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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2008) 9, 65—70

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

FAITES LE POINT

L’hypnose éricksonienne dans la prise en charge de


la douleur chronique夽
Ericksonian hypnosis for the management of chronic pain

Maryline Pellegrini

Unité douleur, centre hospitalier de Belfort, CHBM,


14, rue de Mulhouse 90000 Belfort, France

Disponible sur Internet le 1 mai 2008

MOTS CLÉS Résumé L’hypnose éricksonienne, outil thérapeutique actuellement reconnu comme digne
Hypnose d’intérêt dans la prise en charge de la douleur chronique, sème encore doutes et controverses
éricksonienne ; au sein même du corps médical. Ce travail de réflexion tente de démystifier cette approche, en
Douleur chronique abordant ses mécanismes d’action sur la douleur d’un point de vue clinique et neurophysiolo-
gique. Les points d’impact possibles de l’hypnose sur la modulation de la douleur chronique sont
multiples. Elle permet des réajustements cognitivocomportementaux autant que le traitement
du symptôme douloureux lui-même. Cette technique s’inscrit dans une prise en charge pluri-
disciplinaire et il apparaît licite que les structures de prise en charge de la douleur enrichissent
leur arsenal thérapeutique de cet outil. Des études cliniques et neurophysiologiques restent
nécessaires pour mieux comprendre le phénomène d’analgésie hypnotique et adapter au mieux
cette technique aux symptômes variés, rencontrés chez les patients douloureux chroniques.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary Eriksonian hypnosis is a currently recognized therapeutic tool for the treatment
Ericksonian hynosis; of chronic pain, but with a contingent of doubt and controversy highly debated within the
Chronic pain medical community. In this work, we attempt to demystify this approach by describing the
mechanisms of action against pain from a clinical and neurophysiological point of view.
There are many possible ways hypnosis could have a potential impact on modulating chro-
nic pain. Cognitivobehavioral readjustments can be affected as much by hypnosis as by
chronic pain itself. It would be licit to include this therapeutic tool as part of an overall

夽 Travail élaboré à partir d’un travail de thèse, soutenue le 15 décembre 2006 sur « Apport de l’hypnose éricksonienne dans la
prise en charge de la fibromyalgie ».
Adresse e-mail : maryline.pellegrini@free.fr.

1624-5687/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.douler.2008.02.009
66 M. Pellegrini

pluridisciplinary approach to the chronic pain patient. Clinical and neurophysiological studies
are needed to better understand the phenomenon of hypnotic pain relief and to better adapt
the technique to the variety of symptoms presented by patients suffering from chronic pain.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction recherche, dont la définition pourrait à l’avenir s’établir sur


des données neurophysiologiques.
L’hypnose éricksonienne, grâce aux recherches actuelles,
réapparaît dans le champ médical comme un outil théra-
peutique reconnu comme digne d’intérêt dans le traitement Ce que n’est pas l’hypnose
de la douleur. Dans la littérature, diverses méta-analyses
dont celle de Patterson et Jensen soulignent l’efficacité De la magie ou un don surnaturel du
de l’hypnose éricksonienne dans la prise en charge de thérapeute
certains syndromes douloureux chroniques [1]. Bon nombre
de structures de prise en charge de la douleur ont donc Les hypnotiseurs de foire qui exploitent la catalepsie à
introduit cette technique afin d’élargir leur arsenal thé- son maximum rendent spectaculaires certains aspects de
rapeutique. Pour autant, l’hypnose continue de soulever la transe hypnotique. Il faut retenir que l’hypnose est une
interrogations et réticences au sein même du corps technique qui s’apprend. Elle demande un travail actif, tant
médical. Sans vouloir revenir sur le champ d’application de la part du patient que du thérapeute. Elle permet de
de l’hypnose en analgésie, sujet déjà traité par Ben- soulager les symptômes et de modifier le vécu par rapport à
haiem en 2002 [2], ce travail de réflexion a pour but la maladie, sans prétendre guérir une affection organique.
de démystifier cette approche cognitive aux indications Cela nous conduit à rappeler que l’hypnose est un état natu-
variées. Il va s’agir de comprendre ce qu’est ou bien rel dont nous faisons quotidiennement l’expérience, comme
encore ce que n’est pas l’hypnose, comment l’hypnose le souligne le Pr Faymonville, « l’hypnose est un don de la
agit sur le cerveau, puis comment, en pratique clinique, nature [. . .] nous en faisons tous l’expérience dans nos acti-
l’hypnose peut traiter de pathologies telles que la douleur vités quotidiennes, lorsque nous conduisons notre voiture de
chronique. manière automatique ou que nous n’entendons même plus
nos voisins de cinéma croquer du pop-corn une fois que nous
sommes captivés par le film. »
Qu’est ce que l’hypnose ?
De la relaxation
Ou encore, peut-on définir l’hypnose ? Force est de
constater qu’il n’existe pas de définition consensuelle L’hypnose et la relaxation diffèrent dans leur aspect
en ce début de xxie siècle. L’histoire montre que toute théorique. Des similitudes apparaissent cependant dans
tentative de définition s’est terminée par des querelles leur pratique. En effet, des suggestions de relaxation
d’école, rendant compte de la complexité du phénomène. (visant une décontraction musculaire et une détente de
L’hypnose médicale moderne se réfère principalement à l’esprit) peuvent être utilisées en hypnose pour induire
l’hypnose éricksonienne. Citons ainsi Joseph Barber, disciple un état de transe ou pour répondre à des objectifs
d’Erickson : « l’hypnose est un état de conscience modi- thérapeutiques. L’état hypnotique n’est cependant pas
fiée caractérisé par une réceptivité nettement augmentée obligatoirement obtenu après une phase de relaxation.
pour la suggestion, par la capacité d’altérer les perceptions La perception des sensations corporelles n’est pas systé-
et la mémoire et la possibilité de contrôler directement matiquement envisagée pendant la transe. Par ailleurs,
nombre de fonctions physiologiques habituellement invo- l’équipe de Castel a démontré dans une étude réali-
lontaires [. . .]. Toutes ces modifications du fonctionnement sée en 2006 que les suggestions d’analgésie sont plus
cognitif peuvent être utiles dans le contrôle douloureux » efficaces que les suggestions de relaxation et la relaxa-
[3]. tion seule sur la modulation de l’intensité douloureuse
[4].
En pratique clinique, les professionnels de santé
s’accordent à considérer l’hypnose comme une Un phénomène placebo
technique de communication et de
psychothérapie, permettant de modifier les Comme l’hypnose, le placebo a longtemps été considéré
perceptions comme la douleur et l’angoisse. comme un sujet impopulaire, rejeté par la communauté
neuroscientifique, soulignant les difficultés à appréhender
Elle réalise une sorte de « lâcher-prise » qui permet des ses mécanismes d’action. Le placebo et l’hypnose ont le
possibilités d’action de l’esprit sur le corps et de travail pouvoir commun de moduler la douleur par des processus
psychologique à un niveau inconscient. cognitifs. À cet effet, l’équipe de Kupers s’est intéressée
L’essor de l’hypnose au xxe siècle et de nos jours s’appuie en 2005 aux différences et similitudes du substrat neuronal,
sur les possibilités qu’elle offre d’explorer le fonction- provoquées par l’effet analgésique de l’hypnose et d’un pla-
nement subjectif des individus, au moyen de méthodes cebo [5]. Certaines aires impliquées dans le contrôle de la
proposées par l’imagerie fonctionnelle. L’hypnose apparaît douleur sont communément activées pendant l’action anal-
comme un outil non seulement thérapeutique, mais aussi de gésique de l’hypnose et du placebo, mais il n’y a pas de
L’hypnose éricksonienne dans la prise en charge de la douleur chronique 67

superposition objectivable des différentes aires activées. De insulaire, cingulaire et fonto-orbitaire, qui
plus, Levine en 1978, puis Gracely en 1983 et Lipman en interagissent entre elles.
1990 ont successivement démontré l’antagonisation par la
naloxone de l’action analgésique du placebo, ce qui n’est
pas le cas de l’analgésie hypnotique [5]. À ce jour, les auteurs s’accordent à dire que l’antalgie
engendrée par l’hypnose est à considérer comme le résultat
Un état de sommeil de la sommation et de l’interaction d’effets à de multiples
niveaux, et non comme la mise en action d’un seul système.
Le sujet en état d’hypnose présente un enregistrement élec- Les travaux menés par Rainville ont montré qu’il était
troencéphalographique d’éveil, bien distinct d’un état de possible, sous l’effet d’une suggestion hypnotique, de dis-
sommeil, avec des particularités non spécifiques. socier les dimensions sensorielle et affective de la sensation
douloureuse [7]. Des suggestions visant à réduire la per-
Une prise de pouvoir du thérapeute sur le ception de l’intensité de la douleur ont été associées à
patient une diminution significative de l’activité du cortex somes-
thésique primaire. Les suggestions visant à atténuer le
La soumission à la volonté du thérapeute est une peur répan- désagrément de la douleur ont été corrélées à l’activité du
due. Pour autant, ce n’est pas le pouvoir du thérapeute qui cortex cingulaire antérieur (CCA) [8].
soigne, mais la mise en acte des ressources personnelles En 2000, Faymonville et al. [9] ont tenté d’affiner la
du patient. L’hypnose éricksonienne n’est pas un pouvoir, compréhension des mécanismes de modulation de la dou-
mais un savoir. Elle se veut permissive et non autoritaire, leur par l’hypnose chez 11 volontaires sains. Les résultats
permettant au patient de garder son libre arbitre. La psy- obtenus par tomographie par émissions de positons ont indi-
chothérapie est faite par le patient lui-même, le thérapeute qué un changement significatif de l’activité du CCA en cours
fournissant au patient la possibilité et le contexte pour se d’hypnose en relation avec la composante affective et sen-
faire. Il aide le patient à mettre en route des programmes sorielle de la douleur.
inconscients de recherche de solutions à des problèmes. En utilisant une méthode d’analyse psychologique pour
évaluer la connectivité fonctionnelle1 , cette même équipe
Une psychanalyse à la recherche d’un refoulé a précisé que les suggestions d’analgésie en état d’hypnose
agissent plus précisément sur la partie moyenne du CCA, qui
Selon Roustang, « l’hypnose ne se fonde pas comme la va interagir avec des structures corticales et sous corticales,
psychanalyse, sur l’étude des névroses, elle ne prend responsables des modifications sensorielles, affectives,
appui sur aucune psychopathologie [. . .], elle n’éprouve cognitives et comportementales du message douloureux
nulle nécessité de faire appel au passé. Tous les moyens [10].
qu’elle utilise tendent à faire surgir dans le présent des Plus récemment, a été mise en évidence la reproductibi-
potentialités jusqu’alors insoupçonnées [. . .]. Sa question lité d’activation des deux thalamus, de l’insula gauche et
n’est pas « pourquoi en est-il ainsi ? Mais « comment épouser des deux CCA pendant l’état d’hypnose, comparé à l’état
et modifier les mouvements et orientations » [6]. de conscience en situation contrôle, malgré des conditions
Contrairement à l’hypnose, la psychanalyse n’est pas expérimentales distinctes [11].
une thérapie adaptative. Le travail de la psychanalyse, Les preuves neurophysiologiques et cliniques appa-
cherche semble-t-il en premier lieu à éclairer l’origine des raissent bien réelles. Mais elles s’accompagnent d’un certain
problèmes, et l’hypnose à chercher des solutions dans les nombre d’interrogations et de critiques qui méritent d’être
ressources propres du sujet. soulevées. Comment s’articule la modulation de la connecti-
vité du CCA avec l’ensemble des régions participant à la per-
ception émotionnelle, affective et sensoridiscriminative ?
Ne pourrait-elle pas être liée à la libération de substances
Rationalisation des phénomènes
biochimiques ? Les mécanismes de modulation de la dou-
analgésiques de l’état hypnotique : leur chronique sous hypnose sont-ils identiques en tout point
neuroanatomie fonctionnelle de la aux mécanismes visualisés pour des douleurs aiguës pro-
modulation de la nociception par voquées expérimentalement ? Ne peut-on pas se prononcer
quant à une certaine spécificité des effets de l’hypnose dans
l’hypnose la prise en charge des patients douloureux, aux vues de la
reproductibilité de certains effets neurophysiologiques ? Les
L’un des objectifs de l’approche neurophysiologique est de
conditions de l’expérimentation versus la pratique clinique
donner plus de crédibilité scientifique à l’hypnose. Au moyen
n’opposent-elles pas l’hypnose expérimentale de l’hypnose
de méthodes proposées par l’imagerie fonctionnelle, les
thérapeutique ? Qu’en est-il des effets à long terme de
chercheurs tentent d’identifier des paramètres neurophy-
l’hypnose sur la modulation d’une douleur chronique ?
siologiques objectifs et quantifiables, visant à confirmer la
Autant de questions, d’inconnus et de limites qui continuent
réalité des effets constatés de l’hypnose.
à alimenter l’enthousiasme des chercheurs actuels, avides
de saisir et comprendre mieux le phénomène hypnotique.
La douleur expérimentale s’accompagne de
l’activation d’un réseau de structures cérébrales
incluant notamment le thalamus, les cortex
somesthésiques primaire et secondaire, 1 Communication entre des aires cérébrales éloignées.
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Modulation de la douleur chronique par et affectif du patient. Elle est amplifiée par l’imagination
et la mémoire. Elle est perturbation de la conscience et
l’hypnose
de son fonctionnement habituel. Le patient douloureux est
L’hypnose éricksonienne repose sur une technique de lan- ainsi plongé dans une expérience perceptive qui devient
gage particulière et singulière, se déroulant dans une prioritaire face à la perception ordinaire de la réalité. Ses
logique d’efficacité thérapeutique. Le choix des suggestions mouvements volontaires laissent la place à des gestes de
hypnotiques doit être adapté selon la symptomatologie de protection et d’évitement.
chaque patient. L’hypnose peut participer à la prise en
charge de la douleur chronique par deux modes d’approche L’hypnose peut permettre de modifier la
complémentaire : celui de la douleur proprement dite, celui fascination hypnoïde induite par le contexte de
des conséquences systémiques de celle-ci. L’hypnose offre douleurs, en détournant l’attention vers un
ainsi la possibilité d’agir à divers niveaux. corps qui peut être autre chose que souffrance.

L’analgésie hypnotique L’esprit se décentre et la personne peut revivre d’autres


expériences.
L’« analgésie hypnotique » correspond à la réduction de
la sensibilité douloureuse et à la modification de cette
perception par des phénomènes hypnotiques. Soulager par
L’hypnose dans la prise en charge
l’hypnose ne consiste pas à supprimer des symptômes, mais pluridisciplinaire du patient douloureux
à produire un vécu ou une perception qui modifie le rapport chronique
au symptôme. Le patient est amené à changer sa manière
d’appréhender et d’interpréter le stimulus nociceptif Associée à des thérapeutiques médicamenteuses et non
par lui-même. À partir des mots utilisés par le patient médicamenteuses, l’hypnose joue le rôle d’outil adjuvant,
douloureux pour décrire ses maux, le thérapeute va utiliser agissant de façon synergique. Elle n’est jamais exclusive.
des techniques hypnotiques de contrôle de la douleur. Selon Parmi les différentes thérapies à visée psychologique pro-
les suggestions choisies, les processus sensoriperceptifs ou posées dans le cadre de l’algologie, la complémentarité
affectivoémotionnels associés à la douleur pourront être entre thérapie cognitivocomportementale et hypnose dans
modifiés. Dix-sept types de suggestions pour contrôler la le traitement de la douleur chronique a été soulignée
douleur ont été recensés dans la littérature : la relaxation [14].
musculaire, l’anesthésie et l’analgésie hypnotique, le
déplacement de la douleur, la dissociation, la distorsion du Les points d’impact de l’hypnose sur la
temps, la distorsion perceptuelle et la création d’un monde douleur chronique
de fantaisie, la substitution de la sensation douloureuse,
la concentration sur la douleur avec une nouvelle pers- Se référant au schéma du retentissement de la douleur
pective, le changement de signification et d’apparition de au cours de son évolution (Fig. 1)2 , on peut expliciter les
la douleur, la modification du processus douloureux par le points d’impact de l’hypnose dans la prise en charge du
contrôle des fonctions autonomes, l’amnésie hypnotique, la syndrome douloureux chronique. Ce schéma nous rappelle
régression d’âge, l’imagerie neuropsychologique, la tech- qu’une douleur due à une cause physique initiale peut
nique d’entremêlement et les techniques hypnoanalytiques persister et prendre de l’importance. Lorsque la douleur
[12,13]. devient chronique, le patient peut évoluer vers une dépres-
sion, des troubles cognitifs et comportementaux, influencés
L’hypnose en tant que processus d’adaptation par des facteurs environnementaux. Ces divers retentis-
et de modulation des apprentissages sements physiques, psychologiques et comportementaux
peuvent constituer des facteurs interactifs d’entretien et
L’individu est façonné d’apprentissage et de réflexes, qu’il d’amplification de la douleur. La superposition de tous ces
modifie en fonction d’événements comme la douleur. La per- aspects constitue un véritable cercle vicieux.
sistance d’une douleur peut ainsi créer de nouveaux réflexes Concernant la douleur proprement dit, l’hypnose
corporels, entretenant ou aggravant la douleur et mettant peut permettre de moduler l’intensité douloureuse et
en difficulté les capacités d’adaptation de celui qui souffre. d’améliorer son vécu subjectif, en agissant par exemple
Le renforcement des capacités adaptatives face à la dou- sur la symptomatologie dépressive et anxieuse, responsable
leur constitue un objectif thérapeutique intéressant, ce que d’insomnie, de fatigue, de dramatisation, d’anticipation
l’hypnose peut permettre en modifiant les mauvais appren- anxieuse de la douleur, de perte d’intérêt et de confiance
tissages et réflexes pour les remplacer par des mécanismes en soi. Les suggestions peuvent être dirigées vers une
d’adaptation plus adéquats, facilitant le soulagement. détente musculaire, afin de diminuer les tensions corpo-
relles. Les composantes cognitives et comportementales
La douleur : un modèle hypnotique négatif avec kinésiophobie et conduite d’évitement peuvent être

« Quant à la douleur, elle serait hypnotisante dans la mesure 2 Schéma du retentissement de la douleur au cours de son évolu-
où elle porterait l’attention à se retirer du monde extérieur tion, adapté pour ce travail d’après l’ouvrage de Serrie A et Thurel
vers l’intérieur du corps propre », Delboeuf. Ainsi, la douleur C. La douleur en pratique quotidienne, diagnostic et traitements.
est fixation de l’attention, réduction du monde sensoriel Éd. Arnette, 2002, 2e éd. p. 60.
L’hypnose éricksonienne dans la prise en charge de la douleur chronique 69

Figure 1. Retentissement de la douleur au cours de son évolution.

accessibles à des suggestions cognitives de coping (ou le sibles facteurs d’amplification, l’hypnose peut permettre
pouvoir d’affronter). soulagement et gain en terme de qualité de vie.
En somme, l’hypnose permet de rechercher des solutions Les données neurophysiologiques apportent une valida-
afin d’atténuer les couches de souffrance. Elle garde cet tion de l’analgésie hypnotique en démontrant que cette
avantage de rompre le cercle vicieux de la douleur chro- intervention agit sur l’activité cérébrale qui sous-tend
nique par le patient lui-même, devenu acteur de sa prise l’expérience normale de la douleur. La recherche fondamen-
en charge. Elle contribue à une prise en charge adaptée et tale fait cependant ressurgir un certain nombre de limites
personnalisée non seulement à la pathologie, mais aussi à et d’interrogations qui font de ce phénomène encore peu
l’être malade et son contexte de vie globale. saisissable un sujet d’études sans précédent.
L’intérêt de l’hypnose dans la prise en charge des patients
L’hypnose, le douloureux chronique et la douloureux ne fait donc pas de doute. Il apparaît licite
relation médecin—malade d’introduire cette approche au sein des structures pluridis-
ciplinaires de prise en charge de la douleur, sans craindre
Une douleur intense, devenue orpheline d’explication et de d’être accusé de charlatanisme. Pour plus de rigueur, des
soulagement, peut rendre difficile la relation avec le malade essais cliniques restent nécessaires pour évaluer le rôle
douloureux. Par la qualité de son écoute et le climat de de l’hypnose à long terme, en association aux traitements
confiance qu’elle instaure, l’hypnose éricksonienne tient conventionnels de divers syndromes douloureux chroniques
une place de choix dans l’élaboration de l’alliance théra- et ainsi permettre une diffusion consensuelle de cette
peutique. « L’hypnose est une relation pleine de vie qui a pratique. Le choix des techniques hypnotiques à utiliser
lieu dans une personne et qui est suscitée par la chaleur et à adapter plus spécifiquement aux symptômes invali-
d’une autre », Erickson. dants de chaque patient douloureux implique que cet outil
soit entre de bonnes mains, c’est-à-dire formées à cette
approche.
Conclusion
Agir sur la douleur implique de s’intéresser à toutes ses Références
dimensions, aux symptômes associés et aux potentiels fac-
teurs d’entretien. Par ses impacts directs sur la douleur, son [1] Patterson DR, Jensen MP. Hypnotic treatment of chronic pain.
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70 M. Pellegrini

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