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NOUVELLES

DU LIVRE JEUNESSE
Nous Voulons Lire encore !
TRIM/JUIN 2023 — N°236
© Marieke ten Berge in Grand Nord Éditions Rue du Monde.

ÉCOPOÉTIQUE ET LITTÉRATURE JEUNESSE


L’étourneau s’émerveillait…
Je vais chanter sur tout ce que l’on voit de beau quand on regarde bien…
Pour tous ceux qui voudront l’écouter…
Le pic, la chouette, le martin pêcheur, le rouge gorge, l’hirondelle, la cane, le paon… Et chacun de lui louer
ce qu’il ne faut surtout pas oublier de chanter, l’arbre, la nuit, l’eau, les pierres ou une fleur qui fane…
Une ode à la nature, simple et sublime.
Une ode à la vie,
à la vie avec les autres… pour Toi, lecteur directement interpelé.
Cet album est un bel exemple d’écopoétique avec cette superbe prose qui suggère l’harmonie du vivant
et de la nature, sans mièvrerie, avec ces traits creusés à fines gouges (en linogravure) qui dessinent
plumes et rémiges, tout cela imprimé en noir profond sur du kraft couleur terre. Ces dessins d’animaux
et plus encore ceux des reliefs naturels qui deviennent de purs graphismes quasi abstraits, ont un air de
famille avec le style de Marieke ten Berge auteure des gravures choisies pour nos couvertures 1 et 4.
À offrir à tous ceux qu’on aime
quel que soit l’âge…
Claudine C Stupar
Octavie Wolters - La chanson de l'étourneau
Rue du monde, 2023
NVL 236 – JUIN 2023 – ÉCOPOÉTIQUE ET LITTÉRATURE JEUNESSE
La chanson de l'étourneau, album écopoétique, Claudine C. STUPAR
Abonnement - orthographe p2
Édito p3

ÉCOPOÉTIQUE ET LITTÉRATURE JEUNESSE p4

Pour une définition de l’écopoétique, Régis LEFORT et La Rédaction


de NVL p5
Des albums jeunesse pour aider la planète ? Pistes pour une lecture
écocritique, Chiara RAMERO, p8

Quelles interprétations de l’écologie à travers l’écomotif narratif et la


coloration graphique dans la littérature jeunesse ?, Camille LANDREAU p 18

Et c’est quoi la sagesse grand père ?, conte, Claudine C. STUPAR p 30

L’animal au cœur de l’Homme : de la place du non-humain dans les


textes du Multivers de Philip Pullman, Sibylle DOUCET p 31

Après nous les animaux - Qui raconte dans ce roman post-apocalypse ?,


Claudine C. STUPAR p 40

Poésie et écopoétique, Régis LEFORT p 42

POÉSIE p 49

Odes à la nature, NVL p 50

PAROLE DE PRO(f) p 52
Collection Petite Poche (Thierry Magnier), Cathy DEMESTER et NVL p 53

NOUVELLES LECTURES p 54

Abonnement, Tarifs et Bon de commande p 86

E. ARTICLES SUR SITE : www.nvl-larevue.fr


Notre sélection autour de l’écopoétique, Cathy DEMESTER et NVL

Les images des couvertures 1 et 4 sont de Marieke ten Berge in Grand


Nord, texte Jesse Goossens, 2022 © Editions Rue du Monde. De ce
somptueux documentaire les images de l'ours blanc perdu sur la
banquise qui craquèle et de la loutre si humaine dans sa façon de
protéger son petit, sont infiniment parlantes.
Nos chaleureux remerciements à Alain Serres et à l’artiste. Cf note p.74
1
Ecopoétique
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e l l e o r t hog
o uv ra Documents administratifs. Journal Officiel de la République
Française. N° 100. 06/12/1990 et le Bulletin Officiel de
n

ph

l’Éducation Nationale du 19/06/2008 et du 28/08/2008,


rme à la

et les récents Dictionnaires de l’Académie, Littré, Hachette,


www.orthographe-
recommandee.info Robert et correcteurs orthographiques. Ces rectifications,
appliquées en Belgique, Suisse et Canada francophone, sont
nfo

en France intégrées aux programmes scolaires, en usage


Ce
co

dans l’Administration et la Fonction Publique et s’imposent


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aux lexicographes pour les mots nouveaux.
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chure e
http://www.orthographe-recommandee.info
www.renouvo.org

….Ainsi, vous trouverez écrit dans ce numéro : un écomotif, maitriser, maitresse, apparaitre,
disparaitre, naitre, la boite, il me plait, fraicheur, gageüre, ambigüité, interpeler, il renou-
vèle , un relai …
ÉDITO

En juin 2019, nous avions bâti un dossier Demain ma planète ? (NVL


220) qui reste d’actualité mais les problématiques environnementales étant de
plus en plus prégnantes, il était évident que 2023 nous conduirait encore sur
ce chemin. En mars 23, nous avons crié à tous vents notre Besoin des oiseaux
(NVL235). Voilà que Régis Lefort nous indique une direction : ÉCOPOÉTIQUE…?
Voyons : éco-, le préfixe environnemental est familier ; il apparait vite
que La Poétique ( à ne pas confondre avec le poétique et le genre poésie) est la
théorie des formes littéraires qui, faisant ami avec la Rhétorique, devient une
méthode pour interroger les discours littéraires et analyser les textes.
Vous avez donc dit « écopoétique » ?... Guère plus que le grand pu-
blic, nous ne connaissions cette notion pourtant à l’étude chez les chercheurs
en littérature depuis quelques décennies. Née de l’ecocriticism américain des
années 70 puis de l’écocritique qui se donne pour objet la relation de l’homme
à son environnement, « l’écopoétique est une perspective théorique qui se
donne pour objectif d’étudier la représentation littéraire des liens entre nature
et culture, humain et non- humain »1. Est-ce si nouveau ? Différent de ce senti-
ment de la nature largement étudié chez les Romantiques par exemple ? Dans
son essai Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique, Pierre Schoentjes date l’éveil
d’une conscience environnementale dans la littérature hexagonale au lende-
main de la Seconde Guerre mondiale…
Quelques pas et cavalcades plus loin sur ce chemin de l'écopoétique
et nous voilà tous passionnés : bon sang, mais c’est bien sûr ! La littérature
jeunesse, par le jeune public concerné vers qui vont nos espoirs comme nos in-
quiétudes, par ses objectifs complexes de littérature adressée, par la richesse
de ses inventions, par la liberté de ses fictions qui débordent les genres, par
la puissance de sa dimension iconotextuelle, n’offre-t-elle pas la plus belle
chambre d'écho à l'écopoétique ?
Nous arpenterons encore ce chemin prometteur dans le prochain nu-
méro : que signifie habiter le monde ? et vouloir un lieu à soi ? ces questions
essentielles sont-elles contradictoires ? Si vous souhaitez participer à cette
randonnée de découverte, faites-nous signe.

Claudine C Stupar, directrice de publication

1 Julien Defraeye et Élise Lepage, Etudes Littéraires, Volume 48, numéro 3, 2019 :
Approches écopoétiques des littératures française et québécoise de l’extrême contemporain.
3
Ecopoétique
ECO
POÉTIQUE
ET
LITTÉRATURE
JEUNESSE
POUR UNE DÉFINITION DE L’ÉCO-
POÉTIQUE
Régis LEFORT

LE POUVOIR DE LA LITTÉRATURE
L’écocritique, pluridisciplinaire, est une notion largement étudiée de-
puis des décennies : comment le concept plus récent d’écopoétique s’en dif-
férencie-t-il ? Dans le cadre du projet régional de l’université d’Angers Écolitt
qui « se propose de mettre en évidence l'émergence d'une réflexion éthique
sur le rapport de l'homme à la nature et la prise en charge de la notion d'in-
quiétude environnementale par la fiction », Nathalie Prince et Sébastian Thil-
tges ont consacré un axe de leur colloque 2015 à l’étude de cette frontière
entre écocritique et écopoétique. Si une première approche diachronique se
proposait d’étudier « les rapports entre la littérature de jeunesse et l’écolo-
gie » en s’intéressant aux fictions contemporaines, mais également en jetant
« un regard rétrospectif sur l’histoire littéraire de l’écologie pour voir com-
ment les genres émergents (écofictions, fantasy) puisent dans la tradition des
bestiaires, des fables, des contes merveilleux et autres robinsonnades », une
seconde approche, synchronique, envisageait de « croiser des perspectives
thématiques, poétiques ou encore philosophiques ». Un second colloque
(2022) faisant état de l’engagement écologique, s’intéressait aux genres litté-
raires, aux écomotifs, aux représentations ou bien encore aux façons d’habiter
le monde. Un troisième colloque ( Avignon 2023), revenait sur l’écopoétique
proposant de « renouveler l’enseignement de la littérature par les humanités
écologiques ».
Il semble que la spécificité même de l’écopoétique dépasse les repré-
sentations de l’écologie ou l’engagement écologique de l’écocritique et s’ins-
crive singulièrement dans le pouvoir de la littérature.

Michel Collot, dans Un nouveau sentiment de la nature, et Sara Bue-


kens dans son article « L’écopoétique : une nouvelle approche de la littéra-
ture française », précisent l’importance de l’énonciation dans l’écopoétique :
« l’écopoétique reste avant tout littéraire et vise à interroger les formes poé-
tiques par lesquelles les auteurs font parler le monde végétal et animal »1.
Dans son livre remarquablement documenté, Michel Collot souligne
le rôle essentiel que joue la littérature dans notre façon d’habiter le monde.

1 Sara Buekens, « L’écopoétique : une nouvelle approche de la littérature française », Elfe XX-XXI [En ligne] 8 |
2019, mis en ligne le 10 septembre 2019.
URL : http://journals.openedition.org/elfe/1299 ; DOI : https://doi.org/10.4000/elfe/1299

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Ecopoétique
L’écopoétique doit se montrer attentive à l’écologie, à la géographie, à l’his-
toire des idées ou à la notion de paysage mais doit dépasser la description
pour inclure le rôle de l’imagination et la recherche stylistique2. Certes, la réé-
valuation des rapports entre l’homme et la nature est au cœur des préoccupa-
tions et de la pensée contemporaines, mais l’attention doit aussi se porter sur
l’imaginaire poétique ainsi que sur la fabrique du texte.
C’est donc une chose de parler d’écologie, de défense de l'environne-
ment, de porter des jugements moraux sur telle ou telle action, ou de prôner
l’engagement pour la défense de la nature et une tout autre chose de considé-
rer le pouvoir de la littérature comme il existe un pouvoir des fables à diriger
les consciences. L’écopoétique trouve sa raison d’être dans ce pouvoir du lan-
gage et l’usage d’une énonciation singulière. Ainsi, la métaphore, la personni-
fication ou l’ironie, par exemple, peuvent-elles dénoncer certaines situations
ou souligner la gravité de problèmes environnementaux.
Il semble évident que « l’écologie nous impose d’abandonner [un
point de vue égo-centré] au profit d’un point de vue éco-centré ». Avec Michel
Collot, soulignons encore que « l’homme, étant lié à son lieu de vie et à son
milieu naturel, est inséparable de son environnement : il n’est pas d’égo sans
éco pas d’égo sans géo ».3

L’ÉCOPOÉTIQUE EN LITTÉRATURE JEUNESSE


Dans notre dossier, les approches variées donnent un aperçu de di-
vers biais par lesquels entrer dans l’écopoétique. Rappelant « Les nouvelles
mesures pour l’éducation à l’environnement » signées de Jack Lang en 1993,
Chiara Ramero souligne l’intérêt des albums jeunesse pour l’écologie et les
engagements en faveur de la défense du patrimoine naturel. La fiction devient
alors le moyen par lequel sensibiliser les plus jeunes.
Avec Camille Landreau, c’est sous le prisme de l’imaginaire et de la
coloration graphique qu’il s’agit d’entrer en écopoétique afin d’amorcer une
compréhension de l’univers : par la convergence des études sur l’écologie,
sur l’album jeunesse et sur la couleur. L’image est une « matière à penser, un
matériau à créer et imaginer le monde. » Au même titre qu’une énonciation
textuelle peut relever de l’écopoétique, l’énonciation par le biais de l’image
et sa coloration joue de l’écomotif en transfigurant parfois les codes visuels et
esthétiques.
On l’aura compris, le choix énonciatif est déterminant parce qu’il im-
plique un langage singulier : Sibylle Doucet aborde le sujet au travers de la
trilogie A la croisée des Mondes de Philip Pullman appartenant au genre de la
fantasy : elle analyse cette fable épique dans laquelle les héros voyagent dans

2 Michel Collot, Un nouveau sentiment de la nature, Paris, Éditions José Corti, 2022, p. 172-175.
3 Ibid., p. 225.

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NVL juin 2023 – N° 236
un multivers4 composé d’une infinité de mondes parallèles peuplés d’humains
et de créatures surnaturelles, articulant ainsi un propos écocritique présent en
filigrane tout au long de l’œuvre. Ainsi, « le roman de fantasy offre à l’humanité
un moyen de se réintégrer dans le mode naturel ». Le choix de la fantasy, en
proposant un monde alternatif non anthropocentrique, ouvre sur un monde où
les espèces vivent en symbiose.
Claudine C. Stupar présente au fil du dossier trois ouvrages récents
emblématiques de ce positionnement : après l’album La chanson de l’étour-
neau et le conte Et c’est quoi la sagesse grand-père ?, elle déplie la ques-
tion du point de vue narratif posée par le roman Après nous, les animaux que
Camille Brunel situe après l’extinction de l’espèce humaine.
Enfin, au travers de quatre recueils de poèmes, Régis Lefort analyse
en quoi l’énonciation spécifique de chacun d’entre eux permet de les qualifier
d’œuvres écopoétiques. À la suite de Jean-Pierre Siméon qui pose la question
de la poésie comme moyen de sauver le monde, il met en évidence que le lan-
gage de l’arbre, au travers de la formulette « L’arbre a dit », permet d’entrer
dans un discours écopoétique. C’est un autre chant de l’arbre que propose Carl
Norac dans Poèmes pour y aller. Et les recueils d’Alain Serres, Les coquelicots
savent-ils qu’ils sont fragiles ? et d’Abbas Kiarostami, Quelques gouttes de
pluie sur la terre, sont analysés de façon à mettre en évidence l’approche
singulière qui les fait inscrire dans l’écopoétique.
Chaque fois, toucher juste par un moyen détourné : l’écopoétique
semble pouvoir se définir selon une multitude de langages spécifiques, cha-
cun ayant pour but de toucher le cœur de l’homme afin de développer sa
conscience écologique.

4 Le multivers est un ensemble fini ou infini d’univers, parmi lesquels figure l’Univers jusque-là observé (le
multivers est une hypothèse scientifique issue de la physique quantique).

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Ecopoétique
DES ALBUMS JEUNESSE POUR AIDER
LA PLANÈTE ?
Pistes pour une lecture écocritique
Chiara RAMERO

« Les problèmes d’environnement passionnent les jeunes. […] Le


devenir de la planète les intéresse au même titre que celui des hommes qui
la peuplent ». Ainsi commence le document Les Nouvelles mesures pour
l’éducation à l’environnement5 du 14 janvier 1993, signé par Jack Lang, alors
ministre de l’Éducation Nationale et de la Culture, qui présente les actions
envisagées pour développer l’éducation des jeunes aux problèmes posés par
la sauvegarde de l’environnement, à l’occasion de la présentation du plan
national pour le développement de l’éducation à l’environnement. Jack Lang,
en collaboration avec Nicolas Hulot et Ségolène Royal (à la tête du Ministère
de l’Environnement, aujourd’hui Ministère de la Transition écologique et de la
Cohésion des territoires, de 1992 à 1993), établit ce document en partant de
l’idée que « l’éducation à l’environnement relève à la fois du domaine de la
connaissance et de celui de l’action. Elle peut être le laboratoire d’une péda-
gogie de la découverte, de l’interrogation et de la réflexion qui fédère l’apport
de toutes les disciplines fondamentales ». Formation scientifique et éduca-
tion civique, connaissance et action, instruire et faire agir sont au cœur des
actions proposées par ce plan, l’objectif principal étant d’éduquer les enfants
et les jeunes, et non seulement de les sensibiliser, aux enjeux environnemen-
taux, tout cela « pour que la Terre reste habitable, pour que les générations
qui viennent ne soient pas sacrifiées sur l’autel de notre imprévoyance » et
prennent conscience des responsabilités de chacun face à la nature. Une pre-
mière circulaire sur l’éducation à la nature et à l’environnement avait été émise
en 1977. Depuis cette année-là et grâce au développement des actions de la
part du Ministère Lang et à leur renforcement pendant ces dernières années6,
l’éducation à la nature, appelée aujourd’hui « éducation au développement
durable » (EDD), est l’une des missions de l’école. Des projets pédagogiques
impliquent les élèves et des indications sont proposées dans les programmes
scolaires, tant du premier que du second degré7. Il s’agit d’«une éducation

5 Les Nouvelles mesures pour l’éducation à l’environnement, Ministère de L’Éducation Nationale et de la Culture.
Direction de l’information et de la communication, 14 janvier 1993. Pour cette citation et les deux suivantes.
6 Voir par exemple la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 qui renforce l’EDD comme éducation transver-
sale à travers les programmes de toutes les disciplines, de la première année de l’école maternelle à la terminale,
dans « Éducation au développement durable » ; https://eduscol.education.fr/1117/education-au-developpe-
ment-durable.
7 “Éducation au développement durable”, https://eduscol.education.fr/1117/education-au-developpement-durable.

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NVL juin 2023 – N° 236
transversale8» qui met en valeur les interactions qui existent entre l’environne-
ment, la société, l’économie, la politique et la culture.
Et la littérature, en particulier celle de jeunesse ? Quel est son rapport
à la nature ? Quelle place accorde-t-elle aujourd’hui à l’écologie et à l’environ-
nement ? Dans quelle mesure peut-elle stimuler ou éveiller chez l’enfant une
conscience écologique ? Contribue-t-elle à cette éducation à la nature et au
développement durable ?
Dans ces quelques pages, nous nous proposons d’évoquer des pistes
de lecture écopoétique à destination de la jeunesse. À partir d’un échantillon
d’albums issus de différentes littératures, nous allons essayer de mettre en
évidence la variété de la production littéraire autour de l’écologie.

UN THÈME AU CŒUR DES PRÉOCCUPATIONS ACTUELLES


La célébration de l’Earth day9 chaque 22 avril, le mouvement des
Fridays for future10, devenu une action de portée mondiale, The Sustainable
Development Goals11 qui constituent l’Agenda 2030, les politiques nationales
et internationales en faveur de la protection de l’environnement, les rapports
du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) dont
le sixième a été publié le 20 mars dernier12, et bien d’autres projets et actions
constatent l’urgence écologique actuelle qui intéresse la planète et ceux qui
la peuplent. L’écologie, l’attention à l’environnement, la crise climatique, etc.
sont des sujets omniprésents dans nos vies. À la question « Pourquoi parler
d’écologie aux enfants ? » Aurore Soares répond que « l’écologie s’inscrit dans
le quotidien des enfants et des adolescents car les problèmes environnemen-
taux qu’elle soulève font émerger des questionnements sur les conditions de
notre « vivre ensemble » avec la planète, ainsi que sur le futur de l’humanité. En
effet, si la Terre est menacée, comme le clament certains écologistes, l’homme
l’est aussi13». Il est fondamental d’en parler aux enfants et aux adolescents
pour leur expliquer que des solutions existent pour réduire les problèmes envi-
ronnementaux actuels, pour mieux connaitre la nature, pour les ouvrir sur le
monde, pour les sensibiliser au fait que chaque petit geste du quotidien peut
contribuer à améliorer la santé de la planète.
En réalité, la littérature a toujours accordé une place importante, voire
centrale, à la nature et en particulier au rapport entre celle-ci et les enfants.
Dans les nouvelles qui composent Le Livre de la jungle, Rudyard Kipling fait
vivre Mowgli au cœur de la nature et suivant ses rythmes ; Charles Perrault

8 Ibid.
9 « Jour de la Terre », https://www.earthday.org/.
10 « Vendredis pour le futur », https://fridaysforfuture.org/.
11 « Objectifs de développement durable », https://sdgs.un.org/goals.
12 « Publication du 6e rapport de synthèse du GIEC », https://www.ecologie.gouv.fr/publication-du-6e-rap-
port-synthese-du-giec.
13 Soares A. (2013), Comment parler d’écologie aux enfants, Le Baron perché.

9
Ecopoétique
fait traverser bois et forêts à ses personnages ; Hans Christian Andersen fait
virevolter sa Petite Sirène entre les vagues et les profondeurs de la mer, etc.
Cependant, la littérature de jeunesse, toujours attentive à la réalité
et à ses problèmes, ne pouvait pas rester passive face aux problèmes qui
intéressent la nature depuis des décennies. « L’engagement en faveur de la
préservation de la nature, menacée par le progrès scientifique et technolo-
gique aveugle et les comportements humains inconsidérés, ne saurait donc
rester étranger à la littérature de jeunesse, conformément à sa vocation éduca-
tive14 », comme l’affirment plusieurs chercheurs dont Angelo Nobile. De cadre
spatial privilégié, décor du récit, espace d’habitation, la nature se fait héroïne
ou co-héroïne. Dans un nombre de plus en plus croissant de livres de jeunesse,
elle devient personnage, un sujet à part entière à connaitre, à sauvegarder, à
protéger15. Cependant, de quelle nature parle-t-on ?
Nous nous concentrerons ici sur deux types d’œuvres de jeunesse :
celles qui souhaitent faire connaitre la planète et ses habitants pour favori-
ser une existence commune fondée sur le respect de l’autre, être animé ou
inanimé : celles qui illustrent, informent et aident l’enfant à protéger l’envi-
ronnement naturel. L’idée au cœur de ces dernières œuvres n’est pas forcé-
ment celle de présenter des modèles à suivre, mais de donner des pistes de
réflexion, de soulever des questionnements chez l’enfant et de le plonger dans
une sorte de laboratoire et de lieu d’exploration de tous les possibles.

LES ENFANTS ET LES ÉLÉMENTS DE LA NATURE : L’IMPORTANCE


DU « VIVRE ENSEMBLE »
Les livres pour les enfants illustrent, racontent, mettent en scène
tous les éléments de la nature. Selon Marcella Terrusi, « la littérature enfan-
tine regorge de personnages mis en scène au contact de l’âme sauvage du
monde16 », le rapport avec la terre et les éléments naturels étant intrinsèque
à la vie des enfants. La chercheuse évoque également l’importance de la re-
présentation littéraire de la relation active avec l’environnement naturel, et le
désir de comprendre le paysage et ses changements17. Dans les livres pour les
enfants, c’est une nature hétéroclite qui est illustrée : paysages, faune, flore,
êtres animés et inanimés qui habitent la planète, etc. Couleurs, formes et mots
se rencontrent sur la page et se lient afin de proposer aux petits lecteurs la
possibilité de découvrir la planète et de mieux la connaitre.
Cependant, l’écologie ne s’intéresse pas exclusivement à l’environne-

14 Nobile A. (2022), « Dalla parte dell’écologia e degli animali. 75 anni di letteratura per bambini e ragazzi »,
Pagine Giovani, n. 182. Editoriale Anicia, p. 7. (trad. Ital.C Ramero)
15 Thiltges S. (2018). « L’écologie dans la littérature de jeunesse au Luxembourg : pour une écocritique comparée
intralittéraire », in Glesener J. E. (dir.), Lëtzebuerger Literaturen am Verglach, Les Cahiers luxembourgeois, n. 2, p. 98.
16 Terrusi M. (2015). «La nave verde: educazione naturale e letture per l’infanzia », LI.B.E.R. Libri per bambini
e ragazzi, vol. 106, p. 40.
17 Ibid., p. 40.

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NVL juin 2023 – N° 236
ment mais plus au monde où les êtres humains vivent et à la manière dont ils
interagissent avec lui et avec les autres êtres vivants18. Ce qui compte, c’est la
possibilité donnée aux lecteurs de partager l’idée d’une citoyenneté commune
sur la planète Terre19.
Par exemple, Mouha20
nous plonge dans l’univers oni-
rique de Claude Ponti et accom-
pagne le lecteur à la découverte
du monde, des plantes, des ani-
maux, mais aussi des êtres non
vivants qui habitent la planète.
Après une existence passée sans
descendre de son monde, un
arbre majestueux et protecteur,
Mouha décide d’aller voir le sol
et ce qu’il y a sur terre : « Je suis
sûre qu’en bas de l’arbre mai-
son, sur le sol de par terre, où je
ne suis jamais allée, il y a plein de choses inconnues que je n’ai jamais vues,
des animaux et des personnes inconnues, belles et intéressantes, plein d’occa-
sions belles et intéressantes, plein de plantes belles et intéressantes, plein de
bruits, de couleurs, d’odeurs, d’aventures belles et intéressantes21 », affirme-
t-elle, pleine de curiosité. Et, page après page, elle expérimente tellement de
découvertes, de rencontres et des surprises qu’elle craint même ne pas pou-
voir se souvenir de tout. Tout est important, car « Ce qui est important, c’est
que tu es importante22 » lui rappelle Blaise, le poussin. D’observatrice passive,
Mouha se fait protagoniste de ses actions et les rencontres et les découvertes
font partie intégrante de sa nouvelle vie, comme de celle des enfants qui com-
prennent avec elle que nous sommes tous part d’un même univers.

DE LA FLORE…
La présence de l’arbre n’est pas une rareté dans les albums de jeu-
nesse. Dans Mouha, l’arbre représente la maison de la jeune héroïne. Dans
Gustave est un arbre de Claire Babin, illustré par Olivier Tallec23, il incarne un
rêve. Le petit Gustave s’endort dans la cour de l’école et rêve d’être un arbre.
Le vent souffle dans ses feuilles et le berce, il peut entendre les chouettes hu-
luler autour de lui, voir les chauves-souris virevolter pas loin de ses branches,

18 Mascia T. (2022). «L’ecologia nella letteratura non fiction per l’infanzia », Pagine Giovani, p. 28.
19 Terrusi M., op. cit., p. 42.
20 Ponti C. (2016), Mouha, L’école des loisirs.
21 Ibid., p. 7.
22 Ibid., p. 13.
23 B. Claire et Tallec O. (2004), Gustave est un arbre, Paris, A. Biro jeunesse.

11
Ecopoétique
sentir les pattes des écureuils sur son écorce, écouter le son de la pluie.
L’enfant lecteur découvre avec Gustave la forêt et ses habitants, et, à la fin
du livre, peut approfondir sa connaissance du vocabulaire de la forêt grâce
à un petit glossaire. Pour le protagoniste de L’arbre lecteur de Didier Lévy et
Tiziana Romanin24, ce drôle d’arbre dans le jardin en face de sa chambre est le
destinataire de ses curiosités.
Un arbre qui aime la lecture et
vole ses livres ? Pourquoi pas ?
Alors pourquoi ne pas le trans-
former en papier après sa mort
et fabriquer un livre? Une belle
histoire sur le recyclage qui se
veut « un enseignement du
cycle de la nature et des saisons
où chaque chose est éphémère,
mais réutilisée, recyclée dura-
blement25 ».
À la différence des albums évoqués jusqu’ici, dans Mama Miti, la
mère des arbres, écrit et illustré par Claire A. Nivola26, les arbres expriment
l’espoir d’une communauté. Cet album raconte l’histoire de Wangari Maathai,
biologiste, militante écologiste et première femme africaine à obtenir le prix
Nobel de la paix en 2004 pour sa contribution en faveur du développement
durable. Rentrée au Kenya après quelques années passées en Amérique,
Wangari Maathai ne reconnait plus son beau pays : « Presque tous les arbres
avaient été coupés pour faire place aux cultures, et les femmes et les enfants
devaient aller chercher du bois pour
le feu de plus en plus loin. […] Sans
arbres, il n’y avait plus d’ombre ni de
racines pour fixer la terre et empê-
cher l’érosion. Le sol se desséchait
et se transformait en poussière qui
s’envolait au vent du diable. La pluie
lessivait la terre, qui souillait les ri-
vières autrefois limpides27 ». L’arbre
ne représente plus seulement un lieu
protecteur, mais un élément à proté-
ger, et l’action de Wangari Maathai

24 Lévy D. et Romanin T. (2006), L’arbre lecteur, Paris, Sarbacane.


25 Thiltges S., op. cit., p. 19-20.
26 Nivola C. A. (2008), Mama Miti, la mère des arbres, Le Sorbier/ Amnesty international (titre original Planting
the trees of Kenya, trad Ariel Marinie).
NDLR : noter sur ce thème la publication en 2011 chez Rue du Monde de Wangari Maathai, la femme qui plante
des millions d’arbres, excellent album de Frank Prévot illustré par Aurélia Fronty.
27 Ibid. pour cette citation et la suivante.

12
NVL juin 2023 – N° 236
en faveur de la protection de l’environnement est exemplaire. La préservation
de la nature, ici des arbres, est au cœur du récit et amène l’enfant à réfléchir
sur l’importance de la coopération. « - Quand la terre est nue, explique Wan-
gari, elle se retrouve sans défense et appelle au secours. Elle demande qu’on
la rhabille. C’est sa nature. Il lui faut de la couleur, il lui faut ses habits de
verdure! ». Dans cet album, la fiction rencontre la non-fiction, tandis que dans
d’autres œuvres, cette conjonction se réalise en recourant à des personnages
fictifs, inventés pour véhiculer des informations, et qui sont en mesure, eux
aussi, d’impliquer émotionnellement le lecteur28.
La préservation de la flore, en particulier des arbres, est au centre de
plusieurs albums. Dans La Chanson de l’arbre de Coralie Bickford-Smith29,
l’enfant lecteur vit un voyage poétique et esthétique à la découverte de cet élé-
ment de la nature, en suivant les aventures d’un petit oiseau : « Je connais cet
arbre, ses racines et ses feuilles. J’aime cet arbre, sa paix et son calme. J’adore
cet arbre et ses bras rassurants30 ». Et l’album se termine par une promesse :
« Quand les pluies tombent à verse, tout un peuple s’abrite sous tes branches.
Il fait bruisser tes feuilles, il caresse ton écorce et te berce le soir. Quand je ne
serai plus là, c’est lui qui protégera ». Ce livre illustre de manière extraordinaire
les relations entre les différents êtres et permet à l’enfant de s’interroger sur sa
relation à la nature. « Identifier les liens et l’interdépendance entre la nature
et l’homme pour reconstruire un sens de la communauté qui inclut toutes les
créatures vivantes parce que nous faisons partie du monde naturel31 » est l’un
des principes que les livres de jeunesse cherchent à transmettre aux enfants.

… À LA FAUNE
La littérature de jeunesse souhaite ouvrir les enfants à la variété et à
l’altérité. Non seulement la flore est au cœur de nombreux albums, mais éga-
lement la faune. Une littérature engagée en défense des animaux commence
à voir le jour dans les années 2000 et les albums dont le héros est un animal
en péril qui demande l’aide des enfants pour sa survie sont de plus en plus
nombreux. En France, Anne Simon parle de l’émergence d’un courant zoopoé-
tique32, qui fait écho aux animal studies développées quelques décennies plus
tôt dans les pays anglophones et dont l’objectif est l’étude des relations entre
l’animal et l’homme33.
Plusieurs albums développent leur récit autour de ce rapport, sou-
vent inattendu et surprenant entre les mondes animal et humain. Dans Je suis

28 Nobile A., op. cit., p. 12.


29 Bickford-Smith C. (2021), La Chanson de l’arbre, trad.angl. Marie Ollier, Gallimard jeunesse.
30 Ibid., pour cette citation et la suivante.
31 Zizioli E. (2022). « Natura, narrazioni e percorsi educativi », Pagine Giovani, op. cit., p. 24.
32 Simon A, Une bête entre les lignes: Essais de zoopoétique, Wildproject, 2021.
33 Nous signalons, entre autres, Serpell J., In the company of animals, Oxford 1986 ; Digard J.-P., L’homme et les
animaux domestiques. Anthropologie d’une passion, Paris 1990 ; Shepard P., The others, How animals made us
human, Washington, 1996.

13
Ecopoétique
la méduse, de Béatrice Fontanel avec des
illustrations d’Alexandra Huard34, le lecteur
découvre la nature et l’existence de ce fasci-
nant être marin, à travers un récit à la première
personne où c’est une méduse qui dévoile
son quotidien : « Je vogue, je flotte, m’évase
et dérive, évitant de m’envaser. Je ricoche et
j’effiloche mes froufrous au fil des flots. […] Je
gonfle ma cloche, puis la rétracte. C’est ainsi
que se meuvent les méduses35 », jusqu’au
jour où elle « pique » une fillette sans le faire
exprès. « Mais je ne peux pas m’en empêcher.
Je ne suis qu’une méduse rose, une guimauve
marine, marshmallow des mers, champignon
de gélatine ». Conséquence : on l’attrape avec
un filet, on la jette sur le sable, elle devient le spectacle de la plage ; mais une
leçon sur le respect de tous les êtres vivants est donnée par la fillette qui la
remet dans l’eau. Malgré le bonheur retrouvé, l’animal s’éloigne d’une réalité
jusque-là inconnue : « J’ai enlacé des choses que j’ai prises pour des amies
mais qui n’en étaient pas. J’ai failli m’étouffer avec un sac plastique mauve que
j’ai confondu avec une de mes sœurs, la Pelagia noctiluca, et j’ai étreint affec-
tueusement une grande bouteille orange… avant de la laisser tomber au fond
de l’océan ». Avec la méduse, l’enfant découvre la réalité des profondeurs des
mers et apprend des notions de culture écologique36. Avec Le Loup qui aimait
les arbres d’Orianne Lallemand, et illustré par Éléonore Thuillier37, le lecteur
découvre le thème de la déforestation. « Où sont passés les arbres ? »38, se
questionne le Loup. « … non pas un, mais vingt trous dans la terre ! Et tout
autour, des branches cassées, des feuilles écrasées… Les arbres avaient été
arrachés, la forêt massacrée ». Triste et en colère, il part à la recherche des
coupables et, grâce à l’aide de ses amis de la forêt, arrive à faire face au grand
méchant. Cet album se développe autour du respect envers toutes les espèces
et, encore une fois, met en valeur la relation entre les êtres.

UNE NATURE EN PÉRIL


« La modernité, c’est donc l’émergence d’une nature en péril. L’émer-
gence de sa conscience. […] Il s’agit, dans cette nouvelle écocitoyenneté litté-
raire, de donner aux enfants la mission de sauver le monde. Les adultes n’ont

34 Fontanel B. et Huard A. (2016), Je suis la méduse, Éd. Les Fourmis Rouges.


35 Ibid., Pour cette citation et les deux suivantes.
36 Nobile A., op. cit., p. 12.
37 Lallemand O. et Thuillier E. (2021), Le Loup qui aimait les arbres, Auzou.
38 Ibid., (pour cette citation et la suivante).

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NVL juin 2023 – N° 236
pas su le faire39 » affirment Nathalie Prince et Sébastian Thiltges. Les enfants,
adultes de demain, ont une responsabilité énorme vis-à-vis de la planète. Ce
que les adultes n’ont pas su faire, c’est à eux de s’en charger. Tomi Ungerer
disait vouloir donner aux enfants les moyens pour provoquer les adultes40. Ici,
il s’agit non seulement de provocation mais de connaissance aussi. Les livres
doivent donner aux enfants les moyens nécessaires pour qu’ils ne répètent
pas les erreurs des adultes. L’idée est d’éveiller et de stimuler en eux une
conscience écologique dès le plus jeune âge, de leur faire connaitre les élé-
ments de la nature et les possibilités de les protéger afin qu’ils deviennent des
citoyens responsables.
Planète, mon amour de Sylvie Girardet avec les illustrations de Puig
Rosado41 essaie de leur donner des
réponses à travers cinq fables ayant
comme protagonistes des animaux inté-
ressés par des problèmes comme la dé-
forestation, le réchauffement climatique,
la disparition de certaines espèces ani-
males, la pollution, etc. Ou encore, dans
Chaude la planète, de Sandrine Dumas
Roy et Emmanuelle Houssais42, les ani-
maux essaient ensemble de trouver l’ori-
gine du réchauffement climatique pour
chercher ensuite une solution pour limi-
ter les émissions de gaz : « La planète se
réchauffe… Et qui en est la cause ? Les
vaches ! In-cro-yable… mais vrai !43 ».
Les albums n’oublient pas non
plus les thèmes du recyclage et du tri et ils
sont nombreux à en parler et à prévenir les
enfants des conséquences néfastes de l’aug-
mentation incontrôlée des déchets. Voyage
à poubelle plage d’Élisabeth Brami44 en est
un exemple, car « À Poubelle-Plage quand les
vagues font rage elles ramènent sur le rivage
des tacs de trucs qui nagent mais pas de co-

39 Prince N. et Thiltges S. (dir.). (2018). Éco-graphies. Écologie et


littératures pour la jeunesse. Presses universitaires de Rennes, p. 15.
40 Willer T. (2008), Tomi Ungerer, L’école des loisirs, p. 55.
41 Girardet S. et Rosado P. (2005), Planète, mon amour, Paris, Hatier.
42 Dumas Roy S. et Houssais E. (2017), Chaude la planète,
Nice, Éditions du Ricochet.
43 Ibid.
44 Brami É. (2006), Voyage à Poubelle-Plage, Paris, Seuil jeunesse.

15
Ecopoétique
quillage. Dommage !45 ». Une apostrophe finale lance un message fondamen-
tal : « Alors vous, enfants de tous âges, comprenez-vous bien ce message ?
Êtes-vous prêts pour le sauvetage de Poubelle-Plage ? Qui s’engage ? ».
Comme évoqué par Jack Lang, « Nos enfants, qui hériteront demain du
patrimoine d’environnement que nous leur lèguerons, doivent en apprendre
la valeur très tôt. Ils seront aussi un vecteur important de sensibilisation des
adultes à l’environnement46 ». Les albums de jeunesse contribuent largement
à cette mission et aident les enfants à appréhender le monde contemporain
dans toute sa complexité, à travers une expérience à la fois littéraire et esthé-
tique.
Les grandes questions sociales qui intéressent notre planète, des
problèmes liés au climat à la pandémie récente, etc., ont révélé la nécessité
d’une prise de conscience collective47 ; « il ne s’agit plus seulement d’instruire
l’enfant, mais de l’éduquer à éduquer48 ».
Les albums encouragent les jeunes lecteurs à mieux connaitre l’uni-
vers dans lequel ils vivent et les êtres vivants avec lesquels ils cohabitent sur
la planète et à s’engager dans un processus de changement49 avant qu’il soit
trop tard.

45 Ibid., Pour cette citation et la suivante.


46 Les Nouvelles mesures pour l’éducation à l’environnement, op. cit.
47 « Éducation au développement durable », art. cit.
48 Prince N. et Thiltges S. (dir.), op. cit., p. 23.
49 Zizioli E., op. cit., p. 25

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NVL juin 2023 – N° 236
La Terre s’est enrhumée50, elle
est désormais malade, grippée, mais il
faut la soigner car, quand Nous aurons
mangé la planète51 et tout détruit, gas-
pillé, anéanti, « il ne nous restera que
de l’or, mais l’or ne se respire pas ».

Chiara Ramero est docteure en Littérature française, enseigne à l’Université


Grenoble-Alpes, collabore avec l’Alliance française de Cuneo où elle coordonne
et anime l’atelier de lecture créative pour adolescents « Lire Ados ». Elle s’inté-
resse à la littérature contemporaine de jeunesse : sa thèse soutenue en 2016
porte sur Les représentations des handicaps dans les romans contemporains
français et italiens pour adolescents ; elle a coorganisé en 2022 le colloque
international « Littérature de jeunesse et écologie » à l’Université Grenoble
Alpes.

50 Galliez R. M. et Lhomme S. (2009), La Terre s’est enrhumée, Auzou.


51 Serres A. et Bonanni S. (2009), Quand nous aurons mangé la planète, Rue du monde.

17
Ecopoétique
QUELLES INTERPRÉTATIONS DE L’ÉCOLO-
GIE À TRAVERS L’ÉCOMOTIF NARRATIF ET
LA COLORATION GRAPHIQUE DANS L’IL-
LUSTRATION JEUNESSE ?
Camille LANDREAU

Je vous invite à un petit voyage dans le monde de l’écologie aux


quatre coins de l’illustration jeunesse et de ma pratique personnelle. À travers
ma recherche, ma méthodologie de travail en atelier, il s’agit de percevoir et
comprendre l’univers sensible de l’écologie sous le prisme de l’imaginaire, du
motif narratif dans l’illustration d’album jeunesse et de ma pratique plastique
tournée vers la coloration graphique. Le thème spécifique de l’écologie per-
met de s’interroger sur le processus créatif de l’illustration. Comment penser la
convergence des études sur l’écologie, sur l’album jeunesse et sur la couleur ?
Quelle conception de l’écologie est donnée par l’illustrateur au regard de l’en-
fant ? De quelle manière les adaptations en littérature jeunesse permettent-
elles d’affiner la définition de l’écologie, sa place et sa vision au sein de notre
société ? Comment réinvestir ce thème dans un enseignement et une pratique
picturale ?
Appréhender le discours illustré d’un auteur dessinateur ou graphiste,
comprendre sa, ou ses propre(s) écriture(s) d’illustratrice coloriste, semble
opportun à l’heure de l’uniformisation des images. Il parait fondamental, pour
envisager d’enseigner ou de développer une nouvelle pédagogie de l’image,
d’opérer simultanément l’étude méthodique et l’analyse de l’illustration dans
notre culture visuelle. Le terme d’« éco- » que j’associe à motif fait appel à
l’imaginaire visuel, formel et chromatique lié à l’écologie.

L’ÉCOLOGIE, UN THÈME MULTIFACETTE


CHEMINEMENT PO(Ï)ÉTIQUE : DE LA RECHERCHE À LA MÉTHODE
Avec le dérèglement climatique et ses conséquences sur la planète
Terre, l’environnement, le développement durable et la biodiversité consti-
tuent des sujets sociétaux, des enjeux et des défis que l’humain doit relever.
Le thème de l’écologie ouvre un univers où l’on peut envisager par l’image une
nouvelle interprétation à donner aux générations futures. Chaque enfant, dès
son plus jeune âge, par la lecture d’ouvrages, l’apprentissage du quotidien,
peut être sensibilisé à l’écologie. Il est ainsi question d’aborder les problé-
matiques environnementales, d’introduire l’écologie d’une manière poétique
afin d’éveiller les consciences et changer nos comportements par rapport à la
biodiversité. « Nous n’avons, faut-il le répéter, qu’une seule planète, et votre

18
NVL juin 2023 – N° 236
génération et celles à venir nous donnent l’obligation morale, éthique et affec-
tive d’en prendre soin52. »

Camille LANDREAU, Moodboard sur le thème de l’écologie (2022).

Qu’évoque l’écologie ? Dans un premier temps, j’ai noté tous les mots
qui me venaient à l’esprit puis effectué des recherches lexicales étendues. Il
en ressort un vocabulaire riche et complexe que j’ai agencé sous la forme d’un
nuage de mots. Ceux-ci abordent plusieurs visions de l’écologie et ses enjeux
d’un point de vue négatif (déforestation, peur, pollution, déchet, survie…) et
positif (préservation, engage-
ment, biodiversité, écosystème,
prise de conscience…). Ce travail
m’aide à établir de nouvelles
connexions de pensées pour mes
différents visuels telles que les
planches d’ambiance.

Camille LANDREAU, Nuage de mots sur le


thème de l’écologie (2022).

52 RABHI Pierre, in DION Cyril, RABHI Pierre (dir.), Demain entre tes mains, Actes Sud Jeunesse 2017.

19
Ecopoétique
Ma thèse soutenue en mars 2023 s’intitule : Po(ï)étique de la colora-
tion : de la récolte en design à l’expérience créatrice du motif en illustration.
La réflexion porte sur l’invention, la conception de méthodologies propres à
la création de l’illustration, tout en s’appropriant, transférant et élargissant le
projet en design sous le prisme d’autres domaines de références tels que les
arts plastiques et la mode. Cette thèse opère dans la fabrique, pour la fabrica-
tion et dans l’objectif de fabriquer un conte illustré en, par et pour la couleur.
Dans mon travail de chercheuse designeuse illustratrice coloriste, le question-
nement sur les modèles de pensées, l’exploration en atelier-laboratoire de mo-
dèles chromatiques et l’instauration de nouveaux schèmes plastiques rendent
possible la création d’espaces où se croisent et se construisent les réflexions
et la pratique, des modélisations pour l’image dans les terrains de l’illustration
et de l’album jeunesse. Je défends une écriture graphique, textile, chromatique
et un design du dessein-dessin dans une mise en système de réécriture d’un
texte. En quoi la pensée couleur-motif peut-elle « desseigner », dessiner et
« designer » une narratologie visuelle et chromatique dans l’illustration ? Il
s’agit de mettre à l’épreuve la couleur dans l’illustration ; la coloration comme
intention, expérience et narration dans le motif de l’illustration c’est-à-dire
comme modalité de lecture et comme poïétique du projet (on entend par poïé-
tique, le processus instaurateur reflétant l’élaboration de l’œuvre et le rap-
port à son auteur ; la notion du « en train de se faire » où l’action est tout
aussi importante que la chose faite) ; l’expérimentation chromatique comme
pratique du dessin ; les couleurs comme textes. Pour ce faire, j’analyse des
images, j’expérimente des couleurs, je les classe à travers des cartographies
lexicales, chromatiques et sensorielles, je conçois des planches d’ambiance,
un répertoire de motifs narratifs, des créations illustrées et/ou textiles et un
lexique chromatique de l’album jeunesse.
Entre recherche-création, création-recherche et action de média-
tion ou de valorisation de la pratique de création, l’analyse part du général
(des autres) vers le particulier (ma pratique), et s’articule autour du détail de
l’image (pratique plastique), de l’ensemble sériel et illustré (pratique profes-
sionnelle).

L’ALBUM JEUNESSE : UN TERRAIN SPÉCIFIQUE INCITANT À UN POTEN-


TIEL IMAGINAIRE DE L’ÉCOLOGIE
La place de l’image est prépondérante dès l’enfance. Au travers de
nombreux « trésors » d’albums de jeunesse éclot sous les yeux de l’enfant tout
un monde peuplé d’illustrations, de mots et de couleurs.
L’illustration jeunesse, large palette de créations littéraires, artis-
tiques, graphiques et chromatiques, est très présente dans l’espace scolaire
et dans la sphère familiale. L’image « est faite pour frapper ou faire rêver ;
elle emploie les ressources du dessin et souvent de la couleur pour capter
l’attention, séduire l’esprit, apporter des idées et des connaissances, ou sus-

20
NVL juin 2023 – N° 236
citer des sentiments53. » L’album jeunesse fait découvrir aux lecteurs le pou-
voir des mots et des images. Lorsqu’elle rencontre un texte, l’image apporte
de nombreux éléments esthétiques par son cadrage, sa forme, ses motifs, ses
couleurs. Elle constitue ainsi un outil d’aide à la lecture et un imaginaire en-soi.

« [...] dans sa force originelle, l’image ne se borne pas à informer les yeux et
l’intelligence : elle touche la sensibilité et l’imagination. Fille du mouvement,
elle incite au mouvement et à l’action, fille de l’observation, elle incite à l’ob-
servation et à la réflexion : elle stimule la pensée. Il faut donc s’ingénier à
employer l’image dans la plénitude de ses pouvoirs et à tirer les plus grands
avantages possibles de ses relations avec les mots. »54
L’album suscite aussi la curiosité et l’interprétation. C'est en cela qu'il
est formateur et porteur de messages. Les œuvres littéraires pour les enfants
touchent un public qui évolue avec elles, s’en nourrit et comprend le monde
qui l’entoure tout en créant son imaginaire.

LANDREAU Camille, Schéma analyse de l'album jeunesse (2015, 2022).

53 Entrée « Image » rédigée par SOURIAU Anne (dir.) d’après des notes et écrits laissés par SOURIAU Étienne,
Vocabulaire d’esthétique, Presses Universitaires de France, 3ème édition, 2010, p. 902.
54 FAUCHER Paul, « Comment adapter la littérature enfantine aux besoins des enfants à partir des premières
lectures », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 1958, n° 5, pp. 345-352, accessible en ligne, https://bbf.
enssib.fr/consulter/bbf-1958-05-0345-002

21
Ecopoétique
Les productions de l’illustrateur, qu’elles soient ludiques, poé-
tiques, réalistes ou oniriques, tendent vers une transmission et un éveil pour
l’enfant. Par la création de signes et symboles visuels (de l’ordre de l’image
ou du texte), l’illustrateur fait passer à son lectorat des histoires, des émo-
tions, il donne du sens. L’album permet à l’enfant de s’ouvrir à la diversité
des pratiques et d’acquérir une éducation artistique et culturelle. « On sait
combien, dans un livre, on retient mieux certaines phrases quand c’est écrit
sous une image ».55

ILLUSTRATIONS DE L’ÉCOLOGIE - EXPLORATION, PERCEPTION ET


INTERPRÉTATION : UN PENSER/CLASSER ET UNE NARRATION ÉMO-
TIONNELLE DU MOTIF GRAPHIQUE ET CHROMATIQUE
L’album jeunesse aborde avec sa trame narrative et ses illustrations
des thèmes scientifiques qui permettent à l’enfant dès son plus jeune âge de
se confronter à des sujets majeurs. Ces albums littéraires autour de l’écologie
foisonnent et déclenchent des situations d’exploration, d’investigation et de
questionnement. Depuis quelques années, l’illustration jeunesse n’a de cesse
d’évoluer, de muter, de défier des hiérarchies traditionnelles et d’établir de
nouveaux codes visuels. Ainsi observe-t-on une nouvelle esthétique de l’éco-

Camille Landreau, Sélections de couvertures d'albums jeunesse autour de l'écologie (2022).

55 SOURIAU Anne in Vocabulaire d’esthétique, op.cit.

22
NVL juin 2023 – N° 236
logie par une revisite graphique et chromatique.
Sur les couvertures d’albums autour de l’écologie, de nombreux
styles et univers d’illustrateurs se côtoient. Par leurs caractères hybrides et
narratifs, les images évoluent sous des formes plurielles. L’image avec un style
graphique et une composition attentive au motif et à la couleur apporte une
atmosphère singulière. Il n’y a pas de véritables frontières établies, le territoire
de l’album jeunesse s’aventure dans un espace de liberté artistique et, par des
regards croisés, offre des perspectives créatives :
« Dans le livre, l’image illustre une scène du récit dans un espace
limité à la page, tandis qu’elle se libère dans l’album, envahissant
le texte et le concurrençant dans ses fonctions narratives et didac-
tiques. Elle ne se contente plus d’illustrer, elle complète, précise,
explique, ou apporte un contrepoint ».56
Guidé par l’adulte, l’enfant réfléchit, argumente et essaie de répondre
aux problèmes environnementaux rencontrés. Ainsi sa conscience du dévelop-
pement durable et de l’écologie est sollicitée. L’objectif étant que cet éco-ci-
toyen en devenir apprenne à respecter la nature, à préserver les ressources et
à vivre en harmonie avec les autres espèces animales. Ci-après, j’ai conçu un
nuage de mots avec les termes extraits de mon corpus d’albums de jeunesse
Le vocabulaire employé stimule la
curiosité de l’enfant.

Camille Landreau, Nuage de mots d'un vocabulaire


ciblé de l’écologie pour les enfants (2022).

L’écriture de l’image est


liée à la manière personnelle de tra-
cer des indices (graphiques, plas-
tiques, etc.) de langage qui invitent le spectateur à s’immerger dans le récit et
son univers visuel spécifique. Ainsi l’image est-elle une écriture de la création,
une matière à penser, un matériau à créer et imaginer le monde.
Dans ce corpus sur le thème de l’écologie, il s’agit d’explorer les per-
ceptions chromatiques des illustrations : de quelle manière motif et couleur
tissent-ils des liens entre la pensée écologique, la nature et l’homme au tra-

56 BNF Classes, L’album : emblèmes de l’évolution du livre pour enfants, BNF, accessible en ligne, https://
multimedia-ext.bnf.fr/pdf/albums.pdf

23
Ecopoétique
vers de thématiques telles que la forêt, la ville, les fonds-marins et la jungle ?
Des zooms dans les illustrations permettent de cibler le motif gra-
phique qui m’intéresse. Sont associés des visuels de référence à un champ
lexical reflétant la sensation éprouvée au regard du motif et des couleurs. Le
motif passe nécessairement pour son identification au plan narratif par un
exercice de langage. L’approche lexicale et narrative est utilisée afin de classer
des domaines de couleurs (lien entre coloration et sensation visuelle).

C. Landreau, Cartographie de zooms de motifs illustrés de forêt issus d’albums jeunesse (2022).

Pour le motif de la forêt, la vision traditionnelle est réinterprétée. La


trame narrative, les codes visuels et esthétiques sont parfois changés, créant
un nouvel imaginaire. On aborde le thème de l’écologie avec le ton de l’hu-
mour, par exemple dans Le grand ménage d’Emily Gravett (2016), le blaireau
nommé Benoît « maniaque de l’ordre et de la propreté » éduque ses petits
congénères au ménage de la forêt. Ainsi le voit-on ici passer l’aspirateur.

Pour le motif de la ville, on retrouve les thématiques liées à la pollu-


tion avec des teintes neutres et désaturées qui se lient et composent le pay-
sage. On plonge l’observateur dans les méandres d’une atmosphère de ville.
Des tons sombres liés à la représentation de la circulation, à l’étendue urbaine
détruisant la végétation, on passe à une gamme chromatique vive symboli-
sant un nouvel espoir, un changement de mode de vie et l’innovation de l’habi-
tat. C’est le cas avec Changeons ! de Francesco Giustozzi (2017) où on arrive

24
NVL juin 2023 – N° 236
C.Landreau, Cartographie de zooms de motifs illustrés de la ville issus d’albums jeunesse (2022).

progressivement vers un idéal d’habitat où la nature se lie avec l’urbanisme,


l’architecture et flotte tel un écosystème.

C.Landreau, Cartographie de motifs illustrés des fonds marins d’albums jeunesse (2022).

25
Ecopoétique
Pour le motif des fonds marins, on retrouve la question de la gestion
des déchets. Dans Rascasse, le vieux marin de Frédéric Cartier-Lange et Elsa
Huet (2012) la typographie symbolise chaque objet jeté à la mer puis récupéré
dans les filets du pêcheur. Les formes s’entrelacent dans un mouvement per-
pétuel créant un tourbillon de mots texturés et colorés. L’espace de la planche
est envahi amplifiant la narration autour de l’accumulation des déchets.

C.Landreau, Cartographie de zooms de motifs illustrés de la jungle issus d’albums jeunesse (2022)

Pour le motif de la jungle, l’environnement est mis en avant par des


teintes vives afin d’attirer l’attention du jeune public. Dans Au secours des
Zulus-Papous de Thierry Dedieu (2019), au moment où la pelleteuse déracine
les arbres et détruit le milieu naturel, la jungle est dans des teintes de rose, de
violet, de rouge. L’utilisation de ces couleurs et les formes des arbres simpli-
fiées traduisent l’intensité de l’action.

PRATIQUE D’ILLUSTRATRICE–COLORISTE : UNE EXPÉRIENCE IMPLIQUÉE,


ARTISTIQUE ET PÉDAGOGIQUE DANS LA « FABRIQUE IMAGÉE » DE
L’ÉCOLOGIE
Je perçois l’atelier comme un écosystème où se crée une interaction
entre un être (le designer plasticien), un phénomène (la création) et un objet
d’étude (le motif de l’illustration). Le créateur conçoit son environnement fami-
lier dans son atelier avec ses rituels et ses objets afin de créer une bulle dans

26
NVL juin 2023 – N° 236
laquelle il s’isole. À travers l’étude de l’environnement, je désire modéliser la
démarche de pensée (interprétation) et d’invention (illustration) qui s’opère
dans la création d’un paysage graphique et plastique (coloration).
La création de planche d’ambiance me permet d’apporter une vision
poétique et de rendre palpable un ressenti et une émotion. J’ai mis en image
le thème de la forêt par des textures, des détails, des effets et des couleurs.
La forêt possède une dualité chromatique. Elle est tour à tour sombre, hostile
et inquiétante puis merveilleuse, accueillante et rassurante. Il en découle un
univers particulier, des tonalités sombres ou colorées qui nous interpellent et
font ressortir l’intensité de l’atmosphère de la forêt. Cette étude permet d’affi-
ner mes perceptions chromatiques et le style en devenir de l’illustration.

Camille Landreau, Moodboards Paysages Forêts (2023).

« Bien avant de peindre ou de teindre, l’homme a observé les couleurs


de la nature. Il les a d’abord admirées, puis distinguées, enfin reconnues. Plus
tard [...] il les a nommées, pensées, classées57 ».
Je dessine des motifs, les collecte et procède à un système de classi-
fication et d’identification pour construire un répertoire de motifs sur la forêt.
Chaque échantillon fait référence à un mot choisi en fonction de mon ressenti et
de ma perception. J’interprète l’espace poétique de la forêt. Le choix, l’échan-
tillonnage, la mise en appellation du motif lui confèrent un statut de signe. Le
signe se mêle au dessin, à la couleur et avec l’écriture se voit doté d’une orien-
tation langagière. L’échantillon de motif coloré est transféré vers un effet, un
affect et une narration. Le motif, le mot et la couleur associés créent le lexique,
l’univers chromatique puis structurent l’image et font récit. L’ensemble des

57 PASTOUREAU Michel, Vert, Histoire d’une couleur, Points 2017, Coll. Histoire.

27
Ecopoétique
motifs répertoriés s’apparente à un vocabulaire.
Dessin et broderie dialoguent et s’enrichissent pour donner naissance
à un projet plastique. À travers ces expérimentations poétiques, texturales et
paysagères, il s’agit de percevoir les multiples interprétations du motif grâce
au passage du dessin, le trait illustré, à une expérimentation textile, le fil bro-
dé. Le graphisme, papier et textile, prend couleur, la coloration verte envahit
progressivement le médium associé (papier ou tissu) pour révéler ses palettes.
Chaque perception d’une couleur et d’une matière fait naitre un imaginaire.
Ce passage évolutif met en évidence une matérialité graphique, plastique et
chromatique de la forêt.

C. Landreau, Du dessin motif à l’expérimentation textile : coloration du vert autour de la Forêt (Motifs, Nuancier,
Carnet de recherches, Créations graphiques et textiles (broderie, punch needle, couture), Composition Paysage
poétique d’Hansel et Gretel)) (2019, 2020, 2022)

Lors d’ateliers artistiques en classe primaire de CP/CE1, les enfants ont appro-
ché avec l’enseignant un comportement écologique responsable vis-à-vis de
l’environnement. Cela s’est traduit par une observation dans la nature, chacun
exprimant ses sensations : des fiches pédagogiques sur l’arbre, la forêt, la
faune et la flore ont été conçues pour explorer la diversité du site. Puis j’ai
utilisé la pratique artistique pour aborder avec les enfants la représentation de
la forêt dans le conte d’Hansel et Gretel. Chaque enfant a sa propre percep-
tion de la forêt et de l’ambiance qui s’en dégage. Les uns la composent avec
de nombreux troncs serrés, d’autres accentuent les feuillages touffus. Dans
une recherche intuitive, l’enfant construit au fur et à mesure sa planche par
touches de peinture et associations de couleurs, d’où une pluralité des inter-
prétations à partir d’une même consigne.

28
NVL juin 2023 – N° 236
C.Landreau, avec les 12 élèves de CP/CE1 de l'École de Courbessac, Atelier Peinture, Hansel et Gretel perdus dans la forêt (2018).

CONCLUSION - COLORER, C’EST POÉTISER LA MATÉRIALITÉ DE L’ÉCOLOGIE


À travers cette étude autour de la représentation de l’écologie dans l’il-
lustration d’albums jeunesse, on perçoit toutes les facettes de ce thème et les mul-
tiples possibilités de recherches encore à explorer. L’écomotif narratif émanant de
la construction du récit et de l’image met en exergue une atmosphère singulière.
On observe l’éveil des sensibilités autour de l’écologie par la compréhen-
sion d'un lieu in situ et in visu par la pratique artistique et pédagogique.
Entre poétique et poïétique du faire, l’atelier est une étape conceptuelle et géogra-
phique interrogée où la couleur intervient comme une véritable valeur ajoutée et
prend une place importante dans la démarche de création. Par sa polysensorialité,
la couleur est impression, sensation et langage.
Ce dialogue autour du motif et de la coloration comme moteur du proces-
sus de création permet d’accroitre une fabrication du regard et des façons de voir
et d’entreprendre l’illustration.
« Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas
éteindre le feu !
- Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part. »
La légende raconte que chaque animal se sentant alors concerné, fit sa part,
chacun à sa manière et que la forêt fut sauvée. (Légende amérindienne)

Camille LANDREAU, Docteure en Arts Appliqués, designer plasticienne – Illus-


tratrice coloriste graphiste, chargée d’Enseignement vacataire à l’Institut Su-
périeur Couleur Image Design (ISCID), Montauban.
Contact : camille.landreau@univ-tlse2.fr

29
Ecopoétique
ET C’EST QUOI LA SAGESSE, GRAND
PÈRE ?, CONTE
Claudine C. STUPAR

Cet album paru chez Utopique a


toutes les marques du conte amérin-
dien avec des images de coiffes de
plumes et de canoë, avec les noms
de ses héros, Grand Aigle, le grand
père, et Petit Castor, réunis pour une
soirée initiatique entre lac et forêt
d’automne. C’est d’abord un conte
des origines expliquant comment le
Grand Esprit a modelé les quatre pre-
miers hommes, leur faisant à chacun
le don solennel de l’eau, du feu, de
l’air et de la terre. C’est donc l’homme
qui est en charge des éléments de
la nature, en charge de « veiller sur
notre terre », responsable du partage
avec tous les frères que sont les êtres
vivants. L’image intérieure ici choi-
sie en effet tisse harmonieusement
les humains et les arbres, avec l’eau
et les animaux. C’est ainsi qu’il est
répondu à la question de Petit Cas-
tor : C’est quoi la sagesse, grand père ? La référence amérindienne ajoute un
savoir culturel pertinent, ces peuples avant l’assimilation étant connus pour
leur vie respectueuse de la nature. Récit de fiction porteur d’émotions, conte
étiologique qui comble les questions métaphysiques sans réponse, conte phi-
losophique qui donne des éléments de conduite, de façons d’être au monde,
sa langue imagée se lit lentement, comme un poème où chaque mot compte.
Eminemment « écopoétique », donc… CCS

Jean Marie Robillard/Fabien Doulut- Et c’est quoi la sagesse, grand père ?


Utopique, 2023, 18€, 9791091081658, pour 8 ans +
Mots clés : album, conte amérindien, sagesse, respect de la nature, partage

30
NVL juin 2023 – N° 236
L’ANIMAL AU CŒUR DE L’HOMME :
DE LA PLACE DU NON-HUMAIN
DANS LES TEXTES DU MULTIVERS DE
PHILIP PULLMAN
Sibylle DOUCET

NDLR : le Multivers de Pullman renvoie à la trilogie : Philip Pullman, A la croi-


sée des mondes, Gallimard jeunesse, trad.angl. Jean Esch, parue entre 1995 et
2000: Les Royaumes du Nord, La Tour des Anges et Le Miroir d’ambre qui
remporte en 2001 le prestigieux Whitbread Book of the Year Award ( trilogie
adaptée dans une série télévisée intitulée His Dark Materials)

Dans un article intitulé « The Critics, the Monsters, and the Fanta-
sists », Ursula K. Le Guin écrit que « ce que la fantasy
fait souvent, c’est inclure le non-anthropocentrique
et le rendre essentiel. »58 De cela, les textes du Multi-
vers59 de Philip Pullman sont un exemple frappant.
Comme bon nombre d’œuvres de littérature pour la
jeunesse, la trilogie À la croisée des mondes, mais
également les quatre nouvelles et la seconde trilo-
gie60 qui l’accompagnent, donnent la part belle aux
animaux, réels et imaginaires. Les personnages non-
humains fourmillent dans les mondes parallèles qui
se déploient au long des romans et des nouvelles.
Et personnages ils sont bel et bien, puisque certains
sont étoffés avec autant de soin et de détails que
nombre de protagonistes humains. Cette façon de leur donner corps (et âmes
et esprits) opère une forme de rééquilibrage des forces entre non-humain et
humain, ne serait-ce que parce qu’elle accorde à l’un presque autant d’espace
textuel qu’à l’autre. Le principe même du multivers permet à l’auteur de pro-

58 Le Guin, p. 87.
59 NDLR : Le multivers, univers parallèles ou réalité alternative, est devenu un thème-clé en science-fiction.
Le terme de multivers est utilisé par les scientifiques pour décrire l’idée selon laquelle, au-delà de l’Univers
observable, d’autres univers pourraient également exister. Des théories scientifiques prédisent les multivers
sous l’angle de différents scénarios possibles, allant de régions de l’espace situées dans d’autres plans de notre
Univers, à des univers-bulles indépendants du nôtre et qui naissent en permanence. Ces théories ont un point
commun : elles suggèrent que l’espace et le temps que nous connaissons ne sont pas la seule et unique réalité.
60 NDLR :En 2017 commence à paraitre en français la Trilogie de la Poussière avec La Belle Sauvage, 1 et La
Communauté des esprits, 2 en 2020.

31
Ecopoétique
poser de multiples formes de vie différentes, et de les faire coexister avec la
réalité de ses jeunes lecteurs. Ceux-ci sont ainsi invités à réfléchir aux ques-
tions soulevées par cette réintégration du non-anthropocentrique au cœur de
l’intrigue, et du multivers.
L’article qui suit vise à explorer la façon dont Pullman met en scène
le lien entre humain et non-humain dans sa diégèse, de manière à question-
ner le rapport de l’Homme à la Nature dans le monde réel, et dans l’esprit de
son jeune lectorat. Il s’agira d’abord d’étudier l’inclusion et la présentation
d’alternatives non-anthropocentriques dans la trilogie, avant de se tourner
vers l’analyse de la figure essentielle du dæmon, véritable animal au cœur de
l’Homme, autour duquel s’articule un propos écocritique présent en filigrane
tout au long de l’œuvre.

DÉCENTRER L’HOMME : ALTERNATIVES À L’HUMAIN


Comme le dit Le Guin dans la citation ci-dessus, la fantasy est un genre
propice à la remise en question d’une vision anthropocentrique du monde.
Dans sa réflexion écocritique sur la fantasy, Don D. Elgin va plus loin, en affir-
mant que « la littérature, en particulier le roman de fantasy, offre à l’humanité
un moyen de se réintégrer dans le monde naturel et, ce faisant, d’inviter une
nouvelle relation entre elle-même et les créatures qui l’entourent.»61 C’est bien
cette réintégration que propose l’univers diégétique des textes du Multivers,
par la multiplication des protagonistes non-humains, mais aussi des cultures
et civilisations non-humaines. Celles-ci se posent comme des alternatives aux
civilisations anthropocentriques dominantes (plus ou moins réalistes, généra-
lement inspirées de la culture britannique du vingtième siècle). Si certaines ne
sont mentionnées que rapidement, deux sont développées avec suffisamment
de détails pour offrir au lecteur une solide perspective différente de son point
de vue habituel.
La première est présentée dans Les
Royaumes du Nord. Ainsi, dès le premier volume
de la trilogie originale, le lecteur découvre une
espèce rationnelle et douée d’intelligence non-
humaine, ouvrant la voie à d’autres par la suite. Il
s’agit des Panserbjörne, ours polaires géants dotés
de parole, peuplant l’ile de Svalbard, connus pour
les armures quasi-indestructibles qu’eux seuls
savent fabriquer. Lyra, le personnage principal,
rencontre l’un d’entre eux, Iorek Byrnison, lors de
son voyage vers l’Arctique. Leurs interactions per-
mettent à l’auteur de dépeindre un peuple bien

61 Elgin, p. 269 : « literature, and particularly the fantasy novel, offers humanity a way to reintegrate itself into
the natural world and, in so doing, invites a new relationship between itself, its fellow creatures ».

32
NVL juin 2023 – N° 236
distinct des humains, mais doté de ses propres caractéristiques, us et cou-
tumes. Ils vivent sur la banquise, majoritairement en solitaires, mais obéissent
à des codes sociaux stricts : Iorek, héritier légitime du trône de Svalbard, s’est
vu exilé pour avoir agi de manière déshonorante. En atteignant l’âge adulte,
chaque ours fabrique sa propre armure, qui devient dès lors une part essen-
tielle de son identité. Cette identité propre est soulignée par contraste avec la
nature humaine, dont Lyra explique qu’elle est fondamentalement différente.
Elle confie à la sorcière Serafina Pekkala que même si parfois, « on pense qu’ils
sont comme une personne, ils font soudain quelque chose de si étrange et de
si féroce qu’on se dit qu’on ne les comprendra jamais. »62

Iorek Byrnison en armure,


photogramme du film La
boussole d’or de Chris Weitz

Cette différence est essentielle et nécessaire à l’existence même des


Panserbjörne ; et leur assimilation – voire leur acculturation – à l’humanité
ne peut que leur être délétère. Cela est démontré à plusieurs reprises, dès
le premier volume. En effet, en fréquentant les humains après son exil, Iorek
se met à boire de l’alcool pour oublier, comme un humain. Lors d’une nuit de
beuverie, les habitants de la ville où il a élu domicile lui volent son armure et la
retiennent en otage pour qu’il devienne leur esclave. C’est ainsi que le trouve
Lyra : loin de chez lui, alcoolisé, sans armure – et donc, selon ses propres
termes, sans âme. Si un ours polaire alcoolique peut paraitre burlesque, voire
absurde, c’est une image frappante de l’aliénation d’un individu arraché à sa
culture et à sa communauté : tellement vidé de son identité qu’il peut adopter
n’importe quel comportement, même ridicule ou contre-nature.
Avec l’aide de Lyra, enfant capable de comprendre et d’accepter leurs
différences, Iorek récupère son armure, et plus tard son trône. Et c’est juste-
ment parce qu’elle a conscience que les ours en armure ne sont pas comme les
humains que Lyra voit clairement, en arrivant sur Svalbard, que tout le peuple
des Panserbjörne souffre d’une perte d’identité. Soucieux de se rapprocher

62 Les Royaumes du Nord [Northern Lights], p. 314 : « [y]ou think they’re like a person, and then suddenly they
do something so strange or ferocious you think you’ll never understand them. ».

33
Ecopoétique
des puissances humaines, l’usurpateur Iofur Rak-
nison s’est fait construire un palais en pierre plu-
tôt qu’en neige ; il s’est mis à porter une armure
ornée de plumes et dorée à la feuille, lançant une
mode à la cour. Dans les deux cas, les effets sont
désastreux : le palais, aussi grandiose qu’il soit,
est couvert d’excréments d’oiseaux, et rempli de
déchets de toutes sortes, que n’accumule norma-
lement pas la vie nomade des ours sur la banquise.
Quant aux armures rutilantes du nouveau roi et
de sa cour, elles sont plus décoratives que résis-
tantes. Ils s’en trouvent donc littéralement affaiblis
au combat – sans compter que leurs âmes, aupa-
ravant aussi fortes que leur volonté, sont mainte-
nant superficiellement belles mais incapables de résister au moindre coup.
Autrement dit, l’acculturation des Panserbjörne à l’humanité leur retire ce qui
fait leur identité, et les met dans une position de faiblesse. Le premier ordre
de Iorek Byrnison, une fois remonté sur le trône, est d’ailleurs de détruire le
palais de pierre pour revenir à la vie nomade naturelle des ours. Ils servent
ainsi d’exemple à l’effet délétère de la réduction d’un monde complexe à sa
seule interprétation anthropocentrique.

La seconde espèce à remplir cette fonction est celle des mulefa.


L’introduction de cette création totalement originale (en ce qu’elle ne repose
pas sur une espèce animale existante) est permise non pas par les caracté-
ristiques de la fantasy mais par celles de la science-fiction. En effet, à bien
des égards, les textes du Multivers s’inscrivent dans le genre de la science-
fiction, notamment en ce qu’ils reposent précisément sur le concept scienti-
fique du Multivers. Celui-ci permet aux personnages d’explorer ce qu’il y a au-
delà de leur propre monde, dans des réalités alternatives au sein desquelles
d’autres évolutions historiques ont été suivies.63 Comme le dit Gerry Canavan,
la science-fiction est « la vaste archive polyphonique de tous les possibles,
partagée par notre culture »64. J’ajouterais que là où la fantasy, et plus large-
ment le merveilleux, permettent souvent l’autonomisation ou l’extrapolation
d’espèces animales connues, la science-fiction permet à l’auteur et au lecteur
de s’émanciper des limites du monde connu pour envisager des alternatives
plus éloignées encore de la perspective anthropocentrique. Ici, un monde dans
lequel les humains n’existent tout simplement pas, et où l’espèce intelligente
présente n’a physiquement rien à voir avec eux. Les mulefa sont des créatures
au squelette en losange, que l’évolution a dotées de griffes incurvées leur per-
mettant de se servir de roues naturelles pour se déplacer.

63 Suvin, p. 49.
64 Canavan, p. 18 : « our culture’s vast, shared, polyvocal archive of the possible. ».
34
NVL juin 2023 – N° 236
Mulefa, photogramme de la série His Dark Materials,
Bad Wolf et New Line Productions, saison 3, épisode 5, 2022.

Ils sont capables de parler, de


se souvenir, de construire, de collaborer, de
créer. Contrairement aux humains, ils n’ont pas
soumis la nature autour d’eux à leurs besoins,
vivant au contraire en symbiose avec elle : ils prennent soin des arbres sur
lesquels poussent les graines qui leur servent de roues, des ruminants qui les
laissent leur prendre une partie de leur lait sans violence, etc. Leur existence
ne repose pas sur la domination, mais bien sur l’entraide, même entre les es-
pèces. À leur contact, Mary Malone, qui a voyagé jusqu’à eux depuis le monde
« réel », prend conscience de l’absolue nécessité d’accepter sa place dans la
nature et dans son cycle, plutôt que d’y imposer un regard égocentrique (ou
anthropocentrique) forcément destructeur.
Le caractère positif, et même utopique, de la vie des mulefa est d’au-
tant plus mis en valeur que leur monde devient l’incarnation du Jardin d’Eden
à l’issue de la trilogie. Lorsque Lyra et Will réussissent à créer une issue pour
libérer les âmes des morts, piégées dans des limbes lugubres depuis des mil-
lénaires, c’est dans le monde des mulefa que la porte s’ouvre. Et c’est dans ce
même monde idyllique que, quelques jours plus tard, les deux préadolescents
s’avouent leur amour et revivent la Chute d’Adam et Ève sur laquelle repose le
destin de tout le multivers. Autrement dit, ce monde alternatif, non-anthropo-
centrique, où toutes les espèces vivent en sym-
biose, est présenté comme un paradis – au sens
propre comme figuré.
Néanmoins, si le message est clair et les
alternatives tentantes, il est également démon-
tré que ces peuples sont liés, bon gré mal gré, à
l’humanité. Tant qu’ils partagent un biome (que
ce soit le même continent, le même monde ou le
même multivers), l’action des uns aura un effet
sur les autres. Dans Le Miroir d’ambre, les Pan-
serbjörne se voient contraints de quitter la ban-
quise pour se réfugier dans l’Himalaya, à cause
de la fonte des glaces provoquée par l’Homme.
Et lorsque Mary rencontre les mulefa, les arbres
avec lesquels ils vivent en symbiose depuis tou-

35
Ecopoétique
jours se meurent malgré leurs soins. La scientifique finit par découvrir que
c’est, là aussi, une conséquence des agissements des humains dans d’autres
mondes.
Ainsi, même une fois la différence et l’autonomie des espèces non-hu-
maines affirmées, la question de l’impact des sociétés humaines sur les autres
espèces reste entière. La solution ne se trouve donc pas dans la dissociation
de l’humain et du non-humain, mais dans l’affirmation d’un lien essentiel entre
eux, sans rapport hiérarchique, où l’existence de chacun doit être prise en
compte.

LE DÆMON, LA NATURE ANIMALE DE L’HOMME


Ce lien, dans tous les textes du Multivers, est représenté par les dæ-
mons. De toutes les créations fictionnelles proposées par Pullman dans son
ensemble romanesque, c’est l’une des plus marquantes pour les lecteurs, par-
ticulièrement les plus jeunes. Dans le monde de Lyra (le premier monde pré-
senté dans la diégèse, et le plus représenté dans le reste des textes), chaque
humain est accompagné d’un dæmon : une incarnation externe de son âme, de
forme animale, avec laquelle il partage ses sentiments, ses sensations, et ses
pensées – tout en ayant une conscience bien distincte. Le lien entre humain et
dæmon est fort au point que leur séparation dégage une puissance comparée
à celle de la fission de l’atome. Autrement dit, le lien intrinsèque, naturel et es-
sentiel entre humain et animal est rendu évident par l’existence des dæmons,
qui représente l’ordre naturel des choses au sein de la vie humaine.65 Ils sont
la preuve tangible et visible que l’animal est au cœur de l’Homme, et que sans
lui, ce dernier ne saurait être entier.

Lee Scoresby discute avec


son dæmon Hester, photo-
gramme du film La bous-
sole d’or, Chris Weiz, 2007.

Cette idée est renforcée par les origines du terme dæmon.


Même s’il est prononcé démon, son orthographe renvoie au concept grec
antique des daimones, âmes vertueuses devenues divinités protectrices
et conseillères des hommes sages.66 Le fait que, chez Pullman, ils prennent

65 Hines, p. 42.
66 Kleczkowska, p. 130.

36
NVL juin 2023 – N° 236
une forme animale, rappelle la parenté étymologique des mots « animal » et
« âme ». Comme l’explique Valérie Chansigaud, « [l]e mot animal vient du latin
animalis, -is qui désigne un être vivant mobile, et qui dérive d’anima, souffle
ou air, un mot souvent traduit par âme. »67 En d’autres termes, rien que des
points de vue étymologique et sémantique, les dæmons de À la croisée des
mondes postulent que l’âme humaine (marqueur traditionnel de la nature de
l’Homme) serait justement sa part animale. Ce qui donne vie et conscience à
l’Homme, c’est cette âme-animale au fond de lui. Ainsi, il ne peut se séparer de
l’animal sans en subir des conséquences terribles.
Au niveau diégétique, ces conséquences sont incarnées par les vic-
times, nombreuses, de séparations forcées. Certaines meurent, purement et
simplement (comme Roger et le Père McPhail) ; d’autres, comme le jeune Tony
Makarios, deviennent des « créatures hideusement mutilées »68. D’autres
encore, comme l’infirmière de Lyra et son dæmon, à Bolvangar, se retrouvent
dépourvues « pas seulement d’imagination, mais de curiosité aussi », « l’air
terre-à-terre, efficace et inexpressif ; l’air capable de suturer une plaie ou de
changer un pansement, mais pas de raconter une histoire. »69 Les humains,
privés de leur dæmon, sont privés de leur conscience et de leur imagination :
ils peuvent fonctionner, mais ne sont plus animés par leur âme-animale.
Celle-ci, si elle existe toujours, est reléguée à une place subalterne.
Mrs Coulter, la responsable des opérations d’intercision (le terme officiel de
la séparation de l’humain et de son dæmon) à la station Bolvangar, l’explique
à Lyra. Elle lui dit qu’après l’opération son « dæmon reste avec [elle], simple-
ment... il n’est plus connecté. Comme un... comme un merveilleux animal de
compagnie. Le meilleur animal de compagnie du monde ! »70 Autrement dit, la
partie animale est détachée, passant d’un rôle crucial au fonctionnement de
l’humain à un simple rôle d’accompagnement, obéissant et superflu.
Il est important de noter que la démarche est volontaire de la part de
Mrs Coulter et du Magisterium, pour qui elle travaille. Le but de l’intercision est
précisément de couper court à l’influence des dæmons, qui « apportent tout
un tas de pensées et de sentiments troublants »71 que l’idéologie chrétienne
extrémiste du Magisterium condamne. La station Bolvangar est un centre d’ex-
périmentation scientifique où des ingénieurs travaillent à rendre systématique
l’extraction de l’âme-animale des humains, en commençant par les enfants.
La hiérarchisation des espèces et la relégation de l’animal sont donc l’abou-

67 Chansigaud, URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/animal/


68 Les Royaumes du Nord [Northern Lights], p. 216 : « hideously mutilated creature[s] ».
69 Les Royaumes du Nord [Northern Lights], p. 238 : « it wasn’t only imagination the nurse lacked, it was
curiosity as well » ; « a brisk, blank, sensible air; she would be able to stitch a wound or change a bandage, but
never to tell a story. »
70 Les Royaumes du Nord [Northern Lights], p. 283 : « your dæmon stays with you, only... just not connected.
Like a... like a wonderful pet, if you like. The best pet in the world! »
71 Les Royaumes du Nord [Northern Lights], p. 283 : « Her dear soul, the daring companion of her heart, to be
cut away and reduced to a little trotting pet? Lyra nearly blazed with hatred »

37
Ecopoétique
tissement d’une idéologie mise en œuvre par des institutions – les mêmes qui
cherchent à changer les coutumes des Panserbjörne dans Les Royaumes du
Nord, et qui attaquent les mulefa dans Le Miroir d’ambre. Le parallèle avec la
destruction des milieux naturels du monde réel et de leurs populations par les
pratiques colonialistes et ultra-capitalistes n’est pas difficile à faire. Le fait que,
dans la diégèse, l’institution responsable de ces exactions soit culturellement
très ancrée dans la Grande-Bretagne et l’Europe de l’Ouest contemporaines,
souligne la responsabilité de celles-ci dans la situation écologique réelle.
En cela, le lectorat cible de la trilogie est important : faire prendre
conscience aux enfants de l’importance fondamentale du non-humain permet,
en quelque sorte, de contrebalancer le processus d’intercision idéologique
dénoncé par le texte. La réaction de Lyra à la perspective que « son âme ado-
rée, le fier compagnon de son cœur, [soit] extrait d’elle et réduit à un simple
animal de compagnie obéissant » est viscérale : elle « bouillonn[e] presque de
haine. »72 À la suite de cela, elle se révolte contre ces pratiques contre-nature
et mène, inconsciemment, la révolution de l’idéologie de tout le multivers. Le
lecteur, qui s’identifie à elle, est encouragé à suivre le même chemin, et à voir
le reste de l’intrigue et son propre monde à travers cette lentille.
En effet, étant donné que le monde de Lyra est le premier à apparaitre
dans la trilogie, le lecteur et la majorité des focalisateurs ultérieurs perçoivent
les mondes parallèles par le prisme de l’existence des dæmons. Tout être vi-
vant (notamment humain) capable de penser par lui-même est vu comme ayant
un dæmon, même s’il n’est pas visible. Par exemple, lorsque Lyra rencontre
Will et Mary (et explore la version diégétique du monde réel), elle est d’abord
effrayée, mais conclut rapidement que leurs dæmons sont à l’intérieur. Ainsi,
dans les textes du Multivers, tout le monde a un dæmon, qu’il soit visible ou
pas. Tous les humains possèdent une âme-animale, qui les rend conscients et
vivants, et qu’ils doivent protéger.
Cela est confirmé par la sorcière Serafina Pekkala, qui enseigne
à Mary comment voir les dæmons des gens, même s’ils sont internes : tout
comme le rejet des animaux doit être inculqué dès le plus jeune âge, donc la
clairvoyance sur le sujet peut l’être également. C’est le rôle que semble tenir
la trilogie elle-même : rendre l’importance du non-humain visible aux yeux
des enfants lecteurs ou leur enseigner à le voir par eux-mêmes. Chacun peut
prendre conscience du rôle et de la place essentiels de l’animal, et ainsi contri-
buer à changer le rapport de force.

Ainsi on peut constater que, dans la trilogie À la croisée des mondes,


le traitement des figures non-humaines, met en avant le processus idéologique
de séparation entre humain et non-humain, en lui donnant une illustration

72 Les Royaumes du Nord [Northern Lights], p. 283 : « dæmons bring all sorts of troublesome thoughts and
feelings »

38
NVL juin 2023 – N° 236
concrète. Le cadre générique de l’œuvre, qui mêle fantasy et science-fiction,
permet à l’auteur de proposer des alternatives aux sociétés et aux perspec-
tives anthropocentriques du monde réel. La critique écologique et politique
sous-jacente à l’œuvre se cristallise autour de la puissante métaphore du
dæmon. Celle-ci démontre l’absolue nécessité de reconnaitre et de préserver
le lien entre l’humain et l’animal, entre l’Homme et la Nature, dont la rupture
condamnerait irrémédiablement l’un comme l’autre.

Bibliographie :
Gerry CANAVAN, “Introduction: If This Goes On,” Green Planets: Ecology and
Science Fiction, edited by Gerry Canavan and K. Stanley Robinson, Wesleyan
University Press, 2014.
Valérie CHANSIGAUD, « ANIMAL », Encyclopædia Universalis [en ligne],
consulté le 14 mai 2023. URL: https://www.universalis.fr/encyclopedie/ani-
mal/
Don D. ELGIN, “Literary Fantasy and Ecological Comedy,” Fantastic Literature
– A Critical Reader, edited by David Sandner, Wesport, 2004.
Maud HINES, “Second Nature: Daemons and Ideology in The Golden Com-
pass,” His Dark Materials Illuminated: Critical Essays on Philip Pullman’s
Trilogy (Landscapes of Childhood Series), edited by Milicent Lenz and C. Scott,
Wayne State University Press, 2005.
Katarzyna KLECZKOWSKA, “Greek and Roman Elements in His Dark Materials
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Ursula K LE GUIN, “The Critics, the Monsters, and the Fantasists,” The
Wordsworth Circle 38.1/2, Winter/Spring 2007.
Philip PULLMAN, Northern Lights [Les Royaumes du Nord], 1995, Scholastic
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The Subtle Knife [La Tour des Anges], 1997, Scholastic Children’s Books, 2005.
The Amber Spyglass[Le Miroir d’ambre],2000, Scholastic Children’sBooks,
2005.
The Secret Commonwealth [La Communauté des esprits], David Fickling
Books, 2019.
Darko SUVIN, Metamorphoses of Science Fiction: On the Poetics and History
of a Literary Genre, Yale University Press, 1980.

Sibylle DOUCET : Professeure agrégée d'anglais à l'Université Grenoble-Alpes


avec une Thèse en littérature anglophone soutenue en 2021, elle étudie les
enjeux de la transmission par la fiction, ainsi que le rôle du paratexte et de
l'intertexte dans le processus de création du sens. Elle travaille avec le sémi-
naire “Territoires et frontières en littérature de jeunesse” de l'Université Gre-
noble-Alpes et fait partie du European Network of Children's Literature Re-
search.

39
Ecopoétique
APRÈS NOUS, LES ANIMAUX -
qui raconte dans ce roman
post-apocalypse ?
Claudine C. STUPAR

Camille Brunel - Après nous, les animaux


Casterman, Ici/maintenant,2020, 16,00, 9782203064324, 12 ans +
Mots clés : Roman, dystopie, virus, fin humanité, animaux, survie

Dans la note critique que j’avais rédigée de ce roman dystopique en


2020 (NVL 228), j’écrivais : « C’est un roman bluffant, imaginez-vous lire 350
pages sans un humain pensant/parlant ? »… Cette originalité et la gageüre
qu’elle représente font de ce livre jeunesse l’un des plus représentatifs d’une
écopoétique tout à fait passionnante par les questions stylistiques qu’elle
pose et les limites qu’elle fait dans le même temps apparaitre : comment dire
un monde après l’extinction de l’espèce humaine ? Céline Minard dans Le
Dernier Monde73(2007) a conté magistralement l’odyssée du dernier homme,
cosmonaute revenu sur Terre après l’extinction et le lecteur parcourt la pla-
nète plongé dans la déréliction de ce solitaire absolu, le dernier être pensant.
Mais comment sortir d’un récit anthropocentré, d’un point de vue autre sur un
monde d’après l’homme, l’auteur demeurant l’humain pourvu du langage ?…
2086 : L’espèce humaine a été dévastée par les virus. Notez qu’à la
parution du livre, en 2020, la pandémie Covid commençait juste… Comme
une arche de Noé, les animaux d’un zoo européen ont été embarqués vers
l’Amérique en quête des derniers humains et d’un possible recommencement.
Mais la douzaine de membres d’équipage a peu à peu succombé et la dernière
humaine ayant ouvert les cages, leur bateau échoue au Mexique où accostent
ainsi trois taureaux, une vache, quatre chevaux, deux geais, cinq lycaons, deux
chimpanzés, deux éléphants, une panthère et un python.
Début d’un périple entre jungle et villes envahies par la végétation.
Dans cette vaine recherche des humains disparus, un nouvel et cruel équilibre
doit se trouver entre animaux domestiqués et sauvages, entre prédateurs et
proies. Il est passionnant qu’il s’agisse d’animaux venus de zoo et de cirque,
habitués aux hommes, déformés par cette relation. Comment se défaire de
l’aliénation qui les a rendus dépendants des hommes ? Comment vivre sans
eux ? Comment faire groupe enfin ?

73 Céline Minard, Le Dernier Monde, Denoël, 2007, 9782207259214

40
NVL juin 2023 – N° 236
Camille Brunel, militant antispéciste, auteur d’un livre sur les repré-
sentations des animaux dans le cinéma et d’ouvrages remarqués, La guérilla
des animaux74 et le récent Eloge de la Baleine, fait prendre conscience que,
sans les hommes, la nature survit ! et les animaux aussi, après avoir noué de
nouvelles alliances.
La parole d’un narrateur n’était pas évidente dans un tel contexte.
Bien sûr, Camille Brunel fait « parler » parfois des animaux, on n’en est pas
choqué. L’auteur a su trouver une position non surplombante, épousant la
supposée pensée animale évoluant au gré des diverses expériences, encore
traversée de souvenirs des humains et trouvant des formes minimales et di-
verses de communication. Peu d’action dans ce roman post-apocalypse où le
temps, la lenteur, l’absence de sens sont propices à penser en particulier la
question de la souffrance, de la mort. Car la violence de la nature est grande,
l’Eden d’après les hommes est implacable.
Ce roman de la collection sous-titrée « Des romans qui regardent le
monde en face » est convaincant dans son propos, étonnant dans sa forme et
mérite d’être connu.

74 Camille Brunel, La guérilla des animaux, Alma, 2018, 9782362792854 ? Grand Prix de la Société des Gens de
Lettres en 2019 ; Éloge de la Baleine, Payot Rivages, 2022, 9782743655808

41
Ecopoétique
POÉSIE ET ÉCOPOÉTIQUE
Régis LEFORT

La poésie sauvera-t-elle le monde75 comme l’annonce un essai de


Jean-Pierre Siméon ? De toute évidence, si les opérations de sauvetage pa-
raissent loin de ses préoccupations, il n’en reste pas moins qu’elle est engagée
aujourd’hui dans ce que l’on nomme l’écopoétique, ce « nouveau sentiment de
la nature »76 qui tient compte de l’écologie, domaine dont les problématiques
sont premières parmi toutes celles auxquelles doivent faire face nos sociétés.
La poésie dénonce de plusieurs façons les actions antiécologiques, invite à
des comportements responsables, propose une esthétique renouvelée. Dès le
plus jeune âge, le poème joue son rôle de défense et illustration de la nature.
Avant de donner quelques exemples de poèmes qui entrent dans
la catégorie de l’écopoétique, nous souhaitons rappeler quelques éléments
de définition. En effet, « [si] la littérature a un rôle à jouer dans la défense
de l’environnement, ce n’est pas seulement ni nécessairement en se faisant
l’écho de sa dégradation et des combats menés pour y remédier, mais aussi en
exprimant et en illustrant les ressources affectives, symboliques, esthétiques
de notre relation avec la nature, qui sont aussi importantes que ses enjeux
biotiques, économiques et sociologiques, la défense des uns n'excluant nul-
lement celle des autres. »77, note Michel Collot dans son essai Un nouveau
sentiment de la nature.
S'il s'agit de donner une définition de l’écopoétique, nous pourrions
convenir toujours avec Michel Collot que « L'écopoétique doit embrasser la
diversité et la complexité des écritures de la nature, qui ne se bornent pas à la
décrire, mais la redécrivent et lui donnent forme en mobilisant une sensibilité,
un imaginaire et un style. Il s'agit de mieux rendre compte de ce “travail sur
la perception à travers la langue et la forme esthétique”, “à travers les sens
et les sentiments”, qui constitue, selon Thomas Pughe, l'essentiel du “travail
écologique de l'écriture”. La littérature est poiesis et non mimesis. »78
Mais que sont exactement ces écritures de la nature qui proposent
un travail sur la forme esthétique ? Nous prendrons un premier exemple avec
L’arbre m’a dit, livre publié aux éditions Rue du Monde en 2022. Les poèmes
sont de Jean-Pierre Siméon et les encres et pastels qui les accompagnent de
Zaü. Le livre met en scène l’arbre, motif écopoétique s’il en est, et il est bâti

75 Cf. Jean-Pierre Siméon, La poésie sauvera le monde, Éditions Le Passeur, 2015.


76 Cf. Michel Collot, Un nouveau sentiment de la nature, Éditions José Corti, 2022.
77 Ibid., p. 174.
78 Ibid., p. 174. La littérature est création (poiesis) et non imitation (mimesis).

42
NVL juin 2023 – N° 236
sur le jeu enfantin de « Jacques
a dit », revisité en « L’arbre m’a
dit ».
De toute évidence, cette
injonction, comme celle du jeu,
est choisie pour toucher son
public plus directement, la règle
étant d’obéir à la loi de « L’arbre
m’a dit » comme à celle de
« Jacques a dit ». L’objectif sous-
jacent est de faire ressentir la
nature dans le corps de l’enfance
comme une part de soi qu’il faut
choyer, qu’il faut protéger, en
usant de l’analogie. L’énoncia-
tion est habile et conjugue le je,
le tu et le nous de telle sorte que
le lecteur ne puisse que se sentir
concerné. L’arbre m’a dit est une
façon douce d’assiéger le lec-
teur. Le poète circonscrit non pas
un paysage mais bien un regard
sur le paysage pour une nature
sensible à aimer, à contempler.
L’arbre réunit plusieurs dimen-
sions, affective, sensorielle, sym-
bolique et esthétique. L’écriture
mobilise une sensibilité, un imaginaire et un style.
Ainsi peut-on lire en ouverture ces deux poèmes qui entrent dans le
vif du sujet de telle sorte que le jeu accapare toute la disponibilité de l’enfant :
« L’arbre m’a dit : / si tu te sens seul, / fais comme moi, / ouvre grand les bras
/ et laisse le monde / te traverser » ; « L’arbre m’a dit : / pose ton oreille /
contre mon écorce, / entends-tu / notre cœur battre ? »
Parfois, certains messages relèvent du subliminal. C’est le cas, par
exemple, dans « L’arbre m’a dit : / Fais comme moi, / nourris-toi / par les pieds
/ autant que / par la tête. » ou bien dans « L’arbre m’a dit : / c’est la soif du ciel
qui fait grandir. » D’autres fois, le lecteur est pris à parti dans une formule qui
enjoint de s’interroger : « L’arbre m’a dit : / je donne ses couleurs / à la rivière,
/ qui me donne son eau, / et toi, / qui est ta rivière ? »
Sans cesse le rapprochement est fait entre ce que peut éprouver
l’arbre et ce que peut éprouver l’enfant. Les formules deviennent alors « j’ai le
bois tendre / comme tout le monde », « tu sens l’arbre en toi ? », « celui qui
me coupe / perd un ami ». Peu à peu, le jeu est détourné pour devenir plus
sérieux et l’énonciation épouse alors un système qui tient plutôt de formules

43
Ecopoétique
de sagesse : « n’oublie pas / que le plus beau fruit / fut d’abord fleur légère et
fragile ». L’union, comme un appel entre l’arbre et l’enfant, est scellée en guise
de conclusion : « L’arbre m’a dit : / finalement, / tu n’es qu’un arbre / qui parle
/ et qui marche. »
On le voit, le poème de Jean-Pierre Siméon souhaite jouer un rôle
essentiel dans la manière d’habiter le monde. Réel et imaginaire sont en inte-
raction constante et le choix du jeu bien connu « Jacques a dit » parait une voie
efficace pour réformer les comportements face à la nature. L’émotion éprou-
vée tend à faire sortir de soi par une forme de vertige rendu par la constante
invite à s’identifier à l’arbre.
Dans Poèmes pour y aller, publié
avec des illustrations d’Anne Her-
bauts, Carl Norac procède tout autre-
ment et encourage dès le titre : Il
faut y aller ! car « Il faut être poète
pour quelque chose / dans la vie »,
« il va falloir y aller, / sans hasard,
maintenant, / tous ensemble vrai-
ment / pour faire bouger le monde ».
Ici aussi, l’énonciation porte à une
attention de la nature mais là où
Jean-Pierre Siméon avait opté pour
la voie du détournement ou du biais,
Carl Norac est plus direct, même s’il
use du trésor que l’on confie comme
un secret et note : « Un poème, à la
fois, ce n’est pas grand-chose et tout
l’univers ».
Le poète convoque l’arbre, lui
aussi, ou plutôt les arbres, toute une
forêt d’arbres qui « dansent seuls, / se penchent sur les sentiers, / se touchent
branche à branche ». Il choisit le mode du secret – « pour te dire un secret »
– comme mode de transmission de la connaissance de la nature. Dire un se-
cret79, le murmurer à l’oreille, c’est faire comme le vent qui imite l’arbre, « c’est
chanter comme un arbre » pour le mieux comprendre et le protéger.
Pour comprendre ce monde, il faut aller vers le fond des choses, ne
pas en avoir peur, faire face, observer. Le poème permet cela : « C’est pour-
quoi nous traçons encore / nos poèmes, sans détour, / pour nager, moins va-
guement, / vers le fond des choses. » Dès l’éveil, il faut entrer en communion

79 Carl Norac, illustrations d’Anne Herbauts, Petits poèmes pour y aller, Éditions Pastel / l’école des loisirs,
2022 : « pour te dire un secret » (p. 6) ; « je te dis un secret encore » (p. 10) ; le poème entier « Comme un
secret » (p. 36) qui débute ainsi : « J’ai un silence à te dire. / Il est bavard ce silence. » ; « il y a des secrets bien
au-delà des mots » (p. 54) ; tout le poème « Une confidence » (p. 110).

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NVL juin 2023 – N° 236
avec la nature – « Quand je me lève je suis loutre » – et si « je ne suis pas
doué » quand l’éléphant m’apprend à barrir, si mon cri n’a d’abord « rien d’un
cri d’éléphant », il suffit d’écouter ce « grand professeur » parler « des condi-
tions du zoo, du cirque, / des braconniers et collectionneurs de trophée, / puis
de la disparition de l’espèce, programmée ». Alors on barrit « sans effort »
avec « ceux qu’on aime, quand on est ému ». Et de conclure plus générale-
ment : « les langues étrangères n’ont jamais de frontières ».
Il s’agit d’être attentif aux moindres choses comme à telle goutte
de pluie dans laquelle se reflète le soleil et, de cette attention décuplée, le
poème le dit : « je lis l’avenir dans l’instant qui arrive ». Le poème conseille
encore : « Bois du thé de nuages », « respire un peu de pays inconnu »,
« n’oublie pas de rire d’un rien / et d’avoir, avant de dormir, / le nouveau
rêve d’un nouveau monde ». Sortir de la course effrénée vers l’avant, ralen-
tir, faire comme l’escargot, choisir « un autre rythme », contempler la nature,
contempler « comment la lune / tourne la page du soleil », autant d’attitudes
à adopter en observant le monde environnant. Si chacun doit faire un effort,
c’est « sans attendre » car « ton nid, c’est le monde », c’est « une histoire
d’appétit ».
Certains poèmes œuvrent dans un sens complémentaire à ce mé-
lange de réel et d’imaginaire en ouvrant sur l’ironie. Or l’ironie, selon Pierre
Schoentjes80, participe de l’écopoétique, tient une place dans l’écriture de la
nature et s’adresse aussi bien aux anti-écologistes qu’à ceux, donneurs de
leçons, qui sollicitent l’esprit moutonnier absent de réflexion :

Il y a des donneurs de leçons


qui, pour de vrai, ne donnent rien.
Si tu savais ce qu’ils te vendent,
tu t’enfuirais, avant de trembler,
loin de l’avenir qui leur ressemble.
Pas forcément se ressembler,
plutôt se rassembler, voilà le cadeau,
être ensemble.
Je te le donne, tu me le donnes,
nous nous le donnons,
sans avoir besoin de leçons.

La part de l’ironie tient ici aux ambiguités qu’elle fait naitre et qui de-
mandent un engagement du lecteur. Pour être capable de cet ensemble dans
la différence, peut-être – et le poème le dit aussi, qui n’oublie rien au passage
– faut-il être capable de « tomber nez à nez avec [soi] ». Exit la peur, mau-
vaise conseillère, exit l’oubli volontaire pour se déculpabiliser car « Je suis au

80 Pierre Schoentjes, Ce qui a lieu, essai d’écopoétique, Wildproject, 2015, p. 260-271.

45
Ecopoétique
monde. / Je suis le monde quand je respire. » et bien sûr « Ici et maintenant, je
prends ma chance. / Je fais le monde. Je suis le temps. »
Le livre de Carl Norac, s’achève pratiquement sur le poème intitulé
« Écologie », non sans avoir donné au préalable les métiers d’avenirs que
sont, par exemple pour n’en citer que quelques-uns, « gardien d’icebergs »,
« pêcheur de plastique », « raccommodeur d’ozone », ou « rêveur d’autres
mondes », ni oublié de préciser ce que signifie être poète : ça fabrique « un
nuage qui a du sens, au-delà du vent qui le pousse » et « ça brindille pas mal
[…] et dans toute la forêt ». Enfin la poésie, ça mène « nulle part / mais au bout
du monde ».

Écologie

Nous irons plus loin.


Nous apprendrons la langue des autres.
Nous dirons que nous sommes chez nous
partout où nous passerons.
Notre drapeau sera le paysage.
Nous serons filles ou garçons,
ou la feuille qui caresse un soleil.
Nous ne jouerons pas avec le feu,
la canicule ou les grands vents.
Car nous irons plus loin.
Nous apprendrons la langue des autres.
Nous dirons que nous sommes chez nous
partout où nous passerons,
sans penser au pire ni être trop sages.
D’un monde qui respire,
notre drapeau sera le paysage.

Nous prendrons enfin deux exemples qui montrent, selon deux voies
différentes encore, le lien de la poésie et de l’écologie selon le trait de l’éco-
poétique avec deux publications de Rue du monde au printemps 2023 : Les
coquelicots savent-ils qu’il sont fragiles ? d’Alain Serres et Quelques gouttes
de pluie sur la terre d’Abbas Kiarostami.
Alain Serres revient sur le coquelicot qu’il avait déjà mis en scène
avec Encore un coquelicot publié chez Cheyne éditeur, en 2007. Mais, dans ce
nouvel opus, l’esthétique choisie est celle des Questions/Réponses, système
peut-être plus efficace pour la prise de conscience écologique, qui opte parfois
pour la devinette. Le livre déplace le point de vue pour que chaque lecteur
s’interroge sur sa place dans le monde, comme élément y appartenant et non
comme entité supérieure réglant le devenir de tous et de tout. Et le poète se
prémunit dès le début de tout grincheux qui viendrait lui opposer son chapelet
de leçons écologiques :

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NVL juin 2023 – N° 236
Pourquoi y a-t-il un début à tout ?
Parce que chaque fruit a sa graine,
chaque graine, son poème
et que tout coule de source.

Les questions sont posées par le


roi des sangliers, les poissons ou le goé-
land, par la neige, la pierre ou le papil-
lon, par l’arbre, la tortue ou le coquelicot,
par la frontière, la tristesse ou le regard.
Ainsi, l’homme est-il vu par le goéland
qui le considère « minuscule / comme
une goutte d’eau / avec deux grains de
sel brillants /qui le regardent tourner
là-haut ». Mais un autre poème avertit :
« Tout s’amenuise, oui, / en prenant de la
hauteur. / Tout devient flou et l’on oublie
/ qu’ensemble / nous habitons un même / grain de sable. » Dans tous les cas,
décentrer le regard permet une ouverture d’esprit.
Avec Quelques gouttes de pluie sur la terre, c’est la forme du haïku
qui est convoquée, c’est-à-dire une forme qui œuvre à la fois dans la conden-
sation du propos et dans le lien qui
unit originellement l’homme et la
nature, le premier étant à considérer
comme un élément de la seconde.
Ces poèmes courts possèdent du
reste une forte composante symbo-
lique, ils disent l’évanescence des
choses dans une prise qui se veut
un instantané et unit apparence et
réalité – « parmi des centaines / de
pierres petites et grandes / seule re-
mue / une tortue » – macrocosme et
microcosme – « dans la pleine clarté
du jour / personne ne remarque /
le ver luisant –, terre et ciel – « la
pleine lune / répand généreusement
sa lumière / sur le ver luisant » –,
bref présente souvent une harmonie
des contraires – « la neige tombe /
d’un nuage noir / blanche comme neige ». Ils inscrivent en eux une forme de
sensibilité – « le soleil / a ôté le tapis de rosée / juste après l’aube » – par-
fois énoncée comme un appel : « qui connaît / la douleur du bourgeon / au

47
Ecopoétique
moment de fleurir ? »
Dans chacun de ces livres, le poème tend à dépasser l’opposition entre
sujet et objet. Il s’agit moins de descriptions que de nature vivante, moins de
lyrisme que de proximité. Le décentrement du sujet lyrique permet l’éclosion
d’une conscience écologique. La perspective n’est plus ego-centrée mais éco-
centrée. Ce qui a lieu, le poème, est ce qui a lieu, notre terre.

Régis LEFORT : Poète et maitre de conférences à l’Université d’Aix Marseille. Il


est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes dont Louve (2016), D’une (2019)
et Détroit (2021) aux éditions Tarabuste ; Il, et sa nuit (2019) et Elle suivait le
vent (2022) aux éditions de la tête à l’envers. Il est également l’auteur de trois
essais : L’originel dans l’œuvre d’Henry Bauchau (Honoré Champion, 2007),
Étude sur la poésie contemporaine. Des affleurements du réel à une philoso-
phie du vivre (Classiques Garnier, 2014) et Bernard Vargaftig : Esthétique du
renversement (Brill/Rodopi, 2019).

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NVL juin 2023 – N° 236
PO
É
SIE
ODES À LA NATURE
NVL

UNE ODE AUX OISEAUX

Quarante textes adressés à quarante oiseaux, lettres, poèmes, comme autant


de cartes postales
Bien chère bergeronnette, chaque printemps à l'heure où la rosée perle et scin-
tille sur les cultures naissantes, avec Maman, nous empruntons la petite route...
L'adresse à la chouette est un poème plus
complexe et magnifique :
Amie noctambule,
Goûte le soir tardif du solstice...
Écoute. Entends. Attends
le vacarme de l'assemblée batracienne
la symphonie orchestrée des grillons.
C'est là un superbement illustré et très
récent recueil "écopoétique" d'Anaïs Mas-
sini pour tout âge. CCS
Anaïs Massini - Aux oiseaux
Grasset jeunesse, 2023, 22 €,
9782246830146, 5 ans +

DES CALLIGRAMMES D'AUTOMNE

Des haïkus français illustrés, traduits et écrits en


arabe ! Il n’y a que des poètes, dessinateurs et mai-
sons d’éditions audacieuses comme Le port a jauni
pour nous offrir ce genre de petites pépites. Fusion
des traditions poétiques japonaise, arabe et fran-
çaise, ces Thoulathiyat (prononcez "soulassiyate")
se prêtent à de multiples lectures, toutes rafraichis-
santes et dépaysantes : lecture pour soi de poèmes
courts du quotidien, lecture à voix haute pour le
plaisir des sons, lecture de l’image sous forme de
jeu de piste dans ces calligrammes arabes inédits.
Un véritable ovni dans la production de livres de poésie à partager avec les
enfants, au format d’un livret et aux couleurs de l’automne. CM
Christian Tortel / ill. Walid Taher / trad.arabe Golan Haji – Thoulathiyat d’au-
tomne, haÏkus arabes
Le port a jauni, 2022, 9€, 2919511912. 8 ans+

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NVL juin 2023 – N° 236
DES POÈMES DU MONDE POUR VIVRE ICI

Il s'agit-là d'une anthologie de poèmes originaires


des cinq continents et d'une bonne trentaine de
pays que Christian Poslaniec a intitulé de façon
pertinente A saute-frontières. A saute-frontières
au delà des murs. A saute-frontières pour préserver
l'espoir. A saute-frontières avec le monde en par-
tage. Finement illustré par Corinne Demuynck, un
album charmant. CCS
Réjane Niogret, Christian Poslaniec / ill. Corinne De-
muynck - A saute-frontières
éditions du Jasmin, 2023, 18 €, 9782352848141, 5 ans +

UNE ODE À LA PAIX

Dernier opus d’une collection d’albums


aux sujets contemporains soigneuse-
ment choisis pour leur potentiel pro-
vocateur, ce livre est un court poème
illustré. Lointaines cousines du Portrait
d’un oiseau de Prévert, autre ode à la
liberté, ces quelques lignes de prose
sont un petit manuel de résistance à la
guerre, par la force de l'imaginaire et
du collectif, valeurs si chères à l’illus-
trateur Bruno Heitz. À lire sans modé-
ration et à tout le monde, grâce à sa
formidable compilation de traductions en 24 langues connues ou à découvrir,
ukrainien, russe et espéranto compris. CM
Francis Combes/ ill. Bruno Heitz – Comment faire la paix ?
Rue Du Monde, coll. Kouak, 2022, 14€, 2355047073. 5 ans+

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Poésie
PAROLE
DE
PRO(f)
La COLLECTION PETITE POCHE chez
Thierry Magnier
Cathy DEMESTER et Claudine CHARAMNAC STUPAR

Avec les derniers titres parus dont beaucoup sont des rééditions, c’est
l’occasion de parler d’une riche collection qui est un soutien essentiel pour
ceux qui s’efforcent d’amener des lecteurs de 8 à 12 ans ( ou moins jeunes) en
difficulté de lecture ou simplement réticents, à lire des œuvres intégrales.
Ces courts romans sont écrits par des auteurs talentueux, de Jean Claude
Mourlevat à Christophe Léon, Hubert Ben Kemoun ou Susie Morgenstern, De-
dieu ou Jo Hoestland. Chaque auteur livre un texte de grande qualité, en prise
avec le monde contemporain et témoignant des interrogations et du vécu de
l'adolescent et de l'enfant. Le propos relève d’une certaine maturité mais la
mise en page prend en compte le rythme de lecture, les mots restent entiers,
les groupes de sens respectés pour faciliter la lecture.
Les couvertures unifiées par un graphisme pointilliste évitent élégam-
ment l’écueil de l’illustration. Tous les livres sont accessibles, 3,90€.

2023 : Réédition de Un train pour chez nous de l’auteur algérien Azouz Be-
gag paru en 2001 chez Magnard. C’est le souvenir de ce voyage annuel qui le ramène
de Lyon au « pays » et qui nourrit l'enfance de la richesse des partages en famille.
Réédition aussi de Je te hais et Je t’aime (encore) quand même, mini-
série de Susie Morgenstern sur les complications de l’amour.
Jo Hoestlandt est toujours aussi subtile dans La chambre verte aux
secrets. Daphné 10 ans, envoyée se refaire une santé à la montagne, se lie à
2 amis et pour fuir Louis, quatrième camarade jugé « énervant », ils se réu-
nissent dans une cachette au toit de branches pour se dire des secrets, des
vrais… mais celui de Louis s’avèrera au final plus personnel.
Dans Tout ira bien, Elsa Solal aborde les difficultés à apprendre à lire en
CP ; c’est l’animatrice du club lecture qui sera le soutien de Léo, et la magie opère !
Avec Primum bisourum, Gaëlle Mazars mène délicatement sur le chemin
du premier amour. Lucie, 11 ans, a une vie si ordinaire qu'elle pense qu'elle est
vide ; pourtant, elle sent qu'elle va devenir vivante ...un premier baiser suffit !
Tous ces titres : chez Thierry Magnier, 2023, 3€90, 8 -12 ans
53
Poésie
NOU
VELLES
LECTURES
Remarqué ! Très bon ouvrage Pas vraiment

Ouvrage
Bon ouvrage
controversé

Pourquoi pas ?

Ni le choix, ni le classement des ouvrages analysés n’ont pour prétention de répondre


à des critères infaillibles de qualité ; l’objectif est d’apporter un outil et une aide
à tous les médiateurs du livre pour la jeunesse dans leurs activités.
ALBUMS
Coralie Saudo - Moi aussi j’ai faim
Amaterra, 2023, 13,90€, 978368563090. Dès la naissance
Mots-clés : album bébé, tactile, découpes, animaux
Album bébé à découpes sur « qui mange qui « ?
Doudou par son matelassage de couver-
ture, gai par ses vives pages cartonnées,
simple par ses dessins de crevette ou pois-
son, futé par ses découpes simples mais
efficaces qui représentent une grande
bouche ouverte, celle des animaux qui
constituent la chaine alimentaire, planc-
ton, crevette, petit poisson, gros poisson,
phoque, ourse : car ce chouette album
bébé vise intelligemment un premier rap-
port de cause à effet ! que demander de
plus ? CCS

Julia Chausson – Une souris verte et Je fais le tour de ma maison


Rue du Monde, coll. Petit Chausson, 2021, 9€, 9782355046452. Dès 6 mois
Mots clés : album bébé, comptines, humour, gravure
Collection de comptines illustrées en petits albums cartonnés
L’artiste Julia Chausson poursuit sa collec-
tion d’adaptations de comptines classiques.
Dans un format carré cartonné 15 cm X 15
cm, elle nous propose de nouvelles versions
détournées qui ravissent l’oreille autant que
les yeux. Reproductions de gravures sur bois,
ses illustrations malines et stylisées sont des
œuvres miniatures à contempler. Et les inter-
prétations de Julia Chausson se terminent
par une pirouette humoristique qui surprend
agréablement. CM

Catherine Louis- Eh ! Colette


HongFeï, 2022, 10,90€, 9782355581960. Dès la
naissance
Mots-clés : chat, jeu, noir et blanc
Petit album pour tout petits en noir et blanc
On a déjà parlé de Oh ! Colette dans le dossier du
numéro Arrêts sur images, du radicalisme gra-
phique, silhouettes en noir et blanc, figurant des
objets en couleur, associées au mot écrit dans la
couleur correspondante : remarquable. Eh ! Co-
lette fait série bien sûr mais avance en proposant

55
Nouvelles lectures
une narration en images : des personnages, un chat qui joue avec les objets
puis un enfant : on entre ici dans la séquence minimale d’un récit, c’est tout
aussi épatant ! CCS

Amandine Laprun – Forêt


Nathan, 2022, 8,90 €, 9782092497067. À partir de 6 mois
Mots-clés : album bébé, forêt, animaux, silhouettes
Album cartonné à tirettes pour découvrir des animaux
Un album sans texte, pour jouer à reconnaitre l'animal caché derrière chaque
silhouette en noir et blanc. Une belle présentation pour ce jeu de devinettes
avec des pages à tirettes qui permettent l'appropriation et la mémorisation de
noms d'animaux de la forêt. CD

Agnès Domergue, Clémence Pollet – Petits mondes


Hongfei, 2023, 12,90€, 9782355582042. Dès 6 mois
Mots-clés : sens, éveil, corps, nature, animaux
Livre cartonné avec découpes pour découvrir le monde grâce aux sens
Cet album au format carré invite les tout-petits à découvrir, grâce aux sens,
la beauté du monde. Quel bonheur d’avoir des oreilles pour entendre le mur-
mure du vent, un nez pour respirer le parfum des fleurs ! Les découpes, que
l’enfant aime manipuler, l’entrainent dans un jeu de cache-cache : une bouche
laisse apparaitre une pomme, les yeux du hibou masquent en partie la lune…
Un album d’éveil ludique qui révèle la nature. Un album apaisant aussi : ses
couleurs sont douces et le texte, au fil des pages, nous ramène au cœur, pour
aimer le monde. SM

Laurence Faron / Maurèen Poignonec – Petits pas


Talents hauts, Coll. Badaboum !,2022, 11,90€, 9782362664601. 1 ans+
Mots-clés : petite enfance, famille, vie quotidienne
Album pour tout-petit où chaque pas crée du lien
Chaque pas est une victoire. Et surtout, chaque pas rapproche de quelqu'un :
un papa, une maman, une tata, un chat. Autant de personnages différents
bienveillants et encourageants pour aider à grandir et construire de vraies rela-
tions avec son entourage. EM

Olivia Cosneau- Curieux comme une fouine


L’Agrume, 2023, 14,90€, 9782490975785. 2 ans +
Mots clés : animaux, flaps, pop-up, expressions, comparaisons
Un livre à flap pour découvrir des comparaisons familières
Cet album cartonné est d’abord un plaisir de couleurs
vives et d’images animales. C’est un livre à flaps qui,
chaque fois, réservent une « surprise attendue », cet
oxymore dit précisément la joie du tout petit à chaque
relecture, et c’est là que commence le bonheur du
livre ! Par ailleurs, côté langage, le livre présente une
suite de comparaisons familières de têtu comme
une mule à manger comme un cochon. Parfait. CCS

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NVL juin 2023 – N° 236
Praline GayPara/ ill. Thoma Baas- Brise Montagnes
Actes Sud junior, 2023, 15,50€, 9782330162672. 2-3 ans
Mots-clés : album, enfant, volonté, moi
Un faux conte sur le moi naissant
Un livre qui amusera beaucoup car, à la première lecture, on croit avoir affaire
à un enfant monstrueux, un petit ogre qui casse tout, Brise Montagnes est son
nom. Jusqu’à ce qu’on saisisse que c’est un enfant comme les autres qui com-
mence à affirmer sa volonté en répétant qu’il fait tout seul… avant d’appeler
maman ! Belle image du moi naissant ! Une identification qui fera mouche. CCS

Amandine Laprun – Cabane


Acte sud junior, 2022, 14,90€, 9782330162498. 3 ans+
Mots-clés : album, forêt, cabane, visiteurs, jeux, robinsons
Album pour habiter une cabane sur une année
Magnifique album cartonné, qui s'ouvre en éventail pour
devenir une cabane à poser. On la voit se construire et
disparaitre au fil d'une année de vie semée de brico-
lages, de visites et de partages. Une pépite pour inspirer
les jeunes lecteurs, une respiration pleine de surprises
avec une pointe de magie dans cette communion avec la
nature. Un incontournable voyage pour habiter et aimer
la forêt, avec cette autrice qui se passe des mots pour
nous mener dans sa cabane. CD

Monsieur Dupont – Écrasouille


Talents Hauts, 2023, 11,90€, 9782362665233.
18 mois-3 ans
Mots-clés : album bébé, casser, jouer, construire, partager
Album cartonné pour la socialisation et le jeu en collectivité
Un régal de lecture avec un tout-petit à qui l’on
veut expliquer que jouer, ce n’est pas forcément dé-
truire. Avec ce texte, l'enfant découvre comment se
construire et jouer avec les autres. Et pour rire sans
embrouilles, il y a les mots en « ouille ». CD

Violette Vaïsse - Léon n’a pas faim


L’agrume, 2023, 14€, 9782490975792, à partir de 3 ans
Mots clés : nourriture, impertinence, humour, rôle du parent
Album coquin pour n’en faire qu’à sa tête devant une assiette de soupe
Drôle et tellement vrai ! Léon boude seul devant sa
soupe. Une voix off l’incite et reprend les arguments de
sa maman, mais il a réponse à tout : Beurk, ou j’ai pas
faim, ou pas bon, ou nenni ! Quand il réalise que sa
mère est au téléphone, il jette sa soupe et pille littéra-
lement le frigo pour se faire un monumental et impro-
bable sandwich. Les illustrations au feutre noir, très
graphiques et des couleurs vives comme un caprice

57
Nouvelles lectures
mettent les rieurs du côté de Léon. Mais tel est pris qui croyait prendre. Léon
n’a plus faim, et puisque la soupe était « ex-cel-lente », maman lui propose
la même le lendemain. Ouf ! L’honneur des parents est sauf. C’est drôle et ça
finit bien ! MDR

Sven Völker – Un million de points


Helvetiq, 2023, 18€, 9782940673797. 3 ans+
Mots-clés : album, mathématiques, points, poésie, nombre
Album graphique sur la poésie des grands nombres
Cet album graphique a une construction répétitive : une somme sur la page de
gauche et une illustration géométrique mettant en scène le nombre sous forme
de points, sur la page de droite. En 21 doubles pages, on passe d'un seul point
à plus d'un million : la croissance exponentielle
donne le vertige ! Avec plaisir, on jongle avec les
nombres, on les énonce à haute voix, juste pour
leur sonorité et pour répéter le mot « mille » à l'en-
vi. D'un unique arbre rond à l'immensité d'une ville
sur une longue page repliée d'un mètre, en passant
par des taches de rousseur et une piscine remplie
de gouttes d'eau, les points rapetissent et se densi-
fient dans un design épuré. Voilà enfin un album où
il n'y a rien à compter et pourtant, tout est nombre !
Un million de points a été élu Meilleur livre illustré
2019 par le New York Times et la New York Public
Library. À découvrir absolument. EM

Catherine Metzmeyer / Xavière Devos – Un œuf surprise


Elan vert, 2023, 13,90 €, 9782844557117, dès trois ans
Mots clés : Pâques, œuf, chocolat, ferme, animaux, gourmandise
Grand album « régal à la ferme » chocolat omniprésent et illustrations à croquer
Chasse aux œufs à la ferme. C’est tendre, c’est bienveillant, c’est vraiment
gourmand. Les cloches semeuses d’œufs ont tinté pour Poussin, Lapereau et
Caneton. Un premier coup de bec dans le plus gros des œufs, d’autres suivent
et les voilà maintenant à trois dans le très gros œuf, le grignotant en bavar-
dant. La digestion aidant, ils s’y endorment. Les mamans et tous les animaux
découvriront les gourmands aux premiers rayons de soleil, ronronnant dans
une mare de chocolat. Les illustrations jouent sur la densité du chocolat, sa
couleur profonde et la légèreté blonde et duveteuse des jeunes animaux, au
trait fin pour poils, plumes, duvet, moustaches. Tous à croquer. Trois ans, l’âge
des premières chasses aux œufs, et Pâques toute l’année en reprenant l’al-
bum. MDR

Thibault Prugne – Renard, Marcel et les poulettes


Margot, 2022, 12,90€, 9781095184751. 3 ans+
Mots-clés : album, animaux, forêt, humour, loup
Album plein d'humour sur un renard qui veut faire des provisions de poules pour l'hiver
Renard est dérangé en pleine nuit par le Tic-Tic-Tic agaçant de Marcel l'écureuil

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NVL juin 2023 – N° 236
qui partage le même arbre que lui et remplit son nid de noisettes pour l'hiver.
Trouvant l'idée excellente, Renard décide d'entasser à son tour de belles pou-
lettes dans son terrier. Beaucoup plus facile qu'il n'y parait. Jusqu'à l'arrivée du
loup... L'auteur-illustrateur est le créateur de la maison d'édition Margot. Ses
dessins sont doux, aux contours flous, les animaux très expressifs, presque
un conte poétique... C'est sans compter avec l'humour piquant de la narration,
qui rappelle Grand Méchant Renard de Benjamin Renner. Album très drôle où
les vignettes alternent avec des illustrations pleine page pour dynamiser une
histoire de coopération dans la forêt. EM

Eduarda Lima – Planète verte ?


La joie de lire, 2023, 14,90€, 9782889086214. 3 ans+
Mots clés : album, nature, planète, écologie
Album engagé qui invite à délaisser les écrans et se reconnecter à la Nature
Dans une famille où trois personnes regardent un
écran, une fillette s'ennuie. Soudain, une coupure
d'électricité: le temps et les écrans s'arrêtent. À
la lampe torche, elle va se plonger dans la lecture
du Guide illustré des merveilles de la Nature.
Chaque membre de la famille la rejoint, page
après page, dans des paysages magnifiques. Les
illustrations sont enveloppantes et immersives,
les textes brefs. L'histoire se termine sur le toit
de l'immeuble à observer les étoiles (les illustra-
tions de la pénombre et de la nuit valent à elles
seules tout l'album), puis à construire un monde
nouveau, sans écran, fait de végétation luxuriante,
de potager garni, de ruches et d'oiseaux. Pour
son deuxième album Jeunesse, Eduarda Lima reprend les thèmes qui lui sont
chers : la nature, l'avenir de la planète, la solidarité collective. EM

Charline Giquel – Le grand départ


L'Agrume, 2022, 14,50€, 9782490975693. 3 ans+
Mots-clés : album, déménagement, changement, émotion
Album lumineux pour évoquer un déménagement
Sur un rocher, au large de la côte bretonne, une famille de macareux s'apprête
à migrer vers les pays chauds. Qu'il est difficile de préparer son baluchon, de
quitter ses copains et surtout ces lieux qu'on a toujours connus ! Les couleurs
éclatantes et répétitives font la saveur de cet album lumineux. Elles donnent un
ton joyeux à ce déménagement imposé. Il est alors facile d'être pris.e d'empa-
thie pour ce volatile aux sourcils si expressifs qui appréhende le changement.
Second album réussi pour cette jeune illustratrice bretonne. EM

Michaël Escoffier / Ella Charbon – Sous la glace


Éd. des éléphants, 2023, 13€, 9782372731430. 3 ans+
Mots -clés: album, pêche, humour, Pôle Nord
Album cartonné sur la pêche en lecture “miroir”

59
Nouvelles lectures
Avec son format bloc, entièrement au
service de la situation, on suit cette
partie de pêche en surface et sous
l'eau : l'enfant inuit pêcheur sur la
terre glacée (page du haut) et un petit
poisson gourmand sous l'eau ( page
du bas). Une seule phrase accom-
pagne les deux images et, jusqu' à la
fin, on peut se demander qui est Nouka. Une lecture qui capte l'attention de
l'enfant et l'amène à réfléchir sur la bonne interprétation du texte. Une histoire
cocasse sur l'amitié et la solidarité. Un vrai coup de cœur. CD

Maxime Derouen - Parfois


Grasset, 2023, 14,90€, 9782246830214. 3 ans +
Mots clés : album, moi, humeurs, émotions,
Album sur les multiples facettes d’une personnalité
Petit album carré construit sur les variations qui
affectent l’humeur du jeune lecteur qui recon-
naitra ses comportements : « Parfois je suis sau-
vage… silencieux…impatient…Et tout ça, c’est
toujours moi », cette page /phrase finale est es-
sentielle, rassurante et pédagogique : connais-
toi toi-même… jamais trop tôt ! Les images d’un
petit chien bigarré sont craquantes. CCS

France Quatromme / Hervé Le Goff – Bon appétit le loup


L’élan vert, 2023, 9782844557148, 13,90 €. 4 ans+
Mots clés : album, loup, lapin, forêt, humour, astuces
Album sur les astuces d’une maman lapin pour éloigner le loup
Thème classique : le loup veut manger des petits lapins. Leur mère détourne
l’appétit du loup en l’envoyant chercher des fruits pour fabriquer un sirop de
violettes dont il raffole. Évidemment, il n’y connait rien et se retrouve piégé.
Album sympathique aux illustrations savoureuses, qui fera le bonheur des
petits, s’ils n’ont pas trop peur de la représentation du gros méchant loup. SD

Wei Middag / Aurèle Arima - Duo mambo


La joie de lire, 2023, 14,90€, 9782889086184.
4 ans +
Mots clés : amour, couple, danse, existence
Un bel album qui file la métaphore du couple, à travers la danse.
Sur la couverture de cet album, un couple
danse. Au fil des pages, on découvre la vie d’un
homme et d’une femme, de leur naissance à
leur mort. Leur danse traverse le temps, leur
couple, dans toutes ses étapes. En très peu de
mots, Aurèle Arima parvient à décrire la vie à
deux et ses sursauts, tandis que le trait de Wei

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NVL juin 2023 – N° 236
Middag touche le lecteur par sa finesse et sa justesse. Tous ces détails font de
l’ouvrage une pépite poétique qu’on prend plaisir à lire et relire. L’allégorie de
la danse donne un rythme doux au récit. Très réussi ! MS

Nina Bruneau- Une rue merveilleusement imparfaite


Maison Lison, 2022, 13,50€, 9782494247017. 4 ans +
Mots-clés : album, rues, maisons, modes de vie, parfait /imparfait
Bel album graphique pour un éloge de l’imperfection
Saluons cette toute jeune maison d’édition pour son petit livre glacé hyperco-
loré qui attire l’œil vers son univers joliment déjanté : le texte est accessible
tôt en lecture partagée de tout petits mais les idées sous-jacentes méritent
d’être abordées avec des plus grands. Alice habite dans une rue « parfaite »
où tout est en ordre. Panique à la maison quand elle est invitée chez un enfant
de la rue « imparfaite »… Or Alice la trouve très à son goût, chaleureuse et
vivante. Sur le plan graphique, c’est remarquable, on joue avec les lignes et les
perspectives pour créer ordre ou désordre, le texte se promène, allègre, dans
l’image pleine page. Reste que l’ouvrage n’évite pas le cliché, les « parfaits »
sont ragoteurs et malveillants. alors que, dans la rue « imparfaite » qualifiée
aussi de « populaire », tout est gaité et originalité la plus vive. Cet éloge de
l’imperfection semble bien manichéen. CCS

Louise Heugel - Traversée


Editions courtes et longues, 2023, 19,95€, 9782352903499. 4 ans +
Mots clés : voyage, amitié, mémoire
Un petit album très esthétique sur l’amitié et le voyage

Partir loin. C’est le rêve d’une gazelle qui suit des yeux les oiseaux qui s’envolent
au loin. Elle décide un jour de partir à
l’autre bout du monde. Son périple la
mène à la rencontre d’un ami précieux.
Dans ce petit album aux illustrations
incroyablement belles, l’autrice emmène
son lecteur dans un voyage tricolore
poétique : plasticienne et enseignante,
Louise Heugel transmet la force de l’ami-
tié, au-delà des distances, en peu de
texte et de la peinture sur verre sérigra-
phiée. Très juste, superbe. Un bijou. MS

Magdalena / Barim – Départ en vacances


Éditions du Pourquoi Pas, Coll. Pourquoi pas la Terre ? 2023, 12€,
9791092353778. 4 ans+
Mots-clés : voyage, écologie, transport, pollution, débat
Album humoristique sur les modes de transports pour partir en vacances
Une famille de quatre : on débat autour de la table des prochaines vacances
et des modes possibles de transport. Avion, voiture, vélo et train, chacun tente
de convaincre en énonçant les avantages. Une double page illustrée, sans

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Nouvelles lectures
texte, répond à l'argument démontrant la nocivité écologique. L'album essaie
de montrer l'importance du débat écologique pour arriver à des solutions
propres. Le texte est court, les arguments sont donc simplifiés à l'extrême...
suffisants pour éveiller une conscience écologique chez les jeunes enfants ?
L'album a le mérite de prôner le dialogue et le débat. Les illustrations, des séri-
graphies, apportent une touche d'humour à ce sujet de société. EM

Sophie Geoffrion / Sandra Desmazières – Le chemin de Sophie


L’initiale, 2023, 15,00€, 9782917637760. 5 ans+
Mots-clés : album, ciel, étoiles, rêve
Album sur une nuit à la belle étoile d’une petite fille
Une nuit, Sophie sort de chez elle en catimini et
contemple le ciel, les étoiles qu’elle essaie d’attraper.
Le vent se lève, il se met à pleuvoir ; réfugiée dans
une grotte, Sophie rencontre la chouette aux yeux
d’or. La pluie s’arrête, une troupe de jeunes gens
dansent, chantent, racontent des histoires. Sophie
s’endort. Au matin, le soleil la réveille. Elle est heu-
reuse de revoir sa maison et impatiente de se retrou-
ver dans les bras de ses parents. Très joli conte sous
forme de rêve éveillé. Belle illustration, poétique. CK

Isabelle Wlodarczyc, Xavière Broncard – L’arbre de nuit


L’initiale, 2022, 14€, 9782917637715. 5 ans+
Mots clés : forêt, arbre, différence, secret, écologie, amitié
Album sur la différence, l’amitié et la relation de l’homme avec la forêt
La forêt de Goa abrite un arbre différent des autres, sans couleurs, sans fleurs,
sans famille, car les hommes en grigno-
tant la forêt ont détruit tous ses frères. Les
animaux le surnomment l’arbre triste et le
dédaignent. Pourtant, l’arbre a un secret
et déborde de trésors cachés. Chaque nuit,
un jeune Indien le rejoint, se blottit contre
son écorce et profite de son éblouissante
floraison nocturne qui embaume la forêt.
Les illustrations colorées accompagnent un
texte poétique qui invite le lecteur, avec déli-
catesse, à s’interroger sur la différence, à re-
chercher la beauté cachée. L’album évoque
également l’inquiétude liée à la destruction
de la forêt par l’homme, qui, pourtant, sait
aussi prendre soin de la nature. Enfin c’est
un beau livre sur l’amitié qui lie des êtres qui se comprennent, savent lire dans
le cœur de l’autre, partager des secrets. Un bel album qui ouvre le dialogue sur
des sujets importants. SM

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NVL juin 2023 – N° 236
Catherine Grive/Mathilde Grange – C’est quoi ce bruit ? / Chuuut !
Ed. du Pourquoi pas, 2023, 6,50€, 9791092353792. 5 ans +
Mots-clés : album, bruits, parents /enfants, bruits d’amour
Petit livre sur le bruit des parents la nuit…
La collection Faire société est engagée, souvent
originale, à contre-courant. Ce tout petit opus
souple est tout à fait surprenant avec des illustra-
tions vives peintes à gros traits visibles, où la cou-
leur fait forme, une sorte de fauvisme enfantin :
ce charme coloré cache un texte surprenant qui
dans son minimalisme évoque un sujet tabou du
moins jamais exprimé en LEJ, les bruits inconnus
dans la chambre des parents, expérience courante
pourtant, la scène primitive des psychanalystes,
fondamentale donc. C’est abordé avec finesse et
tendresse. L’âge du lecteur sera fonction de la
demande et de l’adulte. Bravo ! CCS

Bernard Villiot / Jérôme Pélissier – La trompette de Célestin Socquette


Gautier – Languereau, 2022, 12,99€, 9782017181088. 5-7 ans
Mots-clés : album, musique, rencontre, amitié
Album sur l'envie de jouer d'un instrument
Célestin achète une vieille trompette chez un brocanteur et rêve d'être musi-
cien ; il doit trouver des notes pour son instrument essoufflé. Chacun va l'aider,
l’oreille de Célestin va s'exercer sur tous les bruits et tous les instruments qu'il
découvre. Grâce à ses découvertes, il devient musicien et joue dans le parc.
Un album pour oser et comprendre que la musique est accessible à tous. CD

Maylis Dufresne / Teresa Arroyo Corcobado – Le bleu du ciel


Cépages, 2023, 16€, 9791093266527. 5ans+
Mots-clés : album, questions, univers, nature, poésie, rêve
Album dans lequel une petite fille interroge la nature et les éléments
Céleste interroge le ciel pour savoir ce
qu’elle est, puis le soleil, le vent, l’arbre,
la nuit. Chaque réponse vient éclairer un
pan de la vie sur terre. Jusqu’à ce que son
questionnement porte sur elle-même et ce
sont les éléments qui répondent. Chaque
réponse donne un reflet de la place que
l’enfant peut prendre dans l’univers. La
poésie des illustrations enveloppe celle
des mots. Un album délicieux et intelligent
à lire à tout âge. SD

63
Nouvelles lectures
Emilie Boré / Vincent - Il est où Diouke ?
La joie de lire, 2023, 14,90€, 9782889086269. 5 ans +
Mots clés : amour, famille, peur, mort
Un album qui aborde la mort avec douceur

Ce matin-là n’est pas comme les autres pour


le héros de l’album. Quand il descend retrou-
ver sa mère, il comprend qu’elle est triste.
Effrayée à l’idée de lui annoncer la mort de
leur super-chat, la maman se perd dans ses
explications farfelues. Le petit garçon finira
par consoler ses parents avec ses mots d’en-
fant. Les auteurs parviennent à aborder avec
délicatesse et humour le thème de la mort et,
particulièrement, la peur de l’annonce à un
enfant. Pleins d’expression et de couleurs, les
dessins rendent le sujet plus léger. L’album
transmet une belle façon d’exprimer les émo-
tions, telles qu’elles sont… Simplement. MS

Bei Lynn - Le grand jour de la petite baleine


Rue du monde, 2023, 17,50€, 9782355047145. 5+
Mots-clés : album, rêve, nature, baleine, enfant.
Album pour rêver dans l’herbe
Lors de leur promenade, Fifi et son chien Choby découvrent un baleineau
perdu. Il est trop lourd pour que Fify et Choby puissent le pousser jusqu’à la
mer. Un cerf-volant sert de messager et la maman baleine les rejoint. Ils se
racontent leur monde, les uns sur terre, les autres dans la mer. Des illustrations
sont de véritables tableaux. Un récit poétique et léger au rythme du souffle du
vent dans les herbes et les vagues. SD

Alex Howes / Alex Howes – Moi un tigre ?


L’élan vert, 2023, 14,50€, 9782844556981. 5/8 ans
Mots-clés : album, tigre, reconnaissance, personnalité
Album sur un tigre qui aime les livres et qui se cherche dans les autres
Rajah est une petite tigresse très différente de ses sœurs : elle aime lire et
découvrir des choses étranges. « Elle est bizarre », disent ses sœurs. Doit-elle
changer ? Elle veut manger comme Albert l’éléphant mais ses pattes sont trop
courtes pour aller chercher les feuilles dans les arbres. Elle est trop grosse
pour se faufiler dans les trous avec les fourmis. Elle n’a pas d’ailes pour voler
comme les oiseaux. «Regarde dans ton livre », disent ses sœurs, « tu es un
tigre parfait et unique, bien à ta place. Tu n’as pas besoin d’être comme les
autres ». Album sur la reconnaissance de son identité avec une illustration cari-
caturale pleine de gaité. CK

Allira Tee / Ill Allira Tee / trad.Angl.Aude Pasquier – Tigre et chat


La joie de lire, 2023. 14,90€ - 9782889086283. 5/8 ans

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NVL juin 2023 – N° 236
Mots-clés : Album, amitié, différences, séparation
Album sur la force de l’amitié entre un chat et un tigre
Tigre et Chat sont deux amis qui font tout ensemble. Ils jouent, dansent, boivent
le thé, visitent les environs, mais Tigre va devoir partir au Camp des tigres pour
vivre comme un vrai tigre dans la forêt en trouvant sa nourriture seul et sans
boire de thé. Chat est bien triste. Quand il rencontre Susie, une petite fille, il
lui raconte combien Tigre lui manque. Elle lui conseille d’écrire à son ami, de
lire la lettre tout haut le soir pour que Tigre la reçoive et de la glisser sous son
oreiller en s’endormant. Tigre qui ne se sent pas à sa place au Camp entend
le message et revient vers son ami. Joli conte sur la force de l’amitié malgré
les différences. Les illustrations simples, presque caricaturales, s’harmonisent
bien avec l’histoire. CK

Bernard Villiot / Tristan Gion – La petite boutique aux histoires


Gautier Languereau, 2022, 12,99€, 9782017181217.
5 - 9 ans
Mots-clés : album, conte, tyrannie, orgueil, solidarité
Conte sur l'amitié et la solidarité entre un vieux cordonnier et des
enfants
Quand le vieux cordonnier, ami des enfants et
conteur d'histoires, est enfermé pour servir une
duchesse autoritaire et orgueilleuse, tous se mobi-
lisent et créent un monstre qui tape des pieds et
fait fuir la duchesse. Magnifiquement illustré par
Tristan Gion, sur des doubles pages et en grand
format, ce conte de Bernard Villiot se lit avec grand
plaisir. CD

Fleur Daugey/ Chloé du Colombier - Plantes intrépides


Ed du Ricochet, 2023, 17€, 9782352633747. 5 – 10 ans
Mots clés : contes, végétal, découvertes
5 contes sur la découverte de végétaux nouveaux
Très agréable album de 5 contes, chacun racontant l’arrivée merveilleuse d’un
végétal, nourrissant comme la pêche, le manioc et la pastèque ou thérapeu-
tique comme la fraxinelle ; on voit même la pomme de pin devenir vecteur
de paix sociale. Les illustrations sont foisonnantes et diverses. Regret de voir
dans ce bel album un « récupérèrent » au lieu de « récupérâmes »… CCS

Anne Cortey / Thomas Baas - Les ébouriffés


Grasset jeunesse, 2023, 16,90€, 9782246816393, 5 ans+
Mots- clés : album, nature, vent, rêve, voyage
Album pour partager les sensations d'un voyage dans le vent et les nuages
Un album étonnant, des phrases courtes chargées de sensations, des person-
nages qui savourent la vie sauvage, le mauvais temps, le vent, les nuages à
chevaucher dans un voyage imaginaire. Une lecture, où l'on fait pivoter le livre
au gré de la mise en page, portrait ou paysage. Avec des illustrations sombres,
conformes à la météo. La belle énergie des personnages aux idées ébourif-

65
Nouvelles lectures
fantes nous entraine dans une expérience au cœur d’une nature sauvage qui
nous échappe et nous attend aussi. CD

Jérémie Moreau – La chambre de Warren


Albin Michel jeunesse, Coll. Ronces, 2023, 18,00€, 9782226481375. 5 ans+
Mots-clés : Nature, écologie, mythologie, Noé
Conte écologique flamboyant et poétique pour lutter contre l'écoanxiété
La grand-mère de Warren pleure parce que la forêt ne
chante plus. Lui, Warren n'aime pas trop la nature.
C'est pourtant sur un arbre qu'il va apercevoir for-
tuitement le dieu Pan. Rencontre décisive : ses rêves
se peuplent de créatures étranges, la reine des four-
mis vient trouver refuge dans sa chambre, puis la
chauve-souris, l'araignée, ..., la chambre de Warren
se transforme en arche de Noé sans que les parents
n'y trouvent à redire. Ces derniers semblent inquiets,
préoccupés, leur écoanxiété est palpable. Dans ce
cocon qu'est devenue la chambre de Warren, l'eau, les
plantes, les animaux, les humains s'emmêlent, s'im-
briquent, interagissent pour calmer la colère du dieu
Pan et éclore dans un nouvel espace naturel tellement
vivant. Les illustrations, à la hauteur de cette histoire remplie d'espoir, sont lu-
mineuses et flamboyantes. Les touches orange fluo irradient, l'ensemble vibre
comme dans cette transe chamanique une nuit de pleine lune. Jérémie Moreau
nous enchante dans son premier album jeunesse, lui qui a déjà reçu un Fauve
d'or et le Prix catégorie Comics - Young Adult à la Foire de Bologne. EM

Irène Cohen- Janca / Bruce Postma Uzel - Un si petit jouet


Les Eléphants, 2022, 14,50€, 9782372731256, à partir de 6 ans
Mots clés : guerre, exil, divorce, mini-doudou, amitié
Album pour dire l’exil, la guerre, le divorce et le minuscule objet fétiche qui consoler.
Une histoire émouvante et douce pour appri-
voiser l’exil, la séparation des parents. La solu-
tion pour la petite fille qui raconte la guerre, le
départ, l’abandon de tout et de son gros ours
en peluche, ce sera une minuscule poupée
qui tient dans la main, mini-doudou dont on
s’occupe tendrement et qui peut vous suivre
partout. Elle vient d’inventer l’objet transition-
nel pour traverser les temps mauvais. Elle s’est
même fait une amie qui a trouvé la même solu-
tion après la séparation de ses parents ! La rési-
lience au creux de la main, au fond de la poche !
Les illustrations tirent leur force de la rareté des détails, de l’usage aléatoire
des proportions, visages silhouettés en aplats et zoom XXL contrastant avec la
rotondité de la terre vue du ciel, des couleurs qui claquent, fortes comme les
émotions. Et la vie qui continue. Bravo. MDR

66
NVL juin 2023 – N° 236
Ximo Abadia - Tout ce que la guerre déteste
Rue du Monde, 2023, 17€, 9782355047282. 6 - 9 ans
Mots-clés : album, guerre, censure, violence, espoir
Album percutant aux mots simples pour dire comment la guerre bouscule nos vies
Un message fort en rouge et noir, des illustra-
tions en grand format qui rappellent les affiches
de propagande. Les mots de cet auteur espagnol
très engagé sont une invitation à ne pas oublier
les valeurs, les joies et la force d'une humanité
qui refuse la mort, la guerre et qui résiste, pour
repousser la censure et le désespoir, en par-
lant, créant, chantant. La dernière double page
montre un dictateur vaincu dérivant sur une mer
blanche, sous un soleil couchant rouge, symbole
de la mort de la guerre. Un coup de cœur, pour
ces mots qui résonnent et parlent du vécu des
civils. CD

Oriana Villalon – Et pourquoi pas ?


Maison Lison, 2023, 13,50€, 9782494247000. 6-8 ans
Mots-clés : album, imaginaire, jeu d'invention, création, histoire
Album pour un enfant qui mêle jeu d'objets et imaginaire
Ce petit album, construit sur l'histoire de personnages imaginaires, s'achève
sur la réalité de la chambre de l’enfant qui a créé ce monde avec ses jouets et
des objets détournés. On puise dans le texte tous les ingrédients d'un voyage
dans un monde parallèle mais bien réel pour l'enfant. Inspirant et convertible
en carnet de voyage, il permet une jolie appropriation pour des lecteurs de 6-8
ans qui ont envie d'histoires et de trésors. L'autrice, en quatrième de couver-
ture, souffle un secret : “...dans tes rêves, tout est possible. Et ça s'est aussi
important que le fromage râpé dans les pâtes”. CD

Sylvie Misslin / Amandine Piu - Oyez, oyez ! Petits chevaliers !


Amaterra, 2023, 15,90€, 9782368563175, 6 - 9 ans
Mots-clés : album, texte interactif, chevaliers, conte, humour
Album pour devenir chevalier, faire des choix et des rencontres
Livre-jeu avec des pages à onglets pour choisir, dès
la première, entre 2 options et poursuivre l'aventure.
Aliénor et Pépin, déguisés en chevaliers, doivent re-
trouver une petite fille vêtue de rouge. Ils rencontrent
des personnages de contes, leurs échanges sont
drôles ou inquiétants ; le lecteur choisit de suivre
l'idée d'Aliénor ou celle de Pépin (prudence ou insou-
ciance). Les illustrations d'Amandine Piu contribuent
agréablement et avec humour, à cette aventure qui
passionnera les lecteurs autonomes dès 7 ans et fera
aussi le bonheur des 4 ans et plus accompagnés d'un
adulte. Une valeur sûre. CD

67
Nouvelles lectures
Alex Cousseau / Eva Offredo – Murdo, une enquête timbrée
Seuil jeunesse, 2023, 15€, 9791023516562. 6 ans+
Mots-clés : enquête, yéti, correspondance, amitié
Roman d’une enquête épistolaire entre un yéti et d'innombrables et improbables destinataires
Murdo est un yéti peu commun : c'est un
véritable épistolier. On ne lira pas moins de
53 courriers et 3 échanges téléphoniques
dans cet album étonnant. Cet abominable
homme des neiges écrit à ses amis, au vent,
à la lune, à un inconnu, au facteur. Il n'attend
pas vraiment de réponse, pourtant... un véri-
table facteur s'en mêle ! C'est d'ailleurs sur
ce dernier que l'enquête porte : qui est ce
facteur espéré mais inattendu ? À travers les
lettres, on découvre un yéti au grand cœur, at-
tentionné, sensible aux plaisirs simples de la
pluie qui aime les anniversaires et les clairs de
lune. Aventure et poésie, voilà qui résume les
écrits d'Alex Cousseau ; les illustrations d'Eva
Offredo, reconnaissables au premier coup d'œil, apportent joie et légèreté.
Les formes géométriques aux couleurs vives et tranchées créent des mondes
hypnotiques. Les timbres postes, les cartes indices, le ver de terre grincheux,
autant de variations qui pimentent la lecture et relancent l'enquête. Un deu-
xième opus pour Murdo, « timbrement » réussi ! EM

Kotimi - Les amis de Momoko- Une enfance japonaise, T3


Rue du Monde, 2023, 14,90€,9782355047237, 7 - 8 ans
Mots-clés : album, Japon, école, culture, amitié
Album d'histoires courtes sur le quotidien d'un enfant japonais
Momoko change d'école en CE1, rencontre ses cousins, participe aux fêtes
traditionnelles japonaises, accompagne sa petite sœur handicapée. Très bien
illustrées, avec un texte accessible, ces quatre histoires courtes évoquent un
quotidien universel autant que des habitudes et des mots bien japonais. Une
jolie initiative poursuivie dans ce tome 3. CD

Fabrice Colin / Gérald Guerlais – Il suffit d'y croire


Gautier Languereau, 2022, 15,95€, 9782017181231, 7 ans +
Mots clés : album, lire, créer, peindre, s'échapper, s'apaiser, imaginaire
Album sur la force de l'expression artistique pour vivre ses rêves
Dans cet album pour les grands, les personnages affrontent l'adversité et se
nourrissent de la force vive de la création artistique. Peintres, lecteurs passion-
nés, écrivains, sculpteurs, tous vont au bout de ce qui peut rendre leur vie et le
monde meilleurs. Une lecture complexe par l’imbrication des vies de ces héros
ordinaires. La guerre, la fuite, le deuil, la séparation sont au cœur de leur vécu
mais, grâce à l’Art et à l’Imaginaire, ces “ fournisseurs de bonheur”, l'espoir
triomphe. CD

68
NVL juin 2023 – N° 236
ROMANS GRAPHIQUES, BANDES DESSINÉES

Liniers - Trois fleurs sauvages


La joie de lire, 2023, 16,90€, 9782889086238. Dès 5 ans
Mots clés : BD, aventure, jeu, imaginaire
Une BD qui nous plonge dans un jeu de rôles
Cette bande dessinée aux vignettes plutôt grandes facilite l’entrée dans le genre
pour les premiers lecteurs de 7 ans mais l’histoire très vivante est accessible dès 5
ans en lecture accompagnée. On croit être dans une délirante et terrifiante aven-
ture de trois filles rescapées du crash de leur avion sur une ile déserte. On décou-
vrira que c’est un jeu et que ces demoiselles ont une puissante imagination. CCS

Guillaume Chauchat - La villa nuit


Biscoto, 2023, 16€, 9782379620553, à partir de 5ans
Mots clés : BD, Mondrian, rêves, peur d’oublier, séparation, mélancolie, poésie
BD qui emprunte à Mondrian pour la peur existentielle de la séparation, de l’oubli
Autour de la disparition et du vide qui devient un pos-
sible, immense, à remplir. Traité en BD façon Mondrian
pour les cases au gros feutre noir et le choix des cou-
leurs, il faut jouer le jeu et entrer dans l’alternance
du quotidien répétitif de Jean, en noir et blanc, et de
ses rêves la nuit, aux couleurs tellement vives. Il faut
accepter la convention des objets qui parlent et qui
disparaissent, jusqu’au jour où Jean se retrouve seul
avec cette petite larme, toute de poésie, qu’il vient de
verser et qui parle elle aussi. C’est sa voix intérieure, ils
ne se quitteront jamais. Très peu de texte, mais la drô-
lerie des mines perplexes ou inquiètes des objets et de
Jean en disent beaucoup sur leurs émotions devant la
séparation, l’oubli. C’est un copain et son rêve d’hip-
popotame aux pets de navet qui le font atterrir dans un
réel où tous les possibles sont à venir et pourquoi pas à dos d’hippopotame ! Lecture
dynamique, le jeu de mots du titre l’annonce. Album malin et très réussi. MDR

Germano Zullo / Albertine – Le génie de la boite de raviolis


La Joie de Lire, 2023, 9782889086320. 5 ans+
Mots clés : BD, génie, usine, amitié, liberté, nature
BD sur le changement de vie d’un ouvrier à la chaîne
Une réédition pour cette BD de 2008, qui a trouvé sa
place dans les lectures scolaires recommandées. Armand
partage sa vie entre son travail dans une usine de ravio-
lis et son appartement où il mange…des raviolis. Un jour,
un génie sort d'une boite (de raviolis !) et lui propose
d’exaucer un vœu. La simplicité et le désir de nature
d'Armand vont permettre aux deux personnages de vivre

69
Nouvelles lectures
ensemble, loin de leur enfermement. Des illustrations drôles et expressives
pour un retour à la nature. CD

Myren Duval / Emma Constant – Merci pour la tendresse


Rouergue, 2022, 17,80€, 978-2-8126-2122-2. A partir de 7 ans
Mots clés : récit/BD, espoir, enfance, dépression parentale
La tendre relation d’une tata et de sa jeune nièce
C’est le récit d’un été, celui d’une fillette pétillante qui se démène face à l’état
dépressif de sa mère. Avec finesse et inventivité, elle consigne brièvement et
quotidiennement dans une sorte de journal intime ses activités et ses consi-
dérations existentielles. Le texte alterne avec des aquarelles qui font partie
intégrante du récit et le rendent accessible à de jeunes lecteurs. Les dialogues
sont tendres, humoristiques, les personnages filiformes (on dirait de grandes
asperges!) débordent d’une énergie vitale très communicative. Le thème de la
dépression est abordé de façon astucieuse et profonde. SC

Marco Paschetta – Le voyage de Pistil


Bulle Bottes Boutons, 2023, 15€, 9782360111251, à partir de 8 ans
Mots clés : BD, aventure écologique, amitié, voyage, mer, forêt, nature
Deux amis tentent l’aventure et découvrent l’étendue et la fragilité du monde.
Improbable aventure écologique portée par la curiosité de deux amis. Décou-
vrir le monde, voilà ce que propose Croissant, le poisson jaune à Pistil, le cro-
queur de pommes. De la rivière qui déborde au barrage qu’ils ont construit et
aux collines déboisées, ils découvrent les lois de la nature et sa fragilité devant
l’action des hommes. Des camaïeux de bleus et de verts liquides, reflétant les
ocres blonds des berges disent les interactions de l’ensemble. Mais aussi dou-
ceur et bienveillance. Espoir peut-être ! Ainsi leur l’amitié restera dans la cou-
leur du ciel et dans chaque pomme au fil de l’eau. Le Petit Prince n’est pas loin.
Voyage initiatique en écologie et en amitié. MDR

Zélia Abadie/ill. Gwenaëlle Doumont – AWA - Les nuances de l’amour


Talents hauts, 2022. 11,90 € - 9782362664687. De 7 à 12 ans
Mots-clés : BD, Famille, métissage, amour, amitié, différence, tolérance, curiosité, humour.
Awa se pose beaucoup de questions particulièrement sur l’amour.
Après Awa - Faut qu’on change le monde, Talents hauts propose un nouvel
épisode de cette série BD. Nous retrouvons avec beaucoup de plaisir Awa, 7
ans, qui pose sur le monde un regard curieux et plein d’humour. Comprendre
les relations humaines n’est pas chose facile mais Awa possède un entourage
riche et divers, magnifique terrain de jeu pour une petite futée qui n’hésite
pas à poser les grandes questions de la vie. Awa s’interroge sur les inégalités,
la diversité, l’amour. C’est un vrai questionnement sociétal d’ordre philoso-
phique, politique, qui amène une réflexion passionnante, pétrie d’humour et
de fraicheur sur notre monde contemporain. Le découpage une page/une his-
toire donne beaucoup de dynamisme et facilite la lecture des plus jeunes. Livre
soutenu par Amnesty International. JL

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NVL juin 2023 – N° 236
Sabine Lemire / Rasmus Bregnhøi / trad.danois Aude Pasquier-Mira - Mes
copains, mes copines et l’amour
Casterman, 2023, 9,90€, 978220324448.9 ans+
Mots-clés : BD, amitié, trahison, amour, jeux
BD qui dépeint avec justesse la période charnière entre l'enfance et l'adolescence.
Mira, pour la nouvelle année, écrit dans son journal non pas des résolutions
mais ses espoirs : une chambre cool, un profil Instagram et surtout tomber
amoureuse. C’est une petite fille bien dans sa peau jusqu’à l’arrivée d’une
nouvelle élève qui va détourner d’elle sa meilleure copine Naja : elles n'ont
plus les mêmes centres d'intérêts. Alors que Mira aime toujours jouer avec son
copain Louis, la nouvelle venue et Naja créent « un love club ». Mira se pose
beaucoup de questions : comment on fait pour tomber amoureuse, quelle est
la différence entre amitié et amour... Pas toujours facile d'être une préado !
Forme BD adaptée à cet âge, thèmes abordés proches de la vraie vie. Il y a une
parfaite concordance entre le graphisme minimaliste et le texte. ZEH

Raphaëlle FRIER/ ill. Kam – Amour bleu


Editions du Pourquoi pas ?, 2022, 14€, 9791092353747. 13 ans+
Mots clés : roman graphique, fascination, emprise, féminicide
Le conte de Barbe bleue revisité.
Marie accompagne sa sœur Anne au Moulin à une
soirée « de bourges ». Dès qu’elle voit le proprié-
taire des lieux, elle tombe sous le charme de cet
homme à la barbe bleu ciel sans nuages. Dès le
lendemain, elle retourne au Moulin où le piège
d’une vie dorée, luxueuse, avec un homme atten-
tionné, va se refermer pour tourner au cauche-
mar. Il lui faudra un grand courage pour s’enfuir
et dénoncer un assassin de femmes. Dans ce pre-
mier roman graphique aux éditions du Pourquoi
pas ? Raphaëlle Frier et Kam revisitent le conte de
Perrault « La Barbe Bleue » pour en tirer un récit
contemporain et malheureusement au cœur de
l’actualité sur l’emprise et le féminicide. Les choix
de l’auteure font mouche et parleront aux adolescents : récit à la première per-
sonne qui favorise l’identification à Marie, niveau de langage proche du langage
jeune, opposition des milieux sociaux. L’écriture s’inscrit dans les illustrations
percutantes de Kam : le trait est incisif, la couleur où le bleu domine est très
forte symboliquement, le choix des cadrages renforce les fluctuations émo-
tionnelles du lecteur. Plusieurs illustrations sur double page rendent palpable
l’ambiance malsaine et perverse sous-jacente. Contrairement au dénouement
du conte de Perrault, c’est par son seul courage que Marie va trouver la voie de
son émancipation. Quel espoir ! JL

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Nouvelles lectures
Lidia Mathez - Embrasse-moi
La joie de lire, 2023, 14,90€, 9782889086207. 15 ans +
Mots clés : autobiographie, traumatisme, attouchement, catharsis, mémoire
Un roman graphique qui utilise le récit comme une catharsis des traumatismes.
Lidia s’endort souvent avec une sensation de
chute qui n’en finit pas. Dans son premier roman
graphique, l’autrice aborde les traumatismes
liés à son enfance. Elle raconte son ressenti,
les bribes de souvenirs, le mal-être, l’incompré-
hension… et l’acceptation. A travers ce livre très
réussi, Lidia Mathez écrit, se décrit et défait son
histoire d’enfant de 7 ans qui lui a laissé des
traces, indélébiles et douloureuses, une fois
devenue jeune adulte. On y croise sa mère et ses
amis. Cet ouvrage, qui a constitué son travail de
diplôme de l’École supérieure de bande dessinée
et d’illustration à Genève, a été sélectionné pour
le Prix Delémont’BD de la meilleure première
œuvre de bande dessinée suisse 2023. Une belle
leçon de libération de la parole et du pouvoir du psychisme. Très touchant. MS

Arthur Conan Doyle/ ill. Vincent Mallié/trad.angl. Eric Wittersheim – La pre-


mière aventure de Sherlock Holmes – Une étude en rouge
Margot, 2022. 25€- 9791095184690, 16 ans +
Mots-clés : Roman policier illustré, BD, Angleterre victorienne, Etats-Unis, aventure
Classique policier réédité en format BD.
Réédition en format BD de cette œuvre de 1887 de l’écrivain écossais Sir Arthur
Conan Doyle. Londres, 1878. Le pauvre Dr Watson, complétement désargenté
revient dans son pays après avoir combattu sur le front durant la guerre d’Af-
ghanistan et fait la connaissance de Sherlock Holmes qui cherche lui aussi un
colocataire. Ils emménagement ensemble au 221 Baker Street et deviennent
inséparables. Deux policiers de Scotland Yard sollicitent l’aide de Sherlock
Holmes pour résoudre une affaire de meurtre savamment orchestrée. Le cou-
pable Jefferson Hope démasqué, la deuxième partie du récit nous ramène plu-
sieurs années en arrière dans le Far West américain du temps des pionniers.
John Ferrier et la petite Lucy sont secourus en plein désert par les Mormons,
une communauté religieuse sectaire au mode de vie très strict. La jeune fille
promise à deux Mormons, en grandissant, tombe amoureuse de Jefferson
Hope, cowboy extérieur au clan : elle décide de s’enfuir avec son père adop-
tif, ils paieront de leur vie cette trahison considérée comme un crime. Jeffer-
son Hope décide de pourchasser les deux Mormons pour venger la mort de
sa bien-aimée en imaginant un plan machiavélique. Magnifique roman grand
format à tranche rouge et titre en lettres dorées comme les livres d’antan. Les
illustrations pleine page à l’encre et à l’aquarelle sont splendides. Néanmoins,
l’utilisation du langage soutenu et des tournures de phrases sophistiquées,
comme l’appréhension de la dimension religieuse, nécessite d’avoir un très
bon niveau de lecture. LF

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NVL juin 2023 – N° 236
NON-FICTIONS – DOCUMENTAIRES

Emmanuelle Houssais – Forêt sauvage


Editions du Ricochet, 2022, 17€, 978-2-35263-391-4. Dès 4 ans
Mots clés : Album documentaire, forêt, faune et flore
Une forêt se raconte au fil des saisons
La couverture de ce grand album carré foisonne de nuances de vert, parsemées
de quelques touches orangées. Au loin une silhouette enfantine se détache sur
un sentier, nous invitant à l’exploration. D’un printemps à l’autre, de l’aube
au crépuscule, une multitude d’êtres vivants cohabitent harmonieusement au
fil des saisons dans cette forêt sauvage et sensible qu’ils contribuent à faire
grandir, année après année. SC

Cristina Junyent / Cristina Losantos / trad.esp.Nathalie Nédélec-Courtès –


Tous des humains de la même famille !
Glénat jeunesse, 2022, 14,90€, 9791026403821. 8 ans+
Mots-clés : documentaire, histoire, univers, origines
Documentaire sur les origines de l’univers
Treize milliards d’années s’étant écoulées depuis le Big Bang, 35 pages
semblent bien peu pour élaborer l’histoire scientifique de l’univers, de l’appa-
rition de la vie et de l’humanité. Malgré la densité des informations, le texte
est clair et concis. Les invitations ludiques à opérer quelques comparaisons
de mesure dans un espace-temps tangible pour un être humain permettent au
jeune lecteur d’une part de reprendre son souffle, mais aussi de mieux appré-
hender ce sujet passionnant et universel. L’intention louable d’insister sur les
origines communes des êtres humains ouvre sur une tout autre question, à
savoir si le sentiment d’appartenance à une même famille pourrait engendrer
un « vivre ensemble » plus harmonieux. SC

Azadeh Westergaard / ill. Júlia Sardà / trad.angl.Ilona Meyer – Électrique,


La vie survoltée de Nikola Tesla
Les éditions des éléphants, 2022, 15€, 9782372731263. 6 ans+
Mots-clés : album documentaire, biographie, inventeur, électricité, science
Biographie illustrée de l’inventeur Nikola Tesla
Avant d’être une marque de voitures électriques, Tesla était le nom d’un ingénieur
en électricité. Cet album aux illustrations facétieuses et chatoyantes retrace les
grandes lignes de sa vie. Nikola Tesla, né au milieu du 19e dans l'Empire d'Au-
triche, actuelle Croatie, passionné très jeune par la recherche scientifique, par-
tit aux Etats-Unis poursuivre sa carrière, notamment auprès de Thomas Edison.
Mais malgré ses nombreuses et indispensables inventions, Tesla a fini dans la
solitude et la misère. L’autrice irano-américaine Azadeh Westergaard, elle-même
fille d’un ingénieur électricien, lui rend un bel hommage en faisant découvrir aux
enfants ce personnage oublié. Avec ses images à la fois modernes et traver-
sées d’imageries populaires traditionnelles, l'illustratrice espagnole Júlia Sardà
redonne un visage à cet homme exceptionnel et profondément humaniste. CM

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Nouvelles lectures
Jesse Goossens /ill. Marieke ten Berge – Grand Nord
Rue du monde, 2022. 21€ - 9782355047107. A partir de 5 ans.
Mots-clés : album, Arctique, faune, biodiversité, fragilité, protection.
Le monde polaire est menacé, connaitre sa faune pour le préserver.
Dans l’océan, le ciel, sous les glaces polaires
ou sur les plaines glacées, l’auteure donne une
voix à chacun des 35 animaux de la faune arc-
tique qu’elle a choisi de nous faire découvrir.
Sur une page, le texte à portée d’enfant donne
de précieuses informations sur le mammifère,
l’oiseau ou le poisson, rappelle la fragilité de ce
monde en péril et l’importance de la biodiver-
sité. En regard du texte, une illustration somp-
tueuse se déploie en pleine page. La technique
de la linogravure apporte force et poésie au
propos et la quadrichromie nous plonge dans
l’univers du Grand Nord. Ce magnifique album
documentaire rappelle à l’enfant que le petit
humain fait partie de la nature et a un rôle à
jouer dans la préservation de ce monde mena-
cé. A lire à tout âge ! JL

ROMANS, RÉCITS

Colas Gutman / Delphine Perret - Léonard et le marchand de vérité


L’École des Loisirs, 2023, 7,50€, 9782211328555. 8-10 ans
Mots-clés : roman, mentir, humour, amitié, entraide
Petit roman pour savoir mentir, exister, résister, prendre confiance
Léonard ment tout le temps et ne le reconnait pas, même
lorsque le professeur de vérité est engagé par sa mère. Mal-
gré force arguments, il n'en sort rien de raisonnable : c’est
Léonard qui va apprendre à son professeur comment mentir
quand il le faut ! C’est alors qu’il va se sentir capable de dire
des mots vrais. Un texte drôle et humain qui pourrait être
mis en scène dans un huis clos savoureux avec une lecture à
trois voix d'enfants de 8-10 ans. CD

Camille Hermand / Betty Bone - Monsieur Denis


Éd Courtes et Longues, 2023, 9€, 9782352903628. 8 - 10 ans
Mots- clés : roman, contretemps, contrariétés, amitié, humour, gaffe
Roman de deux personnages étourdis, loufoques et têtus
Une aventure du quotidien, pourtant peu banale, qui
amène le lecteur en quelques pages, dans l'univers de
deux personnages gaffeurs et têtus. Très justement illus-

74
NVL juin 2023 – N° 236
tré par Betty Bone -on songe aux films de Jacques Tati- le texte d’un humour
simple et efficace est d'une qualité remarquable. La chute est inattendue. Un
petit bonheur de 43 pages à savourer de 8 à 77 ans. CD

Mymi Doinet / Anna Griot - Axel en voit de toutes les couleurs


Dadoclem, 2023, 10€, 9782378210441, 8- 12 ans
Mots-clés : roman, handicap, cécité, école, entraide
Roman facile à lire sur la cécité et les synesthésies
Ce roman illustré est dans une police assez grosse qui facilitera la lecture aux
débutants mais le thème et le récit traitent le lecteur comme un grand. Il rend
accessible la compréhension d’une vie rendue radicalement différente par le
handicap, ici la cécité. Outre les relations avec la classe et la présence d’un
enseignant sympathique et amusant, l’originalité du roman tient à la narration
par le petit aveugle qui décrit comment il identifie les couleurs en les asso-
ciant à d’autres sensations, odeurs, goûts, bruits, effets tactiles. Jamais trop
tôt pour découvrir les synesthésies. Jolie manière d’intéresser chacun à ce que
vit l’autre. A ajouter à notre biblio spéciale Handicap NVL 234. CCS

Pierre-Marie Beaude – Ulysse- Tome 1 -Prince d’Ithaque


Gallimard jeunesse. 2022. 10€90 – 9782075163279. A partir de 8 ans
Mots clés : Roman, Odyssée, Enfance, Héros grecs
Enfance d’Ulysse dans l’ile d’Ithaque avant son départ pour la guerre de Troie
Dans l’Antiquité grecque nait Ulysse, fils de
Laêrte, roi d’Ithaque, et de la reine Anticlée. Il a
pour marraine la déesse Athéna qui le protégera
mais prédit qu’il partira de longues années de
son ile pour faire la guerre. Ulysse vit une en-
fance pleine de bonheur jusqu’à ce que son père
lui demande de partir à Sparte où le roi Tyndare
accueille les prétendants de sa fille, la belle Hé-
lène. Des joutes sont organisées pour conquérir
le cœur d’Hélène mais Ulysse tombe amoureux
de sa cousine, Pénélope. Imprudemment il prête
serment avec les autres jeunes hommes de
secourir Hélène si elle est en danger et rentre à
Ithaque avec Pénélope qu’il épouse. Hélène enle-
vée par Pâris, les messagers de son époux Mé-
nélas viennent chercher Ulysse pour qu’il tienne son serment. On connait ses
aventures pendant la guerre de Troie et lors de son retour qui durera dix ans
mais on connait peu l’enfance de ce héros grec, Pierre-Marie Beaude nous la
raconte avec beaucoup de talent et de poésie. CK

Maéva Marquigny / Lucie Albon – Aux yeux des autres


Utopique, 2023, 8€, 9791091081603. 8ans+
Mots-clés : roman, pauvreté, différences
Roman sur la notion de pauvreté
« C’est pas si mal d’être pauvre finalement ». Cette phrase prononcée par son

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Nouvelles lectures
cousin Théo va empêcher Manon de dormir alors
qu’ils sont allongés tous deux sous la tente dans
le jardin de Manon. Pas évident si l’on compare le
train de vie des deux cousins, maison minuscule
contre château, plage inventée contre piscine...
Mais Manon est très heureuse dans sa maison où
elle partage une petite chambre avec sa maman
et rêve dans son jardin. Théo, qui a peur de dormir
seul dans sa grande chambre, ne fait que répé-
ter des propos d’adulte et les deux enfants vont
se pencher sur la signification du mot pauvreté
et, déçus par la définition du dictionnaire, vont
en inventer une autre. Ce roman, de la collection
AlterEgaux avec des représentations simples et parlantes, est une jolie histoire
sur le ressenti des enfants bien différent de celui des adultes. ZEH

Agnés Sokdi / Olivier Chéné – Ma vie en rousse


Utopique, 2023, 8 €, 9791091081610. 8 ans+
Mots-clés : roman illustré, rousseur, école, différence, harcèlement, amitié, amour
Roman de réflexion autour de l’acceptation de soi.
Ce livre permet de comprendre la situation de harcèlement du point de vue de
la victime. L’héroïne, rousse avec des taches de rousseur, décrit son quotidien
à l’école : les moqueries, les sobriquets dont on l’affuble « sale rouquine, Poil
de carotte... » Malgré l’amour de ses parents, elle voudrait être comme tout
le monde. L’arrivée d’un nouvel élève avec de beaux cheveux bouclés va lui
permettre de prendre confiance en elle et d’assumer sa rousseur. Ce roman
aborde avec intelligence et délicatesse une situation fréquente à l’école. Un
livre qui peut aider les enfants à s’accepter tels qu’ils sont. Les illustrations
sont sobres et très réalistes. ZEH

Jean-Christophe Tixier - Dix minutes cap ou pas cap


Syros, coll. Souris noire 2023, 7,95€, 9782748537079. 10 ans +
Mots clés : roman, adolescence, suspense, amitié
Un roman à suspense sur un défi risqué
Tim et Léa s’ennuient, les vacances commencent sous la pluie. Jusqu’à ce qu’un
mystérieux colis leur soit livré par la Poste. Démarre alors une aventure rocam-
bolesque, pleine de suspens qui sort les deux adolescents de leur quotidien.
S’ensuivent quelques heures haletantes où le lecteur se laisse embarquer avec
plaisir dans l’épopée des deux jeunes en quête de sensations. L’écriture de
Jean-Christophe Tixier est fluide et abordable, on se laisse volontiers prendre
par le rythme effréné des défis relevés par le jeune couple, sur fond de roman-
tisme naissant et de gentille morale liée à l’argent et aux écrans. Les person-
nages sont attachants et le tableau suffisamment bien dressé pour que l’on se
laisse tenter par quelques autres tribulations de Tim et Léa ! Une bonne entrée
en matière dans le monde des romans. MS

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NVL juin 2023 – N° 236
Crystal Cestari / trad.angl. Nolwenn Guilloud – Happily ever island
Hachette Heroes, 2022, 17,95€, 9782017164586, 10 ans+
Mots-clés : roman, Disney, vacances, rêve, amour, amitié
Roman dans le monde de Disney
Deux amies très différentes : Madison est rêveuse, fan inconditionnelle de
Disney alors que Lanie ne pense qu’à ses études. Madison gagne un voyage
pour deux sur l’ile Happily ever island sur laquelle il est possible d’incarner
le personnage Disney de ses rêves. La très studieuse Lanie découvre que les
loisirs et les études sont compatibles, Madison qu’il est possible d’aider les
autres à vivre leurs rêves. Magie, amour, amitié et Disney sont au rendez-vous
dans ce roman. Où tout est beau, parfait et enchanteur… MC

Alexandre Chardin – Mentir aux étoiles


Casterman, Collection Poche, 2018/2023, 6,90€,9782203254596,10 ans+
Mots-clés : roman, collège, harcèlement, handicap, amitié, différence
Roman sur un collégien différent qui veut faire ses preuves par lui-même

Léon fait son entrée en 6ème. L'an passé, il avait une AVS, auxiliaire de vie
scolaire, mais il a refusé sa présence pour le collège. Il est grand, il peut faire
seul. Ce roman parle de la différence et du handicap et aborde aussi la ques-
tion du harcèlement et de l'amitié : Léon réussit à se faire une amie réelle mais
aussi une amie imaginaire, la fiancée du pirate, qui n'est autre qu'une collé-
gienne suicidée en raison de harcèlement peu auparavant. L'auteur cherche
à démontrer à quel point les enfants porteurs d'un handicap ont une volonté
hors norme. Habitués aux difficultés, ils ont évidemment peur de les affronter
mais développent des stratégies, élaborent des tactiques pour contourner les
multiples problèmes. Ces enfants particuliers sont courageux, déterminés et
lucides. Il s'agit alors pour les adultes de les écouter et de leur faire confiance.
Pas facile pour des parents inquiets et souvent surprotecteurs de laisser son
enfant s'affirmer ! EM

Benoit Séverac – Les sœurs Lakotas


Syros, 2023, 17,95€, 3133099086895. 10 ans+
Mots-clés : roman, road trip, famille, courage
Roman sur le courage de trois sœurs pour ne pas être séparées
Bearfoot, Indienne de 16 ans, vit dans une réserve
du Dakota du Sud avec sa mère et ses deux sœurs
Santee, 10 ans, et Ray, 6 ans. Bearfoot a été mal
opérée d’un pied bot à la naissance et boite, d’où
son surnom. Elle reçoit un coup de téléphone des
services sociaux qui l’informe que leur mère est
condamnée à un an de prison pour conduite en état
d’ivresse ; elle et ses sœurs vont être séparées et
placées dans des familles d’accueil. Ne plus être
ensemble serait un drame : Bearfoot décide de
prendre la vieille voiture de sa mère et de partir
avec ses sœurs en Californie, avant l’arrivée des services sociaux. Elles par-
courent 2700 km à travers l’ouest américain, font des rencontres, certaines

77
Nouvelles lectures
éprouvantes, d’autres pleines d’émotions. Très belle histoire de courage, de
prise de responsabilité et d’amour fraternel. CK

Gilles Baum – Les boites aux lettres


Amaterra, 2022, 13,90€, 9782368562963. 10ans+
Mots-clés : roman, père, divorce, imagination
Roman plein d'imagination sur un enfant de 10 ans à la recherche de son père.
Émile, 10 ans, cherche à avoir des nouvelles de son
père qui a quitté le foyer, une « fameuse nuit ». Son
père va lui écrire, il en est sûr. Alors, pour recevoir
son courrier, Émile installe des boites aux lettres
partout : dans la forêt, au bord d'un lac, au fond
d'un parc…Tout est pensé, réfléchi et nous retrace
les meilleurs souvenirs d'Emile avec son papa.
Avec un coquillage pour ange-gardien (et narra-
teur !), une bicyclette rouge prénommée Rosie aux
allures de destrier fougueux et trois complices, tout
est réuni pour un excellent roman d'enfance : une
aventure bien menée, de l'amitié, du courage, au-
cune facilité dans le texte. C'est à la fois poétique et
grave, fantastique malgré les problèmes sociétaux
des adultes. Une quête sérieuse et émouvante. EM

Isabelle Renaud / André Mora - La vie indocile d’Achille Le Guennec


Syros, 2023, 17,95€, 313309908687. 11 ans+
Mots-clés : roman, adolescence, musique, cheval, dressage, amour
Roman léger et drôle sur le monde du cheval
La passion du cheval est une longue tradition dans la famille Le Guennec mais
Achille refuse, au grand dam de son père, de remonter à cheval après une
chute. Sa seule passion est la musique métal. Après des résultats scolaires
catastrophiques, puni tout l'été, il doit réviser ses cours et reprendre l'équi-
tation. L’arrivée d’Alice, correspondante anglaise de sa sœur, qui elle aussi a
fait une chute de cheval, va bousculer sa vie. Alice qui « « murmure à l’oreille
des chevaux » n’a besoin ni de fouet ni de violence pour éduquer un cheval :
c’est l'éthologie qui permet d'apprivoiser les animaux avec bienveillance. Alice
va démontrer que les chevaux sont des bons thérapeutes. Achille, anti-héros,
drôle et attachant, va découvrir l’amour, ses rêves, ses beautés, ce qui l’obli-
gera à changer, à mûrir et dépasser son ancienne vie. Ce roman écrit à deux
évoque les difficultés de grandir et de devenir adulte. ZEH

Alexandre Robert – L’altus


Syros, 2023, 17,95€, 9782748537000. 12 ans+
Mots-clés : roman, merveilleux, amitié, pouvoir
Roman fantastique sur un coffre qui exhausse les souhaits
Une bande d’amis découvre un coffre dans une ruine. Si anodin d’apparence, il
révèle son potentiel lors de la pleine lune : la personne qui l’ouvre obtient tout
ce qu’elle a toujours souhaité. L’histoire commence bien mais dérape quand

78
NVL juin 2023 – N° 236
le grand méchant arrive, un ancien jeune du village : lui aussi va ouvrir ce
coffre. On a droit à une happy end en deux temps, d’abord la mort du méchant,
ensuite le retour du héros. Roman qui se veut à la fois merveilleux et réaliste
sans jamais se fixer dans un genre. Certaines scènes dignes de films d’action
donnent du relief aux passages plats. MC

Tristan Deluzarches – Les orphelins de Prolis. T1 L’évasion du nouveau monde


Editions Courtes et Longues, 2022, 16,90€, 9782352903291. 12/16 ans
Mots clés : Épopée, pays imaginaire, marins, amour fraternel, courage
Premier tome d’une saga dans un pays imaginaire gouverné par 4 rois dans 4 royaumes
Dans le pays d’Harnä vivent deux orphelins Yann, 16 ans, et son petit frère,
Briac, 11 ans. Ils vivent de rapines et volent des aliments sur le marché pour se
nourrir. Surpris par le marchand, ils se réfugient dans une auberge où le marin
Vidfer essaie d’enrôler un équipage pour la goélette L’Epervier. Yann et Briac,
avant d’être récupérés par les policiers, signent comme mousses. La mission
de l’Epervier reste secrète et l’équipage ne sait pas quelle est sa destination.
En chemin, attaqués par des pirates, ils délivrent la princesse Lucià, prison-
nière des forbans, affrontent des créatures maléfiques. Premier tome d’une
saga haletante, un peu difficile à suivre par le nombre de personnages, de
régions et l’historique compliqué des pays. On attend cependant le deuxième
tome avec impatience. CK

Juliette Sachs - Petits mystères en campagne


Eyrolles, coll. Pop’Littérature, 2023, 17,90€, 978 2416009266, 13 ans +
Mots clés : roman, enquête, ado, rapport mère-fille, amitié, amour
Roman policier autour d’une relation mère-fille
La présentation de l’auteure et du roman laissaient présager un « truc de
meuf », un ton d’autodérision type humour de magazine féminin, bref une
lecture agréable et facile. Je garde tous ces termes mais dans une acception
très positive tant ce roman met le sourire aux lèvres et vous accroche amica-
lement à ses personnages : thèmes classiques pourtant, la mère divorcée aux
prises avec une ado insupportable, l’ado urbaine déracinée à la campagne qui
trouve tout relou, le premier amour qui refait ( belle) surface, tout cela réuni
dans un polar bien ficelé autour de petits cambriolages. Au final, c’est juste-
ment le ton qui en fait la saveur : si le style de Lola a bien 16 ans d’âge et ravira
les jeunes lectrices, le récit au je de Marion, la mère, est pétri d’un humour
pétillant, depuis la fable du Corbeau et le renard qu’elle récite pour juguler sa
libido éruptive à sa pensée silencieuse quand sa fille est odieuse : « j’aurais
dû la laisser devant une église quand elle était bébé » ! Ce roman particuliè-
rement connivent pour les lectrices féminines est un régal, facile mais qui s’en
plaindra ? CCS

Stéphanie Leclerc- Grand passage


Syros, sept 2022, 16,95€, 9782748530858, 13 ans +
Mots clés : roman fantastique, mort, apparitions
Roman fantastique sur la mort et l’idée d’un passage entre morts et vivants
C’est par un fantastique délicat et poétique que ce roman traite du rapport à la

79
Nouvelles lectures
mort, « concept le plus difficile à apprivoiser dans ce qu’elle a de définitif et
d’irrévocable et c’est sans doute pour cela qu’elle nourrit notre imaginaire » dit
l’auteure. Autour des sensations de présence qu’on peut ressentir, elle brode
une narration subtile où un adolescent un peu solitaire dans une vallée perdue
a des visions d’animaux sauvages qui lui adressent les messages des morts. Le
roman est donc à la fois un roman rural fantastique, un thriller avec l’horreur
de meurtre d’adolescentes, et un conte philosophique qui interroge nos igno-
rances sur la mort. Très bon roman. CCS

Yann Fastier – Alecto, la fille du dieu Pan


Talents Hauts, 2022, 16€, 9782362664984. 13ans+
Mots-clés : roman, aventure, magie, mythologie
Roman d'aventures dans le Limousin du début du XXème siècle.
Sidonie, jeune romancière à succès dans le Paris du début du XXème siècle, tra-
vaille beaucoup trop aux yeux de Sasha, sa tutrice russe, et pas assez pour son
éditeur. Elle s'octroie quelques jours de pause en Limousin. Repos de courte
durée : une enfant disparait dans le village. Les deux femmes partent à sa
recherche. L'aventure démarre au grand galop entre croyances rurales et dia-
logues avec un grand-père décédé. Entre magie noire, loups-garous, mytholo-
gie, l'enquête emprunte des sentiers des plus sombres. Le rythme dynamique
de l'écriture et l'intrigue bien menée en font un roman divertissant, dans une
langue française soutenue. Le deuxième opus de ce duo de justicières sort de
l'ordinaire et nous livre un agréable roman, d'un autre temps. EM

Jamie Sumner /trad.angl. Claire-Lucie Polès – Ma vie 4 étoiles


Talents Hauts 2023. 15,90€, 9782362665080. 13 ans
Mots-clés : roman, handicap, adolescence, relation mère-fille, amitié, cuisine
Roman sur une jeune fille en situation de handicap passionnée de pâtisserie
Ellie, collégienne de 12 ans atteinte de paralysie cérébrale, est élevée par sa
mère, son père étant incapable de faire face au handicap de sa fille. Elle adore
faire des gâteaux et rêve d’exercer le métier de pâtissière. Au milieu de l’année
scolaire, Ellie est contrainte de quitter le Tennessee pour aller dans l’Oklahoma
soutenir sa grand-mère maternelle seule avec son mari atteint de la maladie
d’Alzheimer. Pas facile de s’intégrer dans un autre collège lorsqu’on est catalo-
guée « la nouvelle en fauteuil roulant ». Heureusement, Ellie peut compter sur
le soutien de deux nouveaux amis, Bart et Coralie. Son objectif est de gagner le
concours de la meilleure tarte. L’auteure s’est inspirée de la propre vie de son
fils qui a la même pathologie que l’héroïne. Roman plaisant à lire qui, au-delà
du handicap, retranscrit bien la complexité d’une relation mère-fille à l’adoles-
cence. Ellie et sa mère s’aiment profondément mais trop couvée, la jeune fille
aspire à plus d’indépendance, comme les autres jeunes de son âge. Un joli
récit sur la force des liens familiaux face aux épreuves de la vie. LF

Sophie Adrianssen - Hacker


La Joie de lire, coll. Encrage, 2023, 15,90€, 13 ans +
Mots clés : roman policier, hacker, darkweb, délinquance informatique
Roman sur le thème du hacker

80
NVL juin 2023 – N° 236
Un roman palpitant, bien écrit qui va plaire aux ados gé-
néralement fascinés par cette nouvelle figure du hacker
et les mystères effrayants du darkweb. Flow a un cha-
risme qui en fait le héros du lycée, d’autant plus qu’il
a l’air de dépenser sans compter. On le sait génial en
informatique mais nul ne sait qu’il est en lien avec le
darkweb et récupère des codes de cartes de crédit. C’est
comme un jeu grisant et il n’a pas clairement conscience
du délit. Mais la police le traque… L’originalité du roman
tient à ce qu’on le sait d’emblée pris par la police, les
interrogatoires successifs révèlant peu à peu le détail
de ses actes, et que cela n’ôte rien d’un suspens bien
ficelé et d’une ouverture sur la psychologie du hacker,
nouvelle figure de héros, le tout remarquable. CCS

Kathrin Schrocke / trad.Génia Catala - Freak City


La joie de lire, 2023, 16,90€, 9782889086290. 14 ans
Mots-clés : Roman, handicap, surdité, amour, adolescence, différence
Roman sur les amours adolescentes et la différence par le handicap
Mika est malheureux car son amoureuse Sandra vient de le quitter. Dans la rue
il est intrigué par une jeune fille qui manque de se faire écraser par un camion
malgré les coups de klaxon du conducteur. Il la revoit dans un café et com-
prend qu’elle est sourde. L’amie qui accompagne cette jeune Léa lui propose
d’apprendre la langue des signes et, pris au dépourvu et pour impressionner
Sandra, Mika accepte. Il va ainsi connaitre la vie de Léa et les difficultés que
rencontrent les personnes malentendantes. Roman à l’eau de rose pour ado-
lescents.CK

Jessie Magana – Free Ride


Thierry Magnier, 2023, 15,90€, 9791035206048. 14 ans+
Mots-clés : roman, ski, sport, amnésie, convalescence, accident
Roman sur la reconstruction d’une adolescente après un accident de ski.
L'histoire démarre au 4ème jour de coma de Tessa. A son chevet se relaient ses
parents, Edgar, la chirurgienne, les soignants, la psychologue. Les jours défilent
et tous s'activent à participer à son réveil. C’est long.
Il faudra des mois pour que cette lycéenne, sportive
de haut niveau, s’extirpe du coma, sorte de l'hôpital,
puis du centre de rééducation. Se remettre physique-
ment d'un chute en hors-piste pour cette championne
de ski-cross est une chose (elle est une battante, une
vraie gagnante bourrée d'énergie, dominer son corps,
elle sait faire) mais retrouver la mémoire en est une
autre. L'amnésie post-traumatique a tout emporté de
l'année précédente. Elle va reconstruire ses souvenirs,
ou une partie, du confinement aux compétitions, grâce
aux souvenirs des autres. Après les multiples voix du
début, celles de Tessa et d'Edgar prennent le dessus.

81
Nouvelles lectures
L'une pour dire sa lutte dans la convalescence, l'autre pour écrire son amour
dans des lettres passionnées retraçant leur relation. Roman puissant sur l'ado-
lescence, la volonté et la résilience. On le lit sans pause, embarqué par l'amour
d'Edgar et la force mentale de Tessa, par leur jeunesse remplie de doutes et
d'envie et finalement pleine de vie. EM

Vanessa Len / trad.angl. Mathilde Tanae Bouhon – Seul un monstre


Lumen, 2022, 16€, 9782371023512, 14 ans+
Mots-clés : roman, monstre, fantastique, chronologie, voyage
Roman dans lequel un héros et des monstres s’affrontent
Joan, jeune femme en vacances à Londres, découvre qu’elle est un monstre
et peut voyager dans le temps mais, pour cela, doit voler des minutes et des
heures de vie aux humains. Son prince charmant, Nick, est le héros qui veut
éradiquer les monstres. Il tue la famille de Joan tandis qu’elle tente de sauver
les siens en modifiant le passé. On découvre tout un univers avec différentes
familles et les pouvoirs des monstres. Mais que ce roman est long ! Une espèce
de vendetta parfois tirée par les cheveux est démontée par les protagonistes
eux-mêmes. Le roman se termine par le questionnement de l’inné ou de l’ac-
quis. Certaines critiques disent que les fans d’Harry Potter l’apprécieront, pour
mon compte, j’affirme que non ! MC

V.E. Schwab / trad.angl.Sarah Dali – Monsters of verity, T1 This savage song


- T2 Our dark duet
Lumen, 2022, 17€, 9782371023642, 14 ans+
Mots-clés : Roman, Fantastique, monstre, apocalypse, amitié, famille, guerre
Roman où des monstres s’affrontent
Verity est une ville coupée en deux, d’un côté le clan
pro-Harker et de l’autre les pro-Flynn. Les Harker
protègent les humains des monstres en faisant payer
leur prestation ; les Flynn tuent les coupables de
meurtres. Une trêve est passée entre les deux clans
pour que les monstres ne détruisent pas la ville.
August Flynn et Kate Harker, qui font leurs études
dans le même lycée, se retrouvent piégés dans cette
guerre des gangs qui provoquent des émeutes à V-
City. August et Kate s’enfuient ensemble et doivent
mettre leurs préjugés de côté pour survivre. Pour
parvenir à la vérité, les deux adolescents laisseront
de nombreux morts dans leur sillage. Ceux qui s’at-
tendent à une histoire d’amour seront déçus car il n’y
a que monstres, morts et complots. Ce roman tient en haleine de bout en bout.
Les dernières pages ne laissent pas de répit avec l’amorce de la suite. Dans
le tome 2, Kate et August, séparés à la fin du premier tome, sont persuadés
d’avoir vaincu le mal en tuant Harker et Sloan. Mais ce dernier n’est pas mort et
veut se venger. Kate et August s’entraident pour que le bien gagne et que les
monstres disparaissent. Deuxième tome plaisant à lire, moins haletant que le
premier. Mais pourquoi faire mourir tous les personnages que l’on aime ? MC

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NVL juin 2023 – N° 236
Mary Orchard – Sous les étoiles de Bloomstone Manor
Casterman, 2023, 16,90€, 9782203244450. 16 ans
Mots-clés : Roman, Angleterre victorienne, condition féminine, science, romance, secrets
Roman d’une jeune femme qui rêve de devenir une brillante scientifique
Londres, 1898. Agathe Langley, 19 ans, déteste les
mondanités auxquelles ses parents l’obligent à
assister dans le but de la marier à un bon parti.
Sa véritable passion est l’astrophysique qu’elle
étudie en cachette avec le soutien de sa gouver-
nante. Rebelle et érudite, la jeune femme a bien
l’intention de ne pas se laisser enfermer dans le
carcan de la vie d’une jeune lady. Quand la famille
déménage à la campagne, Agathe fait la connais-
sance de Lord Nathanael Stone, excentrique et an-
ticonformiste, et de son séduisant cousin Adrian
dont elle tombe amoureuse. Ancien professeur de
physique, celui-ci, impressionné par les connais-
sances d’Agathe, décide de soutenir sa participa-
tion à un prestigieux concours scientifique. Parviendra-t-elle à le gagner ? Et
surtout, pourquoi les deux gentlemen vivent-ils en retrait de la haute société ?
Quels secrets cache Bloomstone Manor ? Premier roman très prometteur de
Mary Orchard, le récit palpitant nous plonge au cœur du quotidien fastueux de
l’aristocratie britannique fin XIXème siècle ! LF

Erin Beaty / Trad.angl. Marie Kempf – De lune et de sang


Lumen, 2023, 17€, 9782371023864, 16 ans+
Mots-clés : Roman, magie, enquête, amour, famille, lune
Roman qui mêle enquête et magie
Catrin, jeune fille adoptée par l’architecte du sanctum (temple) à Collis, à
force de travail, s’est fait une place dans cette ville : la nuit, elle escalade les
échafaudages autour de l’édifice pour sécuriser les travaux. Elle découvre le
cadavre d’une prostituée assassinée, violée et mutilée. Les meurtres s’accu-
mulent : Catrin se joint à l’enquête et découvre ses pouvoirs magiques révélés
par les rayons de lune et ses origines. Bon roman d’enquête. Le rythme se perd
quand la jeune fille retrouve sa famille, ces chapitres ne servant pas forcément
l’intrigue. Livre pour ados et adultes, les meurtres sont décrits crument. MC

Casey McQuinston/ Trad.angl. Mathilde Tamar-Bouhon – One last stop


Lumen, 2022, 17€, 9782371023437, 16 ans+
Mots-clés : Roman, enquête, amour, paranormale, amitié, LGBTQIA+
Une romance inédite et paranormale
August, jeune femme fraichement arrivée à New York, profite de ses études
pour fuir sa mère. Dans le métro qu’elle emprunte quotidiennement, August
va faire la rencontre de sa vie : Jane, sino-américaine de 24 ans. L’héroïne
découvre que Jane est prisonnière du métro et mène l’enquête, aidée par
ses colocataires. Happy end : August trouve enfin sa place dans ce monde
et l’amour. Roman malheureusement trop long, l’enquête nous perd, malgré

83
Nouvelles lectures
certains chapitres haletants. L’histoire d’amour est mignonne, sur le thème de
l’amour impossible, j’ai préféré de l’autrice My dear f***ing prince. MC

THÉÂTRE

Edith Montelle – La boite magique- Le théâtre d'images ou kamishibaï


Callicéphale éd., 2023, 19€, 9782369630203, pour adultes et tout petits
Mots clés : essai, théâtre d'images, histoires, utilisations, perspectives
Pour connaitre les intérêts et les enjeux du kamishibaï
Une réédition actualisée qui permet de s'approprier cette « boite magique »
qu’est le kamishibaï : ce petit théâtre de carton fait entrer les enfants dans une
histoire grâce à des images glissées dans un cache que l'on fait défiler manuel-
lement au rythme d'une lecture orale. Cet ouvrage s'adresse aux médiateurs
qui souhaitent connaitre et utiliser ce mode de narration. On y découvre tant
l'histoire ancienne de ce jeu théâtral que son développement actuel avec de
nouveaux créateurs, ses intérêts pédagogiques et des exemples d'utilisation
jusque dans des réseaux s'adressant aux adultes. 114 pages pour saisir une
autre façon de lire, de créer, de partager les histoires, avec une réflexion sur la
valeur de l'image et les choix que l'on fait pour porter et transmettre le texte.
Une lecture utile, riche et très bien documentée. A côté de ce mode d’emploi
pour les médiateurs, pour les tout-petits, un théâtre en carton et des pochettes
prêtes à l’emploi, contenant une dizaine d'images pour chaque histoire, sont
disponibles chez Callicéphale. CD

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224 : Philosopher avec les enfants ? 14,50 €
225 : Des usages des imagiers 14,50 €
226 : Défense et illustration de la Littérature jeunesse, N° spécial 15 €
227 : Par le bout de la langue 14,50 €
228 : Réécritures, nouveaux regards, nouvelle censure ? 14,50 €
229 : La couleur de l'enfance - Discriminations 2 14,50 €
230 : Masculin, féminin, autres - Discriminations 3 14,50 €
231 : Animaux anthropomorphes, notre miroir ? 14,50 €
232 : Considérons les animaux 14,50 €
233 : Arrêts sur image 14,50 €
234 : Cap pas cap Handicap 14,50 €
235 : Besoin des oiseaux 14,50 €
NVL la revue –
Trimestriel d’information sur le livre d’enfance et de
jeunesse publié par NVL-CENTRE DENISE ESCARPIT,
association sans but lucratif
Présidente
Claudine CHARAMNAC STUPAR
ADRESSE : Terrasse Rhin et Danube
85, cours du Maréchal Juin CS 51247 – 33075
Bordeaux Cedex France
Mail : abonnement@nvl-larevue.fr
Site : www.nvl-larevue.fr

Fondatrice
Denise Escarpit (1920-2015), universitaire à Bordeaux, a fondé la revue Nous voulons Lire !
en 1972 et le CRALEJ en 1991 avec le soutien du Maire de Bordeaux pour promouvoir une
littérature jeunesse de qualité et défendre la lecture précoce comme facteur d’égalité. Depuis
2011, une nouvelle équipe de bénévoles continue son combat sous le titre NVL larevue ; le
CRALEJ est devenu le Centre Denise Escarpit en 2017.

Directrice de publication Claudine CHARAMNAC STUPAR


Comité de rédaction Marianne BERISSI, Pierre BRUNO, Claudine CHARAMNAC STUPAR,
Catherine FORMET-JOURDE, Florence GAIOTTI

Coordination du dossier Régis LEFORT


Auteurs et collaborations pour ce dossier
Claudine CHARAMNAC STUPAR, Sybille DOUCET, Camille LANDREAU, Régis LEFORT, Chiara
RAMERO

Comité de lecture pour ce numéro


Claudine CHARAMNAC-STUPAR (CCS), Sylvie CHAVANNE (SC), Maylis CORMONT (MC),
Catherine DEMESTER (CD), Sophie DUCHARME (SD), Marie DUFON-ROCHE (MDR), Zoubida El
Harif (ZEH), Lucie FAURICHON (LF), Chantal KAEUFFER (CK), Joëlle LARRAT (JL), Elise MEUNIER
(EM), Céline MONETTI (CM), Sylvie MONTEAUX (SM), Marjorie SYLVAIN (MS)

Mise en page et corrections Claudine C STUPAR, Marianne BERISSI, Sophie DUCHARME,


Régis LEFORT
Maquette Pauline BESTAVEN
Gestion du site Elise MEUNIER
Gestion des réseaux Régis LEFORT, Céline MONETTI
Gestion des ouvrages Cathy DEMESTER
Impression par IBG-Saint Médard en Jalles – 33 agréée Imprim’Vert
Façonnage par l’Etablissement et Service d’Aide par le Travail- ESAT33
Routage par Fleximail à Pessac -33
Dépôt légal juin 2023 - CPPAP 0321 G 84954 - ISSN 0 153 9027
© Marieke ten Berge in Grand Nord Éditions Rue du Monde.

14,50 € / envoi non inclus

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