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Lycée
SEPT. 2022
N°100 / 11,25€
Nouvelle
Revue nrp-lycee.nathan.fr
Pédagogique
ISSN 1636-3574
La revue & sa banque de ressources
De Rabelais
à nos jours,
l’art d’enseigner
Tous les repères sur l’auteur
et le contexte de l’œuvre
Des explications
linéaires et des
éclairages
au fil du texte
pour se préparer
à l’écrit et à l’oral
N°100
Nouvelle Revue Pédagogique
Lycée / SEPTEMBRE 2022
Édito
L’école est aujourd’hui le lieu d’affrontements incessants entre
les tenants de l’innovation pédagogique et ceux qui prônent un modèle éducatif
fondé sur l’autorité, dont l’efficacité serait incontestable. Tous seraient bien inspirés
d’écouter Rabelais, Montaigne ou Érasme qui, en matière d’instruction, n’avaient
aucun mal à conjuguer l’appétit de connaissances et des méthodes aussi variées
qu’audacieuses.
Ce numéro s’intéresse donc aux œuvres qui explorent les relations complexes entre
les élèves et ceux qui les instruisent : la rencontre en 2de de professeurs person-
nages romanesques et cinématographiques, et en 1re, une lecture de Gargantua
pour comprendre que rire, jouer, apprendre et savoir sont les piliers d’une belle et
bonne éducation.
Sommaire
Éditeur : Nathan, 92, avenue de France
75013 Paris
Directrice de la publication : Catherine Lucet
ACTUALITÉ
Directrice déléguée : Delphine Dourlet
Directrice éditoriale : Catherine Gaschignard Brèves ........................................................................ 4
Rédactrice en chef :
Claire Beilin-Bourgeois
Livres. . ........................................................................ 6
Édition : Claire Beilin-Bourgeois, Simon Hafi
Édition Web : Alexandra Guidal
Projet éditorial ............................................................. 8
Fabrication : Isabelle Montel Lire au CDI.................................................................. 10
Iconographie : Laure Penchenat
Marketing/Diffusion : A. Errafi, G. Guerrier
Impression : Imprimerie de Champagne, DOSSIER L’enseignant, un sujet littéraire à part entière ? .... 12
52200 Langres
Création et réalisation de la couverture :
Élise Launay
Création des pages intérieures : Élise Launay SÉQUENCES PÉDAGOGIQUES
et Clémentine Largant
Mise en page : Thomas Winock Séquence 2de Portrait du professeur en personnage de roman................. 18
Publicité et partenariats : Comdhabitude
publicité, directrice de la publicité : Clotilde Séquence 1re Rabelais, Gargantua............................................ 26
Poitevin, 7 rue Émile Lacoste 19 100 Brive
Tél. : 05 55 24 14 03
Code article : 115098 FICHES ÉLÈVES
N° d’édition : 10286661
Dépôt légal : SEPTEMBRE 2022
Commission paritaire : 0625T83012
Étude de la langue
La subordonnée relative dans Gargantua. . ....................................... 39
Abonnement 1 an – 4 numéros papier +
version numérique des 4 numéros : France
Latin 2de
45 €, DOM/TOM : 57 € , Etranger : 61 € L’humanité des esclaves......................................................... 42
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2022 s
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Des pages de contexte littéraire, culturel et historique avant le texte
Un dossier d’exploitation complet avec la structure de l’œuvre, les thèmes principaux…
Toute la méthode et des sujets guidés pas à pas pour réussir l’épreuve écrite et l’oral du Bac
2 Pour découvrir
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SEPTEMBREtoute
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Ce numéro contient des articles qui mettent en
© BnF
avant le goût d’enseigner et le goût d’apprendre,
chez Rabelais en particulier, puisque « La bonne
éducation » est le parcours proposé pour l’étude
de Gargantua en 1re technologiques.
© BIS/ Ph. Coll. Archives Larbor
La grammaire
de Gargantua
Vous trouverez dans ce
numéro des exercices
sur les subordonnées
relatives dans le roman
de Rabelais. La NRP
de décembre 2021
contient également
une fiche pour étudier Dossier NRP
les compléments
circonstanciels dans François I et à sa cour, miniature de Jean
er
Guillaume Budé,
de l’institution
du prince,
bibliothèque
de l’Arsenal.
Une fiche
de latin NRP
Lecture
et réécritures
des textes antiques
Deux fiches de latin, qui s’intéressent
à la circulation des textes de l’Antiquité
à la Renaissance, s’adressent en réalité à tous les élèves, Dossier NRP
même non latinistes, afin de comprendre l’érudition
qui se cache partout dans les romans de Rabelais. Le rire philosophique, une vertu
Rabelais est un philosophe qui met la gaité au-dessus de tout.
Couverture : Lycée Louis Le Grand Paris, © Olivier Coret / Divergence Cet article parle des philosophes qui pensent que le jeu et le rire
sont un chemin qui mène à la sagesse.
J Odile Collet
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ACTU
Le si célèbre Contre Sainte-Beuve est à juste raison pré-
Livres
senté dans cette édition comme un ensemble d’ébauches
et tentatives, occupant ici près de 500 pages, où se
mêlent, aux réflexions sur Sainte-Beuve à proprement
parler, des essais narratifs, des développements roma-
nesques, des textes de critiques… On y voit apparaître
Essai des figures qui peupleront ensuite La Recherche : Swann,
Marcel Proust, Essais, les futures Guermantes, et Charlus entre autres. Lorsque
publiés sous la direction ces personnages s’émanciperont au fur et à mesure que
d’Antoine Compagnon, ces ébauches se développeront, l’œuvre romanesque
Bibl. de la Pléiade, s’imposera à Proust, reléguant le Contre Sainte-Beuve à
Gallimard, 2 064 pages, l’état de projet inabouti.
75 € Les éléments les plus connus, et essentiels, de la pen-
sée esthétique de Proust, se trouvent naturellement dans
ces pages. À rebours de notre époque, Proust, comme on
Le fascinant laboratoire le sait, n’hésite pas à affirmer l’autonomie de l’œuvre par
rapport à son auteur, et donc l’inutilité de la connaissance
de La Recherche de Proust de celui-ci pour aborder celle-là. La « méthode de Sainte-
Beuve », selon Proust, méconnaît en effet « ce qu’une fré-
Les premières tentatives littéraires de Proust ont
quentation un peu profonde avec nous-même nous apprend :
d’abord été des pastiches, où le futur écrivain fait ses
qu’un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous
gammes, stylistiques et thématiques, avant de passer
manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos
à une réflexion théorique sur la littérature articulée au-
vices. » Proust ne nie pas, en réalité, la liaison entre l’homme
tour du travail de Sainte-Beuve. Après quoi est venue la
et l’œuvre, mais il la renverse. Il affirme ainsi à propos de
conception progressive de La Recherche. Le Contre Sainte-
Musset : « On sent dans sa vie […] quelques linéaments de
Beuve, non publié du vivant de Proust, ne fut connu des
son œuvre, qui est la seule raison d’être de sa vie, ses amours
lecteurs que par une édition très partielle, en 1954, pour
qui n’existent que dans la mesure où ils en sont les matériaux,
laquelle l’éditeur avait sélectionné les textes de Proust
qui tendent vers elle et ne resteront qu’en elle. »
dans l’ensemble un peu chaotique qui constituait un vé-
ritable brouillon de la future Recherche du temps perdu. On peut dans ce dossier lire ou relire avec enchante-
ment l’article consacré à Sylvie de Nerval, qui permit la
On peut se plonger dans ce vaste laboratoire grâce à
redécouverte de cette œuvre et de son auteur : « Cette his-
l’édition récente des Essais de Proust, où figurent les fa-
toire que vous appelez naïve, c’est le rêve d’un rêve » affirme
meux Pastiches et Mélanges, le dossier du Contre Sainte-
Proust, pour qui « la couleur de Sylvie c’est une couleur
Beuve, et de nombreux textes écrits pour la presse. Dans
pourpre, d’un rose pourpre, en velours pourpre ou violacé »,
cet ensemble on voit se ramifier et s’affirmer les concep-
car « Gérard a trouvé le moyen de ne faire que peindre et de
tions esthétiques aussi profondes que subtiles de Proust.
donner à son tableau les couleurs de son rêve. »
Les Pastiches sont la marque d’un futur écrivain maître des
différents codes d’écriture. Il reprend avec un talent hors- Ce volume présente bien sûr l’article que Proust
normes le style de Balzac, de Flaubert, de Régnier, des Gon- consacra à Flaubert, « À propos du “style” de Flaubert ». Il
court, Michelet, Faguet, Renan, Saint-Simon… Il montre à y délaisse les sujets, thèmes et perspectives historiques
quel point l’écriture littéraire se place toujours dans un héri- habituelles de la critique littéraire, pour montrer l’univers
tage assumé, puisé dans l’expérience de la lecture. Il montre particulier que crée le seul travail de la langue. Proust parle
aussi que chaque écrivain a son propre univers, forgé dans ainsi du « grand Trottoir roulant que sont les pages de Flau-
la langue. On admire d’autant plus le talent exceptionnel du bert, au défilement continu, monotone, morne, indéfini », et
jeune auteur à s’approprier le style de ceux qu’il pastiche. propose des réflexions éclairantes sur l’usage de l’imparfait
et sur l’emploi flaubertien du « et » disjonctif, qui « marque
Dans les Mélanges, s’opère ostensiblement l’imbri- une pause dans une mesure rythmique et divise un tableau. »
cation – caractéristique de Proust – entre la réflexion
esthétique et la création littéraire, notamment lorsqu’il Une autre réflexion sur le style de Flaubert se déve-
rend hommage à Ruskin à l’occasion d’une visite de la loppe à propos de Balzac. Si chez celui-ci, selon Proust, « il
cathédrale d’Amiens. Son « Porche Occidental » présente n’y a pas à proprement parler de style », en revanche chez
une façade « bleue dans le brouillard, éblouissante au ma- Flaubert « toutes les parties de la réalité sont converties en
tin, ayant absorbé le soleil et grassement dorée l’après-midi, une même substance, aux vastes surfaces, d’un miroitement
rose et déjà fraîchement nocturne au couchant, à n’importe monotone. […] Toutes les choses s’y peignent mais par reflet
laquelle de ces heures que ses cloches sonnent dans le ciel, sans en altérer la substance homogène. » Dans ce volume,
et que Claude Monet a fixées dans des toiles sublimes. » Est les différentes ébauches romanesques qui accompagnent
ainsi préfigurée l’assimilation que Proust fera entre La Re- la gestation du Contre Sainte-Beuve, comme ses essais de
cherche et une cathédrale. De même, toutes ces variations critique littéraire, montrent comment Proust a atteint
lumineuses, placées sous le signe de Claude Monet, sont progressivement, pour son œuvre, cette homogénéité
garantie par l’unité d’une vision esthétique.
la mise en scène, déjà, de l’infinie finesse et mobilité des
sensations dans l’écriture proustienne. Daniel Bergez
Livres
s’y met en abyme comme dans une sorte d’œuvre au noir,
alchimique, qui affronte l’ordre linéaire des cadres et mi-
Catalogue roirs à l’appel sourd ou lumineux de la couleur.
d’exposition Daniel Bergez
Boldini, Les plaisirs
aussi
et les jours, sous la
direction de Barbara À lire
Guidi et Servane
Dargnies-de Vitry,
Éd. Paris Musées, Roman
256 pages, 39,90 € Philippe Delerm, New York
sans New York,
Seuil, 208 pages, 17 €
Projet éditorial
Monique s’est située précisément dans cette esthétique. trouver une forme d’apaisement ». Au sujet du dialogue avec
les étudiants, elle m’a confié ceci : « il permet une nouvelle
Un travail éditorial collaboratif rencontre avec mes parents auxquels je n’ai jamais su dire
mon admiration, ma reconnaissance, mes remerciements de
Son texte sera donc publié aux éditions Actes Sud. L’his- nous avoir fait confiance ce jour-là. Maintenant tout est dans
torien et académicien Pascal Ory en sera le préfacier. Mais l’ordre. » Cet « ordre » nouveau tient à la puissance de l’écrit.
il fallait aller plus loin encore dans l’acte de publication. À ce qui restera fixé à jamais.
Aussi, ai-je souhaité que les étudiants inscrits au programme L’entreprise éditoriale résonne formidablement. Elle
Baudelaire de la Fondation Robert de Sorbon participent à suture passé et présent, nous somme de ne rien oublier,
l’établissement du texte et à toutes les étapes de sa fabri- nous dit que les tragédies de l’Histoire se répètent et qu’il
cation. En somme, qu’ils en deviennent les éditeurs. Voilà faut rester vigilants. Œuvrer, penser, travailler ensemble.
la tâche impérieuse et passionnante qui leur incombe en Pour la paix, pour l’humain, afin de ne pas vivre « dans l’oubli
cette rentrée universitaire. Le texte de Monique sera para- de nos métamorphoses » (Éluard).
chevé par eux.
L’acte de transmission est double : Monique Valcke
Strauss confie ce texte inédit à la jeune génération et LE PROGRAMME BAUDELAIRE
Le programme Baudelaire est un dispositif universitaire
le passage de relais s’accomplit dans le cadre d’un
destiné à des étudiants méritants et désireux d’approfondir
programme dédié à la transmission. Cette mise en abyme leurs connaissances. Conçu par l’écrivaine Cécile Ladjali, il
des consciences nous est chère à tous. Thomas B. Reverdy, défend le principe d’un « élitisme pour tous », pour des élèves
professeur de Lettres et romancier, œuvre à l’organisa- des Réseaux d’Éducation Prioritaire.
tion narrative et dialogique du texte à mes côtés. Pour la Cette expérience pilote propose des cours du soir gratuits
poétique, Florient Azoulay, dramaturge, explore avec les à des filles et garçons de Seine-Saint-Denis, en compagnie
de Thomas B. Reverdy, auteur et traducteur, et David Fajolles,
étudiants la littérature des camps. Marco Castilla, plasticien,
président de la Fondation Robert de Sorbon, à l’initiative de
les accompagne dans la réalisation d’œuvres destinées ce projet.
à illustrer l’ouvrage, et où figurent tant de références à
Cézanne et Matisse. Ismini Vlavianou les dirige sur la scène
de la MC93 en février 2023.
Le prix Jean Renoir des lycéens offre l’opportunité à des lycéens de visionner
en salle de cinéma sept films français et étrangers en exploitation pendant
l’année scolaire, puis de participer au jury qui récompense le film de l’année.
Ce projet collectif d’éducation à l’image permet aux élèves de découvrir des
œuvres contemporaines et d’aiguiser leur regard critique en le confrontant à celui
de leurs pairs. C’est donc tout naturellement qu’une professeure de français et
deux professeures documentalistes ont engagé une classe de 2de dans l’aventure.
Lire au CDI
– Ouistreham, Emmanuel Carrère
© DR
des journalistes attribuent des récompenses à des produc-
tions d’élèves dans le cadre des prix de la Critique.
M Y T H O L O G I E S
Disponibles le 26.08
Scénarios de Serge Le Tendre, dessins de Frédéric Peynet (Pygmalion et Astérios) et Christian Rossi (La Gloire d’Héra et Tirésias)
SEPTEMBRE 2022 NRP LYCÉE 11
AU RAYON BANDE DESSINÉE
Dossier © Jérôme Prébois/ photo 12/ Productions de Gueville / Gaumont
Photographie tirée du film français La Gloire de mon père, réalisé par Yves Robert avec Phillipe Caubere, 1990.
L’enseignant : un sujet
littéraire à part entière ?
Par Antony Soron, maître de conférences HDR, formateur agrégé de Lettres, INSPE Sorbonne Université
Fernandel, dans
le film Topaze,
réal. Marcel
Pagnol, 1951.
en question • https://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1985_
num_25_1_1285
• https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-che-
Parler d’école, raconter l’école, représenter l’école
mins-de-la-philosophie/rousseau-emile-ou-de-l-educa-
et la classe, reviennent ainsi, naturellement, à rela- tion-7046554
ter des anecdotes qui ont valeur d’événements, des • https://www.radiofrance.fr/franceculture/paroles-de-profes-
petits riens qui, souvent, en disent très long sur l’état seurs-avec-beauvoir-ricoeur-sartre-3420868
d’esprit d’un élève présent hic et nunc mais tellement
Portrait du professeur
en personnage de roman
Par Antony Soron, maître de conférences, formateur agrégé de Lettres, INSPE Sorbonne-Université
Durée de • 8 heures
la séquence
Les Quatre Cents Coups de François Truffaut, avec Jean-Pierre Léaud
et Jacques Decomble, 1959.
Les ressources !
Il n’a pas fallu attendre Entre les murs de François Bégaudeau (2006) pour
que des scènes de classe soient exposées dans le récit, que l’on pense en par-
L es images projetables ticulier aux précepteurs des personnages rabelaisiens (1532), au tuteur dans
Une fiche de travail pour préparer des l’Émile (1762) ou à l’incipit de Madame Bovary (1857). Si l’on considère la classe
exposés comme une forme d’espace scénique où se joue une action à huis-clos, elle a
pu être investie par des écrivains, a fortiori quand ils ont eu eux-mêmes une
Séance 2. L’extrait de Madame Bovary
de Gustave Flaubert expérience professorale.
L’objectif est de mettre en tension diverses évocations de professeurs en
Séance 3. L’extrait du Premier Homme
situation de « faire la classe » afin de montrer comment l’enseignant relève du
d’Albert Camus
type autant que du personnage. La séquence aura d’autant plus d’intérêt pour
Séance 4. L’extrait d’Uranus de Marcel les élèves qu’ils pourront exploiter leurs propres représentations de la figure
Aymé
enseignante, qu’elle soit issue de la vie réelle ou de la fiction (films, séries…).
Faisant tendre la séquence vers un projet, on demande aux élèves de mener une
enquête auprès de leurs parents et grands-parents, notamment afin de s’infor-
mer sur les notions qui ressortissent au thème de l’école : le précepteur, l’institu-
teur (un métier en évolution), l’école après la guerre, les débuts de la mixité, etc.
La séquence permet de travailler sur la question du personnage en réflé-
chissant à ses modes de caractérisation en littérature et au cinéma, et inter-
roge une figure, celle de l’enseignant, peu analysée dans le cadre des études
littéraires.
Le travail sur les extraits retenus en classe entière pourra être prolongé
par la lecture cursive des œuvres d’où ils ont été extraits. Même chose pour
ce qui concerne les films qui servent de supports ou de comparaison, comme
Les Quatre Cents Coups, L’Esquive, Le Cercle des poètes disparus, etc.
Questions Bilan
1. Comment caractériser les situations de classe représentées dans Dans le film de Truffaut, on voit bien que le maître reste assimi-
Les Quatre Cents Coups ? lable à un « type ». Il n’est perçu que dans sa fonction qui répond
2. Quelles représentations ces extraits donnent-ils du professeur ? à des postures éducatives. Dans d’autres extraits, on le voit très
au film de Truffaut. Il est à noter, par ailleurs, que dans les deux
cas, le jeune « héros » reste quasiment muet : les seules paroles de
Charles étant caractérisées comme « inintelligible[s] ».
Bilan
La scène qui ouvre Madame Bovary donne à voir une situation
de classe typique où un élève est pris à parti par un maître
sévère. Comme chez Truffaut, l’enseignant ne sort pas grandi de
la représentation qui est donnée de lui. Il paraît, pour l’essentiel,
construire sa pédagogie sur l’injonction. On pourra s’interroger, en
outre, sur la portée ironique ou pas de la proposition subordon-
née relative, « qui était un homme d’esprit ».
• Hypothèse 1 (sens figuré : ironique) : elle tendrait à dénoncer
implicitement le pédantisme du maître, proche de celui présen-
té par Truffaut quand il se moque des incompétences poétiques
d’Antoine Doinel. Ce type de dénonciation n’est pas nouveau : on
le trouvait déjà chez La Fontaine dans la fable « L’Enfant et le Maître
d’école ».
• Hypothèse 2 (sens propre : favorable au professeur) : la mention
aurait tendance à valoriser l’enseignant, qui, dans la scène, par-
vient, par la posture qu’il adopte vis-à-vis du « nouveau », à mettre
les élèves de son côté.
On profitera de l’étude de l’incipit pour résumer le sujet du roman
de Flaubert en indiquant que la déconvenue de Charles Bovary à
son entrée dans sa nouvelle classe a valeur de prolepse. Le per-
sonnage, tout au long du récit, ne fait que subir les événements.
Séance 4Marcel Aymé, Uranus : Le professeur, derrière ses lunettes de fer, leva son regard
Un professeur en proie au doute usé vers la face rubiconde et boursouflée du cafetier. Il n’osa pas
lui dire qu’à force de les rabâcher, Racine et les autres classiques
n’étaient plus pour lui que des sujets de devoirs de français.
Support : Extrait du chapitre IV, de « Watrin sorti, le professeur
Didier » jusqu’à « existence troublée » – Vous avez raison, monsieur Léopold, Andromaque, c’est très
Objectif : Appréhender le professeur comme un personnage beau. Allons, je crois qu’il est l’heure.
« moderne » Léopold s’assura que la troisième était au complet. Ils étaient
Durée : 1 heure 30 douze élèves, quatre filles et huit garçons, qui tournaient le dos
Mise en œuvre pédagogique au comptoir. Tandis que le professeur gagnait sa place au fond
Uranus (1948) est un roman de Marcel Aymé qui évoque les de la salle, le patron alla retirer le bec de cane à la porte d’entrée
tensions inhérentes à la Libération (conflits entre collaborateurs, afin de s’assurer contre toute intrusion. Revenu à son zinc, il but
résistants et « non alignés »). Parmi les protagonistes du récit, encore un coup de vin blanc et s’assit sur un tabouret. En face de
on trouve plusieurs professeurs, dont Watrin et Monsieur Didier, lui le professeur Didier s’était installé à sa table sous une réclame
référencés dans le texte. Comme le collège a été bombardé par d’apéritif accrochée au mur. Il ouvrit un cahier, jeta un coup d’œil
les Alliés, le cours de français a lieu dans un café tenu par Léopold. sur la classe de troisième et dit :
Ce dernier, à mesure qu’il assiste aux cours de Monsieur Didier, se – Hautemain, récitez.
passionne pour la pièce étudiée, Andromaque.
Léopold se pencha sur son siège pour voir l’élève Hautemain
Le roman a été adapté au cinéma par Claude Berri en 1990 sous
qui lui dissimulait la poutre étayant le plafond. La voix un peu
le même titre, film qui justifie un visionnage du fait de son intérêt
hésitante, Hautemain commença :
historique et de la qualité de ses dialogues.
Seigneur, que faites-vous, et que dira la Grèce ?
Faut-il qu’un si grand cœur montre tant de faiblesse ?
TEXTE – Asseyez-vous, dit le professeur lorsque Hautemain eut fini.
Quinze.
Watrin sorti, le professeur Didier resta seul devant le zinc à
boire son café. C’était un vieil homme, triste et fatigué, qui avait Il notait avec indulgence. Estimant que la plupart de ces en-
repris du service au début des hostilités. Il ne croyait plus à la fants vivaient et travaillaient dans des conditions pénibles, il vou-
valeur de son enseignement et disait parfois à ses collègues que lait les encourager et souhaitait que l’école, autant que possible,
pour faire des officiers de réserve et des électeurs, il n’y avait pas leur offrît les sourires que leur refusait trop souvent une existence
besoin de tant de simagrées. Il avait beau s’efforcer de lire dans les troublée.
évènements, dans les cœurs et dans les consciences, il n’y voyait ni À son zinc, Léopold suivait la récitation des écoliers en re-
le latin ni les classiques qu’il avait prodigués pendant quarante ans. muant les lèvres et avalait anxieusement sa salive lorsqu’il sentait
– Alors, monsieur Didier, c’est vous qui commencez, ce matin ? hésiter ou trébucher la mémoire du récitant. Son grand regret,
qu’il n’oserait jamais confier à M. Didier, était de ne participer à
– Oui, je suis en français avec la troisième.
ces exercices qu’en simple témoin.
– Andromaque, hein ? murmura Léopold en souriant. C’est
beau, Andromaque. Dites, monsieur Didier ? Marcel Aymé, Uranus, 1948, © Gallimard.
Collection Christophe L. © DD Productions / Films A2
Gérard Depardieu
dans Uranus de
Claude Berri,
adapté du roman
de Marcel Aymé,
1990.
Rabelais, Gargantua
Par Anne Cassou-Noguès et Florence Renner, professeures agrégées de Lettres modernes
intégrales M
œuvres
bH
BAC
Carrés classiques œuvre intégrale, PARCOURS
ASSOCIÉS VOIE GÉNÉRALE
VOIE TECHNO
Rire et savoir
La bonne
éducation
BAC Gm
Gargantua
m
IQUES
Toutes
ei
oh
S
RABE LAIS
S CLAS
M
hiv
Sommaire
CARRÉ
ÉTAPE 1. Entrer dans une histoire
les
arc
BAC intégra
de géants
Bil d
UES
CLASSIQ
+ LE DOSSIER
© Photo12/ Alamy/
80 pages consac
à l’œuvre et rées
➜ voir au dos aux parcours
gouailleur 21/06/202
Les ressources !
ses romans pantagruéliques une réflexion sur certains états de
l’homme, comme par exemple celle de l’enfance abandonnée à ses
euphoriques pulsions instinctives – « c’est assavoir à boyre, manger
L ’article de la revue papier et dormir ; à manger, dormir et boyre ; à dormir, boyre et manger », ou
Les images projetables encore ses réflexions sur l’éveil de la sexualité du « petit paillard »
lorsqu’il joue avec sa gouvernante.
Séance 1. La carte mentale
Enfin, ce récit est surtout l’occasion de porter un regard sévère
Séance 3. Les corrigés des questions sur le fonctionnement de la société, qu’il s’agisse de l’influence de
sur les 3 explications de texte
l’Église, de l’éducation donnée aux enfants ou de la guerre et de ses
Séance 4. Le schéma des personnages (mauvaises) raisons. Et toujours sous le sceau du rire et de la paillar-
et son corrigé dise – une tonalité qui aura pour effet soit d’enchanter nos jeunes
Séance 5. Le tableau à remplir lecteurs, soit de les rebuter. Mais aucun ne saurait rester indifférent.
Séance 7. Les trois textes du parcours La séquence proposée est construite en deux étapes : une
Séance 8. L’article pour la contraction première étape permet d’ « entrer dans l’œuvre » tout en décou-
de texte vrant l’auteur, en utilisant en particulier certains outils numériques
(vidéo, podcast) ; l’attention est plus particulièrement portée sur les
premières pages de Gargantua (titre, adresse au lecteur, prologue)
Présentation et plonge les élèves dans la langue de l’auteur humaniste. L’accent
Un géant au programme du bac de français ! Le géant est également mis sur l’apprentissage d’un vocabulaire qui permet
Gargantua, bien sûr, héros gouailleur à l’esprit plus fin qu’il aux élèves de mieux comprendre l’esprit du roman. Dans la seconde
n’y paraît, mais aussi le géant Rabelais, l’un des plus grands étape, la séance 5 permet aux professeurs des filières générales de
auteurs de notre littérature, écrivain-médecin extravagant, sélectionner les chapitres sur lesquels ils souhaitent porter leur
parfois difficile d’accès, toujours humaniste, mais surtout étude dans le cadre du parcours « Rire et savoir » en fonction du
l’un des inventeurs de notre « roman moderne ». C’est que thème qu’ils choisissent. Enfin, trois séances concernent le parcours
Rabelais est l’un des premiers à décrire, cachée derrière ses « La bonne éducation », sachant que cette étude thématique peut
héros gigantesques, la réalité du monde qui l’entoure. Du également être intégrée au parcours plus large « Rire et savoir ».
Rabelais, l’humaniste
Séance 1 Éléments de réponse
1. Sans doute en 1494, près de Chinon (on avance aussi la date
gouailleur de 1483).
2. Il se fait religieux, devient moine, étudie le grec, le droit, puis la
Supports : Internet et une vidéo médecine. Il publie ses traductions, donne des cours, exerce la méde-
https://youtu.be/eqJxH1Ie7jc
cine à Lyon.
Objectif : Découvrir l’auteur 3. Pantagruel, 1532, Alcofribas Nasier.
Durée : 2 heures 4. Anagramme : deux mots contiennent les mêmes lettres mais dans
Mise en œuvre pédagogique un ordre différent.
Cette séance introductive est l’occasion pour les élèves de décou- 5. Gargantua, Le Tiers-Livre, Le Quart-Livre, peut-être Le Cinquième
vrir la personnalité hors du commun de François Rabelais. Livre.
Elle s’appuie sur des exposés proposés en amont de la séquence,
6. Rabelais appartient au mouvement humaniste, qui voit le jour à
ainsi que sur la projection d’une courte vidéo.
la fin du Moyen Âge, principalement au xvie siècle en France.
7. L’auteur humaniste s’intéresse à l’Homme, dans toute sa grandeur
1re étape : les exposés et avec ses limites ; il envisage l’Homme à la fois comme un être
Les élèves sont invités à prendre des notes en vue d’un contrôle pensant et en tant que corps, dans sa dimension spirituelle, intellec-
de connaissances ayant lieu en milieu de séquence. Les exposés tuelle et physique.
durent dix à quinze minutes, et s’appuient, dans la mesure du 8. Rabelais s’intéresse à l’aspect physique de l’Homme, même dans
possible, sur un support numérique (Canva, Powerpoint, mon- ses dimensions les moins élégantes.
tage vidéo…) et/ou des œuvres iconographiques qui soutiennent 9. « Fais ce que tu voudras »
leurs propos. 10. Utopie : un lieu idéal, un monde parfait, mais qui n’existe pas.
Sujet 1. François Rabelais, un homme au carrefour du Moyen 11. Un message se cache derrière le divertissement, derrière l’his-
Âge et de la Renaissance (éléments de corrigé dans Gargantua, toire, le récit.
coll. « Une œuvre, un parcours », Nathan, p. 4 et p. 11-13) 12. « Substantifique moelle » : la réflexion qui se cache derrière
Sujet 2. D’Alcofribas Nasier à François Rabelais, naissance d’un le récit.
auteur et du roman moderne (éléments de corrigé dans Gargantua, Pour clore cette séance, on pourra déposer cette carte schéma-
coll. « Une œuvre, un parcours », Nathan, p. 5-7) tique sur l’ENT, le padlet ou le blog de la classe.
2e étape : la vidéo
Au terme des exposés, le professeur distribue un questionnaire
sur la vidéo aux élèves. Les questions sont lues avant la projection
de la vidéo, et on laisse un temps aux élèves pour répondre à la
fin. S’ils en ont besoin, on passe la vidéo une seconde fois. Si le
professeur manque de temps, ce travail peut être donné en devoir
maison.
Lien vers la vidéo : https://youtu.be/eqJxH1Ie7jc
Questions
1. En quelle année et où Rabelais est-il né ?
2. Dans quels domaines Rabelais s’est-il illustré ?
3. Quel est le premier récit publié par Rabelais ? En quelle année ?
Sous quel pseudonyme ?
4. Qu’est-ce qu’une anagramme ?
5. Citez deux autres romans de Rabelais.
6. À quel mouvement littéraire et culturel Rabelais a-t-il appartenu ?
À quelle période ce mouvement voit-il le jour ? L a carte mentale est disponible et imprimable dans la banque
7. À quoi l’auteur humaniste (de manière générale) s’intéresse-t-il ? de ressources
8. Sur quoi Rabelais porte-t-il son attention dans son œuvre ?
9. Quelle est la devise de l’abbaye de Thélème ?
10. Qu’est-ce qu’une utopie ?
11. Que faut-il garder en tête lorsqu’on lit une œuvre de Rabelais ?
12. Qu’est-ce que la « substantifique moelle » selon Rabelais ?
1. Le titre
• Le professeur ou un élève lit à voix haute le titre complet de • En binômes, les élèves traduisent le texte.
l’œuvre : • Une fois les traductions mises en commun, on demande
aux élèves quel est le sujet [ou l’« argument »] de prédilection de
LA VIE TRÈS HORRIFIQUE DU GRAND GARGANTUA,
Rabelais (le rire). On demande aussi à la classe de réagir par rapport
PÈRE DE PANTAGRUEL
à certaines mises en garde (« Défaites-vous de toute passion », « ne
JADIS COMPOSÉE PAR M. ALCOFRIBAS, ABSTRACTEUR
DE QUINTE ESSENCE vous scandalisez pas »). À quoi peut-on s’attendre à la lecture du
LIVRE PLEIN DE PANTAGRUELISME récit ? Les réponses peuvent se faire à l’oral, en classe entière, ou par
écrit, de manière individuelle. Il s’agit de mettre en avant l’aspect
• On demande à la classe de réagir à ce titre et de donner des sulfureux du récit qui s’annonce.
définitions, même approximatives, de certains mots : horrifique /
abstracteur / quinte essence / pantagruélisme. L’essentiel, à cette 3. Le prologue
étape, est de faire réfléchir les élèves et de les faire puiser dans leur • Enfin, le professeur prend en charge la lecture en français
stock lexical pour qu’ils fassent des rapprochements avec des mots moderne du prologue. On demande, avant la lecture, de surligner
qu’ils connaissent, pour deviner la signification des mots qu’ils ne les passages dans lesquels Rabelais précise que la forme de son
connaissent pas. texte est différente du fond qu’il y traite : « la drogue qui y est conte-
• Ainsi, « horrifique » est proche du mot « horrible » ; la définition nue est d’une tout autre valeur que ne le promettait la boîte : c’est-à-
exacte du terme est : « qui cause de l’horreur ». « Abstracteur » dire que les matières ici traitées ne sont pas si folâtres que le titre le
évoque « abstrait » (définition : « personne qui se complaît à des rai- prétendait. » ; « Et en admettant que le sens littéral vous procure des
sonnements trop subtils »). « Quinte essence » est plus compliqué ; matières assez joyeuses et correspondant bien au titre, il ne faut pour-
l’orthographe actuelle du terme, rentré dans le langage courant tant pas s’y arrêter, comme au chant des sirènes, mais interpréter à
depuis Rabelais, qui a inventé le mot, est « quintessence ». On peut
plus haut sens ce que par hasard vous croyiez dit de gaieté de cœur. » ;
proposer des phrases dans lesquelles le terme apparaît pour que
« il vous faut être sages pour humer, sentir et estimer ces beaux livres
les élèves entendent le sens du mot (définition : « Ce qu’il y a de
de haute graisse, légers à la poursuite et hardis à l’attaque. Puis, par
plus raffiné en quelque chose, ce qui est l’essence même de quelque
une lecture attentive et une méditation assidue, rompre l’os et sucer la
chose. »). Enfin, « pantagruélisme » évoque Pantagruel, le fils de
substantifique moelle ».
Gargantua (le titre le précise). À ce stade, les élèves ne connaissent
sans doute pas ces deux figures de géant ; peut-être certains
• Rabelais revendique autant la grivoiserie et l’apparente légè-
auront déjà entendu le terme, qu’ils sauront définir. Sinon, on leur reté du ton que la profondeur du propos. On trouve sur le site
demande de faire des suppositions (que peut signifier un « livre « mediaclasse » une étude complète du prologue : https://www.
plein de pantagruélisme » ?). Toutes les réponses sont acceptées ! mediaclasse.fr/lectures/444, 20 minutes.
• Un bilan est fait des premières attentes que suscite le titre
complet de l’œuvre.
Gargantuesque
A. Relatif au personnage de Gargantua, créé dans le roman
éponyme de François Rabelais.
B. D’une ampleur démesurée, bien au-delà de la norme.
2. Gargantua à la radio
• On fait ensuite écouter aux élèves la chronique de Juliette
Arnaud sur Gargantua (France Inter, 30 mars 2022, 4 minutes,
https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-juliette-ar-
naud/la-chronique-de-juliette-arnaud-du-mercredi-30-mars-2022).
La chroniqueuse y dévoile en particulier sa crainte d’aborder dans
l’œuvre, qui peut entrer en résonance avec les appréhensions des
élèves. Elle utilise les termes « rabelaisien » et « grivois », d’où l’im-
portance de les avoir définis au préalable. Elle annonce aussi le côté
« destroy » du roman, qui peut donner aux élèves l’envie de le lire.
• On demande aux élèves de résumer le propos de Juliette
Arnaud : la chroniqueuse a-t-elle aimé le livre ? Qu’en dit-elle ?
Gustave Doré, illustration pour Gargantua de Rabelais, 1832.
Questions
Supports : Le roman en entier
Objectifs : Comprendre les thèmes du parcours, préparer à Au cours de la lecture, qui peut se faire en classe, on invite les
l’essai, proposer des lectures linéaires élèves à identifier les bêtises de Gargantua à l’aide du tableau
Durée : de 2 à 6 heures, en fonction de nombre d’études choisies suivant.
Mise en œuvre
Nous proposons de faire lire les chapitres du programme après
avoir distingué 4 groupes thématiques. Pour chaque groupe, nous
proposons d’abord une activité de manière à guider les élèves et
à les obliger à retenir des informations, puis des « focus », lectures
de courts passages d’une dizaine de lignes qui éclairent le cha-
pitre et sont autant d’exemples mobilisables dans l’essai.
Éléments de réponse
Chapitre Actions de Gargantua Trait de caractère mis en Trait de caractère mis en évidence
évidence selon vous selon ceux qui observent l’enfant
XI Gargantua passe son temps à boire, man- Son comportement animal Il est comme tous les autres enfants
ger et dormir (voir focus page suivante). Il le rend répugnant. Il semble (« comme les petits enfants de notre
est particulièrement sale. Enfin, il s’éveille mal élevé. pays »).
très tôt à la sexualité.
XII Gargantua joue un tour aux serviteurs d’un Il fait preuve d’insolence. Il est rusé, habile (« Nous voilà bien
invité de son père en leur faisant croire que attrapés », « tu nous as bien eus »).
les écuries sont à l’étage.
XIII Gargantua essaie tous les objets possibles Il est sale, ses préoccupations Il est particulièrement intelligent
pour trouver le meilleur torchecul. sont exclusivement scatolo- (« que tu as de bon sens […] tu as plus
giques. de raison que d’ans »).
Il y a une différence entre la manière dont nous interprétons L e tableau à remplir est disponibles dans la banque de ressources.
le comportement de Gargantua et celle dont ses proches l’inter-
prètent. Comment l’expliquer ? – Un effet comique ? Il est vrai que la différence entre le senti-
– Une différence d’époque ? Il est vrai que les règles d’hygiène ne ment du lecteur et le commentaire des personnages peut créer un
sont pas les mêmes aujourd’hui qu’à l’époque de Rabelais mais per- effet comique qui capte notre attention.
sonne ne s’est jamais « torché le cul » avec « un tapis de jeu, une nappe… ». – Le plaisir de nous déstabiliser ?
Éléments de réponse
• Les chapitres XVIII à XX constituent une pause dans la
réflexion sur l’éducation.
1. Il s’agit d’une règle de conduite. Tant qu’il n’est pas en âge d’être On commence par un brain storming sur l’éducation qui sera
éduqué, Gargantua n’obéit à aucune règle. On notera que c’est le utile aux élèves pour bâtir ensuite un essai.
père de Gargantua qui lui impose une telle discipline. Ce sont en • Quelques questions peuvent-être posées aux élèves pour
général les mères qui s’occupent des enfants dans leur plus jeune générer la réflexion :
âge. On voit donc intervenir une figure d’autorité mais qui, loin – Où éduque-t-on les enfants ? À l’école (où on apprend des
d’imposer un carcan strict, exige l’absence de règles de conduite. savoirs théoriques), à la maison (où l’on apprendrait les règles de la
2. Les termes sont répétés mais pas dans le même ordre, ce qui sug- vie en société, des savoir-faire), dans la « rue » (où l’on apprendrait à
gère ce que ces trois activités occupent Gargantua toute la journée, devenir indépendant de sa famille, autonome, et où l’on apprendrait
sans qu’il y ait de la place pour aucune autre. Ce sont en général les comment se comporter avec ses pairs, des savoir-vivre) ?
activités d’un bébé mais pas d’un petit garçon de trois à cinq ans. – Quel est le but de l’éducation ? Passer des examens ? Se
3. L’imparfait d’habitude (« se vautrait », « bayait », « courait » …). former pour trouver un travail ? Apprendre à réfléchir, à penser ?
Il insiste sur la répétition des mêmes actions encore et encore. Apprendre à vivre ?
Quand « il piss[e] sur ses souliers », ce n’est pas un accident mais – Que serait une bonne éducation ? Une éducation qui permet
une habitude. d’obtenir de bons résultats, facilement, rapidement ? Une éducation
4. On observe un chiasme : les sujets sont successivement « Les qui ne fait pas souffrir voire qui procure du plaisir ?
petits chiens de son père », puis « il » (qui désigne Gargantua), « il » – Comment peut-on favoriser l’éducation ? Par un environne-
à nouveau puis « ils » (qui désigne les chiens) et enfin « il » et « ils ». ment agréable ? Par un emploi du temps adapté ? Par le choix des
disciplines enseignées ? Par des professeurs aux techniques inno-
Il y a ainsi une identité parfaite entre le jeune garçon et les chiens.
vantes ?
Focus de lecture 2 : chapitre XIII, lignes 113 à 123, p. 60 On peut également partir d’une définition de l’éducation
(https://www.cnrtl.fr/definition/EDUCATION) qui fait apparaître :
Citation à apprendre – la variété des disciplines physique et intellectuelle ;
« […] à boire, manger et dormir ; à manger, dormir et boire ; à – l’association des savoirs et des savoir-vivre…
dormir, boire et manger. » • À partir de cette réflexion initiale, on peut construire une
grille de lecture destinée à comparer les deux éducations reçues
par Gargantua. Gargantua reçoit d’abord une éducation médié-
Questions vale, scolastique, puis une éducation humaniste. Rabelais carica-
1. Quel langage Rabelais parodie-t-il ? ture la première pour la discréditer et fait l’éloge de la seconde.
2. Quelle est l’origine du plaisir pour Gargantua ? • Deux gravures de Gustave Doré sur l’éducation de Gargantua.
ou moins logiques l’expérimentation, plus fiable. De plus, on note que les servantes
2. Le plaisir procuré par le torchecul est évident : « merveilleuse dominent la scène et semblent
volupté », « douceur du duvet », « douce chaleur de l’oison », « béa- beaucoup plus importantes que les
titude ». Il vient du cul et remonte « vers le coeur et le cerveau ». Le
bonheur vient donc du corps, du bas du corps et non pas « de l’as- Gustave Doré, « L’éducation de
phodèle, de l’ambroisie ou du nectar », ni du paradis. Le bonheur est Gargantua » d’après Rabelais,
ramené à la Terre et au corps. gravure sur bois, 1854.
professeurs, minuscules parasites qui pullulent autour de lui. Cette flattant Gargantua (« à le louer et le glorifier ») puis il en vient à parler
gravure représente l’éducation médiévale (voir questionnaire, de lui dans un second temps puisqu’il termine par une conclusion
p. 257). qui vise à obtenir la bienveillance du destinataire (« il ne demandait
Sur l’autre, Gargantua et celui qui semble être Ponocrates sont pour l’heure rien d’autre au ciel que la grâce de lui être agréable par ses
dehors : ils observent la nature, ils observent les étoiles. Certes, services »). ➞ il recourt donc à la dispositio.
Gargantua ne regarde pas dans la direction que lui indique son – Le discours est rapporté au style indirect, il est donc plus difficile
maître, mais il n’échange pas de regard complice avec le lecteur. de juger le style ; toutefois, le narrateur recourt à une série d’hy-
Il semble plutôt se détourner de notre regard, perturbateur, pour perboles « une expression si claire », « une voix si éloquente », « un
poursuivre ses investigations et mener ses propres recherches. Les langage si bien orné », « si bon latin ». ➞ Eudémon fait également
deux hommes sont très proches comme s’ils étaient complices et preuve d’elocutio.
qu’ils pouvaient échanger. Il s’agit là de la représentation de l’édu- – Eudémon soigne sa posture avant de parler, que ce soit la tenue
cation humaniste.
(« bien droit sur ses jambes ») ou l’acuité du regard (« les yeux assu-
rés »). Le narrateur complète cette évocation par une hyperbole
L es images projetables sont disponibles dans la banque (« des gestes si bien appropriés ») ➞ Eudémon fait preuve d’actio.
de ressources. Le discours d’Eudémon est donc conforme à ce que l’on peut
attendre des meilleurs orateurs antiques. C’est ce que suggèrent
Focus lecture 3 : chapitre XIV, lignes 28 à 34, p. 65 les images qui clôturent le passage.
Questions
Citation à apprendre
1. Pourquoi Rabelais précise-t-il que Gargantua écrit en lettres
« On eût dit plutôt un Gracchus, un Cicéron ou un Emilius du
gothiques ?
temps jadis qu’un jouvenceau de notre siècle. »
2. Relevez deux figures de style dans les lignes 31-34 : quel effet
produisent-elles ?
Focus lecture 5 : chapitre XXIII, lignes 153 à 167, p. 100
Éléments de réponse
Questions
1. L’écriture gothique est dénigrée par les humanistes, comme
caractéristique des barbares, les Goths, et comme symbole de 1. Quelles activités pratique Gargantua ici ?
Moyen Âge. Elle est difficile à lire et contribue à faire de la lecture 2. Quel est son objectif ?
une activité réservée à une élite. Pour les humanistes, tout élève
doit pouvoir lire les œuvres fondatrices, religieuses ou non. Or, si Éléments de réponse
elles sont inaccessibles, mal diffusées, mal écrites, non traduites, 1. Ce sont des activités physiques : il grimpe à la corde, traverse des
il se cantonnera à des commentaires souvent manipulateurs et perches suspendues dans le vide, soulève des haltères. Ces activités
erronés. L’écriture romaine, plus simple, et le développement de sont étonnamment modernes et sont celles que pratique un sportif
l’imprimerie sont donc des armes contre l’obscurantisme. de haut niveau pour « fortifier ses muscles ». On peut noter à cet
2. On trouve une hyperbole (« une grosse écritoire de plus de sept égard que c’est Rabelais qui a inventé le terme « haltères ».
mille quintaux ») et deux analogies (« aussi gros et grand que les 2. Gargantua cultive sa force physique au même titre que son savoir
piliers de Saint-Martin d’Ainay », « la capacité d’un tonneau »). Elles et ses connaissances. Il développe donc différents muscles et tra-
ont toutes une valeur d’hyperbole : elles insistent sur le poids du vaille son souffle par ses cris (« pour s’exercer la cage thoracique et
savoir inutile que Gargantua doit ingurgiter chaque jour. les poumons, il criait comme tous les diables »). Toutefois, on note
Focus lecture 4 : chapitre XV, lignes 24 à 39, p. 67 que ces activités peuvent aussi servir à un soldat en cas de guerre.
Il s’agit de développer des qualités qui pourraient être utiles pour
Question prendre une place forte par exemple. Gargantua n’est pas seule-
D’après Cicéron, un discours rhétorique doit associer cinq quali- ment éduqué à devenir un bon élève ou un homme bon, mais aussi
tés : l’inventio (la recherche d’arguments), la dispositio (l’organisa- un bon roi.
tion du discours), l’elocutio (la clarté du style), l’actio (la gestuelle)
et la memoria (mémorisation du discours). Le discours d’Eudémon 3. Chapitres XVI à XX : Gargantua à Paris
répond-il à ces impératifs ?
Activité
Éléments de réponse
Question
– Le discours d’Eudémon est riche en arguments puisque certains
sont numérotés (« d’abord », « puis », « troisièmement », « quatriè- Il faut s’interroger sur la disposition choisie par Rabelais : pourquoi
mement », « cinquièmement », « enfin »). Les différents arguments a-t-il choisi d’interrompre son diptyque par le récit de l’arrivée de
utilisés pour faire l’éloge de Gargantua reflètent les qualités de Gargantua à Paris ?
l’homme idéal pour les humanistes : il associe qualités morales
Éléments de réponse
(« sa vertu et ses bonnes mœurs »), intellectuelles (« savoir »),
physiques (« beauté ») et aussi la noblesse. Ponocrates fera travailler • La lecture du chapitre XVI, très bref, peut se faire en classe et per-
à Gargantua chacune des qualités évoquées ici ➞ il fait donc met de proposer deux premières hypothèses.
preuve d’inventio. – Rabelais respecte tout simplement la chronologie de son récit.
– Ses arguments sont organisés : il établit des liens logiques entre – Il interrompt une réflexion qui lui tient à cœur sur l’éducation
les différents arguments « et enfin […]. Car […] »). Il commence en par un récit comique qui constitue une détente pour le lecteur et
Questions
1. Comment Janotus donne-t-il l’illusion d’un discours rhétorique
bien organisé ?
2. En quoi réside la dimension comique de ce discours ?
3. Qui est visé par la satire ?
Éléments de réponse
1. Il emploie le vocabulaire du discours argumenté (« argumente »,
« syllogisme », « argumentation ») et des connecteurs logiques
(« Donc »).
2. Tous ces termes sont employés de façon parodique et le discours
n’a aucun sens puisque la conclusion à laquelle on arrive est « et
toc ! ». La répétition des termes de la famille de « cloche », dont la
plupart sont inventés par le romancier (« Toute cloche clochable
[…] clochablement ») est également réjouissante et stigmatise un
discours qui tourne à vide.
3. Rabelais se moque de la Sorbonne où l’on apprend à faire des
discours dénués de contenu, à construire des formes argumenta-
tives qui ne sont pas le support de la réflexion. Pour la Sorbonne, la
qualité du discours réside dans sa forme ; pour Rabelais, elle réside
aussi dans son contenu. La forme doit permettre à la réflexion de
se développer. Il en profite pour adresser une petite pique aux
Sorbonnards qu’il représente moins comme des intellectuels
que comme des jouisseurs : « que du bon vin, un bon lit, le dos à
la cheminée, le ventre à table et l’écuelle bien profonde ». On voit ce
qu’aurait pu devenir Gargantua qui n’étudiait qu’une malheureuse
demi-heure en attendant d’aller manger, boire et faire la sieste, si
Gargantua urinant sur des passants, gravure, 1820. Ponocrates n’avait pris en charge son éducation.
évite que son récit se transforme en manifeste pour une éduca- Citation à apprendre
tion humaniste. « Toute cloche clochable clochant dans le clocher, en clochant
• On peut donc proposer aux élèves de lire ces cinq chapitres en fait clocher par le clochatif ceux qui clochent durablement ».
relevant des éléments comiques et en les classant (comique de
situation, de caractère, de mot, de gestes, de répétition).
– Comique de situation : la jument abat une forêt entière en voulant
éloigner les mouches (comique lié au gigantisme de Gargantua) au La bonne éducation :
Séance 7
chapitre XVI.
– Comique de caractère : Janotus de Braquemardo (notons le
étudier un groupement de textes
comique du nom lui-même) est censé être un érudit mais son dis- Supports : Un groupement de textes sur l’éducation au siècle
cours est ridicule et il semble surtout intéressé puisqu’il se fait payer des Lumières
à la fois par Gargantua (« il emporta son drap en tapinois ») mais aussi Objectifs : Étudier des textes complémentaires qui permettent
par la Sorbonne (« réclama ses chausses et ses saucisses », chap. XX, d’éclairer l’œuvre
p. 79). Durée : 3 à 4 heures, en fonction du nombre d’études choisies
– Comique de mots : on peut s’arrêter par exemple sur les étymo- Mise en œuvre
logies fantaisistes de Beauce (chap. XVI) et Paris (chap. XVII), sur Nous proposons ici un parcours centré sur l’évolution de la
l’énumération des jurons parisiens (chap. XVII) mais le discours de conception de l’éducation à l’époque des Lumières. En effet, les
Janotus relève également de cette forme de comique (voir focus 6). philosophes des Lumières, comme les penseurs humanistes, font
– Comique de gestes : Gargantua pisse sur Paris du haut des tours confiance au progrès, dont l’éducation est un des fondements.
de Notre-Dame (chap. XVII).
– Comique de répétition : le discours de Janotus est ponctué de
raclements de gorge répugnants qui montrent aussi son incapacité L es trois textes du parcours sont disponibles dans la banque
de ressources.
à argumenter clairement (chap. XIX).
Notre groupement envisage plusieurs questions transversales. Texte 1. Fénelon, Traité de l’éducation des filles, 1687
1. Faut-il éduquer les filles ? On sait que Rabelais, à la fin de
Fénelon (1651-1715) écrit cet ouvrage à la demande du duc et de
Gargantua, conçoit l’abbaye de Thélème qui a la particularité d’être
la duchesse de Beauvilliers qui avaient 8 filles. Il défend l’idée que les
mixte, ce qui ne veut pas dire qu’elle place les garçons et les filles
femmes, futures mères de famille, ont un rôle civilisateur et qu’il est
sur un pied d’égalité. Le texte 1 est extrait du Traité de l’éducation
donc dangereux de les maintenir dans une trop grande ignorance.
des filles de 1687, dans lequel Fénelon envisage l’éducation des
Fénelon envisage ici de transmettre des récits, fondant sa méthode
jeunes filles.
essentiellement sur le plaisir.
2. Quels sont les meilleurs moyens d’enseigner ? Depuis le xvie
siècle, se posent des questions sur les moyens à mettre en œuvre :
Quand vous aurez raconté une fable, attendez que l’enfant
faut-il plaire à son élève par des jeux et des activités ludiques qui
vous demande d’en dire d’autres ; ainsi laissez-le toujours dans
lui permettent d’apprendre sans qu’il s’en rende compte ? Ou au une espèce de faim d’en apprendre davantage. Ensuite la curio-
contraire favoriser un apprentissage rigoureux et discipliné ? Le sité étant excitée, racontez certaines histoires choisies, mais en
professeur, sûr de son savoir, doit-il avoir une posture de supério- peu de mots ; liez-les ensemble ; et remettez d’un jour à l’autre
rité ou se mettre à la hauteur de son élève ? Dans le texte 2, extrait à dire la suite, pour tenir les enfants en suspens, et leur donner
de l’Émile ou De l’éducation, traité écrit par Rousseau en 1762, le de l’impatience de voir la fin. Animez vos récits de tons vifs et
philosophe remet en cause l’argumentation indirecte, nocive pour familiers ; faites parler tous vos personnages : les enfants, qui ont
les élèves. Il lui préfère un discours direct, claire, explicite. l’imagination vive, croiront les voir et les entendre. Par exemple,
3. Quels liens peut-on établir entre éducation et politique ? racontez l’histoire de Joseph : faites parler ses frères comme des
Dans une société profondément inégalitaire telle que l’est la société brutaux, Jacob comme un père tendre et affligé ; que Joseph parle
du xviiie siècle, l’éducation ne fait que renforcer les inégalités : les lui-même ; qu’il prenne plaisir, étant maître en Égypte, à se cacher
à ses frères, à leur faire peur, et puis à se découvrir. Cette repré-
nobles ont la chance de recevoir une éducation, certains bourgeois
sentation naïve, jointe au merveilleux de cette histoire, charme-
également, mais les paysans n’ont aucun accès à l’écrit. Condorcet
ra un enfant, pourvu qu’on ne le charge pas trop de semblables
(texte 3), au lendemain de la Révolution française, réfléchit dans récits, qu’on les lui laisse désirer, qu’on les lui promette même
Cinq mémoires sur l’instruction publique (1791) au rôle que pourrait pour récompense quand il sera sage, qu’on ne leur donne point
jouer l’éducation dans la lutte contre les inégalités. l’air d’étude, qu’on n’oblige point l’enfant de les répéter : ces ré-
pétitions, à moins qu’ils ne s’y portent d’eux-mêmes, gênent les
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Questions
1. Quel est le champ lexical dominant au début de l’ex-
trait ? Commentez.
2. Sur quels principes devrait reposer l’éducation selon Fénelon ?
3. En quoi l’enseignement est-il progressif ?
Éléments de réponse
1. Le champ lexical dominant au début de l’extrait est celui du désir
(« faim », « curiosité », « suspens », « impatience »). Fénelon veut que
l’élève ait l’envie d’en savoir plus.
2. Pour Fénelon, l’éducation ne repose pas sur l’apprentissage de
principes abstraits. Au contraire, il faut stimuler l’imagination des
élèves (« imagination », « croiront les voir et les entendre », « représen-
tation naïve »), les inviter à s’identifier à des personnages (« en étant
maître en Égypte »). La leçon sera ainsi plaisante et elle permettra
d’apprendre une leçon de morale en acte.
3. Il insiste également sur le fait que l’enseignement doit être pro-
gressif : inutile d’exiger trop d’un élève qu’on risquerait de rebu-
ter. On l’invite d’abord à parler (« laissez-le dire sans le reprendre
de ses fautes ») puis on lui apprend à bien parler, on le corrige
Jean-Baptiste Siméon Chardin, La Bonne Éducation, vers 1753, (« lui faire remarquer doucement la meilleure manière de faire une
Museum of Fine Arts, Houston. narration »).
FICHE
ÉLÈVE
L’humanité des esclaves
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Objet d’étude n°3 : « Soi-même et l’autre » anciens. Je suis un vaurien quand un gâteau fumant m’attire ; et toi,
tu as sans doute la force et le cœur de refuser un repas excellent ?
Présentation Ma complaisance pour mon ventre m’est funeste ; mais pourquoi ?
Indispensable rouage de la machine économique et de la vie parce que mon dos s’en ressent. Mais toi, recherches-tu donc plus
impunément ces mets qui sont défendus aux pauvres ? Ces repas
quotidienne, l’esclavage est un fait majeur du monde antique :
poursuivis sans terme deviennent amers, et les pieds incertains
tout homme libre possède au moins un esclave, les plus riches
refusent de porter le corps délabré. S’il est en faute, l’esclave qui
citoyens jusqu’à cinq cents, et l’on estime que, sous Auguste, échange, à la nuit, une étrille dérobée contre une grappe de raisin,
plus d’un tiers de la population de l’Italie est de condition celui qui vend son patrimoine pour satisfaire sa gloutonnerie n’a-
servile. Mais s’il est aisé de considérer comme un pur outil, sans t-il rien de servile ?
droits ni personnalité, l’esclave soumis à un travail de force ou le
Traduction de Charles Leconte de Lisle, 1873.
personnel de maison anonyme et interchangeable, la question
est plus ambiguë s’agissant de l’esclave occupant une position 1. Peintre grec.
de confiance ou partageant l’intimité du maître. La relation entre 2. Noms de gladiateurs.
maîtres et esclaves devient alors le support d’une méditation sur
leur commune humanité.
Traduction et commentaire du texte d’Horace
1. À l’aide du dictionnaire, proposez une traduction mot-à-mot des
Horace : le maître ne vaut pas mieux vers 8-12 et 15-17.
que l’esclave 2. Étudiez la composition de ce texte en mettant en évidence les
parallélismes.
3. Étudiez les différents procédés par lesquels Davus dévalorise
Profitant de la liberté des Saturnales, l’esclave Davus s’adresse à son maître.
son maître Horace pour lui montrer qu’ils ne sont guère différents…
Vel cum Pausiaca torpes, insane, tabella, Condorcet : l’esclave vaut parfois mieux
qui peccas minus atque ego, cum Fulvi Rutubaeque que son maître
aut Pacideiani contento poplite miror
proelia rubrica picta aut carbone, velut si Moins connu que les textes de Voltaire (l’épisode du nègre de
5 re vera pugnent, feriant vitentque moventes Surinam dans Candide) ou de Montesquieu (« De l’esclavage des
arma viri ? Nequam et cessator Davus ; at ipse nègres » dans L’Esprit des lois), cet ouvrage de Condorcet entreprend,
subtilis veterum judex et callidus audis. à la veille de la Révolution française, une critique radicale du
Nil ego, si ducor libo fumante ; tibi ingens système esclavagiste.
virtus atque animus cenis responsat opimis ?
10 Obsequium ventris mihi perniciosius est cur ? Mes amis,
Quoique que je ne sois pas de la même couleur que vous, je
Tergo plector enim. Qui tu impunitior illa,
vous ai toujours regardés comme mes frères. La nature vous a for-
quae parvo sumi nequeunt, obsonia captas ? més pour avoir le même esprit, la même raison, les mêmes vertus
Nempe inamarescunt epulae sine fine petitae que les blancs. Je ne parle ici que de ceux d’Europe, car pour les
inlusique pedes vitiosum ferre recusant blancs des colonies, je ne vous fais pas l’injure de les comparer
15 corpus. An hic peccat, sub noctem qui puer uvam avec vous, je sais combien de fois votre fidélité, votre probité, votre
furtiva mutat strigili, qui praedia vendit, courage ont fait rougir vos maîtres. Si on allait chercher un homme
nil servile gulae parens habet ? dans les Îles de l’Amérique, ce ne serait point parmi les gens de
Horace, Satires II, 7, v. 95-111, 29 av. J.-C.
chair blanche qu’on le trouverait.
Quand tu restes en torpeur comme un insensé devant un ta- […] Tous ceux qui se sont enrichis dans les Îles aux dépens
bleau de Pausias1, es-tu moins enfant que moi, lorsque, le jarret de vos travaux et de vos souffrances, ont, à leur retour, le droit
tendu, j’admire les combats de Fulvius et de Rutuba ou de Pacidé- de vous insulter dans des libelles calomnieux ; mais il n’est point
ianus2, peints à la brique ou au charbon, tels qu’ils semblent vrai- permis de leur répondre. Telle est l’idée que vos maîtres ont
ment se battre, frappant ou évitant les coups ? Davus est alors un de la bonté de leur droit ; telle est la conscience qu’ils ont de
coquin et un paresseux, et toi, tu es traité de juge subtil et fin des leur humanité à votre égard. Mais cette injustice n’a été pour
moi qu’une raison de plus pour prendre, dans un pays libre, la
Scène d’Andria, comédie de Plaute, bas-relief, Ier siècle av. J.-C., musée archéologique de Naples.
Commentaire du bas-relief
7. Ce bas-relief met en scène trois personnages de maîtres et deux 8. Renseignez-vous sur le personnage de la joueuse de flûte dans
personnages d’esclaves. Identifiez les uns et les autres, en fonction la comédie latine.
de leurs masques et de leurs costumes. 9. Interprétez la relation entre les deux personnages à droite.
Le texte d’Horace parallèle (v. 6-7 et 15-17) qui met en évi- s’imagine « béni par [eux] » induit même
dence l’arbitraire du jugement que porte une supériorité d’ordre spirituel conférée
1. Nil (sum) ego = Je suis un vaurien, moi, le monde sur l’un et l’autre. aux esclaves par leur martyre.
si ducor = si je suis attiré 3. La première séquence les montre donc 5. Condorcet procède en deux temps. Il
libo fumante = par un gâteau fumant en arrêt devant des images peintes : au vers leur reconnaît d’abord un trio de quali-
tibia virtus = mais ta vertu 3 l’ablatif absolu « contento poplite » (« le tés complémentaires (« le même esprit, la
atque animus ingensb = et ton courage genou raidi ») fait écho au verbe « torpes » même raison, les mêmes vertus ») qui les
immense (« tu es paralysé ») du vers 1, mais avec plus égale aux blancs. Mais en affirmant leur
responsatc = sont-ils insensibles d’expressivité réaliste. L’énumération des supériorité morale (par leur « fidélité, [leur]
cenis opimis = à de somptueux dîners ? gladiateurs, l’insistance sur la simplicité probité, [leur] courage ») sur une sous-ca-
cur = pourquoi des matériaux (« rubrica aut carbone »), tégorie de blancs, ceux « des colonies », il
obsequium ventris = ma faiblesse pour employés sur des affiches ou des graffitis, renverse la hiérarchie habituelle : ce sont
mon ventre tout cela sonne comme le défi d’un homme eux les véritables humains et la dernière
mihi est = m’est-elle du peuple revendiquant sans honte des phrase du paragraphe 1 exclut de facto
perniciosius = plus funeste ? goûts simples contre les préjugés de l’élite leur maîtres du champ de l’humanité.
tergod plector enim = car on châtie mon dos ! culturelle, qui se proclame seule habilitée à 6. Non contents de les exploiter sans scru-
Qui tu captas = Est-ce que, toi, tu quêtes juger de la valeur esthétique (on peut voir pules, les « tyrans » des esclaves les diffa-
Impunitiore= plus impunément un léger sarcasme dans le vers 7). Le paral- ment ignoblement : leurs « libelles calom-
illa obsonia = ces victuailles lèle n’abolit pas seulement la hiérarchie nieux » visent sans doute à justifier leur
quae nequeunt = qui ne peuvent entre le maître et l’esclave ; il la renverse iniquité, en privant leurs victimes de toute
parvo sumi = s’acquérir à bas prix ? […] en faveur de l’authenticité et de la vie que compassion qui pourrait mettre en cause
Anf peccat = Il est donc coupable, représente le second. un système si rentable. Le cynisme d’une
hic puer qui = ce serviteur qui, Davus ne se contente pas de suggérer par telle attitude est dénoncé par l’expression
sub noctem = au crépuscule, le fréquentatif « captas » (v. 12) l’avidité du « l’insolence absurde des sophismes », mais
uvam mutat = échange une grappe de glouton, ou de railler la défaite prévisible de aussi par une antiphrase à l’ironie amère
raisin ces beaux principes qui font l’homme bien (« la bonté de leur droit » et « la conscience
furtiva strigili = contre un strigile né, ces « Virtus atque animus » (v. 9) dont […] de leur humanité »).
dérobé, l’adjectif « ingens » brocarde par avance la
qui = tandis que celui qui fatuité. Il consacre autant de place à proje-
Le bas-relief pompéien
praedia vendit = vend ses domaines ter le destin pitoyable de l’amateur de trop 7. À gauche, on reconnaît deux vieillards
gulae parens = en obéissant à sa bonne chère, entre les aigreurs d’estomac (« senes ») : leurs toges garantissent leur
goinfrerie (« inamarescunt », v. 13) et la goutte qui statut social et leurs masques grimaçants
nil servile habet ? = n’a rien de servile ? rend les pieds impotents (« inlusi », v. 14). dénoncent leur âge, et leur caractère souvent
Et une fois encore, la prétendue supériorité grognon. Au centre, une joueuse de flûte, qui,
a. En poésie, le pronom pers. datif équivaut du maître fait sa faiblesse. Car cette supé- dans la comédie latine est souvent aimée du
à un adj. poss. jeune homme. À droite, l’ « adulescens », vêtu
riorité est seulement d’ordre pécuniaire et
b. L’adj. ingens qualifie les deux substantifs. de la toge du citoyen ; à son côté, le « servus »,
c. Accord du verbe au sg, avec le plus proche
c’est cette opulence qui transforme la gour-
mandise en goinfrerie, et le menu larcin avec son masque grotesque, dont la bouche
de ses deux sujets.
(un strigile contre une grappe de raisin) protubérante l’animalise, et sa tunique courte
e. Cet adj. attribut du sujet tu équivaut à un
adv. de manière. en dilapidation du patrimoine (v. 15-17). qui marque son rang et assure sa vélocité.
f. Cette interrog. porte sur les deux prop. oppo- La conclusion est sans appel : le « servile » 8. Cette joueuse de double flûte est une
sées par une parataxe (qui mutat peccat / qui dont Davus gratifie Horace dans une inter- courtisane (« meretrix », littéralement « la
vendit habet) et appelle une réponse négative. rogation oratoire retourne contre le maître gagneuse »), propriété du « leno » (le proxé-
2. Les deux personnages sont saisis dans le dédain social dont les hommes libres nète) qui loue ses services au plus offrant.
deux attitudes de la vie quotidienne : en accablent leurs esclaves. C’est le second personnage d’esclave sur
contemplation devant des images (v. 1-7) cette scène. Entre prostitution et romance
et en proie à la gourmandise (v. 8-16). Le texte de Condorcet amoureuse, son personnage reflète lui
Dans les deux cas, Davus oppose son ego 4. En adressant « aux nègres esclaves » une aussi toute l’ambiguïté de la condition ser-
au tu d’Horace autour de la question cen- « Épître dédicatoire », Condorcet les consi- vile à Rome.
trale « en quoi es-tu moins répréhensible dère comme sujets de plein droit, et non 9. On a longtemps cru que cet « adulescens »
que moi ? » (v. 2 et v. 11). La composition comme l’objet d’une réflexion qui se ferait battait son esclave. C’était se méprendre sur
des deux scènes est organisée en un à leur propos mais en dehors d’eux. Le mot ce qu’il tient au bout de son bras – non des
chiasme discret : tous deux sont alterna- « amis » suppose en outre une intimité qui étrivières mais un bandeau de fête comme
tivement campés dans le premier vers ne se trouve qu’entre pairs ; à la fin de la celui que les convives se nouaient autour de
(d’abord le maître et ensuite l’esclave), première phrase, il est enrichi par le mot la tête dans les banquets. On a affaire ici à
laissant à l’autre le premier plan pour envi- « frères », qui signe leur appartenance à un autre stéréotype : le « servus » dévoué à
ron quatre vers. La séquence se conclut une commune humanité. Dans le para- son jeune maître visiblement éméché, qu’il
chaque fois sur une reprise vigoureuse du graphe 2, le geste par lequel Condorcet soutient et encourage à rester discret...
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