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3Sous la III République, les Fables ont été considérées comme un livre de morale.
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Toute une nation était invitée à se reconnaître dans les récits du poète gaulois par
excellence. Dix fables surtout étaient connues et aimées à cette époque : La Cigale
et la Fourmi (I, 1), Le Corbeau et le Renard (I, 2), La Grenouille qui se veut faire
aussi grosse que le Bœuf (I, 3), Le Rat de ville et le Rat des champs (I, 9), Le Loup
et le Chien (I, 5), La Colombe et la Fourmi (II, 12), La Belette entrée dans un
grenier (III, 17), Le Petit Poisson et le Pêcheur (V, 3), Le Lièvre et la Tortue (VI, 10)
et Le Laboureur et ses enfants (V, 9).
4Ces textes étaient considérés comme des véritables modèles à suivre. Le message
qui sort globalement de ces fables pouvait se résumer en ce vers :
10A.-M. Bassy dans son ouvrage consacré aux illustrations des Fables de La
Fontaine considère le XVIII comme le siècle des décennies fabuleuses de la fortune
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3 J.-N. Pascal, La Fable au siècle des lumières, Université de Saint Etienne, avec le
concours du CN (...)
au siècle des lumières rappelle que le XVIII est l’âge d’or de la fable 3.
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Les Fables de La Fontaine qui ont connu un large succès éditorial dès le vivant de
l’auteur ne sont pas publiées moins de cent fois entre 1700 et 1800. Le fabuliste
connaît aussi la consécration de l’usage scolaire malgré la réticence des
pédagogues à utiliser la littérature récente. Il est vrai que le précepteur du jeune
duc de Bourgogne avait ouvert la voie. Les jeunes élèves sont invités à comparer La
Fontaine à ses sources, Esope et Phèdre.
la fable. Tous reconnaissent une dette à La Fontaine, qu’ils veuillent rivaliser avec
lui en émules respectueux ou le contester parfois violemment. Les gens de Lettres
du XVIII sont unanimes dans leur admiration de La Fontaine, à de rares exceptions
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près, dont la plus connue est Rousseau. Le XVIII voit en La Fontaine un précurseur
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des Lumières. La mise en concours par l’académie de Marseille en 1774 d’un éloge
du fabuliste en est le témoignage le plus éclatant. Chamfort remporte le prix. Il le
considère comme un grand penseur qui paraît s’occuper de bagatelles. En outre il
possède selon lui l’art suprême de dissimuler son art.
13La Fontaine est avant tout fabuliste pour ses contemporains. Au XVIIIe il devient
le poète par excellence. En lui s’incarne l’essence même de la poésie dont
Chamfort rend compte dans son Eloge :
Nul auteur n’a mieux senti le besoin de rendre son âme visible... Voilà toute sa
poétique, à laquelle il paraît avoir sacrifié tous les préceptes de la poétique ordinaire et
de notre versification, dont ses écrits sont un modèle, souvent même parce qu’il en
brave les règles.
5 C. Reffait, Hippolyte Taine : La Fontaine et ses fables, Paris, PUF, 1996, p. 44.
14Pour La Harpe, il est le poète de tous les enfants, du peuple et en même temps
des philosophes. Ce sacre du poète perdure jusqu’au XIX . Taine dresse la statue
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officielle du poète gaulois qui par un hasard admirable s’étant trouvé gaulois
d’instinct, mais développé par la culture latine et le commerce de la société la plus
polie, nous a donné notre œuvre poétique la plus nationale, la plus achevée, et la
plus originale5. Flaubert peut désormais mettre dans son Catalogue des opinions
chics l’idée dorénavant reçue d’appeler le bonhomme immortel fabuliste.
6 Les thèses de J.-P. Collinet qui parle de « miracle poétique des Fables » ont été
développées pp. (...)