Lettres

Collège
Cahier n° 1

novembre 2011
N O U V E L L E R E V U E P É D A G O G I Q U E N° 625 / 7,50 e / ISSN 1636-3574

Séquences
Poésie  Didon et Énée
 Vibrations poétiques
pour un violon
6e

4e

et Musique  Boris Vian, le jazz

et la trompette 3e

Actualités
 Rencontre NRP du 9 novembre
 La sélection Prix NRP Littérature Jeunesse
 TICE et handicap
 Conformément aux dispositions sur le droit d'auteur (Code de la Propriété Intellectuelle),
la reproduction et la représentation de tout ou partie de ce numéro de la NRP notamment sur
les sites web contributifs, les blogs, sont strictement interdites et passibles de sanctions pénales et civiles.

SOMMAIRE NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011

ÉDITORIAL

I l y a quelque chose de beau dans l’idée mythologique que les Muses sont filles de Mnémosine, déesse de la Mémoire. Se souvenir
d’une couleur de ciel, d’un moment particulier, voilà ce qui serait à l’origine des arts. La musique est, plus que les autres, liée à la
mémoire, puisque, art du temps, elle le réordonne, le recompose, le ressuscite à chaque fois. Comme nous le rappelle le dossier, poièsis
et mousikè, création et ordonnancement ou harmonie, ne sont que les deux aspects d’un même geste. Ce numéro invite les élèves à de
telles découvertes, à travers les Didon et Énée de Virgile et Purcell, « Harmonie du soir » de Baudelaire ou « Chanson d’automne »
de Verlaine et la sonate à Kreutzer de Beethoven, à travers enfin Boris Vian écrivain et compositeur-trompettiste. L’émotion et le
sourire seront des leviers pour ces belles séquences.
Dans le cahier de ce mois, c’est l’aventure et le blizzard qui soufflent, et on y combat les ours. Un hivernage dans les glaces, récit moins
connu de Jules Verne, met en scène courage, traîtrise, amitié, amour, autant de sentiments qui sauront capter l’intérêt de nos jeunes
lecteurs, et le vôtre, par la riche proposition pédagogique qui l’accompagne.
Petit rappel qui vous sera lancé dans les pages actualités : nous vous attendons nombreux, le 9 novembre pour notre Rencontre
NRP... Alors, à très bientôt !
Yun Sun Limet

Retrouvez dans l’espace abonnés numériques de notre site

(www.nrp-college.com) toutes les ressources vidéos et multimédia.

ACTUALITÉ DOSSIER ET SÉQUENCES FICHES PÉDAGOGIQUES

Événement PÉDAGOGIQUES Atelier d’écriture | Tous niveaux
> La Rencontre NRP
du 9 novembre 2011 .............................................. 2 Jean Tardieu et le sens du dialogue
DOSSIER par Édith Wolf .................................................................. 47
Interview
> La Maison des écrivains Quand la poésie fait alliance avec la musique Analyse filmique | 6 /5 e e
et de la littérature ........................................................ 3
Une vie de chat de Jean-Loup Felicioli
par Martine Rodde .............................................. 14
Pédagogie et Alain Gagnol (2010)
> Les fanfictions, le passage de la lecture par Marie Pierre Lafargue ......................................... 49
à l’écriture
par Corine Abensour ................................................... 4 Séquence 1 | 6e Grammaire pour l’orthographe | 6e, 5e, 4e, 3e
Histoire Didon et Énée Série 2 : Le verbe et son sujet, les attributs
> Une occupation très jazzie par Coralie Amet ............................................................ 20 par Claire Beilin-Bourgeois
par Alain Barbé ................................................................ 6 et Laurence Gomez ...................................................... 51
Séquence 2 | 4e
Cinéma
> L’adaptation en question Vibrations poétiques pour un violon Brevet blanc | 3e
par Marie Martin ............................................................ 7 par Franck Evrard ........................................................... 29 Un extrait de L’Écume des jours,
de Boris Vian
Arts Séquence 3 | 3e
> Peinture et regard par Laure Péborde ......................................................... 59
par Daniel Bergez ........................................................... 8
Boris Vian, la trompette et le jazz
e
par Laure Péborde ......................................................... 38 Latin | 4
Spectacles Les derniers mots de Didon à Énée
> Une autre expérience du spectateur ?
par Anne Sinha ................................................................ 63
par Gaëlle Bebin ............................................................. 9
Collèges d’ailleurs Retrouvez la Fiche TICE sur notre site
L’enseignement en Communauté www.nrp-college.com
flamande de Belgique
par Elisabeth Vanreeth ............................................... 10 Erratum : retrouvez le tableau rectifié
« Le nombre des noms » (6e) du n°
Prix NRP de septembre dans les ressources
> « Lire sous la pluie »
par Chloé Zanni ............................................................... 11 gratuites
> Membres du jury du prix NRP
en vacances… ................................................................ 12 Nouveau !
TICE Des exercices interactifs.
> Les TICE au service des élèves handicapés Voir le mode d’emploi dans le cahier
par Miguel Degoulet .................................................... 13 de ce mois.

Éditeur : Nathan, 25 ave P. de Coubertin 75013 Paris – Directrice de la rédaction : Yun Sun Limet – Conseillère pédagogique : Corinne Abensour – Directeur de la publication : Catherine Lucet – Directeur délégué : Françoise Fougeron –
Fabrication : Lucile Davesnes-Germaine – Secrétaire de rédaction et correctrice : Eva Baladier – Assistante d’édition Web : Alexandra Guidal – Assistante éditoriale : Valérie Raffin – Iconographie : Laure Penchenat – Marketing/Diffusion :
Marielle Bignos, Catherine Coat, Évelyne Delcroix. – Impression : NIL, Allée Louis Blériot, 58500 Clamecy – Réalisation maquette : CGI, 4 allée Rigny-Ussé 37170 Chambray-Lès-Tours – Publicité : Mistral Media – Directeur commercial :
Luc Lehéricy – Directeur de la publicité : David Bichot, 365 rue de Vaugirard 75015 Paris. Tél. : 01 40 02 99 00 – Partenariats : Christophe Vital-Durand. Tél. : 01 45 87 52 83 – Code article : 111304 – N° d’édition : 101 79 642 – Dépôt
légal : novembre 2011 – Commission paritaire : 0714T83332
Abonnement 1 an, France (5 numéros et 5 cahiers) : 65,50 e ; DOM/TOM : 78,50 e – Abonnement 1 an papier + numérique (5 numéros et 5 cahiers) : 67,50 e – Numéro vert : 0800 032 032 – Abonnement pour la Suisse, EDIGROUP SA,
abonne@edigroup.ch – Abonnement pour la Belgique, Edigroup Sprl, email : abobelgique@edigroup.org – ISSN 1636-3574 – Prix au n° : 7,50 e
Publication en 2 cahiers.
Crédits photos : Couverture : LEEMAGE / Electa ; p. 16 : ARCHIVES NATHAN ; p. 19 : AKG-images ; p. 23 : LEEMAGE / Heritage Images ; p. 24 : THE PICTURE DESK / G. Dagli-Orti ; p. 28 : WIKISPECTACLE / Vincent Pontet ; p. 30 : Archives
Nathan ; p. 33 : BIS / Ph. Coll. ; p. 36 : cahier couleur et p. 36 : ARCHIVES NATHAN / MNAM © Man Ray Trust,Adagp, Paris 2011 ; p. 37 : AKG-images ; p. 38 : BIS / Ph. X © Collection Michelle Vian - Archives Larbor ; p. 41 : BIS / Ph. X
© Collection Michelle Vian - Archives Larbor ; p. 46 : LEEMAGE / Selva ; p. 48 : BIS / Ph. Patrice Pascal © Archives Larbor ; p. 59 : BIS / Ph. Coll. Archives Larbor ; p. 62 : BIS / Ph. Coll. Archives Larbor ; p. 64 : BIS / Ph. Coll. Archives Larbor.

www.nrp-college.com
 ACTUALITÉ
ÉVÉNEMENT
La Rencontre NRP
du 9 novembre 2011
« Le numérique : nouvel
espace d’expérimentation
pour la lecture
et l’écriture »
À vos agendas ! Si vous ne l’aviez pas encore noté, rappelez-vous
que le 9 novembre prochain, nous vous convions à une journée
de rencontre au Petit Palais à Paris autour de la thématique : « Le
numérique : nouvel espace d’expérimentation pour la lecture et
l’écriture »
Voici une présentation du / des débat(s). Nous vous y attendons
nombreux !
S’agissant de l’écriture et de
la lecture, la question du sup-
port matériel, avec l’invention
du codex semblait quasiment
réglée, une fois pour toutes.
L’apparition d’Internet et du
numérique, entraîne une muta-
tion essentielle, en cours depuis
une dizaine d’années. Que modi-
fie le support numérique dans
notre rapport à la lecture et à
l’écriture ? Les enjeux concer-
nent les écrivains, les lecteurs,
les médiateurs de la chose écrite,
qu’ils soient critiques, éditeurs,
libraires, bibliothécaires ou, last
but not least, enseignants.
Ces enjeux sont non seule-
ment théoriques, mais également
industriels, sociétaux, et redis-
tribuent les relations entre les
différents acteurs de la chaîne
qui va du bureau de l’écrivain à
la lecture d’une œuvre dans le
métro ou à son étude en classe.
Et la question du support est
indissociable de son environne-
ment, le web, qui en est déjà à
sa seconde étape, dite Web 2.0.
2 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE
matique de cette « lecture qui ler les pratiques pédagogiques
écrit », et échange (voir l’in- autour de l’étude de la langue
terview de Sébastien François,
p. 4).
et de la littérature. Une expé-
rience d’écriture de fiction
Enfin, des enseignants indi-
queront comment le numérique
dans une classe de Terminale à
Aubervilliers sera, entre autres,
et l’Internet peuvent renouve- présentée.
PROGRAMME DE LA JOURNÉE
Le matin, une visite est proposée aux abonnés, sur inscription (voir les
modalités sur le site www.nrp-college.com), à l’exposition « La Comédie-
Française s’expose » qui a lieu au Petit Palais.
14 h – 14 h 15 : Accueil et présentation de la rencontre
1re temps : Écrire à l’heure du numérique
14 h 15 – 14 h 30 : Cécile Portier, présentation du projet « Étant donnée »,
lecture de « Il y a / il n’y a pas »
14 h 30 – 14 h 45 : Jean-Philippe Toussaint, « jptoussaint.com, un espace
d’expérimentation numérique »
(séance animée par Yun Sun Limet)
2e temps : Le numérique et la nouvelle génération de lecteurs
Avec le Web 2.0, c’est la socia- 14 h 45 – 15 h : Claude Combet, « La littérature jeunesse
bilité, la socialisation de l’écrit et et ses lecteurs dynamisés par les réseaux sociaux »
de la lecture qui change. 15 h – 15 h 15 : Hélène Bourdeloie, « Enjeux de l’appropriation
La NRP a voulu organiser de dispositif d’écriture par les élèves »
autour de ces questions une 15 h 30 – 15 h 45 : Sébastien François, « Les fanfictions : lire en écrivant »
après-midi de rencontre, en réu- (séance animée par Corinne Abensour)
nissant écrivains, chercheurs et
enseignants. 3e temps : Enseigner avec le numérique
Il s’agira de s’interroger sur les 15 h 45 – 16 h : Marie-Laure Très-Guillaume, « Expériences au collège »
nouvelles frontières de l’écriture, 16 h – 16 h 15 : Cécile Portier, « Traque, traces », atelier d’écriture
lorsque, sur écran, la typogra- à Aubervilliers.
phie rejoint la photographie, la (séance animée par Corinne Absensour et Yun Sun Limet)
vidéo, lorsque dans les blogs, la
Les intervenants
temporalité et la permanence de
l’écrit papier sont bouleversées. Cécile Portier, écrivain, auteure de Contact, Seuil, 2008. Blog Petite Racine
On s’interrogera par suite sur ici c’est fait pour écrire http://petiteracine.net/wordpress/.
les nouvelles modalités de rela- Jean-Philippe Toussaint, écrivain, photographe et cinéaste. Auteur
tion des auteurs avec les lecteurs, de nombreux romans, tous parus aux éditions de Minuit. Prix Médicis
l’émergence de communautés de 2005 pour Fuir. Blog : http://www.jptoussaint.com/
lecteurs. Claude Combet, journaliste, chef de rubrique « Étranger », spécialiste
Des chercheurs nous feront de littérature jeunesse à Livres Hebdo.
part de leur réflexion sur ces Sébastien François, chercheur en sociologie, enseignant, spécialiste
phénomènes, sur leurs logiques des « publics mass-médiatiques sur Internet ».
sociales, surtout dans le public
Hélène Bourdeloie, chercheur en sciences de l’information et de la communication
des adolescents, lectorat d’au-
(Labsic, Paris XIII), spécialiste des pratiques culturelles et numériques.
jourd’hui mais dans lequel se
Marie-Laure Très-Guillaume, professeure de Lettres classiques en collège,
forment les pratiques de lecture
de demain. Le phénomène des formatrice TIC et Lettres à l’université de Clermont-Ferrand.
fanfictions sera abordé, sympto-
- COLLÈGE / novembre 2011
 ACTUALITÉ

INTERVIEW tion nationale et la Caisse des rencontre entre une classe et un

Dépôts) mais encore des actions écrivain à partir de la lecture de
La Maison des écrivains culturelles élaborées avec un
ensemble de partenaires aussi
l’un de ses livres. Cet échange est
préparé par les enseignants. La
et de la littérature divers que le Louvre, des collec- MEL veille à ce que les projets
tivités territoriales (cette année soient pertinents et que l’ensei-
Quels liens entre le grenier des frères Goncourt, une association le Prix des lycéens, apprentis et gnant et l’auteur aient ensemble
d’écrivains et une maison ? La « Maison des écrivains et de la litté- stagiaires de la formation pro- préparé ce moment.
rature », qui a son siège boulevard de Montmorency à Paris, dans fessionnelle en Île-de-France), Il est tout à fait certain que la
un bel hôtel particulier dont le « grenier » fut celui des Goncourt... etc. La MEL est un centre de rencontre avec l’auteur, sa pré-
Nous y avons rencontré Sylvie Gouttebaron, qui nous présente ressources, pour les écrivains sence, bouscule un ordre établi
cette association qu’elle dirige, partenaire de notre rencontre du 9 comme pour celles et ceux qui dans la perception qu’un jeune
novembre 2011, son histoire, ses actions, les enjeux d’une littérature veulent établir avec eux des colla- lecteur peut se faire de la lec-
contemporaine à faire lire et vivre. borations. Enfin, elle est un labo- ture, voire de la littérature, au
ratoire où se réfléchissent, avec sein de son parcours scolaire.
les auteurs, des problématiques Il se passe là quelque chose de
La NRP – Les écrivains et dez-vous littéraires se mettent liées à leur pratique, et toutes rare, qui marque à tout jamais
la littérature ont une maison... en place. Des rencontres ont lieu choses qui sont liées à la publi- les uns et les autres. Car même
Pourriez-vous nous rappeler régulièrement à l’Hôtel d’Ave- cation des textes. Il va sans dire lorsque la rencontre semble
l’histoire de sa création ? gan. La MEL est soutenue prin- que la MEL a été conçue pour avoir échoué, on s’aperçoit au
Sylvie Gouttebaron – L’idée cipalement par le Centre national permettre une juste rémunéra- final qu’il n’en est rien, et que
de la création d’une Maison des du livre. La Maison des écrivains tion des auteurs dans les activités l’instant de la cristallisation, de
écrivains, liée au désir de légi- quitte la rue de Verneuil au prin- qui leur sont proposées. la prise de conscience de ce que
timation sociale des auteurs, temps 2007 pour s’installer dans La NRP – Qu’apporte, selon cela a été, arrivera toujours, fût-
remonte aux années 1970. la maison des frères Goncourt, vous, la rencontre avec un ce beaucoup plus tard. En cela,
Puis les deux rapports remis au avec le soutien de la Ville de Paris. écrivain, pour un élève, pour l’évaluation immédiate est bien
ministère de la Culture en 1981 Elle devient alors Maison des un enseignant ? délicate. Et ce n’est pas si mal,
et 1982 par Bernard Pingaud, écrivains et de la littérature. Cet S. B. – Les actions menées car la littérature a à voir avec le
membre de l’Union des écri- ajout n’est pas un luxe, il ancre vers l’Éducation nationale sont long terme. Du moins l’espère-
vains, sont déterminants dans de nouveau le projet de la Maison basées essentiellement sur la t-on encore.
l’avancée du projet. Fin 1983 est et réaffirme son positionnement
créée l’Association pour la créa- dans le paysage littéraire.
tion de la Maison des écrivains, La NRP – Quelles sont les
qui s’installe en 1984 aux 28, rue principales missions de la
des Petites-Écuries à Paris (xe). MEL ? Et parmi elles, quelles
Président : Hervé Bazin ; Secré- sont les actions en direction
taire général : Pierre Dumayet ; des jeunes lecteurs, et de
Trésorier : François Coupry, qui l’éducation ?
devient le premier directeur de S. B. – Les missions de la
l’équipe salariée. MEL sont les suivantes : diffu-
Les activités sont les suivantes : sion de la littérature contempo-
service auteurs-éditeurs, service raine et patrimoniale à travers
auteurs-médias, et documenta- des rencontres publiques, le plus
tion. En mars 1986, l’Association souvent au Petit-Palais, mais
de la Maison des écrivains prend aussi des programmes nationaux
le relais en s’installant avec le (financés par le CNL), que sont
Centre national des Lettres au l’Ami littéraire, le Temps des
53, rue de Verneuil (75007). Sous écrivains à l’université et dans
l’impulsion de Jean Gategno, les grandes écoles ou encore À
alors directeur du Livre et de l’école de l’écrivain des mots par-
la lecture. Les lieux permettant tagés, (programme, quant à lui,
d’accueillir un public, les ren- financé également par l’Éduca- La maison des frères Goncourt à Paris, xvie arrondissement.

NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 3

 ACTUALITÉ

PÉDAGOGIE encore aujourd’hui. Si les fans S.F. – Si les séries télévisées

qui se lancent dans l’écriture de anglo-saxonnes ont historique-
Les fanfictions, le passage fanfictions restent minoritaires, ce
passage en ligne a sans nul doute
ment été à l’origine de nom-
breuses fanfictions et continuent
de la lecture à l’écriture décuplé les vocations et le lecto-
rat potentiel, ce qui explique que
de l’être – des productions de
chaque génération tirant leur
Par corinne Abensour ces récits se comptent doréna- épingle du jeu, de Star Trek à
Sébastien François est spécialiste des fanfictions, un phénomène vant par millions, des plus courts Supernatural ou Les Experts, en
ancien qu’Internet a permis de renforcer considérablement et dont (mais non les moins intéressants) passant par X-Files ou Buffy contre
les adolescents et les jeunes adultes sont les principaux acteurs. Voilà à ceux de plusieurs centaines de les vampires – les sources d’ins-
qui ne pouvait que nous inciter à présenter les fanfictions lors de la pages, des plus mal écrits aux piration se sont multipliées. Les
journée d’étude du 9 novembre sur la littérature et le numérique. tentatives les plus littéraires… sagas, romanesques et/ou ciné-
Sébastien François a bien voulu répondre en avant-première à nos matographiques, souvent ratta-
C. A. – Quand le phénomène chées au fantastique, à la fantasy
questions et explique comment une communauté de lecteurs et
a-t-il gagné la France ? ou à la science-fiction, sont très
d’auteurs amateurs ont réussi à recréer à leur échelle les pratiques
S. F. – L’existence de fanfic- présentes, tels La Guerre des
du monde littéraire professionnel.
tions en français avant l’avène- étoiles, Le Seigneur des anneaux,
ment d’Internet est obscure : Harry Potter ou Twilight ; de
Corinne Abensour – Quand par des lecteurs enthousiastes une étude approfondie du fan- même, certains jeux vidéos et
et comment le phénomène des où sont disséqués ces univers zinat reste à faire, et les écrits mangas, surtout ceux ayant béné-
fanfictions est-il apparu ? fictionnels. Ils accueilleront les privés garderont toujours leur ficié d’adaptations télévisuelles
Sébastien François – Même si premières fanfictions dans les part de mystère. Seule certitude : ou filmiques, ont été propices
les œuvres ayant donné lieu à des années 1960, à l’heure où le petit la France, comme de nombreux aux continuations, à l’image de
continuations sont innombrables, écran s’empare du genre avec pays non anglo-saxons, s’ouvre Pokémon ou Naruto.
à l’image de Don Quichotte ou de des séries comme Star Trek et réellement à cette pratique au
L’Astrée, je crois qu’il est préfé- élargit encore les cercles de fans : tournant des années 2000, à C. A. – Est-ce que certains
rable d’insister sur les racines plus ces récits restés privés trouvent mesure que la population fran- romans occupent une place par-
populaires et « paralittéraires » donc un moyen de diffusion çaise adopte Internet. Des fans ticulière ? Qu’en est-il des clas-
des fanfictions. C’est du côté des idéal, et s’y multiplieront grâce à explorent les sites de leurs homo- siques dont on trouve la trace
romans policiers, d’aventure ou des séries américaines et britan- logues anglophones, y lisent sur certains sites comme Sherlock
de science-fiction, dans leur capa- niques, de science-fiction (Doc- leurs fictions, et quelques-uns Holmes, Alice au pays des mer-
cité à devenir romans-feuilletons teur Who, Code quantum, etc.) se lancent dans l’écriture – par- veilles, Les Liaisons dangereuses, Le
ou à se développer en séries qu’il mais aussi policières (Starsky et fois en anglais –, séduits par cette Rouge et le noir, etc. ?
faut aller chercher leurs proches Hutch, Deux flics à Miami, etc.). manière efficace de prolonger S. F. – Les récents best-sel-
parents : les multiples suites ou Les fanfictions connaissent encore le plaisir, même quand un lers de la littérature jeunesse
récits parallèles qui sont venus toutefois une seconde nais- cycle romanesque ou une série fantastique, en premier lieu
s’adjoindre aux Trois Mousque- sance avec l’arrivée d’Internet : s’achève… Pour publier leurs Harry Potter et Twilight, occu-
taires de Dumas dès le xixe siècle ce changement est précoce aux textes, ils recourront d’abord pent une place de choix : publiés
ou les récits émanant des sociétés États-Unis puisque des groupes aux sites existants, en particulier en plusieurs tomes, adaptés
de lecteurs de Sherlock Holmes au de fans s’échangent des textes dès fanfiction.net, avant de dévelop- très rapidement par les studios
xxe sont déjà plus proches des le début des années 1990 via des per leurs propres espaces : sites, hollywoodiens et en plusieurs
fanfictions actuelles, bien que listes de diffusion. La publica- forums ou encore blogs, généra- parties, l’attente entre les épi-
celles-ci soient encore le fait tion sur fanzines commence alors listes ou bien spécialisés autour sodes successifs a coïncidé avec
d’élites lettrées. à décliner à la fin de la décen- d’une seule source et / ou d’un l’installation des fanfictions sur
La science-fiction sera le vec- nie, lorsque les foyers s’équipent seul genre de fanfictions, ce qui Internet, ce qui explique en par-
teur de la démocratisation avec en connexions Internet, et que donnera corps à des communau- tie leur importance actuelle. Du
tout d’abord la création de fan- certains internautes créent des tés de lecteurs et d’auteurs (fan- côté des classiques, il faut sans
zines, dès les années 1930 aux sites dédiés à l’hébergement des fictions.fr, fanfic-fr.net, etc.). doute distinguer les œuvres qui
États-Unis, c’est-à-dire des textes, notamment fanfiction.net C.A. – Quelles sont les sources ont aussi été adaptées, parfois
publications rédigées et éditées en 1998, hébergeur le plus fourni qui inspirent les fanfictions ? copieusement, par le cinéma et

4 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011


la télévision, ce qui a accru leur
notoriété et leurs chances de sus-
citer des vocations de continua-
teurs amateurs. Pour les autres,
on trouve moins des récits qui les
prolongeraient directement que
des transpositions dans des uni-
vers fictionnels à succès, les intri-
gues de Roméo et Juliette pouvant
servir de nouvelle trame à la saga
Twilight par exemple : les fan-
fictions renouvellent donc aussi
les phénomènes d’intertextualité,
en croisant contenus et supports
(films, télévision, romans, etc.).
C. A. – Qui sont les auteurs
à l’origine de ces fictions (sexe,
âge, milieux sociaux, pratiques
culturelles) ? Que sait-on de
leurs motivations ?
S. F. – Il serait plus juste de
parler d’auteures au féminin tant
elles sont majoritaires. Pour les
fanfictions tirées d’Harry Potter
que j’ai étudiées, c’est par
exemple le cas de plus de 90 %
des internautes, et si ce chiffre
varie d’une source d’inspiration
à l’autre, cette « domination
féminine » est une constante que
confirment les travaux anglo-
saxons. L’âge est une variable
plus volatile, mais adolescentes
et jeunes femmes constituent le
gros des troupes. On comprend
qu’en raison du temps nécessaire
pour lire et écrire des fanfictions,
le fait de ne pas être encore entré
sur le marché du travail accroît
les chances de s’adonner à cette
pratique, mais c’est néanmoins
une évolution par rapport à la
période des fanzines où les fans
concernées étaient un peu plus
âgées ; la migration des fanfic-
tions sur Internet a donc ouvert
et rajeuni la pratique.
Les origines sociales sont
moins discriminantes : dans mon
étude, j’ai surtout noté l’absence
des catégories les moins favo-
risées, mais cela ne signifie pas
une surreprésentation des plus
favorisées ; de même, au-delà de
quelques références communes,
comme Tolkien, il n’y a pas un
profil culturel homogène pour
ces auteures. Cela rejoint leurs
motivations enfin car il serait
faux de croire que ces jeunes
femmes s’imaginent les nouvelles
J. K. Rowling ou S. Meyer. Si un
réel goût pour l’écriture est déce-
lable chez elles, c’est plutôt le
fait de participer collectivement
à cette extension de la source
d’inspiration et de partager cette
expérience avec d’autres fans qui
semble décisif.
C. A. – Quelles sont les moda-
lités du travail de ces jeunes
auteures ? Quels types de com-
pléments apportent-elles à leurs
livres préférés ?
S. F. – J’ai déjà consacré plu-
sieurs articles à montrer com-
ment auteurs et/ou lecteurs de
fanfictions constituent un monde
organisé qui recrée, à son échelle,
certaines pratiques du monde lit-
téraire « professionnel »1. Ainsi,
outre ces quelques auteurs qui
développent des techniques col-
laboratives passionnantes – en
investissant par exemple chacun
un personnage –, nombreux sont
ceux qui recourent à un ou des
« beta-lecteurs », c’est-à-dire à
d’autres fans chargés de relire,
sur le fond et la forme, les textes
avant leur publication. Plus
encore, les auteurs apprennent
à développer des liens avec leur
lectorat effectif au travers des
commentaires que les internautes
laissent à la suite des textes : cela
conduit à des réponses, voire à
des engagements, comme sur la
date de publication du chapitre
suivant. Enfin, certains espaces
du Web se sont spécialisés dans
l’analyse de fanfictions, ce qui
révèle l’existence d’un véritable
pôle critique même dans ce
monde d’amateurs. Justement, ce
fonctionnement en partie installé
depuis la période des fanzines a
cristallisé des genres de fanfic-
tions qui guident les pratiques
aujourd’hui : romance, slashs, song
fics en sont quelques exemples,
cette terminologie soulignant la
nécessité de se familiariser avec
les règles de cet univers pour qui-
conque souhaite y entrer.
C. A. – Comment les éditeurs
se saisissent-ils des fanfictions ?
S. F. – Il y aurait beaucoup à
dire sur les questions de droits
d’auteur suscitées par les fanfic-
tions, les textes bénéficiant d’une
relative tolérance tant qu’ils res-
tent dans le monde amateur et
non lucratif, et de l’incertitude
liée à la non-harmonisation des
droits nationaux… En consé-
quence, les liens entre le monde
des éditeurs « officiels » et celui
des fanfictions sur Internet sont
rares et ne prennent jamais la
forme de publications « autori-
sées » de fanfictions : il faut plutôt
penser à la détection ponctuelle
d’auteurs de talent, repérés grâce
à leurs récits en ligne, pour
signer des novellisations ou des
textes originaux. La série britan-
nique Docteur Who a ainsi trouvé
certains de ses scénaristes parmi
ces fans et une jeune chilienne,
Francisca Solar, a trouvé un édi-
teur pour son premier roman,
grâce à la renommée de ses
fictions. En France, Hachette
Jeunesse a bien commencé à
proposer sur son site lecture-
academy.com des concours de
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE
ACTUALITÉ
fanfictions, afin de fédérer encore
davantage les lecteurs de ses
romans – dont Twilight –, mais
l’éditeur a gardé le contrôle sur la
créativité des fans en leur deman-
dant surtout des continuations de
textes…
C. A. – Quelle exploitation
pédagogique pensez-vous qu’on
puisse faire des fanfictions ?
S. F. – Ayant peu abordé cet
aspect des fanfictions dans ma
recherche, il faudra consul-
ter, entre autres, l’ouvrage de
Rebecca W. Black, Adolescents
and Online Fan Fiction2 qui sug-
gère quelques pistes concrètes…
Toujours est-il que la transposi-
tion de cette pratique d’écriture
en activités scolaires ne va pas de
soi : les travaux anglo-saxons sur
le sujet indiquent qu’aux stricts
enjeux littéraires – qui pourraient
conduire les adolescents à mieux
écrire –, s’ajoute la question de
la maîtrise des nouveaux médias
(la digital literacy) si l’on veut
créer une dynamique d’écriture
durable. Pour ma part, je pense
également que les dimensions
relationnelles des fanfictions, à
savoir la forte présence des socia-
bilités amicales et amoureuses
dans les récits, mais aussi l’im-
portance des relations entre fans
dans l’organisation de cette pra-
tique, ne doivent pas être négli-
gées pour réussir à faire écrire
les élèves, même lorsqu’on joue
sur leurs romans ou films favoris.
1.Sébastien François, « Fanf(r)ictions.
Tensions identitaires et relationnelles
chez les auteurs de récits de fans »,
Réseaux, 27 (153), 2009, p. 157-
189 ; « Les fanfictions, nouveau lieu
d’expression de soi pour la jeunesse ? »,
Agora débats/jeunesses, 46, février
2008, p. 58-68.
2. Rebecca W. Black, Adolescents and
Online Fan Fiction, New York, Peter
Lang., 2008.
- COLLÈGE / novembre 2011 5
 ACTUALITÉ
HISTOIRE
Une Occupation très jazzie
Par Alain Barbé*
Des publications récentes jettent un regard nouveau sur l’histoire
du jazz en France sous l’Occupation et amènent à s’interroger sur la
reconstruction de la mémoire.
De la légende à l’histoire
La cause semblait enten-
due, le fait corroboré par
les témoins, le jazz fran-
çais avait vécu une véritable
persécution de 1940 à 1944.
L’écoute de cette musique
« dégénérée » selon les nazis
frisait l’acte de résistance et
s’opérait dans la plus grande
clandestinité. Les mélodies
de Glenn Miller rythmant
les images de la Libération
attestaient que seuls les GI’S
avaient réimplanté le jazz en
France. Si l’aversion des nazis
pour cette musique « négro-
judéo-anglo-saxonne » est
indéniable, les recherches de
Gérard Régnier déconstrui-
sent cette belle légende. Ce
passionné de jazz, professeur
d’histoire puis chef d’établis-
sement, a entamé à 65 ans une
thèse sur le jazz en France et
en Belgique sous l’Occupation.
Il l’a soutenue sept ans plus
tard, en 2006. Et c’est ce jeune
chercheur de 75 ans qui nous
livre aujourd’hui un ouvrage
décapant à la conclusion éton-
nante : l’Occupation, à l’opposé
des représentations communes,
fut un âge d’or pour les jazz-
men français. Anne Legrand
dans sa biographie de Charles
Delaunay, fils des peintres
Sonia et Robert Delaunay, qui
fut l’animateur infatigable du
Hot Club de France, confirme
cette nouvelle approche de
l’histoire du jazz en France.
6 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE
Un âge d’or
Dès l’été 1940, l’occupant favo-
rise la réouverture des cabarets et
des music-halls. La vie doit revenir
à la normale, pour calmer la popu-
lation et distraire la Wehrmacht.
Le Hot Club de France, qui avait
été avant-guerre le centre de la
culture jazzistique européenne,
reprend vite ses activités. Il orga-
nise un festival de jazz français,
à la salle Gaveau le 19 décembre
1940. Le Quintette du Hot Club
se reforme dès octobre, sans
Stéphane Grappelli parti à
Londres, mais avec l’artiste vedette
du jazz français, Django Reinhard.
Tout au long du conflit sur fond de
persécution des tziganes, l’artiste
manouche ne sera jamais inquiété
et triomphera devant des salles
remplies de soldats allemands.
À Paris, les amateurs bénéficient
en moyenne de deux fois plus de
concerts qu’avant-guerre. Le jazz
est aussi présent dans les pro-
grammes radiophoniques en zone
libre comme en zone occupée.
L’orchestre de Raymond Legrand
se produit sur les ondes de la très
collaborationniste Radio-Paris,
Legrand sera du reste sanctionné
au moment de l’épuration. Des
Hot Clubs se créent partout en
France, même à Vichy en 1943.
Le jazz touche un nouveau public
en s’implantant dans les camps de
prisonniers et même dans certains
camps de concentration, comme
à Buchenwald, Jorge Semprun
en a témoigné. Seule la pénurie
de matières premières freine une
- COLLÈGE / novembre 2011
industrie du disque florissante, et
génère un important marché noir.
Les soldats allemands ne sont pas
les derniers à courir les concerts de
jazz, et le Parisianer Zeitung, jour-
nal des troupes d’occupation, leur
donne une large publicité. Com-
ment expliquer un tel dynamisme ?
Ambiguïtés
Côté allemand, Goebbels est
loin de partager les points de vue
radicaux des idéologues nazis sur
le jazz. Il sait que toute une partie
de la jeunesse allemande swingue.
Habile, il met en place une swing
propaganda, encourageant même
la création du Charlie Orchestra,
orchestre de jazz « allemand »
qui se produit en studio pour les
radios émettant vers les pays occu-
pés. En France, les rangs vichystes
et collaborationnistes sont éga-
lement divisés. Grand connais-
seur de jazz, André Cœuroy,
auteur d’une Histoire générale du
jazz parue chez Denoël en 1942,
est aussi journaliste à Je suis par-
tout. Des interdits sont néan-
moins précisés : disparition des
musiciens et compositeurs juifs,
francisation des titres américains,
ce qui renforce l’idée d’un « jazz
français ». Ainsi, In The Mood, de
Glenn Miller devient Dans l’am-
biance et passe sur Radio-Paris,
Benny Goodman se transforme
en Robert Bonhomme. Toute-
fois la traduction la plus hilarante,
Les Bigoudis, pour Lady be good (!)
semble être une invention a pos-
teriori de Boris Vian. Au prix de
cette autocensure, contrôlée par
la Propaganda Staffel, le jazz amé-
ricain est toujours joué, mais par
des artistes français.
Illusions rétrospectives
Cependant, dans l’imaginaire
collectif perdure le souvenir
d’un jazz interdit. La confusion
dans les mémoires avec l’inter-
diction des bals, bien réelle de
1940 à 1945, a sans doute joué.
Également la référence au mou-
vement zazou, pourchassé après
1942, même si celui-ci ne peut se
confondre avec le jazz. Delaunay
prenait soin de préciser que « le
swing n’est ni une musique à faire
danser, ni une manière de se vêtir ».
Pour beaucoup de témoins, cette
remémoration transforme rétros-
pectivement la pratique du jazz
en un acte de résistance passive.
Si certains jazzmen entrèrent
dans la Résistance, notamment
Delaunay, cette affirmation est
aussi éloignée de la réalité que
celle d’un déferlement du jazz à
la Libération. C’est l’illustration
parfaite de la formule de Jean-
Noël Jeanneney que Gérard
Régnier choisit de mettre en
exergue de son livre : « Une idée
fausse est un fait vrai. » Enracinée
dans la mémoire collective, cette
idéalisation d’un jazz persécuté et
résistant a légitimé sa définition
comme une musique de la liberté,
réfractaire à tout totalitarisme.
Elle dédouanait enfin tous les
musiciens qui avaient continué
leur carrière durant l’Occupa-
tion, parfois en allant jouer en
Allemagne (ce que Django refusa
énergiquement) du soupçon de
collaboration avec l’ennemi.
À lire
– G. Régnier, Jazz et société sous
l’Occupation, L’Harmattan, 2009.
– A. Legrand, Charles Delaunay
et le jazz en France dans les années
30 et 40, éd. du Layeur, 2010.
– L. Tournès, New Orleans sur
Seine : Histoire du jazz en France,
Fayard, 1999.
* Professeur d’histoire,
UCP-IUFM de Versailles.
 ACTUALITÉ

CINÉMA servir à penser le « travail du –, d’autres préfèrent le play – plus

film », à la suite des analyses individualiste, plus secret, moins
L’adaptation en question de Thierry Kuntzel, comme un
modèle possible pour l’adapta-
sécurisé » (p. 64).
Par Marie Martin
tion, où le texte écrit serait sou-
La question de l’adaptation reste un serpent de mer des études mis par le film à un système de
condensation et déplacement, en
Cinécriture
cinématographiques : fidélité, transposition, académisme – des
questions qui ont nourri la réflexion des élèves sur la différence prise directe sur le désir et les Au fond, il s’agit avant tout
d’expression et, de contenus de la littérature et du cinéma. Francis pulsions, pour permettre sa figu- pour Francis Vanoye de bouscu-
Vanoye publie un recueil de ses articles sur l’adaptation entendue rabilité à l’écran. Francis Vanoye ler les cadres de pensée habituels
cette fois sous l’angle pragmatique, esthétique et psychologique.1 ne va pas jusque-là, mais envisage où s’est parfois trouvée canton-
les méandres fantasmatiques de née l’adaptation, et de proposer
la rêverie créatrice à partir des d’autres rapports entre la litté-
cas de Daudet et Jean Epstein, de rature et le cinéma : émulation,
intimes : « François Truffaut a Sade et Pasolini, et des versions travestissement, projections...
L’ère du soupçon
avoué son absence d’imagination, écrites, théâtrales, filmiques et Le dernier chapitre de l’ouvrage
Plutôt que de s’interroger sans sa propension à voler des histoires, télévisées de Poil de Carotte. s’interroge plus largement sur les
fin sur les mérites respectifs et la des anecdotes, des situations ; son Il se tourne vers le psychana- points de jonction entre les deux
compatibilité des deux arts, Francis talent était ailleurs, mais ses tergi- lyste Winnicott pour analyser arts, au-delà du seul réencodage
Vanoye choisit de poser le pro- versations à l’égard de l’adaptation l’adaptation comme un jeu pensé d’un texte source dans un autre
blème de l’adaptation autrement, témoignent d’une sorte de remords dans sa relation avec d’autres système sémiotique. Signalons
c’est-à-dire comme un acte de larvé et rémanent. […] La dissi- joueurs, le texte source comme le beau texte sur la forme litté-
création à part entière qui sup- mulation peut aussi porter sur des un « objet transitionnel » appelé raire du tombeau et son deve-
pose une économie psychique relations proprement cinémato- à être manipulé et transformé par nir cinématographique entre
et des conséquences esthétiques graphiques : relations du cinéaste le sujet, et le lieu de ce jeu comme monument, discours, hommage
particulières. En prenant pour à ses acteurs (Godard adaptant Le un « espace potentiel », c’est-à- et autoportrait chez Marker (Le
emblème de l’adaptation le Mépris de Moravia dissimule un dire « une aire intermédiaire d’ex- Tombeau d’Alexandre (1993),
« détournement de scénario » remake du Voyage en Italie de périence qui soulage l’existence des Moretti (Journal intime, 1994),
(p. 7) qui fonde l’intrigue de L’In- Rossellini pour évoquer peut-être, tensions entre réalités intérieures et Angelopoulos (Le Regard d’Ulysse,
connu du Nord-Express (Hitchcock, via Brigitte Bardot, ses relations les réalités extérieures » (p. 70). Les 1995) et Godard (Histoire[s] du
1951), Francis Vanoye voit avec Anna Karina), relations questions de la répétition et de cinéma, 1998).
l’adaptateur comme l’homme qui de cinéaste à cinéaste (Arnaud l’imitation, constitutives du jeu, L’ouvrage se conclut, avec
réordonne les choses en fonction Desplechin adapte, avec Esther servent à distinguer entre répé- toujours ce mélange de minutie
de ses désirs, plie le texte à ses Kahn, Les Aventures spirituelles tition de l’identique qui « vise à et d’ampleur de vue, sur l’en-
pulsions, dans l’impossibilité de d’Arthur Symons, mais réalise reproduire sans modifier et génère thousiasme premier et la décep-
se débarrasser totalement de celui aussi une sorte de remake composite une double déception : elle n’atteint tion des « écrivains-cinéastes »
qu’il adapte. S’ouvre alors une d’Après la répétition de Bergman pas son but, elle ne procure pas le comme Cendrars ou Soupault,
réflexion sur la copie, la citation et des Deux Anglaises et le conti- plaisir du nouveau », et répétition fascinés par le cinéma, ayant
et le plagiat qui, loin d’être nor- nent de Truffaut) » (p. 20). du même qui « autorise l’intro- écrit des scénarios non tournés
mative, dévoile des mécanismes duction des différences s’inscrivant ou perdus, et qui tous deux ont
mêlant la coopération et la déné- dans la dynamique et la progres- importé dans leurs écrits, à l’in-
Travail, jeu, rêve...
gation, la revendication d’art et le sion du jeu » (p. 57). De Renoir verse du sens habituel de l’adap-
désir d’émancipation. Le point de départ de l’ouvrage avec Mirbeau à Chabrol avec tation, les figures emblématiques
Loin de rester théorique, le est donc de considérer l’adapta- Simenon en passant par Robert du cinéma que sont le créateur
raisonnement, limpide, multi- tion comme un travail, au sens Bresson avec Dostoïevski et de revue Ziegfeld et le Charlot
plie les exemples plus ou moins étymologique une douleur qui, Bertolucci avec Cocteau, « l’adap- de Chaplin. Façon de prouver,
développés, toujours très stimu- passés les affres de l’enfantement, tation cinématographique ne cesse de s’il en était besoin, la fécondité
lants, comme dans le passage peut néanmoins s’avérer féconde réactiver la compétition inaugurée des échanges toujours renouvelés
sur l’adaptation envisagée cette et ouvrir sur une création pensée dès les origines entre cinéma et lit- entre l’écrit et l’écran.
fois comme un masque derrière sur le mode ludique. La notion térature. Certains abordent cette
lequel un créateur dissimule freudienne de Traumarbeit (« tra- compétition en tant que game – 1. F. Vanoye, L’Adaptation littéraire
ses manques ou ses obsessions vail du rêve ») pourrait d’ailleurs confrontation ouverte, règles posées au cinéma, Armand Colin, 2011.

NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 7

 ACTUALITÉ

ARTS Cela suppose bien sûr que tout ampleur » par la « pureté » d’un
art s’inspire de la réalité vécue, « appauvrissement volontaire ».
Peinture et regard mais la transmute aussi. Le mot
qui revient le plus souvent sous
Dans les monographies consa-
crées aux peintres ou grandes
Par Daniel Bergez
la plume d’Arikha pour donner œuvres, la perception essentiel-
« Un livre merveilleux (qui apprend) à regarder », affirmait de cet à comprendre cette transmuta- lement rythmique de la création
ouvrage Jean Starobinski. Et Samuel Beckett : « Je n’ai cessé d’ad- tion est celui de « vibration », picturale est souvent le point de
mirer, tout au long de son développement, son appréhension sans ou de « fréquence », vocabulaire départ ou le terme de l’analyse :
faille de l’art du passé ». Ces commentaires portent sur Peinture et emprunté à l’analyse sonore et Arikha parle avec grande convic-
regard, Écrits sur l’art, publié par Avigdor Arikha en 1991, et que les musicale : l’œuvre picturale ou tion de la « saccade » de la touche
éditions Hermann ont eu l’heureuse idée de rééditer cette année, graphique, toute plate et immobile de Cézanne, de la « secousse »
dans une version augmentée1. Arikha, né en 1929 et mort il y a un
qu’elle soit, est faite de rythmes et chez Ingres, des « rythmes sac-
de tensions qui se donnent à per- cadés des formes » chez Poussin.
an, était à la fois un spécialiste érudit de l’art et un peintre (il fut
cevoir comme dans une partition. Dans L’Enlèvement des Sabines
portraitiste, entre autres, de la reine Elisabeth). Il prolongeait par là
de celui-ci, et à la manière de la
même la tradition du peintre érudit et théoricien, qui remonte à la
forme musicale du contrepoint,
Renaissance. On lui doit beaucoup de textes, parfois très dévelop- Toutes les facettes de l’art « À chaque propos sa réponse. À
pés, rédigés à l’occasion d’expositions, ou donnés en conférences, et chaque forme sa rime […] Le couple
En tant que peintre et pas-
dont la lecture est infiniment précieuse. qui court à gauche rime avec le couple
sionné d’art, Arikha était capable
d’éclairer les œuvres sous tous qui court à droite. » Arikha parle
et des considérations plus géné- les angles, de leur conception par d’ailleurs, à propos de Vélas-
Le refus de la théorie rales, ou techniques, qui offrent quez, d’une « modulation chroma-
l’artiste à leur perception par le
Arikha ne fut jamais un théo- des éclairages latéraux. On spectateur. Un article, « Voir tique […] basée sur l’harmonie et le
ricien de l’art, trop soucieux qu’il admire l’amplitude du regard et juste », propose une réflexion contrepoint ». Arikha rejoint ainsi
était de marquer toujours l’écart des connaissances, qui permirent capitale et dont on fait pour- l’intuition de Claudel intitulant
entre écriture et peinture. Le à Arikha de parler aussi bien de tant toujours l’économie, sur la son recueil d’articles sur l’art L’œil
ton est donné dès le début : « Les Cézanne, Poussin, Vélasquez, « vision corrompue » qui résulte écoute.
peintres devraient peindre plutôt Giacometti, Rembrandt…, que de de nos jours de l’« éclairage arti- Cette transposition permet
que d’écrire ». Les artistes et les la sanguine, du dessin d’observa- ficiel » des œuvres, et qu’il com- d’éviter l’écueil des facilités du dis-
œuvres ici considérés le sont donc tion, de l’abstraction en peinture, pare à « une salle de concert dont cours notionnel sur les œuvres :
non pas sous l’angle, théorique et de « la trace, le trait et le papier », l’acoustique fausserait l’intonation ». « Le regard mal ajusté substitue le lire
notionnel, de leur appartenance à ou même de proposer un « Projet L’article sur la sanguine est un au voir et fait d’une source d’émotions
un courant esthétique, mais dans pour une réforme de l’enseigne- condensé magistral de savoir un système de signes ». Contre les
le but de saisir leur singularité ment des beaux-arts »… technique et historique, qui facilités, si communes, de l’ico-
artistique, celle qui se joue entre Une conviction maintes fois rappelle les dessins à l’hématite nologie, Arikha développe une
l’œil et la main. Cela ne suppose réaffirmée circule de texte en dans l’Antiquité, la pratique de la école du regard, qui rende tous ses
pas une prétendue naïveté dans texte : que la création artistique « sinopie » pour la réalisation des droits à la sensation visuelle, per-
l’appréciation des œuvres : Arikha révoque le savoir au profit du fresques, l’usage du stylet métal- çue comme vibration. La merveille
est d’une érudition prodigieuse, « senti », à chaque fois unique, lique sur les tablettes à dessin, est qu’il y parvient sans naïveté,
et l’on rêve de critiques d’art qui, devenu œuvre par la main de avant l’invention du papier au xiie en convoquant une érudition sans
aujourd’hui, pourraient mobiliser l’artiste, et perçu comme un évé- siècle ; l’apparition du papier à faille, offerte à la délectation du
autant de connaissances – tech- nement imprévisible par le specta- dessin coïncide avec celle de la lecteur.
niques, philosophiques, esthé- teur de l’œuvre. C’est sur ce plan sanguine, pratique dont Léonard 1. Arikha, Peinture et regard, éd.
tiques… – que lui. Mais le savoir que se joue la différence capitale de Vinci aurait été l’inventeur. Hermann, 2011, 432 pages, 32 euros.
n’est jamais qu’un prolégomène entre l’image et la peinture. La Tant de connaissances maîtrisées Dans la même collection, et publié
à une saisie affinée et spécifique première donne à reconnaître, conduit, comme toujours chez également cette année, on trouvera les
Écrits de Gustave Courbet (502 pages,
des œuvres. elle porte un savoir pauvre, pré- Arikha, à une saisie esthétique : 39 euros), qui donnent toute la mesure
Les deux parties du livre, « Les construit par des stéréotypes, en accord avec les idées de la de cet artiste inclassable, autodidacte
artistes et leurs œuvres » et « Pro- tandis que l’œuvre révoque Renaissance, la pratique du dessin génial, ambitieux, vaniteux même, animé
pos sur l’art », distinguent des les facilités de l’image, donne à d’une foi inébranlable dans la fonction
à la sanguine permit « de dépas-
sociale et démocratique de l’art, et qui,
monographies, consacrées à des voir une sensation qui rénove et ser le concept du tracé-contour », imposant le Réalisme, fut un des plus
peintres ou de grandes œuvres, enrichit notre rapport au réel. conférant à l’œuvre « toute son puissants fondateurs de l’art moderne.

8 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011


SPECTACLES
Une autre expérience
de spectateur ?
Par Gaëlle Bebin
C’est ce qui nous est proposé pendant ce mois de novembre avec
Castor & Pollux et Le Vrai Spectacle, dans le cadre du Festival d’Au-
tomne. Et ailleurs, on pourra découvrir Hand Stories, rêverie d’un
marionnettiste chinois qui se souvient de son enfance et de son
parcours d’artiste.
Le Vrai Spectacle
« Bien sûr, nous ne ferons jamais
le Vrai Spectacle », écrivait Joris
Lacoste il y a quelques années.
Ce qui constitue la représen-
tation, pour lui, c’est la rela-
tion avec le spectateur. Dans un
spectacle précédent, Purgatoire,
en 2007, sa stratégie consistait
« à mettre d’emblée la relation en
péril, c’est-à-dire à ne pas respecter
le contrat implicite (faire un Vrai
Spectacle) ». Et il précisait, dans
sa Lettre à un spectateur sour-
Hand Stories, Théâtre Vidy-
Lausanne, Suisse, janvier 2011,
© Mario Del Curto / STRATES
cilleux : « Ce que nous faisons,
par contre, c’est raconter, décrire,
qualifier un spectacle que nous ne
faisons pas (le Vrai Spectacle) ».
Or le vrai spectacle, sans ironie,
est celui que chacun se fabrique
lui-même : rêvant d’un spec-
tacle mental qui n’existerait que
dans l’esprit de ceux qui y assis-
tent, il a élaboré l’idée d’une
véritable séance d’hypnose,
où l’acteur parlera face à des
spectateurs aux yeux fermés…
L’écrivain Tanguy Viel évoque
à ce propos cette « redistribution
radicale des rôles : sur la scène il ne
se passe (presque) rien tandis que
d’autres scènes, des dizaines, s’in-
ventent dans la salle, à moins que
la vraie scène se joue dans le hall
du théâtre, à la sortie de la pièce,
soudain recomposée par les récits
partagés des spectateurs devenus
acteurs pour ne pas dire metteurs
en scène ». Chez Joris Lacoste, il
s’agit toujours de déconstruire
les codes conventionnels pour
tenter d’établir « une relation
intensifiée ». Cette relation
n’est pas collective (même si
l’expérience est ensuite par-
tagée) : les spectateurs seront
isolés, avec un fauteuil vide de
chaque côté. « Le spectateur est
la scène vraie – le spectateur, pas
le public ! » dit aussi Valère
Novarina.
ACTUALITÉ
INFORMATIONS PRATIQUES
Le Vrai Spectacle de Joris Lacoste
Théâtre de Gennevilliers : 9-19 novembre
Puis à Armentières, au Centre Pompidou-Metz, à Reims, Brest et Saint-Brieuc
Castor & Pollux de Cecilia Bengolea et François Chaignaud
Théâtre de Gennevilliers : 9-17 novembre
Hand Stories de Yeung Faï
– Scène nationale de Sénart à Combs-la-Ville : 3-5 novembre
– Théâtre Hexagone à Meylan : 17-18 novembre
– Théâtre de l’Olivier à Istres : 20 novembre
– Festival Marionnettissimo à Toulouse : 22-27 novembre
Puis à Châtenay-Malabry, Martigues, Chambéry, Bourges, Bordeaux,
Draguignan, Annemasse, Montbéliard, Nice, Calais, Nantes, Lyon et
Annecy
tient une marionnette… Per-
Castor & Pollux
sécuté sous la révolution cultu-
Juste avant Le Vrai Spectacle, relle de Mao, son père est en
on aura pu assister, les yeux effet le jouet du pouvoir, une
bien ouverts mais étendus sur la marionnette qu’on déguise
scène, à Castor & Pollux, brève et qu’on affuble d’un écri-
« pièce pour spectateurs allon- teau infamant. Nous suivons
gés » de François Chaignaud le parcours autobiographique
et Cecilia Bengolea. Les Dioscures, de Yeung Faï, des difficultés
refusant d’être séparés alors de ses débuts en Occident à la
que l’un était mortel et l’autre création de ses spectacles : le
demi-dieu, ont donné leur spectateur voit alors l’envers du
nom à une constellation. Deux castelet derrière lequel l’artiste
danseurs évoluent au-dessus agite ses tigres et ses person-
de nous, manipulés par des nages, tandis qu’une vidéo lui
marionnettistes figures du montre l’illusion du combat
destin. Tour à tour aux Enfers ainsi créée. On assiste même
et sur l’Olympe, les jumeaux à l’étrange complicité qui unit
guerriers de la mythologie, le marionnettiste et sa créature
suspendus dans l’espace, nous lorsque Yeung Faï murmure un
menacent de leur chute. conseil à l’oreille de sa marion-
nette d’amant repoussé, dont le
sort change aussitôt !
Hand Stories
Dans Hand Stories1, ce sont
1. Des extraits du spectacle ont été
de véritables marionnettes mis en ligne par le théâtre Vidy-
chinoises traditionnelles (à Lausanne sur http://www.youtube.com/
gaine) qui sont manipulées watch?v=NyYxEy5QOuU
par Yeung Faï, à trois doigts Le numéro 12 de la collection « Théâtre
aujourd’hui » (Scérén CNDP / CRDP
et à deux mains. Lui-même fils Champagne-Ardenne, 2011) est
d’un marionnettiste, il l’évoque consacré aux arts de la marionnette
à travers une marionnette qui et à leur histoire.
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 9
 ACTUALITÉ
COLLÈGES D’AILLEURS
L’enseignement en
Communauté flamande
de Belgique
Par Elisabeth Vanreeth*,
propos traduits par Danièle Dirkx**
La Belgique est un État fédéral qui passe en ce moment par des
épreuves institutionnelles et gouvernementales. Ainsi, après la
Communauté française de Belgique, il nous a semblé intéressant
d’avoir un point de vue sur l’enseignement de la langue maternelle
en Communauté flamande de Belgique.
J’ai vingt-six ans et suis titu-
laire d’une licence (équivalent
aujourd’hui d’un master) d’anglais
et de néerlandais à la Katholieke
Universiteit Leuven, et ai consa-
cré une cinquième année à des
études culturelles, dont six mois à
Grenade, en Espagne. J’ai ensuite
suivi un module d’agrégation me
permettant d’enseigner dans le
troisième degré de l’enseigne-
ment secondaire libre1. En effet,
en Belgique, il existe toujours
deux réseaux d’enseignement,
le libre et l’officiel. J’enseigne
aujourd’hui le néerlandais et l’an-
glais à l’Institut du Sacré-Cœur
(Heilig-Hartinstituut) à Heverlee
près de Louvain.
Le système
L’enseignement en Flandre
correspond, dans les grandes
lignes, à celui de la Commu-
nauté française : de deux ans et
demi à six ans, les enfants vont à
l’école maternelle, de six à douze
ans, ils parcourent l’école pri-
maire et de douze à dix-huit ans,
ils suivent les cours de l’école
secondaire. L’enseignement
secondaire propose trois filières :
les études professionnelles, tech-
niques et générales. Des cours
sont donnés les trois premières
10 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE
années par des « régents » (qu’on
pourrait comparer aux « capé-
tiens » en France) et les deux
dernières années (troisième
degré) par des licenciés, déten-
teurs aujourd’hui de masters,
la structure BAMA (Bachelor/
Master) s’étant imposée en Bel-
gique en 2008 dans le cadre de
la réforme de Bologne. Les pro-
grammes s’adaptent aux objectifs
de chaque filière, en profession-
nelle, par exemple, un cours
de littérature sera un « merle
blanc ». Les programmes sont
de plus en plus contrôlés par la
Communauté, alors qu’aupara-
vant on pouvait encore facile-
ment enseigner de la poésie à des
élèves de professionnelle.
Qui plus est, le ministère de
l’enseignement (flamand) contrôle
ses enseignants en leur imposant
de rédiger un planning annuel,
avec la prévision de leurs cours,
accompagné des objectifs (les voe-
ten) qui sont des objectifs concrets
finalisant des compétences et des
attitudes culturelles spécifiées par
le programme imposé.
Le niveau de l’enseignement en
Flandre est très élevé, dit-on. Il est
vrai que j’enseigne avec plaisir et
que mes élèves sont très souvent
motivés. Je donne vingt heures de
cours par semaine, ce qui me vaut
- COLLÈGE / novembre 2011
quarante heures de préparation et
de correction et quatre heures de
réunion et de recyclage.
Les programmes
L’enseignement du néerlan-
dais repose sur trois piliers :
l’apprentissage de la langue – en
effet, de plus en plus de jeunes
immigrés font partie du public
des élèves –, l’étude de la langue,
l’étude de la littérature et de la
culture des régions où le néer-
landais se parle aujourd’hui, la
Belgique et les Pays-Bas.
Dans l’ASO (Algemeen Secun-
dair Onderwijs) d’enseignement
général, les élèves de quatrième
(ils ont 15 ans) sont initiés dans
différents genres littéraires
(mythe, fable, légende, conte et
nouvelle, etc.), l’analyse du récit
(verhaalanalyse) avec le point de
vue du narrateur, l’espace et le
temps, la symbolique, les per-
sonnages, les fonctions du dis-
cours, ont comme lecture à
domicile principalement de la
littérature de jeunesse (moins de
littérature patrimoniale comme
en France), la phonétique, le
vocabulaire de thèmes abordés
et enfin une révision de la gram-
maire. En cinquième (16 ans) le
programme prévoit l’enseigne-
ment de la littérature du Moyen
Âge au xxe siècle, en outre, les
élèves lisent quatre romans écrits
par des auteurs néerlandais,
français, américains, iraniens,
afghans, etc., chaque enseignant
dressant une liste à lire. Il faut
ajouter que les manuels actuels,
thématiques, ne tiennent nulle-
ment compte de la chronologie
des textes, l’enseignant est donc
supposé donner des fiches aux
élèves avec une ligne du temps
afin de situer les œuvres dans leur
époque. En sixième année enfin
(niveau du Bac français), hormis
les quatre romans à lire, les élèves
sont initiés à la dramaturgie, au
théâtre néerlandais, européen,
américain, etc. Ils s’exercent en
debating (argumentation), une dis-
cipline dans laquelle notre école
excelle. La filière technique offre
aux élèves le même programme,
mais trois romans par an et une
élaboration simplifiée. La filière
professionnelle se concentre sur
la formation « d’exécutants » et
ne consacre ni temps ni énergie
à l’épanouissement culturel des
élèves...
Des moins et des plus
L’enseignant est considéré
comme un être pluridisciplinaire
(les étudiants d’ailleurs doivent
combiner dans leur formation
deux matières, l’anglais avec la
géographie, les maths avec le
français, etc., différence essen-
tielle avec la Communauté fran-
çaise), amené à accueillir dans sa
classe des autistes ou des malen-
tendants, mais aussi des étrangers
n’ayant aucune connaissance du
néerlandais. L’autre difficulté
réside dans l’expression écrite :
les jeunes d’aujourd’hui com-
muniquent à l’aide du tchat, ils
emploient un langage qui se situe
entre le langage parlé (slam) et
le langage phonétique, qui n’est
absolument pas celle que leurs
enseignants s’efforcent de leur
apprendre. Écrire sans fautes,
mission impossible...
Notre école compte environ
3 600 élèves. Nous disposons de
sept locaux informatiques bien
équipés, d’une bibliothèque acha-
landée des dernières éditions, de
classes de langue munies de dic-
tionnaires et d’un écran ordinateur
relié à Internet, d’une trentaine de
classes équipées d’un TBI. Et là, je
sais être privilégiée...
* Professeure de néerlandais et d’anglais
** Professeure de français.
1. L’« agrégation » en Belgique
francophone est quant à elle valable
pour les deux réseaux, libre et de l’État.
 ACTUALITÉ

PRIX NRP Âge dans Le Faucon du roi Phi- littérature comme « enfantine »
lippe (Folio Junior) évoquant le mais bien comme un genre à
« Lire sous la pluie » destin croisé de personnages
fictifs et réels durant l’ascen-
part entière où l’enfant a toute
sa place. Dans Petits contes à
Par Chloé zanni
sion au trône du roi Philippe, régler - Le Cas Rubis C. (Bayard
La rédaction de la NRP s’est attelée à la lecture de la sélection de ou encore les jardins de Ver- Jeunesse), les personnages de
livres pour l’organisation de son prix annuel. L’été pluvieux aura sailles et la Cour du Roi-Soleil ce récit donneront une nouvelle
été propice… La proclamation des lauréats se déroulera au mois dans Sabotages en série à Versailles jeunesse à Cendrillon, Pou-
de janvier. Les membres du jury, sélectionnés en juin, ont pris part (Seuil Jeunesse). Ces récits plon- cet et les autres. Dans Journal
au jeu, et nous ont fait partager leur expérience estivale de lecture gent le lecteur à des périodes d’Adeline, un été avec Van Gogh
(voir page suivante). Poésie, aventures et réalisme sont au rendez- historiques certes éloignées de (Nathan Poche), le lecteur suit
vous cette année. Voici une présentation générale de la sélection.
sa réalité mais pourtant d’une les pérégrinations d’un peintre
troublante proximité avec les en mal de reconnaissance à tra-
enjeux d’aujourd’hui. Des docu- vers le regard d’une jeune fille.
ments complémentaires sont Ce point de vue offre la possi-
problèmes, en partant du constat disponibles à la fin des ouvrages, bilité d’entrevoir d’autres pers-
Une pointe de réalisme… facilitant ainsi la compréhen- pectives, ayant sans doute tout
qu’ils font partie intégrante de la
Nos héros font preuve de vie, voici le message qui semble sion des spécificités propres à autant d’importance que celui
courage et de persévérance. Du prédominer. À travers le regard chaque époque. Les Derniers des adultes. Enfin, la poésie
rêve à la désillusion, nous suivons de ces jeunes héros, le lecteur Jeux de Pompéi (Casterman) en d’Aux bords du lac Baïkal (École
le parcours de Kounandi dans comprend la difficulté à s’éveiller est un exemple, puisque tout en des Loisirs) permet différentes
Je préfère qu’ils me croient mort au monde parfois si dur et injuste suivant le parcours de Lucius lectures et interprétations quel
(Rouergue), jeune footballeur des adultes. Pierre, le héros du avant l’éruption du Vésuve, nous que soit l’âge du lecteur. Les
rêvant à un avenir radieux dans Petit Sommeil (Syros), est en proie avons des renseignements sur le auteurs nous transportent vers
le cruel univers footballistique. à de tels questionnements sur ce déroulement des jeux de cette de nouveaux horizons où chaque
Michel dans Toute la vie (Sarba- « devenir adulte », et sur les choix époque. De même, dans Antonio lecteur « de 7 à 77 ans et plus »,
cane) bien trop jeune pour mou- décisifs à prendre. Face à toute ou la résistance (Autrement), le y puise d’agréables moments de
rir d’un cancer, s’inclinera face cette pression, il trouvera une lecteur sera initié à une période lecture. Lisons donc avec délec-
au « Boss » de la mort. Sabine, écoute auprès d’un pensionnaire historique peu connue : la Reti- tation sous la pluie…
quant à elle, la jeune étudiante d’une maison de retraite au passé rada, c’est-à-dire l’exode des
de J’me sens pas belle (Actes Sud douteux. Un sentiment de révolte Espagnols en France fuyant le
Junior) craignant l’expulsion de mêlé à de l’incompréhension franquisme. Dans un tout autre
son amoureux d’origine afghane, sont palpables chez l’ensemble genre, mais avec toujours autant
tentera par tous les moyens de de ces personnages. L’écoute de d’intrigues, L’Agence Pinkerton
le sauver. Avec tout autant de la jeunesse semble alors devenir (Flammarion) nous transporte
ténacité, Ko Myo de Vert jade une nécessité pour le devenir de dans une Amérique après la
rouge sang (Thierry Magnier) se l’homme en général… guerre de Sécession, entre fan-
retrouvera dans les mines bir- tastique et récit d’aventures au
manes, et s’acharnera à sauver plein cœur des montagnes du
son frère de la spirale infernale Far-West. Les barrières entre
… agrémenté les différents genres semblent
de la drogue et de la misère.
d’un peu d’histoire s’amenuiser pour ne laisser place
Ce refus d’apitoiement et la
croyance en un avenir meilleur Pour contrebalancer la ten- qu’au plaisir de lire.
nous amènent à considérer ces dance à cet « hyper-réalisme »,
personnages comme des héros du le pendant historique com-
Lorsque l’enfant
quotidien, tentant de s’opposer blera les amateurs d’épopées
et d’aventures fantastiques. On
était enfant…
aux injustices de la vie. La mort,
la tristesse, le désespoir devien- découvrira différents aspects de Le Prix NRP Littérature
nent alors des sujets de réflexion la vie durant l’Antiquité avec Jeunesse suit le mouvement
conduisant le lecteur à entrevoir Les Poisons de Rome (Poche Jeu- de la littérature Jeunesse d’au-
autrement ces thématiques d’une nesse) retraçant les aventures jourd’hui, à savoir qu’il n’est
grande intensité. Affronter les d’un illustre médecin, le Moyen plus question de considérer cette

NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 11

 ACTUALITÉ
PRIX NRP
Membres du jury du prix
NRP en vacances...
Notre jury a bénéficié, pour beaucoup, du... mauvais temps de cet
été (loin déjà) pour profiter pleinement de la sélection. Nous leur
avons laissé la parole afin qu’ils partagent avec nous leurs moments
de lecture et leurs impressions. Mais bien entendu ces premières
impressions ne préjugent en rien du choix final ! Vous retrouverez
prochainement leurs avis détaillés sur notre site Internet dans un
supplément interactif dédié au prix.
Delphine Lescoublet
« Le rythme et les activités des
vacances sont parfois propices aux
lectures et parfois moins. Mes trois
enfants ont été un peu impression-
nés (peut-être effrayés !) de me
voir emmener cette pile de romans
sur notre lieu de vacances : « Mais
quand est-ce qu’on va aller à la plage,
alors ? » m’ont-ils demandé un peu
inquiets ! C’était oublier qu’un
livre se glisse aisément dans un sac
de plage et trouve naturellement
sa place entre les crèmes solaires
et les maillots de bain ! Dans cette
sélection jeunesse, j’ai bien aimé la
variété des genres (tantôt de l’aven-
ture, tantôt un roman historique
ou encore une enquête policière).
La sélection m’a aussi permis de
voyager de l’Antiquité jusqu’à nos
jours. Mais ce que je tiens à souli-
gner avant tout, c’est le travail des
écrivains. Leurs recherches très
documentées mais aussi leur travail
d’écriture. En effet, certains récits
sont très originaux dans leur forme
d’écriture. »
Anne Bousquet
« Les premiers livres reçus,
j’avais hâte de les découvrir. J’ai
déchiré les enveloppes avec fréné-
sie et je les ai tous regardés. Mes
doigts se laissent aller sur les cou-
vertures neuves, je lis les résumés
12 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE
des 4e de couverture. Je reconnais
certains auteurs, vétérans de la lit-
térature jeunesse. D’autres auteurs
plus jeunes ou plus débutants
semblent présenter une voie nou-
velle. Puis je les repose. Je laisse
passer deux semaines. J’attends en
effet d’être en vacances, totalement
détendue, pour les déguster avec le
meilleur état d’esprit possible.
Et je les ai donc emportés par-
tout avec moi, à la plage, en voi-
ture, dans le jardin à l’ombre d’un
pin, chez moi ou chez les autres.
Les thèmes traités sont forts :
l’exil, la maladie, l’exploitation
des hommes, la vieillesse... On
ne sort pas indemne de ces lec-
tures. Les mots font cibles. On
est amené à réfléchir et à partager
son indignation avec ses proches.
D’autres romans plus didactiques
permettent d’approcher la réalité
historique par l’anecdote, l’intri-
gue policière, le journal intime ou
le fantastique : le quotidien d’un
médecin romain ou d’un employé
de blanchisserie à Pompéi, les fon-
tainiers de Versailles...
Tessa Claude
« Comme on ne transporte pas
quatorze livres facilement et que
je voyage beaucoup, j’en prends
généralement deux ou trois à la
4e de couverture alléchante ou
- COLLÈGE / novembre 2011
simplement qui m’appellent du
regard, je les glisse dans mon sac et
les emmène dans mes pérégrina-
tions. Je laisse la pile dans la mai-
son familiale qui me sert de point
d’ancrage entre mes excursions-
découvertes en Europe et ailleurs.
J’en ai ainsi lus dans des petits
hôtels lisboètes, j’en ai lus dans
la queue devant l’Ermitage à
Saint-Pétersbourg, ou encore sur
la Neva en attendant qu’on fasse
escale, griffonnant mes impres-
sions au crayon au fur et à mesure.
J’en ai lus dans les trains me
conduisant à travers les campagnes
françaises, au lever devant le café
matinal, avant d’être happée par le
tourbillon des découvertes. »
Jérôme Penard
« Chaque œuvre se distingue
des autres par une originalité, par
sa nuance sur la palette qui nous
a été proposée : l’une joue sur les
frontières du genre (le western
devient fantastique avec l’Agence
Pinkerton), l’autre sur un croise-
ment des dessins et d’un pan de
l’histoire méconnue (Antonio ou la
Résistance), un autre encore s’ins-
pire de Faulkner, en multipliant les
points de vue sur un même micro-
cosme (Aux bords du lac Baïkal).
Et merci à vous d’avoir aussi
lancé sur le chemin de la lecture
les lecteurs les plus improbables :
lorsqu’elle était sur mes genoux et
que je lisais les ouvrages du prix,
ma fille de quatre mois s’apaisait et
regardait les lignes et mes mains ;
un été placé donc sous le soleil de
la lecture partagée. »
Laurie Gourc
« J’ai lu, tranquillement le soir
comme j’ai l’habitude de le faire.
Je n’ai pas changé ma façon de
lire les ouvrages jeunesse : j’ac-
corde beaucoup d’importance
aux sujets traités par les auteurs
et dans cette sélection, il y a de
nombreux thèmes abordés qui
sont méconnus : les joueurs de
foot africains traités en esclave en
France ou en Europe, les mines
de jade, la résistance espagnole...
Ils sont bien écrits, prenants. J’ai
emporté certains ouvrages en
camping ; facile de lire sous la
tente quand il pleut dehors et que
l’on ne peut rien faire... Ce qui est
rigolo, c’est que je les ai empor-
tés partout au cas où j’aurais un
peu de temps libre afin d’avancer
plus vite dans la lecture... Entre-
temps, j’ai pris le temps de lire un
roman « adulte » même si cette
appellation, au vu de ce que j’ai lu
de la sélection, ne tient plus trop
la route... »
Aline Mocellin
« Avec ce temps automnal,
quoi de mieux que de se caler
dans le canapé avec vos livres qui
sont devenus mes meilleurs com-
pagnons de cet été. Et du coup,
même mon mari s’est attardé à lire
deux livres qui lui ont tapé dans
l’œil : Je préfère qu’ils me croient
mort et Le Petit Sommeil. J’ai été
tentée immédiatement par cer-
tains titres : Vert Jade Rouge Sang
(qui est pour le moment mon pré-
féré) ou encore J’me sens pas belle,
d’autres m’attirant moins car le
titre laissait présager un genre que
j’affectionne moins (plus histo-
rique). J’ai lu ces livres en gardant
dans un coin de ma tête le projet
que j’ai à la rentrée pour mon ate-
lier de pratique artistique, écrire à
partir d’œuvres de littérature de
jeunesse une pièce sur le thème
de la différence et la tolérance...
Du coup, j’ai pu allier l’utile à
l’agréable. Je compte également
suggérer quelques œuvres pour
des achats de séries à mon éta-
blissement... À voir... »

TICE
Les TICE au service
des élèves handicapés
Par Miguel Degoulet*
Depuis la loi de 2005, l’intégration dans l’école des élèves handica-
pés est en marche. Pour y parvenir, les personnels de l’Éducation
nationale, équipes de Direction et de vie scolaire, enseignants, mais
aussi personnels AVS (auxiliaires de vie scolaire) doivent au quoti-
dien inventer les dispositifs qui permettent de pallier les situations
diverses de handicap. Les TICE offrent des solutions qui peuvent
aussi s’avérer intéressantes pour le plus grand nombre.
Le handicap, priorité
de l’Éducation nationale
La « Loi pour l’égalité des
droits et des chances, la parti-
cipation et la citoyenneté des
personnes handicapées » du 11
février 2005 précise dans son
article L. 114.1 que « Toute
personne handicapée a droit à la
solidarité de l’ensemble de la collec-
tivité nationale, qui lui garantit,
en vertu de cette obligation, l’accès
aux droits fondamentaux reconnus
à tous les citoyens ainsi que le plein
exercice de sa citoyenneté. » Ins-
crit idéalement dans l’école qui
aurait été la sienne en situation
de non-handicap, l’élève voit son
parcours personnalisé et adapté.
L’institution se doit de répondre
aux problèmes qui se présentent
comme la loi l’y oblige : « La
personne handicapée a droit à la
compensation des conséquences de son
handicap quels que soient l’origine et
la nature de sa déficience, son âge ou
son mode de vie. Cette compensation
consiste à répondre à ses besoins »
(article L 114-1-1).
Des outils performants
Pour pallier le handicap, les
outils numériques apportent des
solutions de deux ordres, du côté
du « hardware » ou du maté-
riel informatique, mais aussi du
« software », c’est-à-dire des logi-
ciels. Ainsi, des ordinateurs tac-
tiles, des souris et des manettes
adaptées permettent à tous d’uti-
liser un ordinateur. Des logiciels
dédiés amènent les handicapés
atteints de déficience visuelle ou
auditive à avoir accès aux textes,
aux informations ou encore à
la navigation sur Internet. Des
logiciels très pointus permettent
même aux handicapés moteurs
de contrôler l’ordinateur avec
leurs yeux. Parallèlement, l’Édu-
cation nationale prend de plus
en plus en charge la question des
troubles spécifiques du langage,
que ce soit par le biais de disposi-
tifs pédagogiques ou de logiciels
adaptés.
Les matériels et les logiciels
ne balaient pas d’un coup de
baguette magique le handicap
de l’élève. En revanche, il per-
met au pédagogue qui l’accom-
pagne d’imaginer le scénario
qui le rendra capable de tra-
vailler comme ses camarades
sur les mêmes compétences et
les mêmes connaissances. Les
outils numériques ne pensent
pas à la place de l’élève non
plus. Ils l’aident à effectuer ce
que l’on appelle les « opérations
de surface », c’est-à-dire celles
qui précèdent la compréhension
du sens ou son expression. Clas-
siquement, pour la lecture par
exemple, il s’agit de rendre le
texte plus lisible, voire audible
si besoin est. Un simple traite-
ment de texte est un outil par-
ticulièrement intéressant pour
l’élève malvoyant qui va pou-
voir adapter sa mise en forme
(taille, couleur). Pour l’écriture,
on pourra y trouver une aide
graphique précieuse. Une fois
cet obstacle levé, l’élève peut se
concentrer sur le sens et mobili-
ser son attention sur autre chose
que ces problèmes relativement
matériels, mais ô combien pro-
blématiques.
Des solutions à partager
Mais, au fond, ces outils pen-
sés à destination d’élèves dont
les besoins sont spécifiques peu-
vent être ouverts à tous. Choi-
sir le support de son texte, une
police de caractère adaptée au
problème de la dyslexie, écrire
au stylo ou sur un clavier, voire
sur un écran tactile, bref avoir
le choix du support de travail le
mieux adapté à l’expression de
ses talents devrait être une liberté
absolue de l’élève.
On connaît les apports du
traitement de texte pour l’écri-
ture (plus grande plasticité du
texte, processus d’amélioration
et d’expansions facilités). On sait
aussi les questions que pose la
lecture sur écran, par exemple.
Mais il faut alors mettre l’outil
à l’épreuve du sens. Si un élève
préfère lire sur un e-book ou s’il
veut parcourir une œuvre dans
sa version numérique, c’est le
travail de vérification de la com-
préhension du sens qui doit per-
mettre de valider ou d’invalider
ce choix.
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE
ACTUALITÉ
Dans ces conditions, certains
outils spécifiquement utilisés
par les élèves handicapés peu-
vent devenir des outils au ser-
vice de tous. Les apprentissages
sont alors plus individualisés, les
parcours mieux différenciés. Les
élèves peuvent choisir de pas-
ser par l’image, le texte écrit ou
oralisés ou encore de choisir une
offre multi-supports.
Pour cela, la mise à disposi-
tion des documents de travail
de la classe sur l’environnement
numérique de travail est la clé
d’une véritable différencia-
tion. Par exemple, l’élève peut
y retrouver un texte travaillé
en classe, mais aussi le rendre
audible par le biais d’un logiciel
qui l’oralise. Il peut aussi être
remis en forme et ainsi adapté
pour une meilleure lecture. Au
fond, c’est un véritable travail
d’appropriation du sens qui peut
se mettre en marche grâce à la
première étape de l’appropria-
tion matérielle des supports.
Bibliographie
– http://www.ecolepourtous.
education.fr/ : site portail d’in-
formation et d’échange de l’Édu-
cation nationale dont l’objectif
est de « Favoriser l’accompagne-
ment de tous les élèves en situa-
tion de handicap, notamment par
le biais des TICE ».
– Dossier EDUCNET sur le
handicap : http://www.educnet.
education.fr/dossier/handicap
– A. Benoit, J. Sagot, « Les
TICE peuvent-elles faciliter la
scolarisation des élèves handica-
pés ? », article en ligne sur le site
de l’INRP : http://www.inrp.fr/
manifestations/formation/docu-
ments-handicap-ecole/sagot-
texte.
* Professeur de lettres.
- COLLÈGE / novembre 2011 13
 DOSSIER

Quand la poésie
fait alliance
avec la musique
Par Martine Rodde*

La musique et la poésie sont inséparables jusqu’au

xiie siècle, et s’interroger sur leur association d’origine
permet de saisir certains enjeux de cette union et certaines
significations. Puis, l’art poétique a progressivement
pris son indépendance et la langue est devenue à elle
seule l’objet d’interrogations et de recherches musicales.
Cependant, le langage du poète et celui du musicien
ont continué à exercer une fascination réciproque,
et les tentatives d’association entre les deux arts sont
nombreuses. Quand la poésie fait alliance avec la musique,
quels sont les buts et les enjeux ? Quelles possibilités
artistiques naissent alors pour le poète et le musicien ?
Quel est le langage artistique créé ?

SOMMAIRE
De la fusion à l’indépendance
Aux origines de l’art occidental :
Orphée, poète et musicien
L’alliance de la musique
et de la poésie médiévales
Vers l’indépendance du poème
Une nouvelle alliance
« De la musique avant toute chose » :
la poésie est une musique
Les poèmes inspirés par la musique,
la musique inspirée par les poèmes
Le poème mis en musique
De la fusion
à l’indépendance
> p. 14
Aux origines de l’art occidental :
Orphée, poète et musicien
L’alliance entre la poésie et la musique
préside à la naissance même de ces deux
arts ; l’union est première, essentielle. Dans
le monde grec, le poème est un chant et le
> p. 16 musicien un Orphée. De l’Antiquité à la fin
du Moyen Âge, la poésie est indissoluble-
ment liée à la musique et les noms des pre-
mières formes poétiques renvoient toujours à
des formes musicales.
Chez les Grecs, toute poésie est chan-
tée ; le nom epos, épopée, désigne la
parole accompagnée de musique, « ode »
signifie « chant », le poète est l’« aède »,
c’est-à-dire le « chanteur » : on se souvient
de l’aède Démodokos dans L’Odyssée (cf.
encadré p. suivante) qui fait pleurer Ulysse
par son chant. Pour la « musique », elle
emprunte son nom aux neuf Muses : le mot
grec Mousa (apparenté à mens, l’esprit) les
désigne et signifie aussi sans majuscule la
parole chantée, la parole rythmée : quatre
Muses veillent à l’évolution de l’épopée et du
chant, marquant la primauté de la musique
dans l’univers. Calliope, mère du poète
Orphée, épouse d’Apollon, préside à la poé-
sie épique ; on la représente souvent entou-
rée de L’Iliade et de L’Odyssée. C’est elle
qui est le plus souvent citée par les poètes.

14 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011


Clio, la Muse de l’histoire, chante la gloire
des guerriers et la renommée d’un peuple,
à l’aide de la trompette ou de la cithare. La
lyre, instrument le plus fréquemment cité
chez Homère, accompagne Érato, la Muse
de la poésie lyrique. Tous ces instruments
entourent également Euterpe, déesse de la
musique. Les muses sont les inspiratrices du
poète : « De tous les hommes de la terre, les
aèdes méritent les honneurs et le respect, car
c’est la Muse, aimant la race des chanteurs,
qui les inspire. » (Odyssée, VIII, 479-481).
Que signifie le mythe des Muses ? Filles
de Mnémosine, la Mémoire, les Muses ins-
piratrices disent au poète son chant qui est
ordonnancement du monde, expression de
l’ordre et de l’harmonie, cela signifie que par
l’art l’homme donne une lecture du monde
qui lui permet de sortir du Chaos, de l’infor-
mulé, qui lui permet d’exister. La « poièsis »
est acte de création (le verbe poiein signifie
« fabriquer »), la « mousikè » est la dimen-
sion ordonnée et harmonieuse, construite,
de cette création. Cette double dimension
contenue dans les mots grecs n’exprime-t-
elle pas ce qu’est la recherche artistique, ce
que l’on retrouve souvent dans les mouve-
ments artistiques et littéraires successifs, qui
lors même qu’ils veulent s’éloigner des règles
anciennes, se débarrasser de leur carcan,
définissent leur propre spécificité et leurs
propres lois ?
L’alliance de la musique
et de la poésie médiévales
Au Moyen Âge comme dans l’Antiquité,
la poésie est toujours chantée. Le « trou-
badour » et le « trouvère » sont en alle-
mand appelés Minnesänger, « chanteur de
Minne », c’est-à-dire de poèmes d’amour.
Au XIe siècle naissent donc dans le sud de
la France, au delà de la Loire, partout où
l’on parle les langues d’oc, les premières
poésies chantées en langue romane. On a
pu dénombrer 2 700 poèmes de 460 trouba-
dours différents. La poésie des troubadours
ne se sépare jamais de la musique et l’on
ne saurait faire découvrir les textes sans s’y
référer. On voit que dans ces vers écrits au
XII e siècle, Guillaume de Poitiers, partant
pour la croisade, ne distingue pas son état
de musicien de celui de poète :
DOSSIER
Quand la poésie fait alliance avec la musique
Le divin aède
Et le héraut vint, conduisant le divin aède. La muse l’aimait plus que tous, et elle lui
avait donné de connaître le bien et le mal, et, l’ayant privé des yeux, elle lui avait accordé
le chant admirable. Le héraut plaça pour lui, au milieu des convives, un trône aux clous
d’argent, appuyé contre une longue colonne ; et, au-dessus de sa tête, il suspendit la
cithare sonore, et il lui montra comment il pourrait la prendre. […] Après qu’ils eurent
assouvi leur faim et leur soif, la muse excita l’aède à célébrer la gloire des hommes par
un chant dont la renommée était parvenue jusqu’au large […] Et l’illustre aède chantait
ces choses, mais Ulysse ayant saisi de ses mains robustes son grand manteau pourpré,
l’attira sur sa tête et en couvrit sa belle face, et il avait honte de verser des larmes devant
les Phéaciens.
Homère, L’Odyssée, chant VIII, traduction de Leconte de Lisle.
« Puisque j’ai désir de chanter troubadours gagnent le nord de la France,
Je ferai un “vers” sur ma peine : apparaissent les premières chansons en langue
Je ne servirai plus Amour d’oïl ; nous avons conservé plus de deux mille
En Poitou ni en Limousin » chansons de trouvères rassemblées souvent
dans des « chansonniers » ou incluses dans
Semblable à l’aède, le troubadour est un des romans, et des chansons de toile qui
auteur-compositeur ; il appelle d’ailleurs ses montrent des femmes délaissées pleurant le
œuvres sos, « sons » ; dans certains manus- départ de leur ami en tissant leur toile, ou
crits même, seule la musique a été notée, chantant le destin féminin.
avec le premier couplet. Et les troubadours La poésie là encore ne se conçoit pas sans
composaient en respectant différents genres la musique, le poète et le musicien sont un
dont ils ont élaboré les règles et dont se sont même homme, une même femme, un auteur-
inspirés les poètes ultérieurs ; toutes leurs chanteur-compositeur comme l’on dira plus
désignations ont un lien avec la musique ; on tard. Le Moyen Âge voit donc la naissance
trouve ainsi : du lyrisme dans la poésie occidentale et
– la « canso » ou chanson toujours ce « lyrisme » est d’abord, comme la poé-
consacrée à l’amour, composée en six à huit sie antique, lié à la lyre d’Apollon. Cette
strophes d’octosyllabes. Elle s’achève sur un tradition ne disparaîtra jamais et perdure
envoi appelé en occitan « tornada », qui dans la chanson contemporaine (Brassens,
dédie le poème à un protecteur comme le Gainsbourg… furent à la fois musiciens,
feront les ballades de langue d’oïl ; poètes et interprètes).
– le sirventès (chanson de sirven), une
chanson satirique ;
– le planh, genre essentiellement lyrique, Vers l’indépendance du poème
plainte sur la mort d’un personnage aimé (la Cependant, à la fin du XIIe siècle, tandis que
femme, le protecteur) ; la poésie courtoise continue à se pratiquer
– la tenso : dialogue chanté où les interlo- dans les cercles aristocratiques, se développe
cuteurs doivent soutenir une thèse contraire aussi un genre plus subjectif, le « dit », qui
comme dans les dialogues amoebées va donner son sens moderne au terme de
antiques ou le folklore corse ; « lyrisme » ; l’auteur est très présent dans le
– la romance, chant en « roman », récit texte et donne dans sa poésie le reflet de son
d’une aventure amoureuse que l’on appelle expérience personnelle. Comme son nom
« pastourelle » quand elle met en scène, le laisse entendre, le « dit » s’oppose à la
dans un cadre bucolique, une bergère. chanson, et délaisse la musique au profit de la
Lorsque sous l’influence d’Aliénor d’Aqui- seule déclamation ; renonçant à la construc-
taine les pratiques littéraires et musicales des tion en strophes, il s’étend indéfiniment.
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 15
 DOSSIER
Quand la poésie fait alliance avec la musique
Progressivement, la poésie se sépare ainsi de la
musique : le mot « lyrisme » qualifie non plus
la dimension « musicale » du texte mais son
contenu sentimental et personnel : Eustache
Deschamps en 1392 compose le premier traité
de versification française, l’Art de dictier et
de faire des chansons, dont le titre exprime
bien une ambition nouvelle : la musique se
recherche alors dans les sons et rythmes des
mots. Les poètes continuent d’adopter les
formes traditionnelles évoquant des formes
musicales (par exemple la ballade, le rondeau
ou le lai) mais le texte n’en est plus chanté, le
vers trouve son indépendance musicale.
Une nouvelle alliance
Or, dès que le poème s’est développé
indépendamment de la musique, dès que le
musicien s’est distingué du poète, les deux
sortes d’artistes n’ont eu de cesse de se
Manuscrit de chanson du xive siècle.
16 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
rapprocher et d’élaborer de nouveaux liens
entre poésie et musique, élargissant ainsi les
champs d’investigation propres à chaque art
et y trouvant un enrichissement et des possi-
bilités artistiques nouvelles.
On voit le premier exemple très signifi-
catif de ce désir de rapprochement dès la
Renaissance avec la tentative du poète De
Baïf et du musicien Thibault de Courville
qui souhaitèrent créer en 1570 l’Académie
de Musique et de Poésie. De Baïf propo-
sait d’unir étroitement poésie et musique
et même danse (puisque le pas servait de
mesure du temps) en mesurant les vers à
l’antique, en jouant sur la longueur des syl-
labes tandis que la musique suivrait aussi les
mêmes lois. Des musiciens comme Claude
Lejeune ou Jacques Mauduit furent asso-
ciés au projet et nous ont légué de belles
créations qui ont influencé le ballet de cour
et surtout l’art du récitatif et ont joué un
rôle dans l’élaboration des opéras (art qui
participe de cette même volonté d’unir lan-
gage parlé et musique comme le montre la
séquence 1 de ce numéro).
Dans cette première phrase (cf. ci-dessus)
extraite d’une œuvre de Claude Lejeune
(Revecy venir du printemps), on voit bien le
jeu pour trouver un rythme correspondant
à la longueur ressentie des syllabes, succes-
sion d’anapeste (deux syllabes brèves, une
longue), ïambe (une brève, une longue), et
bacchée (une brève deux longues), pour que
le rythme musical se fonde dans le rythme
de la parole.
Ainsi, à côté de l’auteur-compositeur,
qui, de Bertrand de Ventadour à Boris Vian,
invente aussi bien le poème que la musique
sans concevoir l’un indépendamment de
l’autre, se développe une sorte de création à
deux ; tantôt le musicien se saisit de poèmes
déjà écrits parfois longtemps avant lui (par
exemple Claude Debussy met en musique
les poèmes de Charles d’Orléans) ; il est alors
libre du regard du poète en somme ; tantôt
au contraire écriture musicale et poétique
se développent simultanément, dans une
collaboration intéressante qui conduit les
artistes à réfléchir à la spécificité de leur art
et aux conséquences artistiques des rappro-
chements établis.
« De la musique avant
toute chose » : la poésie
est une musique
Depuis que la poésie a pris son autonomie, et
dans la pratique de l’écriture poétique, le poète
fait une expérience patente de la musique. On
pourrait même dire qu’il en est l’origine : les
pensées, les images sont exprimées par une
parole poétique qui se détache de la parole
ordinaire : des allitérations, des assonances,

Morceaux choisis de Robert Desnos
[…] Dans l’escalier je la rencontrai. « Je mauve », me dit-elle et tandis que moi-même
je cristal à pleine ciel-je à son regard qui fleuve vers moi. […]
« Idéal maîtresse » (extrait), in Langage cuit recueilli dans Corps et biens, Gallimard.
[…] Combien d’appels perdus à travers les déserts
Avant de se briser aux portes de la ville
Combien de prêtres morts pendus à leurs rosaires
Combien de trahisons dans les guerres civiles […]
« Mouchoirs du Nadir » (extrait), in Corps et biens, Gallimard.
des rythmes, les accents sur les syllabes con-
fèrent à l’écoute une importance particulière
et primordiale lorsque le son surgit dans les
mots. Verlaine fait de la dimension musicale,
on le sait bien, l’essentiel de son entreprise
poétique. Son célèbre « art poétique » qui est
à lui seul l’expression et l’illustration des règles
proposées le montre clairement :
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
[…]
Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !
On voit ici que la strophe 2 est la mise en
pratique des règles énoncées à la strophe 1 :
vers de neuf syllabes, coupes impaires, varia-
tions de rythme : 9 / /4 / 5 // 1 / 17.
La poésie surréaliste même, qui impose au
lecteur ses images saisissantes en rapprochant
de façon inattendue des réalités d’ordre divers,
a souvent retrouvé, après s’en être affranchie,
les recherches sonores traditionnelles et
même parfois le vers ; cette recherche musi-
cale, loin d’affadir l’image, l’intensifie et en
accroît la perception par une autre approche
sensorielle. Il n’est que d’observer un recueil
comme Corps et biens de Desnos pour voir
succéder à une écriture expérimentale – par
exemple les tentatives d’écriture automa-
tique dans « Idéal maîtresse » – l’adoption de
formes rythmées et sonores, avec recours à
la rime et à l’anaphore dans « Mouchoirs du
Nadir » (cf. encadré).
Quand la poésie fait alliance avec la musique
Car en travaillant sons et rythmes, la poésie
réinvente l’emploi de la parole pour exprimer
de façon intensifiée le rapport à la réalité.
L’entreprise poétique dans ses recherches
musicales paraît une tentative spécifique pour
ressaisir le langage en deçà du signifié, dans
le son, la musique de la langue qu’une oreille
attentive écoute, une tentative pour trouver
un signifié délivré des limites rationnelles du
langage, de son abstraction, pour renvoyer
à l’intime et à la sensibilité de chacun. La
musique, elle, transmet des émotions, des
sentiments, et même fait naître chez l’audi-
teur des pensées, sans la formulation du lan-
gage des mots. Elle peut sembler dès lors une
sorte de langue que tous comprennent, et
où tout le monde se comprend, une langue
primitive, celle d’avant la tour de Babel. Et l’on
comprend bien quelle fascination mutuelle
peut pousser les deux arts l’un vers l’autre,
le musicien se tournant vers les mots chargés
de sens, parlant à l’esprit et à la sensibilité,
qui permettent d’éclairer le message musi-
cal, le poète trouvant, lui, dans l’expression
musicale le pouvoir de signifier au-delà de
la finitude des mots. Verlaine, Baudelaire,
Jouve… bien des poètes ont rendu d’ailleurs
hommage à la musique ; le thème en est
presque un topos littéraire…
Les poèmes inspirés
par la musique, la musique
inspirée par les poèmes
Le poète a donc pu être inspiré dans sa
création par une œuvre musicale, le musicien
inventer une pièce inspirée par un poème, le
deuxième mouvement étant plus fréquent
que le premier.
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE
DOSSIER
Ainsi Baudelaire dans « La Musique »
tente-t-il de cristalliser dans une forme poé-
tique brève à la fois les sentiments ressentis
par l’auditeur, et l’esthétique de la musique
wagnérienne ; l’évocation de la musique de
Wagner passe par une équivalence méta-
phorique des divers sentiments éprouvés par
l’auditeur « embarqué » vers l’inconnu d’une
phrase musicale qu’il ne découvrira qu’au
moment où elle viendra dans le déroulement
du morceau : image de la « nuit », image des
« flots amoncelés » pour exprimer la succes-
sion des phrases musicales tourmentées, et le
« calme plat » pour les instants où la musique
wagnérienne s’étale en grandes nappes
suspendues et désespérées comme dans le
Prélude de Tristan et Iseut. La recherche de
transposition passe aussi par un travail sur le
rythme, tourmenté dans les vers 11, 12, 13,
élargi et suspendu dans la dernière phrase.
Ainsi Liszt écrit-il Les Harmonies poé-
tiques et religieuses inspirées par le recueil
de Lamartine. On voit par exemple dans
la « Méditation de Dieu dans la solitude »
comment les images sonores de Liszt et les
descriptions du texte se correspondent (voir
encadré p. 18).
La Musique
La musique souvent me prend comme
[une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un
[vaste éther,
Je mets à la voile ;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J’escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D’un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions
Sur l’immense gouffre
Me bercent. D’autres fois, calme plat,
[grand miroir
De mon désespoir !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal,
« Spleen et Idéal ».
- COLLÈGE / novembre 2011 17
 DOSSIER
Quand la poésie fait alliance avec la musique
Liszt et Lamartine
[…]
À peine sur mon front quelques jours
[ont glissé,
Il me semble qu’un siècle et qu’un monde
[ont passé ;
Et que, séparé d’eux par un abîme immense,
Un nouvel homme en moi renaît et
[recommence.
Ah ! c’est que j’ai quitté pour la paix du
[désert
La foule où toute paix se corrompt ou
[se perd ;
C’est que j’ai retrouvé dans mon vallon
[champêtre,
Les soupirs de ma source et l’ombre de
[mon hêtre,
Et ces monts, bleus piliers d’un cintre
[éblouissant,
Et mon ciel étoilé d’où l’extase descend !
[…]
Voici le gai matin qui sort humide et pâle
Des flottantes vapeurs de l’aube orientale,
Le jour s’éveille avec les zéphyrs assoupis,
La brise qui soulève ou couche les épis,
Avec les pleurs sereins de la tiède rosée
Remontant perle à perle où la nuit l’a
[puisée,
Avec le cri du coq et le chant des oiseaux.
Lamartine, « Bénédiction de Dieu
dans la solitude » (extrait).
NB : écouter Liszt sur Youtube ou Deezer.
Mais quand Baudelaire s’inspire de
Wagner, ou Liszt de Lamartine, poésie et
musique sont développées en deux œuvres
écho qui n’entrent réellement en alliance
que lors de leur mise en spectacle, si par
exemple l’on en donne une interprétation
simultanée comme Brigitte Engerer et Daniel
Mesguish ont pu le faire récemment pour
les « Harmonies poétiques et religieuses ».
L’alliance entre poésie et musique dans ce
type de création se trouve alors magnifiée
et les liens profonds entre les deux œuvres
révélés par les interprètes.
18 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
Le poème mis en musique
Une alliance éclairante et riche :
la mélodie française de Fauré
à Thierry Lalo
L’alliance la plus étroite entre poésie et
musique se réalise lorsque le musicien se
saisit d’un poème parfois très ancien, parfois
contemporain pour le mettre en musique
ou lorsque deux artistes contemporains col-
laborent pour créer une œuvre commune.
Les effets induits par cette fusion des arts
et les questions posées par cette entreprise
sont tout à fait éclairés par les recherches
présentes dans la mélodie française depuis
1870 ; nous proposons d’y réfléchir en
interrogeant quelques créations de Gabriel
Fauré à Thierry Lalo pour offrir à l’issue de
ce dossier un éclairage complémentaire aux
séquences proposées dans ce numéro.
Le parcours de Gabriel Fauré à travers la
poésie française, sa manière de mettre en
musique la poésie, sa collaboration avec son
contemporain Verlaine, son intérêt constant
pour les productions poétiques de son temps
sont très éclairants des démarches artistiques
évoquées et de leurs implications.
Les poèmes qui servent de support à la
mélodie ne sont pas toujours de « grands
textes ». Fauré a choisi parfois des poèmes
qui laissent le lecteur d’aujourd’hui assez
indifférent : c’est le cas de poésies parnas-
siennes comme « Les Berceaux », ou « Au
bord de l’eau », de Sully-Prudhomme, « Les
Roses d’Ispahan » de Leconte de Lisle, poé-
sies empreintes d’un formalisme un peu
conventionnel. Pourtant la mélodie et son
accompagnement font entendre le texte
poétique d’une manière nouvelle, créant
en quelque sorte une troisième voix, un
troisième objet artistique. Par exemple, le
texte d’ « Au bord de l’eau » est la rêverie
d’une voix solitaire qui évoque le charme
d’une contemplation à deux du spectacle
changeant du monde dans un bonheur par-
tagé ressenti comme éternel : « Et seuls,
tous deux devant tout ce qui lasse / sans
se lasser / sentir l’amour devant tout ce
qui passe / ne point passer » dit le poème.
Autour de la ligne mélodique sur laquelle est
chanté le texte s’enveloppent les volutes des
phrases musicales d’accompagnement qui
font sentir une présence de l’être aimé, déjà
là dans la phrase musicale alors que dans le
texte poétique il n’est qu’évoqué (écouter la
mélodie sur Deezer ou Youtube). Dans « Les
Berceaux », le rythme balancé et régulier de
la mélodie qui traverse tout le poème fait res-
sentir à la fois le mouvement de va-et-vient
du berceau et le balancement des bateaux
par la houle, unissant dans une équivalence
sonore des deux éléments évoqués dans le
poème, et révélant ainsi le sens.
Bien des textes poétiques ne restent ainsi
vivants que parce qu’ils chantent à nos
oreilles dans leur version musicale où le génie
du musicien a sublimé le texte initial.
Mais Fauré a aussi été fasciné comme
Debussy, Ravel ou Duparc par la force évoca-
trice de grands textes et les musiciens n’ont
pas reculé devant leur mise en musique ; la
« Chanson d’automne » par exemple, de
Verlaine, a souvent été mise en musique
(par Fauré, Britten, Canteloube...) et il est
intéressant d’écouter les différentes versions
pour sentir ce qu’ont privilégié l’un ou l’autre
des musiciens.
Nous pourrions étudier et faire entendre
bien d’autres créations pour illustrer ces pro-
pos ; prenons par exemple, la « Petite can-
tate de neige » (écrite en 1942 par Eluard
et mise en musique par Poulenc, l’œuvre
évoque la rigueur de l’hiver en parallèle avec
la Seconde Guerre mondiale) et dans cette
cantate l’air de « Bois meurtri ». Observons
la signification du texte qui évoque la souf-
france de résistants torturés : « j’avoue
ma vie, j’avoue ma mort, j’avoue autrui » ;
observons comment les dissonances intro-
duites dans la polyphonie traduisent cette
souffrance et rendent sensibles les images
surréalistes du texte (écouter sur Youtube).
Un dernier exemple révélateur : la mise
en musique en 2009 par Thierry Lalo d’un
sonnet de Marguerite Yourcenar : « Vous
ne saurez jamais ». Le sonnet s’inscrit dans
la tradition classique et la pièce musicale
l’interprète dans la tradition, l’esprit et les
canons « pop-jazz ». Par une polyphonie
vocale à six voix, le musicien fait sonner la

Bois meurtri
Bois meurtri bois perdu d’un voyage en hiver
Navire où la neige prend pied
Bois d’asile bois mort où sans espoir je rêve
De la mer aux miroirs crevés
Un grand moment d’eau froide a saisi
[les noyés
La foule de mon corps en souffre je
[m’affaiblis je me disperse
J’avoue ma vie j’avoue ma mort j’avoue
[autrui
Bois meurtri bois perdu
Bois d’asile bois mort
Paul Eluard, in Poésie et vérité, D.R.
langue française dans le contexte rythmique
et harmonique du jazz pour exprimer les
sentiments du poème, et renvoyer peut-être
Liszt au piano, entouré d’Alexandre Dumas, Alfred de Musset, Victor Hugo, George Sand, par Josef Danhauser, 1840.
Quand la poésie fait alliance avec la musique
à l’âme américaine de l’écrivaine qui publia
en les traduisant Blues et Gospels en 1984
et vécut la plus grande partie de sa vie dans
la patrie du jazz (écouter sur Youtube ou
Deezer).
Vous ne saurez jamais...
Vous ne saurez jamais que votre âme voyage
Comme au fond de mon cœur un doux cœur
adopté ; […]
Marguerite Yourcenar, « Vous ne saurez jamais », in
Sept poèmes pour une morte recueillis dans Les Charités
d’Alcippe, Gallimard. Partition publiée chez CEPRAVOI.
Fauré déclarait en 1923 – rendant
hommage à la célèbre chanteuse Emma
Bardac : « Je n’ai jamais rien écrit aussi spon-
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE
DOSSIER
tanément que la bonne chanson. Je dois
ajouter que j’y ai été aidé par une sponta-
néité de compréhension au moins égale
de la part de celle qui en est restée la plus
émouvante interprète ». On voit alors ici que
s’ajoute à la collaboration du musicien et
du poète celle des interprètes sans qui rien
n’existe, pour faire entendre cette troisième
voix, ce troisième objet artistique qui n’est
ni le texte, ni la musique, mais leur résul-
tante. Car c’est par sa dimension orale que
la poésie renvoie à la musique. La réussite
de l’association du poème et de la musique
vient alors de la sensibilité du musicien à
saisir dans les mots, entre eux, en deçà d’eux
peut-être, le message du texte, pour en faire
un « carmen » chant, formule magique, qui
va à l’intime de chacun et qui sera saisi par
l’auditeur au moment de sa vivante création.
* Professeur de lettres classiques.
- COLLÈGE / novembre 2011 19
 SÉQUENCE 1 6e
Didon et Énée
Par Coralie Amet*
Support : Groupement de textes autour de L’Énéide
de Virgile.
Objectifs :
– Découvrir un texte fondateur : L’Énéide de Virgile.
– S’initier à l’histoire des arts.
Durée : 12 heures.
Organisation de la séquence
ÉTAPE 1 : DÉCOUVRIR L’ÉNÉIDE ET LE PERSONNAGE
D’ÉNÉE
• Séance 1 : Lecture analytique (texte 1) : « La rencontre
de Didon et Énée » (Virgile, L’Énéide)
• Séance 2 : Lecture d’image : Énée racontant à Didon les
malheurs de la ville de Troie de Guérin
• Séance 3 : Se repérer dans l’espace et le temps
ÉTAPE 2 : LA GUERRE DE TROIE
• Séance 4 : Comprendre la guerre de Troie
• Séance 5 : Lecture analytique (texte 2) : « Récit de la fuite
de Troie » (Virgile, L’Énéide)
• Séance 6 : Lecture d’image : Le Cheval de Troie de Tiepolo
ÉTAPE 3 : DE L’AMOUR PASSION À LA MORT DE DIDON
• Séance 7 : Lecture analytique (texte 3) : « L’amour
passion » (Virgile, L’Énéide)
• Séance 8 : Langue : Initiation au latin
• Séance 9 : Lecture analytique (texte 4) : La mort de Didon
(Virgile, L’Énéide)
• Séance 10 : Histoire des arts (musique) : Didon et Énée
de Purcell, Air de Didon
FICHES ÉLÈVE
1. Qui est Énée ?
2. Comprendre la guerre de Troie
3. Initiation au latin
Présentation
Cette séquence s’inscrit pleinement dans le cadre de l’ouverture
sur l’Histoire des arts1, la musique et la peinture en particulier, avec
une possible interdisciplinarité en collaboration avec les professeurs
d’Histoire et géographie, d’Arts Plastiques, d’Éducation musicale voire
d’Anglais pour l’étude de l’opéra de Purcell, même si l’objectif est de
permettre aussi à un professeur de Lettres d’effectuer cette séquence
en totale autonomie s’il le souhaite.
Répondant aux orientations des Programmes de 6e en français, elle
s’appuie sur un texte fondateur également présent dans les programmes
20 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
d’Histoire et d’Éducation musicale2 : L’Énéide, poème épique de Virgile,
qui permet de faire le lien entre les mythologies grecque et romaine.
Ce groupement de textes constitue également une bonne introduction
à l’étude de L’Odyssée d’Homère en lecture suivie. C’est aussi l’occasion
d’initier les élèves au latin et de les sensibiliser à l’option proposée en 5e
(voir séquence 8 en ligne).
On pourra proposer en lecture cursive : Douze récits de l’Énéide de
Michel Laporte (pour de bons lecteurs) ou Les Brûlures de Didon de
Gilles Massardier (lecture plus aisée).
Étape 1
Découvrir L’Énéide
et le personnage d’Énée
Séance 1 > Lecture analytique
Supports : Présentation œuvre + extrait de L’Énéide .
Durée : 2 heures.
L’objectif de cette séance est de découvrir un texte fondateur et son
auteur puis de faire connaissance avec les deux protagonistes, Didon
et Énée, de repérer les points communs dans leur destinée et de com-
prendre le rôle des dieux dans la naissance de leur histoire d’amour.
Préparation : On demandera aux élèves de faire une recherche sur les
personnages de Didon et d’Énée dans le dictionnaire des noms propres
et / ou sur Internet. Ils chercheront notamment des informations sur
leur nom, leurs parents, leur histoire avant leur rencontre.
Questions
1. Qu’est-ce qui dans le texte latin peut faire penser à un poème ?
2. Quels mots latins sont traduits par « (je) chante », « Troie »,
« Italie », « Junon » et Lavinium » ?
3. Qui parle en disant « Je chante » ?
4. Quels rapports voyez-vous entre la poésie et la musique ? De quel
instrument s’accompagnaient les aèdes dans l’Antiquité ?
Éléments de réponse
1. La disposition du vers avec retour à la ligne et les majuscules en
début de vers font penser à un poème.
2. Cano (pas de pronom personnel en latin) ; Trojae ; Italiam ; Junonis ;
Lavinia. On remarquera le découpage de L’Énéide en« chants ».
3. C’est l’auteur Virgile qui prend la parole à la première personne au
début de son poème.

4. On rappellera l’origine orale des premières épopées et le statut
même de la poésie chez les Grecs de l’Antiquité : un art qui s’ac-
compagne de musique, quel que soit sa forme (poème, tragédie,
dithyrambe ou épopée). On pourra faire lire l’incipit de L’Iliade et de
L’Odyssée avec l’invocation aux muses, devenue pour les auteurs pos-
térieurs une référence.
Texte 1 : La rencontre de Didon et Énée
(L’Énéide, I, v. 588-632)
Questions
1. Comment Énée apparaît-il à Didon ? Relevez le vocabulaire méliora-
tif servant à le valoriser.
2. Pourquoi la remercie-t-il ?
3. Quelles sont les réactions de Didon face à cette apparition ?
Comment les expliquez-vous ?
4. Relevez les mots qui montrent que Didon n’a pas choisi cet amour et
qu’elle en est victime.
Éléments de réponse
1. Énée apparaît dans tout l’éclat de sa beauté que sa mère a subli-
mée pour mieux séduire Didon. Le vocabulaire mélioratif participe au
grandissement épique du héros et inscrit ce récit dans le merveilleux :
« auréolé », resplendissante », « d’un dieu », « magnifique », « jeu-
nesse », « joyeux », « éclat pourpre », « séduisant ». On rappellera la
définition du héros dans l’Antiquité (mi-homme, mi-dieu).
2. Énée remercie Didon d’accueillir favorablement les réfugiés qu’ils
sont et d’éprouver de la compassion pour leurs malheurs. L’hospitalité
était un devoir sacré que respecte ici Didon mais elle ignore que Junon,
protectrice de Carthage, poursuit Énée et les Troyens de sa hargne
(tempête du début de L’Énéide) car elle sait que le héros permettra la
naissance de la race romaine, future ennemie de Carthage et qui cau-
sera sa perte lors des guerres puniques.
3. Didon est d’abord « frappée de stupeur », subjuguée face à la
beauté surnaturelle de son hôte. On rappellera aux élèves qu’il appa-
raît brusquement en sortant d’un nuage magique créé par Vénus (cf.
Ulysse dans L’Odyssée). Elle exprime ensuite sa compassion – au sens
étymologique : « souffrir avec » – face aux épreuves troyennes, ayant
elle-même connu la douleur de la perte d’un être cher et celle de l’exil.
4. Cette rencontre amoureuse est un événement orchestré de toutes
pièces par Vénus qui joue sur l’effet de surprise (nuage), sur la beauté
artificiellement sublimée du Troyen et qui s’assure enfin par la ruse
que le coup de foudre de Didon pour Énée est total en substituant
Iule par son fils Cupidon lors du banquet. Didon est donc manipulée
et largement influencée dans ses sentiments comme le montrent les
expressions : « victime offerte au fléau qui viendra », « sans savoir, la
malheureuse, quel grand dieu s’est assis sur elle », qui soulignent son
impuissance et montrent qu’elle subit son destin.
Cet « interventionnisme » des dieux et l’idée que les mortels ne sont
que des jouets entre les mains des dieux sont caractéristiques des épo-
pées antiques comme L’Iliade, L’Odyssée ou L’Énéide.
Séance 2 > Lecture d’image
SÉQUENCE 1 6e
Didon et Énée
Séance 3 > Se repérer dans l’espace
et le temps
Support : fiche élève 1, p. 26.
Durée : 1 heure.
Cette séance a pour objectif de fixer des repères spatiaux et temporels
autour de L’Énéide et d’esquisser le lien entre mythe et histoire. C’est
une séance qui peut se construire en collaboration avec le professeur
d’histoire et géographie.
Éléments de corrigé
1. Vénus s’unit à Anchise et donne naissance à Énée qui épousera
Créüse, une fille du roi Priam et dont le fils s’appellera Iule ou Ascagne
selon les textes, et fondera Albe-la-longue. Plusieurs générations de rois
albains plus tard, le dieu Mars s’unira à une descendante d’Iule, Rhéa
Silvia, qui donnera naissance à des jumeaux, Romulus, fondateur de
Rome, et Rémus.
2. C’est Énée qui fait le lien entre le peuple troyen et le peuple romain
puisqu’il prend l’initiative de l’émigration des Troyens et qu’il établit son
peuple dans le Latium, non loin du territoire de la future Rome.
3. Les Romains s’enorgueillissaient d’un tel arbre généalogique qui
faisait intervenir deux dieux, Vénus et Mars, dans la lignée de leurs rois.
4. En latin, le J et le I majuscules s’écrivent I. D’où la prétendue ascen-
dance de la gens Julia et de « Jules » qui s’écrit IVLIVS comme Iule en
latin et permettait à César de se rattacher à cette lignée mythique.
5. Dans l’ordre : Départ du Mont Ida près de Troie – Pergame de
Crète – Rencontre des Harpyes dans les îles Strophades – Buthrote en
Épire – Mort d’Anchise à Drépane – Carthage en Afrique – Accueil par
Aceste, roi d’Éryx en Sicile – Descente aux enfers à Cumes avec Sybille –
Arrivée dans le Latium et fondation d’Albe-la-Longue.
6. Ce voyage principalement maritime comporte plusieurs détours car
Énée est poursuivi par des tempêtes provoquées par Junon dont le
ressentiment serait dû, selon Virgile, à son dépit de ne pas avoir été
désignée comme la plus belle des déesses par le Troyen Pâris.
7. Ulysse est cet autre héros, dont le voyage, raconté dans L’Odyssée
d’Homère, a largement inspiré Virgile.
Étape 2
La guerre de Troie
Séance 4 > Comprendre la guerre
de Troie
Support : fiche élève 2, p. 27.
Durée : 1 heure.
Cette séance vise à donner à l’élève des repères dans le conflit qui
oppose les Grecs aux Troyens : comprendre les sources du mythe, les
personnages qui structurent les différents clans et percevoir la chro-
nologie de la construction littéraire du mythe depuis ses origines en
faisant le lien entre légende et histoire.
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 21
 SÉQUENCE 1 6e
Didon et Énée

Éléments de corrigé Éléments de réponse

Remonter à l’origine du conflit 1. Prié par Didon de raconter le siège de Troie, Énée hésite à commen-
1. Le jugement de Pâris raconte le conflit entre trois déesses pour cer un récit douloureux qui réveille des souvenirs terribles (« raviver une
l’attribution d’un prix de beauté au cours duquel Pâris, un jeune prince souffrance indicible », « contenir ses larmes »).
troyen, fut choisi comme arbitre pour les départager. 2. Ce récit rétrospectif est au présent de l’indicatif (dans la traduction
2. La décision de Pâris déclenche de façon indirecte la guerre de Troie comme dans le texte original en latin) : c’est une forme de présent de
car, en échange de sa préférence, Aphrodite promet à Pâris l’amour narration qui rend la scène plus vivante et qui permet à Énée et ses
de la plus belle femme, qui est déjà l’épouse d’un roi grec. Son rapt auditeurs de faire ressurgir le passé et de le revivre dans le présent.
va déclencher la colère des Grecs qui vont tenter de la récupérer. 3. Les noms ou GN sont : « montagne », « l’animal », « cheval »,
« machine fatale », « l’engin », « la machine », « ce monstre de malheur ».
Repérer les protagonistes Ils donnent du cheval une image inquiétante, effrayante.
4. Les Troyens en liesse font rentrer le cheval dans leur mur. Leur
Le clan des Troyens Le clan des Grecs effervescence est palpable à travers les verbes d’action (« perçons »,
Les hommes Priam, Pâris, Énée, Hector Achille, Ulysse, Agamemnon, « ouvrons », « mettent à l’œuvre », « glisse », « tendent », etc.) et les
Patrocle, Ménélas phrases exclamatives. Leur manque de lucidité se voit dans leur aveugle-
ment à faire entrer le cheval malgré son aspect inquiétant et les bruits
Les femmes Hécube, Andromaque Hélène qui s’en échappent et qui auraient pu les avertir (« quatre fois … quatre
fois », « nous insistons »).
Les dieux Aphrodite Héra, Athéna

La chronologie d’une histoire
Dans l’ordre :
– 1250 avant J.-C. : prise de Troie par les Grecs (– XIII)
– VIIIe siècle avant J.-C. : rédaction en grec de L’Iliade et de L’Odyssée
par Homère et fondation légendaire de Rome par Romulus, descendant
d’Énée (– 753)
– 27 avant J.-C. à 14 ap. J.-C. : règne de l’empereur Auguste.
– 17 avant J.-C. : rédaction en latin de L’Énéide par Virgile (pendant le
règne d’Auguste).
J’enquête
1. La guerre de Troie a duré dix ans.
2. La guerre est gagnée par les Grecs.
3. C’est la construction du cheval de Troie, une ruse d’Ulysse, qui per-
mit à la guerre de se clore sur la victoire des Grecs.
4. Énée est le prince troyen qui survécut au siège et guida son peuple
vers leur future patrie.
Séance 5 > Lecture analytique
Support : Texte 2, « Récit de la fuite de Troie » (Virgile, L’Énéide)
Durée : 1 heure.
Questions
1. Pourquoi Énée hésite-t-il à faire son récit ?
2. Le récit d’Énée est rétrospectif : il raconte un événement apparte-
nant à son passé. À quel temps est-il rédigé ? Comment l’expliquez-
vous ? Quel est l’effet produit ?
3. Relevez les noms ou GN qui désignent le cheval. Quelle image ces
mots en donnent-ils ?
4. Quelle est l’erreur des Troyens ? Quelle phrase montre leur manque
de lucidité ?
Prolongement
Travail d’écriture : Réécrivez à la 3e personne le passage où les Troyens
font entrer le cheval dans Troie, comme si le narrateur ne participait
pas aux événements, de « Nous crions en cœur … » à « des cordes de
chanvre » en remplaçant « nous » et « on » par « Les Troyens ».
Séance 6 > Histoire des arts : lecture
d’image
La procession du cheval dans Troie
Support : « La procession du cheval dans Troie », 1773, de Giambattista
Tiepolo (1696-1770), Peinture sur toile, National Gallery, Londres.
Durée : 1 heure
Questions
Le cadre et les personnages
1. Qui sont les personnages représentés sur ce tableau ? Que font-ils ?
2. Quels indices permettent de reconnaître Troie ?
3. Quels éléments traduisent fidèlement le texte ?
.
Le cheval
4. Le cheval ressemble-t-il plutôt à un animal ou à une machine ?
Justifiez votre réponse.
5. Par quels procédés, propres aux arts visuels, le peintre parvient-il
comme dans le texte, à donner une image mystérieuse et inquiétante
au cheval ?
6. Qu’est-ce qu’un cheval de Troie en informatique ?
Éléments de réponse
1. Les personnages représentés sont les Troyens : on distingue des
hommes et des femmes qui poussent ou tirent le cheval.

22 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011

 SÉQUENCE 1 6e
Didon et Énée

« La procession du cheval dans Troie », 1773, de Giambattista Tiepolo.

2. La tour et les remparts – Troie était une ville fortifiée – et la présence

d’un cheval gigantesque permettent de reconnaître la ville de Troie.
Étape 3
3. L’agitation des personnages est fidèle au texte : la masse de la foule
indistincte occupe le premier plan et le centre du tableau. Mais aussi les
De l’amour passion à la mort
cordes et roues qui servent à faire entrer le cheval dans la ville. de Didon
4. Le cheval ressemble plutôt à un vrai cheval : hormis ses proportions
gigantesques, il est peint de façon assez réaliste avec une musculature
puissante, le mouvement très naturel du sabot levé, et la queue et la Séance 7 > Lecture analytique
crinière qui semblent agitées d’un mouvement. Seule une inscription en Support : texte 3, « L’amour passion » (Virgile, L’Énéide) .
latin – anachronique puisque les Grecs de l’Âge du bronze n’auraient pas
Durée : 1 heure.
écrit en latin, gravée sur ses flancs en bois du cheval, vient démentir cette
vraisemblance : PALADI VOTUM (offrande à Pallas, autre nom d’Athéna,
de votum : offrande, vœu et palladi : datif de Pallas, Palladis, f. : Pallas). Questions
5. Cet aspect presque trop ressemblant est énigmatique, peut-être 1. Quel sens donnez-vous au verbe brûler dans l’expression « un feu
est-ce aussi une manière de montrer l’aveuglement et l’illusion des brûle l’infortunée Didon » ? Quelle est cette figure de style ?
Troyens qui ne « voient » qu’un beau cheval. Mais le peintre a choisi de 2. Comment Didon est-elle qualifiée ? À quoi est-elle comparée ?
mettre au premier plan la croupe, écrasée de lumière tout en gardant 3. Quels sont les effets de l’amour sur la reine ?
la tête du cheval dans l’obscurité : son identité reste ainsi dans l’ombre 4. Quels mots ou expressions traduisent un amour excessif et hors norme ?
et conserve un certain mystère.
6. On appelle « cheval de Troie » un programme informatique mal-
veillant effectuant des opérations à l’insu de l’utilisateur ; il s’agit d’un
Éléments de réponse
programme caché dans un autre, d’apparence anodine, qui exécute des 1. L’ardeur des sentiments de Didon est comparable à un feu qui la
commandes sournoises, et donne un accès à l’ordinateur sur lequel il consume intérieurement. Cette métaphore assimilant l’amour à un feu
est exécuté. qui brûle est devenue un lieu commun dans la littérature mondiale.

NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 23

 SÉQUENCE 1 6e
Didon et Énée
2. Didon est dite « infortunée » (infelix signifie « malheureux, infor-
tuné ») : cet amour n’est pas heureux. On fera décomposer le mot aux
élèves avec le préfixe négatif -in. Didon est ensuite comparée à une
biche blessée d’une flèche par un chasseur et qui erre dans la forêt, une
image qui l’assimile encore à une victime.
3. Didon est dans la fuite et la perte de repères : « elle erre dans toute
la ville » ; elle se disperse dans l’accumulation de différentes actions :
« tantôt… tantôt » avec la présence de plusieurs verbes d’action
(« conduit », « fait voir », « elle réclame ») ; son impatience est visible
dans la répétition de la scène du banquet qu’elle veut revivre plusieurs
fois (« un nouveau banquet », « entendre à nouveau », « à nouveau
elle reste suspendue »).
4. L’errance de Didon est assimilée à une sorte de folie amoureuse qui
ne ressemble pas au comportement digne d’une reine (« en proie à sa
folie »). L’absence de l’être aimé est insupportable pour Didon (« seule, elle
se désole »), qui pallie à ce manque par des visions (« elle continue à le voir
malgré son absence ») ou en reportant son affection sur le fils d’Énée.
Prolongement
On fera lire aux élèves la traduction en vers rimés de l’abbé Jacques
Delille (XIXe siècle) pour comparer les deux traductions.
http://www.mediterranees.net/mythes/troie/eneide/livre4.html
« Mort de Didon », sculpture d’Augustin Cayot (1711).
24 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
Séance 8 > Langue : Initiation au latin
Support : fiche élève 3 + corrigés .
Durée : 1 heure.
Cette séance propose une première approche du latin avec une présen-
tation des langues romanes. Un travail sur les radicaux latins permet de
mettre en évidence les atouts de l’étude du latin pour un élève franco-
phone. Elle se clôt sur une découverte de la prononciation.
Elle peut se poursuivre avec une leçon de langue sur la formation des
mots, les mots de la même famille mais aussi les préfixes d’origine latine.
Séance 9 > Lecture analytique
Support : Texte 4 : La mort de Didon (Virgile, L’Énéide) .
Durée : 1 heure.
Questions
1. Dans quelle situation Didon se trouve-t-elle au début de ce passage ?
2. a) Quels sentiments exprime-t-elle ?
b) Quels types de phrase soulignent son émotion ?
3. a) Distinguez avec des couleurs les parties de : récit, discours, des-
cription.
b) Dans ce passage, Didon est seule à prendre la parole : comment
appelle-t-on ce type de discours ?
4. Quelles divinités invoque-t-elle ? Pourquoi ?
5. Quel moyen Didon trouve-t-elle pour se venger ?
Éléments de réponse
1. Au début du passage, Didon se rend compte du départ des Troyens :
Énée, rappelé à son devoir par les dieux, quitte précipitamment
Carthage sans faire à Didon de véritables adieux.
2. Didon exprime son dépit et son impuissance rageuse à faire renon-
cer Énée à son départ : elle regrette de lui avoir fait confiance et se
reproche sa naïveté.
3. Le passage laisse une large place au discours – un monologue – mais
présente quelques lignes de récit (prologue et apologue de la scène,
errance désespérée) ainsi qu’une description de son visage.
4. Didon invoque des divinités liées à sa vengeance : le Soleil (qui voit
tout), Junon (qui la protège et a favorisé sa vengeance, déesse du
mariage légitime), Hécate (déesse chtonienne de la lune et des morts),
les Furies (ou Érinyes, divinités infernales chargées de poursuivre et
de persécuter les criminels) et les dieux d’Elissa (sans doute les dieux
Mânes de ses ancêtres phéniciens).
5. Didon se suicide à la surprise de son entourage pour se venger
d’Énée qui aura ainsi sa mort sur la conscience.
Prolongements
1) Recherche documentaire
Vous menez l’enquête :
– Les malédictions de Didon vont-elles s’accomplir ?
– Est-ce la dernière fois que Didon et Énée se seront vus ?

2) Histoire des arts
De nombreuses œuvres artistiques ont représenté le suicide de Didon.
Faites-en une sélection que vous présenterez à vos camardes dans un
exposé.
Séance 10 > Histoire des arts
(musique)
Supports : Extrait audio de l’opéra de Purcell, Air de Didon, interpréta-
tion de Susan Graham (dir. William Christie et les Arts Florissants) Album
40 most beautiful Arias ; fiche élève Histoire des arts, p. 28 ou .
http://www.musicme.com/#/Compilation/40-Most-Beautiful-Arias-
0825646409266.html?play=0825646409266-01_06
Objectif : Découvrir comment le texte de Virgile a inspiré de grands
compositeurs.
Durée : 1 heure.
Découvrir l’aria de Didon dans l’opéra de Purcell peut constituer pour
les élèves de 6e un petit choc esthétique. On fera écouter le passage et
découvrir avec eux ensuite sa construction et la capacité de la musique à
transmettre l’émotion du personnage, en utilisant la fiche Histoire des arts.
Éléments musicaux
Le personnage de Didon est interprété par une voix de soprano (ou
de mezzo-soprano). L’orchestre est constitué de cordes frottées et
du continuo confié au clavecin, à un violoncelle ou une viole de
gambe et à un théorbe (une sorte de grand luth) ou un clavecin.
La musique de Purcell opère une synthèse des styles français et ita-
liens de cette époque. Ses œuvres sont essentiellement dédiées à la
scène, au Roi et à l’église.
L’Air de Didon est basé sur le principe de la chaconne : une basse
obstinée sur une mesure à trois temps dans un tempo lent. L’emploi
de la basse continue, assurée par un instrument grave (viole de
gambe) et par un instrument polyphonique (clavecin, luth), base de
tous les genres vocaux (airs, cantates), est caractéristique du style
baroque. Le style fleuri, avec l’usage du contrepoint, ses ornements,
sa richesse expressive, sont au service de la ligne mélodique et du
texte. L’Opera Seria (drame en musique né en Italie au XVIIe siècle)
alterne le récitatif (narration) et l’air (expression des sentiments des
personnages). Il met en scène des histoires tragiques ou épiques,
dont les textes sont issus de la mythologie, des poèmes épiques
anciens, comportant une morale.
Contexte de composition
Didon et Énée est un opéra en un prologue et 3 actes de Henry
Purcell (1659-1695), compositeur anglais de la période baroque, sur
un livret de Nahum Tate, basé sur le livre IV de L’Énéide de Virgile.
C’est le premier opéra anglais. L’œuvre est probablement inspirée
de Vénus et Adonis, un masque (spectacle de cour anglais qui mêle
tous les arts de la scène) composé en 1682 par son maître John
SÉQUENCE 1 6e
Didon et Énée
Blow, donné à la cour du Roi Charles II. Elle fut ensuite représentée
en 1689, à la demande de Josas Priest par les jeunes filles de la
Boarding school for girls de Chelsea.
On y retrouve l’influence française mais avec une mise en valeur des
caractéristiques propre à la langue anglaise dont la poésie est basée
sur l’accentuation plus que sur les rimes ou le nombre de syllabes.
Ce sera son chef-d’œuvre et son seul opéra avant de retrouver le
style du masque ou du semi-opéra, alors en vogue en Angleterre
dont King Arthur – Le Roi Arthur – est l’un des exemples.
Éléments de corrigé
1. Cet extrait est un air (monodie accompagnée). L’air est interprété par
une voix de soprano.
2. L’accompagnement de cet air est conçu sur une basse continue à
trois temps dans un tempo lent, en mouvement descendant chroma-
tique qui se répète onze fois sous le chant (procédé du Ground carac-
téristique de la musique baroque anglaise).
3. Dans cette mesure à trois temps, le pied utilisé pour la partie de
basse est iambique (une brève suivie d’une longue).
4. Les mots du texte « laid », « trouble », « Ah ! », « Forget » sont
accentués par des vocalises ou des ornements (trillles) qui accentuent le
caractère désespéré et abattu de l’air.
5. Le climax est atteint sur les mots « Remember me », dans le registre
le plus aigu de l’air. L’anacrouse (petit groupe de notes entendues avant
le premier temps fort d’une mesure) et le rythme pointé (note prolon-
gée suivie d’une note courte) accentuent son caractère poignant.
Joëlle Coudriou,
Professeur d’Éducation musicale.
Sitographie
– L’histoire de Didon et Énée en images :
http://web2.crdp.ac-versailles.fr/pedagogi/Lettres/latin/forum/Didon/
didon_enee0.htm
– Un remarquable travail de recensement d’œuvres sur le site de l’aca-
démie de Nancy-Metz :
http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/lettres/LanguesAnciennes/
Textes/Virgile/Didon.htm
Prolongement
Voir un autre extrait de Dido and Aeneas, Fra Musica .
* Professeur de Lettres classiques.
1. En Histoire des arts, la séquence correspond à la thématique :« Arts, espace et
temps : grandes figures du temps et de l’espace : mythes, héros épiques et légendaires,
les déplacements dans l’espace et le temps ».
2. Programme d’histoire : Du mythe à l’histoire : L’Énéide (vers avril dans la progression
annuelle) et programme de Musique : arts du spectacle vivant, par exemple l’opéra
de Purcell Dido and Aeneas, avec une attention particulière portée à l’épisode de
Carthage et aux amours de Didon et d’Énée.
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 25
 FICHE ÉLÈVE 1 SÉQUENCE 1 6e Didon et Énée
Qui est Énée ?
Activité 1 : Établir l’arbre généalogique
d’Énée
1 Grâce à ma recherche préalable et aux informations présentes
dans mes manuels d’histoire et de français, je complète l’arbre
généalogique suivant :
2 Quel personnage dans cet arbre généalogique permet de faire
le lien entre le peuple troyen et le peuple romain ?
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................................................................................................................
................................................................................................................
3 Pourquoi les Romains pouvaient-ils se glorifier d’un tel arbre
généalogique ?
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
4 Jules César de la gens (famille) Julia (CAIVS IVLIVS CAESAR) en
latin prétendait, grâce à son nom, descendre de Vénus par l’un de
ses ancêtres présent dans cet arbre généalogique. À votre avis, de
qui s’agissait-il ?
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
26 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
Activité 2 : Situer le voyage d’Énée
dans l’espace
5 En vous aidant de la carte, remettez dans l’ordre en leur don-
nant des numéros les différentes étapes du voyage d’Énée, des
ruines de Troie jusqu’à la région du Latium où ses descendants
construiront la ville de Rome :
Descente aux enfers à Cumes avec Sybille – Mort d’Anchise à Drépane –
Rencontre des Harpyes dans les îles Strophades – Carthage en Afrique –
Accueil par Aceste, roi d’Éryx en Sicile – L’Etna – Troie – Départ du Mont
Ida, près de Troie – Arrivée dans le Latium et fondation d’Albe-la-Longue –
Pergame – Buthrote en Épire.
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................................................................................................................
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................................................................................................................
6 Ce voyage est-il cohérent ? Qu’est-ce qui, selon vous, a provo-
qué ses « détours » ?
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................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
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7 Connaissez-vous un autre héros qui voyagea longtemps mal-
gré lui ? Pour quelles raisons ?
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................................................................................................................
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 Didon et Énée FICHE ÉLÈVE 2 SÉQUENCE 1 6e

Comprendre la guerre de Troie

L’origine du conflit Les protagonistes
Lors du mariage de Thétis et de Pélée, Éris, la Discorde, lance une pomme Classez les protagonistes de la guerre de Troie dans le tableau
d’or sur laquelle on peut lire : « À la plus belle ». Une querelle s’en suit suivant :
entre les trois déesses Athéna, Aphrodite et Héra qui chacune prétend au Achille, Priam, Ulysse, Pâris, Hécube, Héra, Aphrodite, Agamemnon,
titre. Pâris, fils de Priam, roi de Troie, est désigné comme arbitre. Il prend Andromaque, Patrocle, Ménélas, Énée, Hector, Hélène, Athéna.
la pomme et les voit l’une après l’autre pour les départager. Chacune lui
promet alors quelque chose en échange de son choix. Héra lui promet le Le clan des Troyens Le clan des Grecs
pouvoir et la richesse. Athéna lui promet la victoire au combat, la beauté Les hommes
et la sagesse. Mais Pâris choisit Aphrodite, qui lui promet Hélène, la
plus belle des mortelles. Cette histoire conduira à la guerre de Troie, car
Pâris, aidé d’Aphrodite, va enlever Hélène à son mari légitime, Ménélas.
Les rois grecs s’allient à Ménélas pour la récupérer ainsi qu’ils s’étaient Les femmes
engagés à le faire lors de son mariage avec Hélène. Aphrodite soutient
Pâris et les Troyens, mais Héra et surtout Athéna s’acharnent à leur nuire
en soutenant les Grecs.
Les dieux

Questions
1 En quoi consiste le jugement de Pâris ?

................................................................................................................ La chronologie d’une histoire

................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
Recopiez et placez sur l’axe du temps ci-dessous les dates suivantes :
– 27 avant J.-C. à 14 ap. J.-C. : règne de l’empereur Auguste.
– 1250 avant J.-C. : prise de Troie par les Grecs.
– 17 avant J.-C. : rédaction en latin de L’Énéide par Virgile.
– VIIIe siècle avant J.-C. : rédaction en grec de L’Iliade et de L’Odyssée par
Homère.
– 753 avant J.-C. : fondation légendaire de Rome par Romulus, descen-
dant d’Énée.

................................................................................................................ – XIII – XII – XI – X – IX – VIII – VII – VI – V – IV – III – II – I – O

................................................................................................................
2 Pourquoi cet événement déclenche-t-il la guerre de Troie ? J’enquête
Dans mon manuel de français et d’histoire, j’enquête sur la guerre de
................................................................................................................
Troie et je cherche à répondre au questionnaire suivant.
................................................................................................................
1 La guerre de Troie a duré :
................................................................................................................
❑ 5 ans. – ❑ 10 ans. – ❑ 20 ans.
................................................................................................................ 2 Qui a gagné la guerre ?
................................................................................................................ ❑ Les Grecs. – ❑ Les Troyens.
................................................................................................................ 3 Grâce à quel événement le conflit prit-il fin ?
................................................................................................................ ❑ La colère d’Achille. – ❑ La mort de Patrocle. – ❑ Le cheval de Troie.
................................................................................................................ 4 Quel prince troyen survécut au siège et guida son peuple vers
d’autres cieux ?
Retrouvez une sélection d’exercices en version numérique. ❑ Pâris. – ❑ Hector. – ❑ Énée.

NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 27

HISTOIRE DES ARTS
FICHE ÉLÈVE SÉQUENCE 1 6e Didon et Énée

Didon et Énée

MALENA ERNMAN (DIDON) ET JUDITH VAN WANROIJ (BELINDA) DANS DIDON ET ÉNÉE,
mise en scène Deborah Warner, Compagnie des arts florissants, 2008.

Dans cet extrait du IIIe acte, Didon, abandonnée par Énée, 2 L’accompagnement de la voix participe au caractère de
adresse ses derniers mots à sa confidente Belinda avant de lamentation de cette musique. Comment pourrait-on le décrire ?
mettre fin à ses jours.
................................................................................................................
When I am laid in earth Quand je serai portée en terre
................................................................................................................
May my wrongs create Que mes torts ne créent pas
No trouble in thy breast : De tourments en ton sein : 3 La poésie anglaise, différente de la poésie française, se
Remember me, but ah ! Souviens-toi de moi ! Mais, ah ! base sur l’accentuation plutôt que sur les rimes et le nombre
Forget my fate. Oublie mon destin. de syllabes. Écoute bien le rythme joué par l’instrument
(Cupids appear (Des amours apparaissent grave qui accompagne la voix. Parmi la liste suivante, quel
in the clouds dans les nuages type de pied utilise cette partie basse ici ?
o’er ger tomb.) au-dessus de sa tombe.) a) trochée (longue – brève)
b) iambe (brève – longue)
1 Dirais-tu de cet extrait que c’est un récitatif (déclamation
c) anapeste (brève – brève – longue).
proche de la voix parlée) ou un air (mélodie chantée) ? Peux-
tu préciser ta réponse ? 4 Pourrais-tu identifier des mots qui sont particulièrement
mis en évidence dans le texte chanté ?
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
5 Sur quels mots le climax (le point culminant du morceau)
Question alternative :
est-il ressenti dans cet extrait ?
Quel est le registre de cette voix ?
................................................................................................................
a. Soprano (voix féminine aiguë)
b. Alto (voix féminine grave) ................................................................................................................

28 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011


Vibrations poétiques
pour un violon
Par Franck Evrard*
Supports :
– corpus de poèmes du XIXe et XXe siècle : « Harmonie
du soir » de Baudelaire, « Chanson d’automne »
de Verlaine, « Le grand violon » d’Henri Michaux.
– la sonate n° 9 de Beethoven.
Objectifs :
– S’initier à la lecture critique d’un texte poétique
et à son interprétation.
– Connaître quelques thèmes de la poésie lyrique.
– Acquérir le vocabulaire de la poésie (versification,
définition du sonnet) et revoir des figures de style comme
la comparaison, la métaphore et la personnification.
– Maîtriser l’expression des sentiments et des émotions.
– Approfondir ses connaissances en histoire des arts
et en particulier en musique.
– S’initier à l’étude comparée de textes.
Durée : 10 heures.
Organisation de la séquence
ÉTAPE 1 : POÉSIE ET HARMONIE
• Séance 1 : Sonorités et poésie (fiche élève 1)
• Séance 2 : « Harmonie du soir » de Charles Baudelaire
ÉTAPE 2 : FORCE SUGGESTIVE DU VIOLON
• Séance 3 : « Chanson d’automne » de Paul Verlaine
• Séance 4 : La personnification (fiche élève 2)
• Séance 5 : « Le grand violon » d’Henri Michaux
(fiche élève 3)
ÉTAPE 3 : OUVERTURE ET BILAN
• Séance 6 : Histoire des arts : la sonate n°9 de Beethoven
• Séance 7 : Réflexion sur la poésie
FICHES ÉLÈVE
1. Sonorités et poésie
2. La personnification
3. « Le grand violon » de Michaux
Prolongement : voir le documentaire de Laurent
Lutaud, La Mémoire des gestes, Les films du Paradoxe.
SÉQUENCE 2 4e
Présentation
Cette séquence, qui entre dans le cadre du programme de français en
4e, cherchera à caractériser la spécificité du genre poétique, à mettre
en valeur sa relation à la musique, à distinguer les caractéristiques de
la poésie lyrique (du grec lura qui signifie « lyre »), à travers un motif
particulier : le violon. Instrument le plus aigu de la famille des violons qui
comprend aussi la viole, l’alto, le violoncelle et la contrebasse, le violon,
sans doute le plus célèbre des instruments de l’orchestre, est un motif
récurrent dans la poésie. Les poèmes choisis de Baudelaire, Verlaine et
Michaux ont en commun de moduler le thème de la musique (la mélodie,
le chant) en étant eux-mêmes musicaux par leur travail sur les rythmes et
les sonorités. Adoptant des formes variées, pantoum (Baudelaire), chan-
son (Verlaine), ou prose poétique (Michaux), modulant chacun selon la
sensibilité singulière du poète les vibrations du violon, ils expriment l’état
d’âme du poète en témoignant de la vocation musicale de la poésie.
Étape 1
Poésie et harmonie
Séance 1 > Sonorités et poésie
Supports : fiche élève 1, p. 34 ; corrigé fiche élève .
Objectifs :
– Identifier les rimes et les sonorités.
– Comprendre leur rôle dans la production du sens du poème.
– Réciter un poème.
Durée : 1 heure.
Déroulement
Cette séance a pour objectif de montrer que la poésie est destinée
à être lue mais aussi à être dite et écoutée. Les poètes exploitent les
effets provenant des sonorités pour rechercher une musicalité. Grâce à
leurs propriétés acoustiques, les sons sont aptes à traduire un sentiment
ou une sensation et à symboliser une idée. Quand elles sont soulignées
par un grand nombre d’occurrences, voyelles et consonnes peuvent
provoquer des associations auditives et visibles. Assonances et allitéra-
tions permettent le développement d’une harmonie imitative puisque
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 29
 SÉQUENCE 2 4e
Vibrations poétiques pour un violon

les sonorités expressives du poème suggèrent des réalités exprimées par

les signifiants du texte. Ainsi le son du violon peut-il être imité grâce à un
travail sur les sonorités des mots mais aussi par l’utilisation de la diérèse.

Séance 2 > « Harmonie du soir »

de Charles Baudelaire
Durée : 1 heure.

Déroulement
Cette séance consacrée à « Harmonie du soir », le poème XLVVII de la
section « Spleen et Idéal » dans Les Fleurs du mal (1857) de Baudelaire
se focalisera en un premier temps sur l’harmonie au sens musical du
terme. On insistera sur le jeu suggestif des allitérations avec les spirantes
[f], [v], [s], [z] et les liquides [l] et [r] qui tissent un réseau sonore, mais
aussi sur le choix du pantoum, une forme fixe orientale qui se caracté-
rise par la reprise des mêmes vers d’une strophe à l’autre. La répétition
Illustration des Fleurs du mal par Armand Rassenfosse, 1899.
des vers crée un effet incantatoire qui rend sensible l’ivresse procurée
par le soir. Par sa structure circulaire, le pantoum mime sur le plan musi-
cal le vertige du tournoiement propre à la valse. Éléments de réponse
Le repérage des champs lexicaux des sensations (les sensations olfac-
1. Les impressions de beauté et de tristesse dominent dans ce poème
tives, auditives, visuelles), du sentiment et de l’affectivité, et de la
comme le révèle l’alliance de mots (« triste et beau », v. 8 et 11). L’expression
religion, permet de comprendre le mouvement du poème. Complexe
« langoureux vertige » (v. 4 et 7) qui qualifie le tournoiement de la valse
en raison de sa circularité, le pantoum fait apparaître une progression
évoque à la fois le malaise (« vertige ») et le plaisir (« langoureux »).
que l’on peut faire deviner aux élèves. À la mélancolie douce et heu-
2. Les allitérations en [l] (« fleurs », « mélancolie », « langoureux »,
reuse du début succèdent l’angoisse et l’ennui du spleen (la hantise des
« afflige »), en [v] (« voici », « venir », « vibrant », « s’évapore », « valse »,
ténèbres, la peur du vide). La dernière strophe, consacrée au souvenir
« vertige ») et en [f] (« fleur », « parfums », « frémit », « afflige ») évoquent
de la femme aimée, marque le triomphe de la mémoire et de la parole
les vibrations fuyantes et tenues qui ont pour origine la fleur et le violon.
sacrée du poète contre l’oubli et la mort.
3. La vue : « ciel », « triste et beau » ; l’ouïe : « valse », « violon » ;
En conclusion, l’analyse pourra suggérer le rôle essentiel joué par le
l’odorat : « s’évaporer », « encensoir », « parfum ».
violon (« Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige », v. 6 et 9)
4. Il s’agit du champ lexical de la religion. L’encensoir (un vase sacré qui
dans le jeu des correspondances baudelairiennes : correspondances
contient l’encens) et le reposoir (un autel dressé sur le parcours d’une
horizontales entre les différentes sensations, correspondance entre le
procession) sont des objets de culte. L’ouverture au ton biblique et pro-
paysage nocturne et l’état d’âme du poète, et correspondance verticale
phétique crée aussi une atmosphère religieuse. Le poète semble vouloir
entre le monde naturel et sensible (le frémissement de la fleur, le trem-
donner au sentiment amoureux une dimension sacrée.
blement du violon) et le monde céleste et spirituel. Le violon comparé
5. Le champ lexical de la mémoire (« souvenir », « vestige »,
au cœur du poète symbolise la souffrance que doit s’infliger le poète
« recueillir », « ostensoir ») souligne le pouvoir de résurrection que pos-
pour produire son chant poétique.
sède le souvenir. Ce pouvoir se confond avec celui du travail poétique.
Questions Pour information : « Harmonie du soir » a été mis en musique par de
1. Quelles impressions contradictoires provoquent le sentiment d’har- nombreux compositeurs dont Claude Debussy (1862-1918) dans « Les
monie qui se dégage du poème ? sons et les parfums tournent dans l’air du soir ». Dans le domaine de la
2. Relevez les allitérations dans les deux premiers quatrains. Que sug- chanson française, Léo Ferré l’a transformé en valse musette.
gèrent-elles ?
3. Quels sens sont sollicités dans le deuxième quatrain ? Relevez les
champs lexicaux. Étape 2
4. À quel champ lexical appartiennent les mots « encensoir », « repo-
soir » et l’expression « Voici venir les temps » ? Vous tenterez de justi-
Force suggestive du violon
fier la présence de ce champ.
5. En vous appuyant sur le champ lexical de la mémoire, vous explique-
Séance 3 > « Chanson d’automne »
rez en quoi le dernier quatrain apporte une « note » plus heureuse au de Paul Verlaine
pantoum. Durée : 2 heures.

30 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011


Vibrations poétiques pour un violon
Déroulement
« Chanson d’automne », qui fait partie de la section « Paysages tristes »
des Poèmes saturniens (1866) de Paul Verlaine, illustre la mélancolie du
poète imaginant subir l’influence néfaste de Saturne. Comme dans
« Harmonie du soir » de Baudelaire, la chanson établit une correspon-
dance entre l’âme triste du je, figure du poète, et une saison connotant
la tristesse et la mort. L’explication de ce poème, composé de trois
strophes de six vers, privilégiera en un premier temps la musicalité de
cette chanson aux sonorités sourdes, douces et légères (allitérations en
[l] et assonances nasales dans la première strophe, en [m] dans la der-
nière). La diérèse qui invite à prononcer « vi-o-lon » (3 syllabes au lieu
de 2) crée un effet sonore qui imite la plainte de l’instrument.
Le repérage des deux champs lexicaux de la musique et de la dou-
leur permettra dans un second temps de montrer la correspondance
entre le paysage automnal, le paysage musical de la chanson et l’état
d’âme du poète. Ceux-ci finissent par se rejoindre dans le dernier vers.
L’analyse du poème pourra se clore sur les questions suivantes : le texte
de Verlaine est-il si désespéré ? La musique n’a-t-elle pas des effets
bénéfiques ? On fera remarquer que la musique, chambre d’écho aux
états d’âme, permet peut-être au poète d’extérioriser sa souffrance et
sa tristesse et l’aide à les exorciser.
Les élèves seront invités à apprendre par cœur le poème de Verlaine.
Les principaux critères d’évaluation seront l’articulation, la ponctuation,
la tonalité, le rythme, les liaisons, le traitement du e et de la diérèse.
Questions
1. À quel art le titre fait-il référence ? Cette référence vous paraît-elle
justifiée ?
2. Relevez les allitérations et les assonances dans la première strophe et
montrez en quoi elles contribuent à la musicalité du poème.
3. Relevez les références aux sensations auditives.
4. Quels différents sentiments sont exprimés par le poète dans les trois
strophes ?
5. Quelle comparaison se trouve dans la dernière strophe ? Quelle
image donne-t-elle de la vie du poète ?
Éléments de réponse
1. Le titre fait référence à la chanson, une forme poétique singulière
qui associe de façon privilégiée la musique et le texte. Le parti pris de
la brièveté (3 sizains), d’un mètre court, d’un rythme fluide (4 / 4 / 3) et
d’un vocabulaire simple concourt à faire de ce poème une chanson.
2. Les allitérations en [l] et les assonances nasales suggèrent la plainte
et les larmes. On peut presque parler d’harmonie imitative.
3. Dans la première strophe, la perception auditive concerne les san-
glots du violon, métaphore du bruit du vent. Dans la seconde, elle a
trait à l’heure qui sonne tel un glas rappelant de façon mélancolique la
fuite du temps.
4. Dans la première strophe, le poète éprouve de la langueur et de la
mélancolie. Succèdent les regrets et la nostalgie du passé (le souvenir
des « jours anciens », v. 11) dans la deuxième strophe. Dans la dernière
SÉQUENCE 2 4e
strophe, le je exprime sa résignation en s’abandonnant à la nature et à
son destin malheureux. La progression des sentiments est marquée par
la conjonction de coordination et.
5. Le poète se compare à une feuille morte. Cette comparaison souligne
l’impuissance et la passivité de l’être dont la destinée, aussi tragiquement
fragile que la feuille, est de se déliter dans ses souvenirs et sa douleur.
Prolongement
On pourra faire écouter aux élèves le morceau de Serge Gainsbourg,
« Je suis venu te dire que je m’en vais » (1974) : « Je suis venu te dire
que je m’en vais / Et tes larmes n’y pourront rien changer / Comme
dit si bien Verlaine au vent mauvais ». Il serait intéressant de montrer
comment le changement de pronoms dans la version misogyne et pro-
vocatrice du chanteur peut modifier le sens de la chanson.
Séance 4 > La personnification
Supports : fiche élève 2, p. 35 ; corrigé fiche élève .
Durée : 1 heure.
Déroulement
Cette séance permettra de mieux appréhender les poèmes d’Émile
Nelligan et d’Henri Michaux qui sont fondés sur une personnifica-
tion du violon. Celui-ci se prête particulièrement à cette figure de style
en raison de sa forme susceptible d’évoquer le corps humain et féminin
mais aussi de ses sonorités proches de la voix humaine. Le rapproche-
ment est encore justifié par la complicité qui se noue entre le violoniste et
son instrument. Cette proximité est évidente dans l’expression « premier
violon » qui désigne par métonymie le violoniste le plus important dans
un orchestre.
Prolongement
Il peut être intéressant de présenter aux élèves la célèbre photographie
argentique en noir et blanc de Man Ray, intitulée Le Violon d’Ingres
(1924). Voir la reproduction sur la fiche élève 3 p. 36. Man Ray a joué
avec l’expression « avoir un violon d’Ingres » qui signifie « avoir un
hobby », en souvenir de la passion du peintre Ingres pour l’instrument
de musique. Le violon d’Ingres est personnifié par le modèle féminin
coiffé d’un turban oriental (un clin d’œil aux baigneuses du Bain turc
d’Ingres) auquel le photographe surréaliste voue une passion amou-
reuse. Le cliché illustrera d’ailleurs L’Amour fou (1937) d’André Breton.
Ce rapprochement du corps féminin et du violon illustre le principe de
rencontre insolite et merveilleux, cher aux surréalistes.
Séance 5 > « Le grand violon »
d’Henri Michaux
Supports : le poème de Michaux ; la fiche élève 3, p. 36.
Durée : 1 heure.
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 31
 SÉQUENCE 2 4e
Vibrations poétiques pour un violon
Déroulement
Pour cette séance consacrée à un poème moderne, le professeur aura
intérêt à partir des impressions de lecture des élèves, peut-être déso-
rientés par l’atmosphère absurde et loufoque de conte pour enfants,
l’étrangeté des images surréalistes et la forme du poème en prose.
Il suffira pour ce dernier aspect de signaler la régularité rythmique
(l’anaphore « mon violon », la reprise de la subordonnée relative « que
personne jamais ne »), les allitérations en [b] et [p] (« de tels accents de
panique ou de bébé blessé, perçants, déchirants ») et la succession de
métaphores et de comparaisons sans aucun lien logique.
L’explication de ce texte s’efforcera de mettre en valeur la relation
ambivalente qu’entretient le poète avec son instrument. Si sa relation
au violon est celle d’une intimité complice évoquée avec humour,
l’instrument présente aussi une inquiétante étrangeté et peut être
source d’angoisse. Le plaisir lié à la vitesse et à la légèreté (« bondis-
sant », « au galop », « envolée », « flèche ») contraste avec le déplaisir
associé aux sonorités inquiétantes évoquant la souffrance et avec les
sentiments négatifs éprouvés non seulement par le violon (frustration,
accablement, souffrance, panique) mais aussi par le poète en proie à
l‘inquiétude, au remords et au désespoir. Le professeur pourra suggérer
que la description du « violon-girafe » est une sorte de prétexte pour
l’exploration du moi et des profondeurs de l’inconscient et la réflexion
sur l’art poétique. On fera remarquer que le « violon-girafe » fondé
sur une alliance surprenante de mots est un néologisme, une création
verbale. Autrement dit, loin d’être un simple instrument de musique, le
violon est la création du poète et peut-être le poète lui-même avec son
moi multiple et changeant.
Éléments de corrigé
1. Instrument de musique : « joue », « cordes », « bois », « air »,
« accents ».
Être animé : « râles », « galop », « ventre », « grand cœur », « air de tête »,
« plaintes », « nasillard », « accents de panique ou de bébé blessé ».
2. Le poète éprouve de la complicité à l’égard de son instrument à qui
il donne vie en l’animant. La personnification du violon en fait un être
à part entière, animé par des sentiments changeants.
3. Le violon se caractérise par l’insatisfaction, le chagrin, le mystère
qui le rend indéchiffrable et la souffrance physique et psychologique.
L’animalité de son comportement peut prendre aussi un aspect inquiétant.
4. Le poète signifie le mélange de complicité et de distance qu’il entre-
tient avec son violon. L’aspect tragique vient de la dépendance inexpli-
cable de l’être humain à son instrument, un compagnon individualisé
qui lui ressemble tant.
Pour information
Sur le site Internet de l’ensemble Faenza (www.faenza.fr/produc-
tions-en-cours/salon…/video-2.html.), Bruno Helstroffer, virtuose du
théorbe, improvise sur le poème « Le grand violon » de Michaux.
Prolongement
Voir document en ligne . un tourbillon passionnel dont l’issue nous semble toujours plus lointaine.
32 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
Étape 3
Ouverture et bilan
Séance 6 > Histoire des arts :
la sonate n° 9 de Beethoven
Supports : Beethoven, Sonate n° 9 en La majeur op. 47 à Kreutzer,
Enregistrement Yehudi Menuhin / Wilhelm Kempff (1970) http://youtu.
be/mYBA0d1k9Vw ou http://www.musiclassics.fr/musique-classique/
beethoven-ludwig-van-sonate-pour-violon-et-piano-n-9-en-la-majeur-
op-47-a-kreutzer-oeuvres-interpretations-wid-wid2218.html ; la fiche
Histoire des arts, p. 37.
Objectif : Savoir décrire une émotion.
Durée : 2 heures.
Déroulement
Cette séance se focalisera sur la notion d’émotion en relation avec les
différents arts (musique, littérature, peinture). Faisant partie de la vie
affective, l’émotion se définit comme un trouble bref mais intense de la
sensibilité qui peut se manifester par des réactions physiques. L’émotion
se distingue de l’impression qui est vague et du sentiment qui renvoie
à un état durable.
À partir de la fiche Histoire des arts, on travaillera sur l’écoute de la
sonate.
Écoute
Située dans la seconde période créatrice de Beethoven, celle de la
Symphonie héroïque, cette sonate pour violon et piano se caractérise
par sa longueur (plus de trente minutes) et sa difficulté d’exécution.
C’est l’une des œuvres de musique de chambre les plus célèbres du
compositeur. Elle incarne la transition du classicisme vers le romantisme
et l’aspiration à la libre expression des sentiments de l’artiste, la musique
trouvant souvent son inspiration dans les œuvres littéraires, notamment
du courant Sturm und Drang.
L’évolution instrumentale et l’engouement naissant pour le piano
conduiront à des œuvres qui nécessitent de plus en plus de virtuosité,
dans laquelle les fonctions de chaque instrument sont moins stricte-
ment définies, laissant libre cours aux sentiments et à la libération des
formes anciennes.
Ainsi l’introduction du premier mouvement, qui réapparaîtra à la fin de
celui-ci, le très long développement, véritable joute entre les deux instru-
ments sont une façon nouvelle d’aborder la musique à l’orée du XIXe siècle.
Le caractère tourmenté et contrasté de cette sonate avec son premier
thème énergique, masculin, impatient et son deuxième thème lyrique,
presque suppliant, la sensation de vertige provoquée par les rebondisse-
ments permanents auxquels ils nous soumettent nous entraînent dans

Vibrations poétiques pour un violon
Contexte de composition
Cette sonate fut écrite en deux temps, lors des années 1802-1803, pour
le jeune violoniste George Polgreem Bridgewater et créée à Vienne le
24 mai 1803, avec le compositeur au piano. Mais elle fut finalement
dédicacée au violoniste français Rodolphe Kreutzer que Beethoven avait
rencontré en 1798 à l’ambassade de France. Celui-ci se refusa toujours
à la jouer, la qualifiant d’inintelligible tandis que la presse viennoise
l’accusait de terrorisme musical.
Nuances : Indications d’intensité des sons notées sur une partition pour
permettre à l’interprète de restituer la dynamique voulue par le com-
positeur. Elles sont généralement notées en abréviation au-dessus ou
au-dessous de la portée et correspondent à des termes italiens. Nous
verrons le plus souvent celles-ci :
Très doux Doux Moyennement fort Fort Très fort
pp P mf f Ff
pianissimo piano Mezzo forte forte fortissimo
Crescendo : augmentation progressive du volume sonore.
Decrescendo : diminution progressive du volume sonore.
Sonate : Genre instrumental en vogue lors de la période classique pour
instrument soliste ou petit ensemble. Elle se compose généralement
de trois ou quatre parties appelées mouvements qui portent le plus
souvent des noms italiens indiquant le tempo.
Exemple : Allegro – Adagio – Menuet – Presto ou Rondo.
À partir de Beethoven, le Menuet se transforme en Scherzo (plus
énergique que le Menuet, vestige de la danse gracieuse à trois temps).
Éléments de corrigé
1. Le caractère de cette musique est fortement contrasté, tour à tour
tourmenté ou tendre.
2. Le premier thème est plutôt masculin, le second nettement féminin.
Portrait de Ludwig van Beethoven par Joseph Karl Stieler, 1819.
SÉQUENCE 2 4e
L’un est puissant et nerveux, joué dans une nuance forte, l’autre est
apaisé et alangui, joué dans une nuance piano.
3. Dès l’exposition, le contraste dynamique est très présent. On passe
brutalement d’un état à l’autre, parfois à travers des augmentations et
des diminutions d’intensité.
4. Les deux instruments sont traités à égalité, ce qui est une nouveauté
en ce qui concerne le violon dont la partie est beaucoup plus qu’une
simple mélodie accompagnée.
5. Beethoven utilise l’incipit du premier thème.
6. Beethoven a rajouté une introduction lente, quasi improvisée,
contrairement à Mozart qui débute directement dans le tempo rapide
habituel au premier mouvement. Le mouvement a une durée inhabi-
tuelle. Il garde cependant le plan de la forme-sonate (exposition – déve-
loppement – réexposition), et la reprise de l’exposition.
Joëlle Coudriou
Séance 7 > Réflexion sur la poésie
Support : l’ensemble du corpus.
Objectif : établir un bilan de la séquence à partir d’une étude comparée
des trois poèmes.
Durée : 1 heure.
Déroulement
À partir du tableau que le professeur fera progressivement compléter
en classe par les élèves, il sera intéressant de repérer les ressemblances
et les différences dans le traitement du motif du violon. Au-delà de sa
ressemblance avec la lyre comme instrument à cordes, le violon associé
à un contexte particulier (le soir, l’automne, un concert) se prête à la
poésie lyrique en exprimant l’intensité des sentiments éprouvés par le
moi, en offrant sonorités et rythmes qui contribuent à la musicalité du
poème. Le mot « violon » lui-même suscite un jeu d’assonances et d’al-
litérations en [v] ou [l] et la possibilité presque magique d’une diérèse
(Baudelaire, Verlaine) qui peuvent mimer la vibration de l’instrument.
Mais l’instrument semble être aussi sollicité pour sa capacité à véhiculer
des symboles : le temps qui passe chez Baudelaire, le mal de vivre chez
Verlaine. Le violon suscite enfin des images étonnantes et surréalistes
qui l’associent en le personnifiant au corps féminin (la photographie
de Man Ray) ou à un animal (une girafe dans le poème de Michaux).
Les trois poèmes du corpus ont en commun de mettre en lumière une
composante du langage poétique qui est sa vocation musicale, son
aspiration à rapprocher le poème du chant par des effets rythmiques
et phoniques. Le fait de combiner les sons entre eux et de recourir
à des rythmes singuliers crée une harmonie musicale qui renforce le
sens des mots. Il incombe au langage poétique la mission d’élever vers
l’idéal (Baudelaire), de créer un monde harmonieux en dehors du réel
décevant (Verlaine) ou d’inventer une écriture musicale inédite, capable
de transcrire la vie intérieure entre conscient et inconscient (Michaux).
* Certifié de Lettres modernes, docteur ès Lettres et ès arts du spectacle,
collège Blaise Pascal, Massy (91).
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 33
 FICHE ÉLÈVE 1 SÉQUENCE 2 4e Vibrations poétiques pour un violon
Sonorités et poésie
Définitions
1 La rime est la répétition d’un même son à la fin de plusieurs vers. Les
rimes peuvent être suivies ou plates (AABB), croisées (ABAB) ou embras-
sées (ABBA).
2 Une allitération est la répétition d’un même son de consonne :
« Des cloches tout à coup sautent avec furie. » (Baudelaire) : allitérations
en [k] et [t].
3 Une assonance est la répétition d’un même son de voyelle : « Votre
âme est un paysage choisi / Que vont charmant masques et berga-
masques. / Jouant du luth et dansant et quasi / Tristes sous leurs dégui-
sements fantasques. » (Verlaine) : assonance en [a].
4 Du grec diairêsis, « division », la diérèse consiste à dissocier à la
diction 2 syllabes de deux voyelles (-i- ou -u-) ordinairement confondues :
« Le vi-olon frémit comme un cœur qu’on afflige. » (Baudelaire)
Exercices
1 Retrouvez parmi les mots proposés ceux qui ont été enlevés à la fin
de chaque vers de ce quatrain de Gérard de Nerval. Quelle est la dispo-
sition des rimes ?
Mots proposés : moment – feux – brûler – dernière – bière – tendrement –
Gudule – trémière – tourment – amant – première – cieux – yeux – dieux.
ARTÉMIS
« La Treizième revient… C’est encore la ................................................. ;
Et c’est toujours la seule, - ou c’est le seul ............................................... ;
Car es-tu reine, ô toi ! la première ou .................................................... ?
Es-tu roi, toi le seul ou le dernier ........................................................ ? »
2 Faites correspondre par une flèche les sons avec leur valeur
symbolique ou l’effet produit.
[i] et [y] • • le sifflement
[f] et [v] • • le mépris
[s] et [z] • • le souffle mou et bruyant
[p] et [b] • • le cri et les piaillements
Retrouvez une sélection d’exercices en version numérique.
34 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
3 Repérez les assonances et allitérations en précisant ce qu’elles
évoquent :
a) « Sur la bruyère, infiniment, / Voici le vent / qui se déchire et se
démembre / En souffles lourds, battant les bourgs ; / Voici le vent, / le
vent sauvage de novembre. » (Émile Verhaeren)
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
b) « Le choc avait été très rude. Les tribuns / Et les centurions, ralliant
les cohortes, / Humaient encor, dans l’air où vibraient leurs voix fortes, /
la chaleur du carnage et ses âcres parfums. » (José Maria de Heredia)
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
c) « Voici que décline la lune lasse vers son lit de mer étale. » (Léopold
Sédar Senghor)
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
4 Dans les vers suivants, repérez la diérèse et indiquez l’effet
produit :
a) « Un navire y passait majestueusement » (Alfred de Vigny)
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
b) « Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,/ Envieuse,
s’étend, et s’enfle, et se travaille […] » (Jean de La Fontaine)
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
 Vibrations poétiques pour un violon FICHE ÉLÈVE 2 SÉQUENCE 2 4e

La personnification
Définition : la personnification est une figure de style qui consiste
à évoquer un objet inanimé, une idée ou une abstraction en lui
donnant des traits humains. Elle est proche de la métaphore.
Exemples :
– « Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi tranquille. »
(Charles Baudelaire)
– « Le soleil aussi attendait Chloé, mais lui pouvait s’amuser à faire
des ombres. » (Boris Vian)
L’allégorie est une personnification dans laquelle une réalité
abstraite comme la mort prend une forme concrète (un squelette
avec une faux).

1 « Depuis qu’elle a poussé sa tête rouge à travers les bois et les e) « Telle une chevelure
landes, son ventre de flammes suit ; sa queue, derrière elle, bat les Ses branchages caressent
braises et les cendres. Elle rampe, elle saute, elle avance. » L’onde bien trop impure
Jean Giono, Colline, Grasset. Qui repasse sans cesse » (Tristan Poivre, Vieilles rengaines)
a) Quel élément est personnifié dans cet extrait ?
................................................................................................................
3 Recherchez les mots qui composent la fiche technique d’un
b) Relevez les mots qui permettent cette personnification en les classant violon. Quels sont ceux qui pourraient convenir aussi à un être
selon leur classe grammaticale. humain ?

................................................................................................................ ................................................................................................................
................................................................................................................ ................................................................................................................
................................................................................................................ ................................................................................................................
2 Identifiez la variété d’arbre personnifié dans chaque texte : ................................................................................................................
saule, chêne, platane, pommier, if.
................................................................................................................
a) « L’arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts, ................................................................................................................
Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts. » (Jean de La Fontaine) 4 Vous décrirez un rêve musical dans lequel un violon, un violon-
b) « Gardien des parcs aux allées droites, celle, un alto ou une contrebasse se transforment en êtres
taillé en pions pour des jeux immobiles, humains. Vous pourrez utiliser le vocabulaire technique et spécia-
des parties d’échecs au vent de jardins lisé en privilégiant les termes qui appartiennent aux champs
à la française, lexicaux de la musique et de l’anatomie.
son nom pose une question
................................................................................................................
à l’anglaise » (Brian Boujert, Devinettes et broutilles)
c) « Avec leur écorce de camouflage, ils jouent aux paras le long des ................................................................................................................
nationales, gare aux impudents véhicules qui les affrontent, le combat
................................................................................................................
est trop inégal. » (François Pinge, Ceci n’est pas un poème)
d) « Lorsqu’il passait à vélo, en hiver, le long des vergers de Saint- ................................................................................................................
Martin, il lui semblaient que les … se penchaient les uns vers les autres,
................................................................................................................
se réchauffant leurs bras décharnés au soleil blanc dans un murmure sec
et résigné. » (Maud Bringer, Les hivers à Saint-Martin) ................................................................................................................

NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 35

 FICHE ÉLÈVE 3 SÉQUENCE 2 4e Vibrations poétiques pour un violon

« Le grand violon »
d’Henri Michaux
1 Relevez dans le poème les mots qui évoquent l’instrument de musique et ceux qui renvoient à un être animé et plus précisément à un
animal sauvage .
Instrument de musique Être animé

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................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
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................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................

2 Montrez que le poète entretient une relation intime avec son

instrument de musique.

................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................

3 Relevez les éléments qui suggèrent l’inquiétude et l’angoisse.

................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................

4 Expliquez le dernier vers.

................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................ Le Violon d’Ingres, Man Ray, 1924.

36 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011

 HISTOIRE DES ARTS
Vibrations poétiques pour un violon FICHE ÉLÈVE SÉQUENCE 2 4e

Beethoven, Sonate n° 9 en La majeur

op. 47

YEHUDI MENUHIN. Enregistrement Yehudi Menuhin / Wilhem Kempff (1970) disponible chez Deutsche Grammophon,
Beethoven, Sonates pour piano, « Collection du Millénaire », 2005.
Voir aussi sur Youtube.

1 Écoute l’exposition de la sonate. 4 Écoute attentivement le rôle de chacun des instruments.

Définis le caractère global de cette musique en choisissant
un ou deux adjectifs parmi ceux qui te sont proposés :
gai – tendre – tourmenté – mélancolique – langoureux –
sombre – contrasté – dynamique.
2 Écoute le premier thème (1’24 à 1’45) puis le deuxième
thème (2’27 à 2’57). Lequel des deux te semblerait représenter
le personnage masculin ? le personnage féminin ? Pourquoi ?
................................................................................................................
S’ils représentaient un couple de personnages, l’un aurait-il
le pas sur l’autre ?
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
5 Écoutons le début du développement (4’04).
Lequel des deux thèmes servira de matériau principal ?

................................................................................................................ ................................................................................................................

................................................................................................................ 6 Écoutons un extrait de la 1re sonate pour violon et piano

3 Commente les nuances dans chaque partie de cette de Mozart.
exposition. La sonate se compose généralement de trois mouvements
introduction 1er thème pont 2e thème dont le premier mouvement est de tempo rapide. En quoi
piano p – crescendo – ff forte piano Beethoven bouscule-t-il la forme précédemment établie ?
................................................................................................................ ................................................................................................................
................................................................................................................ ................................................................................................................
................................................................................................................ ................................................................................................................

NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 37

 SÉQUENCE 3 3e

Boris Vian,
la trompette et le jazz
Par Laure Péborde*

Présentation
Boris Vian a touché à de multiples arts : romancier et poète, il fut aussi
ingénieur, traducteur, peintre, sculpteur et surtout parolier, composi-
teur, critique musical et trompettiste. Cette séquence fera découvrir
l’originalité de l’écrivain, soulignant les liens entre son œuvre et le jazz,
sa passion. Les textes étudiés sont consultables sur le site http://www.
livrespourtous.com/ (choisir le format HTML). Des exercices d’écriture
variés permettront aux élèves d’expérimenter les méthodes de l’auteur
et de saisir la complexité de sa prose.

Étape 1
L’univers de Boris Vian
Supports : L’Écume des jours, chap. 1 (le pianocktail) ; extrait d’archives
radiophoniques (http://boris-vian.net/fr/index.htmp) ; La Complainte du
Support : Groupement de textes et d’extraits sonores. progrès ; Le Déserteur ; La Java des bombes atomiques.
Objectifs : Découvrir un auteur emblématique Dominantes : Lecture, recherches documentaires.
du XXe siècle ; savoir analyser son style. Durée : 3 heures.
Durée : 11 heures.
Organisation de la séquence
Séance 1 > Présentations
ÉTAPE 1 : L’UNIVERS DE BORIS VIAN
• Séance 1 : Présentations Durée : 1 heure.
• Séance 2 : Boris Vian et son époque Dominante : Lecture.
• Séance 3 : Un artiste engagé On utilisera 3 documents : L‘Écume des jours (chap. 1), La Complainte
ÉTAPE 2 : LA MUSICALITÉ DE LA PROSE du progrès (sur l’INA), un extrait d’archive radiophonique : présentation
• Séance 4 : Fantaisie verbale de Main Stem de Duke Ellington (sur http://boris-vian.net).
• Séance 5 : Jeux de sons
• Séance 6 : Histoire des arts Question
ÉTAPE 3 : DU JAZZ DANS LA SYNTAXE Après avoir présenté les documents, on posera cette simple question :
• Séance 7 : Rythme et musique que pouvez-vous dire de l’œuvre de Boris Vian ? À partir de leurs
• Séance 8 : Syntaxe et sémantique réflexions transcrites au tableau, les élèves devront par groupes de 3
• Séance 9 : Évaluation finale
ou 4 rédiger une synthèse.
FICHES ÉLÈVE
1. Discours, syntaxe et sémantique Éléments de réponse
2. Lexique : Jouer avec les mots
3. Les sonorités et la phrase (soutien) Romancier et poète, Boris Vian a aussi écrit des chansons, et les a inter-
NB : Les corrigés des fiches élève se trouvent sur le site NRP. prétées. Il fut également trompettiste et critique de jazz. La musique

38 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011


Boris Vian, la trompette et le jazz
est très présente dans son œuvre. Il y règne constamment une fantaisie
verbale faite d’abondants néologismes et de mots-valises. Le quoti-
dien devient merveilleux grâce à une invention langagière étonnante.
Volontiers ironique, parodique et même provocateur, Vian critique la
société sous tous ses angles. Même si elle donne une impression de
simplicité, sa prose est riche, ce qui crée un univers particulier, et offre
une lecture poétique de la société de son époque.
Séance 2 > Boris Vian et son époque
Durée : 1 heure.
Dominante : Recherches documentaires.
Comprendre le contexte culturel dans lequel Vian a écrit rappellera
l’importance du lien littérature / histoire aux élèves. Les exposés pour-
ront être notés, la moitié de la note concernant la prestation orale et la
seconde moitié concernant le contenu.
Ils travailleront sur les thèmes suivants :
– Une biographie de l’auteur (http://www.borisvian.org/)
– Le jazz (http://www.lamediatheque.be/dec/clj/som.htm)
– Saint-Germain-des-Prés et le Paris d’après-guerre (http://fr.wikipedia.
org/wiki/Quartier_Saint-Germain-des-Pr%C3%A9s)
– Les amis et artistes contemporains de Boris Vian
– La Pataphysique (http://expositions.bnf.fr/utopie/pistes/ateliers/
image/fiches/pataphysique.htm)
– Les œuvres de Boris Vian : réception et postérité (http://www.boris-
vian.org/)
Les adresses Internet sont données à titre indicatif. Certaines œuvres
de l’auteur peuvent apporter un autre point de vue, telles L’Écume des
jours (le personnage de Jean-Sol Partre ou la référence au morceau
de jazz « Chloé » de Duke Ellington), Le Manuel de Saint-Germain-
des-Prés (Vian devait écrire un guide touristique) ou tout écrit sur la
musique.
Séance 3 > Un artiste engagé
Durée : 1 heure.
Dominante : Lecture.
Avant d’étudier les liens entre la prose de Vian et la musique, on étu-
diera deux chansons engagées, La Java des bombes atomiques et Le
Déserteur. Les élèves feront une recherche préalable sur le contexte
social lors de la création de ces opus. Ils pourront utiliser le site péda-
gogique suivant : http://lhistgeobox.blogspot.com/
Questions
La Java des bombes atomiques
1. Quel est le sujet traité ? Est-il en adéquation avec le ton et le rythme
de la chanson ?
2. Qui est le narrateur ?
3. Quel est le niveau de langue des mots « flanche », « cagna », « se
dégonfla » ? Pourquoi l’utiliser ?
SÉQUENCE 3 3e
4. Quelle est l’étymologie du mot « cagna » ? Pourquoi Vian introduit-il
cette référence ?
5. Que se passe-t-il à la fin ? Quelle opinion l’auteur a-t-il du gouvernement ?
Le Déserteur
6. Qui est le narrateur ? À qui s’adresse-t-il ? Comment s’appelle ce
genre de texte ?
7. Pourquoi le narrateur écrit-il ? Quels sont ses arguments ?
8. Que va-t-il faire après avoir fermé sa porte ?
9. Le ton est-il le même que dans la chanson précédente ?
10. Comment appelle-t-on l’acte de désertion ?
Prolongement : La notion de désobéissance civile pourra faire l’objet
d’un débat organisé autour de cette question : « Le recours à la déso-
béissance civile est-il encore légitime dans notre société ? »
Éléments de réponse
La Java des bombes atomiques
1. La Java des bombes atomiques est écrite en pleine guerre froide.
Un mouvement de pétition pour l’interdiction de l’arme nucléaire fut
lancé en 1950 (« l’appel de Stockholm »). En réaction à cet appel, les
partisans du bloc occidental réagissent en prônant l’arme atomique
comme meilleur rempart contre la menace communiste. Par cette chan-
son, Vian s’oppose violemment à cette campagne pour l’armement
nucléaire. Ce sujet grave est traité sur un ton léger, avec une mélodie
enjouée. L’auteur utilise l’ironie pour évoquer une situation de tension.
2. Le ton et le vocabulaire sont familiers : c’est un enfant qui parle.
3. Ces mots appartiennent au langage familier. Cela accentue l’idée
que le sujet n’est pas sérieux ; on peut le traiter avec désinvolture.
4. Le terme « cagna » est utilisé en 1914 ; il désigne les abris des poi-
lus. Cette allusion à la Première Guerre mondiale permet d’évoquer les
conséquences tragiques du conflit.
5. Le narrateur fait exploser tous les chefs d’État, il devient chef du gou-
vernement. Le gouvernement est absurde : on peut remplacer « des
tordus » par leur meurtrier.
Le Déserteur
6. Composée à la fin de la guerre d’Indochine et juste avant la guerre
d’Algérie, la chanson du Déserteur, profondément antimilitariste,
évoque la décolonisation. Le contingent ne suffit pas ; il y a des appelés.
Un jeune homme vient d’être mobilisé, il s’adresse au président dans
une lettre ouverte. Censurée, cette chanson – véritable manifeste à
l’insoumission – est devenue un hymne pacifiste.
7. Le narrateur veut déserter. Arguments : il ne veut pas tuer des gens,
sa famille a déjà été durement éprouvée et sa vie a déjà été détruite par
la guerre.
8. Il part sur les routes et incite d’autres à déserter.
9. Cette fois, le ton est solennel, la mélodie est simple. Le narrateur ne
revendique rien : la déclaration laisse ainsi la place aux émotions.
10. La désertion est un acte de désobéissance civile.
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 39
 SÉQUENCE 3 3e
Boris Vian, la trompette et le jazz

Étape 2 3. Il s’agit d’une personnification.

La musicalité de la prose
Supports :
– L’Arrache-cœur ; L’Écume des jours ; La Complainte des bouchers.
– Fiche élève 2 sur le lexique (parties A, B et C), p. 44 ; fiche soutien
(partie A), p. 45.
Dominantes : Écriture, lexique.
Durée : 4 heure 30.
Séance 4 > Fantaisie verbale
Durée : 2 heures.
Dominante : Lexique, écriture.
On utilisera les trois premiers paragraphes de L’Arrache-cœur et le pas-
sage déjà abordé du pianocktail. Les questions porteront sur le lexique
et introduiront un travail d’écriture pouvant être noté.
Questions
L’Arrache-cœur
1. Recherchez les mots « calamine » et « brouillouse ».
a) Que constatez-vous ?
b) Pourquoi l’auteur utilise-t-il ces mots ?
2. a) Cherchez deux comparaisons.
b) Quel est le lien entre comparant et comparé ?
3. « les calamines dont le cœur rouge sombre battait au soleil » ;
« l’écume tremblait » : Quelle est la figure de style utilisée ?
Synthèse : Comment apparaît le paysage décrit par l’auteur ?
« Le Pianocktail »
4. Qu’explique Colin à Chick ?
5. Relevez le champ lexical de la musique. Comment qualifier cette
description ?
6. Quel est le double sens du mot « hot » ? Comment est-il utilisé dans
ce texte ?
7. Cet objet semble-t-il réaliste / réalisable ?
Éléments de réponse
L’Arrache-cœur
1. a) Calamine : ce mot existe (il désigne un résidu charbonneux de la
combustion des gaz) mais ce n’est pas un végétal. Brouillouse : ce mot
n’existe pas, c’est un mot-valise qui associe le verbe brouiller et -ouse,
comme d’autres mots finissant ainsi, tels que « bouse ».
b) « Calamine » rappelle « étamine » (champ lexical de la végétation).
Ce mot évoque quelque chose qui illumine le paysage. « Brouillouse »
s’y oppose, évoquant la bouse. Il y a un contraste à la fois sémantique
et sonore ([a] son ouvert s’oppose à [u] son fermé).
2. a) « comme de l’éponge morte de froid » ; « comme une gelée en
juillet ».
b) Il y a un lien de matière.
Synthèse : Ce paysage est vivant (personnifications), exotique (mots
qui n’existent pas) et contrasté, mélangeant réalisme (falaise en bord
de mer) et imaginaire.
« Le Pianocktail »
4. Colin explique à Chick le fonctionnement du pianocktail.
5. Champ lexical de la musique : pédale forte, trille, quadruple croche,
noire, ronde, harmonies, sol grave. Cette description est très technique.
6. Le mot « hot » est utilisé au sens propre (chaud) et au sens figuré
(jazz hot : jazz très expressif, animé) ; « hot » signifie aussi « attirant »
(sexuellement) et « très épicé ».
7. Bien que la description du pianocktail soit précise, cela semble
impossible de construire cet objet.
Les élèves choisiront ensuite l’un des sujets suivants et prépareront
leur travail grâce à la partie A de la fiche lexique. Le brouillon sera
commenté avant un temps de réécriture. Les réalisations des élèves
pourront être illustrées par un travail mené avec le professeur d’arts
plastiques.
Sujet A : Imaginez un jardin poétique. Vous inventerez des noms de
plantes, d’arbres. Vous utiliserez métaphores, comparaisons et person-
nifications. Vous créerez un paysage contrasté (contraste de forme, de
couleur, de matière...).
Sujet B : Inventez un nouvel instrument en créant un mot-valise et
décrivez son fonctionnement le plus précisément possible, en utilisant
un vocabulaire technique.
Éléments de corrigé
Séance 5 > Jeux de sons
Supports : Boris Vian, Les Joyeux Bouchers ; fiche élève 2 (partie B),
p. 44 ; fiche soutien (partie A), p. 45.
Dominante : Lecture.
Durée : 1 heure.
Ce travail portant sur les sonorités, on écoutera la chanson (sur Deezer
ou Youtube) avant d’en observer le texte.
Questions
1. Cherchez le sens et l’origine du mot « comaques ».
a) À quel niveau de langue appartient-il ?
b) Relevez les autres éléments du texte appartenant à ce niveau de
langue.
2. Observez les rimes. Comment s’organisent-elles ?
3. Quel autre système de répétition l’auteur utilise-t-il dans :
a) le premier couplet ?
b) les vers 7 et 8 ?
4. Que pouvez-vous dire des mots halles / dalle / balle ? Cherchez
d’autres exemples de ce procédé dans la chanson.

40 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011


Boris Vian, la trompette et le jazz
Éléments de réponse
1. « Comaque » vient du provençal comaco signifiant « comme ça ».
Par extension, il signifie « énorme ».
a) C’est de l’argot : registre familier.
b) Autres éléments familiers : les abréviations (« faut qu’ça »,
« t’auras.. »), les expressions (« s’en fourrer plein la dalle »,
« barbaque », « crève »...), le verbe mal conjugué (« ayent »).
2. Les rimes sont croisées dans le refrain et suivies dans les couplets.
3. a) Boris Vian utilise l’anaphore (« faut qu’ça ») et la répétition de
« faut qu’ça saigne ».
b) Les sons [r] et [g] sont répétés. C’est une allitération.
4. Ce sont des paronymes. Il y a aussi : crève / brève, tour / jour,
pète / tête...
Ces observations permettront un rappel sur l’utilisation des sonorités
en poésie puis un exercice sur la paronomase (fiche élève 2, partie B).
Éléments de corrigé fiches élève
Prolongement possible
Séance 6 > Histoire des arts
Supports : La Complainte du progrès, Le Déserteur, Les Joyeux Bouchers
(Deezer ou Youtube), fiche élève histoire des arts, p. 46.
Durée : 1 heure.
À ce stade de la séquence, on peut proposer d’aborder plus directe-
ment une analyse musicale, au cours d’une séance histoire des arts. On
fait travailler les élèves à partir de la fiche Histoire des arts.
Photographie de Boris Vian en 1944.
SÉQUENCE 3 3e
Les chansons de Boris Vian
Boris Vian a écrit environ 500 chansons sous deux angles différents, l’un
engagé, protestataire et provocateur, l’autre ironique, farfelu et léger.
La plupart de ses chansons sont intimement liées au jazz ou parodient
des styles musicaux comme la calypso (danse jamaïcaine au rythme
chaloupé) ou la java. Il abordera également le style du rock à ses débuts
aux côtés d’Henri Salvador (1917-2008).
Dans La Complainte du progrès, qui est une critique de la société de
consommation du début des années 1950, il utilise deux registres : l’un,
tendre dans les couplets, telle une résignation ironique face au chan-
gement des valeurs dont la mélodie est reprise mais transposée dans
l’aigu ; l’autre, presque mécanique dans le refrain qui évoque le caprice
par une énumération d’objets quotidiens sur la répétition de la mélodie.
Les cuivres y sont très présents, le caractère sarcastique est traduit par
des glissandi et des répétitions de notes martelées fortement accen-
tuées. À la fin des couplets, la différence de caractère évoquée dans
le texte entre couplets et refrain se traduit par un ralentissement du
tempo qui rappelle « ça change, ça change ». Boris Vian, farouche anti-
militariste, aborde de façon récurrente la critique des enjeux et consé-
quences de la guerre, dans des chansons telles que Le Petit Commerce,
À tous les enfants, Le Déserteur, et bien entendu Les Joyeux Bouchers.
Les Joyeux Bouchers (1954), chanson strophique basée sur un rythme
de tango, utilise un style de danse qui peut aussi symboliser une lutte
passionnelle entre les deux interprètes. Les cuivres s’en donnent à cœur
joie à travers de nombreux contrechants, les bruits de couteaux que l’on
aiguise tenant lieu de percussion. Parti d’un portrait humoristique des
bouchers, le ton change et s’oriente vers un parallèle avec la guerre (qui
apparaît clairement comme une boucherie) face à laquelle le citoyen n’a
pas de liberté de choix. Le ton joyeux et grinçant de la chanson contraste
avec le mode mineur jusqu’à la conclusion rythmique sur un air de la
légion. Lors de l’allusion aux militaires, le son de la petite flûte fait penser
au mirliton, cet instrument folklorique issu d’Amérique qui est constitué
d’un tube fermé par une membrane, et dont le son nasillard ressemble
au kazoo qui était utilisé dans l’armée mais aussi couramment employé
dans le jazz. Le mot « saigne » est le seul à être énoncé sur une valeur
longue, avec un accent parisien volontairement populaire.
Dans La Java des bombes atomiques (1955), Vian masque la gravité
du sujet (souvenir de la première bombe atomique larguée par les
Américains sur Hiroshima et Nagasaki en 1945 au Japon, passage
de la bombe A à la bombe H) derrière une musique de guinguette
ronflante (la Java est une danse populaire à trois temps jouée dans les
bals musettes, le plus souvent à l’accordéon, exécutée en couple). La
mélodie, constituée d’une succession de notes rapides dans laquelle la
respiration est très courte, semble figurer « la course à l’armement ».
En effet, dans ce contexte de « la guerre froide », il met en scène un
bricoleur du dimanche qui fabrique une bombe atomique. Il rajoute à
sa java des syncopes, procédé rythmique du jazz par excellence. Jouée
dans le mode majeur avec des accords de septièmes et des interventions
sarcastiques des cuivres dans le style de la fanfare, elle n’est pas sans
rappeler la musique militaire. Cette chanson fut publiée en première
page du Canard enchaîné en 1955.
Joëlle Coudriou
Éléments de corrigé
(fiche histoire des arts)
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 41
 SÉQUENCE 3 3e
Boris Vian, la trompette et le jazz

Étape 3 Comment l’auteur construit-il la dimension poétique de son œuvre ? En

prenant le lecteur au dépourvu. On commencera par l’exercice suivant
Du jazz dans la syntaxe prenant appui sur l’incipit de L’Écume des jours (jusqu’à « savonneuses »).

Supports : Vian, L’Écume des jours ; fiche élève 1 p. 43 (parties A et B) ; Exercice

fiche soutien p. 45 (partie B).
Dominantes : Lecture, langue.
Durée : 3 heures 30.
Séance 7 > Rythme et musique
Durée : 1 heure.
Dominante : Lecture
Questions
Ici, le travail portera sur le paragraphe 3 du chap. 32 de L’Écume des
jours. Après relecture, on posera les questions suivantes :
1. Observez les pronoms. Qui parle dans ce passage ?
2. Combien de voix distingue-t-on ?
3. Combien de phrases y a-t-il dans ce paragraphe ? Comment sont-
elles construites ?
4. Que manque-t-il pour rendre le paragraphe facile à comprendre ?
Quel sentiment nous communique la syntaxe ?
5. Comment pourrait-on traduire ce passage en musique ?
Éléments de réponse
1. On observe différents types de narration : une narration à la 3e per-
sonne et un discours (présence de je, vous et nous).
2. Il y a le narrateur, Colin qui pense, Colin qui parle, ceux à qui il s’op-
pose (vous).
3. Dans ce paragraphe, on repère 3 phrases composées de brèves pro-
positions juxtaposées.
4. Il manque les guillemets et les verbes de parole : ces éléments man-
quants indiquent des paroles rapportées.
La syntaxe nous communique un sentiment d’angoisse, d’urgence, de
peur. Le personnage ne réfléchit plus calmement, un flot d’idées et de
pensées le submerge.
5. On pourrait traduire ce passage en un morceau de musique au
rythme rapide, avec des instruments variés qui luttent pour prendre le
dessus au lieu de jouer en harmonie.
Pour travailler sur le rythme de la narration, les élèves s’exerceront à
utiliser le style indirect libre (fiche élève 1, partie A).
Éléments de corrigé
1. Voici des phrases, enrichissez-les selon les indications entre paren-
thèses.
a) Le peigne divisa ses cheveux soyeux en sillons tels ceux que le gai
laboureur trace (+ préposition + groupe nominal complexe).
b) Il attrapa un coupe-ongles et tailla en biseau (+ groupe nominal
complexe).
c) Il était grand, mince avec des jambes minces et très (+ adjectif).
2. Comment avez-vous choisi les groupes que vous avez ajoutés ?
3. Cherchez les phrases semblables à celles de l’exercice dans le texte.
D’où vient leur originalité ?
4. Repérez d’autres groupes de mots dans lesquels l’auteur utilise ce
procédé.
5. a) Relevez en entier le groupe nominal commençant par « aux
sillons ». Comment est-il composé ?
b) Observez la phrase commençant par « il avait la tête ronde... ». La
composition est-elle semblable ?
Synthèse : Quel est l’effet produit par la syntaxe ?
Éléments de réponse
1. Vérifier l’exactitude grammaticale des groupes ajoutés.
2. Les groupes ont été choisis en fonction du sens des mots de la
phrase : leur lien sémantique.
3. L’auteur détourne la sémantique, introduit des éléments qui ont un
rapport éloigné avec le reste de la phrase.
4. Vian utilise également ce procédé dans une autre phrase : il y décrit
le costume de Colin « vert d’eau très profonde » et sa veste de « cal-
mande noisette ».
5. a) « aux sillons que le gai laboureur trace à l’aide d’une fourchette
dans de la confiture d’abricot » : GN + proposition relative.
b) Contrairement à la construction précédente, il y a ici une accumula-
tion de GN brefs (nom + adj.).
Synthèse : Comme le musicien de jazz improvisant sur une mélodie
connue, Boris Vian construit des phrases simples qu’il détourne non du
point de vue syntaxique mais du point de vue sémantique. Il joue sur le
rythme des phrases, variant la longueur des compléments. Le sens se
dilue dans les phrases trop longues et se segmente dans les juxtaposi-
tions : le lecteur doit le reconstituer.
Pour la suite de la séance, on se reportera à la partie B de la fiche
élève 1. Au préalable, un groupe fera réviser le reste de la classe à partir
de la partie A de la fiche soutien.

Séance 8 > Syntaxe et sémantique Éléments de corrigé

Supports : fiche élève1 p. 43 (partie B) ; fiche soutien p. 45 (partie B).
Durée : 1 heure 30.
Séance 9 > Évaluation finale
Dominante : Langue. * Professeur de Lettres modernes.

42 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011

 Boris Vian, la trompette et le jazz FICHE ÉLÈVE 1 SÉQUENCE 3
Discours, syntaxe et sémantique
A. Le style indirect libre
1 Rappels
a) Comment reconnaître le style indirect libre ?
................................................................................................................
................................................................................................................
b) Boris Vian respecte-t-il l’intégralité de cette définition ?
................................................................................................................
................................................................................................................
2 Les phrases suivantes au style indirect libre sont fautives.
Expliquez pourquoi et corrigez-les.
a) Il regarde son père. Qu’il me semble vieux maintenant ! Je n’avais
jamais remarqué avant aujourd’hui qu’il avait le dos courbé.
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
b) Elle marchait rapidement. Elle se disait qu’elle allait être en retard.
C’était gênant pour un premier jour de travail.
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
c) Il faisait la liste dans sa tête. « Des pommes, des tomates, du curry,
du sauté de porc, il ne devait rien oublier. »
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
3 Voici un passage au style indirect.
Assis tranquillement à la terrasse d’un café, il reçut le coup de télé-
phone qu’il attendait tant. Il se demandait s’il valait mieux décrocher
ou rappeler plus tard. Il imaginait que son interlocuteur lui annon-
cerait sur un ton sérieux qu’il avait quelque chose à lui dire. Il réflé-
chissait à ce qu’il allait lui répondre. Il se disait qu’il n’était pas prêt à
recevoir cette nouvelle. L’instant d’après, il changea d’avis et décida
qu’il allait décrocher. C’était trop tard. Le répondeur s’était déclen-
ché. Il réalisa soudain que son message vocal n’était absolument pas
approprié...
a) Réécrivez-le au style indirect libre.
b) Transformez-le à la manière de B. Vian. L’usage du niveau de langue
familier est autorisé.
3e
B. Syntaxe et sémantique
1 Proposez votre propre définition des mots suivants :
Syntaxe :
................................................................................................................
................................................................................................................
Sémantique :
................................................................................................................
................................................................................................................
2 Rompre le lien sémantique
a) Dans l’extrait de poème ci-dessous, donnez la structure syntaxique
des phrases en nommant la nature de chaque groupe.
b) Réécrivez cette description en changeant par des éléments de nature
identique mais en rompant le lien sémantique.
c) Quel nouveau lien avez-vous créé ?
« Son teint est pâle et chaud ; la brune enchanteresse
A dans le cou des airs noblement maniérés [...]
Baudelaire, « À une dame créole », Les Fleurs du mal.
3 Varier le rythme
Il / Elle la / le regarda de haut en bas : le chapeau, les épaules, le ventre,
les jambes et les chaussures.
Réécrivez la phrase ci-dessus :
a) en utilisant des groupes nominaux brefs.
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
b) en utilisant les groupes nominaux les plus longs possible.
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
c) en alternant groupes nominaux brefs et groupes nominaux longs.
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
d) Quel effet cette variation de rythme a-t-elle sur notre perception du
personnage ?
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 43
 FICHE ÉLÈVE 2 SÉQUENCE 3 3e Boris Vian, la trompette et le jazz

Lexique : Jouer avec les mots

A. Néologismes et mots-valises
Étape 1 Quels éléments du paysage / de la machine vais-je
décrire ? ......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
Étape 2 Faire une recherche sur la flore / sur le vocabulaire
technique ......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
Étape 3 Quels mots puis-je inventer à partir de ceux que
j’ai trouvés ? ......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
Étape 4 Quelles figures de style puis-je introduire dans
ma description ? Quels contrastes ? ......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
......................................................................................................................................................
Opinion du professeur avant réécriture : C. La personnification
................................................................................................................
1 Dans les phrases suivantes, soulignez le(s) mot(s) qui
................................................................................................................ suggère(nt) une personnification :
a) « L’Habitude venait de me prendre dans ses bras et me portait
B. La paronomase jusqu’à mon lit comme un petit enfant. » (Proust)
Par groupe de 2 ou 3, cherchez des mots proches phonétiquement (au b) Ma mère alla éteindre la bouilloire qui chantait dans la cuisine.
moins une dizaine) puis écrivez un court texte où vous les employez. c) L’herbe pleine de rosée lui léchait les mollets.
Homophones Paronymes Mots « voisins » d) Cette charmante ondée nous rafraîchit.
ruse e) L’odeur de sa chevelure me parlait d’autres mondes.
f) « [La cigale] alla crier famine / Chez la fourmi sa voisine / La priant de
lui prêter / Quelque grain pour subsister. » (La Fontaine)
ailé
2 Transformez les phrases en introduisant une personnification.
a) Je ne sais pas ce que je vais faire dans l’avenir.
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................ b) Cette famille a vécu de nombreux malheurs.
................................................................................................................ ................................................................................................................
................................................................................................................ ................................................................................................................
................................................................................................................ c) Le soleil illumine un coin de la pièce.
................................................................................................................ ................................................................................................................

44 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011

 Boris Vian, la trompette et le jazz FICHE SOUTIEN SÉQUENCE 3 3e

Les sonorités et la phrase

A. Identifier les sonorités B. Analyser une phrase
Sons identiques 1 Complétez le texte suivant :
Rappels Pour analyser une phrase, on observe les groupes de mots, et on déter-
Il est de forts parfums pour qui toute matière
mine leur ................... et leur ................... . La ................... d’un mot
Est poreuse. On dirait qu’ils pénètrent le verre.
Charles Baudelaire, « Le Flacon », Les Fleurs du mal. reste (presque) toujours la même, tandis que sa ................... change

1 De quoi parle ce poème ? selon le rôle du mot dans la phrase.

2 Nommez toutes les classes grammaticales que vous connaissez
2 Quelle consonne est répétée tout au long de cette strophe ?
et classez-les dans le tableau suivant :
Comment s’appelle cette répétition ?
Mots variables Mots invariables Groupes de mots
3 Quel effet produit cette répétition ?

Après ce qu’il a fait, que saurait-il donc faire ?

Il vous aurait déplu, s’il pouvait vous déplaire.
3 À quoi servent :
Jean Racine, Andromaque.
a) les adverbes ?
4 Quelle voyelle (ou son vocalique) est répétée dans ces vers ?
Comment s’appelle cette répétition ? ................................................................................................................

5 Quel effet produit cette répétition ?

................................................................................................................
b) les prépositions ?
Exercice
................................................................................................................
Dans les vers suivants, repérez les répétitions de sons et nommez-les :
a) « Ses yeux, qui vainement voulaient vous éviter, / Déjà pleins de lan- ................................................................................................................
gueur ne pouvaient vous quitter. » (Racine, Phèdre) c) les conjonctions de subordination / de coordination ?
b) Longue et ronde, la mappemonde ondulait, nous y découvrions des ................................................................................................................
horizons lointains. ................................................................................................................
c) Barbara se pencha et huma le lilas délicat.
4 Dans les phrases suivantes, donnez la classe grammaticale de
d) « Demeurons toutefois pour troubler leur fortune, / Prenons quelque
chaque mot :
plaisir à leur être importune » (Racine, Andromaque)
a) Ce médecin est toujours en retard.
Sons proches
................................................................................................................
Rappels
................................................................................................................
Saison / raison ; affection / infection
b) La musique que j’écoute m’aide à me détendre.
1 Quelle différence y a-t-il dans ces couples de mots ?
................................................................................................................
2 Comment s’appelle ce phénomène ? ................................................................................................................
Exercice
5 Découpez les phrases en groupes dont vous donnerez la classe
Voici deux mots proches, continuez la liste le plus longtemps possible en grammaticale :
ne changeant qu’un son au dernier mot :
a) La prose de Boris Vian est difficile à saisir du premier coup.
a) tasse – casse – ...................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................ b) Poésie et réalisme sont mêlés, chaque lecture fait découvrir un détail
b) pluie – pli – ........................................................................................ que l’on n’avait pas remarqué auparavant.
................................................................................................................ ................................................................................................................
................................................................................................................ ................................................................................................................

NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 45

HISTOIRE DES ARTS
FICHE ÉLÈVE SÉQUENCE 3 3e Boris Vian, la trompette et le jazz

Chansons de Boris Vian

Pochette du disque de Boris Vian, « Le Déserteur », « Fais-moi mal Johnny », « Les Joyeux Bouchers »… Réédité par
Mercury Records (2001).

À la suite du travail fait sur La Complainte du progrès, Le
Déserteur et Les Joyeux Bouchers, vous répondrez aux ques-
tions suivantes.
1 Quel est l’instrument pratiqué par Boris Vian ?
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
2 Vian voyait le jazz à l’origine du renouvellement de la
chanson française. Quels éléments empruntés au jazz
retrouve-t-on dans sa musique ?
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
3 Quels sont les sujets de prédilection abordés dans les
chansons étudiées ?
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
4 Hormis le jazz, quels styles de musique Vian emploie-t-il
dans ces trois chansons ?
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................

46 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011

 FICHE ÉLÈVE ATELIER D’ÉCRITU RE
Jean Tardieu et le sens du dialogue
I. Un mot pour un autre, le contexte
Madame de Perleminouze, très affectée.
Hélas ! Chère ! J’étais moi-même très vitreuse ! Mes trois plus
jeunes tourteaux ont eu la citronnade l’un après l’autre. Pendant
tout le début du corsaire, je n’ai fait que nicher des moulins,
courir chez le ludion ou chez le tabouret, j’ai passé des puits à
surveiller leur carbure, à leur donner des pinces et des moussons.
Bref, je n’ai pas eu une minette à moi.
Jean Tardieu, Un mot pour un autre (extrait), in La Comédie du langage,
Gallimard.
Consignes
– Justifiez le titre de la pièce.
– Remplacez les mots intrus par ceux qui ont pris leur place.
– Expliquez ce qui vous a aidé (dans la structure de la phrase et
l’aspect des termes fantaisistes) à reconstituer un texte ordinaire.
– Imaginez la réplique d’un personnage de votre invention qui
répondrait à Madame de Perleminouze et emploierait, lui aussi, un
mot pour un autre. Ce personnage peut raconter, par exemple, un
accident sans gravité qui lui serait arrivé. Il faut que votre texte soit
compréhensible. Vous jouerez ensuite les deux répliques.
– Que pouvez-vous déduire de la lecture et de l’exercice sur ce
qui nous permet de comprendre un énoncé ?
II. Tics de langage
Monsieur A, avec chaleur.
Oh ! Chère amie. Quelle chance de vous…
Madame B, ravie.
Très heureuse moi aussi. Très heureuse de… vraiment oui !
Monsieur A
Comment allez-vous, depuis que ?...
Jean Tardieu, Finissez vos phrases ! ou une heureuse rencontre (extrait), in La
Comédie du langage, Gallimard.
Consignes
– Justifiez le titre de la pièce.
– Continuez le dialogue amorcé qui doit rester compréhensible
avec l’intrigue suivante.
Monsieur A cherche du travail, Madame B tient un commerce (vous
choisirez de quelle activité il s’agit) et Monsieur A désire qu’elle
l’embauche. Elle hésite d’abord, il finit par la persuader et tous deux
s’accordent sur les conditions (financières et horaires) de cet emploi.
– Citez d’autres tics de langage.
III. Drôle de malentendu
La pièce raconte l’enquête menée par un juge sur un voleur. Le juge inter-
roge Madame Poutre qui lui explique qu’« il » est entré dans sa cuisine.
TOUS NIVEAUX
Le juge
Par où ?
Madame Poutre
Par la fenêtre. Il est entré comme ça, brusquement. Il a fait le
tour de la pièce. Il s’est posé tantôt sur une casserole, tantôt sur
une carafe et puis il est parti comme il était venu !
Jean Tardieu, De quoi s’agit-il ? ou la Méprise (extrait),
in La Comédie du langage, Gallimard.
Consignes
– Justifiez le titre et tentez de répondre à la question qu’il pose.
– Imaginez un dialogue du même type dans lequel un person-
nage parlera de quelqu’un et l’autre de quelque chose. On peut
mettre en scène deux amies dont l’une parle d’un film, d’un livre,
d’un appartement ou de tout autre objet qui permettrait une
confusion, alors que l’autre s’imagine qu’il s’agit de confidences
sur un fiancé.
– Comment s’appelle ce procédé au théâtre ?
IV. Mots inutiles
Madame Pérémère, sans lever les yeux et continuant à tricoter.
Vous êtes bien silencieux, Gustave ? Poil de carotte et riz caro-
line, vous n’êtes pas souffrant, j’espère ?
Monsieur Pérémère
Mais non, mon amie, chiendent, moleskine ! (Avec un soupir)
Mais vous savez, linon, téléphone et bretelle, combien votre silence
me pèse, à la ville comme à la campagne. (Comme en écho atténué).
Jean Tardieu, Les Mots inutiles (extrait), in La Comédie du langage, Gallimard.
Consignes
– Jouez à quatre l’extrait ci-dessus. Deux acteurs liront le rôle de
Madame Pérémère : l’un se chargera des éléments « réalistes »
de la réplique et l’autre ne prononcera que les « mots inutiles ».
Vous ferez de même pour la réplique de Monsieur Pérémère.
– Quel est le sujet de conversation des deux personnages ? En
quoi le texte est-il ironique ?
– Les expressions ou mots suivants sont-ils inutiles : Comment
ça va ? Voilà ! Bon… Euh… Hmm !... Alors, alors… Si on
veut… ? Proposez d’autres mots inutiles réalistes.
– Continuez le dialogue des deux personnages après avoir fait
d’abord une liste de mots inutiles fantaisistes.
– Pourquoi emploie-t-on des mots inutiles ?
V. Réflexion
L’ensemble des œuvres dont vous avez lu des extraits s’appelle
La Comédie du langage.
Justifiez ce titre.
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 47
 FIC HE ENSEIGNANT ATELIER D’ÉCRITURE
Jean Tardieu et le sens du dialogue
Par Édith Wolf*
L’écrivain français Jean Tardieu.
Objectifs
L’œuvre de Jean Tardieu présente un travail
d’écriture qui la situe aux frontières de la poésie
et du théâtre en ce qu’elle propose la réflexion
sur le langage que comporte tout texte poétique
mais qu’elle l’inscrit souvent dans des œuvres
dialoguées. Dans La Comédie du langage, c’est de
la confrontation des répliques, distordues par une
déformation dont la règle est explicitée par le titre
de chaque texte, que surgit l’évidence d’un dys-
fonctionnement et, au-delà, de la nature du fonc-
tionnement du langage dans les échanges entre
les êtres parlants. Le rire du spectateur est le signe
de sa prise de conscience du système proposé qui
déforme et révèle le langage des personnages,
langage qui est aussi celui de la vie ordinaire.
Après chaque pratique d’atelier, on peut
donc proposer sur une notion une réflexion qui
conclura le travail entrepris. C’est cette notion
qui sert de titre aux diverses pistes de correction.
Ces activités peuvent être proposées à toutes
les classes, seul le niveau de la réflexion finale
est à adapter.
Pistes de correction
I. Un mot pour un autre,
la notion de contexte
Voici des propositions acceptables pour l’ex-
trait de Un mot pour un autre. « J’étais moi-
même très malheureuse ! Mes trois plus jeunes
enfants ont eu la varicelle / rougeole… Pendant
tout le début du mois je n’ai fait que préparer
48 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
TOUS NIVEAUX
des tisanes / passer des pommades, courir chez
le médecin ou chez le pharmacien, j’ai passé des
nuits à surveiller leur température, à leur donner
des médicaments et des bouillons. Bref je n’ai pas
eu une minute à moi. »
Certaines ressemblances phonétiques aident à
retrouver les mots ordinaires mais surtout la syn-
taxe (on identifie la nature des mots fantaisistes
parce que les termes syntaxiques sont mainte-
nus) et le contexte (adjectifs : jeunes / tourteaux).
La réflexion portera sur la notion de contexte,
qu’on définira, pour expliquer ce qui a permis
la compréhension du texte, en reprenant des
éléments de la réponse précédente. L’importance
de la capacité à inférer le sens d’un mot par son
contexte dans la pratique habituelle de la lecture
sera soulignée.
II. Les tics de langage,
ou les idiolectes
On fera évoquer, outre la tendance de cer-
taines personnes à ne pas finir leurs phrases, des
habitudes de langage, soit liées à des personnes
(tics), soit à des générations (parler « jeune »),
soit à des zones géographiques (expressions
locales), soit à des coutumes familiales.
Sur ce sujet, on pourra faire lire le passage
irrésistible de Ce que parler veut dire (dans
La Comédie du langage) où le personnage
du professeur analyse l’usage en famille des
« petits mots » destinés aux enfants : « toutou »,
« dada », y compris par des adultes et entre
adultes en présence des enfants (page 59 de
l’édition Folio).
III. Drôle de malentendu,
le quiproquo
Le « personnage » dont parle Madame Poutre
est le soleil.
Le procédé est le quiproquo, qu’on trouve
souvent au théâtre, dans la comédie en particu-
lier (ma cassette / ma fille dans L’Avare) mais qui
est souvent à la base de l’ironie tragique (dans
l’Iphigénie de Racine, la prédiction portant soit
sur Ériphile soit sur Iphigénie), et, d’une manière
générale de tous les oracles ambigus (comme
celui donné à Œdipe).
On peut imaginer d’autres quiproquos : entre
la découverte de la mer et la rencontre d’une
femme, entre l’éloge d’un animal de compagnie
et celui d’un enfant.
IV. Les mots inutiles,
la fonction de contact
Le texte est ironique parce que les person-
nages parlent du silence de l’autre, alors qu’ils
sont tous deux de grands bavards, qui adorent
les mots inutiles.
Les mots inutiles servent à assurer la fonc-
tion de contact du langage : « Euh ! » signale
qu’on veut continuer à parler alors qu’on ne sait
que dire. « Comment ça va ? » n’est nullement
une question mais une manière de rentrer en
contact. Le « alors… alors » qui ponctue les
récits oraux sert à relancer l’attention de l’audi-
teur. Le « Mmm… » permet de signifier qu’on
écoute, etc.
V. Réflexions
La Comédie du langage est une œuvre
comique dont le sujet est le fonctionnement ou
le non-fonctionnement du langage. On peut dire
qu’il s’agit de théâtre mais il n’y a pas d’autre
action que les difficultés ou les particularités des
échanges entre les personnages, on est dans une
comédie « poétique ».
Voici un extrait du préambule de Un mot pour
un autre où l’auteur fait remarquer :
« que nous parlons souvent pour ne rien dire,
que, si, par chance, nous avons quelque chose
à dire, nous pouvons le dire de mille façons
différentes,
que les prétendus fous ne sont appelés tels que
parce que l’on ne comprend pas leur langage… »
VI. Autres suggestions d’atelier
dans l’esprit de Tardieu
A. Dans L’ A.B.C. de notre vie (toujours dans
La Comédie du langage), l’auteur imagine deux
personnages dont l’un se nomme Monsieur
Mot, et l’autre Madame Parole. On pourra de
même imaginer un dialogue entre Monsieur Cri,
Monsieur Discours et Monsieur Murmure, dont
le sujet serait : les trois personnages se disputent
car chacun prétend être plus convaincant que les
autres.
B. On peut, comme l’auteur le fait dans
d’autres œuvres, jouer sur la syntaxe : écrire un
dialogue composé exclusivement d’un échange de
questions, ou de phrases exclamatives. On exigera
que, comme dans les textes de Tardieu, le lecteur
puisse y trouver un sens, et que l’action (!) avance.
C. En élargissant le système de Tardieu sur les
éléments « figés » du langage, on pourra ima-
giner un dialogue entre deux personnages dont
les répliques seront constituées uniquement de
citations empruntées soit à des chansons connues
soit à des textes qu’on donnera (en les choisissant
dans des œuvres non théâtrales de préférence).
On doit aboutir à un dialogue acceptable, avec,
bien sûr, une bonne dose de fantaisie.
* Professeure agrégée de Lettres modernes.
 FICHE ÉLÈVE ANALYSE FILMIQU E 6 e /5 e
Une vie de chat de Jean-Loup Felicioli
et Alain Gagnol (2010)
Après la projection du film, répondez aux questions et aux consignes.
Sur les toits de Paris
1 Qui sont les deux personnages principaux ?
................................................................................................................
................................................................................................................
2 Qu’ont-ils en commun ?
Silhouette : .............................................................................................
Geste : ....................................................................................................
Trait : ......................................................................................................
Couleur : ................................................................................................
Goût : .....................................................................................................
3 À quel moment de la journée se retrouvent-ils ? Pourquoi ?
................................................................................................................
4 Quel genre de musique compose la bande-son ?
................................................................................................................
5 Qu’évoque cette musique ?
................................................................................................................
................................................................................................................
6 Quelles couleurs dominent la séquence ?
................................................................................................................
7 Quelles impressions procurent-elles ?
................................................................................................................
Vaincre sa peur
1 Quels sont les sentiments de Zoé ?
Au début : ..............................................................................................
À la fin : .................................................................................................
2 Quelle relation Zoé et sa mère entretiennent-elles ?
Au début : ..............................................................................................
À la fin : .................................................................................................
................................................................................................................
3 Comment Zoé et Jeanne sont-elles placées ?
Dans la cuisine au début : ......................................................................
................................................................................................................
Dans la dernière séquence : ...................................................................
................................................................................................................
4 Citez au moins trois choses que Zoé retrouve à la fin.
................................................................................................................
................................................................................................................
Le sauvetage de Zoé
1 Où se trouve Zoé ?
................................................................................................................
2 Où se trouvent les gangsters ?
................................................................................................................
3 Quelle ruse utilise Nico pour sauver Zoé ?
................................................................................................................
4 Que se passe-t-il alors dans l’image ?
................................................................................................................
5 Qui y voit ?
................................................................................................................
6 Qui n’y voit pas ? ...........................................................................
7 Qui voit ce que le spectateur voit ?
................................................................................................................
Face au Colosse
1 Où se trouve Victor Costa dans la séquence finale ?
................................................................................................................
2 Trouvez au moins trois choses grandes dans cette séquence.
................................................................................................................
................................................................................................................
3 À quel moment Costa voit-il le Colosse ? Pourquoi ?
................................................................................................................
4 Qu’est-ce qui évoque l’enfance ?
Décor : ...................................................................................................
Mouvement : .........................................................................................
Position : ................................................................................................
5 À quels personnages cinématographiques le Colosse fait-il
penser ?
................................................................................................................
................................................................................................................
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 49
 FICHE ENSEIGNANT ANALYSE FILMIQUE
Une vie de chat de Jean-Loup Felicioli
et Alain Gagnol (2010)
Par Marie Pierre Lafargue*
Sur les pas du chat
Petit dernier du studio Folimage1, Une vie
de chat aurait pu n’être qu’une histoire d’au-
jourd’hui, l’histoire tristement banale de la petite
Zoé emmurée dans le silence depuis la mort de
son père. Mais c’était sans compter sur Dino, son
chat noctambule, et sur l’imagination d’Alain
Gagnol dont le scénario entraîne le parcours
de guérison de Zoé vers les lieux aventureux du
polar. Sur les pas du chat, la fillette croise Nico,
le voleur au grand cœur, et affronte le gangster
Victor Costa. Elle se lance dans une aventure
fantaisiste que le trait doux et lumineux de Jean-
Loup Felicioli colore d’une grande tendresse,
pansant les plaies de l’âme à coups de crayon et
de notes de jazz.
Sur un air
de Billie Holiday…
Une vie de chat est à la croisée de différents
films et genres cinématographiques et résulte de
nombreuses influences graphiques, musicales et
littéraires. L’analyse de la première virée nocturne
de Dino et Nico sur les toits de Paris puis du
cambriolage témoigne particulièrement de cette
richesse plastique qui irrigue le film (3)2.
Véritable condensé de cinéma, cette séquence
mêle l’hommage au film noir à travers ses deux
figures de voleurs, l’ambiance nocturne et le
décor urbain à un univers plus onirique peuplé
d’ombres, de masques et de somnambules et
dont la lune serait la gardienne. Outre cette
ascendance cinématographique, la palette et le
style graphique du film puisent autant dans la
bande dessinée que dans la tradition picturale
classique. Durant leur promenade, Dino et Nico
glissent le long des fenêtres ouvertes et sur-
prennent fêtards éméchés et joueurs de poker.
Le trait naïf qui rappelle celui de Loustal ainsi
que la matité douce des coloris proches des
pastels de Matotti créent l’atmosphère sensuelle
de cette nuit d’été pleine d’interdits. Avec sa
silhouette longiligne et son visage ovale, Nico
semble tout droit sorti d’un Modigliani tan-
dis que sa souplesse aérienne évoque l’univers
de Folon. Plus loin, le visage du somnambule
emprunte à Picasso sa forme cubiste et son goût
pour les masques africains tandis que les amon-
cellements urbains de Schiele se retrouvent dans
les plans larges de Paris et que les couleurs de
Matisse emplissent le ciel.
50 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
6 e /5 e
Du point de vue littéraire, et même si l’élégance
du voleur au chat fait penser à un autre gentle-
man cambrioleur né des romans de Maurice
Leblanc, c’est la représentation de Paris qui est la
plus évocatrice. Paris d’Eugène Sue avec ses murs
et ses toits de guingois, ses constructions qui
saturent l’espace et cachent tant de mystères…
Paris de Boris Vian avec son air de fête et ses
enseignes d’hôtel qui éclairent la nuit…
Enfin, après les images, les sons et les musiques
composent une bande-son tout aussi métissée. Le
jazz s’accordant parfaitement à l’ambiance du film
noir, c’est la voix mélancolique de Billie Holiday qui
accompagne le trajet du chat jusqu’à la maison de
son complice puis qui suit les deux monte-en-l’air
de toit en toit sur l’air de « I wished the moon ».
Cette chanson exprime d’emblée la double tona-
lité d’un récit qui ajoute aux motifs énergiques
du polar une tonalité plus lyrique, secrète et
douloureuse comme le chagrin de Zoé. Pendant
le cambriolage monte la musique originale com-
posée par Serge Besset. Mystérieuse et ample, elle
apporte à la fois le suspense et la tension propres
au polar et le souffle épique qui fait d’un chat,
d’une fillette et d’un généreux voleur des héros
plus grands que nature.
Le travail du deuil
Sous la fantaisie, Une vie de chat cache la
blessure de Zoé et de sa mère Jeanne, également
touchées par la mort de leur père et mari. En
suivant l’enquête et les péripéties du polar, le film
accompagne Zoé et Jeanne dans le douloureux
travail du deuil qui les mène aux confins d’elles-
mêmes, face à la peur et au manque.
L’analyse comparée des rapports mère-fille
au début, lors de la séquence du déjeuner (2) et
dans la séquence finale et l’épilogue (11) traduit
nettement l’évolution de ce parcours intime.
Installées face à face à chaque bout de la table de
la cuisine, séparées physiquement par la vaisselle,
la nourriture et le mobilier autant que, symboli-
quement, par le mutisme de Zoé et les obliga-
tions professionnelles de sa mère, l’absence du
père a considérablement éloigné Zoé de sa mère.
Et les motifs de cœur qui parsèment le carrelage
de la cuisine semblent se perdre dans le décor un
peu terne et ne font pas le poids face aux lames
grises des couteaux.
Dans l’adversité, Zoé retrouve la parole, signe
que le travail de deuil s’accomplit et que la fillette
retourne à la vie. Au terme de l’aventure, mère
et fille se retrouvent suspendues ensemble sur le
bras de la grue, dominant Notre-Dame et Paris
comme elles ont su dompter leur ennemi et leurs
peurs. Les derniers plans du film insistent sur cette
union reconquise, les rassemblant encore dans le
décor chaleureux de l’appartement sur un canapé
moelleux à côté d’un sapin de Noël étincelant
tandis qu’à l’extérieur la neige a recouvert Paris
d’un épais manteau ouaté. Entre elles, un nou-
vel homme incarne le lien manquant : Nico, le
voleur si léger et si souple qu’il a su glisser de ses
anciennes habitudes à la place d’un père retrouvé.
Les extravagances
de l’animation
Pour conclure sur la force poétique du cinéma
d’animation, retenons deux très belles séquences
où trait, forme, rythme et son s’allient pour
exprimer l’invisible.
Il ne tient qu’à un fil le sauvetage périlleux et
délicat de Zoé par Nico et Dino dans la planque
des gangsters à la faveur du noir (10). Et c’est jus-
tement un fil qui l’exprime, une fine ligne blanche
qui dessine les silhouettes sur le fond noir opaque
tandis que les voix de ceux qui n’y voient rien
récriminent et se heurtent, à peine frôlées par les
chuchotements et les pas de velours du voleur et
du chat à qui appartient la nuit.
Colossal au contraire est le désir de puissance
de Victor Costa. Le film donne corps à sa déme-
sure en l’érigeant au sommet de Notre-Dame puis
sur la grue, en plein ciel. Mais l’outrance du tyran
est souvent signe de régression : Costa se retrouve
dans son espace intérieur, en train de se balancer
comme un enfant (à califourchon sur un câble) au
milieu des étoiles. Le film projette alors l’image
de son fantasme : le colosse qui, enjambant Paris,
vient à sa rencontre et avec lequel, dans sa chute
mortelle, il va enfin parvenir à se confondre (11).
* Intervenante cinéma en milieu scolaire.
1. Créé en 1981 par Jacques-Rémy Girerd et spécialisé
dans la réalisation de films image par image, le studio
Folimage s’est d’abord fait connaître par ses productions
de séries télévisées et de courts métrages ludoéducatifs.
Aujourd’hui, installé depuis 2009 dans une ancienne car-
toucherie près de Valence dans la Drôme, Folimage est
devenu le principal lieu de création de films d’animation
en France, courts métrages (L’Enfant au grelot ; Patate ;
4,5,6 Mélie Pain d’épice) et longs métrages (La Prophétie
des grenouilles ; Mia et le Migou) confondus. Folimage
a aussi fondé une école, « La Poudrière », et une unité
pédagogique, « L’Équipée », qui sillonne la France pour
développer la pratique amateur du cinéma d’animation.
2. La numérotation correspond au chapitrage du film.
 FICHE ÉLÈVE GRAMMAIRE POUR L’ORTHOGRAPHE
L’attribut du sujet
1 Déterminez la fonction du groupe souligné : COD ou attribut.
a) Les fortes pluies ont inondé la ville.
................................................................................................................
b) Sa maison deviendra un lieu touristique.
................................................................................................................
c) Anne a acheté des chaussures trop petites, elle me les a don-
nées.
................................................................................................................
d) La Neva est une rivière.
................................................................................................................
e) La Chine a ouvert ses frontières.
................................................................................................................
f) Sa voiture paraît neuve.
................................................................................................................
g) Les ouvriers ont enfin quitté leur chantier.
................................................................................................................
h) Dans quelques années, cette passerelle sera dangereuse.
................................................................................................................
2 Dans les phrases suivantes, on a souligné le sujet du verbe.
Recopiez l’attribut sans oublier de mots et en prenant garde à
l’orthographe.
a) Cette actrice est désormais célèbre.
................................................................................................................
b) Les avions paraissent minuscules dans le ciel.
................................................................................................................
c) Les plages étaient désertes dès les premiers jours de sep-
tembre.
................................................................................................................
d) Ce boulanger passe pour le meilleur de la ville.
................................................................................................................
e) Durant toute la cérémonie, les enfants sont restés parfaite-
ment silencieux.
… ............................................................................................................
3 Ajoutez un adjectif attribut en l’accordant avec le sujet.
a) Pour parvenir à son château, la route est ...................................
et ......................................................................................................... .
b) Leurs propositions pour la construction d’une déviation ont
l’air ........................................................................................................
6e Série 2 : Le verbe et son sujet,
les attributs
c) Ces cerises ne paraissent pas ...................................................... .
d) Quand elle avança vers le prince, la princesse parut ...................
................................................................................................................
e) Depuis leur déménagement, Mathilde et sa sœur semblent
................................................................................................................
4 Poser la question qui convient en employant le pronom quel /
quelle / quelles / quels.
Ex. : Ma note est 12. K Quelle est ta note ?
a) Ma maison est celle du milieu.
................................................................................................................
................................................................................................................
b) Mon fils a 12 ans.
................................................................................................................
................................................................................................................
c) Les points cardinaux sont l’est, l’ouest, le nord et le sud.
................................................................................................................
................................................................................................................
d) Ma confiture préférée est celle à la rhubarbe.
................................................................................................................
................................................................................................................
5 Employez chacun des adjectifs suivants dans une phrase où il
sera attribut du sujet.
Satisfait, terrifié, neuf, féroce, nécessaire.
a) ...........................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
b) ...........................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
c) ............................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
d) ...........................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
e) ...........................................................................................................
................................................................................................................
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 51
 FICHE ENSEIGNANT GRAMMAIRE POUR L’ORTHOGRAPHE
L’attribut du sujet
Par Claire Beilin-Bourgeois et Laurence Gomez*
Présentation
Nous proposons cette fiche d’exercice pour
des élèves de 6e, afin d’approfondir cette notion
déjà vue à l’école élémentaire. Il s’agit d’abord de
bien différencier l’attribut du complément d’ob-
jet, et de ne pas oublier l’accord de l’adjectif avec
le nom dont il est séparé par un verbe.
Mise en œuvre
Après celle sur les compléments du verbe,
cette leçon permet de bien différencier l’attri-
but sur le plan sémantique. On peut partir des
phrases suivantes :
a) Le Dr Dubois est dans son cabinet. / Le
Dr Dubois est un excellent dentiste.
b) Les personnages costumés paraissent enfin
sur la scène. / Les personnages costumés paraissent
surréels.
Il s’agit de montrer la nature de la relation
entre l’attribut et le sujet : équivalence ou pro-
priété. Un dessin peut être utile : le même dessin
représente le Dr Dubois et le dentiste, ce qui
n’est évidemment pas le cas pour le Dr Dubois
et son cabinet.
Ces exemples permettent de montrer que
l’attribut peut appartenir à des classes gramma-
ticales différentes. L’accent dans les exercices est
mis sur l’orthographe de l’adjectif attribut.
Prolongements
Après avoir appris la liste des verbes attribu-
tifs, les élèves décrivent un candidat fictif à l’élec-
tion présidentielle. Ils le présentent en employant
le plus grand nombre de verbes possible.
Éléments pour la leçon
Définition et caractéristiques
L’attribut du sujet présente une étroite relation
de sens avec le sujet dont il représente un aspect
ou une qualité. Cette relation de sens se fait par
l’intermédiaire d’un verbe, le plus souvent du
type être (verbes attributifs).
Ex. 1: La baleine est un mammifère.
Ex. 2 : Sa lettre est gentille.
L’attribut du sujet n’est ni déplaçable ni
supprimable. Il fait partie de la phrase mini-
male. Il s’accorde avec le sujet, dans la plupart
des cas, en fonction de l’usage et du sens.
Ex. : L’été, les soirées sont plus animées.
Un nombre limité de verbes appellent un
attribut : le verbe le plus courant est être, mais il
y a aussi les verbes d’état qui donnent l’idée
d’apparence ou désignent une propriété du
52 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
6e
sujet : sembler, devenir, paraître, rester, avoir
l’air, demeurer, ainsi que être considéré comme,
être pris pour, être regardé comme, être réputé,
être tenu pour, passer, passer pour, rester, se
montrer, se trouver.
Ex. : Ces travailleurs semblent infatigables.
À ces verbes s’ajoutent ceux qui définissent,
désignent, identifient : être appelé, être choisi
pour, être créé, être désigné pour, être dit, être
élu, être fait, être jugé, être nommé, être pro-
clamé, être traité de, s’appeler, se nommer.
Ex. : Sa sœur s’appelle Hélène.
La classe grammaticale
de l’attribut
L’attribut est souvent un adjectif qualificatif. Il
peut aussi être un groupe nominal : nom com-
mun, nom propre ou pronom. Puisqu’il est un
équivalent ou une propriété du sujet, il s’accorde
en genre et en nombre avec lui.
– Un adjectif : Cet appartement est petit, mais
pratique.
– Un groupe nominal : Son père est comp-
table, sa mère infirmière.
Le nom est dans ce cas souvent privé de
déterminant.
– Un nom propre : La capitale du Canada est
Ottawa.
– Un pronom : Est-il heureux ? Il l’est depuis
qu’il a rencontré Alice.
Remarques :
Si l’attribut se rapporte à plusieurs noms
coordonnés, il se met au pluriel.
Si l’attribut est un pronom, il y a accord
en genre et en nombre lorsque le pronom est
variable : Quels sont ses films ? Laquelle est ta
voiture ?
Si l’attribut est un adverbe, il n’y a pas d’ac-
cord puisque l’adverbe est invariable : Les enfants
seront ensemble pendant tout le voyage.
C’est le cas aussi de bien, mal, mieux.
Corrigé des exercices
1 Déterminer la fonction du groupe
souligné : COD ou attribut
a) Les fortes pluies ont inondé la ville : COD. –
b) Sa maison deviendra un lieu touristique :
attribut. – c) Anne a acheté des chaussures trop
petites, elle me les a données : COD. – d) La Neva
est une rivière : attribut. – e) La Chine a ouvert
ses frontières : COD. – f) Sa voiture paraît neuve :
attribut. – g) Dans quelques années, cette passe-
relle sera dangereuse : attribut. – h) Les ouvriers
ont enfin quitté leur chantier : COD.
Série 2 : Le verbe et son sujet,
les attributs
2 Recopier l’attribut sans oublier de
mots et en prenant garde à l’orthographe
a) Cette actrice est désormais célèbre. –
b) Les avions paraissent minuscules dans le
ciel. – c) Les plages étaient désertes dès les
premiers jours de septembre. – d) Ce boulanger
passe pour le meilleur de la ville. – e) Durant
toute la cérémonie, les enfants sont restés par-
faitement silencieux.
3 Ajouter un adjectif attribut en l’accor-
dant avec le sujet
a) Pour parvenir à son château, la route est
sinueuse et dangereuse.
b) Leurs propositions pour la construction
d’une déviation ont l’air acceptables.
c) Ces cerises ne paraissent pas mûres.
d) Quand elle avança vers le prince, la prin-
cesse parut troublée.
e) Depuis leur déménagement, Mathilde et sa
sœur semblent inquiètes.
4 Poser la question qui convient en
employant le pronom quel / quelle / quelles /
quels
a) Quelle est votre maison ? – b) Quel est
l’âge de votre fils ? – c) Quels sont les points car-
dinaux ? – d) Quelle est ta confiture préférée ?
5 Employer chacun des adjectifs dans
une phrase où il sera attribut du sujet.
a) Les spectateurs ont semblé satisfaits. – b) Il
fut terrifié à l’annonce d’un nouveau tremble-
ment de terre. – c) Sa valise paraît pourtant
neuve. – d) Les vautours se montrent féroces s’ils
ont affamés. – e) Des recherches complémen-
taires ne paraissent pas nécessaires.
Dictée
Le perroquet de Félicité
Il occupait depuis longtemps l’imagination
de Félicité – car il venait d’Amérique et ce
mot lui rappelait Victor, si bien qu’elle s’en
informait auprès du nègre. Une fois même elle
avait dit : « C’est Madame qui serait heureuse
de l’avoir ! » Le nègre avait redit le propos à
sa maîtresse, qui, ne pouvant l’emmener, s’en
débarrassait de cette façon.
Il s’appelait Loulou et son corps était vert, le
bout de ses ailes rose, son front bleu et sa gorge
dorée.
Gustave Flaubert, « Un cœur simple »,
Trois Contes.
* Professeurs de Lettres.
 FICHE ÉLÈVE GRAMMAIRE POUR L’ORTHOGRAPHE 5e Série 2 : Le verbe et son sujet,
les attributs

Voix active et voix passive

Exercices de transformation
1 Transformez les phrases suivantes à la voix active
a) Ses premiers tableaux se vendirent bien.
................................................................................................................
b) Les enfants seront récompensés par leurs parents.
................................................................................................................
c) Cette personne était traversée par une seule idée : faire le tour
du monde.
................................................................................................................
d) Les invités sont surpris par cette averse.
................................................................................................................
e) Je souhaite que ce meurtrier soit enfin attrapé par la police.
................................................................................................................
f) Toute sa vie, il aura été poursuivi par son passé.
................................................................................................................
2 Transformez les phrases suivantes à la voix passive
a) Les ministres louaient et trompaient toujours le bon roi.
................................................................................................................
b) Cet enfant fut détesté par tout le monde.
................................................................................................................
c) Le garagiste répara mon véhicule rapidement.
................................................................................................................
d) Un chirurgien l’avait opérée : elle avait retrouvé sa bonne
mine.
................................................................................................................
e) Ce concert sera un succès : la foule t’applaudira.
................................................................................................................
c) Il est sorti.
................................................................................................................
d) Il est battu.
................................................................................................................
2 Réécrivez les verbes au temps et à la voix indiqués
a) Retenir : subjonctif / passif K ............................................................
b) Convoquer : conditionnel passé / passif K ........................................
c) Partir : futur antérieur / actif K ..........................................................
d) Être : impératif / actif K ....................................................................
Stylistique
1 Dans le texte suivant, soulignez en bleu les verbes à la voix
active et en rouge les verbes à la voix passive. Vous expliquerez
pourquoi l’auteur choisit la voix passive.
« Les bruits les plus divers et les plus inattendus purent bien frapper
son oreille inattentive, elle n’y prit garde. Elle était dominée par une
seule idée : s’enfuir ; elle était occupée d’un seul but : rompre ou des-
serrer et quand elle se vit entourée d’une haie fantastique d’humains,
elle ne sut jamais comment avait pu grandir cette horde formidable
d’ennemis. »
D’après Louis Pergaud, De Goupil à Margot.
2 Vous possédez un objet que vous aimez particulièrement.
Imaginez que cet objet vous raconte son histoire. Vous alternerez
les tours actifs et passifs. Votre texte n’excèdera pas une dizaine
de lignes.
................................................................................................................
................................................................................................................

3 Dans les phrases suivantes, soulignez les compléments d’agent. ................................................................................................................

Attention, on peut les confondre avec d’autres compléments. ................................................................................................................
................................................................................................................
a) Je suis surpris par ce qu’il se passe.
................................................................................................................
b) Cette décision a été prise par un beau soir d’été.
c) Le repas fut apprécié de tous. ................................................................................................................
d) Il s’était souvenu de ses vacances en Bretagne. ................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
Exercices de conjugaison
................................................................................................................
1 Indiquez la voix et le temps des verbes dans les phrases sui-
................................................................................................................
vantes
a) Il était trompé. ................................................................................................................

................................................................................................................ ................................................................................................................
b) Il était venu. ................................................................................................................
................................................................................................................ ................................................................................................................

NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 53

 FICHE ENSEIGNANT GRAMMAIRE POUR L’ORTHOGRAPHE 5e Série 2 : Le verbe et son sujet,
les attributs

Voix active et voix passive

Par Claire Beilin-Bourgeois et Laurence Gomez

Présentation B. Le verbe à la voix passive se conjugue à Exercices de conjugaison

tous les temps avec l’auxiliaire être. C’est donc
En 5e, cette fiche complète une leçon de le temps de l’auxiliaire qui est celui du verbe à 1 Indiquez la voix et le temps des verbes
grammaire sur le verbe. Elle permettra aux élèves la voix passive. dans les phrases suivantes
de bien maîtriser les accords avec l’auxiliaire C. Si le sujet de la phrase à la voix active a) Il était trompé : verbe « tromper » à l’im-
être, de ne plus confondre le passé composé de est on, il n’est pas exprimé à la voix passive et parfait de l’indicatif. Voix passive.
la voix active et le présent de la voix passive, et inversement. b) Il était venu : verbe « venir » au plus-que-
de reconnaître quelques enjeux stylistiques liés parfait de l’indicatif. Voix active.
à l’emploi de la voix active et de la voix passive. c) Il est sorti : verbe « sortir » au passé com-
Corrigé des exercices posé de l’indicatif. Voix active.
Mise en œuvre d) Il est battu : verbe « battre » au présent de
Exercices de transformation l’indicatif. Voix passive.
On commencera par des exercices de trans-
formation passive de phrases données à la voix 2 Réécrivez les verbes au temps et à la
1 Transformez les phrases suivantes à la
active. voix indiqués
voix active
Ex. : Les convives apprécièrent le repas. a) Retenir : subjonctif/passif K sois retenu.
a) On vendit bien ses premiers tableaux. –
K Le repas fut apprécié des convives. b) Convoquer : conditionnel passé/passif K je
b) Leurs parents les récompenseront. – c) Une
On soulignera la construction du présent pas- serais convoquée.
seule idée traversait cette personne : faire le
sif (être + participe passé). c) Partir : futur antérieur/actif K je serai parti.
tour du monde. – d) Cette averse surprend les
Cet exemple montre aussi que dans ce cas le d) Être : impératif/actif K sois.
invités. – e) Je souhaite que la police attrape
complément d’agent n’est pas obligatoire : Le enfin ce meurtrier. – f) Toute sa vie, son passé
repas fut apprécié. l’aura poursuivi.
La voix passive permet donc de mettre l’accent Stylistique
sur le complément d’objet et de « faire des- 2 Transformez les phrases suivantes à la
cendre » le sujet dans la phrase. voix passive 1 L’auteur choisit la construction passive car
a) Le bon roi était loué et trompé par les il veut insister sur le personnage qui subit l’action
ministres. – b) Tout le monde détesta cet et qui semble dépassé par ce qui se produit.
Leçon enfant. – c) Mon véhicule fut réparé rapidement
par le garagiste. – d) Elle avait été opérée par un
A. Le verbe est à la voix ou forme active quand
le sujet fait l’action exprimée par le verbe.
chirurgien : elle avait retrouvé sa bonne mine. – Dictée
e) Ce concert sera un succès : tu seras applaudi
Ex. : Ils montèrent dans la voiture et s’enfuirent. Aux deux fenêtres, étaient drapés des rideaux
par la foule.
Le verbe est à la voix ou forme passive quand en gros de Tours rouge, relevés par des cordons
le sujet subit l’action exprimée par le verbe. Dans 3 Soulignez les compléments d’agent de soie à glands d’église. Cette luxueuse déco-
ce cas, il peut être accompagné d’un complé- a) Je suis surpris par ce qu’il se passe. ration, si peu en harmonie avec les habitudes
ment d’agent introduit par les prépositions de c) Le repas fut apprécié de tous. de Grandet, avait été comprise dans l’achat de
ou par qui indique qui fait l’action. NB : Il n’y a pas de complément d’agent dans la maison, ainsi que le trumeau, le cartel, le
Ex. : Ils furent rattrapés par la police. les phrases b) et d). meuble en tapisserie et les encoignures en bois
de rose. Dans la croisée la plus rapprochée de la
Actif Passif porte, se trouvait une chaise de paille dont les
pieds étaient montés sur des patins, afin d’élever
Présent Il attrape Il est attrapé Madame Grandet à une hauteur qui lui permît
Imparfait J’attrapais J’étais attrapé
de voir les passants.
Honoré de Balzac, Eugénie Grandet.
Futur Tu attraperas Tu seras attrapé
Passé simple Nous attrapâmes Nous fûmes attrapés
Passé composé Ils ont attrapé Ils ont été attrapés
Plus-que-parfait Vous aviez attrapé Vous aviez été attrapés
Passé antérieur J’eus attrapé J’eus été attrapé
Futur antérieur Tu auras attrapé Tu auras été attrapé
Infinitif Attraper Être attrapé
Conditionnel Nous attraperions Nous serions attrapés
Subjonctif présent Qu’il attrape Qu’il soit attrapé
Impératif Attrape Sois attrapé

54 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011

 FICHE ÉLÈVE GRAMMAIRE POUR L’ORTHOGRAPHE
Les accords complexes sujet / verbe
1 Accordez le verbe (il sera au présent)
a) Les sculptures du musée Rodin me (plaire) beaucoup.
................................................................................................................
................................................................................................................
b) Les cuisiniers engagés pour la préparation du festin (arriver) sur
les lieux.
................................................................................................................
................................................................................................................
c) L’un et l’autre (partager) le butin.
................................................................................................................
................................................................................................................
2 Accordez le verbe en respectant la concordance des temps
a) Le parlement a fini par voter la loi que (contester) les sénateurs.
................................................................................................................
................................................................................................................
b) Je regardais les voiliers que (menacer) la tempête.
................................................................................................................
................................................................................................................
3 Avec la locution c’est … que
a) Ce n’est pas toi qui (aller) dire le contraire.
................................................................................................................
................................................................................................................
b) C’est moi qui (passer, futur) la première.
................................................................................................................
................................................................................................................
c) Ce sont ces médecins qui (découvrir) le virus.
................................................................................................................
................................................................................................................
4 Quand le sujet est une fraction
a) Le tiers des candidats (avoir, imparfait) moins de seize ans.
................................................................................................................
................................................................................................................
b) Nous pensons que les trois quarts du pays (subir, futur) les
conséquences du tremblement de terre.
................................................................................................................
................................................................................................................
c) La moitié des maisons (être, présent) en bois.
................................................................................................................
................................................................................................................
4e Série 2 : Le verbe et son sujet,
les attributs
5 Accordez le verbe quand le sujet est un pronom indéfini ou
un nom précédé d’un adjectif indéfini
a) Chacun (pouvoir, imparfait) ................................ entrer à l’inté-
rieur du château et la plupart le (faire, imparfait) ................................ .
b) Personne ne (comprendre) .......................................................... ;
mais tous (rester) ...................................................................... muets.
c) Tout citoyen (devoir, présent) ..........................................................
dans ce cas recourir au tribunal administratif.
d) Dans ce jeu, chaque tour (permettre, présent) ................................
de récupérer douze points.
6 Construisez trois phrases sur chacun des modèles suivants
a) Un sujet est commun à plusieurs verbes :
– Chaque jour, les comédiens de la troupe ............................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
– Des vents violents ................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
– Un matin de juillet, le jeune garçon ....................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
b) La phrase contient un complément circonstanciel et le sujet
est inversé :
Modèle : Au fond de la forêt, vivait un vieil ermite.
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
Retrouvez une sélection d’exercices en version numérique.
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 55
 FICHE ENSEIGNANT GRAMMAIRE POUR L’ORTHOGRAPHE 4e Série 2 : Le verbe et son sujet,
les attributs

Les accords complexes sujet / verbe

Par Claire Beilin-Bourgeois et Laurence Gomez

Présentation Quelques exemples particuliers

Quoi de plus simple que l’accord du verbe
avec le sujet ? Il existe cependant des énoncés
dans lesquels cette relation est complexifiée par
un ordre des mots inhabituel ou par la présence
d’indéfinis (adjectifs ou pronoms) dans le sujet.
La difficulté vient aussi des cas relativement
nombreux où le verbe est à distance du sujet.
Mise en œuvre
On peut partir de phrases simples et mini-
males pour les transformer :
Les cerfs courent dans la forêt.
Dans la forêt, courent les cerfs.
Ce sont les cerfs qui courent dans la forêt.
Les cerfs, effrayés par les chasseurs, courent
dans la forêt.
Ces manipulations montrent que, pour déter-
miner l’accord du verbe, il faut avant tout avoir
recours au sens de la phrase.
Sujet
Le sujet est un nom de fraction
suivi d’un complément.
Avec « millier », « million »,
« milliard ».
Le sujet est introduit par « plus
d’un ».
Le sujet est introduit par « moins
de deux ».
Le verbe a pour sujet un nom
collectif singulier : « une foule
de », « une multitude de »,
« un tas de », « une poignée de »,
« une infinité de », etc.
Avec on.
Verbe Cas particulier
Le verbe s’accorde généralement avec L’accord avec le complément est
ce nom et non avec le complément. parfois possible.
Ex. : « La moitié des terres ne sont
pas constructibles ».
Le verbe se met au pluriel : « Un milliard
d’euros seront nécessaires à la
construction de ce tunnel ».
Le verbe se met au singulier.
Le verbe se met au pluriel.
Le verbe se met au singulier ou L’accord se fera toujours avec
au pluriel selon le sens. le complément si le nom collectif est
Ex. : « Une multitude d’oiseaux a pris au sens figuré ou s’il est employé
survolé / ont survolé le continent. » sans déterminant :
« Un tas de questions ont été posées. »
Verbe au singulier.

Prolongements Avec rien, nul, tout, chacun. Verbe au singulier.

En grammaire, cette leçon peut être l’occasion

d’un cours ou d’une révision sur la proposition
subordonnée relative.
Le travail d’écriture de l’exercice 6 peut être
poursuivi et développé. On peut proposer de
rédiger un portrait de cinq phrases dans les-
quelles le sujet contiendrait nécessairement une
proposition subordonnée relative.
Éléments pour le cours
Repérer le sujet
– Dans un groupe nominal qui est parfois
long, trouver le mot essentiel.
Ex. : L’exemplaire unique d’un des meilleurs
livres de l’année s’est perdu dans les bureaux
de l’éditeur.
– Un sujet peut être commun à plusieurs
verbes.
– Quand la phrase commence par un complé-
ment circonstanciel, le sujet peut être inversé (ne
pas le confondre avec le COD).
Ex. : Dans ce pays vivent des peuples abori-
gènes.
– Dans la locution « c’est », c’ est un sujet
apparent, le verbe s’accorde avec le sujet réel.
Ex. : C’étaient de beaux cadeaux.
– Dans une proposition relative introduite par
qui, le verbe s’accorde avec l’antécédent.
Ex.: Le musicien joue pour les clients qui
déjeunent sur la terrasse.
Corrigé des exercices
1 a) Les sculptures du musée Rodin me
plaisent beaucoup.
b) Les cuisiniers engagés pour la préparation
du festin arrivent sur les lieux.
c) L’un et l’autre partagent le butin.
2 a) Le parlement a fini par voter la loi que
contestent les sénateurs.
b) Je regardais les voiliers que menaçait la
tempête.
3 a) Ce n’est pas toi qui vas dire le contraire.
b) C’est moi qui passerai la première.
c) Ce sont ces médecins qui ont découvert le virus.
4 a) Le tiers des candidats avait moins de
seize ans.
b) Nous pensons que les trois quarts du pays
subiront les conséquences du tremblement de
terre.
c) La moitié des maisons sont en bois.
5 a) Chacun pouvait entrer à l’intérieur du
château et la plupart le faisaient.
b) Personne ne comprit mais tous restèrent
muets.
c) Tout citoyen doit dans ce cas recourir au
tribunal administratif.
d) Dans ce jeu, chaque tour permet de récu-
pérer douze points.
6 a) Chaque jour, les comédiens de la
troupe démontent le chapiteau, prennent la
route, et se réveillent dans une autre ville. – Des
vents violents s’abattent sur l’océan, renversent
les barques, détruisent les pontons. – Un matin
de juillet, le jeune garçon ouvre les volets, jette
un rapide coup d’œil, et comprend que tout a
changé.
b) Dans la rivière, tournoyaient des sau-
mons. – Au dessus du ruisseau, se tenaient les trois
enfants. – Après la pluie, viendra le beau temps.
Dictée
La voiture avançait lentement, lentement, à
tout petits pas. Les roues s’enfonçaient dans la
neige ; le coffre entier geignait avec des craque-
ments sourds ; les bêtes glissaient, soufflaient,
fumaient et le fouet gigantesque du cocher
claquait sans repos, voltigeait de tous les côtés,
se nouant et se déroulant comme un serpent
mince, et cinglant brusquement quelque croupe
rebondie qui se tendait alors sous un effort plus
violent.
Mais le jour imperceptiblement grandissait.
Ces flocons légers qu’un voyageur, Rouennais
pur sang, avait comparés à une pluie de coton,
ne tombaient plus. [...] Dans la voiture, on se
regardait curieusement, à la triste clarté de cette
aurore. Tout au fond, aux meilleures places,
sommeillaient, en face l’un de l’autre, M. et
Mme Loiseau, des marchands de vins en gros de
la rue Grand-Pont.
Guy de Maupassant, Boule de Suif.

56 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011

 FICHE ÉLÈVE GRAMMAIRE POUR L’ORTHOGRAPHE
L’attribut du COD
1 Dans les phrases suivantes, soulignez et recopiez les attributs
du COD
Roméo aime Juliette, il la considère comme la femme de sa vie
même si sa famille juge cette union dangereuse. Ce soir-là, il était
triste de ne pas la voir. Alors, il a joué pour elle un concert de guitare
électrique sous son balcon. Mais les voisins, excédés par la cacopho-
nie, ont appelé la police. L’amour rend les voisins malheureux.
.........................................................................................................................
.........................................................................................................................
.........................................................................................................................
.........................................................................................................................
2 Complétez les phrases suivantes par des attributs du COD
dont la nature est indiquée entre parenthèses.
a) Je perçois les situations (proposition subordonnée relative) ...............
................................................................................................................
b) Les scientifiques estiment cette centrale nucléaire (adjectif) ...............
................................................................................................................
c) Je te trouve (participe passé) ..............................................................
................................................................................................................
d) Il a été nommé (groupe nominal) ......................................................
................................................................................................................
e) Je le considère comme (pronom) .......................................................
................................................................................................................
f) Son père est un excellent cuisinier : il rend les plats (adjectif) .............
................................................................................................................
3 Complétez les phrases suivantes par des verbes au passé
composé introduisant des attributs du COD
a) On l’a ................................................................. comme trésorier.
b) Je ................................................................. des gens qui s’amu-
saient pendant la réunion.
c) Ton professeur ................................................................. ta pro-
gression spectaculaire.
d) Ce spectacle nous ............................................................. joyeux.
e) On ............................................. cet homme politique président.
f) Ses parents l’............................................................ « Brise-tout »
parce qu’il casse tout ce qu’il touche.
g) Il ................................................................. la terre très sèche.
4 Dans les phrases suivantes, dites si les adjectifs soulignés sont
épithètes ou attributs.
a) Je trouve les médias agressifs.
................................................................................................................
................................................................................................................
3e Série 2 : Le verbe et son sujet,
les attributs
b) Je crains les médias agressifs.
................................................................................................................
................................................................................................................
c) Les chiffres de l’année étaient nuls et les patrons de cette
entreprise ont jugé les licenciements indispensables.
................................................................................................................
................................................................................................................
d) Selon le Medef, les patrons ont procédé à des licenciements
indispensables.
................................................................................................................
................................................................................................................
5 Écrivez un texte comprenant les attributs du COD suivants :
– dramatique
– qui flottaient
– un fait divers hilarant
– acteur
– public
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
................................................................................................................
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 57
 FICHE ENSEIGNANT GRAMMAIRE POUR L’ORTHOGRAPHE
L’attribut du COD
Par Claire Beilin-Bourgeois et Laurence Gomez
Présentation
La difficulté de l’attribut du COD tient à la
confusion possible entre attribut du COD et
épithète. Ce point de grammaire sera abordé
dans le cadre d’une leçon sur l’attribut après une
première partie consacrée à l’attribut du sujet. Il
est préférable d’avoir étudié au préalable l’adjec-
tif épithète, les compléments d’objet et la voix
passive pour pouvoir analyser les cas difficiles. La
leçon est donc destinée à des élèves de 3e.
Mise en œuvre
Seuls certains verbes permettent la construc-
tions de phrases contenant un attribut du COD.
On peut proposer une liste de ces verbes et
aborder cette leçon de grammaire par le biais
du vocabulaire.
Ex. : juger, rendre, trouver.
On montrera que ces verbes changent de sens
selon la construction des compléments :
Il a trouvé ce meuble.
Il a trouvé ce meuble ravissant.
La leçon permet ensuite d’analyser la construc-
tion et d’établir une liste plus complète des
verbes qui sont susceptibles de générer un attri-
but du COD.
Éléments pour la leçon
Description syntaxique
L’attribut de l’objet exprime une qualité, une
propriété du COD.
Sujet Verbe attribut du sujet
Sujet verbe COD attribut
du COD
Il ne faut pas confondre attribut du COD et
épithète. L’attribut du COD n’est pas affecté
par la transformation passive. L’adjectif épithète
devient sujet lorqu’on tourne la phrase au passif.
– Le juge a rendu un verdict inique (épithète).
Voix passive : Un verdict inique a été rendu
par le juge.
– L’assemblée a trouvé ce verdict inique
(attribut).
Voix passive : Ce verdict a été trouvé inique
par l’assemblée.
58 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
3e
Construction
L’attribut de l’objet s’emploie avec des verbes
exprimant :
– un verbe d’opinion : juger, trouver, considérer…
Ex. : Je le trouve déplaisant.
– un verbe indiquant un changement d’état :
laisser, rendre, faire...
Ex. : Cette histoire me rend folle.
– un verbe conférant un titre : nommer, pro-
clamer, appeler, élire...
Ex. : Il a été élu président.
L’attribut de l’objet se construit :
– directement. Ex. : Je trouve ce livre inintéressant.
– indirectement. Ex. : Il m’a considéré comme
une sœur.
Classe grammaticale
L’attribut du COD est essentiellement :
– un nom ou groupe nominal. Ex. : ils l’ont
choisi comme chef.
– un adjectif ou un participe passé. Ex. : je le
trouve gai.
– un pronom. Ex. : Jésus considère Judas
comme celui qui le trahira.
– une proposition relative (uniquement quand
le verbe de la principale est un verbe de percep-
tion ou le verbe avoir). Ex. : Quand je le vois, j’ai
le cœur qui bat.
Corrigé des exercices
1 Dans les phrases suivantes, soulignez
les attributs du COD
Roméo aime Juliette, il la considère comme la
femme de sa vie même si sa famille juge cette
union dangereuse. Ce soir-là, il était triste de ne
pas la voir. Alors, il a joué pour elle un concert
de guitare électrique sous son balcon. Mais les
voisins, excédés par la cacophonie, ont appelé
la police. L’amour rend les voisins malheureux.
2 Complétez les phrases suivantes par
des attributs du COD
a) Je perçois les situations qui sont compliquées.
b) Les scientifiques estiment cette centrale
nucléaire dangereuse.
c) Je te trouve fatigué.
d) Il a été nommé délégué de classe.
e) Je le considère comme mien.
f) Son père est un excellent cuisinier : il rend
les plats délicieux.
3 Complétez les phrases suivantes par
des verbes au passé composé introduisant
des attributs du COD
a) On l’a choisi comme trésorier.
Série 2 : Le verbe et son sujet,
les attributs
b) J’ai vu des gens qui s’amusaient pendant
la réunion.
c) Ton professeur a trouvé ta progression
spectaculaire.
d) Ce spectacle nous a rendus joyeux.
e) On a élu cet homme politique président.
f) Ses parents l’ont surnommé « Brise-tout »
parce qu’il casse tout ce qu’il touche.
g) Il a imaginé la terre très sèche.
4 Dans les phrases suivantes, dites si
les adjectifs soulignés sont épithètes ou
attributs
a) Je trouve les médias agressifs : attribut.
b) Je crains les médias agressifs : épithète.
c) Les chiffres de l’année étaient nuls et les
patrons de cette entreprise ont jugé les licencie-
ments indispensables : attribut.
d) Selon le Medef, les patrons ont procédé à
des licenciements indispensables : épithète.
5 Écrivez un texte comprenant les attri-
buts du COD suivants : dramatique, qui flot-
taient, hilarant, acteur, public.
En mer du Nord, les autorités étaient
inquiètes car un habitant de Rose-Hearty
affirmait avoir vu des débris d’avion qui flot-
taient. La police a jugé la situation dramatique.
En fait, les morceaux d’avion n’étaient que
deux pingouins gonflables géants. La presse a
trouvé ce fait divers hilarant et l’a rendu public.
Un producteur de cinéma a choisi l’habitant de
Rose-Hearty comme acteur dans sa prochaine
comédie.
Dictée
C’était dans ce milieu que Mlle Adèle avait
grandi. Elle venait d’avoir vingt-deux ans.
De petite taille, un peu forte, elle avait une
figure ronde agréable, avec des yeux minces ;
mais elle était si pâle et si jaune, qu’on ne
la trouvait pas jolie. On aurait dit une petite
vieille, elle avait déjà le teint fatigué d’une
institutrice vieillie dans la sourde irritation du
célibat. Pourtant, Adèle ne souhaitait pas le
mariage. Des partis s’étaient présentés, qu’elle
avait refusés. On la jugeait fière, elle attendait
un prince, sans doute ; et de vilaines histoires
couraient sur les familiarités paternelles que
Rennequin, un vieux garçon débauché, se per-
mettait avec elle. Adèle, très fermée, comme
on dit, silencieuse et réfléchie d’habitude,
paraissait ignorer ces calomnies.
Émile Zola, Madame Sourdis.
 FICHE ENSEIGNANT BREV ET BLANC
Un extrait de L’Écume des jours,
de Boris Vian
Le couloir de la cuisine était clair, vitré des deux côtés, et un
soleil brillait de chaque côté, car Colin aimait la lumière. Il y avait
des robinets de laiton soigneusement astiqués, un peu partout.
Les jeux des soleils sur les robinets produisaient des effets fée-
5 riques. Les souris de la cuisine aimaient danser au son des chocs
des rayons de soleil sur les robinets, et couraient après les petites
boules que formaient les rayons en achevant de se pulvériser sur
le sol, comme des jets de mercure jaune. Colin caressa une des
souris en passant, elle avait de très longues moustaches noires,
10 elle était grise et mince et lustrée à miracle. Le cuisinier les nour-
rissait très bien sans les laisser grossir trop. Les souris ne faisaient
pas de bruit dans la journée et jouaient seulement dans le couloir.
Colin poussa la porte émaillée de la cuisine. Le cuisinier
Nicolas surveillait son tableau de bord. Il était assis devant un
15 pupitre également émaillé de jaune clair et qui portait des cadrans
correspondant aux divers appareils culinaires alignés le long des
murs. L’aiguille du four électrique, réglé pour la dinde rôtie,
Chloé de L’Écume des jours dans sa robe blanche, par Lucie Huttin.
3e
oscillait entre « presque » et « à point ». Il allait être temps de
la retirer. Nicolas pressa un bouton vert, ce qui déclenchait le
palpeur sensitif. Celui-ci pénétra sans rencontrer de résistance, 20
et l’aiguille atteignit « à point » à ce moment. D’un geste rapide,
Nicolas coupa le courant du four et mit en marche le chauffe-
assiettes.
« Ce sera bon ? demanda Colin.
– Monsieur peut en être sûr, affirma Nicolas. La dinde était 25
parfaitement calibrée.
– Quelle entrée avez-vous préparée ?
– Mon Dieu, dit Nicolas, pour une fois, je n’ai rien innové. Je
me suis borné à plagier Gouffé.
– Vous eussiez pu choisir un plus mauvais maître ! remarqua 30
Colin. Et quelle partie de son œuvre allez-vous reproduire ?
– Il en est question à la page 638 de son Livre de cuisine. Je vais
lire à Monsieur le passage en question. »
Colin s’assit sur un tabouret au siège capitonné de caoutchouc
alvéolé, sous une soie huilée assortie à la couleur des murs, et 35
Nicolas commença en ces termes :
« – Faites une croûte de pâté chaud comme pour une entrée.
Préparez une grosse anguille que vous couperez en tronçons de
trois centimètres. Mettez les tronçons d’anguille dans une cas-
serole, avec vin blanc, sel et poivre, oignons en lames, persil en 40
branches, thym et laurier et une petite pointe d’ail. »
« Je n’ai pas pu l’aiguiser comme j’aurais voulu, dit Nicolas, la
meule est trop usée.
– Je la ferai changer », dit Colin.
Boris Vian, L’Écume des jours, chapitre I (extrait), © Société Nouvelle
des éditions Pauvert 1979, 1996 et 1998, © Librairie Arthème Fayard 1999
pour l’édition en Œuvres Complètes.
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 59
 FICHE ÉLÈVE BREVET BLA N C
Questions (15 points)
Vous répondrez aux questions suivantes par une phrase complète
et n’oublierez pas de mettre toute citation entre guillemets.
Un intérieur atypique (5,5 points)
1 Dans le premier paragraphe, relevez le champ lexical de la
lumière. (2 pts)
2 « Robinets de laiton » ; « porte émaillée »
a) Voici deux groupes nominaux. Donnez la fonction de ces
expansions du nom. (0,5 pt)
b) Quelles précisions ces expansions apportent-elles sur le nom ?
(0,5 pt)
3 Relevez les éléments fantaisistes du passage. (1,5 pt)
4 Quel est le temps dominant de ce paragraphe ? Justifiez l’emploi
de ce temps. (1 pt)
Une cuisine moderne (5 points)
5 « tableau de bord » ; « cadrans » ; « l’aiguille du four » ; « cali-
brée » : à quel champ lexical ces mots appartiennent-ils ? (0,5 pt)
6 L’auteur allie vocabulaire technique et détails fantaisistes.
Expliquez quel est l’effet produit. (2 pts)
7 Comment sont rapportées les paroles des personnages ?
Justifiez votre réponse. (1,5 pt)
8 Comment est composé le verbe « reproduire » ? Donnez deux
autres verbes formés de la même manière. (1 pt)
Nicolas, le cuisinier (4,5 points)
9 Qui est Gouffé ? (0,5 pt)
10 « Quelle partie de son œuvre allez-vous reproduire ? » :
à quoi Colin compare-t-il la cuisine ? (0,5 pt)
11 « une petite pointe d’ail »
a) Donnez la définition de l’expression « une pointe d’ail ». (0,5 pt)
b) Nicolas n’a pas pu « aiguiser » la « pointe d’ail ». Comprend-il
la même définition du mot pointe que celle donnée précédem-
ment ? Quel est l’effet produit ? (1 pt)
12 Quelles relations entretiennent Nicolas et Colin ? Justifiez
votre réponse avec des éléments du texte. (2 pts)
60 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
3e
Réécriture (4 points)
a) « Faites une croûte de pâté chaud comme pour une entrée.
Préparez une grosse anguille que vous couperez en tronçons de trois
centimètres. Mettez les tronçons d’anguille dans une casserole […] »
Récrivez ce passage à la deuxième personne du singulier. (2 pts)
b) « Je n’ai pas pu l’aiguiser comme j’aurais voulu, dit Nicolas, la
meule est trop usée. »
Récrivez cette phrase au style indirect libre.
Attention : Toute erreur de copie sera sanctionnée.
Dictée (6 points)
Rédaction (15 points)
Sujet d’imagination
Après sa conversation avec Nicolas, Colin se rend dans sa
chambre. Décrivez-la en respectant l’univers créé par l’auteur.
Vous allierez modernité et fantaisie. Votre description sera
détaillée et vous utiliserez des figures de style.
Critères d’évaluation :
– Votre texte respecte la longueur attendue (30 lignes).
– Le cadre du roman est respecté (narrateur, temps verbaux,
personnages).
– La description de la chambre mélange vocabulaire technique
et fantaisie.
– Le texte est cohérent.
– La langue est correcte (orthographe, syntaxe, vocabulaire).
Sujet de réflexion
Boris Vian décrit une cuisine très moderne et très attrayante.
Cependant, dans des textes tels La Complainte du progrès, il cri-
tique cette même modernité. À votre tour, vous réfléchirez aux
avantages et aux inconvénients de l’apparition de la technologie
dans notre quotidien dans un texte organisé en paragraphes.
Critères d’évaluation :
– Votre texte respecte la longueur attendue (30 lignes).
– Votre texte comporte au moins deux avantages et deux incon-
vénients.
– Les arguments sont illustrés par des exemples.
– Le travail est organisé en paragraphes.
– La langue est correcte (orthographe, syntaxe, vocabulaire).
 FICHE ENSEIGNANT
Un extrait de L’Écume des jours,
de Boris Vian
Par Laure Péborde
Différencier l’épreuve
L’épreuve du brevet, demandant la capacité
de mobiliser des connaissances apprises tout au
long de sa scolarité, peut décourager certains
élèves, surtout en début d’année scolaire. Voilà
pourquoi on peut leur proposer une épreuve
« assistée ».
On donnera l’épreuve standard à tous les
élèves avec la consigne suivante : lisez l’épreuve
entièrement et essayez d’évaluer vos difficultés.
Au bout de 15 minutes, vous aurez la possibilité
de demander une aide supplémentaire. De façon
à ne pas gonfler artificiellement les notes, cette
aide sera « achetée » contre des points. Une fois
l’aide demandée, vous ne pourrez pas revenir en
arrière et récupérer les points.
Le professeur pourra, selon les élèves, choisir
de morceler l’aide ou de la donner en totalité.
Voici le « coût estimé » pour cette aide :
– questions : 3,5 points
– réécriture : 1 point
– dictée : 1,5 point
– rédaction : 3 points
Ainsi, les élèves aidés obtiendront au maxi-
mum une note de 31 / 40.
Quelques éléments d’aide
Questions
Attention : Pour toute citation, n’oubliez pas
les guillemets.
1 Un champ lexical est un ensemble de
mots liés par leur sens. Ex. : champ lexical de
l’agriculture = champ, tracteur, blé, moisson…
2 a) Les fonctions possibles des expansions
du nom sont : complément du nom, proposition
subordonnée relative et épithète. À vous de choi-
sir celle qui convient !
b) Pas d’aide pour cette question.
3 « Fantaisiste » signifie irréel, invraisem-
blable, inattendu. Ce sont des éléments qui ne
devraient pas apparaitre dans un appartement
ordinaire.
4 Le temps utilisé peut avoir plusieurs valeurs,
dont les suivantes : l’habitude / la répétition,
décrire / planter le décor, rapporter des actions qui
durent. À vous de choisir celle qui convient !
5 Pas d’aide pour cette question.
6 C’est une question d’analyse : vous devez
expliquer l’atmosphère créée dans le texte. Vous
pouvez faire appel à ce que vous avez vu pen-
dant la séquence.
BREV ET BLANC 3e
7 On peut rapporter les paroles de trois
manières : au discours direct, au discours indi-
rect, et au discours indirect libre. À vous de
choisir celle qui convient !
8 On appelle « mot composé » un radical
auquel on peut ajouter un préfixe, un suffixe ou
les deux. En général, un préfixe change le sens
du mot et le suffixe change la classe grammati-
cale de ce mot.
9 La réponse se trouve dans le texte.
10 La comparaison n’est pas clairement
exprimée. Trouvez le mot qu’utilise Colin à la
place du mot « recette » pour comprendre.
11 a) On peut utiliser cette expression pour
d’autres ingrédients : une pointe de sel. On peut
la remplacer par « un soupçon d’ail ».
b) Dans l’expression « une pointe d’ail », le
mot pointe est utilisé au sens figuré.
12 C’est une question d’analyse, on attend
de vous que vous observiez le vocabulaire, les
pronoms et le vocabulaire évaluatif (qui donne
une évaluation, un avis sur quelque chose). Ces
éléments vous donne des indices, vous pouvez
les citer dans la réponse.
Réécriture
a) « Faites une croûte de pâté chaud comme
pour une entrée. Préparez une grosse anguille
que vous couperez en tronçons de trois centi-
mètres. Mettez les tronçons d’anguille dans une
casserole […] »
Seules les formes en gras ici doivent changer.
Attention : trois verbes sont à l’impératif et un
est au futur.
b) « Je n’ai pas pu l’aiguiser comme j’aurais
voulu, dit Nicolas, la meule est trop usée. »
Vous éliminerez les marques du dialogue et
réécrirez la phrase à la troisième personne.
Dictée
On proposera aux élèves une dictée fautive (8
erreurs à trouver : 4 fautes d’usage et 5 de langue).
[Boule de Suif] en sortit d’abord une petite
assiette de faïence, une fine tinbale en argent,
puis une vaste terrine dans laquelle deux poulet
entiers, tout découpés, avaient confit sous leur
gelée ; et l’on aperçevait encore dans le panier
d’autres bonnes choses enveloppé, des pâtés,
des fruits, des friendises, les provisions préparées
pour un voyage de trois jours, afin de ne point
NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE
toucher à la cuisine des auberges. Quatre goulots
de bouteilles passait entre les paquets de nourri-
ture. Elle pris une aile de poulet et, délicatement,
se mit a la manger avec un de ces petits pins
qu’on appelle « Régence » en Normandie.
Rédaction
Sujet d’imagination
Pour respecter le texte d’origine, vous écrirez
aux temps du récit, à la troisième personne du
singulier.
Comme l’auteur l’a fait en parlant de la cui-
sine, vous décrirez les détails suivants :
– la lumière : d’où vient-elle ? Quel effet pro-
duit-elle dans la pièce ?
– les couleurs ;
– les matériaux utilisés (bois, métal, plastique,
verre, tissu….).
En décrivant ces éléments, utilisez des figures
de style (au minimum la comparaison : la lumière
est comme / telle / pareille à…).
Décrivez des objets technologiques innovants.
(Comment pourrait être le réveil ? Le lit ou l’ar-
moire pourraient-ils être spéciaux ?…).
Pour décrire, vous utiliserez le vocabulaire des
5 sens (vue, odorat, ouïe, toucher, goût).
Attention : On vous demande une description,
vous devez imaginer un décor, mais pas une
histoire. Il n’est pas nécessaire d’imaginer des
actions, mais plutôt des objets, une atmosphère.
Sujet de réflexion
Voici un plan : vous devrez trouver un exemple
pour chaque argument. Chaque idée et chaque
exemple seront développés et expliqués. Vous
organiserez le texte en paragraphes (un argu-
ment + un exemple = un paragraphe).
Introduction
L’homme a depuis toujours inventé des objets
pour faciliter sa vie. Mais l’industrialisation et la
mécanisation du XXe siècle ont vraiment augmen-
té ce phénomène. Aujourd’hui, nous sommes
entourés par la technologie. Il faut cependant
réfléchir à son impact sur nos vies et se demander
quels en sont les avantages et les inconvénients.
I. La technologie a amélioré notre quotidien
1. La technologie facilite la vie quotidienne
(exemple ?)
2. En facilitant les tâches, elle permet d’être
plus productif (exemple ?)
3. Elle a développé la communication et la
mobilité (exemple ?)
- COLLÈGE / novembre 2011 61
 FICHE ENSEIGNANT
II. Néanmoins, toute invention présente des
défauts
1. On est dépendant de ces technologies
(exemple ?)
2. Certaines technologies sont dangereuses,
polluent (exemple ?)
3. Aujourd’hui certaines technologies ne sont
pas utiles : elle créent des besoins, des nouvelles
habitudes au lieu de nous aider (exemple ?)
Conclusion : vous pourrez conclure en repre-
nant les idées de votre développement et en
donnant un avis personnel.
Corrigé
Questions
1 Le champ lexical de la lumière est « clair »,
« un soleil brillait », « lumière », « soleils » et
« rayons de soleil ».
2 a) L’expansion « de laiton » est un
complément du nom « robinets ». L’adjectif
« émaillée » est épithète du nom « porte ».
b) Ces expansions apportent des précisions
Illustration de Boule-de-Suif par François Thévenot, 1897.
62 NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011
BREV ET BLANC 3e
sur les matériaux dont sont composés les robi-
nets et la porte.
3 Les éléments fantaisistes du passage
sont : la présence de plusieurs soleils et les souris
entretenues par le cuisinier comme des animaux
domestiques ainsi que le four avec son aiguille
qui indique « presque » et « à point ».
4 Le temps dominant est l’imparfait, il est
utilisé pour décrire. Ici, il sert à planter le décor
puisqu’on se trouve au début du roman.
5 Ces mots appartiennent au champ lexical
de la machine.
6 L’auteur mélange deux univers : la cui-
sine apparait à la fois très moderne, futuriste et
irréelle, poétique.
7 Les paroles des personnages sont rappor-
tées au style direct : on le voit grâce à la présence
de guillemets, de tirets, et de verbes de parole en
incise.
8 Le verbe « reproduire » est formé avec le
préfixe répétitif re- que l’on utilise fréquemment
pour créer des verbes comme refaire, redire,
recréer, réécrire…
9 Gouffé est un cuisinier qui a écrit un livre.
10 Colin compare un plat à une œuvre : la
cuisine est donc élevée au rang d’art.
11 a) Mettre une « pointe d’ail », cela signifie
ajouter une petite quantité d’ail.
b) Nicolas utilise le verbe « aiguiser » car il com-
prend le terme « pointe » au sens propre (pointe
de couteau par exemple) et non au sens figuré
(petite quantité). Cela crée un jeu de mots fondé
sur le décalage entre sens propre et sens figuré.
12 Les deux hommes se respectent et ont
une relation formelle : ils se vouvoient. Colin
respecte les choix de Nicolas, et Nicolas s’adresse
à son patron avec beaucoup de déférence
(« Monsieur »). Leurs relations sont profession-
nelles et non personnelles.
Réécriture
a) Fais une croûte de pâté chaud comme pour
une entrée. Prépare une grosse anguille que tu
couperas en tronçons de trois centimètres. Mets
les tronçons d’anguille dans une casserole […].
b) Il n’avait pas pu l’aiguiser comme il aurait
voulu, la meule était trop usée.
Pour la partie a), on comptera 0,5 point pour
chaque verbe correctement conjugué. Pour la
partie b), on donnera 0,5 point pour chaque
forme verbale et 0,5 point si l’élève a correcte-
ment supprimé l’incise.
Dictée (6 POINTS)
[Boule de Suif] en sortit d’abord une petite
assiette de faïence, une fine timbale en argent,
puis une vaste terrine dans laquelle deux poulets
entiers, tout découpés, avaient confit sous leur
gelée ; et l’on apercevait encore dans le panier
d’autres bonnes choses enveloppées, des pâtés,
des fruits, des friandises, les provisions préparées
pour un voyage de trois jours, afin de ne point
toucher à la cuisine des auberges. Quatre gou-
lots de bouteilles passaient entre les paquets de
nourriture. Elle prit une aile de poulet et, délica-
tement, se mit à la manger avec un de ces petits
pains qu’on appelle « Régence » en Normandie.
Maupassant, Boule de suif (1879).
On retirera 0,5 point pour les fautes de gram-
maire et 0,25 point pour les fautes lexicales. On
retirera 0,5 point lorsque deux erreurs seront
commises sur les accents, les majuscules ou
encore la ponctuation.
Rédaction
Sujet d’imagination
Il s’agit là de mettre en œuvre ce qui a été
appris pendant la séquence. On valorisera parti-
culièrement l’utilisation de figures de style.
Sujet de réflexion
L’attention sera portée sur l’organisation et la
structure du devoir. On veillera à ce que les élèves
emploient un exemple pour chaque argument cité.
 FICHE ÉLÈVE LATIN 4e

Les derniers mots de Didon à Énée

Dans la VIIe Héroïde, Ovide imagine une lettre envoyée à Énée par Fatum, i, n : destin
Didon, restée seule sur le rivage. Celle-ci se plaint de l’abandon de son Instruo, is, ere, struxi, structum : bâtir
amant, puis elle imagine qu’elle arrive à le retenir et, finalement, se Sepulcrum, i, n : tombeau
prépare à se suicider. Impensa, ae, f : dépense
Brevis, e : faible
Je te demande un peu de temps, au nom de ce que j’ai fait pour Telum, i, n : trait
toi, de ce que je pourrais encore faire pour toi, au nom de l’espoir Ferio, ire : frapper
que porte notre union. Attends que les flots s’apaisent, que Primum, adv. : pour la première fois
l’amour soit moins rude pour moi et que j’apprenne à supporter Vulnus, eris, n : blessure
courageusement le malheur. Sinon, j’ai décidé d’abandonner la Conscius, a, um + gén. : confident
vie. Tu ne peux pas être cruel envers moi si longtemps. Si seule- Male, adv. : malheureusement
ment tu pouvais voir l’image de celle qui t’écrit. Cinis, eris, n : cendre
Consumo, is, ere, sumpsi, sumptum : consumer
Scribimus, et gremio Troicus ensis adest ; Rogus, i, m : bûcher
perque genas lacrimae strictum labuntur in ensem, Elissa, ae : autre nom de Didon
qui iam pro lacrimis sanguine tinctus erit. Sychaeus, i : Sychée (le premier mari de Didon)
Quam bene conueniunt fato tua munera nostro ! Tumulus, i, m : tombeau
Instruis impensa nostra sepulcra breui. Marmor, oris, n : marbre
Nec mea nunc primum feriuntur pectora telo : Carmen, inis, n : poème, inscription en vers
Ille locus saeui uulnus amoris habet. Praebeo, es, ere, bui : fournir
Anna soror, soror Anna, meae male conscia culpae,
iam dabis in cineres ultima dona meos. Vocabulaire
Nec consumpta rogis inscribar Elissa Sychaei,
hoc tantum in tumuli marmore carmen erit : Trouvez les mots latins à l’origine des termes suivants : scribe,
praebuit Aeneas et causam mortis et ensem. convenir, incinérer, marmoréen, tumulus, vulnérable, fatal,
lacrymal.
Ovide, Héroïdes, VII.

Grammaire
1 Commentez les formes inscribar, labuntur et feriuntur.
Traduction
2 Relevez toutes les formes de futur dans le texte.
À l’aide du vocabulaire, traduisez le passage. 3 Rappelez le sens et l’emploi de nec.
Gremium, ii, n : sein
Troicus, a, um : troyen
Ensis, is, m: épée
Civilisation
Per + acc. : dessus, sur toute l’étendue de 1 Comparez ce passage avec la mort de Didon dans L’Énéide,
Labor, beris, bi, lapsus sum : glisser, couler en examinant en particulier les dernières paroles de l’héroïne. Sur
Stringo, is, ere, strinxi, strictum : dégainer une épée quels traits de caractère Ovide et Virgile choisissent-ils d’insister ?
Pro + abl. : à la place de
2 Quel est le dieu de l’amour chez les Romains et quel est son
Tinctus, a, um + abl. : teint de
Quam : exclamation « combien ! » lien de parenté avec Énée ? Comment est-il représenté ?
Convenio, is, ire, conveni, conventum : convenir 3 Commentez le dernier vers. Que pensez-vous de cette juxta-
Munus, eris, n : cadeau position de deux termes abstrait et concret ?

NOUVELLE REVUE PÉDAGOGIQUE - COLLÈGE / novembre 2011 63

 FICHE ENSEIGNANT LATIN
Les derniers mots de Didon à Énée
Par Anne Sinha*
Cet extrait de la VIIe Héroïde d’Ovide offre un
autre éclairage sur le mythe d’Énée et Didon, en
laissant la parole à cette dernière. Le passage
choisi correspond à la toute fin de la lettre, dont
la rédaction est censée précéder immédiatement
le suicide de l’héroïne. Il est relativement simple
sur le plan grammatical et permet un rappel sur
la formation du passif et une introduction aux
verbes déponents. La séance est prévue pour
une heure.
Présentation
Le recueil des Héroïdes, dont le titre complet
est Heroidum epistulae, « lettres d’héroïnes »,
rassemble 21 lettres d’amour fictives de person-
nages mythologiques. La majorité de ces lettres
sont envoyées par des femmes à des hommes
(Ariane à Thésée, Médée à Jason) mais on trouve
également à la fin du recueil des épîtres allant
par paires (Pâris à Hélène et la réponse de cette
dernière). Ovide renouvelle le traitement des
mythes en les évoquant au travers de la peinture
des sentiments amoureux. Les Héroïdes ont une
forme hybride, entre l’épître traditionnelle et
l’élégie érotique, dont elles utilisent les thèmes
et le schéma métrique. Néanmoins, derrière ces
plaintes d’héroïnes trahies, se lit comme toujours
chez lui, un dialogue savant avec les autres
œuvres évoquant ces mythes.
Traduction
Je t’écris avec l’épée troyenne près de mon
sein. Des larmes coulent sur mes joues jusqu’à
l’épée nue, épée qui sera bientôt teinte, non pas
de larmes, mais de sang. Comme ton cadeau
convient bien à mon destin. Tu construis à peu
de frais mon tombeau. Et ce n’est pas la pre-
mière fois que ma poitrine est blessée par un
trait : à cet endroit, il y a la blessure du cruel
amour. Anne, ma sœur, ô ma sœur Anne, com-
plice, hélas !, de ma faute, tu offriras bientôt
les derniers honneurs à mes cendres. Une fois
consumée par le bûcher, on n’inscrira pas mon
nom, Elissa, femme de Sychée. Sur le marbre du
tombeau il y aura seulement cette inscription :
« Énée lui a fourni la raison et le moyen de mou-
rir ». (Trad. de l’auteur)
Vocabulaire
« Scribe » vient de scribere ; « convenir » de
convenire ; « incinérer » de cinis et de la pré-
position in, d’où le sens de « transformer en
cendres » ; « marmoréen » vient de marmor et
renvoie soit à la blancheur soit à la froideur du
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4e
marbre ; « tumulus » a été conservé tel quel et la dernière trace laissée par l’héroïne avant de
désigne un monticule ; « vulnérable » vient de mourir. Ce vers rassemble en une formule frap-
vulnus ; « fatal » de fatum ; et « lacrymal » de pante la raison abstraite (la trahison) et le moyen
lacrima, avec une transformation du i en y. concret (l’épée qu’il lui a, semble-t-il, laissé en
gage d’amour) de cette mort. Cette figure se
nomme un zeugma (ou attelage en grec). On
Grammaire peut citer comme autre exemple le vers de Victor
Hugo « Vêtu de probité candide et de lin blanc »
1 Si les trois formes ont toutes des terminai-
(« Booz endormi », La Légende des siècles).
sons passives, deux d’entre elles sont véritable-
ment des formes passives (feriuntur et inscribar),
* Professeure agrégée de Lettres classiques.
tandis que labuntur est une forme d’un verbe
déponent, c’est-à-dire d’un verbe ayant des
formes passives mais un sens actif. Seul le dic-
tionnaire permet de faire la différence.
2 Les formes de futur sont erit (2), dabis
et inscribar. Cette dernière forme à la première
personne du singulier peut être confondue avec
la forme de subjonctif présent. La confusion n’est
en revanche pas possible pour les personnes
suivantes du fait de l’emploi de la voyelle e pour
le futur et a pour le subjonctif.
3 La conjonction nec signifie « et ne pas ».
Elle permet à la fois la coordination et la néga-
tion. Il convient de rappeler la règle de base de
la négation en latin : deux négations s’annulent.
Par exemple, nemo venit signifie « personne
n’est venu » tandis que nemo non venit signifie
« quelqu’un est venu ».
Civilisation
1 Ovide reprend le mythe de l’amour déçu
de Didon, thématique qui convient parfaitement
Gravure représentant le poète latin Ovide.
à la poésie élégiaque. Il accentue ainsi la question
des sentiments blessés alors que Virgile fait par-
ler Didon de son honneur et des grandes actions
qu’elle a menées en tant que reine. De même,
chez Virgile, Didon souhaite que son bûcher soit
un mauvais présage pour le voyage d’Énée, alors
que chez Ovide, le tombeau doit être le support
éternel de ses reproches. Il s’agit donc de deux
versions, l’une épique, l’autre élégiaque, d’un
même personnage.
2 Chez les Romains, le dieu de l’amour est
Cupidon, le fils de Vénus, et donc le demi-frère
d’Énée (qui a pour père Anchise, alors que
Cupidon est fils de Mars). Cupidon est repré-
senté comme un enfant portant un arc et des
flèches, d’où la mention de la blessure dans le
passage. Il a aussi parfois un bandeau sur les
yeux, puisque, selon le proverbe, l’amour est
aveugle.
3 Le dernier vers du passage contient l’épi-
taphe de Didon. Ovide utilise pour la désigner
le terme de « carmen », qui peut être lu comme
une allusion ludique au poème lui-même qui est