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Jean de la Fontaine (1621 - 1695)

Huit fables

pour tes examens de maturité

© Boris Ehret, 2023


Dans ce dossier nous allons étudier les suivantes fables :

Page

- Le Loup et la Cigogne 7
- La Cigale et la Fourmi 11
- La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf 15
- Le Corbeau et le Renard 18
- Le Loup et l’Agneau 21
- Le Lion et le Rat 24
- Le Chêne et le Roseau 26
- Le Pot de terre et le Pot de fer 30

2
Le XVIIe siècle
En général, la société au XVIIe siècle était hiérarchisée, avec une distinction claire entre les
classes sociales. Les personnes étaient généralement nées dans une classe sociale spécifique
et y restaient toute leur vie.
En France la forme de gouvernement était la monarchie absolue. Louis XIV a fait construire
le château de Versaille. Le pouvoir était concentré entre les mains du roi. L’Église
(catholique) était également une force importante dans la société. Les tensions religieuses
étaient fréquentes, en particulier entre les catholiques et les protestants.
Dans les villes, les artisans et les commerçants formaient une classe moyenne en plein
développement, tandis que les paysans et les ouvriers agricoles travaillaient dur pour gagner
leur vie. Les femmes avaient peu de droits et étaient souvent confinées aux rôles
domestiques.
La culture et les arts étaient très importants au XVIIe siècle, avec l'apparition du baroque en
art et en architecture, ainsi que la littérature classique et le développement de la science
moderne. Les grandes découvertes géographiques ont également marqué ce siècle.

3
Jean de la Fontaine
En septembre 1661, la vie de Jean de La Fontaine, célèbre poète de 40 ans, se trouve
bouleversée. Son soutien et mécène, le ministre Nicolas Fouquet, est arrêté par le roi Louis
XIV, suite à une fête extravagante qui a suscité la méfiance du roi. La Fontaine perd ainsi son
emploi : il écrivait des poèmes pour Fouquet en échange d'une rémunération.

La Fontaine est né en 1621 à Château-Thierry, petite ville au nord-est de Paris. Fils d'une
famille noble, il préférait la nature à l'école. À 20 ans, ne sachant pas encore quelle direction
donner à sa vie, il entre dans un couvent, pensant que la vie de prêtre serait facile.
Cependant, il se rend vite compte que la vie monastique n'est pas pour lui. Il part alors pour
Paris afin d'étudier le droit, mais il préfère lire des romans et profiter de la vie nocturne. À
26 ans, il retourne à Château-Thierry pour un mariage arrangé, mais il ne s'avère pas être un
bon mari ou un bon père.
Malgré son aversion pour le travail, La Fontaine aime écrire. À 33 ans, il publie son premier
ouvrage, une traduction d'une pièce de théâtre latine qui n'attire pas l'attention. À court
d'argent, il accepte un emploi de Nicolas Fouquet pour écrire des poèmes. Après
l'arrestation de Fouquet, il reste discret pendant quelques années avant de devenir
"gentilhomme" au service de duchesses, divertissant l'aristocratie avec des histoires épicées.
En 1665, il publie "Contes", un recueil d'histoires érotiques en vers, qui rencontre un grand
succès. Trois ans plus tard, il publie son premier livre de fables, qui sera suivi de deux autres,
marquant ainsi le début de sa gloire littéraire.
La Fontaine utilise le format de la fable, un court récit avec une morale, qui existe depuis
l'Antiquité. Il se base sur les fables d'Ésope, un poète grec, mais il y apporte deux innovations
: ses personnages sont des animaux, et ses fables sont en vers. Les fables étaient mal vues à
son époque, mais grâce à La Fontaine, elles deviennent un outil d'enseignement et un
exemple de belle écriture. Ses fables les plus connues sont "La Cigale et la Fourmi", "Le
Corbeau et le Renard", et "La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf". Les
morales de ces fables sont aujourd'hui des proverbes connus de tous les Français.
4
Le 2 mai 1684 est un jour de joie pour La Fontaine. Malgré l'opposition initiale de Louis XIV, il
entre à l'Académie française, une grande réalisation pour un poète. La Fontaine continue
d'écrire et assiste à chaque réunion de l'Académie. Sentant la fin de sa vie approcher, il se
tourne vers la religion, reniant ses contes érotiques et tout texte qui pourrait offenser
l'Église.
La Fontaine meurt en 1695, laissant derrière lui une œuvre importante dans le patrimoine
culturel français. Depuis la fin du XVIIe siècle, les écoliers français apprennent par cœur ses
fables. Comme l'écrivait Erik Orsenna, un romancier : "Depuis l'enfance, La Fontaine est
notre ami. Et les animaux de ses Fables, notre famille."
En septembre 1661, Jean de La Fontaine, un poète de 40 ans, est dans une situation difficile.
Son protecteur, le ministre Nicolas Fouquet, a été arrêté par le roi Louis XIV. La fête
somptueuse organisée par Fouquet a provoqué la colère du roi, qui le suspectait déjà
d'ambition démesurée. Ainsi, La Fontaine perd son emploi : il travaillait pour Fouquet en
échange d'un salaire, composant des poèmes pour lui.
La Fontaine est né en 1621 dans une famille noble. Il aimait la nature plus que l'école. À 20
ans, ne sachant pas quoi faire de sa vie, il entre au couvent, mais vite réalise que cette vie
n'est pas pour lui. Il déménage alors à Paris pour étudier le droit, mais préfère s'amuser et
lire beaucoup. Plus tard, il se marie dans un arrangement familial, mais ce mariage ne
marche pas.
La Fontaine aime écrire, malgré son désintérêt pour le travail. À 33 ans, il publie son premier
livre, une traduction d'une pièce latine, qui passe inaperçue. Quand l'argent commence à
manquer, il travaille pour Nicolas Fouquet. Après l'arrestation de Fouquet, La Fontaine se fait
discret pendant quelques années, puis travaille pour des duchesses, racontant des histoires
divertissantes. En 1665, il publie ses "Contes", une série d'histoires érotiques en poésie. C'est
un succès. Trois ans plus tard, il publie son premier livre de fables, qui le rend célèbre.
La Fontaine n'a pas inventé le concept de la fable, un court récit avec une morale. Il a
simplement réinventé les fables du poète grec Ésope, en les mettant en vers et en utilisant
des animaux comme personnages. Il a réussi à rendre la fable populaire et éducative. Ses
fables les plus connues sont "La Cigale et la Fourmi", "Le Corbeau et le Renard" et "La
Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf". Les morales de ces fables sont
toujours connues des Français.
En mai 1684, La Fontaine réalise son rêve en entrant à l'Académie française. Malgré
l'opposition initiale du roi, il continue à écrire et participe à toutes les séances de
l'Académie. En vieillissant, il se tourne vers la religion, reniant ses contes érotiques et tout ce
qui pourrait déplaire à l'Église.
La Fontaine meurt en 1695. Son travail reste très important dans la culture française. Depuis
sa mort, ses fables sont apprises par cœur par tous les écoliers français.

Compréhension de texte
1. Jean de La Fontaine est né à Paris.
O Vrai O Faux
2. La Fontaine avait un amour profond pour l'école depuis son enfance.
O Vrai O Faux
3. La Fontaine a travaillé pour Nicolas Fouquet, qui était un ministre.
O Vrai O Faux
5
4. La Fontaine a tenté de vivre dans un couvent avant de décider que ce n'était pas pour
lui.
O Vrai O Faux
5. La Fontaine a écrit un livre de contes érotiques qui a connu un grand succès.
O Vrai O Faux
6. La Fontaine a inventé le concept de la fable.
O Vrai O Faux
7. Les personnages principaux des fables de La Fontaine sont souvent des animaux.
O Vrai O Faux
8. La Fontaine est entré à l'Académie française sans aucune opposition.
O Vrai O Faux
9. Le premier livre de La Fontaine était une traduction d'une pièce de théâtre latine.
O Vrai O Faux
10. La Fontaine a travaillé pour des duchesses après l'arrestation de Nicolas Fouquet.
O Vrai O Faux
11. La Fontaine a toujours aimé le travail.
O Vrai O Faux
12. Les fables de La Fontaine étaient très populaires à son époque.
O Vrai O Faux

C'est quoi, une fable ?


Une fable est un genre littéraire qui prend généralement la forme d'une courte histoire ou
d'un poème, dont le but est de présenter une leçon ou une morale à la fin. Les personnages
de ces histoires sont souvent des animaux anthropomorphisés, c'est-à-dire qui ont des traits
humains. Cependant, les fables peuvent également présenter des humains, des dieux ou des
êtres surnaturels.
La fable est un moyen d'enseigner une leçon morale ou une vérité sur la nature humaine de
manière subtile et agréable. Les situations présentées dans les fables sont souvent
exagérées ou ironiques, permettant aux lecteurs de comprendre clairement la leçon que
l'auteur souhaite enseigner.
Ce genre est particulièrement associé à des auteurs comme Ésope, un conteur grec de
l'Antiquité, dont les fables ont été largement traduites et adaptées. Jean de La Fontaine a
modernisé les fables d'Ésope et en a créé de nouvelles.
Les fables de La Fontaine utilisent l'humour, l'ironie et des caractéristiques animales pour
critiquer les comportements humains et les conventions sociales de son époque.

6
Le Loup et la Cigogne

Les Loups mangent gloutonnement.


Un Loup donc étant de frairie,
Se pressa, dit-on, tellement
Qu'il en pensa perdre la vie.
5 Un os lui demeura bien avant au gosier.
De bonheur pour ce Loup, qui ne pouvait crier,
Près de là passe une Cigogne.
Il lui fait signe, elle accourt.
Voilà l'opératrice aussitôt en besogne.
10 Elle retira l'os ; puis, pour un si bon tour,
Elle demanda son salaire.
Votre salaire? dit le Loup,
Vous riez, ma bonne commère.
Quoi ! Ce n'est pas encor beaucoup
15 D'avoir de mon gosier retiré votre cou !
Allez, vous êtes une ingrate ;
Ne tombez jamais sous ma patte.

Vocabulaire
gloutonnement de manière gourmande, avec beaucoup d'appétit
frairie divertissement, partie de plaisir bas, festin
gosier gorge
l’opératrice chirurgien ou médecin empirique
en besogne au travail
salaire rémunération, paye - vient du mot latin pour "sel"
commère amie
ingrate qui n'a pas de reconnaissance

Paraphrase
Les loups ont l'habitude de manger très vite. Un jour, un loup mangeait si vite qu'il a failli
s'étouffer. Un os était coincé profondément dans sa gorge. Heureusement pour lui, il n'a pas
pu crier à cause de l'os, mais une cigogne passait à proximité. Il l'a appelée et elle est venue.
La cigogne a immédiatement commencé à travailler. Elle a retiré l'os de la gorge du loup.
Ensuite, pour avoir sauvé le loup, elle a demandé à être payée. Le loup a été surpris. Il a dit à
la cigogne : "Tu veux être payée ? Tu rigoles, n'est-ce pas ? N'est-ce pas déjà assez que tu
aies pu retirer ton cou de ma gorge sans être blessée ? Va-t'en, tu es ingrate. Et ne tombe
jamais entre mes griffes."

7
La versification
Pour pouvoir bien lire, il faut faire le décompte des syllabes :
Règle générale : Toutes les syllabes doivent être comptées.
Mais il faut faire attention au -e muet.

Règle 1 : le e muet ne se prononce jamais dans la dernière syllabe d’un vers.


Règle 2 : le e muet ne se prononce pas lorsqu’il est placé devant une voyelle.
Règle 3 : le e se prononce lorsqu’il est placé devant une consonne.

Exemple 1 : (Le Loup et la Cigogne – la fin du vers 4)


…. perdre la vie. on lit : …. perd / re / la / vi(e).
1. Le -e de perdre doit être compté et lu, parce qu’il est
suivi d’une consonne. (Règle 2)
2. Le -e de vie ne doit être compté ni lu, parce que c’est
un e muet à la fin d’un vers. (Règle 1)
Exemple 2 : (Le Loup et la Cigogne – vers 9)
Voilà l'opératrice aussitôt en besogne.
on lit : Voi / là / l'o / pé / ra / tric(e) // aus /si /tôt / en / be / sogne.
(12 syllabes – 6 + 6 – Règle 3)
➔ Ne pas prononcer le e s’appelle faire une élision. (Règle 2)
Attention :
Quand plusieurs voyelles se suivent dans un mot, il faut savoir combien de syllabes elles
forment, parce que la lecture (la diction) de la fable en dépend.
Diérèse On parle de diérèse lorsque dans un mot contenant deux voyelles successives,
on prononce ces deux voyelles comme deux syllabes.
Exemple: (Le Loup et la Cigogne – vers 13)
Vous riez… on compte et on lit : Vous / ri / ez, / ma / bon / ne / com / mère.

Synérèse On parle de synérèse lorsque deux voyelles successives se prononce en une


seule syllabe.
Exemple: (Le Loup et la Cigogne – vers 5)
… bien avant au gosier on compte et on lit : bien / av / ant /au / go / sier.
8
Les vers
Heptasyllabe: 7 syllabes
Octosyllabe: 8 syllabes
Décasyllabe: 10 syllabes
Endécasyllabe : 11 syllabes
Alexandrin: 12 syllabes

Le rythme

Césure : Pause qui divise le vers en deux parties égale – typique dans les
alexandrins.
Enjambement : Quand on fait déborder une phrase au vers suivant.

Exemple : (Le Loup et la Cigogne – vers 14-15)


Quoi ! Ce n'est pas encor beaucoup
D'avoir de mon gosier retiré votre cou !

La lecture (décompte des syllabes)

Les / Loups / man / gent / glou / ton / ne / ment. (octosyllabe)


Un / Loup / donc / é / tant / de / frai / rie, (octosyllabe)
Se / pres / sa, / dit / on, / tel / le / ment (octosyllabe)
Qu’il / en / pen / sa / perd / re / la / vie. (octosyllabe)
Un / os / lui / de / me / ra // bien / av / ant /au / go / sier. (alexandrin - césure)
De / bon / heur / pour / ce / Loup, // qui / ne / pou /vait / cri / er (alexandrin - césure)
Près / de / là / pas / s(e) un / e / Ci / gogne. (octosyllabe)
Il / lui / fait / si / gne, / elle / ac / court. (octosyllabe)
Voi / là / l'o / pé / ra / tric(e) // aus /si /tôt / en / be / sogne. (alexandrin - césure)
El / le / re / ti / ra / l'os ;// puis, / pour / un / si / bon / tour, (alexandrin - césure)
El / le / de / man / da / son / sa / laire. (octosyllabe)
Vot / re / sa / lai / re? / dit / le / Loup, (octosyllabe)
Vous / ri / ez, / ma / bon / ne / com / mère. (octosyllabe)
Quoi ! / Ce / n'est / pas / en / cor / beau /coup (octosyllabe)
D'a / voir / de / mon / go /sier // re / ti / ré / vo /tre / cou ! (alexandrin - césure)
Al / lez, / vous / ê / tes u /ne / in /grate ; (octosyllabe)
Ne / tom / bez / ja / mais / sous / ma / patte. (octosyllabe)

9
Les rimes

Rimes suivies (ou plates): AABB


Rimes embrassées: ABBA
Rimes croisées: ABAB

Rime pauvre : 1 son


Rime suffisante: 2 sons
Rime riche : plus de 2 sons

Les rimes et les enjambements


Les Loups mangent gloutonnement. A Rime suffisante
Un Loup donc étant de frairie, B Rime pauvre
Se pressa, dit-on, tellement A Rime suffisante
Qu'il en pensa perdre la vie. B Rime pauvre
Un os lui demeura bien avant au gosier. C Rime suffisante
De bonheur pour ce Loup, qui ne pouvait crier, C Rime suffisante
Près de là passe une Cigogne. D Rime suffisante
Il lui fait signe, elle accourt. E Rime suffisante
Voilà l'opératrice aussitôt en besogne. D Rime suffisante
Elle retira l'os ; puis, pour un si bon tour, E Rime suffisante
Elle demanda son salaire. F Rime suffisante
Votre salaire? dit le Loup, G Rime pauvre
Vous riez, ma bonne commère. F Rime suffisante
Quoi ! Ce n'est pas encor beaucoup GG Rime pauvre
D'avoir de mon gosier retiré votre cou ! G Rime pauvre
Allez, vous êtes une ingrate ; H Rime suffisante
Ne tombez jamais sous ma patte. H Rime suffisante

Rouge rimes croisées


Bleu rimes suivies

Jaune enjambement

Morale :
Dire merci et ressentir de la gratitude est quelque chose d'impossible pour une mauvaise
personne. Elle ne saura qu'abuser de son statut et prendre de haut les personnes qu'elle
considère inférieur. La morale de cette fable invite aussi les "plus faibles" à se remettre en
question et à se demander pourquoi est-ce qu'il continue à aider les plus forts ?
On parle donc de cynisme et de méchanceté – et aussi de la loi du plus fort.

10
La Cigale et la Fourmi

La cigale, ayant chanté


Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
5 Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
10 Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'oût , foi d'animal,
Intérêt et principal."
15 La fourmi n'est pas prêteuse;
C'est là son moindre défaut.
"Que faisiez-vous au temps chaud?"
Dit-elle à cette emprunteuse.
"Nuit et jour à tout venant
20 Je chantais, ne vous déplaise."
"Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien : dansez maintenant."

Vocabulaire
la bise: vent du nord, qui annonce l'hiver
vermisseau: petit verre de terre
la saison nouvelle: le printemps
l'oût: le mois août
principal: le capital

Analyse de la fable :
Quels traits de caractère (qualités et défauts) les deux personnages présentent-ils ?
La Cigale
positif : La joie de vivre, le chant, la sociabilité, le souci de trouver un
arrangement,
négatif : L’imprévoyance, la naïveté…
La Fourmi
positif : Le goût du travail, la prévoyance, l’économie
négatif : L’avarice, l’intolérance, la moquerie, l’absence d’empathie…

A quels modes de vie ces caractères se réfèrent-ils ?


La Cigale : vivre dans le présent, recherche du plaisir, improvisation, recherche du
contact social, compte sur la solidarité des autres

11
La Fourmi : se projette dans l’avenir, vie structurée, acceptation de sacrifices pour
un bénéfice plus tard, compte seulement sur elle-même

On peut lire la fable comme : - l’éloge des vertus de l’économie et la condamnation de


l’oisiveté (ne rien faire)
- la critique d’une économie capitaliste qui érige
l’avarice en système au détriment de la charité
- l’éloge de l’art en général

Qui le remporte sur l’autre dans cette fable ?


Sur le plan pragmatique, évidemment la fourmi, puisqu’elle possède des réserves pour
l’hiver et ne subit aucun dommage.
Pour qui La Fontaine prend-il parti ?
Le narrateur ne prend pas forcément parti pour le gagnant.

Et vous, de quel personnage vous sentez-vous plus proche ?

La lecture (le décompte des syllabes)

La / ci / ga / le, ay / ant / chan / té (7)


Tout / l'é / té, (3)
Se / trou / va / fort / dé / pour / vue (7)
Quand / la / bi /se / fut / ve / nue. (7)
Pas / un / seul / pe /tit / mor /ceau (7)
De / mou / che ou / de / ver / mis / seau. (7)
El/le al / la / cri / er / fa /mine (7)
Chez / la / four / mi / sa / voi / sine, (7)
La / pri / ant / de / lui / prê / ter (7)
Quel / que / grain / pour / sub / sis / ter (7)
Jus / qu'à / la / sai / son / nou / velle (7)
"Je / vous / paie / rai, / lui / dit- / elle, (7)
A / vant / l'oût , / foi / d'a / ni / mal, (7)
In / té / rêt / et / prin / ci / pal." (7)
La / four / mi / n'est / pas / prê / teuse; (7)
C'est / là / son / moin / dre / dé / faut. (7)
"Que / fai /siez- / vous / au / temps / chaud?" (7)
Dit- / el / le / à / cet / te em / prun / teuse. (7)
"Nuit / et / jour / à / tout / ve /nant (7)
Je / chan / tais, / ne / vous / dé / plaise." (7)
"Vous / chan/ tiez ? / j'en / suis / fort / aise. (7)
Eh / bien: / dan / sez / main / te / nant." (7)

Irrégularité : vers 2 « Tout l’été ». Ceci souligne que l’été a été/est très court. La cigale a
chanté pendant très longtemps («tout») sans penser à la mauvaise saison. Le vers exprime
donc l’oubli du temps en un sens positif (expérience poétique) ou négatif (irresponsabilité),
selon son propre système de valeurs.
12
Les enjambements

La cigale, ayant chanté


Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
5 Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
10 Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'oût , foi d'animal,
Intérêt et principal."
15 La fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut.
"Que faisiez-vous au temps chaud?"
Dit-elle à cette emprunteuse.
"Nuit et jour à tout venant
20 Je chantais, ne vous déplaise."
"Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien : dansez maintenant."

Attention : pendant la lecture il faut tenir compte des enjambements et donc éviter de faire
une pause à la fin du vers.

13
Les rimes

La cigale, ayant chanté (A)


Tout l'été, (A)
Se trouva fort dépourvue (B)
Quand la bise fut venue. (B)
5 Pas un seul petit morceau (C)
De mouche ou de vermisseau. (C)
Elle alla crier famine (D)
Chez la fourmi sa voisine, (D)
La priant de lui prêter (E)
10 Quelque grain pour subsister (E)
Jusqu'à la saison nouvelle (F)
«Je vous paierai, lui dit-elle, (F)
Avant l'oût , foi d'animal, (G)
Intérêt et principal.» (G)
15 La fourmi n'est pas prêteuse; (H)
C'est là son moindre défaut. (I)
«Que faisiez-vous au temps chaud?» (I)
Dit-elle à cette emprunteuse. (H)
«Nuit et jour à tout venant (J)
20 Je chantais, ne vous déplaise.» (K)
«Vous chantiez ? j'en suis fort aise. (K)
Eh bien : dansez maintenant.» (J)

Ici on trouve surtout des rimes suivies et, à la fin, des rimes embrassées.

Les rimes féminines et les rimes masculines :


Elles sont organisées en principe dans toutes les autres formes « traditionnelles » selon
une alternance rime féminine (= qui se termine par un e muet.) / rime masculine (= toutes
les autres rimes…).
Ici A est masculine, B est féminine.

14
La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf

Une Grenouille vit un bœuf


Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
5 Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant : Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
"Nenni." "M'y voici donc ?" "Point du tout." "M'y voilà ?"
"Vous n'en approchez point." La chétive pécore
10 S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout Bourgeois veut bâtir comme les grands Seigneurs,
Tout petit Prince a des Ambassadeurs,
Tout Marquis veut avoir des Pages.

Vocabulaire
se travaille essaie de grossir
nenni ancien mot qui veut dire "non"
chétive fragile, maigre
pécore bête stupide
Bourgeois personne riche mais qui n'est pas noble
Seigneur personne de la noblesse
Prince fils d'un roi ou grand seigneur
Ambassadeur représentant
Marquis titre de noblesse peu élevé
Pages jeune homme au service d'un roi ou d'un prince

La paraphrase
Il y avait une grenouille qui a vu un bœuf et a été vraiment impressionnée par sa taille. Elle,
petite et minuscule comme un œuf, s'est sentie jalouse et a commencé à se gonfler, à
s'étirer et à se battre pour essayer de devenir aussi grande que le bœuf. Elle demandait
constamment à sa sœur de vérifier sa taille, lui demandant si elle avait réussi à atteindre la
taille du bœuf. Sa sœur répondait toujours qu'elle n'était pas encore assez grande.
Malheureusement, la grenouille a continué à se gonfler jusqu'à ce qu'elle finisse par éclater.

La Fontaine utilise cette histoire pour faire une critique des personnes qui, dans la réalité,
sont tout aussi peu réfléchies et trop ambitieuses. Il donne comme exemples des citoyens
ordinaires qui essaient de vivre comme des gens riches et influents, des petits princes qui
veulent avoir leurs propres ambassadeurs et des marquis qui veulent avoir des pages,
soulignant la stupidité de ces ambitions et prouvant le danger de ces actes.

15
La lecture (le décompte des syllabes)

Un /e / Gre /noui / lle / vit / un / bœuf (8)


Qui / lui / sem /bla / de / bel / le / taill(e). (8)
El /le / qui / n'é / tait / pas // gro /sse en / tout / com /me un / œuf, (12 - césure)
En / vi / eu / se / s'é /tend, // et / s'en / fle, et / se / tra / vaill(e) (12 - césure)
Pour / é / ga / ler / l'a /ni /mal / en / gros /seur, (10)
Di / sant : / Re / gar / dez / bien, / ma / sœur ; (8)
Est- /ce as / sez ? / di / tes- / moi; // n'y / suis- / je / point / en / cor(e)? (12 - césure)
"Nen /ni." / "M'y / voi / ci / donc ?" // "Point / du / tout." / "M'y / voi / là ?" (12 - césure)
"Vous / n'en / ap / pro /chez / point." // La / ché / ti / ve / pé / cor(e) (12 - césure)
S'en / fla / si / bien / qu'el / le / cre / va. (8)
Le / mon /de est / plein / de / gens // qui / ne / sont / pas / plus / sag(es) : (12 - césure)
Tout / Bour / geois / veut / bâ / tir // com / me / les / grands / Sei /gneurs, (12 - césure)
Tout / pe / tit / Prin / ce a / des / Am / bas / sa / deurs, (10)
Tout / Mar / quis / veut / a / voir / des / Pag(es). (8)

Les rimes

Une Grenouille vit un bœuf A


Qui lui sembla de belle taille. B
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf, A
Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille B
Pour égaler l'animal en grosseur, C
Disant : Regardez bien, ma sœur ; C
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ? D
"Nenni" "M'y voici donc ?" "Point du tout." "M'y voilà ?" E
"Vous n'en approchez point." La chétive pécore D
S'enfla si bien qu'elle creva. E
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages : F
Tout Bourgeois veut bâtir comme les grands Seigneurs, G
Tout petit Prince a des Ambassadeurs, G
Tout Marquis veut avoir des Pages. F

Rouge = rimes croisées


Bleu = rimes suivies
Vert = rimes embrassées

16
Les enjambements

Une Grenouille vit un bœuf


Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant : Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
"Nenni." "M'y voici donc ?" "Point du tout." "M'y voilà ?"
"Vous n'en approchez point." La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout Bourgeois veut bâtir comme les grands Seigneurs,
Tout petit Prince a des Ambassadeurs,
Tout Marquis veut avoir des Pages.

Interprétation
Dans "La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf", Jean de La Fontaine
présente une critique de l'ambition démesurée et met en lumière les conséquences
potentiellement désastreuses de l'envie et de l'aspiration à être autre chose que ce que l'on
est naturellement. Il suggère que la société fonctionne mieux lorsque chacun respecte et
comprend sa position et son rôle dans le cadre plus large de la structure sociale.

La grenouille, en aspirant à devenir aussi grande que le bœuf, démontre non seulement
une ambition démesurée, mais perturbe également l'équilibre naturel. Son désir d'imiter le
bœuf, qui est bien au-delà de ses capacités naturelles, la conduit à sa perte. De même, La
Fontaine indique que lorsqu'une personne de la classe moyenne tente d'imiter la vie des
riches et des puissants, cela peut également conduire à des conséquences négatives.

Dans une société, chaque individu a un rôle à jouer en fonction de ses compétences, de ses
capacités et de son statut. Lorsque les gens commencent à sortir de leur rôle ou de leur
classe et essaient d'imiter ceux qui sont au-dessus d'eux, cela peut causer des problèmes et
déséquilibrer l'harmonie sociale.

Ainsi, La Fontaine semble soutenir l'idée d'une société hiérarchisée, où chaque personne
reste à sa place, contribuant au bon fonctionnement global de la société. Il met en garde
contre les conséquences potentiellement désastreuses de vouloir sortir de sa position
naturelle et de viser au-delà de ses moyens et de ses capacités.

17
Le Corbeau et le Renard

Maître Corbeau, sur un arbre perché,


Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
5 Et bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
10 À ces mots, le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
15 Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
Le Corbeau honteux et confus
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

Vocabulaire
alléché attiré
ramage chant d'un oiseau
se rapporte est aussi beau que
Phénix oiseau de la mythologie égyptienne qui renaissait
éternellement de ses cendres
hôtes habitants
ne se sent pas de joie est tout content
proie ce qu'il a chassé - ici le fromage
dépens au détriment de
confus embarrassé

Paraphrase
Il y avait un corbeau qui se tenait sur une branche avec un fromage dans son bec. Un renard,
qui sentait l'odeur du fromage, a voulu le prendre. Le renard a alors commencé à dire au
corbeau combien il était beau et attrayant. Il a même dit au corbeau que s'il pouvait chanter
aussi bien qu'il était beau, il serait le plus incroyable de tous les animaux de la forêt.
En entendant cela, le corbeau a été tellement heureux et fier qu'il a voulu montrer à quel
point il pouvait bien chanter. Mais quand il a ouvert son bec pour chanter, le fromage est
tombé. Le renard a vite attrapé le fromage et a dit : "Tu dois apprendre que ceux qui
écoutent les flatteurs peuvent finir par avoir des problèmes. Cette leçon est aussi précieuse
que le fromage que tu viens de perdre."
Le corbeau a été très embarrassé et honteux. Il a promis qu'il ne se ferait plus avoir de cette
manière à l'avenir.

18
La lecture (le décompte des syllabes)

Maî / tre / Cor / beau, / sur / un/ ar / bre / per / ché, (decasyllabe)
Te /nait / en / son / bec / un / fro / mag(e). (octosyllabe)
Maî / tre / Re / nard, / par / l'o / deur / al / lé / ché, (decasyllabe)
Lui / tint / à / peu / près / ce / lan / gag(e) : (octosyllabe)
Et / bon / jour, / Mon / sieur / du / Cor / beau. (octosyllabe)
Que / vous / ê / tes / jo / li ! // que / vous / me / sem /blez / beau ! (alexandrin - césure)
Sans / men / tir, / si / vo / tre / ra / mag(e) (octosyllabe)
Se / rap / por / t(e) à / vo / tre / plu / mag(e), (octosyllabe)
Vous / ê / tes / le / Phé / nix // des / hô / tes / de / ces / bois. (alexandrin - césure)
À / ces / mots, / le / Cor / beau // ne / se / sent / pas / de / joi(e) ; (alexandrin - césure)
Et / pour / mon / trer / sa / bel / le / voix, (octosyllabe)
Il / ou / vr(e) un / lar / ge / bec, // lais / se / tom / ber / sa / proie. (alexandrin - césure)
Le / Re / nard / s'en / sai / sit, // et / dit : / Mon / bon / Mon / sieur, (alexandrin - césure)
Ap / pre / nez / que / tout / flat / teur (heptasyllabe)
Vit / aux / dé / pens / de / ce / lui / qui / l'é / cout(e). (decasyllabe)
Cet / te / le / çon / vaut / bien // un / fro / ma / ge, / sans / dout(e). (alexandrin - césure)
Le / Cor / beau / hon / teux / et / con / fus (octosyllabe)
Ju / ra, / mais / un / peu / tard, // qu'on / ne / l'y / pren / drait / plus. (alexandrin - césure)

Les enjambements

Maître Corbeau, sur un arbre perché,


Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
Et bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
À ces mots, le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
Le Corbeau honteux et confus
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

19
Les rimes

Maître Corbeau, sur un arbre perché, A


Tenait en son bec un fromage. B
Maître Renard, par l'odeur alléché, A
Lui tint à peu près ce langage : B
Et bonjour, Monsieur du Corbeau. C
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! C
Sans mentir, si votre ramage D
Se rapporte à votre plumage, D
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. E
À ces mots, le Corbeau ne se sent pas de joie ; E
Et pour montrer sa belle voix, E
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. E
Le Renard s'en saisit, et dit : Mon bon Monsieur, F
Apprenez que tout flatteur F
Vit aux dépens de celui qui l'écoute. G
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. G
Le Corbeau honteux et confus H
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus. H

Rouge rimes croisées


Bleu rimes suivies

Interprétation

Cette fable est une métaphore de ce qui se passait à l'époque, notamment à la cour du roi
Louis XIV. Le corbeau représente les personnes qui cherchent à obtenir des privilèges ou des
avantages grâce à leur proximité avec le pouvoir. Le fromage qu'il tient dans son bec est le
symbole des avantages et des privilèges qu'ils possèdent déjà.
Le renard, quant à lui, est le symbole des personnes qui utilisent la ruse et la flatterie pour
obtenir ce qu'elles veulent.
L'histoire se termine quand le corbeau, trompé par le renard, ouvre son bec pour chanter et
laisse tomber le fromage. Le renard saisit alors le fromage, montrant ainsi que la flatterie
peut être un moyen efficace d'obtenir ce que l'on veut, même si cela implique de tromper
les autres.
Cela montre que, dans une société comme celle de la cour de Louis XIV, ceux qui étaient
naïfs ou trop confiants pouvaient facilement être trompés. "Le Corbeau et le Renard" est
donc une critique subtile de la société du 17e siècle et de la cour du roi Louis XIV. La fable
montre que dans toute société où le pouvoir est concentré entre les mains de quelques-uns,
il y aura toujours des gens prêts à utiliser la flatterie et la ruse pour obtenir ce qu'ils veulent.

20
Le Loup et l'Agneau

La raison du plus fort est toujours la meilleure :


Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
5 Un loup survient à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
"Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? "
Dit cet animal plein de rage :
"Tu seras châtié de ta témérité. "
10 "Sire", répond l'agneau, "que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
15 Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson. "
"Tu la troubles", reprit cette bête cruelle,
"Et je sais que de moi tu médis l'an passé. "
20 "Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ? "
Reprit l'agneau ; "je tette encor ma mère. "
"Si ce n'est toi, c'est donc ton frère."
"Je n'en ai point. " "C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
25 Vous, vos bergers et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge."
Là-dessus, au fond des forêts
Le loup l'emporte et puis le mange,
Sans autre forme de procès.

Vocabulaire

tout à l'heure à l'instant


se désaltérait buvait
onde eau
à jeun l'estomac vide, sans avoir mangé
témérité audace (der Wagemut)
je vas autre forme pour "je vais"
tu médis tu dis du mal
sans autre forme de procès sans discuter plus longtemps

21
Commentaire
Un loup et un agneau boivent de l’eau dans une petite rivière. Le loup cherche une raison de
manger l'agneau. Pour cette raison il l’accuse de troubler l'eau qu'il boit. L'agneau tente de
se défendre en disant qu'il est impossible qu'il trouble l'eau, car il boit plus en bas de la
rivière. Mais le loup n'écoute pas ses arguments et continue d'accuser l'agneau de
différentes fautes. Finalement, le loup dévore l'agneau.
Cette fable met en évidence la nature injuste et prédatrice du loup, qui cherche toujours une
raison pour justifier ses actes cruels. Elle montre également que le plus faible, même s'il
essaie de se défendre avec des arguments rationnels (l’agneau), peut être victime de
l'injustice et de la violence du plus fort (le loup).

La lecture (le décompte des syllabes)

La /rai / son / du / plus/ fort // est / tou / jours / la / meil / leur(e) : (12 + césure)
Nous / l'al / lons / mon /trer / tout / à / l'heur(e). (8)
Un / a / gneau / se / dés / al / té / rait (8)
Dans / le / cou / rant / d'u / ne on /de / pur(e). (8)
Un / loup / sur /vient / à /jeun, // qui / cher / chait / a / ven / tur(e), (12 + césure)
Et / que / la / faim / en / ces / lieux / at / ti / rait. (10)
"Qui / te / rend / si / har / di // de / trou / bler / mon / breu / vag(e) ? " (12 + césure)
Dit / cet / a / ni / mal / plein / de / rag(e) : (8)
"Tu / se / ras / châ /ti / é // de / ta / té /mé / ri / té. " (12 + césure)
"Si / re", / ré / pond / l'a / gneau, // "que / Vo /tre / Ma / jes / té (12 + césure)
Ne / se / met /te / pas / en / co / lèr(e) ; (8)
Mais / plu / tôt / qu'el / le / con / si / dèr(e) (8)
Que / je / me / vas / dés / al / té / rant (8)
Dans / le / cou / rant, (4)
Plus / de / vingt / pas / au- / des / sous / d'Ell(e) ; (8)
Et / que / par / con / sé / quent, // en / au /cu /ne / fa / çon, (12 + césure)
Je /ne / puis / trou / bler / sa / bois / son. " (8)
"Tu / la / trou / bles", / re / prit // cet / te / bê / te / cru / ell(e), (12 + césure)
"Et / je / sais / que / de / moi // tu / mé / dis / l'an / pas / sé. " (12 + césure)
"Com / ment / l'au / rais- / je / fait // si / je / n'é /tais / pas / né ? " (12 + césure)
Re /prit / l'a /gneau ; / "je / tet / te en / cor / ma / mèr(e). " (10)
"Si / ce / n'est / toi, / c'est / donc / ton / frèr(e)." (8)
"Je / n'en / ai / point. " / "C'est / donc / quel / qu'un / des / tiens : (10)
Car / vous / ne / m'é / par / gnez / gu / èr(e), (8)
Vous, / vos / ber / gers / et / vos / chi / ens. (8)
On / me / l'a / dit: / il /faut / que / je / me / veng(e)." (10)
Là- / des / sus, / au / fond / des / fo / rêts (8)
Le / loup / l'em / por / t(e) et / puis / le / mang(e), (8)
Sans / au / tre / for / me / de / pro / cès. (8)

22
Attention :
25 Vous, vos bergers et vos chiens. -> c’est une allitération

Les rimes et les enjambements

La raison du plus fort est toujours la meilleure : A


Nous l'allons montrer tout à l'heure. A
Un agneau se désaltérait B
Dans le courant d'une onde pure. C
5 Un loup survient à jeun, qui cherchait aventure, C
Et que la faim en ces lieux attirait. B
"Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? " D
Dit cet animal plein de rage : D
"Tu seras châtié de ta témérité. " E
10 "Sire", répond l'agneau, "que Votre Majesté E
Ne se mette pas en colère ; F
Mais plutôt qu'elle considère F
Que je me vas désaltérant G
Dans le courant, G
15 Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ; H
Et que par conséquent, en aucune façon, I
Je ne puis troubler sa boisson. " I
"Tu la troubles", reprit cette bête cruelle, H
"Et je sais que de moi tu médis l'an passé. " J
20 "Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ? " J
Reprit l'agneau ; "je tette encor ma mère. " K
"Si ce n'est toi, c'est donc ton frère." K
"Je n'en ai point. " "C'est donc quelqu'un des tiens : L
Car vous ne m'épargnez guère, K
25 Vous, vos bergers et vos chiens. L
On me l'a dit : il faut que je me venge." M
Là-dessus, au fond des forêts N
Le loup l'emporte et puis le mange, M
Sans autre forme de procès. N

Rouge rimes croisées


Bleu rimes suivies
Vert rimes embrassées
Noir irrégularités

23
Le Lion et le Rat

Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde


On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
5 Entre les pattes d'un lion
Un rat sortit de terre assez à l'étourdie.
Le roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
10 Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un lion d'un rat eût affaire?
Cependant il avint qu'au sortir des forêts
Ce lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
15 Sire rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.

Vocabulaire
obliger tout le monde rendre service à tout le monde.
lui donna la vie lui a laissé la vie sauve, ne l’a pas tué
eût affaire a eu besoin.
il avint il est arrivé

Résumé de l'histoire : « On a toujours besoin d'un plus petit que soi », et même le roi
des animaux peut un jour être sauvé par un modeste rat !
Explication de la morale : Il ne faut pas mépriser les plus petits, ou les plus faibles ;
chacun a ses qualités et apporte quelque chose aux autres.
Contexte historique : Même le roi peut avoir besoin de son peuple.

Source: La Fontaine a pris ce texte chez Esope (environ 620 av. J.-C. –
564 av. J.-C.) : «Le Lion et le Rat reconnaissant».

24
La lecture (le décompte des syllabes)

Il / faut, / au / tant / qu'on / peut, // o / bli / ger / tout / le / mond(e) (12 + césure)
On / a / sou / vent / be / soin // d'un / plus / pe / tit / que / soi. (12 + césure)
De / cet / te / vé / ri / té // deux / fa / bles / fer / ont / foi, (12 + césure)
Tant / la / cho /se en / preu / ves /a / bond(e). (8)
En / tre / les / pat / tes / d'un / li / on (8)
Un / rat / sor / tit / de / terr(e) // a / ssez / à /l'é / tour / di(e). (12 + césure)
Le / roi / des / a / ni / maux, // en / cet / te / oc / ca / sion, (12 + césure)
Mon / tra / ce / qu'il / é / tait // et / lui / don / na / la / vi(e). (12 + césure)
Ce / bien / fait / ne / fut / pas / per / du. (8)
Quel / qu'un / au / rait- / il / ja / mais /cru (8)
Qu'un / li / on / d'un / rat / eût / a /ffair(e)? (8)
Ce / pen / dant / il /a / vint // qu'au / sor / tir / des / fo / rêts (12 + césure)
Ce / li / on / fut / pris / dans / des / rets, (8)
Dont / ses / ru / gis / se / ments // ne / le / pu / rent / dé / fair(e). (12 + césure)
Si / re / rat / ac / cou / rut, // et / fit / tant / par / ses / dents (12 + césure)
Qu'u / ne / mail / le / ron / gée // em /por / ta / tout / l'ou / vrag(e). (12 + césure)
Pa / ti / en / c(e) et / lon / gueur / de / temps (8)
Font / plus / que / for /ce / ni / que / rag(e). (8)

Les rimes

Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde A


On a souvent besoin d'un plus petit que soi. B
De cette vérité deux fables feront foi, B
Tant la chose en preuves abonde. A
Entre les pattes d'un lion C
Un rat sortit de terre assez à l'étourdie. D
Le roi des animaux, en cette occasion, C
Montra ce qu'il était et lui donna la vie. D
Ce bienfait ne fut pas perdu. E
Quelqu'un aurait-il jamais cru E
Qu'un lion d'un rat eût affaire ? F
Cependant il avint qu'au sortir des forêts G
Ce lion fut pris dans des rets, G
Dont ses rugissements ne le purent défaire. F
Sire rat accourut, et fit tant par ses dents H
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage. I
Patience et longueur de temps H
Font plus que force ni que rage. I

Rouge rimes croisées


Bleu rimes suivies
Vert rimes embrassées

25
Le Chêne et le Roseau

Le Chêne un jour dit au Roseau :


Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent qui d'aventure
5 Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du Soleil,
Brave l'effort de la tempête.
10 Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphir.
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l'orage ;
15 Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
— Votre compassion, lui répondit l'Arbuste,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.
20 Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots
25 Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût porté jusque-là dans ses flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
30 Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.

Vocabulaire

vous avez bien sujet vous avez de bonnes raisons


roitelet petit oiseau
pesant lourd
fardeau pois, charge
le moindre le plus petit, léger
d'aventure par hasard
Caucase dans ma mythologie grecque, montagne très haute
brave affronte, résiste
Aquilon vent du nord, vent orageux
26
Zéphir vent d'ouest, vent doux et agréable
Royaumes du vent les roseaux poussent au bord de l'eau, où il n'y a pas d'arbres
compassion pitié, sympathie
arbuste petit arbre
je ne romps pas je ne casse pas
furie colère, fureur
dans ses flancs en lui-même
Empire des Morts sous terre

La lecture (le décompte des syllabes)

Le / Chê /ne un / jour / dit / au / Ro /seau : (octosyllabe)


Vous / av / ez / bien / suj // et / d'ac / cu / ser / la / Na / ture ; (alexandrin - césure)
Un / Roi / te / let / pour / vous // est / un / pe / sant / far / deau. (alexandrin - césure)
Le / moin / dre / vent / qui / d'a / ven / tur(e) (octosyllabe)
Fait / ri / der / la / fa / ce / de / l'eau, (octosyllabe)
Vous / o / bli / ge à / bais / ser / la / têt(e) : (octosyllabe)
Ce / pen / dant / que / mon / front, // au / Cau /ca / se / pa / reil, (alexandrin - césure)
Non / con / tent / d'ar / rê / ter // les / ra / yons / du / So / leil, (alexandrin - césure)
Bra / ve / l'ef / fort / de / la / tem / pêt(e). (octosyllabe)
Tout / vous / est / A / qui / lon, // tout / me / sem / ble / Zé / phir. (alexandrin - césure)
En / cor / si / vous / nais / siez // à / l' / abri / du / feuil / lag(e) (alexandrin - césure)
Dont / je / cou / vre / le / voi / si / nag(e), (octosyllabe)
Vous / n'au / riez / pas / tant / à / souf / frir : (octosyllabe)
Je / vous / dé / fen /drais / de / l'o / rag(e) ; (octosyllabe)
Mais / vous / nais / sez / le / plus / sou / vent (octosyllabe)
Sur / les / hu / mi / des / bords // des / Ro / yau / mes / du / vent. (alexandrin - césure)
La / na / tu / re en / vers / vous // me / sem / ble / bien / in / just(e). (alexandrin - césure)
— Vo / tre / com /pas / si /on, // lui / ré / pon / dit / l'Ar / bust(e), (alexandrin - césure)
Part / d'un / bon / na / tu / rel ; // mais / quit / tez / ce / sou / ci. (alexandrin - césure)
Les / vents / me / sont / moins / qu'à / vous / re /dou / tabl(es). (decasyllabe)
Je / pli /e, et / ne / romps / pas. // Vous / a / vez / jusqu' / i / ci (alexandrin - césure)
Con / tre / leurs / coups / é /pou / van / tabl(es) (octosyllabe)
Ré / sis / té / sans / cour / ber / le / dos ; (octosyllabe)
Mais / at / ten / dons / la / fin. // Com / me il / di / sait / ces / mots (alexandrin - césure)
Du / bout / de / l'ho / ri / zon // ac / court / a / vec / fu / ri(e) (alexandrin - césure)
Le / plus / ter / ri /ble / des / en / fants (octosyllabe)
Que / le / Nord / eût / por / té // jus / que / -là / dans / ses / flancs. (alexandrin - césure)
L'A /rbre / tient / bon ; / le / Ro / seau / pli(e). (octosyllabe)
Le / vent / re / dou /ble / ses / ef / forts, (octosyllabe)
Et / fait / si / bien / qu'il / dé /ra / cin(e) (octosyllabe)
Ce / lui / de / qui / la / têt(e) // au / Ciel / é /tait / voi /sin(e), (alexandrin - césure)
Et / dont / les / pieds / tou /chaient // à / l'Em / pi/ re / des / Morts. (alexandrin - césure)

27
Les rimes et les enjambements

Le Chêne un jour dit au Roseau : A


Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ; B
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau. A
Le moindre vent qui d'aventure B
Fait rider la face de l'eau, A
Vous oblige à baisser la tête : C
Cependant que mon front, au Caucase pareil, D
Non content d'arrêter les rayons du Soleil, D
Brave l'effort de la tempête. C
Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphir. E
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage F
Dont je couvre le voisinage, F
Vous n'auriez pas tant à souffrir : E
Je vous défendrais de l'orage ; (F)
Mais vous naissez le plus souvent G
Sur les humides bords des Royaumes du vent. G
La nature envers vous me semble bien injuste. H
— Votre compassion, lui répondit l'Arbuste, H
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci. I
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables. J
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici I
Contre leurs coups épouvantables J
Résisté sans courber le dos ; K
Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots K
Du bout de l'horizon accourt avec furie L
Le plus terrible des enfants M
Que le Nord eût porté jusque-là dans ses flancs. M
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie. L
Le vent redouble ses efforts, N
Et fait si bien qu'il déracine O
Celui de qui la tête au Ciel était voisine, O
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts. N

Rouge = rimes croisées


Bleu = rimes suivies
Vert = rimes embrassées

Jaune enjambement

28
Interprétation
Dans "Le Chêne et le Roseau", Jean de La Fontaine met en scène une conversation entre un
chêne et un roseau. Le chêne, dans cette histoire, peut être vu comme représentant une
figure de pouvoir. Sa hauteur et sa solidité peuvent être assimilées à la position élevée et à
l'autorité du roi. Au début, le chêne se vante de sa force, de sa résistance au vent et de sa
capacité à protéger le roseau plus faible. Il offre même sa protection au roseau, ce qui peut
être interprété comme le rôle du roi qui offre sa protection à ses sujets.

Le roseau, cependant, représente les personnes humbles et flexibles dans la société. Même
s'il est faible et petit, le roseau comprend qu'il a une force différente - la capacité de plier et
de survivre aux tempêtes. En réponse à l'offre de protection du chêne, le roseau explique
qu'il n'a pas besoin de cette protection car il peut survivre en pliant sous la pression du vent.

Lorsque la tempête arrive, le chêne, malgré sa force et sa taille, est déraciné par la force du
vent. Sa résistance s'avère être sa faiblesse. Le roseau, en revanche, survit à la tempête.
Cette fin montre que la flexibilité peut être une force en soi, tandis que la rigidité peut
conduire à la chute.

La Fontaine utilise cette histoire pour critiquer les systèmes et les structures trop rigides. Il
montre que même le plus puissant peut être vaincu s'il ne sait pas s'adapter aux
circonstances. Par contraste, le faible peut survivre et réussir s'il sait s'adapter et changer
selon les besoins.

Le message de cette fable contraste fortement avec celui d'autres. Lesquelles ?

Devoirs (par écrit): Compare la morale de cette fable à celles d'autres que tu connais déjà.

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29
Le Pot de terre et le Pot de fer

Le Pot de fer proposa


Au Pot de terre un voyage.
Celui-ci s'en excusa,
Disant qu'il ferait que sage
5 De garder le coin du feu :
Car il lui fallait si peu,
Si peu, que la moindre chose
De son débris serait cause :
Il n'en reviendrait morceau.
10 " Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.
" Nous vous mettrons à couvert,
Repartit le Pot de fer :
15 Si quelque matière dure
Vous menace d'aventure,
Entre deux je passerai,
Et du coup vous sauverai. "
Cette offre le persuade.
20 Pot de fer son camarade
Se met droit à ses côtés.
Mes gens s'en vont à trois pieds,
Clopin-clopant comme ils peuvent,
L'un contre l'autre jetés,
25 Au moindre hoquet (9) qu'ils treuvent (10).
Le Pot de terre en souffre ; il n'eut pas fait cent pas
Que par son Compagnon il fut mis en éclats,
Sans qu'il eût lieu de se plaindre.
Ne nous associons qu'avecque nos égaux ;
30 Ou bien il nous faudra craindre
Le destin d'un de ces Pots.

Vocabulaire
sage il ferait sagement
débris brisement
morceau cassé
tienne retiennent
entre deux entre vous deux
je passerai je m'interposerai
à trois pieds les marmites avaient trois pieds
clopin-clopant boiteux, boitant
hoquet secousse, heurt, obstacle,
treuvent trouvent
avecque avec

30
Paraphrase

Un jour, un pot en fer a proposé à un pot en terre de partir ensemble en voyage. Le pot en
terre était hésitant, car il savait qu'il était fragile et qu'il pourrait facilement se briser.
Cependant, le pot en fer lui a assuré qu'il serait protégé durant le voyage.
En dépit de ses préoccupations, le pot en terre a accepté l'offre. Ils ont commencé leur
voyage, le pot en fer se plaçant entre le pot en terre et tous les obstacles potentiels. Mais le
voyage était difficile. À chaque mouvement, les pots se cognaient l'un contre l'autre.
Finalement, comme le pot en terre le craignait, il s'est brisé à cause des chocs répétés avec
le pot en fer. Il n'avait pas parcouru une grande distance avant de se retrouver en morceaux.

La lecture (le décompte des syllabes)

Le / Pot / de / fer / pro / po / sa (heptasyllabe)


Au / Pot / de / ter / r(e) un / vo / yag(e). (heptasyllabe)
Ce / lui- / ci / s'en / ex / cu / sa, (heptasyllabe)
Di / sant / qu'il / fe / rait / que / sag(e) (heptasyllabe)
De / gar / der / le / coin / du / feu : (heptasyllabe)
Car / il / lui / fal / lait / si / peu, (heptasyllabe)
Si / peu, / que / la / moin / dre / chos(e) (heptasyllabe)
De / son / dé / bris / se /rait / caus(e) : (heptasyllabe)
Il / n'en / re / vien / drait / mor / ceau. (heptasyllabe)
" Pour / vous, / dit- /il, / dont / la / peau (heptasyllabe)
Est / plus / du /re / que / la / mienn(e), (heptasyllabe)
Je / ne / vois / rien / qui / vous / tienne. (heptasyllabe)
"Nous / vous / met /trons / à / cou / vert, (heptasyllabe)
Re / par / tit / le / Pot / de / fer : (heptasyllabe)
Si / quel / que / ma / tière / dur(e) (heptasyllabe)
Vous / me / na / ce / d'a / ven / tur(e), (heptasyllabe)
En / tre / deux / je / pas / se / rai, (heptasyllabe)
Et / du / coup / vous / sau / ve / rai." (heptasyllabe)
Cet / t(e) of / fre / le / per/ su / ad(e). (heptasyllabe)
Pot / de / fer / son / ca /ma /rad(e) (heptasyllabe)
Se / met / droit / à / ses / cô / tés. (heptasyllabe)
Mes / gens / s'en / vont / à / trois / pieds, (heptasyllabe)
Clo / pin- / clo / pant / com / m(e) ils / peuv(ent), (heptasyllabe)
L'un / con / tre / l'au / tre / je / tés, (heptasyllabe)
Au / moin / dre / ho / quet / qu'ils / treuv(ent). (heptasyllabe)
Le / Pot /de /ter / r(e) en / souffr(e) ; // il / n'eut / pas / fait / cent / pas (alexandrin - césure)
Que / par / son / Com / pa / gnon // il / fut / mis / en / é / clats, (alexandrin - césure)
Sans / qu'il / eût / lieu / de / se / plaindr(e). (heptasyllabe)
Ne / nous / as / so / ci / ons // qu'a / ve /cque / nos / é /gaux ; (alexandrin - césure)
Ou / bien / il / nous / fau / dra / craindr(e) (heptasyllabe)
Le / des / tin / d'un / de / ces / Pots. (heptasyllabe)

31
Les rimes et les enjambements

Le Pot de fer proposa A


Au Pot de terre un voyage. B
Celui-ci s'en excusa, A
Disant qu'il ferait que sage B
De garder le coin du feu : C
Car il lui fallait si peu, C
Si peu, que la moindre chose D
De son débris serait cause : D
Il n'en reviendrait morceau. E
" Pour vous, dit-il, dont la peau E
Est plus dure que la mienne, F
Je ne vois rien qui vous tienne. F
" Nous vous mettrons à couvert, G
Repartit le Pot de fer : G
Si quelque matière dure H
Vous menace d'aventure, H
Entre deux je passerai, I
Et du coup vous sauverai. " I
Cette offre le persuade. J
Pot de fer son camarade J
Se met droit à ses côtés. K
Mes gens s'en vont à trois pieds, -
Clopin-clopant comme ils peuvent, L
L'un contre l'autre jetés, K
Au moindre hoquet qu'ils treuvent. L
Le Pot de terre en souffre ; il n'eut pas fait cent pas M
Que par son Compagnon il fut mis en éclats, M
Sans qu'il eût lieu de se plaindre. N
Ne nous associons qu'avecque nos égaux ; O
Ou bien il nous faudra craindre N
Le destin d'un de ces Pots. O

Rouge rimes croisées


Bleu rimes suivies
Noir irrégularité

32
Interprétation

La fable "Le Pot de fer et le Pot de terre" de Jean de La Fontaine offre une réflexion sur les
différences de classe et les dangers de l'association entre les forts et les faibles, ou entre les
riches et les pauvres, typiques du 17ème siècle.
Dans cette fable, le pot de fer, fort et résistant, représente les personnes de la classe
supérieure ou les puissants. Le pot de terre, fragile et facile à briser, symbolise les personnes
de la classe inférieure ou les plus vulnérables de la société. Quand le pot de fer propose un
voyage au pot de terre, ce dernier hésite, conscient de sa fragilité. Cependant, le pot de fer
le rassure en lui promettant de le protéger. Mais au cours du voyage, à cause des chocs
répétés, le pot de terre se brise, prouvant que la protection promise par le pot de fer n'était
pas suffisante.
La morale de la fable, "Ne nous associons qu'avec nos égaux", souligne l'idée que les
personnes de différents niveaux de force (ou de classe sociale) ne devraient pas essayer de
s'associer trop étroitement, car les plus faibles pourraient en souffrir. C'est une
représentation claire de l'imperméabilité des classes sociales au 17e siècle, où les classes
supérieures et inférieures avaient peu d'interactions, et où les tentatives de s'élever au-
dessus de sa classe pouvaient souvent se terminer en désastre. Cette fable rappelle que
chaque personne devrait rester à sa place pour éviter les conséquences négatives.

Quiz final

1. Le loup a eu un os coincé dans la gorge après avoir mangé trop rapidement.


O Vrai O Faux
2. La cigogne n'a pas réussi à retirer l'os du gosier du loup.
O Vrai O Faux
3. La cigogne demande de l'argent pour son aide dans la fable "Le Loup et la Cigogne".
O Vrai O Faux
4. Dans la fable "La Cigale et la Fourmi", la fourmi partage sa nourriture avec la cigale.
O Vrai O Faux
5. La cigale passe l'été à chanter dans "La Cigale et la Fourmi".
O Vrai O Faux
6. La morale de la fable "La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf" est
que chacun devrait être content de ce qu'il a et de ce qu'il est.
O Vrai O Faux
7. La grenouille meurt en essayant de se gonfler dans "La Grenouille qui veut se faire
aussi grosse que le Bœuf".
O Vrai O Faux

33
8. Le renard complimente le corbeau sur son beau plumage pour le manipuler et
obtenir le fromage.
O Vrai O Faux
9. Le corbeau n'est pas dupe et garde son fromage.
O Vrai O Faux
10. L'agneau a troublé la boisson du loup dans "Le Loup et l'Agneau".
O Vrai O Faux
11. L'agneau réussit à échapper au loup grâce à son argumentation.
O Vrai O Faux
12. Le lion épargne la vie du rat qui sort de terre.
O Vrai O Faux
13. Le rat a aidé le lion à sortir des filets dans "Le Lion et le Rat".
O Vrai O Faux
14. Le chêne défie le vent dans "Le Chêne et le Roseau".
O Vrai O Faux
15. Le roseau est déraciné par la tempête dans "Le Chêne et le Roseau".
O Vrai O Faux
16. Les pots de "Le Pot de terre et le Pot de fer" partent en voyage ensemble.
O Vrai O Faux
17. Le pot de fer propose de protéger le pot de terre lors de leur voyage dans "Le Pot de
terre et le Pot de fer".
O Vrai O Faux
18. Tous les personnages de ces fables sont des animaux.
O Vrai O Faux

Solutions:

Page 5

1. Faux; 2. Faux; 3. Vrai; 4. Vrai; 5. Vrai; 6. Faux; 7. Vrai; 8. Faux; 9. Vrai; 10. Vrai; 11. Faux; 12. Faux

Page 33

1. Vrai; 2. Faux; 3. Vrai; 4. Faux; 5. Vrai; 6. Vrai; 7. Vrai; 8. Vrai; 9. Faux; 10. Faux; 11. Faux; 12. Vrai;
13. Vrai; 14. Vrai; 15. Faux; 16. Vrai; 17. Vrai; 18. Faux

34
Des pistes de réflexion :

Le rôle des animaux dans les fables : Pourquoi La Fontaine utilise-t-il des animaux plutôt
que des humains dans ses fables ? Qu'est-ce que cela apporte à l'histoire ? Comment
l'attribution de caractéristiques humaines à ces animaux (anthropomorphisme)
influence-t-elle notre interprétation des fables ?

Le pouvoir et l'injustice : Plusieurs des fables (comme "Le Loup et l'Agneau", "Le Pot de
terre et le Pot de fer") traitent de l'inégalité du pouvoir et de l'injustice qui en découle.
Quelle est la vision de La Fontaine sur le pouvoir et l'injustice ? Est-ce une critique de la
société de son époque ?

Les leçons morales : Chaque fable véhicule une leçon morale. Quels sont les thèmes
communs ? Y a-t-il une vision cohérente de la moralité à travers ces fables ? Qu'est-ce
que cela nous dit sur les valeurs de La Fontaine et de son époque ?

Le thème du faible contre le fort : Des fables comme "Le Lion et le Rat" ou "Le Loup et
l'Agneau" mettent en scène des confrontations entre des personnages puissants et des
personnages faibles. Comment La Fontaine utilise-t-il ces interactions pour commenter
les structures de pouvoir et de hiérarchie de son époque ?

L'orgueil et l'humilité : Plusieurs fables mettent en avant les dangers de l'orgueil ("La
Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf", "Le Corbeau et le Renard") et
l'importance de l'humilité ("Le Lion et le Rat"). Pourquoi pensez-vous que ces thèmes
sont si importants pour La Fontaine ?

La flexibilité face à l'adversité : "Le Chêne et le Roseau" met en avant l'idée de la


flexibilité face à l'adversité. Comment cela se traduit-il dans les autres fables ? Est-ce que
La Fontaine valorise plus l'adaptabilité que la force brute ?

La tromperie et ses conséquences : Plusieurs fables de La Fontaine, notamment "Le


Corbeau et le Renard", mettent en scène des personnages qui trompent les autres pour
obtenir ce qu'ils veulent. Quel point de vue La Fontaine semble-t-il avoir sur la
tromperie? Est-elle toujours punie ou parfois récompensé ?

La quête de statut social et de richesse : Dans des fables comme "La Grenouille qui veut
se faire aussi grosse que le Bœuf", on observe une aspiration à un statut social plus
élevé. Comment La Fontaine commente-t-il les dangers de cette aspiration ?

L'usage du langage : La Fontaine est célèbre pour sa maîtrise du langage, son usage de la
rime et du rythme. Comment ces éléments influencent-ils notre compréhension des
fables et de leurs messages ?

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