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21, n° 1, 200 0
Liliana CANÉ1
Institut Milton H. Erickson de Montréal
Résumé
Mots clés : hypnose clinique, hypnothérapie éricksonienne, thérapie brève avec hypnose,
thérapie stratégique avec hypnose, logique de la communication hypnotique en
psychothérapie
1. Mme Liliana Cané est directrice de l’Institut Milton H. Erickson de Montréal, Centre
Castelnau, 7399, boul. Saint-Laurent, Montréal (Québec), H2R 1W7.
Courriel : licane@compuserve.com, site internet : www.centrecastelnau.com/IMHEM,
téléphone : (514) 990-0449, télécopieur : (514) 273-0507.
L’auteure désire remercier Monique Senécal, psychologue, pour sa collaboration à cet
article et les trois correcteurs anonymes pour leurs suggestions pertinentes.
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INTRODUCTION
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À l’aide d’exemples cliniques, cet article illustre quelques-unes des
stratégies d’intervention ainsi que sept composantes de l’hypnothérapie
éricksonienne : l’établissement du contact, le diagnostic et l’établissement
des buts thérapeutiques, le décloisonnement des ressources, le travail
avec les résistances et les symptômes, l’utilisation du langage et le
recadrage, les nouvelles ouvertures et les apprentissages et, finalement, le
passage à l’action et le suivi.
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Dans l’exemple cité, Marie privilégie l’univers de sensations comme
mode de définition de sa réalité : elle se sent anxieuse, soulagée, etc.
Cette façon de parler de son vécu permet de déterminer chez Marie un
mode kinesthésique. Dans un souci de la suivre au niveau de son langage,
les réponses se font dans un mode de langage parallèle : « Vous vous
sentez en perte de moyens » et « se laisser glisser dans un état de détente
profonde ». Ceci est fait à un rythme qui épouse de près celui véhiculé par
Marie. Le résultat est immédiat; Marie se sent écoutée et très vite en
confiance. Déjà, elle est prête à s’aventurer plus loin.
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Dans un premier temps, il s’agit de comprendre comment la personne
construit son problème puisque cette compréhension fournit les pistes de
référence vers ses solutions :
Tout objectif qui peut s’avérer difficile à atteindre ou inutile doit être
minimisé ou redéfini. Par exemple, Marie n’a pas besoin de se faire une
nouvelle relation de couple pour se sentir bien dans sa vie. Le fait de
remarquer qu’elle est bien en devenant flexible et indépendante dans ses
relations sociales peut être suffisant.
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Afin d’installer chez Marie un mouvement orienté vers les solutions, le
thérapeute s’attarde à établir et explorer les domaines de compétence, les
forces, les ressources et les motivations de celle-ci. Cette démarche donne
un cadre positif à la thérapie qui s’attarde beaucoup plus à décloisonner les
ressources et motivations naturelles du client qu’à l’analyse des
pathologies sous-jacentes. Marie, par exemple, est secrétaire exécutive
dans une firme au centre-ville. Chaque jour, elle répond à de multiples
demandes de son service et des clients de l’entreprise. La description de
quelques interactions précises dans son travail permet au thérapeute de
souligner certaines compétences sociales qui existent déjà dans son
répertoire. Plus tard, à l’aide d’une transe hypnotique, le thérapeute peut
suggérer à Marie, par exemple, de remplacer le visage d’un collègue de
travail par celui d’une nouvelle connaissance dans un nouveau contexte
social. De cette façon, il décloisonne une habileté que Marie utilise de
façon restrictive dans son travail et rend cette ressource flexible. Ainsi,
Marie augmente son sens de compétence et son concept d’elle-même
devient moins rigide.
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est d’inviter simplement la personne à évoquer un moment agréable lors
des dernières vacances. De cette manière, au lieu de « résister » à la
commande « détends-toi » (qui est d’ailleurs souvent totalement
inefficace), la personne accepte de bâtir son propre état de détente à
travers l’évocation d’une situation déjà vécue d’une manière très agréable.
La même réponse peut être provoquée de façon implicite si le thérapeute
se met à parler d’une situation agréable de vacances que quelqu'un a déjà
vécue. Le client répond, alors, tout naturellement avec des souvenirs qui lui
appartiennent et selon la réponse de détente qui les accompagne.
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Le recadrage ouvre diverses possibilités. Les mots utilisés impliquent
de nouvelles alternatives et des perspectives non pathologiques qui
rassurent et motivent. Le langage devient générateur de changement. Le
thérapeute éricksonien capte l’attention du client et l’amène, d’un cadre
négatif où il y a une survalorisation du symptôme, vers une orientation plus
positive et motivante. Une façon efficace et facile d’y arriver est d’utiliser
une question qui définit des objectifs clairs et qui oriente la personne vers
le futur. Ainsi, le thérapeute demande à Marie : « Si tu avais une baguette
magique qui pouvait te projeter vers le futur et te permettre un jour de te
réveiller avec le problème complètement transformé, comment serait-ce
jour-là? » Marie répond : « Je serais parfaitement reposée et calme, car
j’aurais dormi toute la nuit. Je me lèverais contente pour aller rencontrer un
groupe d’amis avec lesquels je serais en train d’organiser une soirée
causerie. ». Marie s’est servie de son imaginaire pour bâtir une situation
qui devient un objectif à atteindre.
Il faut aussi ajouter que l’utilisation de l’hypnose est agréable tant pour
la personne qui consulte que pour le thérapeute. En effet, la personne vit
toutes sortes de situations avec un degré de réalité étonnant tout en étant
détendue et dans une situation protégée. Pour le thérapeute, il est plus
facile de travailler dans cette approche s’il se laisse aussi glisser vers une
transe légère orientée vers l’extérieur. Il s’agit d’un état d’orientation de
l’attention vers le client qui permet au thérapeute d’écouter le contenu du
message verbal, de voir toutes les réactions non verbales (tant du visage
que du restant du corps), de s’harmoniser complètement avec l’expérience
affective et cognitive de son client et d’être attentif à une foule de micro-
indices de communication. Cette réponse est extrêmement valable en
psychothérapie puisqu’elle permet au thérapeute d’être en même temps
très détendu et très attentif à toute l’information provenant de son client.
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est vrai. Le thérapeute doit éduquer son client en ce qui a trait à des
attentes réalistes vis-à-vis de l’hypnose et sur l’aide qu’elle peut apporter
dans le processus thérapeutique.
Une autre façon de s’assurer que les acquis se manifestent dans la vie
quotidienne du client est de le faire se projeter dans le futur. Cette stratégie
hypnotique permet à la personne de faire des pratiques supervisées
pendant lesquelles elle ancre ses acquis thérapeutiques dans la réalité.
Marie, par exemple, a vécu des transes dans lesquelles elle se réveillait le
matin et se surprenait à découvrir qu’elle avait dormi profondément toute la
nuit. Elle a aussi vécu plusieurs transes dans lesquelles elle assistait à des
activités culturelles de son choix.
CONCLUSIONS
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En utilisant le langage et d’autres stratégies de communication de
façon bien précise, le thérapeute décloisonne la créativité de son client. Ce
dernier arrive à s’exprimer avec plus d’efficacité, obtient des solutions à
ses problèmes et découvre de nouveaux modes de satisfaction dans sa
vie. Ceci renforce son estime de soi et la perception qu’il a de son efficacité
personnelle.
Abstract
Key words : clinical hypnosis, ericksonian hypnotherapy, brief therapy with hypnosis,
strategic therapy with hypnosis, logic of hypnotic communication in
psychotherapy
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131
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