail à l’élève
matiquement neutre dès 2030. Il suffit de modèle Fribourg en matière de protec-
le vouloir.” Depuis son balcon, il regarde tion du climat. Notamment dans le sec-
fièrement l’enfilade colorée des 59 mai- teur de la construction et de l’habitat,
sons en bois de la cité solaire – son bébé. qui représente 40 % de la consommation
d’énergie, souligne l’architecte. Si Rolf
Disch avait un conseil à donner à Robert
Les 59 maisons de la cité solaire Habeck, ce serait d’accélérer encore plus
sont toutes à énergie positive : la transition énergétique. Et de se débar-
rasser des industries du passé, qui n’ont
elles produisent davantage plus leur place dans l’avenir.
—Oliver Pieper
d’énergie qu’elles n’en consomment. Publié le 14 janvier 2022
73
 À lire À voir
Power to the People
de Denis Paquette et Carmen Henriquez
(Canada, 2022)

Un avenir postcarbone est possible grâce

Énergies
de Maxence Cordiez
(2022, Tana Éditions)
Ce spécialiste des questions
d’énergie et de climat retrace
le rôle de l’énergie dans
le développement de nos
sociétés et fait le point sur les
éléments à notre disposition
pour réaliser une transition
vers une société bas carbone,
affranchie de sa dépendance
aux combustibles fossiles.
Nucléaire : stop ou encore?
d’Antoine de Ravignan
(2022, Les Petits Matins/
Institut Veblen)
Afin que chacun puisse
se forger un avis sur
cette question qui engage
notre futur énergétique
et climatique, le journaliste
d’Alternatives économiques
présente les faits et les enjeux
de façon claire et précise. Et
plaide pour un débat public.
Atlas de l’uranium
(2022, Rosa-Luxemburg-
Stiftung, accessible en ligne)
Cet ouvrage collaboratif
richement illustré explore
la filière de l’uranium.
Et montre comment
l’exploitation de ce minerai,
source d’une énergie souvent
présentée comme propre,
nuit à la santé des peuples
autochtones et reproduit
des rapports coloniaux.
à l’autodétermination, tel est le message central
de cette série documentaire en 13 épisodes
qui suit la militante Melina Laboucan-Massimo
à travers le Canada alors qu’elle rend visite
à des communautés amérindiennes
qui trouvent dans les énergies propres
une réponse à la crise climatique.
Visible sur powertothepeople.tv
Into Eternity
de Michael Madsen (Danemark, 2010)
Dans le nord de la Finlande, une gigantesque
grotte a été creusée pour abriter des déchets
nucléaires hautement radioactifs durant
cent mille ans. Ce documentaire en forme de film
de science-fiction montre ces travaux et aborde
la problématique de l’élimination des déchets
radioactifs sous l’angle de la temporalité.
Comment assumer une responsabilité
sur une échelle de temps aussi longue?

Puissions-nous vivre La Guerre des métaux rares Brut

longtemps
d’Imbolo Mbue (2022, Pocket)
Le deuxième roman
de l’écrivaine camerouno-
américaine se déroule dans
un village d’Afrique centrale
qui subit les conséquences
mortifères d’une exploitation
pétrolière implantée sur
ses terres. Un récit en écho
aux luttes africaines contre
le colonialisme extractiviste.
de Guillaume Pitron
(2018, Les liens qui libèrent)
Le discours de la transition
énergétique prospère
sur une pensée hors-sol,
explique ce journaliste. Car
l’extraction des minerais
nécessaires à la construction
d’une éolienne ou
d’un panneau solaire est loin
de présenter un bilan
environnemental nul.
de David Dufresne, Nancy
Huston, Naomi Klein, Melina
Laboucan-Massimo et Rudy
Wiebe (2015, Lux Québec)
L’exploitation des sables
bitumineux dans l’Alberta
est une catastrophe
pour l’environnement.
En témoignent ici tour à tour
le journaliste français,
les écrivains canadiens
et la militante amérindienne.
À jouer
Le Climate Game du “Financial Times”
S’appuyant sur des données scientifiques,
ce jeu en ligne aborde la transition énergétique
de façon interactive et pédagogique.
À vous d’utiliser au mieux votre budget pour
soutenir les investissements dans les énergies
renouvelables et la sobriété énergétique
afin d’éviter les catastrophes en chaîne
qui guettent la planète si elle entre en surchauffe.

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74 HORS-SÉRIE SEPTEMBRE-OCTOBRE 2022

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transformation vers des énergies plus renouvelables et bas carbone, pour une ville plus propre*.
Viktor, Coordinateur de projet, sur le site de BS|ENERGY, en Allemagne.

La transformation écologique, c’est notre raison d’être.

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