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Pourquoi le bouc sent mauvais

et autres contes du Bénin


Suivi d’un
Guide pédagogique
Traduit par
Marie-Cécile JOSSOU de BENQUE d’AGUT
et Benoit AHLE

Suivi d’un

GUIDE PÉDAGOGIQUE
réalisé par Daté Atavito BARNABÉ-AKAYI
© Tous droits réservés
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle,
par quelque procédé que ce soit, du texte ou des illustrations
contenus dans le présent ouvrage, à des fins commerciales,
est strictement interdite

Illustration intérieur : Laudamus SEGBO


Illustration de couverture : Éric ÉGBARA

© LAHA Éditions, 2017


Tél. + 229 63 16 07 07/+ 229 97 89 82 42
www.vasyvoir.com
ISBN : 978-99919-2-306-2
Préface

P ourquoi le bouc sent mauvais et autres contes


du Bénin est une tentative que j’ai faite pour faire
revivre au moyen du mot écrit un échantillon de contes
fon qui proviennent d’une des plus riches traditions orales
d’Afrique. Ce qui a donné naissance à cette idée est le souci
que j’ai du danger de perte définitive qui menace les contes
oraux de mon pays, souci qui m’a amené à élaborer un projet
important pour la préservation des contes populaires du
Bénin. Ce livre est le premier-né de ce projet.

Pendant une période de six ans, j’ai enregistré de nom-


breux contes tels qu’ils m’ont été dits par des conteurs fon
dont l’âge s’échelonnait de dix à soixante ans. Du fait que
le Fon est ma langue maternelle, que je suis professeur
d’anglais, titulaire d’un M.A. et d’un Ph.D. de langue et litté-
rature anglaises, en traduisant et retranscrivant les histoires
de ce livre, j’ai joui de l’avantage de cette position unique que
me donnent la combinaison d’une intime connaissance de
la tradition orale fon et d’une grande habitude des conven-
tions qui régissent la langue et la composition anglaises.

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Raouf MAMA

Il se peut que beaucoup de lecteurs non-béninois aient


entendu parler du royaume du Danhomey et de la Répu-
blique du Bénin, mais peu d’entre eux sont familiers avec
la culture du peuple fon ou avec sa tradition orale. Il peut
donc s’avérer utile de dire quelques mots sur certaines par-
ticularités de ces histoires ainsi que sur les modifications
qu’elles ont subies en passant par le creuset de l’imagination
du traducteur.

Les contes populaires fon n’ont pas de titre. Les titres


de ces histoires sont de mon invention, mais en choisis-
sant chaque titre j’ai fait en sorte qu’on y trouve l’essence
de l’histoire à laquelle il est attaché. Les contes oraux fon
ont une autre particularité importante : lorsque le conteur
commence son histoire, il la compare à un oiseau qui prend
son essor. L’oiseau se pose habituellement sur le protago-
niste ou l’antagoniste de l’histoire. J’ai essayé de préserver
ce trait en débutant beaucoup de ces histoires par cette
phrase : « Mon histoire prend son essor, survole pays et
royaumes d’antan. » Cependant, ce début ne s’adapte pas à
toutes les histoires, aussi ai-je utilisé des expressions telles
que : « II était une fois », « II y a longtemps de cela » ou
quelque proche variante chaque fois que j’ai eu l’impression
qu’une telle expression permettait un meilleur déroulement
de l’histoire.

En traduisant ces contes en anglais dans ce livre, j’ai


essayé de rester fidèle à la culture dont ils sont issus et à
sa morale. Ce n’est que dans quelques cas, lorsque j’ai eu

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Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

l’impression qu’on y gagnait en clarté et en puissance nar-


rative, que j’ai effectué quelques modifications.

Ces modifications sont expliquées dans les notes qui


accompagnent chaque histoire. Cependant, au cours du
processus de traduction, j’ai apporté bon nombre de des-
criptions afin de transmettre aux lecteurs et aux auditeurs
non-Béninois certaines images, certains sons, certaines sen-
teurs qui sont implicites dans ces contes.

En prenant cette liberté, je me suis inspiré de Joseph


Conrad, ce grand romancier polonais, qui écrivit jadis : « Ma
tâche [...] consiste, grâce à la puissance du mot écrit, à vous
faire entendre, à vous faire sentir – avant tout à vous faire
voir. C’est en cela que consiste ma tâche, et en cela seule-
ment, et cela couvre tout. » Dans cette phrase puissante de
Conrad, je retrouve le devoir primordial de tout conteur qui
s’aventure à consigner par écrit un conte oral.

Voici donc la toile de fond qui doit servir à la lecture


des histoires du recueil Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres
Contes du Bénin.

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Remerciements

I I m’a fallu dix ans pour écrire ce livre, et pendant que


je recueillais ces contes et les préparais pour la publi-
cation, bon nombre de personnes et d’institutions m’ont
apporté leur soutien et leurs encouragements. Maintenant
que ce livre est achevé, je voudrais leur exprimer toute ma
reconnaissance.

Mes remerciements vont tout d’abord à mon mentor,


Niara Surdakasa, à mes professeurs du Bénin et du Michi-
gan, pour avoir permis l’élaboration de ce livre, et à mon
collègue Gaston Zossou, qui m’a beaucoup aidé au début
de ce projet de contes folkloriques. Je voudrais remercier
également le professeur Lyall Powers et sa femme Loretta
Powers pour avoir écouté mes contes et pour les précieuses
suggestions qu’ils m’ont faites. Beaucoup de mes collègues
d’Eastern Connecticut State University m’ont aussi aidé
de leurs suggestions. Ils sont trop nombreux pour que je
puisse tous les nommer, mais je voudrais citer les personnes
suivantes pour leur générosité et la perspicacité dont elles
ont fait preuve : le Dr Hugh Blumenfeld, le Dr Julie Nash,
le Dr Barbara Molette, mon amie Earna Luering, Mr Ken

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Raouf MAMA

Moorhead, Mrs Leanna Loomer, Mrs Ktïs Jacobi et le Dr


Sonia Marrero Cintron.

Je suis également redevable au professeur Victor Kaplan,


à Mme Barbara Rééd. M. Bill Stuart et mes étudiants d’Eas-
tern Connecticut State University d’avoir été de si bons
critiques. Je suis profondément reconnaissant à l’Université
du Michigan de m’avoir octroyé cette subvention pour
lancer mon projet de recherches de contes folkloriques,
ainsi qu’à Connecticut State University et Eastern Connec-
ticut State University System pour leur soutien indéfectible
et les nombreuses subventions qu’ils m’ont accordées
pendant toutes ces années. Il me faut aussi remercier The
National Endowment for the Humanities et The Connecti-
cut Humanities Council pour leurs subventions. Je voudrais
également saisir cette occasion pour remercier tous ceux
qui ont pris part à mon stage de Contes Folkloriques
d’Afrique, au cours de l’été 1996, pour leur contribution
à mon projet de recherches de contes folkloriques qui fut
d’une importance capitale. Je voudrais également expri-
mer ma reconnaissance au professeur David Philips ; à Jill
Oxendine, ex-rédacteur de la revue Storytelling ; à Richard
Walker, conteur et rédacteur de Facts and Fiction ; et à
Bruce Frost, rédacteur et correcteur.

Je n’aurais pu achever ce livre sans le soutien de mon


épouse, Cherifa Marna, et de nos enfants, Faridath, Rabiath
et Gemilath. Je voudrais qu’elles sachent combien je leur
suis reconnaissant de leur affection et de leur compréhen-
sion.

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Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Bien qu’il m’ait fallu dix ans pour achever ce livre, les
bases en ont été jetées pendant mon enfance quand j’écou-
tais des contes après le repas du soir. C’est pourquoi je
voudrais adresser mes remerciements tout particulièrement
à mes parents, à ma famille et à tous les conteurs de mon
enfance, avec qui je parcourais le monde merveilleux du
temps jadis. Un grand merci également à M. Jean Pliya, de
qui j’ai appris plus que je ne saurais jamais le dire, et à mon
correcteur Diantha Thorpe pour l’excellence de son travail.

Enfin, je voudrais exprimer ma profonde gratitude à


Mme Martine Hounsou, Christophe Djotindagba, Thomas
Tobossi et tous les conteurs dont j’ai entendu ou enregistré
les histoires au cours de toutes ces années. Ce livre est un
hommage que je leur rends. C’est aussi une tentative que j’ai
faite pour faire revivre à travers l’écriture dans une langue
étrangère la splendeur sauvage et la puissance immuable de
la tradition du conte populaire de notre peuple.

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Introduction

D ès l’aube de l’histoire, l’humanité s’est tournée


vers les contes folkloriques pour y chercher un
soulagement au pénible labeur et aux tribulations de la vie
quotidienne. C’était également un moyen de préserver la
tradition culturelle et un outil qui permettait d’instruire les
jeunes et de les préparer à la vie d’adulte. Les contes folk-
loriques sont l’expression de la vision que les gens ont de la
vie et de la perception qu’ils ont d’eux-mêmes. Ils racontent
l’histoire de la lutte de l’humanité prise dans le flux et le
reflux de la condition humaine.

Ce qu’a dit James Baldwin, le célèbre écrivain noir amé-


ricain au sujet des blues dans « Sonny’s Blues », l’une des
meilleures nouvelles jamais écrites, s’applique également
aux contes folkloriques : « Ce dont ils parlaient n’avait rien
de bien nouveau... Car quoique le récit de nos souffrances,
de nos joies et de nos triomphes n’ait jamais rien de nou-
veau, il est cependant nécessaire que nous l’écoutions. Il n’y
a pas d’autre histoire à raconter... »
Cependant, les contes folkloriques sont plus que des
œuvres de littérature orale. Ils font partie du domaine de
l’histoire des cultures et peuvent donc servir d’instruments

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Raouf MAMA

pour la promotion d’une compréhension interculturelle.


Dans « Favorite Folktales from Around the World », Jane Yolen,
dans son introduction, souligne le pouvoir qu’ont les contes
folkloriques de faire tomber certaines des barrières qui
divisent les hommes et les dressent les uns contre les autres.
« Les contes folkloriques ont un grand pouvoir, ils sont à
la fois voyage et rencontre. Dans un conte, nous faisons
connaissance avec des lieux nouveaux, des peuples nou-
veaux et des idées nouvelles. Et ces lieux, ces peuples, ces
idées, nous les faisons nôtres. » Julius Lester exprime la
même idée dans son avant-propos de « Black Folktales » : « Les
contes », suggère-t-il, « sont des histoires qui permettent
aux hommes de communiquer entre eux et d’apprendre à
se connaître.»
Le Bénin, petit pays de l’Afrique de l’Ouest, situé sur
le Golfe de Guinée, entre le Togo et le Nigéria, possède
une longue tradition orale d’une remarquable richesse et
qui remonte à des temps immémoriaux. Dans la tradition
de contes folkloriques au Bénin se trouve un monde mer-
veilleux de lieux, de peuples et d’idées, et elle a beaucoup à
apprendre au reste du monde. Mais jusqu’à un passé récent,
les idées, les peuples et les lieux dont parlent ces contes sont
restés inconnus au-delà des frontières du Bénin, hormis de
quelques chercheurs. Il reste donc à répertorier de façon
systématique les récits oraux du Bénin et à les intégrer dans
l’ensemble de la littérature orale du monde.
Pourquoi Le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin
présente des contes d’origine fon, le groupe ethnique le
plus important du Bénin puisqu’il constitue approximative-
ment les trois cinquièmes de sa population. Parmi les autres

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Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

groupes ethniques on trouve les Yoruba, les Nagot, les


Bariba, les Dendi, les Somba et les Fulani. Les fon, en 1625,
fondèrent le royaume du Danhomey, l’un des royaumes his-
toriques de l’Afrique de l’Ouest. Et du fait que le Danhomey
a joué un rôle prépondérant dans le commerce des esclaves,
la culture fon est partagée aussi à un degré plus ou moins
important par les Noirs des Etats-Unis, du Brésil, de Cuba,
d’Haïti et d’autres pays des Caraïbes.
Le Royaume du Danhomey a été colonisé par la France
vers la fin du 19ùme siècle. En 1894, les Français créent
la colonie du Danhomey, en adjoignant au royaume du
Danhomey un certain nombre de petits royaumes et
territoires coloniaux au nord et au sud. Le Danhomey est
devenu indépendant en 1960 et à l’instar de nombreux
pays africains, a connu une longue période d’instabilité
politique. En 1972, Mathieu Kérékou, commandant de
l’armée, s’empare du pouvoir et gouverne le pays jusqu’en
1990. En 1975, le Danhomey prend le nom de République
Populaire du Bénin, mais quand le dictateur militaire perd
le pouvoir à la suite du scrutin électoral de 1991, événement
sans précédent dans l’histoire moderne de l’Afrique, le pays
est simplement rebaptisé République du Bénin.
De nombreux ouvrages ont contribué à la préservation
des contes folkloriques du Bénin et ont permis la parution
de ce livre. Parmi ceux-ci, les œuvres suivantes m’ont été
d’une grande aide, Dahomean Narrative (1958), des Améri-
cains, Melville et Frances Herskovits, anthropologues et
spécialistes de folklore. Le Dilemme (1983) du Béninois,
Abdou Serpos Tidjani, chercheur et conteur, et La Fille
Têtue (1982) du Béninois Jean Pliya, historien, dramaturge

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Raouf MAMA

et nouvelliste. Ces œuvres ainsi que les miennes marquent


une étape importante dans la lutte que nous menons pour
sauver les contes folkloriques du Bénin d’une perte irrémé-
diable, mais il reste beaucoup à faire. Et la tâche est d’autant
plus urgente que la tradition séculaire de soirées passées à
écouter des contes dans les foyers béninois a pratiquement
disparu. Le système d’enseignement colonial et post-colo-
nial, les tensions, les contraintes dues à l’urbanisation, aux
difficultés économiques croissantes, à l’ascendant pris par
la télévision ont contribué à entraîner sa disparition. Et
avec cette disparition, nous avons perdu un précieux outil
éducatif et une source de distraction importante.
Les lecteurs retrouveront ici des échos de contes popu-
laires de l’Occident et d’autres parties du monde. « Le prince
et l’orpheline », par exemple, ressemble de manière frap-
pante à « Cendrillon » ; « Quand la rivière devient le grand
trou » est de toute évidence une variante du « Petit chaperon
rouge », et Yogbo, le protagoniste de « Pourquoi le bouc
sent mauvais », et « Comment Yogbo le glouton trouva la
mort », nous rappelle Anancy, Coyote, Renard et d’autres
personnages réputés pour leur ruse. « Le Roi qui voulait être
dieu », seul conte de ce recueil qui porte distinctement la
marque de la tradition judéo-chrétienne nous rappelle
« Le Roi mendiant » de Elijah’s Violin de Howard Schwartz,
l’éminent poète et conteur juif qui puise son inspiration
dans le folklore. Ce conte appartient à une catégorie à part,
car il est tout particulièrement lié à l’histoire récente du
Bénin et à l’ascension et à la chute, puis la réapparition sur
la scène politique du Général Mathieu Kérékou, l’un des

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Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

dirigeants politiques d’Afrique les plus charismatiques et


fascinants de notre époque.
« Le Roi qui voulait être dieu » et quelques autres contes
de ce livre traitent du côté spirituel de la vie ; certains contes
sont des contes de fées ; d’autres sont des contes moraux
ou explicatifs ; et un petit nombre d’entre eux reposent
sur la supercherie. Quel qu’en soit le thème, les contes
folkloriques du Bénin ont toujours une leçon à donner, et
les soirées consacrées aux contes donnent invariablement
lieu à des débats au cours desquels auditeurs et conteurs
commentent la morale de ces récits. Chez les Fon, la tra-
dition du conte folklorique veut que la vertu soit toujours
récompensée et le vice puni. Les contes fon expriment une
mise en garde contre le danger de la haine, de l’envie, de
la cupidité, de l’orgueil, de l’égoïsme, la paresse et la dupli-
cité. Par contre, ils mettent en évidence la récompense de
l’amour, de la compassion, de l’abnégation, du courage, du
respect des anciens, de la vénération du sacré, de la discré-
tion et du bon sens.
Dans le folklore fon, il y a une interaction quasi-quoti-
dienne entre les êtres humains, les animaux, les plantes et
les esprits, et il n’est pas rare que les animaux, les arbres
et les esprits prennent une forme humaine pour mettre
à l’épreuve, punir, faire souffrir ou aider et récompenser
des êtres humains. Les orphelins, les jumeaux, et Yogbo le
glouton sont des personnages qui reviennent fréquemment
dans les contes folkloriques fon. Les orphelins sont en
général maltraités par leurs marâtres, mais ils jouissent d’une
protection surnaturelle et triomphent toujours de l’adver-
sité. Les jumeaux sont vénérés comme des demi-dieux. Ils

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Raouf MAMA

sont mystérieux, imprévisibles, et ne sont jamais enclins à


parler à la légère.
Pour les Fon, certains nombres, tels que 3, 7, et 41, ont
une fonction mythique particulière. Dans « La danse de
la misère », par exemple, l’esprit met trois fois le héros à
l’épreuve, et dans le conte « Qui devinera le nom des prin-
cesses ? », Yogbo exige de son ami quarante-et-un plats
comme prix à payer pour qu’il lui dise le nom des quatre
princesses.
Yogbo est l’archétype du fourbe dans le folklore fon.
C’est un être cupide, insatiable, malfaisant et plein d’esprit, à
qui il ne faut jamais faire confiance. Il s’attaque aux enfants,
aux personnes stupides et à tous ceux qui le laissent faire
et c’est seulement en recourant à la ruse qu’on peut avoir
raison de lui.
La gloutonnerie de Yogbo et les ennuis qu’elle lui amène
montrent bien le danger d’un amour excessif de la nour-
riture. La nourriture occupe une place importante dans
beaucoup de contes béninois, non seulement parce que
l’agriculture était et reste la principale source de l’acti-
vité économique, mais aussi parce que la nourriture et les
boissons jouent un rôle essentiel lors des cérémonies qui
marquent les différents événements de la vie : naissances,
mariages, décès, réunions et actions de grâce. La nourriture
doit être partagée et ceux qui ont plus de nourriture qu’il ne
leur en faut ont le devoir d’en donner à ceux qui ont faim.
Les contes relatés dans « Pourquoi le Bouc sent mau-
vais et Autres contes du Bénin » constituent une source
précieuse d’information sur la culture, les coutumes et les
traditions fon. Ils mettent en lumière la vision qu’ont les

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Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Fon de la vie, et les valeurs qui ont régi leur propre vie au
cours des siècles. Cependant, ce qui est plus important, ces
contes relatent l’histoire éternelle de la manière dont les
hommes dans le monde entier souffrent, se réjouissent et
éventuellement triomphent de l’adversité.

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Orphelins, jumeaux
et autres enfants
L’enfant dont
on n’avait pas voulu
M on histoire prend son essor, survole contrées et
royaumes d’antan, et vient se poser sur un prince
qui s’appelait Hangnan-Hangnan-Gba, « Vilain Pataud. »
Quand il naquit, le roi le trouva si laid qu’il ne voulait pas le
toucher, pas même avec un bâton ! Et plus Hangnan-Han-
gnan-Gba grandissait, plus le roi le trouvait laid, au point
qu’un jour, il finit par ordonner à ses gardes de l’abandonner
dans la jungle.
« Emmenez-le dans la jungle et laissez-le là, qu’il se
débrouille tout seul », tonna le roi. Je ne peux pas être père
d’un enfant aussi laid ! » C’était un roi très puissant : il avait
quarante-et-une femmes et d’innombrables enfants. Aban-
donner un enfant lui était aussi facile que de se débarrasser
d’un vieux vêtement.
A peine le roi eût-il donné cet ordre qu’il fut exécuté, et
Hangnan-Hangnan-Gba, tout enfant qu’il était, se retrouva
parmi les bêtes sauvages au cœur de la jungle. Tous les
animaux se montrèrent bons pour lui et les vilains singes
se prirent d’une telle affection pour le vilain garçon qu’ils
l’adoptèrent. Se nourrissant de fruits sauvages et parcourant
la jungle en compagnie de sa nouvelle famille, Hangnan-
Hangnan-Gba grandit loin de tout regard humain.
A proximité de cette jungle se trouvait un autre royaume
où une terrible sécheresse avait tari lacs et rivières et brûlé la
terre. La sécheresse sévissait, année après année, et semblait

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Raouf MAMA

ne devoir jamais finir. Attendant désespérément la pluie,


les gens entreprirent de sacrifier une belle jeune fille, une
fois par an, à un énorme serpent qui habitait dans la jungle.
Parée de beaux vêtements et de bijoux précieux, la jeune
fille offerte en sacrifice était accompagnée jusqu’à l’orée
de la jungle au son de chants rituels et du battement des
tamtams. Se détachant courageusement de sa suite, elle lui
faisait signe de la main et s’enfonçait dans la forêt. Une
fois la jeune fille hors de vue, la foule rebroussait chemin et
quelques jours plus tard, une petite pluie apportait un court
répit dans la sécheresse.
L’année où la première jeune fille fut offerte en sacrifice
au serpent, Hangnan-Hangnan-Gba atteignait l’âge adulte.
Caché dans la jungle derrière un rideau de branches d’arbres,
il fut témoin de l’horrible rituel. Enroulé autour d’un baobab,
le serpent se détendit avec une vitesse stupéfiante quand
apparut la jeune fille, il l’enlaça et l’étouffa en lui broyant le
corps. Le sang de Hangnan-Hangnan-Gba ne fit qu’un tour
et des frissons le parcoururent comme les cris de la jeune
fille déchiraient l’air et que le serpent sifflait triomphalement.
« II faut que je tue ce monstre », marmonna Hangnan-Han-
gnan-Gba à voix basse, les dents serrées. « II faut que je tue
ce monstre et que je délivre ce peuple. »
Pendant sept ans, il apprit à manier arc et flèches avec
une dextérité mortelle et infaillible. Il s’entraîna à distancer
l’animal le plus rapide de la jungle, et se perfectionna dans
l’art de grimper aux arbres et de se balancer de l’un à l’autre
plus promptement que n’importe quel singe. Et pendant
qu’il s’apprêtait au combat, il vit cinq autres jeunes filles
sacrifiées l’une après l’autre à ce monstre dévoreur de chair

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Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

humaine. Six fois de suite, il suivit à la trace les mouvements


du serpent depuis le cœur de la jungle jusqu’au baobab où
il attendait sa victime.
Le jour où la septième victime devait être offerte au
monstre, Hangnan-Hangnan-Gba se réveilla à l’aube, prit
son arc et ses flèches et se cacha près de l’endroit où le
serpent avait coutume de s’embusquer. Bientôt, celui-ci,
les yeux brillants, se fraya un chemin en se tortillant entre
les hautes herbes et les arbres imposants. Lentement, il
s’enroula autour de son baobab favori et attendit. Rapide
comme le vent, Hangnan-Hangnan-Gba décocha une volée
de flèches qui atteignirent le monstre à la tête, lui crevèrent
les yeux et le transpercèrent de part en part.
Sifflant de rage, crachant le feu, le serpent se déroula
rapidement, balayant tout de sa queue avec violence, écra-
sant des arbres dans sa poursuite aveugle de l’ennemi. Mais,
Hangnan-Hangnan-Gba d’un bond, s’était mis à l’abri au
sommet d’un arbre, hors d’atteinte du monstre. Enfin la
mort triompha, et le serpent s’immobilisa. Hangnan-Han-
gnan-Gba lui coupa la queue, la mit dans un énorme sac et
revint sur ses pas.
Peu de temps après, on entendit au loin le roulement des
tambours accompagné de chants rituels : on conduisait à
l’orée de la jungle une jeune fille d’une beauté incomparable
pour l’offrir en sacrifice. Mais lorsqu’elle entra dans la forêt,
voilà que le serpent gisait inerte dans une mare de sang ! En
courant, elle repartit avertir les gens du village.
La nouvelle de la mort du serpent se répandit dans tout
le royaume avec une rapidité magique, frappant de peur le
cœur des hommes, des femmes et des enfants. « Qui nous

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Raouf MAMA

enverra la pluie pour sauver mon royaume de la faim et de


la soif ! » se lamenta le roi. « Quiconque a tué le serpent a
commis un acte terrible, en vérité ! »
Au coucher du soleil, cependant, le ciel s’était couvert de
nuages d’un bleu très sombre, et bientôt, des trombes d’eau
se déversèrent au milieu d’éclairs et de coups de tonnerre.
Lorsque après trois jours et trois nuits la pluie enfin cessa,
la longue sécheresse avait pris fin. Les rivières, qui étaient
taries depuis longtemps, reprirent vie. Et d’un bout à l’autre
du royaume, la nature à nouveau se revêtit de verdure. Le roi
était maintenant convaincu que celui qui avait tué le serpent
avait sauvé son royaume. Et bientôt, du palais jusqu’aux
quatre coins du royaume, on fit savoir que le héros pouvait
se présenter pour recevoir sa récompense.
Et ce fut ainsi qu’on proclamât Hangnan-Hangnan-Gba
héritier du trône de ce royaume, et qu’on lui offrît la main
de la belle jeune fille qu’il avait sauvée de la mort. Le roi
mourut peu de temps après, et Hangnan-Hangnan-Gba fut
couronné roi.
Quand le père de Hangnan-Hangnan-Gba apprit la nou-
velle, il ne put s’empêcher de s’enorgueillir d’être le père
d’un tel héros, mais le vieux roi fut aussi saisi de peur, car
il savait qu’il avait commis un acte terrible et que le jour
approchait où il lui faudrait rendre des comptes. Les années
passèrent, et le roi vivait dans la crainte du châtiment de
son fils, mais Hangnan-Hangnan-Gba ne manifestait aucun
signe de désir de vengeance.
Cependant des temps difficiles survinrent. Le royaume
du père de Hangnan-Hangnan-Gba fut attaqué par un puis-
sant rival à l’est. Le vieux roi et son armée combattirent
farouchement et ne déméritèrent pas mais l’ennemi était

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Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

tout aussi brave et ne lâchait pas prise. Les deux côtés


subirent des pertes énormes. Le champ de bataille était
jonché de cadavres en décomposition, et une puanteur
suffocante s’élevait jusqu’au ciel. Des myriades de vautours
tournoyaient au-dessus d’eux, mêlant leurs cris aux gémis-
sements des mourants qui gisaient à terre et aux plaintes
des blessés. Et la bataille faisait toujours rage.
Finalement, l’ardeur combative de l’ennemi eut raison
du père de Hangnan-Hangnan-Gba. Il était à bout de res-
sources, son armée au bord de l’épuisement, et il se trouva
confronté à un choix difficile : accepter la défaite ou s’en
remettre à la merci de Vilain Pataud, ce fils qu’il avait jadis
rejeté. « Mieux vaut mourir mille morts que d’abandonner
mon royaume à l’ennemi », dit le roi. « Une blessure d’amour-
propre peut se guérir au sein de la famille, mais la défaite des
mains de l’ennemi – voilà l’humiliation suprême ! »
Et ce fut ainsi qu’on dépêchât au palais de Hangnan-
Hangnan-Gba un messager, porteur d’un appel désespéré.
« Hangnan-Hangnan-Gba, prête l’oreille, je te prie,
A ce que j’ai à te dire.
Sous l’incessante pluie de feu de l’ennemi
Le royaume de ton père n’est que ruine et boue
Et peut ne pas survivre un jour de plus ! »
Mais Hangnan-Hangnan-Gba repoussa la supplique
de son père par un chant qu’il attendait de faire entendre
depuis le début de la guerre :
« Les fils favoris de mon père, où sont-ils partis ?
Mon père m’a jeté dans la jungle à ma naissance.
Les beaux enfants de mon père, ses enfants chéris,
Qu’ils sauvent ce royaume en si grande souffrance. »

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Raouf MAMA

Sitôt le premier messager parti, un autre arriva, porteur


d’un appel à l’aide encore plus désespéré, car la guerre
tournait très mal pour le père de Hangnan-Hangnan-Gba.
L’ennemi avait massé ses troupes aux portes de la cité, et
le royaume chancelait au bord du désastre. Mais le second
messager fut reçu de la même manière que le précédent.
« Les fils favoris de mon père, où sont-ils partis ?
Mon père m’a jeté dans la forêt à ma naissance.
Les beaux enfants de mon père, ses enfants chéris,
Qu’ils sauvent ce royaume en si grande souffrance ! »
Cependant, plus désespéré que jamais, le père de Han-
gnan-Hangnan-Gba persista.
On envoya un troisième messager, porteur d’une ultime
et ardente supplique. L’ennemi avait fait une brèche dans le
mur d’enceinte de la cité royale, un combat corps à corps
faisait rage dans les rues et les tombeaux des ancêtres étaient
en grand danger d’être profanés.
Les paroles du messager émurent enfin Hangnan-Han-
gnan-Gba et il se décida à agir. Rassemblant ses armées
redoutables et bien disciplinées, il se joignit au combat
contre l’ennemi de son père. Et ce fut ainsi qu’à la onzième
heure, quand le royaume semblait sur le point de s’effon-
drer, la fortune du combat changea, l’étau se desserra autour
de la cité royale et l’ennemi fut mis en déroute.
Comme Hangnan-Hangnan-Gba entrait triomphalement
dans la cité royale, les gens sortirent par milliers pour l’accueil-
lir. Couvert de louanges, il fut porté en triomphe jusqu’au
palais où l’attendait son père. La joie du vieux roi devant la
défaite inespérée de l’ennemi était grande en vérité, mais plus
grands encore son remords et son chagrin à la pensée de la
cruauté dont il avait fait preuve à l’égard de son fils.

30
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

D’un pas chancelant, hésitant, le vieil homme s’avança


vers son fils et tomba à ses pieds en pleurant :
« Hangnan-Hangnan-Gba, mon fils ! Mon fils, Hangnan-
Hangnan-Gba !

31
Raouf MAMA

Que Dieu et les esprits des morts te bénissent pour


avoir sauvé de la conquête et de la destruction la terre de
nos aïeux !
Quand tu étais petit, je t’ai trouvé laid et t’ai abandonné !
Aveuglé par ton apparence, je n’ai pas vu la beauté qui
était en toi.
Que Dieu me pardonne le crime que j’ai commis contre
mon propre enfant ! »

II y eut beaucoup de réjouissances ce jour-là et bien des


pleurs aussi. Une cérémonie spéciale eut lieu pour célébrer
la réunion du roi avec l’enfant dont il n’avait pas voulu, et
faire de ce fils l’héritier du trône de son père.
Hangnan-Hangnan-Gba, l’exclu qui devint roi et délivra
son père des griffes de l’ennemi, vécut et mourut il y a bien
longtemps de cela, mais son esprit vit toujours par son
histoire si souvent relatée. Et grâce à lui les parents n’aban-
donnent plus les enfants. Au contraire, ils les considèrent
comme un don particulier qui leur est fait, quel que soit leur
manque d’attrait au premier abord.

II y a un vieux chant fon dont voici le refrain :


« Il n’existe pas de dépotoir où l’on puisse jeter les enfants indési-
rables. Quels que soient les enfants qu’il vous est donné d’avoir, vous
vous devez de les garder. » Les Fon accordent une grande importance
à la beauté physique, mais ils accordent encore plus d’importance à
la beauté morale. Et si laid un enfant soit-il, que ce soit un garçon
ou une fille, il est toujours apprécié en tant qu’être humain. Il est
intéressant de voir que cet enfant que le roi avait trouvé si laid eût été
adopté par des singes.

32
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Cette histoire est un conte moral, mais elle exprime aussi une croyance
bien ancrée dans le folklore fon : les animaux montrent souvent plus
d’humanité que les hommes. Certes, il y a des animaux méchants, mais
il y a davantage d’hommes et de femmes méchants.
Cette histoire est une variante du conte amérindien : « The Boy
Who Lived with Wolves », relaté par Joseph Bruchac. La seule modi-
fication significative que j’aie apporté se trouve dans le dénouement de
l’histoire, où l’enfant rejeté sauve son père de la défaite et se réconcilie
avec lui. Selon l’histoire originale, Hangnan-Hangnan-Gba fait fi de
l’appel à l’aide que lui fait son père, et le laisse subir la défaite des mains
de l’ennemi. Je crois que la modification que j’ai apportée donne plus
de force à cette histoire, car elle permet le repentir et la réconciliation
sans atténuer la condamnation qu’elle comporte de la cruauté dont le
roi fit preuve initialement envers son fils.

33
Les princesses jumelles
M on histoire prend son essor, survole contrées
et royaumes d’antan, et vient se poser sur deux
princesses, Zinsa et Zinhoué. Filles jumelles du roi d’Adja.
Ces jumelles avaient quelque chose de très particulier, car
l’une était née avec une plume dans les cheveux et l’autre
avait un bracelet d’argent au poignet.
Un jour, Zinsa cria à sa sœur :
« Donne-moi ton bracelet ou jumelle solitaire tu seras.
Nos esprits compagnons ne cessent de m’appeler.
« Viens avec nous », disent-ils, « dans la forêt de la félicité. »
Seul ton beau bracelet me permettra de ne pas leur céder. »
Ce n’était guère dans les habitudes des jumelles de tenir
des propos oiseux et lorsque les parents entendirent les
paroles de la fillette, leur cœur fut saisi de crainte. Zinhoué
aussi fut effrayée. Jamais auparavant, Zinsa ne lui avait parlé
de cette façon. Elle savait qu’elle devait agir promptement
ou perdre sa sœur. Aussi répondit-elle :
« Mon beau bracelet d’argent ? C’est peu demander.
Bien que ce soit un signe de naissance, l’enlever me sera
aisé ! »
Mais quand elle essaya d’ôter le bracelet, il fut impossible
de le bouger ! Elle essaya tous les moyens auxquels elle put
penser – l’eau, l’huile et le savon ; mais il ne se détachait
toujours pas. Un orfèvre surnaturel l’avait façonné et mis là

37
Raouf MAMA

où il se trouvait et ce n’était qu’en recourant à des moyens


surnaturels qu’on pourrait l’enlever. Finalement, quand
toutes les tentatives eurent échoué, Zinhoué se coupa la
main et donna le bracelet à Zinsa.
Et Zinsa resta en vie. Les années passèrent et les jumelles
furent en âge de se marier. Jamais roi n’avait donné nais-
sance à de plus belles jeunes filles, n’eût été le fait que
Zinhoué n’avait plus qu’une main. A cette époque, n’avoir
qu’une main constituait un sérieux handicap pour le
mariage. Aucun roi n’était autorisé à prendre pour épouse
une femme qui n’avait qu’une main. Cependant, ce fut à
Zinhoué que fut faite une demande en mariage, et par une
personnalité qui n’était pas moindre que le roi d’Allada,
l’ami et l’allié de leur père.
Quand son ami lui demanda sa fille en mariage, la stu-
péfaction du roi ne connut pas de bornes. Un roi épouser
une femme qui n’avait qu’une main ? Jamais de mémoire
d’homme on n’avait vu un roi faire une telle chose !
« Tu ne peux pas épouser ma fille », dit le roi d’Adja, en
secouant la tête. « Elle sera la risée de tes femmes et des
membres de la famille royale – et ton mariage sera une vio-
lation de la coutume et de la tradition. Ce sera une source
de discorde dans ton royaume ! »
A ceci, le roi d’Allada répondit : « Bien que de prendre
ta fille pour épouse puisse constituer un défi à la tradition
et susciter le courroux de mille langues venimeuses, cepen-
dant, je n’y renoncerai pas et la force de l’amour finira par
prévaloir. »
Les deux rois discutèrent longtemps. Mais plus le roi
d’Adja soulevait d’objections, plus le roi d’Allada plaidait

38
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

avec passion, et le roi d’Adja finit par donner son consen-


tement.
Par précaution, cependant, le roi d’Allada décida de tenir
secret le mariage. Seule une poignée de ses amis et conseil-
lers les plus proches furent mis au courant. Contrairement
à la coutume, même les autres femmes du roi restèrent dans
l’ignorance. Il savait qu’il lui faudrait annoncer à son conseil
et à ses sujets que sa plus jeune femme n’avait qu’une main,
mais une telle chose ne pouvait se faire à la légère. Il lui
faudrait tenir secrète cette affaire jusqu’au moment propice.
Aussi, le roi se maria-t-il en secret. Ses femmes trou-
vèrent étrange qu’aucune d’entre elles n’eût été prévenue du
mariage du roi et que leur plus jeune coépouse leur eût été
présentée, les deux mains cachées. Mais le plus étrange fut
la décision du roi de faire construire au palais une salle de
bain spéciale, pièce où seule la nouvelle venue aurait accès.
Cela alluma vraiment leur curiosité et fit marcher leurs lan-
gues. Les unes tentèrent d’amadouer le roi, d’autres firent
semblant d’être les amies de Zinhoué, d’autres encore se
mirent à écouter aux portes, mais tout ceci fut en vain. Le
secret demeura entier.
Ce fut alors que par une nuit sans lune, la première
femme du roi creusa secrètement un petit trou dans le mur
de la salle de bain réservée à la princesse. Et quand elle
entendit le bruit qu’elle attendait, ce faible bruit d’eau que
l’on fait en se lavant, elle s’approcha sur la pointe des pieds,
et jeta un coup d’œil par le trou. Puis, telle un voleur qui
s’est emparé d’un trésor longtemps convoité, elle s’éloigna
furtivement, un sourire aux lèvres.

39
Raouf MAMA

Elle n’eut pas à attendre longtemps l’occasion de démas-


quer le roi et Zinhoué. La saison des moissons approchait
et en allait fixer un jour où les femmes du roi, à tour de rôle,
pileraient le mil de leur époux pour remplir son grenier. Et
c’est ainsi que le jour même où on engrangeait les récoltes
du roi, sa première épouse, sans le consulter, fixa la date
de la cérémonie lors de laquelle les femmes pileraient le
mil. Elle ordonna à des messagers de propager la nouvelle
jusqu’aux confins du royaume.
Grande fut la colère du roi d’Allada, mais il n’avait
d’autre alternative que d’accepter cette décision. On avait
percé son secret, il en était sûr. Comment allait-il donc
traverser la tempête qui allait se déchaîner sur lui ? Le roi
ne cessait de réfléchir, mais apparemment, il n’y avait pas
moyen de l’éviter.
Le temps passa rapidement et au prochain lever du soleil,
ce serait la fête du mil. La première épouse du roi savourait
par avance le moment où le peuple découvrirait que leur
roi s’était marié avec une femme qui n’avait qu’une main !
Cependant, le roi et Zinhoué auraient donné n’importe quoi
pour arrêter la marche du temps et pour que le soleil diffère
son retour sur le vaste océan.
Sans le dire à son mari, Zinhoué résolut de prendre son
destin en main. Aussi, au cœur de la nuit, quand le roi et la
maison royale étaient sous l’empire du sommeil. Zinhoué
sortit-elle furtivement du palais, et elle s’en alla dans la forêt
pour y chercher la mort.
Non loin de là, sur le sentier, elle rencontra une panthère
affamée qui, tapie dans le sous-bois, guettait sa proie.

40
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

« Tue-moi ! » s’écria la princesse, « car la vie est devenue


un fardeau pour moi. » La bête lui demanda pourquoi elle
voulait mourir et écouta attentivement Zinhoué lui conter
tous ses malheurs. La panthère lui dit alors qu’elle n’était pas
digne de toucher une reine et lui conseilla vivement d’aller
plus loin dans la forêt.
Continuant péniblement son chemin, Zinhoué tomba
sur un lion qui grondait, en quête de sa proie. « Donne-moi
la mort ! » s’écria-t-elle. « La vie est devenue un lourd fardeau
pour moi. » La bête lui demanda pourquoi elle cherchait la
mort et écouta attentivement sa triste histoire. Puis, elle lui
fit remarquer qu’elle était reine, qu’il n’était donc pas en son
pouvoir de lui prendre la vie, et elle lui conseilla d’aller plus
loin dans la forêt.
Zinhoué continua à marcher et bientôt tomba sur l’esprit
gardien de la forêt, un énorme serpent qui, enroulé autour
d’un baobab, crachait du feu. « Frappe-moi et que je
meure ! » s’écria la jeune reine. « Je serai plus heureuse
morte que vivante ! »
« Pourquoi veux-tu mourir ? » siffla le serpent. C’est ainsi
que Zinhoué lui parla de sa sœur jumelle, elle lui raconta
comment elle en était venue à perdre une main, son mariage
avec le roi d’Allada et le complot ourdi pour la couvrir publi-
quement de honte. « Donne-moi la mort. » conclut-elle. «
Je préfère mourir plutôt que d’être tournée en ridicule ! »
« Es-tu courageuse ? » siffla le serpent, en envoyant des
jets de flammes qui brûlaient d’un vif éclat au-dessus de la
tête de Zinhoué, « as-tu vaincu la peur ? »

41
Raouf MAMA

« Seule la honte me fait peur », répliqua Zinhoué, recu-


lant un peu devant cette créature de feu.
« Eh bien, alors », rugit le serpent, « Voici venu le moment
de le prouver ! Si tu surmontes cette épreuve, la plus âgée
de tes coépouses sera terrassée, ainsi que tous tes ennemis.
Qui plus est, ce qui a été la cause d’un profond chagrin pour
toi sera source d’une joie incommensurable. »

Sur ces mots, le serpent dit à Zinhoué de se retourner.


Se déroulant, il l’entoura comme d’un cercle et lui ordonna
de plonger d’abord son moignon, puis l’autre main dans sa
gueule béante. Avec la rapidité du vent, Zinhoué enfonça
son avant-bras qui n’avait plus de main dans l’abîme de feu,
et quand elle le ressortit, voilà que son bras était entier et
entouré de bracelets en or ! Elle plongea son autre main et,
elle aussi, émergea également parée de bracelets en or !
« Rentre chez toi et ne cherche plus la mort », dit le serpent

42
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

en donnant à Zinhoué un pilon en or, « et quand tous tes


ennemis auront été terrassés, tu pourras revenir me faire
une offrande. »
Zinhoué rentra subrepticement dans la chambre royale
et cacha soigneusement les bijoux et le pilon. Elle n’avait
pas l’intention de souffler mot de la façon magique dont elle
avait recouvré sa main. Mais le roi s’était réveillé, et l’ayant
cherchée en vain, avait commencé à s’inquiéter.
« Où es-tu allée ? » demanda le roi.
« Je suis sortie respirer un peu d’air frais. Monseigneur »,
répondit Zinhoué, « car le sommeil m’avait désertée. » A ces
mots, le roi baissa la tête, car il avait un peu honte d’avoir
dormi alors qu’approchait le moment où leur serait présen-
tée à tous deux l’amère coupe du ridicule.
Comme l’aube pointait sur la cité royale, un roulement
de tambour résonna, repris à intervalles réguliers, et accom-
pagné de chants bucoliques en l’honneur du roi et de la
famille royale. Bientôt la cour du palais fut remplie d’une
foule d’hommes, de femmes et d’enfants vêtus d’habits
aux couleurs vives. Et quand le roulement de tambours
résonna pour la quarante et unième fois, le roi, amaigri, le
visage triste, s’avança pour présider les rites ancestraux de
la fête du mil.
Jamais ces festivités n’avaient rassemblé autant de monde.
La première épouse du roi avait bien fait son travail. De
près, de loin, les gens étaient venus, en partie pour honorer
leur roi, mais surtout, pour voir de leurs propres yeux si ce
dont ils avaient entendu parler était vrai – à savoir que leur
roi avait épousé une femme qui n’avait pas de main droite !

43
Raouf MAMA

Au signal donné, les épouses du roi, par ordre d’ancien-


neté, se mirent à tour de rôle à piler leur part du mil du roi au
milieu de force danses et chants. Elles étaient toutes magni-
fiquement vêtues, mais Zinhoué était la plus ravissante. La
rumeur avait ancré dans l’esprit des sujets du roi l’image
d’une femme décrépite, mais l’éclat de son teint, la grâce
de son cou, les reflets de ses beaux cheveux témoignaient
d’une beauté parfaite.

Quand Zinhoué s’avança, il y eut un moment de malaise,


instinctivement la foule retint son souffle ! Puis, avec la
rapidité de l’éclair, Zinhoué découvrit ses épaules, révélant
deux bras bien formés où brillaient des bracelets d’or et
dans sa main droite un pilon superbement sculpté qui scin-
tillait d’un vif éclat au soleil de midi. La foule resta muette,
comme pétrifiée, et dans le silence qui était descendu sur
l’arène, la jeune femme se mit à chanter :

44
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

« L’oiseau au sombre plumage, qui jamais ne se réjouit


du malheur d’autrui,
Qui a jamais entendu dire que cet oiseau pilait le mil ?
Voyez, les oiseaux au sombre plumage sont venus piler
leur mil !
L’un est venu du nord, l’autre du sud,
Un autre est venu de l’est, un autre de l’ouest.
Qui a jamais entendu dire que les oiseaux au sombre
plumage pilaient le mil ?
Regardez, les oiseaux au sombre plumage sont venus
piler leur mil ! »
Muet de stupeur, le roi bondit vers sa plus jeune femme.
Puis, comme fou de joie, il se roula dans la poussière et la
pria de le piler, lui aussi, avec le mil. Mais Zinhoué n’avait
nulle envie de piler le roi.
La foule s’avança, et des clameurs de stupéfaction et
d’émerveillement déchirèrent l’air. Et c’est ainsi que la fête
du mil, contrairement aux intentions de la première femme
du roi, se transforma en une joyeuse célébration de mariage.
Et parce que le roi avait osé épouser Zinhoué alors qu’elle
n’avait qu’une main, son conseil décida que jamais plus on
n’interdirait à un roi d’épouser une femme à cause de ses
traits physiques.
Au milieu des festivités, la première épouse du roi fut
arrêtée en attendant d’être jugée. Le père de Zinhoué, roi
d’Adja, sa mère et tous leurs sujets se réjouirent du dénoue-
ment triomphal de son épreuve. Mais personne ne fut plus
heureux que Zinsa, sa sœur jumelle. Sauvée de la mort au
prix de la main de Zinhoué, Zinsa vit de son vivant sa sœur

45
Raouf MAMA

recouvrer sa main et gagner une renommée et une gloire


immuables.

Dans la culture fon, les jumeaux sont considérés comme des


demi-dieux. Ce que l’on fait pour l’un doit être fait pour l’autre.
Quand un jumeau meurt, on dit qu’il ou elle est parti chercher du
bois dans la forêt. Pleurer ou dire qu’un jumeau est mort est tabou.
Les jumeaux sont des êtres imprévisibles qui n’ont pas l’habitude
de tenir des propos oiseux. C’est pourquoi Zinhoué n’hésite pas à se
couper la main pour donner à sa sœur le bracelet qu’elle avait exigé
comme le prix qu’il lui fallait payer pour ne pas retourner au monde
des esprits. Zinhoué est une femme forte et compatissante qui ne craint
ni la douleur physique ni la mort. La seule chose qu’elle redoute est le
ridicule ; elle préfère la mort à la honte. Mais le thème de cette histoire
est surtout l’abnégation et la récompense qu’elle apporte à ceux qui
la pratiquent.

46
Le prince et l’orpheline
M on histoire prend son essor, survole contrées et
royaumes d’antan et vient se poser sur un prince.
C’était le fils unique du roi, car tous les enfants nés avant
lui étaient morts, l’un après l’autre. Deux mois avant sa
naissance, selon la coutume, le roi consulta l’oracle, et voici
ce que dit le devin du roi :
« Un enfant mâle vous sera donné.
Que pour lui, sa mère, et tous vos sujets
Son nom reste un secret.
Seulement ainsi demeurera-t-il
Dans le monde des vivants.
Lorsqu’il atteindra l’âge adulte.
Nombreuses seront les femmes qui aspireront à son
amour,
Mais il a été décrété qu’une seule pourrait y prétendre.
Elle sera son âme sœur.
Seule leur union
Lui permettra de réaliser son destin ».
Quand le bébé naquit, le roi fit célébrer secrètement une
cérémonie de baptême où seul son devin était présent, et
on nomma le prince Dénangan, ce qui signifie « L’un d’eux
vivra ».
Jamais plus beau prince ne fut donné à un roi, et à
l’approche de l’âge adulte, il devint encore plus beau. II était

49
Raouf MAMA

grand et svelte, avec un teint qui faisait penser à un mélange


d’ébène et d’ivoire. Il avait la voix grave, des yeux vifs et
lumineux, et une démarche toujours allègre. Son sourire,
qui dévoilait une rangée de belles dents d’une blancheur
éblouissante, aurait donné de la joie à un cœur de pierre.
Cependant, ce qui le rendait si cher aux sujets du roi,
c’était sa bonté et la sagesse peu commune qui transpa-
raissaient à travers ses paroles et ses actes. Il avait un don
exceptionnel pour résoudre les énigmes. En outre, il avait
la réputation dans tout le royaume de son père d’être le
défenseur des pauvres, et des faibles.
A l’âge adulte, il lui vint le désir de prendre une femme,
et le roi fit savoir que la jeune fille qui devinerait le nom du
prince aurait le privilège de l’épouser. La bonne nouvelle
de cette décision du roi se répandit dans tout le royaume et
enflamma l’imagination de mille et une jeunes filles.
Parmi celles-ci, il y avait une orpheline du nom de
Hobami, c’est-à-dire : « Malheureuse que je suis », la plus
humble des femmes qui soit jamais tombée amoureuse
d’un prince. Elle était grande et gracieuse, avec d’abondants
cheveux noirs et de grands yeux bruns. Sa marâtre, qui
avait trois filles de son sein, la faisait travailler sans cesse
depuis les premières lueurs de l’aube jusqu’à l’heure où les
sorcières, se drapant des couleurs de la nuit, emplissent l’air
de cris à vous glacer le sang.
Les trois demi-sœurs de Hobami ne cachaient point
qu’elles brûlaient du désir d’épouser le prince, et elles
avaient mis au point des stratégies bien précises pour le
séduire. Leur mère avait commandé des vêtements et des
bijoux coûteux pour qu’à leur vue, le prince en perde le

50
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

souffle et elle se proposa de payer un devin pour qu’il lui


révèle le nom secret du prince.
Comme le jour décisif approchait, prises d’une excita-
tion fébrile, les sœurs de Hobami se mirent à se vanter de
plus en plus.
« Dès l’instant où le prince posera son regard sur moi, il
n’aura d’yeux pour personne d’autre », dit l’une.
« Le prince sera si puissamment ensorcelé par mon sou-
rire qu’il me demandera en mariage sur-le-champ », dit une
autre.
« Quand viendra mon tour de dire le nom du prince, le
son de ma voix sera si doux à ses oreilles qu’il fera n’importe
quoi pour me garder à ses côtés le reste de sa vie », dit la
troisième sœur.
Comme Hobami partait faire l’une de ses innombrables
courses, les voix de ses demi-sœurs lui résonnaient dans
les oreilles, et elle se sentit défaillir. Pressant la paume de
ses mains contre sa poitrine, elle s’écria : « Que n’ai-je, moi
aussi, une mère qui pourrait me trouver un puissant devin
et m’habiller comme une princesse ! Alors, ma joie ne
connaîtrait pas de bornes, car je ne serais pas la risée de mes
demi-sœurs, mais leur égale, digne de l’amour du prince ! »
Cependant, Hobami n’avait personne pour lui prêter une
main secourable, il lui fallut donc garder ces pensées pour
elle-même.
Au jour fixé par le roi pour cette cérémonie, la marâtre
de Hobami rassembla ses trois filles et leur remit les beaux
vêtements et les bijoux précieux qu’elle avait achetés spécia-
lement pour elles, et pendant que les trois sœurs sautaient et
criaient de joie, elle appela Hobami, lui donna un balluchon

51
Raouf MAMA

de vieilles hardes et lui dit : « Le roi exige que toutes les


jeunes femmes de ce pays prennent part à cette épreuve ce
soir. J’aurais aimé que tu t’habilles avec élégance comme
tout le monde, mais c’est tout ce que j’ai pu t’offrir. Tu pour-
ras partir dès que tu auras terminé tes tâches ménagères. »
Et tandis que Hobami s’affairait à tirer de l’eau, faire
la vaisselle, la lessive et balayer le sol, ses demi-sœurs se
lavèrent soigneusement, se frottèrent le corps avec des
onguents parfumés et se passèrent de l’antimoine sur les
paupières. Puis, parées de leurs splendides vêtements et
de leurs bijoux scintillants, elles appelèrent Hobami pour
qu’elle voie comme elles étaient belles. « II est dommage
que nous devions te quitter pendant que tu vaques encore à
tes tâches ménagères... mais nous allons mettre une branche
de palmier au carrefour afin que tu trouves ton chemin sans
difficulté pour te rendre au palais », dirent-elles d’un ton
moqueur. Puis, elles se mirent en route pour se rendre au
palais du roi, et bientôt elles arrivèrent au carrefour. Elles
savaient que c’était le sentier de droite qui menait au palais
du roi, mais elles mirent une branche de palmier sur le sen-
tier de gauche et continuèrent leur chemin.
A un détour du sentier, elles rencontrèrent une vieille
femme ; or, c’était un esprit qui s’était déguisé, « Mes enfants,
donnez-moi quelque chose à manger, car je meurs de
faim », implora-t-elle, tendant des mains desséchées, en un
geste de supplication.
« Espèce de sorcière ! » répondit une des sœurs avec
mépris. « Comment oses-tu m’appeler ta fille ! »
« Ma mère est bien plus jeune et beaucoup plus belle que
toi, vieille mégère », siffla une autre sœur.

52
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

« Retire-toi de notre chemin, avant que je ne te prenne


pour te jeter dans la brousse », hurla la troisième sœur. Et
les trois sœurs écartèrent brutalement la vieille femme, et
continuèrent leur chemin, lui lançant toutes les obscénités
qu’elles purent trouver et riant de leurs propres réflexions.
Le soleil avait disparu du firmament, et la nuit descendait
lentement sur le village lorsque Hobami termina sa dernière
tâche. Après une rapide toilette, elle enfila les haillons que
sa marâtre lui avait donnés. Puis, elle enveloppa quelques
gâteaux de haricot dans des feuilles de bananier pour apai-
ser sa faim en chemin, et entreprit le long trajet qui la
mènerait au palais du roi.
Elle arriva bientôt au carrefour dont ses demi-sœurs
lui avaient parlé. Elle s’arrêta, regarda à gauche, regarda
à droite, cherchant la feuille de palmier qu’elles avaient
promis de mettre au milieu du chemin qui menait au palais.
Soudain, un tourbillon s’éleva et enveloppa Hobami d’un
nuage de poussière impénétrable. Quand enfin il se dissipa,
la branche de palmier se trouvait sur le sentier de droite.
Aussi, Hobami tourna-t-elle à droite, et elle continua son
chemin.
A peine eut-elle parcouru quelques mètres qu’elle ren-
contra la même vieille femme que ses sœurs avaient insultée
et ridiculisée. L’apparition se tenait au milieu du sentier, les
mains tendues en un geste de supplication. « Donne-moi
quelque chose à manger, mon enfant, car je meurs de faim »,
implora-t-elle.
« Je n’ai pas grand-chose, mais le peu que j’ai, je vais le
partager avec vous », répondit Hobami. Sur ces mots, elle

53
Raouf MAMA

déballa les gâteaux de haricot qu’elle avait apportés et en


donna la moitié à la vieille femme. « Maintenant, si vous
voulez bien m’excuser, il me faut continuer mon chemin,
car je suis en retard », dit Hobami.
« Où te rends-tu à cette heure tardive de la nuit ? »
demanda la femme.
« Au palais du roi, pour tenter ma chance et essayer de
deviner le nom du beau prince », répondit Hobami. « Mais
maintenant que j’y pense », continua-t-elle, « je n’ai pas la
moindre idée de ce que peut être le nom du prince. »
« Je connais son nom », dit la femme, avec un doux
sourire, en prenant la main de Hobami dans la sienne, « et
puisque tu as été si bonne pour moi et que tu m’as donné
à manger, je vais te le dire. Parce que tous les enfants du
roi qui étaient nés avant lui étaient morts en bas âge, le roi
a appelé le prince Dénangan, ce qui veut dire « L’un d’eux
vivra. » Hobami se confondit en remerciements et pria la
femme de lui en dire davantage sur le prince, mais celle-ci
disparut, laissant Hobami hébétée, en proie à la plus vive
curiosité.
Quand Hobami parvint au palais royal, la dernière can-
didate s’éloignait, tête basse, toute honteuse, pour rejoindre
la foule de jeunes filles chagrines qui n’avaient pas réussi à
deviner le nom du prince. La soudaine apparition de la jeune
fille en haillons, mais d’une grande beauté, provoqua une
explosion générale de ricanements et de railleries. Piquées
au vif par leur propre échec et exaspérées par l’audace que
montrait Hobami en comptant réussir là où elles avaient
échoué, les trois demi-sœurs, les yeux brillants de colère,
les cheveux dressés sur la tête, se précipitèrent pour lui
barrer le chemin.

54
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Le devin du roi, qui dirigeait la cérémonie, se leva d’un


bond, ordonna aux sœurs de rejoindre leurs sièges et impo-
sant le calme à la foule, il fit signe à Hobami de s’avancer.
« Connais-tu le nom du prince ? » lui demanda-t-il, avec un
sourire rassurant.
« Dénangan. Tel est son nom », balbutia-t-elle, le cœur
battant la chamade. Puis comme elle se tut, un roulement
de tambours éclata, et mille et une exclamations d’émerveil-
lement et de stupéfaction s’élevèrent dans les airs. Le beau
prince sortit de la chambre secrète où il avait été confiné
pendant la cérémonie et se dirigea vers Hobami, les bras
grand ouverts, le visage illuminé d’un sourire radieux.
Honteuses de leur manque de bonté, et craignant la
vengeance de Hobami, les trois demi-sœurs et leur mère
fuirent de village en village. Mais Hobami ne chercha pas à
se venger et les laissa seules avec leur conscience. La cruauté
de la belle-famille de Hobami fit l’objet de nombreux chants
qui poursuivirent les fugitives comme une malédiction tout

55
Raouf MAMA

au long de leur vie. Quant à Hobami, son mari et elle


jouirent d’une vie longue et heureuse et ils eurent beaucoup
d’enfants.

Ce conte est une proche variante de « Cendrillon ». Dans


la culture fon, on appelle marâtre la personne qui a la responsabilité
d’un enfant, qu’il y ait lien de mariage ou non. On dit que les orphelins
jouissent d’une protection surnaturelle, qui leur est donnée par le
parent décédé, et quiconque leur inflige de mauvais traitements sera
puni. Une différence intéressante entre la variante fon de « Cendrillon »
et beaucoup d’histoires semblables est que Hobami ne portait aucun
vêtement élégant lorsqu’elle arriva au palais pour prendre part à la
cérémonie de sélection. Comme dans beaucoup d’histoires de ce livre, les
noms sont d’une grande importance. Le nom définit la personne, et l’on
croit que quiconque connaît votre vrai nom vous tient en son pouvoir.

56
L’orphelin et le lépreux
I I était une fois, dans un village à l’orée de la forêt un
orphelin du nom de Sèhou. Son père était mort avant
sa naissance, et il commençait tout juste à faire ses premiers
pas quand sa mère mourut, elle aussi. Aucune main apai-
sante ne lui caressa jamais le front lorsqu’il était malade,
aucune voix tendre ne calma jamais ses pleurs, aucun sourire
affectueux ne vint jamais illuminer sa vie. Tous les jours, sa
marâtre lui faisait effectuer toutes les tâches ménagères de
la maison et d’innombrables courses. Jamais on ne lui per-
mettait d’aller se coucher avant que tous les autres membres
de la famille ne se soient endormis et que la nuit ne vibre
des cris terrifiants des oiseaux de mauvais augure.
L’un des passe-temps favoris de sa marâtre consistait à
lui donner un bout de tissu noir et à le regarder le laver et
relaver, alors qu’éreinté, les mains couvertes d’ampoules, il
tentait de changer sa couleur d’un noir de jais en un blanc
immaculé. Rien cependant, ne lui procurait un plus grand
plaisir que de regarder l’orphelin de loin, lorsque hale-
tant, trempé de sueur, tous les muscles tendus, il s’efforçait
désespérément de remplir d’eau un panier d’osier.
La cruauté de sa marâtre aurait brisé le moral de Sèhou,
n’eût été son rêve de devenir un membre prospère et res-
pecté de la communauté de son village. Et chaque fois que
ce rêve l’enveloppait de son cercle magique, son pas deve-
nait léger et ses yeux s’illuminaient.

59
Raouf MAMA

Mais au fil des ans, le rêve s’estompait et la tristesse


envahit Sèhou. Quand il regardait autour de lui, il ne pou-
vait s’empêcher de remarquer l’étroitesse du chemin que
le destin lui avait alloué, et la beauté de la large route qui
s’étendait devant tous les autres. Chaque enfant de son
groupe d’âge avait un père pour l’instruire des us et cou-
tumes de ce monde, une mère pour relever, des frères et des
sœurs pour partager ses joies et ses peines. Tous, ils avaient
une compagne et un vaste cercle d’amis pour leur donner
de la force quand ils en avaient besoin, et leur insuffler de
l’espoir aux heures où ils en manquaient le plus. Mais lui
n’avait personne ! Il était tout seul.
Un jour, la marâtre de Sèhou le maltraita tant que quelque
chose en lui se brisa. Il se retira dans sa chambre et s’effon-
dra en pleurs. Jamais auparavant le monde ne lui avait paru
plus sombre. « Mieux vaut partager le sort des bêtes des
champs que de rester un moment de plus dans ce village ! »
s’écria-t-il. Aussi, se faufila-t-il hors de la maison, et il se
dirigea vers la jungle.
Comme Sèhou arrivait à la périphérie du village, le doute
et la peur l’envahirent. Tout d’un coup, il lui sembla que
les arbres, les ombres qui glissaient sur l’herbe verte et les
oiseaux qui traversaient le ciel clair et sans nuages, se met-
taient à chuchoter entre eux :
« Regardez, l’orphelin fugitif, l’exclu
Qui se retire du monde.
Où va-t-il, ce benêt ?
S’installer parmi les bêtes des champs, je suppose.
Ce qu’il n’a pu trouver parmi ses semblables.
Il va le chercher dans cette nature sauvage.

60
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Si la jungle le rejette aussi, où fuira-t-il ?


Où fuira-t-il, le paria, l’orphelin fugitif ? »
Sèhou se boucha les oreilles et se mit à courir, mais plus
il courait vite, plus les chuchotements s’amplifiaient. Il fut
submergé d’une vague d’apitoiement sur son sort et il eut
brusquement envie de demander à la Mort de l’emporter.
Il regarda autour de lui et vit au loin une corde qui pendait
à un manguier, et immédiatement il décida de se pendre.
Il grimpa à l’arbre, attacha solidement un bout de la corde
à une branche et fit un nœud coulant à l’autre bout. Il
allait glisser la tête dans le nœud quand un gargouillement
dans son estomac lui rappela qu’il n’avait pas mangé de la
journée. Aussi tendit-il la main, et il cueillit une poignée de
grosses mangues appétissantes.
Lorsque Sèhou fut rassasié, il jeta les mangues qui lui
restaient. Il se glissait le nœud autour du cou, tout en se
demandant comment les mangues pouvaient être si savou-
reuses, lorsqu’il aperçut un lépreux qui se traînait vers lui.
Quel triste spectacle que ce lépreux ! La maladie lui avait
rongé profondément les orteils et les doigts en ne laissant
que des moignons. Sa peau était tavelée de multiples plaies.
Les yeux, cependant, démentaient le triomphe de la maladie
sur son corps émacié. Ils étaient vifs et brillants et en per-
pétuel mouvement, comme si la vie, qui autrefois habitait
ses orteils et ses doigts mutilés, s’y était réfugiée. Un sou-
rire se dessina sur son visage grêlé à la vue des mangues
jetées par l’orphelin, et sautillant, bondissant, il entonna
une mélopée :
« J’avais faim. Regardez, Dieu m’a apporté de la nour-
riture.

61
Raouf MAMA

Il y a un moment, je contemplais la mort.


Maintenant je me réjouis d’être en vie.
Même si la lèpre m’a privé de mes orteils et de mes
doigts,
Je m’accrocherai à la vie, car qui sait
Quelles bénédictions demain m’apportera. »
Psalmodiant ces paroles, le lépreux s’assit sous l’arbre et
prit mangue sur mangue, les dégustant avec grand plaisir.
Quand il fut enfin rassasié, il mit les quelques mangues qui lui
restaient dans son sac et revint sur ses pas. Sèhou, qui s’était
caché au milieu des branches de l’arbre, regarda le lépreux
s’éloigner d’un pas fier, sifflotant comme s’il était l’homme
le plus heureux du monde.
Le lépreux disparut de sa vue aussi rapidement qu’il
y était venu, mais son comportement laissa l’orphelin en
proie à de profondes réflexions. Sèhou fut pris d’une sensa-
tion de dégoût et d’une irritation lancinante. Que voulait-il
dire par ces paroles : « Qui sait quelles bénédictions demain
m’apportera ? » Demain n’apportera rien, si ce n’est un
surcroît de misères, pensa Sèhou. Cet homme s’est laissé
berner par une poignée de mangues au point d’entretenir
de faux espoirs d’un lendemain plus radieux. « Si seulement
je pouvais le rattraper, je lui ferai voir la vérité », s’écria-t-il.
Il descendit de l’arbre et s’enfonça dans les bois. Cou-
rant dans la brousse comme un possédé, Sèhou d’un bond
franchissait trous et troncs d’arbres tombés à terre, mais
le lépreux restait invisible. Ce fut alors que les notes d’une
mélodie champêtre parvinrent à l’oreille de Sèhou. Il partit
alors dans cette direction et arriva bientôt à un champ

62
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

qui s’étendait à perte de vue. Il y avait une odeur de terre


mouillée dans l’air, et une famille de paysans s’activait à des
travaux de semailles. C’était un spectacle plaisant que cette
terre aux sillons bien tracés, dont le sombre reflet se déta-
chait dans la lumière pâlissante du soleil couchant.
A l’autre bout du champ, le sol était encore en friche.
Courbés, levant et abaissant leurs houes en cadence, le
paysan et ses fils creusaient le sol, pour former de nouvelles
buttes. Se déplaçant en file derrière eux, la femme du paysan
et ses filles enfouissaient des graines dans les buttes tout en
chantant et fredonnant.
Comme l’orphelin restait là à contempler la scène, il lui
vint lentement à l’esprit que lui aussi, pourrait cultiver un
lopin de terre et, avec l’aide de Dieu, devenir un paysan
respectable, un bon mari et un père responsable. Qui sait
ce que demain pourrait apporter ? Cette vision le ravit tel-
lement qu’il se dirigea vers la famille de paysans et demanda
un peu de terre à cultiver. Ils l’emmenèrent auprès du chef
de village et on accéda à sa requête.
Après plusieurs années de lutte et de dur labeur, l’orphe-
lin devint un fermier prospère, il tomba amoureux et décida
de se marier. On fixa le jour du mariage, et le futur marié
fit savoir que ce serait un jour à nul autre pareil. Il engagea
un crieur public et lui ordonna de parcourir le royaume
en tous sens, et d’adresser une invitation spéciale à tous
les lépreux, décision qui fit beaucoup parler et provoqua
maints hochements de tête. Sa future épouse, ses amis, ses
voisins, tous voulaient savoir pourquoi Sèhou avait décidé
de faire des lépreux ses invités d’honneur à son banquet de
noces, mais il éluda toutes leurs questions.

63
Raouf MAMA

Les noces attirèrent des gens des quatre coins du pays,


car le jeune marié était extrêmement riche et son épouse
venait d’une des familles les plus illustres du pays. Cepen-
dant, ce ne fut ni sa splendeur ni son luxe qui fit de ce
mariage un événement unique en son genre, mais le nombre
immense de lépreux qui y étaient venus. Jamais de mémoire
d’homme autant de lépreux ne s’étaient rassemblés. Au
moment où la fête battait son plein, quand les boissons de
toutes sortes coulaient à flots, que les gens se servaient de
délicieux plats fumants et que toute l’arène retentissait des
bavardages et des rires de la foule qui festoyait, le crieur
public demanda le silence.

Quand le calme s’instaura, Sèhou s’avança. Tenant par la


main et son épouse et le lépreux, il dit à la foule que cette
fête n’était pas seulement la célébration d’une union, mais
aussi d’une réunion. Puis il expliqua comment le lépreux lui
avait sauvé la vie, et se tournant vers lui, Sèhou lui dit : « La

64
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

joie enfantine que tu ressentais à vivre m’a donné la volonté


tenace de vivre, d’avoir confiance en Dieu et d’espérer en
l’avenir. Et pour ceci, je t’offre la moitié de mes économies,
la moitié de mes terres, la moitié de mon bétail et une part
égale de tout ce qui porte mon nom. »
Quand le marié se tut, la foule se déchaîna. Les acclama-
tions, les cris de surprise, d’émerveillement et d’étonnement
fusèrent de toutes parts. Étonné, les yeux brillants de joie, le
lépreux se mit à danser, gambadant, sautillant et bondissant.
Puis, implorant toute l’assistance de se joindre à lui dans sa
prière et son hommage, il entonna ce chant :
« J’avais faim. Regardez, Dieu m’a apporté de la nour-
riture.
J’étais pauvre et Dieu m’a apporté d’incommensurables
richesses.
Quelle que soit la violence avec laquelle souffle le vent
de la détresse,
Ne laissez jamais s’éteindre la flamme de l’espoir,
Car, d’une façon ou d’une autre, c’est à la joie que
retourne toujours le désespoir.
Donnez une chance à la vie. Donnez-lui mille chances.
Car qui sait quelles bénédictions demain apportera. »

Ceci est une variante inhabituelle de l’histoire de Cendril-


lon. Cependant, le héros est un garçon, et c’est l’espoir et la persévérance
qui font pour lui ce qu’accomplit la fée pour Cendrillon : ce sont ces
vertus qui permettent de triompher de l’adversité. Un trait intéressant
de cette histoire est l’accent qu’elle met sur l’importance de dire « merci »
à un bienfaiteur. La reconnaissance est l’une des vertus que les parents
béninois essaient d’inculquer à leurs enfants. Lorsque l’orphelin essaie

65
Raouf MAMA

d’exprimer sa gratitude au lépreux qui l’a sauvé du suicide et lui a


appris le secret de la réussite et du bonheur, il se donne énormément
de mal. Comme l’orphelin, le lépreux, est un exclu, et c’est pourquoi
la leçon qu’il donne à l’orphelin a d’autant plus de portée.
Dans la société fon traditionnelle, les lépreux sont un peu comme
les intouchables de l’Inde hindoue. On les méprise et on les évite. L’une
des idées fausses les plus répandues que l’on se fait à leur sujet est qu’ils
ne savent pas garder de secrets.

66
Le tam-tam magique
I I était une fois un orphelin du nom de Sagbo qui
vivait avec sa marâtre et un demi-frère, Sènan, dans
un village au bord d’une rivière sacrée.
Sagbo était un garçon d’un naturel gentil et gai, bien
qu’il ne fût pas l’enfant préféré. Tous les jours, sa marâtre
lui faisait ramasser du bois de chauffage, faire la vaisselle
et d’innombrables courses, alors que Sènan ne levait même
pas le petit doigt.
« J’aime me rendre utile », disait toujours Sagbo. Mais,
pendant que Sagbo travaillait, Sènan ne cessait de le mal-
mener et de chantonner :
« Un garçon vêtu de haillons,
Avec des cheveux comme du chiendent,
L’avez-vous vu ? C’est Sagbo !
Il a des bras minuscules,
Des jambes squelettiques.
Tout comme un moustique. »
La langue de Sènan était aussi cinglante qu’un fouet, mais
Sagbo se contentait de hausser les épaules et de répondre :
« Les langues qui aiment à mordre et à piquer
Ne peuvent prédire ce que l’avenir apportera.
Tôt ou tard, la vie s’améliorera.
Et peu m’importera la méchanceté de ma famille. »

69
Raouf MAMA

Et puis, voilà qu’une année, une terrible sécheresse vint


frapper le village de Sagbo, brûlant arbres et prairies et gril-
lant les terres arables. Les anciens du village procédèrent
à cérémonie sur cérémonie, mais pas une goutte de pluie
ne tomba. Bientôt tous les greniers furent vides, même les
animaux sauvages disparurent. Le niveau de la rivière sacrée
baissa tellement que seuls quelques crabes et du menu fretin
restèrent en vie.
De fait, la situation empira tant que la marâtre décida de
garder pour Sènan et pour elle-même le peu de nourriture
qu’elle pouvait trouver. Un matin, elle appela donc Sagbo
et lui dit :
« Si tu as faim, la nourriture, tu vas te la trouver.
Pendant des années je t’ai nourri, et n’en ai rien retiré.
Le couvert, un endroit où poser ta tête, ceci, je peux te
le procurer.
Mais la faim, la soif, voilà ce que tu dois redouter. »
Ce jour-là, Sagbo se glissa hors de la maison et courut
jusqu’au bord de la rivière sacrée dans l’espoir d’attraper
un crabe pour apaiser sa faim. Mais Sagbo ne trouva pas de
crabe. Cependant, comme il rebroussait chemin, il trébucha
sur trois noix de palme, qui jetaient un sombre reflet dans
la lumière du soleil. « Je vais manger ceci en attendant de
trouver quelque chose, de mieux ». dit-il. Mais, lorsque, à
l’aide d’une pierre, il essaya de casser l’une des noix, elle
s’envola dans la rivière. Il en fut de même pour la seconde,
et la troisième suivit le même chemin !
« II y a quelque chose d’étrange qui se passe ici », s’écria
Sagbo. « Je vais retrouver ces noix de palme. » Les eaux
étaient basses et boueuses, mais il plongea et nagea jusqu’au

70
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

fond. Là il vit un spectacle extraordinaire : un village avec de


l’herbe verte, des arbres luxuriants et de belles fleurs. La
musique mélodieuse des oiseaux chanteurs flottait dans
l’air. Au loin, le toit en écailles de poisson d’une belle
demeure scintillait au soleil. Sagbo était stupéfait. « Ceci
est incroyable », dit-il, défaillant de faim. « Je vais voir qui
habite cette demeure, et peut-être, cette personne, homme
ou femme, voudra-t-elle bien partager un peu de nourriture
avec mon village et moi-même. »
Sur ces mots, il se dirigea vers cette demeure, les yeux
brillants d’émerveillement. Au portail, un homme bien en
chair, aux cheveux blancs, demanda à Sagbo : « Où vas-tu,
et que cherches-tu ? »
« Mes noix de palme sont tombées dans la rivière et j’ai
si faim que je voudrais les reprendre », répondit-il.
« Entre et va parler de tes noix de palme à la maîtresse
de maison », lui dit le gardien.
Sagbo entra et vit une vieille femme qui, assise sur un
tabouret, vannait du maïs. Elle avait d’abondants cheveux,
de la blancheur du coton, et un visage ridé comme une noix
ratatinée.
« Bonjour, Nana », dit-il poliment.
La vieille femme sourit, d’un large sourire édenté, et lui
dit : « Bonjour, mon enfant, qu’est-ce qui t’amène ici ? »
« Mes noix de palme sont tombées dans la rivière, et je
voudrais les reprendre », répondit Sagbo.
« Je vais t’aider à retrouver tes noix de palme, mais il faut
d’abord que tu piles du maïs et que tu prépares un repas
pour ma maisonnée. » dit-elle en lui tendant un seul grain
de maïs.

71
Raouf MAMA

Sagbo jeta à la dérobée un coup d’œil à la vieille femme.


Il savait qu’on ne pouvait pas préparer un repas avec un
seul grain de maïs, mais il ne voulait pas être impoli. Il mit
soigneusement le maïs dans un mortier et il l’écrasa avec le
pilon. Soudain, il écarquilla les yeux et resta bouche bée –
voilà que le mortier s’était rempli de toute la farine dont il
pouvait avoir besoin. Mais il ne dit mot.
Avec la farine et d’autres ingrédients que lui donna la
vieille femme, Sagbo prépara de la nourriture. Mais à peine
la nourriture fut-elle prête que la marmite lui parla.
« Je veux ma part », dit-elle.
Sagbo ne pouvait en croire ses oreilles. « Est-ce à moi
que tu parles ? » demanda-t-il, le cœur battant à tout rompre.
« Je veux ma part de nourriture. » répéta la marmite. Et
puis, tout à coup, les plats, les bols et la jarre d’eau deman-
dèrent la même chose. Bientôt tous les ustensiles qui se
trouvaient dans la cuisine de la vieille femme réclamèrent à
grands cris leur part à Sagbo.
Sagbo était terrifié. Il aurait bien voulu s’enfuir, mais
ses jambes squelettiques étaient trop faibles pour ce faire.
Il chercha un endroit où se cacher, mais il n’en trouva nulle
part. Aussi, de ses mains tremblantes, il servit de la nour-
riture à la ronde, et à son grand soulagement, la marmite
et ses compagnons se montrèrent très gentils. Puis, il prit
le reste de nourriture et le partagea avec la vieille femme.
Après le repas, la vieille femme lui montra une pièce du
doigt et lui dit : « Entre là, mon enfant. Tu trouveras deux
tam-tams : un grand et un petit. Prends le petit. En rentrant
chez toi, bats le tam-tam. Il t’apportera le bonheur. »
Sagbo entra dans la pièce, prit le petit tam-tam, remercia
la vieille femme et partit.

72
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Quand Sagbo revint sur la rive et battit son tam-tam, des


plats fumants apparurent soudain devant lui : de l’igname
pilée et de la sauce de poisson, de la pâte de maïs rouge et du
poulet rôti. Sagbo comprit que le tam-tam magique pouvait
sauver le village. Il ne prit pas le temps de manger, mais se
rendit droit au palais pour montrer le tam-tam au roi.
En un rien de temps on entendit le messager du roi
convier les villageois à un festin dans la cour du palais royal.
Et pendant sept jours, il y eut de grandes réjouissances dans
le village et dans tout le royaume. En reconnaissance pour
ce qu’il avait donné au village, le roi adopta Sagbo, et on
composa de nombreux chants à sa louange. Et l’histoire du
garçon audacieux, des trois noix de palme et du village au
fond de la rivière sacrée devint célèbre dans tout le pays.
Mais cela ne faisait pas le bonheur de tout le monde.
Tous les chants, toutes les paroles à la louange de Sagbo
remplissaient d’envie le cœur de sa marâtre. « C’est mon
propre Fils qui aurait dû sauver le royaume et gagner la
faveur du roi. » pensait-elle. Aussi, attrapa-t-elle Senan.
Elle lui remit trois noix de palme et lui dit : « Ce qu’a fait
Sagbo, tu peux le faire aussi. Va au fond de la rivière sacrée
et rapporte un tam-tam magique. Plus il sera grand, mieux
cela vaudra. »
Et c’est ainsi que Sènan jeta trois noix de palme dans la
rivière sacrée, sauta dans l’eau à leur suite et nagea jusqu’au
fond. Là, sous l’eau, il trouva le village et courut vers la
belle demeure.
Le gardien lui demanda ce qu’il cherchait et lui dit d’aller
voir la vieille femme dans la maison. Sènan entra, vit la
vieille femme, et lui dit qu’il voulait un tam-tam magique

73
Raouf MAMA

comme celui que son demi-frère avait apporté au village. La


femme promit de lui donner un tam-tam magique aussi, s’il
voulait bien préparer un repas pour sa maisonnée.
Mais quand elle lui donna un seul grain de maïs et lui
dit de le piler pour en faire de la farine, Sènan éclata de
rire et dit d’un ton moqueur : « Un seul grain de maïs pour
nourrir toute une maisonnée ! Cela ne suffit pas à nourrir
un petit poussin ! » Aussi la vieille femme lui remit-elle un
panier plein de maïs. Mais quand le repas fut prêt et que
la marmite et tous les ustensiles de la cuisine se mirent à
réclamer à grands cris leur part de nourriture, Sènan courut
vers elle. « Quelle maisonnée stupide que la tienne ! » dit-il,
« Ta marmite, tes bols et tes calebasses – ils veulent tous
une part du repas ! »
La vieille femme poussa un soupir de lassitude et se
rendit en claudiquant à la cuisine où elle donna à manger à
tout ce qu’elle vit. Puis elle offrit à Sènan le reste de nour-
riture, mais ce n’était pas la nourriture qui l’intéressait.
« Je ne veux pas manger », dit-il avec un sourire suffi-
sant. « J’ai fait cuire ce stupide maïs. Donne-moi le tam-tam
magique, que je puisse remporter tout de suite chez moi. »
La vieille femme lui montra donc une pièce et lui dit :
« Entre dans cette chambre. Tu trouveras un petit tam-tam
et un grand tam-tam. Prends le petit. De retour chez toi,
bats ce tam-tam et ton souhait se réalisera. »
Sènan courut dans la pièce, mais à la place du petit tam-
tam, il se saisit du grand. Comme il se précipitait dehors et se
dirigeait vers le portail, la vieille femme eut à peine le temps
de lui crier : « Au cas où tu aurais des ennuis, dis ceci : Abeilles
et cordes, retournez à l’endroit d’où vous venez. » Alors qu’il

74
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

se hâtait de rentrer chez lui avec le tam-tam, Sènan entendit


ces paroles et se demanda quelles sornettes la vieille femme
pouvait bien raconter.
Quand il rentra à la maison, un grand tam-tam sur la tête,
sa mère ne se tint plus de joie. Rayonnante de fierté, elle
l’aida à porter le tam-tam magique à sa case et barricada la
porte. « Maintenant », dit-elle, « avant que tout le royaume
ne découvre l’existence de notre tam-tam, et n’oublie celui
de Sagbo, remplissons nos marmites et nos jarres de nour-
riture. »
Mais peu de temps après, on entendit Sènan et sa mère
hurler et crier à l’aide. Des quatre coins du village, les
hommes, les femmes et les enfants se précipitèrent. Quand,
à coups de pied, ils ouvrirent la porte, un murmure d’éton-
nement parcourut la foule, car ils virent un grand tam-tam
dressé au centre de la case, et Sènan et sa mère, pieds et
mains liés, en proie à un essaim d’abeilles gigantesques qui
tournoyaient autour d’eux, les piquants sans merci.

75
Raouf MAMA

Impuissante, la foule regardait Sènan se rouler par terre ;


il hurla un moment avant de se rappeler enfin les dernières
paroles de la vieille femme. Alors il s’écria : « Abeilles et
cordes, retournez à l’endroit d’où vous venez. » A l’instant
même, les abeilles disparurent, le tam-tam se fondit dans
l’air, et les cordes qui liaient la mère et le fils tombèrent à
terre.
La marâtre devint la risée du village et rejeta le tort sur
Sènan. Sènan, lui aussi, avait honte et essaya à maintes
reprises de retourner à cette demeure au fond de la rivière
sacrée, mais il ne trouva rien d’autre que des galets et de la
vase, et quelques poissons qui nageaient de çà, de là. De la
demeure et de la femme qui y vivait, il ne vit plus de trace.
Quant à Sagbo, devenu adulte, il devint membre du
conseil du roi et il jouit d’une vie longue et prospère.

Cette histoire met en relief l’importance de la bonté, du


respect des anciens et de la nécessité de contrôler ses paroles. Sagbo avait
bon cœur, il était respectueux et savait se taire, alors que son demi-frère
était méchant, insolent et incapable de tenir sa langue. Cependant, ce
qui est encore plus intéressant sur le plan de la morale de l’histoire,
c’est la différence des résultats qui couronnèrent les voyages que firent
Sagbo et son demi-frère au fond du fleuve magique. Ici, leurs motifs sont
d’une grande importance. Sagbo avait faim, mais il était si bon qu’il
voulut partager sa nourriture avec tout le village. Son demi-frère, par
contre, était poussé par l’envie et avide de renommée et de gloire. D’un
côté, le tam-tam apporte de la nourriture, et de l’autre, des abeilles et
leurs dards. Tout se passe comme si le son du tam-tam était porteur
d’un message de Sagbo et de son demi-frère aux esprits qui envoient
nourriture, abeilles et dards. Dans l’Afrique traditionnelle, les tam-
tams représentent un puissant moyen de communication.

76
Le chant de l’enfant gâté
I I y a de cela bien longtemps, au royaume d’Allada,
vivait une veuve et son petit-fils. Le garçon s’appelait
Hingnon, ce qui veut dire : « La calomnie ne m’atteint pas ».
Hingnon était l’enfant de la fille unique de la veuve. Cette
fille était morte en couches, et parce que la veuve ne pouvait
s’empêcher de penser à elle chaque fois qu’elle posait son
regard sur le garçon, elle aimait Hingnon plus que tout au
monde. Quoi que demandât Hingnon, il était sûr de l’obte-
nir, car sa grand-mère ne lui refusait rien, si saugrenue ou
déraisonnable la requête fût-elle. Elle était incapable de dire
non lorsque Hingnon avait envie de quelque chose. Son seul
souhait était de lui faire plaisir.
Un jour, Hingnon vit passer le troupeau de moutons
du roi qu’on conduisait au pâturage. Dodus, bien soignés,
ils se déplaçaient avec grâce dans le paysage, la blancheur
immaculée de leurs toisons brillant au soleil. Ils étaient
beaux et plaisants à voir, mais le plus beau de tous était le
dernier du troupeau, celui qui avait une clochette au cou.
Comme Hingnon restait là à le regarder, il vit en imagina-
tion une multitude de plats de mouton rôti tout fumants.
L’eau lui en vint à la bouche, et il courut vers sa grand-
mère : « Grand-mère ! Grand-mère ! As-tu vu ce mouton ? Le
grand mouton qui a une clochette au cou ? Je veux qu’on le
tue et qu’on le fasse rôtir, que je puisse le manger ! Je t’en

79
Raouf MAMA

prie, hâte-toi, car j’ai grand faim. J’ai si faim que je peux
venir à bout d’un éléphant tout entier ! » Et Hingnon se
tenait le ventre, se tordait et faisait des grimaces comme s’il
était tenaillé par d’innombrables crabes.
« Hingnon, tu as les yeux plus gros que le ventre », répon-
dit la grand-mère. « Tu ne peux avoir le plat que tu désires
tant à moins que je ne vole le mouton du roi. Et si je vole
le mouton du roi, il se pourrait bien que tu ne me revoies
plus jamais, car le vol est une grave offense. C’est la loi de
ce pays. Si tu veux, je vais aller chez le boucher acheter du
mouton que je ferai rôtir pour toi. Hum... Il sera tout aussi
bon ! Attends, tu verras », conclut la grand-mère qui se leva
d’un bond en se léchant les babines.
« Non ! Je veux le grand mouton qui a une clochette au
cou », rétorqua Hingnon, en tapant du pied. Si tu ne tues
pas le mouton du roi et que tu ne le fais pas rôtir pour moi,
je ne mangerai plus rien du tout. Je vais maigrir et je vais
mourir, et tu seras responsable de ma mort. » Parce que sa
grand-mère ne se précipitait pas à la poursuite du mouton
qui avait une clochette au cou, Hingnon se mit à pleurnicher
et bientôt il se mit à crier à pleins poumons. Et les veines
de son cou se gonflèrent au point d’être prêtes à éclater.
La grand-mère ne put supporter de voir Hingnon pleurer
et crier. Sa peine fut si grande qu’elle prît son coupe-coupe
et partit à la recherche du mouton qui avait une clochette
au cou. Elle revint à la tombée de la nuit, portant le mouton
sur son dos. Bientôt l’appétissante odeur de mouton grillé,
assaisonné de poivre, d’oignons, de crevettes écrasées et
de beaucoup d’autres ingrédients envahit leur concession

80
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

et se répandit dans tout le voisinage. Hingnon se régala,


enfournant de gros morceaux de ce délicieux mouton, tout
en se léchant les doigts à grand bruit.
Ce fut alors que la voix du messager du roi déchira l’air
calme de la nuit. : « Le mouton favori du roi, le plus grand
et le plus beau du troupeau, celui qui porte une clochette
au cou a disparu. Si quelqu’un l’a vu, que cette personne
avertisse immédiatement le roi de l’endroit où il se trouve.
Le roi a envoyé ses gardes à sa recherche dans toute la ville
et dans tous les villages environnants. Quiconque le volera
ou le trouvera et ne le ramènera pas à la bergerie subira le
courroux du roi. A bon entendeur, salut. » Et on entendit
ce message répété à intervalles réguliers, tantôt faiblement,
tantôt avec force, comme le messager se déplaçait d’un
endroit à l’autre dans le voisinage.
Hingnon resta assis un moment à écouter, puis, il se leva
d’un bond, sortit en courant de la concession en direction de
la voix du messager, entonnant ce chant railleur :
« Mouton ! Mouton ! Toi, le mouton favori du roi !
J’ai dit à Grand-mère qu’il fallait que je mange ta chair.
Et à ta recherche elle est partie.
Elle savait que pour moi rien d’autre ne ferait l’affaire.
A la dérobée, elle s’est approchée et a eu raison de toi,
Et à la maison t’a ramené pour moi.
Ta chair était si délicieuse qu’il n’y a pas de mots pour
le dire !
J’ai mangé à n’en plus pouvoir.
Mouton ! Mouton ! Toi, le mouton favori du roi ! »
Quelques villageois restèrent là à écouter, complètement
abasourdis, se demandant de quelle folie le petit garnement

81
Raouf MAMA

était pris. D’autres attendirent un moment, puis s’éloi-


gnèrent rapidement pour ne plus entendre, comme si les
paroles insolentes du chant de Hingnon étaient plus qu’une
oreille humaine pouvait supporter.

82
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Bientôt, le roi fut mis au courant de ce chant, et Hingnon


fut convoqué au palais. Et là, en présence du roi, de ses
courtisans et des membres de la famille royale, Hingnon
répéta son chant railleur.
« Mouton ! Mouton ! Mon beau mouton !
J’ai dit à Grand-mère que je voulais qu’on te tue
Et que pour moi seul on te fasse griller !
J’ai gémi, j’ai pleuré, j’ai crié,
De rien d’autre je ne me serais contenté.
Et elle est partie, rapide comme le vent,
Silencieuse comme une ombre.
Et avant que tu ne puisses dire : Bêeee,
A son dos tu t’es retrouvé attaché.
Et pour moi seul elle t’a ramené.
Ta chair était si savoureuse qu’il n’y a pas de mots pour
le dire.
Et tes os pleins de moelle – Qu’ils étaient délicieux !
J’ai tant mangé, qu’au comble de la félicité, mon ventre
était tout gonflé !
Mouton ! Mouton ! Mon beau mouton ! »
Les courtisans restèrent bouche bée. Les membres de la
maison royale en eurent le souffle coupé. Le roi resta coi.
Tous étaient choqués par l’insolence téméraire du chant de
Hingnon. Quand le roi enfin recouvra la parole, il se leva
rapidement, le visage figé en un masque de rage et convo-
qua son conseil en séance extraordinaire. En un rien de
temps la grand-mère fut arrêtée, jugée et envoyée en prison.
Il fut décidé que Hingnon resterait sous la tutelle du roi,
condamné à garder le troupeau du roi jour après jour, de
l’aube au crépuscule.

83
Raouf MAMA

Ainsi, commença pour Hingnon, l’enfant gâté, une nou-


velle vie. C’était une vie de dur labeur, d’un travail pénible
et acharné qui n’avait rien à voir avec la vie de facilité qu’il
avait jadis connue dans le giron de sa grand-mère.

Cette histoire a pour but de mettre en garde parents et


tuteurs contre le danger qu’ils courent à toujours céder à un enfant. Le
fait que la grand-mère ait été envoyée en prison illustre bien la croyance
répandue chez les Fon que l’adulte qui gâte un enfant est moralement
responsable de la conduite de cet enfant.

84
PARCOURS N°1
CONTE 1 : PP 25-35
L’enfant dont on n’avait pas voulut

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Pourquoi le roi a-t-il abandonné son enfant
Hangnan-Hangnan-Gba ?
2. Comment Hangnan-Hangnan-Gba a-t-il conquis
l’estime du roi ?
3. Tu identifies l’élément modificateur (ou perturba-
teur) et la situation finale de ce conte.
4. Ce conte est-il ascendant ? Tu justifies ta réponse.

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
Vilain Pataud (p. 27 ; l. 3) ; ordonner à ses gardes de
l’abandonner (p. 27 ; l. 7) ; un roi très puissant (p. 27 ; l.
11) ; A proximité de (p. 27 ; l. 23) ; avec une dextérité (p.
28 ; l. 25) ; se fraya un chemin (p. 29 ; l. 8) ; une puanteur
suffocante (p. 30 ; l. 3-4) ; en grand danger d’être profanés (p.
32 ; l. 17) ; d’un pas chancelant (p. 33 ; l. 1) ; aveuglé par
ton apparence (p. 34 ; l. 5) ; réjouissances (p. 34 ; l. 9) ;
l’exclu (p. 34 ; l. 13).
2. Tu précises l’antonyme de beauté (p. 34 ; l. 4) et tu
construis une phrase à la forme négative avec le
mot trouvé.
3. Tu donnes le verbe dérivé d’attrait (p. 34 ; l. 19) et tu
trouves quatre verbes de même famille que ce verbe.
4. Peux-tu relever quatre (4) mots ou expressions
relevant du champ lexical de la guerre ?

i
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. Dans la dernière prise de parole du roi (p. 34, l.
1-8), tu relèves les verbes conjugués et précises
leurs différents temps. L’usage dominant du passé
composé de l’indicatif, dans ce passage, accentue-
t-il le remords du roi ?
2. Dans ce même passage, à quel type de texte renvoie
l’imparfait de l’indicatif ? Le subjonctif présent ?
3. En quoi la 1ère phrase du 2è paragraphe du conte
(p. 27, l. 1.9-10) rejoint-elle le type de texte auquel
renvoie le subjonctif présent ?
4. Combien d’adjectif démonstratif, d’adjectif
possessif et d’adjectifs indéfinis le 3è paragraphe
du conte (p. 27, l. 15-22) comprend-il ? Quel
sentiment se dégage-t-il de l’emploi de l’adjectif
démonstratif ? de l’adjectif possessif ?
5. Quelles sont la nature et la fonction grammaticales
de quarante-et-une (p. 27. l. 12) ; septième (p. 29, l. 4) ;
troisième (p. 32 ; l. 13)? En quoi les deux derniers
déterminants font-ils évoluer l’histoire dans le
temps ? Que symbolisent tous ces trois adjectifs
numéraux dans ta culture ?
6. Quelle différence grammaticale fais-tu entre leur
et leur (p. 34 ; l. 18) ? Tu relèves des articles qui
déterminent un complément circonstanciel de lieu
ou de temps.
7. Tu fais l’analyse grammaticale de jungle (p. 31, l. 28).
Est-elle un espace de bonheur ou de malheur pour
Hangnan-Hangnan-Gba ? Tu justifies.
8. Tu réécris le dernier paragraphe de la page 32 au

ii
Guide pédagogique

présent de l’indicatif en remplaçant Hangnan-


Hangnan-Gba par tu et le roi par Je. Quel effet cette
réécriture apporte-t-elle à l’énonciation ?
J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES
1. Les hommes
1.1. Hangnan-Hangnan-Gba
1.1.1. Hangnan-Hangnan-Gba est un prince. Vrai
ou faux ?
1.1.2. Il est laid. Tu le justifies à l’aide d’un passage
du conte.
1.1.3. A-t-il été élevé par les tigres ?
1.1.4. Les singes le méprisent. Est-ce exact ?
1.1.5. Arrivé à l’âge adulte, combien de temps a-t-il
attendu pour tuer le serpent ?
1.1.6. Pourquoi a-t-il attendu le troisième messager
pour secourir l’armée royale ? Peux-tu dire
qu’il craint les ancêtres ?
1.1.7. Est-il rejeté par le peuple après sa victoire ?
1.1.8. Il est miséricordieux. Vrai ou faux ?
1.1.9. Le pardon, pour lui, est une arme. Tu le
justifies.
1.1.10. Tu précises les différentes phases de sa vie
dans le déroulement du conte.
1.1.11. Tu fais son portrait en trois phrases et tu fais
ressortir surtout ses qualités morales.
1.1.12. Veux-tu lui ressembler ? Pourquoi ?
1.2. La mère de Hangnan-Hangnan-Gba
1.2.1. Pourquoi le conte ne l’a pas évoquée ?
1.2.2. Penses-tu qu’elle partagerait l’avis de son
mari ?
1.2.3. Que ferais-tu si tu étais à sa place ?

iii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.3. Le roi
1.3.1. Il a abandonné son fils malgré lui. Vrai ou
faux ?
1.3.2. « Quand il naquit, le roi le trouva si laid qu’il ne
voulait pas le toucher, pas même avec un bâton !
Et plus Hangnan-Hangnan-Gba grandissait, plus
le roi le trouvait laid, au point qu’un jour, il finit
par ordonner à ses gardes de l’abandonner dans la
jungle. » (p. 27, l. 4-8) Le roi donne-t-il là un
bon exemple ?
1.3.3. Comment expliques-tu une telle décision de
sa part ?
1.3.4. « D’un pas chancelant, hésitant, le vieil homme
s’avança vers son fils et tomba à ses pieds en pleu-
rant :
« Hangnan-Hangnan-Gba, mon fils ! Mon fils,
Hangnan-Hangnan-Gba !. […]
Aveuglé par ton apparence, je n’ai pas vu la beauté
qui était en toi. »
Le roi est-il un aveugle ? Un lâche ? Un sage ?
Pourquoi ?
1.4. Les gardes, la foule, les filles
1.4.1. Les gardes ont-ils une volonté devant le roi ?
1.4.2. Toi, obéirais-tu au Roi ?
1.4.3. La foule n’a aucune volonté. Est-ce exact ?
1.4.4. Et les filles, peuvent-elles s’opposer à se
donner en sacrifice au serpent ? Pourquoi ?
1.4.5. Quelle fille a-t-on donnée à l’héritier du
trône ? Pourquoi ?

iv
Guide pédagogique

2. Le monde animal
2.1. Le serpent
1.1.1 Que représente-t-il dans la croyance
populaire ?
1.1.2 Crois-tu qu’il produise la pluie ?
1.1.3 Sa mort a mis le roi en panique. Vrai ou
faux ?
1.1.4 Pourquoi ne lui a-t-on pas donné la parole
dans le conte ?
1.1.5 Sa mort est une véritable délivrance. Tu
relèves un passage du conte qui le prouve.
2.2. Les singes
2.2.1. Pourquoi ont-ils adopté le prince ?
2.2.2. Ont-ils réussi son éducation ?
2.2.3. Crois-tu qu’ils puissent symboliser la
Providence ?
3. Les autres actants
3.1. Le baobab est à la fois adjuvant et opposant à
la quête du serpent. Tu le justifies.
3.2. Les arbres se sont laissé dompter par le prince.
Vrai ou faux ?
3.3. Quel est le rôle de la sécheresse dans ce conte ?
3.4. Et la pluie, quelle est sa place dans ce conte ?
3.5. Peut-on dire que la guerre a pris la place du
serpent et de la sécheresse, dans ce conte ? En
quoi représentent-ils l’élément Feu ?
3.6. Quelle valeur les vautours ont-ils dans ce conte ?

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Quel rôle les proverbes ou les dictons jouent-ils
dans ce conte ?

v
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

2. Peux-tu partir de quelques sons récurrents (Cf.


API) pour étudier la musicalité de certains chants
du conte ?
3. L’auteur apporte clairement sa critique. A quel
niveau du conte ?
4. As-tu quelque chose à ajouter à la leçon donnée par
l’auteur dans sa critique, à la fin du conte ?

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu cites tous les éléments de l’illustration de
Laudamus Sègbo.
2. Quel passage du conte a-t-il cherché à immobiliser ?
3. Que cherche à donner à voir le peintre quand il
dévoile le visage de Hangnan-Hangnan-Gba et
cache celui du Roi ?
4. Quelles sont les couleurs utilisées ? Peux-tu leur
donner une valeur ?

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Crois-tu qu’un enfant éduqué par des animaux peut
savoir parler une langue humaine ?
2. Peux-tu en déduire que ce conte est fantastique et
merveilleux. Tu rédiges une autre fin malheureuse
à ce conte.
3. Que penses-tu des enfants abandonnés ? Tu écris
un texte injonctif pour sensibiliser à ce propos.
4. Tu t’inspires de l’illustration de Laudamus Sègbo
pour produire un conte sur la méchanceté.

vi
Guide pédagogique

PARCOURS N°2
Conte 2 : 37-48
Les Princesses jumelles

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Qui sont le père et le mari de Zinsa ?
2. Comment s’appelle l’autre jumelle ?
3. Tu retrouves l’élément modificateur de ce conte.
4. Peux-tu dire si ce conte est ascendant ou en
spirale ? Pourquoi.

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
félicité (p. 39 ; l. 10) ; propos oiseux (p. 39 ; l. 13) ; un
sérieux handicap (p. 40 ; l. 9); une source de discorde (p.
40 ; l. 22) ; à la légère (p. 41; l. 9) ; amadouer (p. 41 ; l.
18) ; engrangeait (p. 42 ; l. 5) ; aux confins (p. 42 ; l. 9) ;
une joie incommensurable (p. 44; l. 7) ; moignon (p. 44, l.
10) ; subrepticement (p. 45 ; l. 4).
2. Tu décomposes immuables (p. 48 ; l. 2) et tu trouves
5 mots formés de la même manière que lui.
3. Tu formes le champ lexical de la victoire.
4. Tu emploies muette, décrépite, un lourd fardeau dans
des phrases et tu donnes un homonyme de mil ainsi
qu’un mot composé de mil.

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. « Es-tu courageuse ? » (p. 43, l. 26). Tu dis le type
de cette phrase et tu la mets à la forme négative.
2. Tu repères une phrase non verbale dans le premier
paragraphe du conte.

vii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

3. « La première épouse du roi avait bien fait son travail. » (p.


45, l. 25) Tu dis le temps du verbe conjugué et tu la
réécris à la voix passive.
4. « Les deux rois discutèrent longtemps. » (p. 40, l. 29). Tu
remplaces le groupe nominal par un pronom per-
sonnel et tu réécris toute la phrase au conditionnel
passé première forme.
5. « Ce fut alors que par une nuit sans lune, la première femme
du roi creusa secrètement un petit trou dans le mur de la salle
de bain réservée à la princesse.» (p. 41, l. 22). Tu relèves
dans cette phrase tous les indices de lieu et de temps
et tu fais leur analyse grammaticale.
J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES
1. Les hommes
1.1. Zinhoué
1.1.1. Elle aime sa sœur. Vrai ou faux ? Tu justifies.
1.1.2. Elle est manchote. Vrai ou faux ?
1.1.3. Elle aime le roi. Vrai ou faux ?
1.1.4. Pourquoi a-t-elle peur du ridicule ?
1.1.5. Tu cites les animaux qu’elle rencontre dans
la forêt.
1.1.6. Comment peux-tu expliquer l’aide que lui
apporte le serpent ?
1.2. Zinsa
1.2.1. Pourquoi réclame-t-elle le bracelet de sa
sœur ?
1.2.2. Tu mets ses paroles au début du conte au
style indirect.
1.2.3. Elle n’aime pas sa sœur. Vrai ou faux ?
1.2.4. Elle s’oppose au bonheur de sa sœur. Vrai
ou faux ?

viii
Guide pédagogique

1.2.5. Tu montres qu’elle est contente pour sa sœur


à la fin du conte.
1.2.6. Quel effet produit sa transformation ?
1.3. Le roi d’Adja
1.3.1. Pourquoi refuse-t-il d’accorder la main de sa
fille au roi d’Allada ?
1.3.2. Peux-tu comprendre son refus ?
1.3.3. A-t-il fini par accepter ?
1.4. Le roi d’Allada
1.4.1. Il est amoureux de Zinhoué. Vrai ou faux.
1.4.2. Il n’aime pas la tradition. Vrai ou faux.
1.4.3. Pourquoi cache-t-il son épouse s’il l’aime
réellement ?
1.4.4. Pourquoi il demande à Zinhoué de le piler ?
1.4.5. Tu montres qu’il n’a pas beaucoup d’autorité
sur ses épouses ?
1.4.6. « je n’y renoncerai pas et la force de l’amour
finira par prévaloir. » (p. 40, l. 27). La fin du
conte confirme ses propos. Vrai ou faux ?
1.5. La première épouse du roi
1.5.1. Elle est malveillante. Vrai ou faux ?
1.5.2. Elle est intolérante. Vrai ou faux ?
1.5.3. Elle est jalouse. Vrai ou faux ?
1.5.4. Quelle fut sa punition ?
2. Le monde animal
2.1. La panthère
2.1.1. A-t-elle accepté la demande de Zinhoué ?
2.1.2. Quel conseil lui donne-t-elle ?
2.1.3. Elle est opposante ou adjuvante au projet
de Zinhoué ?

ix
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

2.2. Le lion
2.2.1. Réagit-il autrement que la panthère à la
demande de Zinhoué ?
2.2.2. Quelle raison donne-t-il pour ne pas la tuer ?
2.2.3. Tu le compares à la panthère.
2.3. Le serpent
2.3.1. Est-ce un serpent ordinaire ?
2.3.2. A-t-il cédé à la demande de Zinhoué ?
2.3.3. Que lui offre-t-il à la place de la mort ?
3. Le monde végétal
3.1. La forêt est un espace adjuvant pour Zinhoué.
Tu justifies.
3.2. Pourquoi le baobab n’a pas voulu tuer Zinhoué ?

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Que représentent les oiseaux au sombre plumage
de la chanson de Zinhoué ?
2. Cette chanson est une parabole. Vrai ou faux ?
3. Quelle est la morale de ce conte selon toi ?
4. Peux-tu établir un parallèle avec un autre conte du
recueil et les comparer.

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu décris l’expression des personnages du premier
tableau et tu les identifies.
2. Tu apprécies la palette des couleurs de cette
illustration.
3. Tu observes la deuxième illustration. La couleur du
pilon te paraît-elle convenable ?

x
Guide pédagogique

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. A quels moments interviennent le fantastique et le
merveilleux dans ce conte ?
2. Tu réécris ce conte en trois paragraphes.
3. Tu t’inspires de ce conte pour produire un texte
argumentatif de 100 mots sur les personnes
handicapées.
4. Peux-tu proposer un texte injonctif de 10 lignes
pour sensibiliser ton futur enfant sur le sens du
sacrifice ?

xi
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

PARCOURS N°3
Conte 3 : pp 49-58
Le prince et l’orpheline

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Quel est le nom du prince ?
2. Tu dis l’épreuve que doivent subir les prétendantes
du prince.
3. Quel élément vient compliquer le déroulement du
conte ?
4. C’est un conte en miroir. Vrai ou faux ?

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants : son
âme sœur (p. 51 ; l. 16) ; un don exceptionnel (p. 52 ;
l.8) ; privilège (p. 52 ; l. 14) ; défaillir (p. 53 ; l. 17) ; une
main secourable (p. 53 ; l. 23) ; impénétrable (p. 55 ; l.
18) ; obscénités (p. 55 ; l. 4) ; les fugitives (p. 57 ; l. 18) ;
l’antimoine (p. 54; l. 9).
2. Tu emploies aspirer (p. 51, l. 13) dans une phrase où
il aura un autre sens.
3. Tu formes le champ lexical de la victoire.
4. Tu emploies muette, décrépite, un lourd fardeau dans
des phrases et tu donnes un homonyme de mil ainsi
qu’un mot composé de mil.

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. « Comme Hobami partait faire l’une de ses innombrables
courses, les voix de ses demi-soeurs lui résonnaient dans
les oreilles, et elle se sentit défaillir» (p. 53, l. 15-17). Tu

xii
Guide pédagogique

dis le nombre de proposition que compte cette


phrase.
2. Tu relèves tous les verbes conjugués de la phrase.
Tu donnes leur infinitif et leur groupe.
3. Tu fais l’analyse grammaticale de tous les adjectifs
et les pronoms de la phrase.
4. Tu fais l’analyse logique de « Il avait un don
exceptionnel pour résoudre les énigmes. » (p. 52, l. 8-9).

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Dénagan
1.1.1. Que signifie son prénom ?
1.1.2. Pourquoi l’a-t-on nommé ainsi ?
1.1.3. Il connaît son nom. Vrai ou faux ?
1.1.4. Ce prénom est-il connu de tout le monde ?
1.1.5. Peux-tu savoir le nom habituel qu’on donne
aux enfants comme le prince ?
1.1.6. Tu relèves ses traits physiques et moraux.
Lequel apprécies-tu le plus ?
1.2. Hobami
1.2.1. Tu donnes la signification de son prénom.
1.2.2. Sa mère est vivante. Vrai ou faux ?
1.2.3. Comment a-t-elle réussi à épouser le prince ?
1.2.4. Elle est généreuse. Vrai ou faux ?
1.2.5. Quelles sont ses autres qualités ?
1.2.6. Comment ces qualités sont-elles récompen-
sées ?
1.2.7. Ne devrait-elle pas changer son nom après
avoir épousé le prince ?
1.2.8. Tu la baptises autrement.

xiii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.3. Le devin
1.3.1. Ses prédictions se sont réalisées. Vrai ou
faux.
1.3.2. Il a aidé Hobami. Vrai ou faux.
1.4. La marâtre
1.4.1. Pourquoi maltraite-elle Hobami ?
1.4.2. Quel costume lui remet-elle pour se rendre
au palais ?
1.4.3. C’est une menteuse. Vrai ou faux.
1.5. Les demi-sœurs de Hobami
1.5.1. Elles sont méchantes. Vrai ou faux.
1.5.2. Crois-tu qu’elles puissent plaire au prince ?
1.5.3. Ont-elles réussi l’épreuve ? Pourquoi ?
1.5.4. Tu les compares à Hobami.
1.6. La vieille
1.6.1. Elle est humaine. Vrai ou faux.
1.6.2. Pourquoi a-t-elle aidé Hobami ?
1.6.3. Penses-tu qu’il est bon d’assister les
personnes âgées ?

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Peux-tu identifier une chanson dans ce conte ?
2. Quel rôle joue l’onomastique dans ce conte ?
3. Connais-tu l’histoire de Cendrillon. Elle a combien
de sœurs par rapport à Hobami ?
4. Tu recherches la signification de ton nom et tes
prénoms.

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Quels passages du conte Laudamus Sègbo a-t-il
cherché à immobiliser ?

xiv
Guide pédagogique

2. Ces illustrations sont-elles abstraites ou figuratives ?


Tu justifies.
3. Tu donnes ton appréciation du ton des couleurs.
4. Les lignes de la deuxième illustration sont fuyantes.
Vrai ou faux ?

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Qu’est-ce qui te permet de dire que ce conte est
merveilleux ?
2. Tu écris un texte de 100 mots sur la maltraitance
des enfants.
3. Tu produis un texte narratif de dix lignes dans
lequel tu racontes un événement heureux.
4. Tu fais le portrait de ton âme sœur en 80 mots.

xv
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

PARCOURS N°4
Conte 4 : pp 59-68
L’orphelin et le lépreux

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Comment s’appelle l’orphelin ?
2. Qui l’a sauvé ?
3. Tu retrouves l’élément modificateur de ce conte.
4. Peux-tu dire le type de ce conte ?

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants : l’orée
(p. 61 ; l. 1) ; mauvais augure (p. 61 ; l. 12) ; passe-temps
favoris (p. 61 ; l. 13) ; un membre prospère (p. 61 ; l. 22) ;
s’estompait (p. 62 ; l. 1) ; l’étroitesse (p. 62 ; l. 3) ; s’effondra
pleurs (p. 62 ; l. 14-15) ; benêt (p. 62 ; l. 27) ; paria (p.
63 ; l. 2) ; un nœud coulant (p. 63, l. 10) ; gargouillement
(p. 63 ; l. 11).
2. Tu trouves deux synonymes de éreinté (p. 61, l. 15)
qui appartiennent au registre familier.
3. Tu fais une différence entre le moral (p. 61, l. 21) la
morale.
4. Tu recherches l’infinitif de amplifiaient, le nom dérivé
les 5 mots de la même famille.

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. « Il grimpa à l’arbre, attacha solidement un bout
de la corde à une branche et fit un nœud coulant à
l’autre bout.» (p. 63, l. 9). Tu fais l’analyse logique
de cette phrase.

xvi
Guide pédagogique

2. Tu réécris la phrase au présent de l’indicatif en


remplaçant Il par Je. Quel effet cette réécriture
produit sur le narrateur.
3. Tu fais l’analyse grammaticale de « La première épouse
du roi avait bien fait son travail. » (p. 45, l. 25). Tu dis
le temps du verbe conjugué et tu réécris la phrase
à la voix passive.
4. « Quel triste spectacle que ce lépreux ! ». Tu dis le
type de cette phrase.

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Sèhou
1.1.1. A quel âge a-t-il perdu son père ?
1.1.2. Il aime sa marâtre. Tu justifies.
1.1.3. Quel est son plus grand rêve ?
1.1.4. « Chaque enfant de son groupe d’âge avait un père
pour l’instruire des us et coutumes de ce monde,
une mère pour relever, des frères et des sœurs pour
partager ses joies et ses peines. » (p. 62, l. 5-6). Il
est triste ? heureux ? sensible ?
1.1.5. Pourquoi veut-il se pendre ?
1.1.6. Qui va lui donner une leçon de vie ?
1.1.7. Il est reconnaissant. Vrai ou faux.
1.2. La marâtre
1.1.1. Elle adore Sèhou. Vrai ou faux.
1.1.2. Quel est son plus grand plaisir ?
1.1.3. Elle est cruelle. Tu justifies.
1.1.4. Elle a d’autres enfants. Vrai ou faux.

xvii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.1.5. Pourquoi se comporte-t-elle ainsi ? As-tu


une explication ?
1.3. Le lépreux
1.1.6. Quelle maladie l’a rendu ainsi ?
1.1.7. A-t-il un physique merveilleux.
1.1.8. C’est un homme positif. Vrai ou faux.
1.1.9. Comment a-t-il secouru Sèhou ?
1.1.10. Est-ce un adjuvant ?
1.4. Le monde animal et végétal
1.5. Quel rôle jouent les oiseaux dans le conte ?
1.6. Le manguier est un adjuvant. Tu dis pourquoi ?
1.7. Tu relèves le champ lexical du goût dans le
passage où il est question de mangue ?

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Quelle philosophie véhicule le chant du lépreux.
2. Tu recherches un conte dans lequel le lépreux ne
joue pas un rôle positif et son nom en fongbé.
3. Tu donnes ta propre morale du conte.
4. Tu compares ce conte à un autre conte du recueil.

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu identifies les personnages du conte représentés
dans la première illustration.
2. A quel passage correspond cette illustration.
3. Tu recenses tous les aliments figurés dans la
deuxième illustration. Leur quantité traduit-elle
l’abondance suggérée dans le conte ?
4. Tu observes les aliments et tu donnes leur origine
culturelle.

xviii
Guide pédagogique

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu décris en 70 mots ton passe-temps favori.
2. Tu écris une lettre à ton oncle pour lui annoncer
ton métier de rêve et tes motivations.
3. Tu écris un article de 200 mots pour défendre les
orphelins.
4. Tu recherches des lois sur la protection de l’enfance.

xix
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

PARCOURS N°5
Conte 5 : pp 69-78
Le tam-tam magique

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Quel le nom de l’orphelin ?
2. Quel événement est venu troubler la quiétude du
village ?
3. Tu réalises le schéma narratif de ce conte.
4. C’est un conte descendant ? en miroir ? Tu justifies.

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
cinglante (p. 71 ; l. 18) ; hausser les épaules (p. 71 ; l.
19) ; empira (p. 72 ; l. 9) ; trébucha (p. 72 ; l. 21) ; un
spectacle extraordinaire (p. 73 ; l. 1) ; luxuriants (p. 73 ;
l. 2) ; à la dérobée (p. 74 ; l. 1) ; un soupir de lassitude (p.
76 ; l. 15) ; un sourire suffisant (p. 76 ; l. 19-20), sornettes
(p. 77, l. 2).
2. Tu donnes l’étymologie de chiendent (p. 71, l. 13).
3. Tu formes le champ lexical de la vieillesse.
4. Tu recherches le contraire de marâtre.

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. « Sagbo était un garçon d’un naturel gentil et gai, bien qu’il
ne fût pas l’enfant préféré. » (p. 71, l. 4). Tu donnes la
nature du mot souligné et tu dis l’effet qu’il produit
dans la compréhension de cette phrase.
2. Tu le remplaces par un mot synonyme de même
nature.

xx
Guide pédagogique

3. « Pendant sept jours, il y eut de grandes réjouissances dans le


village et dans tout le royaume. » (p. 75, l. 9). Tu relèves
les compléments contenus dans cette phrase et tu
indiques ceux qui te renseignent sur le temps et le
lieu de l’action.
4. Tu fais l’analyse logique de cette phrase.

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Sagbo
1.1.1. Il est orphelin. Vrai ou faux.
1.1.2. Tu relèves tous ses traits moraux.
1.1.3. Pourquoi est-il parti dans la forêt ?
1.1.4. Comment se retrouve-t-il dans la rivière
sacrée ?
1.1.5. Comment salue-t-il la vieille dame ? Tu
donnes le sens et le registre de cette appel-
lation.
1.1.6. Que lui donne la vieille dame pour le
récompenser ?
1.1.7. « Il ne prit pas le temps de manger, mais se rendit
droit au palais pour montrer le tam-tam au roi. »
(p. 75, l. 5-6). Comment peux-tu qualifier
cette attitude ?
1.1.8. Peux-tu dire qu’il est un super-héros ?
Pourquoi ?
1.2. Sènan
1.2.1. Pourquoi est-il allé dans la rivière sacrée?
1.2.2. Tu apprécies son comportement chez la
vieille dame.

xxi
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.2.3. Quel est le mot magique qu’il doit prononcer


en cas de souci avec le tam-tam ?
1.2.4. Tu relèves tous ses défauts moraux.
1.2.5. Tu le compares à Sagbo.
1.2.6. Tu prouves qu’il regrette ses mauvais
comportements.
1.3. La marâtre
1.3.1. Tu cites deux de ses défauts que tu as le plus
détestés.
1.3.2. « Plus il sera grand, mieux cela vaudra. » (p.75,
l. 22-23). Quel trait de son caractère est mis
en évidence dans cette phrase ?
1.3.3. C’est une mauvaise conseillère. Vrai ou faux.
1.3.4. Son fils est plus sage qu’elle. Tu justifies.
1.4. La vieille dame de la rivière sacrée
1.4.1. Pourquoi vit-elle dans l’eau ?
1.4.2. Que représentent les ustensiles de cuisine et
les objets de la maison pour elle ?
1.4.3. A-t-elle pu aider Sagbo à retrouver ses noix
de palme ?
1.4.4. Elle est généreuse. Vrai ou faux.
1.4.5. Elle est indulgente. Tu justifies.
1.5. Le roi
1.6. Quelle récompense donne-t-il à Sagbo ?
1.6.1. Il est reconnaissant. Vrai ou faux.
2. Le monde végétal
2.1. La forêt est un espace adjuvant pour Sagbo.
Tu justifies.
2.2. Les trois noix de palme sont des adjuvants pour
Sagbo. Tu montres comment.

xxii
Guide pédagogique

3. Le monde minéral
3.1. La rivière sacrée a concouru à la réussite de
Sagbo. Vrai ou faux.
3.2. La rivière revêt-elle le même sens pour Sènan
et sa mère ?
JE CHERCHE LES AUTRES GENRES
1. Tu identifies les chansons de ce conte et leurs auteurs.
2. Tu dis le rôle des tams-tams en Afrique à partir de la
critique de l’auteur.
3. Tu cherches les types et les formes de tams-tams
qu’on retrouve dans ton village.
4. Es-tu satisfait(e) de la morale de ce conte ? Tu dis
pourquoi.

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu dis les passages du conte que Laudamus Sègbo a
choisis d’illustrer.
2. Tu cites tous les éléments inanimés dans les
illustrations.
3. Tu compares les deux illustrations. Laquelle te plaît
le plus ? Tu dis pourquoi.
J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu relèves tous les éléments merveilleux de ce conte
et tu en donnes une interprétation.
2. Tu imagines que Sènan ait pu retourner dans la
rivière sacrée. Tu écris en 75 mots les excuses qu’il
doit présenter pour se faire pardonner.
3. Tu écris un texte explicatif de 100 mots sur le
respect des personnes âgées.
4. Tu fais le portrait de tes grands-parents en 15 lignes.

xxiii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

PARCOURS N°6
Conte 6 : pp 79-86
Le chant de L’enfant gâté

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. La veuve a combien d’enfant ?
2. Qu’est-ce qui constitue l’élément modificateur de
ce conte ?
3. Ce conte est descendant. Vrai ou faux.

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants : morte
en couche (p. 81 ; l. 5) ; saugrenue (p. 81 ; l. 9) ; une grave
offense (p. 82 ; l. 9) ; à pleins poumons (p. 82 ; l. 21) ;
chant railleur (p. 83 ; l. 18) ; le mouton favori (p. 83 ; l.
5) ; bouche bée (p. 85 ; l. 21) ; coi (p. 85 ; l. 22) ; téméraire
(p. 85 ; l. 23) ; tutelle (p. 85 ; l. 28).
2. Tu trouves 4 homonymes de chair (p. 85 ; l. 15) et
tu repères une onomatopée dans une chanson de
ce conte.
3. Tu formes le champ lexical de la cruauté.
4. Tu expliques l’expression les yeux plus gros que le ventre
(p. 82, l. 5).

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. « En un rien de temps la grand-mère fut arrêtée, jugée et
envoyée en prison. »(p.85, l. 26-25). Tu isoles le groupe
nominal et le groupe verbal.
2. Tu fais l’analyse logique de cette phrase.
3. « Il y a de cela bien longtemps, au royaume d’Allada,
vivait une veuve et son petit-fils. » (p. 81, l. 1). Tu

xxiv
Guide pédagogique

soulignes un adverbe de temps et un complément


de lieu dans cette phrase. Te renvoient-ils à un
temps et un espace réel ?
4. Tu fais l’analyse grammaticale des adjectifs de cette
phrase « C’est la loi de ce pays.» (p. 82, l. 9-10).

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. La veuve
1.1.1. Elle est la grand-mère de l’enfant. Vrai ou
faux.
1.1.2. Elle n’a aucune autorité sur l’enfant. Tu
justifies.
1.1.3. « Sa peine fut si grande qu’elle prit son coupe-
coupe et partit à la recherche du mouton qui avait
une clochette au cou. » (p. 82, l. 24-26) Quel
crime a-t-elle commis ?
1.1.4. Par quelle expression peut-on qualifier ce
crime ?
1.1.5. Elle a mérité sa punition, n’est-ce-pas ?
1.2. Hingnon
1.2.1. Que signifie le prénom Hingnon ?
1.2.2. Qu’a-t-il fait ?
1.2.3. Il est stupide. Vrai ou faux ?
1.2.4. Il n’aime pas grand-mère. Tu justifies.
1.2.5. C’est un ingrat. Vrai ou faux.
1.2.6. Tu fais son portrait moral en deux phrases.
1.2.7. Tu le compares à Yogbo le glouton.
1.3. Le roi d’Allada
1.3.1. Il aime son mouton. Vrai ou faux.

xxv
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.3.2. Trouves-tu sa sanction juste ?


1.3.3. Peux-tu comprendre son refus ?
1.3.4. A-t-il fini par accepter ?
2. Le monde animal
2.1. Le mouton
2.1.1. C’est un mammifère. Vrai ou faux.
2.1.2. Qu’est-ce qui a séduit Hingnon chez ce
mouton ?
2.1.3. Tu relèves tous les adjectifs qualificatifs qui
présentent le mouton. Sont-ils mélioratifs
ou péjoratifs ?

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Combien de fois la chanson revient dans le conte.
2. Peux-tu dire que ce conte est une chantefable ?
3. Tu apprécies le côté comique de la chanson dans
le conte.
4. Tu résumes la morale du conte. Rejoint-elle celle
de l’auteur.

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu observes l’illustration qui correspond à la
situation initiale. Les moutons ressemblent à ceux
décrits dans ce passage.
2. Tu nommes chaque élément de cette illustration.
3. Tu proposes d’autres couleurs à Laudamus Sègbo
pour parfaire la figuration.

xxvi
Guide pédagogique

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu justifies le titre du conte en proposant une petite
réflexion sur la mauvaise éducation des enfants
et ses conséquences pour la famille en trois deux
paragraphes de 20 lignes.
2. « le vol est une grave offense » (p. 82, l. 9). Tu proposes
un texte injonctif de 100 mots en vue d’une
sensibilisation.
3. Tu t’inspires ce conte pour écrire un conte dans
lequel l’enfant est sage.

xxvii
Contes moraux
et histoires fantastiques
La danse de la misère
M on histoire prend son essor, survole contrées et
royaumes d’antan et vient se poser dans un village
où jadis vivait un pauvre paysan, du nom d’Atchanminan-
guey. Il était si affamé que la peau de son estomac lui collait
au dos. Ses vêtements étaient en haillons, ses chaussures
complètement éculées, et il habitait tout seul dans une
misérable case à la sortie du village.
Par une journée chaude et ensoleillée, Atchanminanguey
revenait de son champ de maïs, quand il se sentit défaillir.
D’un pas chancelant, il se dirigea vers un arbre pour s’y
appuyer, s’écriant : « Si seulement je pouvais être riche un
jour ! Alors, la vie ne serait pas un tel fardeau pour moi ! »
A peine eut-il prononcé ces paroles qu’il vit devant lui
un homme de taille démesurée, d’une extrême maigreur,
vêtu de blanc immaculé. Il avait une tête difforme, des yeux
creux, et un cou, très, très long. Atchanminanguey sentit des
frissons lui parcourir le dos, et il voulut s’enfuir, mais il lui
sembla que ses jambes s’étaient liquéfiées.
« Je ne te veux aucun mal, Atchanminanguey », dit l’esprit
d’un ton rassurant. « J’ai entendu ton souhait et je suis venu
pour te rendre heureux. » L’esprit remit alors à Atchan-
minanguey sept petites calebasses et ajouta : « Lance-les à
terre et fracasse-les une à une le long du chemin, mais ne
jette la dernière que lorsque tu auras atteint l’endroit où tu

91
Raouf MAMA

souhaites t’établir. Je te donne tout ceci sans rien demander


en retour. Tu sacrifieras seulement un pigeon et un canard
pour moi chaque année tant que tu vivras. »
« Tant que je vivrai », dit Atchanminanguey, tout trem-
blant, « ce n’est pas une fois, ce n’est pas deux fois, mais
trois fois par an, que je sacrifierai un pigeon et un canard
pour toi. » Puis, il remercia l’esprit et reprit précipitamment
sa route, sans oser se retourner.
Quand il jeta à terre la première calebasse et la fracassa,
Atchanminanguey se retrouva transformé en roi avec une
couronne d’or et des vêtements de soie de la plus belle
qualité. A sa droite, à sa gauche et derrière lui, se tenaient
des gardes et des courtisans qui chantaient et le couvraient
de louanges. Atchanminanguey contempla avec stupeur
autour de lui les merveilleux présents que l’esprit lui avait
donnés et son cœur se gonfla de fierté. Après avoir cou-
vert une courte distance, il cassa la deuxième calebasse,
et se retrouva en compagnie d’hommes et de femmes qui
portaient des malles remplies de diamants, d’or, d’argent et
de tissus précieux.
La troisième calebasse lui amena de charmantes épouses
et de beaux enfants, et de la quatrième sortit un grand
troupeau de bœufs gardé par des bouviers. Quand il cassa
la cinquième, Atchanminanguey devint propriétaire d’un
verger qui s’étendait à perte de vue. La sixième calebasse
lui apporta une vaste ferme où se pressaient moutons
et chèvres, poulets, canards, dindes, pintades et pigeons.
Quand enfin, il jeta la septième calebasse par terre, un
magnifique palais se dressa à l’endroit même où s’était
trouvée sa cabane délabrée. Atchanminanguey contempla

92
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

tout ce que lui avait donné l’esprit et sa joie ne connut pas


de bornes.
Après être passé en quelques heures de la grande misère
à la grande richesse, Atchanminanguey vécut heureux pen-
dant des années, entouré de ses femmes, ses enfants et ses
serviteurs. Son nom faisait l’objet d’innombrables chants
de louange, et tous les jours, une foule d’amis, de parents
et d’admirateurs affluait au palais pour lui présenter leurs
hommages.
Le soir, quand résonnait la musique envoûtante des
tam-tams du roi, la magnifique cour du palais d’Atchanmi-
nanguey se transformait en une aire de danse où riches et
puissants rivalisaient d’adresse pour s’emparer du trophée
du meilleur danseur. Maints danseurs talentueux faisaient
une démonstration éblouissante de pas gracieux et majes-
tueux, mais Atchanminanguey invariablement remportait le
prix car, de tous, c’était lui le meilleur danseur. Le souhait
qu’il avait formulé de devenir riche s’était réalisé, mais il
avait oublié sa promesse d’offrir des sacrifices à l’esprit à
qui il devait sa bonne fortune.
Un jour, un homme en haillons arriva au palais alors
qu’Atchanminanguey s’asseyait pour déjeuner et il lui
demanda un pigeon et un canard. Atchanminanguey
regarda avec mépris cet inconnu aux cheveux hirsutes et le
sermonna en ces termes :
« Je ne vends ni canards, ni pigeons.
Et n’en donne point non plus !
Tu t’es trompé d’adresse !
Et ta présence dans mon palais est une honte ! »
Et l’inconnu fut chassé du palais, les mains vides.

93
Raouf MAMA

Un an plus tard, un autre inconnu vêtu d’habits déchirés


arriva encore au palais au moment où Atchanminanguey
allait déjeuner et demanda un pigeon et un canard. Mais
Atchanminanguey n’était pas plus enclin à la générosité qu’il
ne l’avait été l’année précédente, et il lui dit :
« Suis-je ton père pour qu’ainsi tu me harcèles ?
De canard ou de pigeon tu n’auras point - De rien, je ne
me départirai !
Là où tu n’as pas semé, tu ne peux récolter !
Va sur la place du marché et vois ce que tu peux acheter ! »
Et, les mains vides, l’inconnu fut chassé du palais.
Une autre année s’écoula, et Atchanminanguey était
toujours aussi prospère. Ses femmes et ses enfants étaient
en bonne santé et son verger produisait des fruits de toutes
sortes - mangues, goyaves, oranges, papayes et ananas. Son
bétail faisait l’envie de tout le royaume, et dans sa ferme, il
y avait en abondance moutons, chèvres, poulets, canards,
pigeons, dindes et pintades.

94
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Mais un jour, alors qu’Atchanminanguey s’apprêtait à


déjeuner, un autre inconnu, poussiéreux, le visage marqué
par le souci, arriva encore au palais et demanda un pigeon
et un canard. Atchanminanguey put à peine contenir son
irritation et il s’écria d’une voix tonitruante :
« Seraient-ils aussi nombreux que les grains de sable au
bord de la mer,
De pigeon ou de canard, je ne te donnerai point !
Par trois fois je t’ai montré la porte !
Ecoute bien ce que je te dis ! Ne viens plus ici ! »
Et, les mains vides, l’inconnu fut chassé du palais. Alors
qu’Atchanminanguey revenait à la salle à manger, il enten-
dit un de ses serviteurs venir en courant. « Votre Altesse
Royale ! » s’écria l’homme, « Votre verger, votre ferme,
votre bétail, tout a disparu sans laisser de trace ! »
Atchanminanguey attrapa le serviteur au collet et lui
cria : « Ressaisis-toi, et ne dis plus de bêtises ! » C’est alors
qu’il sentit le sol trembler et bouger sous ses pieds. Il fut
pris de vertige et s’agrippa au mur pour se retenir. Quand
il revint à lui, tout avait disparu, sa magnifique demeure,
ses femmes et ses enfants, ses serviteurs, et il se retrouva à
nouveau, pauvre paysan en haillons qu’il était, accroché au
mur de sa masure.
Atchanminanguey se frotta les yeux à multiples reprises,
il se pinça, mais en vain, le terrible cauchemar était toujours
là. Les guenilles qu’il portait, les gargouillements de son
ventre vide, et la masure délabrée à laquelle il s’agrippait
étaient aussi réels que le sol sous ses pieds et le soleil qui
brillait de tous ses feux dans le ciel.

95
Raouf MAMA

Ce fut alors qu’il se rendit compte que le mendiant et


l’esprit ne faisaient qu’un. Et les paroles de son bienfaiteur
lui revinrent à l’esprit :
« Je te donne tout ceci sans rien te demander en retour.
Tu sacrifieras seulement un pigeon et un canard pour moi,
chaque année. »
Et il entendit ses propres paroles, lorsqu’il refusa par
trois fois ce que lui demandait l’esprit.
« Tu t’es trompé d’adresse !
Ta présence dans mon palais est une honte !
De pigeon ou de canard je ne me départirai point !
Ecoute bien ce que je te dis ! Ne viens plus ici ! »
Atchanminanguey se prit la tête à deux mains et courut
jusqu’au lieu où l’esprit lui était d’abord apparu. Appuyé
contre un arbre, en larmes, il supplia l’esprit de revenir et
de lui accorder une deuxième chance.
Soudain, l’homme grand et maigre, vêtu de blanc
immaculé, apparut devant lui, et lui dit : « J’ai entendu tes
lamentations, Atchanminanguey, mais avant que je ne te
redonne tes richesses, il faut que tu danses pour moi ! » A
ces mots, l’esprit se mit à chanter, se frappant la poitrine
comme si c’était un tam-tam :
« Viens ici, Atchanminanguey, et montre-moi
Comme tu danses bien la danse de la Misère.
Approche, Atchanminanguey, que je te voie
Danser la danse du pauvre Hère.
Tu avais d’innombrables canards,
Mais pas un seul à l’esprit tu n’as pu sacrifier.
Tu avais des pigeons à foison.
Cependant pas un seul tu n’as pu m’accorder.

96
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Viens ici, Atchanminanguey, et montre-moi


Comme tu danses bien la danse de la Misère.
Approche, Atchanminanguey, que je te voie
Danser la danse du pauvre Hère. »
Le désespoir d’Atchanminanguey fit place à l’espoir. Il se
jura de montrer à l’esprit ses talents de danseur. Il esquissa
des pas à droite, il esquissa des pas à gauche. Il esquissa des
pas en avant, puis en arrière, puis, il tourna et virevolta. Il
dansa à en perdre haleine, il était en nage, cependant il conti-
nuait à danser. Il dansait encore, lorsque l’esprit se fondit
dans l’air, pour ne jamais réapparaître, laissant Atchanmi-
nanguey continuer à danser tout seul, sans chanteur, sans
joueur de tam-tam, la danse de la misère.
Dans la culture fon, il est très important de montrer sa grati-
tude à son bienfaiteur, ainsi que de tenir ses promesses. En ne sacrifiant
pas de pigeon et de canard à l’esprit une fois par an, Atchanminanguey
a transgressé deux importantes lois morales. Cependant, ce qui est
beaucoup plus grave, c’est son incapacité à donner aux pauvres ou à
partager avec les nécessiteux. Le spectacle d’Atchanminanguey qui
danse tout seul, sans chanteur, sans joueur de tam-tam, est le signe
qu’il est devenu fou, ce qui est l’isolement suprême. Car, en refusant de
donner, Atchanminanguey se coupe, non seulement de ses semblables,
mais aussi du monde des esprits.

97
Le père cupide
I I était une fois, dans un petit village, un homme
du nom de Nadjo. Il était dans une grande misère
et habitait une masure en ruines. Mais il avait une fille
d’une beauté incomparable, qui s’appelait Gbessi. Elle était
grande, avec des formes généreuses et de grands yeux vifs,
un sourire éblouissant et un teint couleur de cuivre. Nadjo
attendait impatiemment que sa fille soit en âge de se marier,
car, quand il la regardait, il ne pensait qu’aux sacs d’or que
sa beauté lui apporterait en dot.
Tous les jeunes gens du village étaient fascinés par la
beauté de Gbessi et voulaient l’épouser. D’innombrables
hommes, beaux, forts et travailleurs, se présentèrent pour
demander sa main. Certains apportèrent la moitié des pro-
visions de leur grenier et des coupons de beaux tissus, mais
Nadjo n’était pas satisfait.
D’autres apportèrent toutes les provisions de leur gre-
nier, des tissus et des bijoux. Mais le père de Gbessi n’était
toujours pas satisfait. Aucun des prétendants n’était assez
riche pour payer la dot qu’il avait en tête. En fille obéis-
sante, Gbessi rejeta toutes les demandes en mariage qui lui
furent faites. Et l’un après l’autre, les prétendants partirent,
humiliés, le cœur brisé.
Un jour, un singe qui vivait dans la jungle entendit parler
de la beauté à nulle autre pareille de Gbessi et de la cupidité

101
Raouf MAMA

de son père. Ce singe était très laid, mais il était aussi très
malin et il décida qu’il allait épouser la belle Gbessi. Avec les
tissus précieux qu’il avait volés, il se confectionna de beaux
habits. Fourmi lui construisit une belle maison, tandis que
Chien, Lion et Panthère lui fournirent de la viande en quan-
tité. Eléphant lui offrit du bois de chauffage. Dame Abeille
lui apporta du miel, Lièvre des ignames et du manioc, et
Perdrix du mil et du maïs. Aigle lui donna des colliers et
des bracelets de prix, et Ecureuil lui apporta de l’or et des
diamants.
La générosité des amis de Singe fit de lui quelqu’un de
vraiment très riche et avec ses propres pouvoirs magiques,
il se transforma en homme de belle apparence. Et c’est
ainsi que Singe partit pour le village de Gbessi, porteur de
présents d’un grand prix et habillé en jeune homme riche
et de bonne mine.
Dès que Nadjo vit Singe avec ses vêtements et les pré-
sents qu’il avait apportés, les magnifiques tissus, les bijoux
précieux et les provisions, il fut convaincu qu’il avait trouvé
le mari idéal pour sa fille. Gbessi, elle-même, trouva Singe
plus beau que tous les hommes qui l’avaient demandée en
mariage, et elle n’eut d’autre souhait que de l’épouser.
« Je vois que tu feras un mari merveilleux pour ma fille »,
dit Nadjo, tout en palpant les diamants, l’or et les bijoux que
Singe avait exposés devant lui », mais tu ne pourras épouser
ma fille que si tu apportes davantage de provisions et de
sacs d’or et de diamants. »
Devant la cupidité de Nadjo, Singe écarquilla les yeux de
stupéfaction, mais il se ressaisit rapidement et lui dit : « Ce
que je vous offre n’est que le témoignage de mon amour, car
votre fille, en vérité, n’a pas de prix. Si vous me permettez

102
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

d’emmener votre ravissante fille, d’ici la fin de l’année, je


ferai de vous l’homme le plus heureux de la terre. » Nadjo
n’avait aucune raison de douter de la parole de Singe et il lui
donna son consentement, sans plus de cérémonie.
De mémoire d’homme, les noces qui suivirent n’eurent
pas leurs pareilles. Les gens vinrent de partout, vêtus de
leurs plus beaux, leurs plus coûteux habits, mais personne
n’était plus magnifiquement habillé que Gbessi et son futur
mari. Il y avait en abondance de la nourriture et des bois-
sons, du vin de palme et de la bière, du riz et de la sauce de
poulet ou de bœuf, de l’igname pilée avec du gibier égale-
ment en sauce, des haricots à points noirs, arrosés d’huile
de palme, de la pâte de maïs rouge, et il y eut beaucoup de
chants et de danses. Singe répandit une pluie de pièces d’or
sur tous les chanteurs et danseurs sans distinction, sur les
meilleurs comme sur les plus mauvais.
A la fin de la cérémonie, Gbessi partit avec son jeune
et beau mari pour sa nouvelle demeure. Dès lors, tous les
matins, Singe et sa femme prirent le chemin de la nouvelle
ferme qu’il avait achetée. Et pendant quelques mois, ils
vécurent heureux, à cultiver la terre comme des paysans.
Cependant, Singe se lassa bientôt de sa nouvelle vie. Il se
trouvait de plus en plus à l’étroit dans ses habits d’homme
civilisé et les interminables journées de dur labeur à la ferme
devinrent insupportablement ennuyeuses et fatigantes pour
sa nature de singe. La compagnie des autres singes lui man-
quait. Il regrettait de ne plus se promener en se balançant
d’un arbre à l’autre, de ne plus batifoler et jacasser toute la
journée ou de ne plus voler de la nourriture dans les fermes
avoisinantes, prêt à détaler au moindre signe de danger.

103
Raouf MAMA

Un jour, alors qu’avec Gbessi, il travaillait la terre en


vue des semailles, Singe, soudain, jeta sa houe de dégoût,
et s’éloignant de sa femme, il prononça quelques paroles
magiques. Et voilà qu’il redevint un singe ! Gbessi enten-
dit son mari marmonner quelque chose et quand elle se
retourna pour lui demander ce qu’il avait dit, elle ne vit plus
son mari, mais un singe hideux qui se débarrassait de ses
vêtements d’homme. Le singe n’avait pas encore de queue,
mais Gbessi, au comble de la stupeur, la vit se reformer
devant elle.

Elle resta clouée sur place. Ce fut alors qu’il lui vint à
l’esprit que ce n’était pas un homme jeune et riche qu’elle
avait épousé, mais un singe hideux. Elle poussa un cri per-
çant et se mit à courir. Singe se lança derrière elle dans
une folle poursuite, poussé par la colère et la crainte d’être
démasqué.

104
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Gbessi était rapide à la course, et elle courut de toute la


vitesse de ses jambes. D’un bond, elle franchissait les troncs
d’arbres couchés par terre, les trous béants et les fossés,
les ruisseaux et les rochers, arrachant les herbes où elle se
prenait les pieds. Mais Singe la rattrapait peu à peu, car il
était né dans la jungle et il connaissait bien des raccourcis
qui passaient par ses sentiers et ses fourrés.
Bientôt, Gbessi sentit la chaleur du souffle de Singe
dans son dos. Cependant, à ce moment-là, son village natal
apparut au loin, et elle sut que le salut était proche. Repre-
nant son souffle, elle redoubla de vitesse et gagna quelques
mètres sur son poursuivant. Mais, comme elle franchissait
le portail de la concession de son père, s’écriant : « Père, au
secours ! Père, sauvez-moi ! », Singe fit un bond de géant
et lui tapa sur l’épaule.
Nadjo, en entendant sa fille appeler à l’aide, était sorti
précipitamment de sa maison et, de ses propres yeux, il vit
la ravissante Gbessi se transformer en singe. Ses cheveux
devinrent rugueux, raides et tout son corps se recouvrit
de poils. Ses membres gracieux se flétrirent, dans ses yeux
vifs perça cette lueur de ruse propre au singe, et avec une
grimace, elle se détourna de son père effondré de douleur,
pour rejoindre sa nouvelle demeure dans la jungle.
En quelques jours, accablé par le chagrin et le remords
de sa propre cupidité, Nadjo perdit la raison et il mourut
peu de temps après.

« Celui ou celle qui épouse un inconnu s’expose à de


terribles dangers. » Cette mise en garde, qui est courante dans la culture
africaine traditionnelle, trouve son expression dans ce conte. Ce qui

105
Raouf MAMA

fait de cette histoire l’une des plus intéressantes du folklore béninois


et même africain est le fait qu’il reprend le motif de la métamorphose
chère à la littérature africaine, motif qui trouve son origine au cœur
de l’expérience coloniale de l’Afrique. Ngugi Wa Thiong ‘o, le grand
écrivain kenyan, utilise une variante de ce conte dans une nouvelle qui
a pour titre : « Rencontre dans la nuit », l’un des récits romancés les
plus éloquents de l’expérience coloniale de l’Afrique.

106
Quand la rivière devient
« Le grand trou »
I I y a de cela bien longtemps, quand les bêtes avaient
encore le don de la parole, deux paysannes d’un vil-
lage de la forêt, un soir, se hâtaient de rentrer de leur champ
de maïs. Le soleil était descendu derrière la ligne d’horizon,
et les ombres de la nuit s’étendaient rapidement sur toute
la terre, suscitant dans le cœur des hommes aussi bien que
des femmes, la crainte des fantômes, des sorcières et des
bêtes sauvages. N’eussent été le chant des grillons dans le
sous-bois et les quelques oiseaux qui traversaient lentement
le ciel sombre, les deux femmes n’avaient qu’elles-mêmes
pour toute compagnie. Cependant, aucune crainte ne per-
çait dans leurs voix, comme elles pressaient le pas pour
rentrer à la maison dans l’obscurité grandissante, bavardant
allègrement tout en marchant.
Une hyène solitaire qui rôdait dans la nuit entendit leurs
voix et dressa l’oreille, car qui sait quels secrets pourraient
se mêler aux bavardages de femmes qui essaient de tuer le
temps. Elle n’eut pas à attendre longtemps, car comme les
maisons du village se dessinaient au loin, et que les deux
femmes allaient se séparer, l’une dit à l’autre : « Adononsi,
n’oublie pas que demain nous devons descendre à la rivière
chercher de l’eau avant le lever du soleil. Je frapperai à ta porte
à la première lueur de l’aube... Je sais que le sommeil est ton

109
Raouf MAMA

meilleur ami... mais que je n’ai pas à frapper deux fois quand
j’irai te chercher. »
« Ne parle pas comme si tu ne me connaissais pas, Adjoua.
C’est toi qui n’as jamais assez dormi », rétorqua l’autre
femme, se frappant la cuisse pour donner plus d’impor-
tance à ses paroles. « Je serai en train de me curer les dents
et de rire quand, toi, tu te traîneras enfin à ma porte, car
tout le monde sera revenu de la rivière, sans plus y penser. »
Il y eut alors un bref échange de joyeuses railleries, à
grand renfort de tapes sur la cuisse, et puis, les deux amies
prirent congé l’une de l’autre.
Hyène suivit discrètement l’une d’elles jusqu’à ce qu’elle
découvrît l’endroit où elle habitait. Alors, elle s’éloigna fur-
tivement, un sourire fendu jusqu’aux oreilles, murmurant
avec jubilation : « Que je n’ai pas à frapper deux fois quand
je viendrai te chercher. »
En pleine nuit, alors que tout le village était endormi,
Hyène dressa une énorme pile de bois de chauffage près
de la place du marché, et y mit le feu. Et pendant que le
tas de bouts de bois et de brindilles était englouti par les
flammes et qu’une douce lumière crépusculaire s’étendait
sur le village, elle se déguisa en femme et alla frapper à la
porte d’Adononsi : « Adononsi ! Adononsi ! Lève-toi et
partons ! Le soleil est sur le point de se lever, et il nous faut
nous hâter. »
« Quoi ? C’est déjà l’aube ? » demanda en baillant Adononsi
qui se leva péniblement, tout en se frottant vigoureusement
les yeux pour se débarrasser d’une tenace envie de dormir.
« Je m’habille et nous partons », continua-t-elle, en ouvrant

110
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

la porte. « Tu es vraiment matinale, il n’y a pas de doute à ce


sujet. »
« Je t’ai dit que je te devancerai, mais tu n’as pas voulu
m’écouter », dit Hyène en imitant la voix d’Adjoua, tout en
évitant de se montrer.
Adononsi trouva la voix de son amie un peu rauque, mais
elle n’y prêta pas attention. Son amie était distante, mais
Adononsi mit cela sur le compte de la contrariété. Adononsi
s’habilla, se débarbouilla, se mit un bâtonnet dans la bouche
pour purifier son haleine et se dirigea vers la rivière, suivie
de sa compagne.
Le fond de l’air était anormalement frais, et la lumière qui
avait éclairé leur chemin au moment où elles se mettaient
en route s’assombrissait progressivement pour faire place
à l’obscurité. Les coqs du village qui saluaient toujours
chaque aube nouvelle d’un concert de « cocoricos » étaient
muets, et il n’y avait pas âme qui vive en vue. Adononsi
trouva le silence d’autant plus troublant que sa compagne
n’avait pas ouvert la bouche une seule fois depuis qu’elles
avaient quitté la maison.
« C’est étrange, le ciel s’assombrit au lieu de s’éclaircir, et
aucun coq n’a chanté jusqu’à présent », dit Adononsi pour
essayer de rompre le silence.
« Je ne sais pas pourquoi le ciel s’assombrit au lieu de
s’éclaircir ou pourquoi aucun coq n’a chanté jusqu’à pré-
sent », répondit Hyène d’un ton brusque en accélérant le
pas au point qu’Adononsi sentit son souffle dans le cou.
Ce fut alors qu’à sa grande horreur, Adononsi pres-
sentit qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas du tout et
qu’elle se retourna pour examiner sa compagne de près.
Ce qu’elle vit n’était pas son amie Adjoua, mais une bête

111
Raouf MAMA

qui se débarrassait de ses vêtements de femme. Adononsi


chercha désespérément un moyen de se sortir du piège où
elle était tombée, appuyant ses mains sur sa gorge pour se
retenir de crier, de peur que Hyène ne sache qu’elle avait
été démasquée.
« Adjoua », dit-elle enfin, « il faut que j’aille un instant
dans la brousse. Il faut que je me soulage... Je ne peux pas
me retenir... S’il te plaît... Je ne tarderai pas. »
« Tu n’as pas intérêt à me faire attendre », grommela
Hyène, en tapant du pied, le poil hérissé, les yeux étincelants
de méchanceté.
Adononsi se glissa rapidement dans la brousse, et se
mettant à couvert derrière un bosquet d’arbres, elle mit son
pagne et son foulard sur une grosse tige d’arbre pointue qui
était enracinée dans le sol. Puis, elle s’enfuit à toutes jambes.

Cependant, Hyène attendait, tapie au milieu du chemin,


toutes griffes dehors, montrant les dents. Bientôt, à bout
de patience, elle se mit à arpenter le sentier, se demandant

112
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

pourquoi diable Adononsi la faisait attendre si longtemps.


Puis, incapable de contenir sa colère plus longtemps, elle se
rua dans la forêt et atteignit ce qu’elle prit pour Adononsi
en train de se cacher derrière un bosquet d’arbres. En proie
à un violent accès de rage, Hyène fît un grand bond en l’air
et trouva la mort en venant s’empaler sur la tige d’arbre
qu’Adononsi avait habillée de ses vêtements.
La nouvelle de la manière dont Adononsi avait échappé
de peu au piège dressé par Hyène, se répandit avec une
rapidité stupéfiante dans tout le village et jusqu’aux quatre
coins de la région. Et c’est ainsi que s’instaura au sein de
la population la croyance selon laquelle il est dangereux
de discuter, la nuit, d’une sortie ou d’un voyage. Jusqu’à
présent, quand les villageois doivent dire à quelqu’un qu’à
l’aube, ils iront à la rivière tirer de l’eau, ils disent qu’ils se
rendront au « Grand Trou.»

Chez les Fon, il est tabou d’appeler quelqu’un par son nom à
haute voix ou de discuter d’une sortie la nuit. Bien que cette coutume
soit en train de se perdre en ville, elle est encore très vivace dans les zones
rurales où, par crainte des mauvais esprits et des sorciers, la nuit, les
gens s’appellent par des noms d’emprunt s’ils ne peuvent pas parler bas.
Il n’est pas rare que les gens se surnomment : « Oiseau », « Arbre »,
« Rivière» ou « Bœuf », quand ils se hèlent la nuit. Cette histoire met
l’accent sur les dangers auxquels les deux femmes se sont exposées en dis-
cutant si ouvertement la nuit de leur expédition à la rivière, le lendemain.

113
Qui peut dénouer la situation ?
I l était une fois dans un village sur le bord du puissant
fleuve Zou, une jeune fille, du nom d’Adononsi, qui
était d’une beauté telle qu’aucun chant ne pouvait lui rendre
hommage. C’était une femme au port majestueux, grande,
droite, avec un teint d’ébène lumineux et de grands yeux
brillants. Elle avait de nombreux amis, mais parmi ceux-
ci, il y en avait trois qui lui étaient particulièrement chers,
trois jeunes gens doués de pouvoirs magiques. A l’aide de
trois mots magiques secrets, l’un pouvait rendre sa vue si
perçante qu’il pouvait voir à de grandes distances, par- delà
de sombres jungles et de hautes montagnes. Un autre avait
une chaussure qui pouvait se transformer en une pirogue
plus rapide qu’un faucon qui fond sur un poussin, et le
troisième était si fort que, du petit doigt, il pouvait soulever
un gigantesque baobab à une grande hauteur.
Là où vivaient Adononsi et ces trois jeunes gens, bien
de merveilleuses et fortes amitiés avaient fait l’objet de
la louange générale et suscité l’envie de beaucoup, mais
aucune n’avait été aussi forte, aussi merveilleuse que la leur.
A l’intérieur de son cercle magique, on ne connaissait pas
de conflit. On ne trouvait aucun sacrifice trop grand, aucun
présent trop important. Une harmonie parfaite régnait
parmi les amis.

117
Raouf MAMA

Un jour, Adononsi décida de partir en voyage, pour


rendre visite à des parents. Le village était éloigné, et peu
de femmes auraient osé parcourir seules cette distance, mais
Adononsi était forte et intrépide.
« C’est un voyage bien long, avec maintes bêtes sauvages
et maints mauvais esprits qui guettent l’imprudent », lui
dirent ses trois amis. « Laisse-nous te tenir compagnie, car
qui sait dans quelles difficultés tu peux te trouver ».
« Il n’y a pas de bête ou d’esprit plus redoutable que la
peur », répliqua Adononsi. « D’ici une semaine, je serai de
retour, saine et sauve. » Adononsi semblait si sûre d’elle, si
déterminée que ses amis durent la laisser partir.
Cependant, deux jours après son départ, les trois amis
furent réveillés à l’aube par de grands coups qu’on frappait
désespérément à leur porte, et une voix hystérique qui criait :
« Au secours ! Au secours ! Ma fille a disparu ! Au secours ! »
C’était le père d’Adononsi, et ce qu’il leur dit leur remplit
le cœur de crainte. Deux jours entiers s’étaient écoulés
depuis qu’Adononsi était partie en voyage, et, cependant,
elle n’était toujours pas arrivée à destination. Sa famille avait
envoyé des équipes à sa recherche, mais on ne l’avait trouvée
nulle part ! Adononsi avait disparu sans laisser de trace, et
qui sait ce qui lui était arrivé !
L’homme qui voyait à une grande distance prononça
immédiatement les mots magiques secrets et voilà que, loin,
très loin, dans une jungle qui bordait la partie la plus méri-
dionale du Zou, il vit quelque chose de terrible : le serpent
arc-en-ciel, père de tous les serpents, celui qui donne toutes
les richesses, avait capturé Adononsi. Il l’avait mise dans
un grand trou creusé dans le sol, qu’il avait recouvert de

118
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

sa tête gigantesque. Il voulait qu’Adononsi l’épouse et lui


avait promis une immense fortune, mais elle refusait de lui
donner son consentement. Le serpent arc-en-ciel ne recu-
lerait devant rien pour obtenir ce qu’il voulait et menaçait
de tuer Adononsi à tout moment.
Tout le monde savait que lorsque le serpent arc-en-ciel
s’éprenait d’une femme et l’emmenait dans son royaume
contre son gré, on ne pouvait pratiquement rien faire pour
elle. Et même si elle parvenait à s’échapper, aucun pouvoir
sur terre ne pouvait empêcher le serpent arc-en-ciel de la
poursuivre. Le seul moyen qu’elle avait de le repousser serait
de trouver tout de suite un mari. Adononsi était en vérité
en bien mauvaise posture.
Avec la rapidité du vent, l’homme à la chaussure magique
se précipita au bord du fleuve, suivi de près par ses deux
compagnons. Il jeta à l’eau sa chaussure magique, et bien-
tôt les trois amis se trouvèrent assis dans une pirogue qui
descendait le Zou à vive allure.
Leur pirogue était la plus rapide de la terre, mais l’antre
du serpent arc-en-ciel était loin, très loin. Ils pagayèrent,
pagayèrent, par de violentes tempêtes et de puissants
tourbillons, au point d’avoir les bras tout engourdis. Ils
pagayèrent toute la journée, et pourtant, il leur semblait être
toujours aussi loin.
Soudain, à un coude du fleuve, derrière un rideau de
grands arbres feuillus, ils aperçurent une flamboyante
lumière aux reflets jaunes, rouges, bleus et verts. Le serpent
arc-en-ciel, père de tous les serpents, était en vue, et le
combat qui allait décider du sort de leur amie était imminent.

119
Raouf MAMA

Avec l’agilité d’un chat, l’homme doué d’une force


surhumaine sauta à terre, et, le cœur battant, se faufila dans
la jungle. Il n’alla pas bien loin avant de tomber sur le serpent
arc-en-ciel, enroulé autour d’un grand arbre au tronc massif.
La splendide peau multicolore du serpent donnait l’impres-
sion d’une myriade de miroirs où se refléterait le soleil.
Tous les serpents de la terre mis ensemble n’auraient pas
atteint la moitié de sa taille. Sa queue, cachée dans les plus
hautes branches de l’arbre, était invisible, tandis que sa tête
gigantesque reposait sur le sol, bloquant un grand trou où
Adononsi était retenue captive.
Tel une ombre, l’homme se glissa sans bruit jusqu’au
bord du trou. Puis, retenant son souffle, lentement, tout
doucement, d’un seul doigt, il souleva la tête colossale du
serpent. Le serpent arc-en-ciel sentit quelque chose de mou
lui chatouiller la gorge et agita le cou, pour se débarrasser
de ce qu’il prenait pour une fourmi. L’ami d’Adononsi se
sentit défaillir de peur, mais il n’était pas homme à reculer
facilement devant le danger. « Je me battrai avec le serpent
arc-en-ciel s’il le faut », se dit-il, comme il aidait silencieu-
sement Adononsi à sortir du trou.
Mais, il n’eut pas à se battre, car le serpent arc-en-ciel
n’avait jamais imaginé qu’un être humain oserait s’interposer
entre lui et sa prisonnière. Et pendant que le serpent arc-
en-ciel réfléchissait profondément au moyen de conquérir
la plus belle femme qui ait jamais foulé le sol de cette
terre, Adononsi et son sauveteur rejoignirent furtivement
la pirogue magique.
Avec les deux autres jeunes gens, ils rentrèrent au village
où on leur fit un accueil enthousiaste. Hommes, femmes

120
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

et enfants sortirent pour les saluer par des chants et des


danses ; on donna un grand festin en action de grâce pour
l’heureux retour d’Adononsi et pour honorer les trois jeunes
gens qui avaient uni leurs pouvoirs magiques pour sauver
leur amie de la captivité.
En plein milieu du festin, alors que les invités faisaient
glisser les bouchées de délicieuse nourriture avec du vin
de palme et que la maison d’Adononsi résonnait des plai-
santeries et des cris de liesse de mille invités, une querelle
éclata entre les trois amis qui avaient uni leurs efforts pour
secourir Adononsi.
On vit celui qui était doué d’une force surnaturelle bondir
de son siège, les yeux brillants de rage, et la main droite
pointée en l’air pour ponctuer une véhémente dispute avec
ses deux amis. « C’est moi qui ai soulevé la tête du serpent
arc-en-ciel », aboya-t-il. « C’est moi qui ai aidé notre amie
à sortir du trou. C’est moi qui dois épouser Adononsi, car
j’en ai fait plus que vous deux pour la sauver. »
Celui qui avait procuré la pirogue magique se leva d’un
bond, comme s’il avait été piqué par un scorpion, et s’écria :
« Ta force surhumaine n’aurait servi à rien, et Adononsi ne
serait plus là pour en parler non plus, n’eût été ma pirogue
magique. C’est moi, et non toi, qui ai mérité de la prendre
pour épouse.»
« Et moi donc », s’exclama l’homme qui voyait à de
grandes distances, se frappant la poitrine pour donner plus
de force à sa revendication. « Toi, avec toute ta force surhu-
maine, et toi avec ta pirogue magique, c’est en vain que vous
auriez fait le tour de la terre, si je n’avais pas découvert où
se trouvait le serpent arc-en-ciel ou si je ne vous avais pas

121
Raouf MAMA

indiqué l’endroit où Adononsi se trouvait coincée dans un


trou, à contempler la mort. Si quelqu’un mérite qu’on lui
donne sa main, sûrement ce doit être moi. »
Les trois amis en seraient venus aux mains, si on n’avait
porté leur querelle auprès du conseil des anciens. Mais
même eux avec toute leur sagesse, ne purent décider à qui
on devait donner Adononsi en mariage. Ce fut alors qu’on
fit appel à Adononsi pour qu’elle-même règle l’affaire. Mais,
ce jour-là, Adononsi n’était pas dans son état normal. Son
assurance, sa force, sa vivacité d’esprit semblaient l’avoir
désertée comme elle fixait son regard sur ses trois amis,
passant et repassant de l’un à l’autre, les yeux brillants de
larmes. Puis, elle secoua la tête, et des larmes coulèrent le
long de ses joues comme de sa belle voix lancinante elle se
mettait à chanter :
« Malheureuse que je suis ! Oh combien malheureuse ! Je
ne sais qui choisir !
Je ne peux décider qui gagnera, qui perdra !
Le serpent arc-en-ciel m’a emmenée dans son repaire,
Là où ne se promènent ni hommes, ni bêtes.
« Sois ma bien-aimée », m’a-t-il dit. « ou ton dernier
soupir tu rendras ! »
Amis de ma jeunesse, vous m’avez comblée de vos dons !
Le serpent arc-en-ciel a des bijoux en or, des rubis à
foison.
Amis de ma jeunesse, vous avez tellement plus de prix !
Mais maintenant, vous voilà en conflit,
Et l’amitié s’est évanouie.
Me voici devenue la plus pauvre parmi les pauvres de
la terre.

122
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Malheureuse que je suis ! Oh combien malheureuse ! Je


ne sais qui choisir.
Je ne peux décider qui gagnera, qui perdra ! »
Comme les trois jeunes gens restaient là à l’écouter, il
leur vint une vision : l’âme de leur amitié blessée à mort
sanglotait sur sa grande infortune. La vague de colère qui
les avait dressés l’un contre l’autre reflua, cédant la place à
la tristesse, et ils baissèrent la tête.
S’écartant de l’assemblée, ils demandèrent aux anciens la
permission de se consulter pendant quelques instants. Puis,
ils annoncèrent leur décision : ils allaient donner aux anciens
et à Adononsi autant de temps qu’il leur serait nécessaire
pour trouver une solution. Et tant qu’on n’aurait pas décidé
lequel d’entre eux on accorderait la main d’Adononsi, ils
remueraient ciel et terre pour la préserver du serpent arc-
en-ciel.
Le soir même, on fit savoir jusqu’aux quatre coins du
pays qu’on demandait conseil pour trouver le moyen de
résoudre le problème le plus difficile qui ait jamais tenu
en échec la sagesse des anciens. Jusqu’à ce jour, le conseil
des anciens attend. Adononsi n’a toujours pas de mari et
le temps presse. Le serpent arc-en-ciel peut venir à tout
moment, mais les amis d’Adononsi ont fait le serment de
le combattre jusqu’à ce que mort s’en suive. Il faut à tout
prix éviter violence et effusion de sang, et c’est pourquoi je
viens vous raconter cette histoire.
Qui sait ? L’un de vous peut réussir là où le conseil des
anciens a échoué. Qui peut dénouer la situation ?

123
Raouf MAMA

Le Python, qu’on appelle Dangbé est l’un des dieux du pan-


théon fon. Quant à l’arc-en-ciel, qu’on appelle Aidolîouèdo, dans la
culture fon. Il est vénéré comme le dieu qui accorde la richesse. C’est
la seule histoire fon que j’aie entendu où Aïdo Houèdo ou quelque
autre animal ou esprit enlève une femme pour tenter de l’épouser. Ce
conte : « Qui Peut Dénouer la Situation ? » a pour but de tester la
sagesse des auditeurs et de soulever un débat sur un problème dont la
solution n’est ni facile, ni évidente. Quels que soient les mérites indivi-
duels des trois amis qui ont uni leurs pouvoirs magiques pour sauver
Adononsi, on ne peut dire qu’il y en ait un qui ait joué un rôle moins
important que les autres.
L’impuissance du conseil des anciens à décider qui, parmi les
trois amis, devait épouser la jeune femme, montre bien la difficulté
du problème. Mais, peut-être, le point le plus important de l’histoire
est-il que rien n’est éternel et que même les amitiés les plus solides sont
parfois mises à dure épreuve.

124
La fillette qui fut à l’origine de
la saison des pluies
et de la saison sèche
M on histoire prend son essor, à tire d’ailes elle
traverse les brumes du temps, remonte au com-
mencement du monde, et vient se poser dans un village, où
vivait autrefois une fillette Agossi, et sa mère, Agossinon,
qui était veuve. Agossi avait un teint resplendissant, un cou
gracieux, et une fossette qui faisait de son sourire le plus
beau sourire de la terre. C’était l’unique enfant de sa mère,
et elle lui était plus chère que sa propre vie. Mais elle faisait
aussi son désespoir, car, en dépit des mises en garde répé-
tées de sa mère, Agossi était tout simplement incapable de
tenir sa langue :
« Si tu vois un arbre qui a des racines là où devraient se
trouver des feuilles,
Ou des poissons qui sont noirs, blancs, jaunes, bleus,
rouges ou verts,
Ne dis rien, mon enfant, car il se peut que tu aies vu un
esprit.
Si tu vois un homme qui a les yeux derrière la tête,
Ou une femme enceinte qui porte son enfant dans le
cou,
Ne dis rien, mon enfant, car il se peut que tu aies vu un
esprit.
Si tu vois un nouveau-né avec des dents d’adulte,

127
Raouf MAMA

Ou une personne avec mille et un orteils au lieu de dix,


Ne dis rien, mon enfant, car il se peut que tu aies vu un
esprit. »

Ces mises en garde étaient peine perdue. Quoi que sa fille


vît, aussitôt, un flot de paroles se déversait de sa bouche, et
Agossinon n’y pouvait rien.
Un jour, Agossi vit sa mère faire ses préparatifs pour
partir en voyage, et elle lui dit : « Mère, je veux aller avec toi. »
« Ce n’est pas un voyage pour toi », répondit sa mère,
« car c’est un très long voyage, au cours duquel, le long
du chemin, on voit bien des choses étranges qui peuvent
conduire l’imprudent à sa perte. »
« Je veux aller avec toi », pleurnicha Agossi, en baissant
la tête. « Je te promets de ne pas souffler mot, si étrange que
soit ce que je verrai en chemin. »
« Je crains que ta langue ne remporte sur ta résolution, et
qu’elle ne t’attire quelque terrible danger », dit Agossinon,
« car, en chemin, on voit bien des choses étranges qui
peuvent être fatales à l’imprudent. Reste à la maison, mon
enfant, car je crains que ton voyage ne soit un voyage sans
retour. »
Agossi se mit à pleurer, un flot de larmes ruissela le long
de ses joues. Agossinon fut si affligée à la vue du beau visage
de sa fille baigné de pleurs qu’elle ne put le supporter. Aussi,
lui dit-elle : « Je veux bien t’emmener, mais il faut que tu me
promettes de te taire, même si tu vois un homme dont la
tête est en train de pousser sous ses épaules. »
« Je t’ai déjà donné ma parole », sanglota Agossi, « Je ne
soufflerai mot, même si je vois un homme avec trois têtes
qui lui poussent sous les épaules. »

128
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Agossinon obligea Agossi à faire le serment de se taire,


et bientôt, mère et fille entreprirent le long voyage jalonné
de tant de choses étranges dont la vue pouvait conduire
l’imprudent à la mort.
Elles marchèrent longtemps, longtemps. Les paysages,
les scènes et les bruits familiers disparurent, et elles mar-
chaient toujours. Agossinon suivait sa fille sur l’étroit sentier
sinueux. Aucun chant d’oiseau ne se faisait entendre, pas un
souffle de vent n’agitait l’herbe et les arbres se dressaient
dans une lugubre immobilité. Le soleil était haut dans le
ciel, lorsqu’elles arrivèrent au bord d’un champ où une puce
labourait la terre avec une houe en vue des semailles.
Agossi ouvrit tout grand la bouche, et montrant la puce
du doigt, elle s’écria : « Une puce qui manie la houe ! Voilà,
vraiment, un étrange spectacle ! Qui aurait pensé qu’il y
avait autant de force dans des bras aussi minuscules ! C’est
vraiment un spectacle étrange ! »
A peine Agossi eut-elle prononcé ces mots que, de ses
propres yeux sa mère la vit se changer en puce. Agossinon
en resta tout hébétée. Puis elle se prit la tête à deux mains,
et se répandit en lamentations, elle pleura, supplia, chanta
pour apitoyer l’esprit.
« Agossi, mon enfant, vois dans quelle situation tu t’es
mise !
Je t’ai avertie, mais tu n’as pas voulu comprendre !
Si tu vois une puce qui laboure un champ,
Ne dis rien, mon enfant, car il se peut que tu aies vu un
esprit. »
Agossinon pleura si amèrement, elle chanta d’une
manière si émouvante que l’esprit lui rendit Agossi et les
deux voyageuses continuèrent leur route.

129
Raouf MAMA

Elles marchaient encore quand le soleil commença à


décliner et elles continuèrent à marcher. Soudain, apparut
une rivière d’une blancheur étincelante et qui coulait vers
l’amont. Agossi retint son souffle et se couvrit la bouche
de ses mains pendant un moment, luttant visiblement pour
contrôler sa langue. Mais les mots finirent par lui échapper :
« Mère, mes compagnes de jeux penseront que je suis folle
si je leur dis que j’ai vu une rivière de lait couler vers l’amont !
J’ai vu une puce manier la houe et j’ai pensé que c’était un
spectacle bien étrange, mais ceci est vraiment incroyable ! »
A peine ces paroles furent-elles sorties de sa bouche
qu’un crocodile sortit à grand bruit du fleuve et entraîna
Agossi sous les vagues laiteuses.
A nouveau, Agossinon se prit la tête dans les mains, et
tombant à genoux, se répandit en lamentations. Elle pleura,
supplia et chanta pour apitoyer l’esprit :
« Agossi, mon enfant, vois dans quelle situation tu t’es
mise !
Je t’ai avertie, mais tu n’as pas voulu comprendre !
Si tu vois une puce qui laboure un champ.
Ne dis rien, mon enfant, car il se peut que tu aies vu un
esprit.
Si tu vois une rivière d’une blancheur étincelante et qui
coule vers l’amont.
Ne dis rien, mon enfant, car il se peut que tu aies vu un
esprit. »
De nouveau, Agossinon pleura si amèrement, elle chanta
d’une manière si émouvante que le crocodile libéra sa fille,
et bientôt, Agossi et Agossinon reprirent leur route. Le
soleil avait presque disparu de l’horizon qu’il effleurait de
ses feux, quand, au détour du chemin, les deux voyageuses

130
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

tombèrent sur un squelette qui, d’une main tenait sa tête,


et de l’autre prenait de l’eau dans une calebasse. C’était la
Mort qui se lavait.
Les yeux d’Agossi sortirent de leurs orbites, et elle resta
pétrifiée. Puis, se cachant le visage dans les mains, elle s’écria :
« Mère, c’est vraiment un spectacle étrange ! J’ai vu une puce
qui labourait un champ et une rivière de lait qui coulait vers
l’amont, mais à côté de ceci, ce n’était que bagatelles ! Un
squelette qui serre sa tête d’une main, et de l’autre prend de
l’eau dans une calebasse ! Ceci est un spectacle bien étrange
en vérité ! »
La mère d’Agossi, affolée, se mit à gesticuler dans tous
les sens comme si elle essayait de reprendre les paroles de sa
fille et, du pied, les enfouir dans la poussière, mais il n’était
plus possible de rattraper les paroles de la fillette. Avec la
rapidité d’une flèche, la Mort lança son crâne sur Agossi et
la frappa à mort.
Le sang d’Agossinon se figea dans ses veines, elle se prit
la tête dans les mains et se répandit en lamentation ; elle
supplia, pleura, chanta pour apitoyer la Mort afin qu’elle lui
rende sa fille :
« Agossi mon enfant, regarde dans quelle situation tu
t’es mise !
Je t’ai avertie, mais tu n’as pas voulu comprendre !
Si tu vois une puce qui laboure un champ.
Ne dis rien, mon enfant, car il se peut que tu aies vu un
esprit.
Si tu vois une rivière d’une blancheur étincelante et qui
coule vers l’amont.
Ne dis rien, mon enfant, car il se peut que tu aies vu un
esprit.

131
Raouf MAMA

Si tu vois un squelette qui tient son crâne dans sa main,


Ne dis rien, mon enfant, car il se peut que tu aies vu la
Mort.»
Mais la Mort ne prêta pas attention à ces paroles. Agos-
sinon tomba à genoux, déchira sa camisole en lambeaux,
pleura, supplia et chanta pour que la Mort ait pitié et lui
rende sa fille, mais la Mort se boucha les oreilles.
Toutefois, Agossinon refusa de s’avouer vaincue. S’arra-
chant les cheveux, elle se roula dans la poussière, et elle
pleura, implora et chanta pour demander à la Mort de
donner encore une chance à sa fille.
Les larmes d’Agossinon étaient empreintes d’un tel
désespoir, ses chants étaient si émouvants qu’enfin la Mort
fut touchée de compassion, car elle n’avait jamais vu per-
sonne montrer autant de chagrin qu’Agossinon à la mort
de sa fille. Et d’une voix sèche, désincarnée, qui donna des
sueurs froides à Agossinon, elle lui dit : « Ne pleure plus,
Agossinon. Sèche tes larmes, et écoute. J’ai une bonne nou-
velle pour toi. Plutôt que de me garder ta fille pour toujours,
je vais lui permettre de passer la moitié de son temps avec
toi... Mais n’essaie pas de l’empêcher de revenir vers moi, le
moment venu, sinon tu t’attireras des ennuis. »
La terre trembla, des éclairs sillonnèrent le ciel, et la
Mort disparut, en emmenant Agossi. Mais elle tint parole,
car quelques mois plus tard, elle lui permit de passer autant
de temps avec sa mère, à condition qu’elle ne révèle aucun
des secrets du pays des morts.
Et ce fut ainsi qu’Agossi se trouva à partager son temps
entre le monde des vivants et le monde des morts. Pendant
la durée de son séjour au pays des morts, sa mère pleurait
amèrement, et chaque fois qu’elle pleurait, le ciel se couvrait

132
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

de nuages sombres et des trombes d’eau se déversaient sur


la terre au milieu d’éclairs et de coups de tonnerre. Pour
apaiser son chagrin, la mère d’Agossi s’activait à labourer la
terre et à cultiver toutes sortes de produits. Parfois, elle se
remémorait un chant qu’elle avait eu l’habitude de chanter
avec sa fille et elle pleurait avec grande amertume, sans que
personne ne puisse la consoler. A ces moments-là, la pluie
tombait plus fort que jamais, et les rivières débordaient,
recouvrant d’eau de vastes étendues de terre.
Cependant, quand arrivait le moment où sa fille devait
venir la voir, Agossinon engrangeait les produits de sa
ferme, et se parait de beaux vêtements et de bijoux scintil-
lants. Pendant tout le séjour de sa fille, la joie d’Agossinon
ne connaissait pas de bornes, et il y avait grande bombance
et beaucoup de réjouissances dans tout le pays. Le jour, le
soleil brillait de tous ses feux, et la nuit, la lune et les étoiles
répandaient une douce lumière magique sur toute la terre.

133
Raouf MAMA

Parfois, Agossinon éprouvait tant de bonheur dans la


présence de sa fille qu’elle essayait de la garder plus long-
temps qu’il ne lui était permis. Et chaque fois qu’elle retenait
Agossi au-delà du moment prévu, le soleil brillait dans le ciel
avec une telle intensité qu’il brûlait la terre. Et la sécheresse
qui s’ensuivait continuait tant qu’Agossinon ne laissait pas
partir sa fille.
Pendant tout le séjour d’Agossi, sa mère, sa famille, ses
compagnes de jeux ne cessaient de lui demander : « Com-
ment est-ce de l’autre côté ? » Mais Agossi se contentait de
sourire et dire : « Cela, je ne peux vous en parler... Ce doit
rester un secret. » Et tous secouaient la tête de stupéfaction,
car l’impossible avait fini par se produire – Agossi avait
enfin appris à tenir sa langue. C’est pourquoi, jusqu’à ce
jour, personne ne sait vraiment ce qui arrive aux gens quand
ils passent de ce monde dans l’Au-delà.

Cette variante de l’histoire de Perséphone dans la mytho-


logie grecque est une histoire à laquelle j’ai contribué de manière assez
importante. Le conte original se termine par la Mort qui enlève la
fillette qui ne pouvait pas tenir sa langue. Dans l’adaptation que j’en
ai faite, cependant, la Mort, émue par les supplications de la mère, se
laisse apitoyer, et décide de permettre à la fillette de passer la moitié
de l’année dans le monde des vivants. C’est ainsi qu’un conte moral
qui vise à mettre en garde les enfants contre le danger du manque de
discrétion et de l’impulsivité et à les encourager à réserver leur jugement
devient aussi une histoire qui explique l’origine des saisons. En outre,
il met en relief le concept qu’ont les Fon de l’interconnexion de la vie
et de la mort. Chez les Fon, on considère la mort comme l’autre côté

134
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

de la vie, et les défunts comme des esprits que l’on doit se concilier par
des libations et autres cérémonies.
En adaptant cette histoire, je me suis servi non seulement de ma
connaissance du conte de Perséphone, mais aussi de mon expérience
personnelle au moment de deuils. Entre 199O et 1994, j’ai perdu
deux personnes qui m’étaient très chères : mon ami Fayad et ma sœur
Rafath. L’une des choses que j’ai apprises alors que je les pleurais, c’est
que la mort n’est pas une séparation définitive et que, par moments,
les êtres chers qui sont partis pour l’Au-delà reviennent nous tenir
compagnie. Ce conte de « La Fillette Qui Fut à l’Origine de la Saison
des Pluies et de la Saison Sèche » est donc un produit hybride, né de la
combinaison d’un ancien conte populaire du terroir, de la mythologie
Occidentale et de mon expérience personnelle.

135
Le roi qui voulait être dieu
I I y avait une fois un roi. C’était un vrai colosse,
grand, massif, avec une poitrine comme un tronc
d’iroko, des jambes de géant et une voix qui ressemblait
à un lointain grondement de tonnerre. Il se vantait que
dix hommes qui se tiendraient par la main ne pourraient
faire le tour de son torse, et les gens le croyaient. Il s’était
surnommé : « La montagne qu’on ne peut déplacer », et
il exerçait un pouvoir absolu sur ses sujets. A la guerre, il
avait soumis tous ses ennemis, et il était craint dans tout son
royaume. Ses caprices, tout comme sa volonté, faisaient loi,
et nul ne pouvait le contredire ou s’attirer son déplaisir et
rester en vie.
Ce roi arrogant s’était lui-même proclamé Chrétien et
allait régulièrement à l’église. Il assistait aux offices, matin et
soir, habillé de vêtements de soie et de brocart, paré d’une
couronne d’or, de colliers et de bracelets d’argent incrus-
tés de diamants et d’émeraudes, et il portait aux pieds des
chaussures fabriquées avec un art incomparable. Lorsqu’il
entrait et sortait, tous les fidèles se prosternaient devant lui
en se frottant le front dans la poussière.
Un jour, La montagne qu’on ne peut déplacer voulut
savoir la signification d’un cantique que les paroissiens
aimaient particulièrement chanter. C’était un beau chant,
dont l’air mélodieux plaisait à son oreille, mais c’était un

139
Raouf MAMA

vieux chant écrit dans une langue ancienne. Et quand il


demanda aux fidèles ce qu’il signifiait, nul ne put le lui dire.
Aussi La montagne qu’on ne peut déplacer appela-t-elle le
prêtre, et elle lui demanda une traduction de l’hymne.
« C’est un chant à la louange du Seigneur », fit remarquer
le prêtre, « mais ce qu’il dit n’a rien de nouveau. Il rend
hommage à Dieu, car Il est le plus grand de tous les rois.
Son royaume comprend le ciel et la terre et son règne n’a ni
commencement ni fin. C’est un témoignage à la gloire et à
la majesté de ce roi dont la puissance dépasse tout entende-
ment et, comparés à Lui, tous les autres rois sont de simples
vers de terre qui rampent dans la poussière. Ah ! ce chant... »
« Assez ! » tonna le roi. « Quel roi est plus puissant que
La montagne qu’on ne peut déplacer ? » gronda-t-il et, se
dressant sur ses pieds gigantesques, il promena son regard
sur les fidèles tremblants de peur pendant que sa poitrine se
soulevait et retombait comme un bateau pris dans une mer
houleuse. « Le roi qui ne tremblera pas de peur à la simple
évocation de mon nom n’est pas encore né ! Je vous aurais
tous fait décapiter un à un pour avoir prononcé mon nom
en vain, si votre ignorance n’était pas si risible ! Mais qu’on
n’entende plus jamais, au grand jamais, ce cantique, car
personne ne pourra le chanter et rester en vie. Telle est ma
volonté, et telle elle demeurera. Si quelqu’un venait à douter
de ma résolution, venez à l’église demain et vous verrez
avec quelle promptitude mon courroux frappera ceux qui
enfreindront cette loi ! » Sur ces paroles, le roi sortit avec
fracas, sans prêter la moindre attention aux révérences des
fidèles ni aux gestes qu’ils faisaient en signe d’humilité.

140
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Le lendemain était un dimanche. La montagne qu’on


ne peut déplacer se rendit à l’église et fit son entrée avec
la pompe habituelle. Au milieu de l’office, comme mus par
une force irrésistible, les fidèles entonnèrent un chant, et
les paroles de ce chant interdit, ces paroles de louange et de
reconnaissance sortirent de leurs bouches. Pendant toute sa
durée, le chant souleva l’assemblée des fidèles, les élevant
spirituellement bien au-dessus de toutes les préoccupations
terrestres. Leurs craintes, leurs peines, leur peur du roi et
de sa menace d’une vengeance immédiate et implacable
n’étaient que feuilles mortes balayées dans la sainte ferveur
qui s’était emparé d’eux.
Quand le chant finit, les fidèles, comme s’ils s’étaient
soudain rendu compte qu’ils avaient enfreint l’édit du roi,
regardèrent craintivement tout autour d’eux. Mais aucune
flamme ne vint les dévorer, nulle foudre ne vint les frapper.
Ils avaient chanté ce cantique même que le roi avait interdit
de chanter sous peine de mort, et il n’avait pas réagi !
A vrai dire, ce qui empêcha le courroux du roi de s’abattre
rapidement sur eux fut un miracle. Mais il ne s’agissait pas
du miraculeux changement de cœur qu’ils s’étaient imaginé.
Dieu avait entendu les paroles vaines et fanfaronnes de La
montagne qu’on ne peut déplacer et Dieu avait agi. Dieu
avait ordonné à l’un de ses anges de se métamorphoser en
la personne du roi. Puis Dieu avait changé l’apparence de
la montagne qu’on ne peut déplacer et l’avait rendu mécon-
naissable. Pendant ce temps, l’ange qui ressemblait au roi
s’était glissé sur le trône.

141
Raouf MAMA

C’est ainsi que peu après son arrivée à l’église, La mon-


tagne qu’on ne peut déplacer s’était transformée en un
vagabond mal rasé, dépenaillé, qu’on avait envoyé dormir
dans un coin reculé. Aucun regard humain n’avait vu le
mystérieux changement que Dieu avait subitement opéré.
Longtemps après l’office, alors que tout le monde était
rentré à la maison, on entendit quelqu’un frapper à l’inté-
rieur de l’église avec assez de force pour réveiller un mort,
et une voix furibonde, aux accents hystériques, qui criait
dans l’obscurité : « Ouvrez-moi la porte ! Ouvrez-moi la
porte ! Comment osez-vous m’enfermer comme un gamin
sans foyer, un vulgaire vagabond ? Ouvrez-moi tout de
suite cette porte avant que je ne l’enfonce et que je ne vous
écharpe de mes propres mains ! »
Tiré de son sommeil, le sacristain se traîna jusqu’au
portail et l’ouvrit. « Qui est-ce ? » demanda-t-il, approchant
brusquement sa lampe du visage émacié qui surgit devant
lui.
« Qui je suis, vraiment ! » hurla La montagne qu’on ne
peut déplacer qui passa rapidement devant lui en déversant
un torrent de malédictions sur lui et tous ceux qui avaient
insulté leur souverain.
Le sacristain suivit du regard cet homme dépenaillé. Il
finit par conclure que quelque fou s’était endormi dans
l’église et qu’on l’avait accidentellement enfermé. Il se signa
et regagna son poste.
Plus tard, dans la nuit, les gardes du palais furent, eux
aussi bien surpris lorsqu’une voix hystérique déchira l’air
tranquille de la nuit, en menaçant d’exécuter tout le monde.

142
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Ils virent s’approcher au pas de charge une sorte de mas-


todonte en haillons qui les appelait par leur nom et leur
ordonnait d’ouvrir immédiatement le portail, tout en pro-
férant force jurons. Les gardes se regardèrent, stupéfaits, et
se demandèrent qui était cet homme qui connaissait leurs
noms et prétendait être leur roi.
« Êtes-vous devenus fous ? » s’écria La montagne qu’on
ne peut déplacer. « Quel mauvais esprit vous a tourné la
tête ? Ne me voyez-vous pas ? Ah ! Vous avez des yeux et,
cependant vous ne me voyez pas ! Vous avez des oreilles,
cependant, vous ne m’entendez pas ! Je suis le roi, La mon-
tagne qu’on ne peut déplacer ! Ouvrez le portail avant que
je ne vous tue l’un après l’autre. » Et l’intrus se mit à cogner
sur le portail et à faire un tel vacarme qu’on dut le ligoter
et l’enfermer dans une pièce où finalement le sommeil mit
un terme à ses divagations et rodomontades.
Les gardes passèrent une bonne partie de la nuit à spé-
culer sur ce fou.
L’homme qu’ils avaient vu n’était pas leur roi, mais un
vagabond en haillons, mal rasé, au langage ordurier et qui
n’avait plus toute sa tête. Du miraculeux changement que
Dieu avait opéré sur leur roi et du dessein divin qui se
cachait derrière, ils n’avaient aucune idée.
Au matin, les gardes parlèrent à l’ange-roi du vagabond
et l’ange-roi ordonna qu’on le lui amène. Bien que beau-
coup plus calme que la veille au soir, La montagne qu’on ne
peut déplacer soutint avec véhémence que c’était lui le vrai
roi, prenant à témoin Dieu et les mânes des ancêtres. Mais
toutes ses protestations furent vaines.

143
Raouf MAMA

Personne ne le crut. A sa vue, ses femmes reculèrent et


partirent d’un rire cruel et nerveux lorsqu’il les appela par
leur nom et dit qu’il était leur mari. Ses propres fils et filles
pensèrent qu’il était fou lorsqu’il s’adressa à eux comme s’ils
étaient ses propres enfants.
Il était clair qu’il avait perdu la raison, et ils attribuèrent
la connaissance qu’il avait de leurs noms à quelque super-
cherie. Quelqu’un suggéra que c’était un fou du roi qui
avait un don de voyance. C’est ainsi que dès lors, tout le
monde l’appela « le fou du roi », et on interpréta sa préten-
tion d’être le roi et toutes les choses étranges qu’il disait ou
faisait comme les plaisanteries d’un fou. Tout le monde fut
étonné lorsque l’ange-roi fit donner une chambre à ce fou
et ordonna à tous les membres de la maison royale et à tous
ses sujets de le traiter avec bienveillance.
Pendant des jours et des nuits, La montagne qu’on ne
peut déplacer réfléchit à la question. Il se demandait com-
ment de roi qu’il était, il en était venu à être « le fou du roi »,

144
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

mais quelle que fût la manière dont il considérait l’affaire, il


ne pouvait y trouver une explication.
« Comment diable ceci a-t-il pu arriver ? se demandait-
il. « Qui peut me dire par quel pouvoir, moi, La montagne
qu’on ne peut déplacer, qui étais un roi puissant, je suis
devenu un fou à la cour du roi, la risée de tous ? » C’était
une question qu’il ne cessait de se poser. Et il se frottait
constamment les yeux, s’attendant à se réveiller de son
cauchemar et à se retrouver fermement assis sur son trône.
Mais c’était là un fol espoir.
Le temps passa. Les habitants du royaume avaient
connu un roi despote et tyrannique, mais maintenant, leur
monarque se montrait, attentif à leurs besoins et compatis-
sant. La pauvreté, la faim et la maladie avaient disparu du
royaume. Le crime était puni, la vertu récompensée, et la
justice tempérée par la clémence, régnait.
Le commerce redevint florissant, amenant de grandes
richesses et la prospérité. Des bateaux venaient du monde
entier, chargés d’épices, de tissus coûteux et de tapisseries,
d’or et de pierres précieuses ; et ils repartaient avec une
cargaison d’huile de palme, de coton, de manioc et de sculp-
tures d’un art sans égal. Le Christianisme se développait,
tous les jours de nouveaux convertis venaient gonfler ses
rangs, et personne n’était plus dévoué à sa cause que le roi.
Les gens s’étonnaient du changement miraculeux qui
était survenu chez leur roi. Certains l’attribuaient à l’assi-
duité de sa pratique religieuse. D’autres suggéraient que, tel
Jacob dans la bible, par une nuit sans lune, le roi avait été
défié en combat singulier par l’esprit de Dieu, et que depuis
lors, il n’avait jamais été le même. Tous ses sujets étaient

145
Raouf MAMA

dans la plus grande perplexité. Mais du changement mira-


culeux de leur vrai roi en fou de la cour, et du dessein divin
qui se cachait derrière, ils n’avaient aucune idée.
Le fou du roi, lui aussi, voyait la vertu, la compassion et
l’amour de l’ange-roi. Il voyait son humilité et sa sagesse.
Il voyait la paix et la prospérité qu’il avait apportées à son
peuple. Comme les autres, il était disposé à louer le roi,
même si sa propre chute du pouvoir lui restait incompré-
hensible.
Une nuit, il fit un rêve. Il se vit assis sur le trône, une
couronne d’or sur la tête. Mais au lieu de courtisans et de
grands du royaume, il était entouré d’une foule d’orphelins
et de veuves, d’estropiés et de mendiants, de lépreux et
d’épileptiques qui gémissaient et tiraient sur ses vêtements,
en implorant son aide. Cris et menaces étaient impuissants
à les refouler, et bientôt ses vêtements royaux furent réduits
en haillons, ces haillons mêmes qu’il portait la nuit où il
s’était réveillé à l’église, sous l’apparence d’un mendiant et
d’un fou.
Puis le rêve changea, et il se retrouva en compagnie de
voleurs, d’assassins et de malfaiteurs. L’air résonnait de
leurs louanges. Ils le portaient en triomphe et lui offraient
une tunique de dentelle et une couronne d’or. Mais, quand
il les mit, voilà que la tunique se changea en haillons et la
couronne d’or devint une couronne de vers de terre.
Dans son rêve, il y eut encore un autre changement de
décor, et le roi se retrouva à l’église. Les fidèles chantaient les
louanges de Dieu, et il avait décidé de mettre en application
sa sinistre menace d’une exécution en masse. Mais comme
il se levait pour en donner l’ordre à ses soldats, il y eut un

146
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

éclair aveuglant. Fidèles et soldats disparurent tous, et il se


retrouva, vagabond déguenillé, à marteler les portes d’une
église sombre et déserte, hurlant qu’on lui ouvre la porte.
Le roi se réveilla en sursaut, le cœur battant à tout rompre,
et le corps trempé de sueur. Le soleil s’était levé. Il percevait
le bruit lointain de voix qui s’élevaient pour chanter ou rire,
le joyeux babil d’enfants qui jouaient, le gazouillis d’oiseaux,
le battement de tambours et le tintement de cloches d’église.
Tous ces bruits évoquaient un monde dont il se sentait
exclu, un monde qui n’avait pas prêté la moindre attention
à sa chute du pouvoir.
Se prenant la tête à deux mains. La montagne qu’on ne
peut déplacer pleura comme il n’avait jamais pleuré aupara-
vant, car il contemplait cette image de lui-même qu’il avait
donnée à ses sujets : un être arrogant, aveugle et cruel, qui
avait été l’ami des riches et des puissants et l’ennemi des
pauvres, des malades et des personnes âgées.
« Malheureux que je suis ! Oh, combien malheureux !
J’ai mangé des oranges acides et voilà que j’ai les dents
agacées!
J’ai prononcé des paroles grossières et fanfaronnes, et
voyez !
Elles se sont changées en rochers et m’ont écrasé les
pieds !
O Seigneur, prends pitié !
Quand j’étais roi, contre mon peuple je me suis retourné.
J’ai pris fait et cause pour les voleurs, les assassins
Et les malfaiteurs contre les innocents.
J’ai dépouillé les pauvres, refusé de la nourriture aux
affamés,

147
Raouf MAMA

L’assistance aux malheureux qui en avaient besoin,


Et le réconfort à la veuve et l’orphelin.
O Seigneur, prends pitié !
Malheureux que je suis ! Oh, combien malheureux !
J’ai mangé des oranges acides et voilà que j’ai les dents
agacées !
J’ai prononcé des paroles impies et blasphématoires.
Regardez ! Elles se sont transformées en lames acérées.
Et elles m’ont fendu la bouche d’une oreille à l’autre !
Écoute mes prières, O Seigneur !
Purifie-moi de mes péchés,
Et que la lumière de ton visage brille sur moi,
De peur que je ne trébuche et ne retombe encore une
fois ! »
Ce chant devint une prière pour lui, et chaque fois qu’il le
chantait, que ce fût le matin ou le soir, tous ceux qui l’enten-
daient s’arrêtaient pour l’écouter, car il touchait quelque
chose au plus profond d’eux-mêmes.
Les gens s’étonnaient du changement qui était sur-
venu en lui. Et soudain, comme s’ils avaient été poussés
par une impulsion commune, les membres de la maison
royale et tous ceux qui le connaissaient se mirent à l’appe-
ler : « l’Homme de Dieu », et on oublia son ancien nom
de « Fou du Roi ».
Au cœur d’une nuit, alors que l’Homme de Dieu était
plongé dans ses prières, sa chambre fut inondée de lumière
et un ange, plus brillant que mille soleils, l’appela et lui
ordonna de le regarder en face.
« Je ne peux pas vous regarder en face », s’écria l’Homme
de Dieu, se protégeant les yeux de cette vive lumière qui

148
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

irradiait des quatre coins de sa chambre. Et le saint ange


l’appela encore par son nom et lui parla ainsi :
« Est-ce qu’un pot de terre peut se battre contre un pot
de fer et triompher ou un roi mortel défier le Roi du Ciel
en combat singulier et gagner ? »
« Si le pot de terre lutte contre le pot de fer, ce pot sera
brisé en mille morceaux ; quant au roi qui voudrait être
Dieu, ce roi sera terrassé et mangera la poussière. »
« Car la faiblesse du Seigneur est plus puissante que la
puissance réunie de toutes les armées de la terre, et sa folie
plus sage que la sagesse accumulée au cours des siècles. »
« Quand leur temps sera achevé, l’un comme l’autre, le
roi et le conquérant seront couchés dans la poussière, avec
des vers de terre pour toute couverture, car poussière ils
sont et à la poussière ils retourneront. La renommée, la
gloire et la richesse – tout ceci passera comme les fleurs
des champs, mais Sa Gloire à Lui et Son Royaume n’auront
pas de fin. »
« La chair et tout ce à quoi elle aspire passera et ne laissera
pas la moindre trace. Mais la Foi, l’Espérance et l’Amour
– ces vertus persisteront à jamais, et la plus grande de ces
vertus, c’est l’Amour. »
« Va retrouver ta famille, va retrouver ton peuple et ne
pèche plus.»
Il y eut un éclair, suivi d’un coup de tonnerre, et l’ange
disparut. La chambre fut plongée dans l’obscurité, et
l’Homme de Dieu resta à genoux, les yeux fermés ; quand
il les rouvrit, voilà qu’il était assis sur son trône habillé de
vêtements de brocart, une couronne d’or sur la tête.

149
Raouf MAMA

Au matin, l’Homme de Dieu, l’ancien fou du roi fut


introuvable. Les membres de la maison royale et ceux qui
le connaissaient questionnèrent le roi à son sujet ; le roi
leur dit qu’il était retourné au pays d’où il était venu, et ils le
crurent. Mais du miraculeux changement que le saint ange
avait opéré en la personne de leur vrai roi, et du dessein divin
qui se cachait derrière, ils n’avaient pas la moindre idée.

Cette histoire a de fortes connotations chrétiennes, mais le


christianisme a été introduit au Bénin, il y a environ un siècle et
demi. Cette histoire a été diffusée par la Radio Nationale du Bénin
vers le milieu des années 80, pendant les dernières années du régime
dictatorial que connut le pays de 1972 à 1990. Aux pires moments
de son histoire, le régime du général Kérékou a été associé à de graves
violations des droits humains et à la corruption.
Le régime de Kérékou supportait mal les critiques dirigées contre
lui par les diverses autorités religieuses. Pendant de longues années, la
diffusion des offices religieux chrétiens et musulmans fut suspendue,
mesure de représailles à peine déguisée contre ce que le régime consi-
dérait comme une ingérence de la religion en politique. A une époque
où le régime avait poussé une bonne partie de l’opposition dans la
clandestinité, l’église ne cessa de critiquer ouvertement l’oppression
politique, la brutalité de la police, la corruption et l’injustice qui
régnaient dans le pays.
En 1990, cependant, Kérékou, devant les problèmes économiques
croissants, l’agitation des travailleurs et la pression de divers groupes
d’opposition, dut, bon gré, mal gré, convoquer une conférence nationale.
Cette conférence ouvrit la voie à un gouvernement de transition qui
organisa des élections démocratiques en mars 1991. Kérékou ne fut
pas réélu, et un nouveau gouvernement fut formé avec Nicéphore Soglo
à sa tête. Ceci marqua une étape importante de l’histoire moderne de

150
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

l’Afrique, car c’était la première fois qu’un dictateur perdait le pouvoir


par les urnes.
De 1991 à 1996, Kérékou resta dans le désert politique. Mais
peu à peu, il réussit à bénéficier d’un regain de popularité du fait que
de plus en plus de ses concitoyens en venaient à apprécier l’humilité
et la prévoyance dont il avait fait preuve en s’effaçant de bonne grâce,
épargnant ainsi au pays une guerre civile.
Quand Kérékou fut élu président en 1996 par ceux-là mêmes qui
avaient voté contre lui cinq ans plus tôt, il déclara qu’il allait gouverner
le pays en chrétien. L’histoire jugera de la véracité ou non de ses paroles,
mais ce conte du roi qui voulait être Dieu dans une certaine mesure,
reflète l’ascension et la chute de Kérékou et sa réapparition sur la scène
politique. Et cette histoire nous donne un petit aperçu de la pérennité
et du pouvoir prophétique de l’art du conteur.

151
PARCOURS N°7
Conte 7 : pp 89-97
La danse de la misère

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Comment le paysan Atchanminanguey est-il devenu
roi ?
2. Pourquoi a-t-il perdu tout son prestige ?
3. Tu donnes la structure du conte en distinguant les
quatre phases d’un récit narratif.
4. Ce conte est-il descendant ou en miroir ?

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants : une
tête difforme (p. 91 ; l. 15 ) ; liquéfiées (p. 91 ; l. 18) ; avec
stupeur (p. 92 ; l. 14) son cœur se gonfla de fierté (p. 92 ; l.
16) ; talents de danseur (p. 97 ; l. 6) ; à en perdre haleine (p.
97; l. 9) ; une honte (p. 93 ; l. 29) ; une démonstration
éblouissante (p. 93; l. 15) ; un homme en haillons (p. 93
; l. 21) ; cheveux hirsutes (p. 93 ; l. 24) ; le sermonna (p.
93 ; l. 24-25).
2. Tu décomposes précipitamment et merveilleux puis tu
donnes quelques mots de la même famille qu’eux.
3. Tu donnes un synonyme de fortune et un antonyme
de pauvre.
4. Peux-tu relever quatre (4) mots ou expressions
relevant du champ lexical de la richesse ?

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. L’imparfait de l’indicatif domine dans le premier
paragraphe du conte. En quoi fait-il mieux voir la
misère du paysan ?

xxix
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

2. Quel est le temps verbal de vois (p. 94, l. 10) et


de voie (p. 97, l. 3) ? Comment peux-tu comprendre
leur emploi ?
3. Tu recherches dans le conte un passage construit
sur le modèle : « Quand il jeta à terre la première calebasse,
Atchanminanguey se retrouva transformé en roi » (p. 92,
l. 9) que tu réécris ainsi : « A peine Atchanminanguey
eut-il jeté à terre la première calebasse qu’il se retrouva
transformé en roi ».
4. Dans le troisième emploi des guillemets du
quatrième paragraphe du texte, pourquoi peux-tu
parler de séquence injonctive ? Combien de phrases
y comptes-tu ? Tu dis le type et la forme de ses
phrases puis tu distingues ce passage en groupe
nominal et en groupe verbal : « Et l’inconnu fut
chassé du palais, les mains vides.». (p. 93 , l. 30)
5. Quelle est la voix utilisée dans la phrase précédente.
Peux-tu la réécrire à la voix contraire ? Quelle est
la fonction grammaticale de « les mains vides » ?
6. Quels sont les adjectifs numéraux qui déterminent
le mot calebasse ? Tu relèves des déterminants se
rapportant à un complément circonstanciel de lieu
ou de temps.
7. Tu fais l’analyse grammaticale de arbre (p. 91, l. 10),
l’air (p. 97, l. 11). Puis tu précises ce que t’évoquent
ces lieux.
8. Tu réécris les deux dernières phrases du 1er
paragraphe du conte au passé simple de l’indicatif
en remplaçant la 3ème personne par la 1ère. Quel effet
cette réécriture apporte-t-elle au type de narrateur ?

xxx
Guide pédagogique

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Le monde visible
1.1. Le paysan Atchanminanguey
1.1.1. Il est heureux, au début du conte. Vrai ou
faux ? Tu justifies.
1.1.2. « Il était si affamé que la peau de son estomac lui
collait au dos. » (p. 91, l. 4-5) ? Cette description
n’est-elle pas exagérée ?
1.1.3. « Atchanminanguey sentit des frissons lui parcourir
le dos » De quel sentiment le conteur parle-
t-il ici ?
1.1.4. Pendant combien de temps a-t-il oublié de
faire le sacrifice promis ?
1.1.5. « Là où tu n’as pas semé, tu ne peux récolter ! »
Est-il en droit de tenir de pareils propos ?
1.1.6. « Seraient-ils aussi nombreux que les grains de sable
au bord de la mer, /De pigeon ou de canard, je
ne te donnerai point ! » (p. 95, l. 6). Comment
expliques-tu l’emploi de la négation dans
cette phrase ?
1.1.7. Yogbo est reconnaissant. Vrai ou faux ?
1.1.8. Combien de fois a-t-il été pardonné, sans
qu’il ne s’en rende compte ?
1.1.9. Il est malheureux à la fin du conte. Vrai ou
faux ?
1.1.10. Tu fais son portrait en trois phrases et tu fais
ressortir surtout ses défauts moraux.
1.1.11. Veux-tu lui ressembler ? Pourquoi ?
2. Le monde invisible
1.2. Le génie
1.2.1. Comment le conteur le rend-il humain dès
sa rencontre avec le paysan ?

xxxi
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.2.2. Sa parole le rassure-t-elle ?


1.2.3. Il n’est pas exigeant en ne demandant qu’un
pigeon et un canard comme sacrifice. Vrai
ou faux ?
1.2.4. « Un jour, un homme en haillons arriva au
palais alors qu’Atchanminanguey s’asseyait pour
déjeuner et il lui demanda un pigeon et un canard. »
Comment peux-tu deviner que l’homme en
haillons est le génie ?
1.2.5. Est-il clément ?
1.2.6. Comment peux-tu l’assimiler à Dieu ?
1.3. Les 7 calebasses et les dons
1.3.1. Comment comprends-tu le symbole des
calebasses ?
1.3.2. Comment expliquer l’apparition de toute sa
fortune issue des calebasses ?
1.3.3. Et leur disparition ? Etait-ce prévisible ?
1.4. Les sacrifices
1.4.1. Le pigeon
1.4.2. Que représente-t-il dans la croyance
populaire ?
1.4.3. Comment comprends-tu son choix comme
animal sacrificiel ?
1.4.4. Pourquoi ne lui a-t-on pas donné la parole
dans le conte ?
1.5. Le canard
1.5.1. Que dit-on de lui dans les milieux
occultes ?
1.5.2.Peut-il être ton animal favori ? Pourquoi ?
1.5.3. Crois-tu que le canard et le pigeon puissent
nager ensemble ? Pourquoi ?

xxxii
Guide pédagogique

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Quel rôle l’usage des guillemets joue-t-il dans ce
conte ?
2. Tu examines le rythme et les sonorités dans le chant
de l’Esprit.
3. L’Esprit aime-t-il vraiment la danse ?
4. As-tu quelque chose à ajouter à la leçon donnée par
l’auteur dans sa critique, à la fin du conte ?

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu cites tous les éléments de l’illustration de
Laudamus Sègbo. Lequel préfères-tu ?
2. Quel passage du conte a-t-il cherché à immobiliser ?
3. Que te suggèrent les dimensions des deux
personnages représentés ?
4. Quelles sont les couleurs utilisées ? Peux-tu leur
donner une valeur ?

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu rédiges une autre fin à ce conte pour qu’il ait une
fin heureuse pour le paysan.
2. Que penses-tu de l’avarice ? As-tu lu L’avare de
Molière ?
3. Tu écris un texte injonctif à tes petits-enfants
imaginaires pour leur interdire l’ingratitude.
4. Tu t’inspires de l’illustration de Laudamus Sègbo
pour produire un conte sur le monde des Esprits.

xxxiii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

PARCOURS N°8
Conte 8 : pp 99-106
Le père cupide

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Quel type de mari Nadjo désire-t-il pour gendre ?
2. Qui a épousé sa fille ?
3. Comment s’appelle-t-elle ?
4. Tu détermines les séries d’actions dans ce conte en
leur donnant un titre significatif.
5. Peux-tu dire que ce conte suit un schéma cyclique ?

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
masure (p. 101 ; l. 3) ; humiliés (p. 101 ; l. 22) ; à nulle
autre pareille (p. 101 ; l. 24) le mari idéal (p. 102 ; l. 20) ;
à l’étroit (p. 103 ; l. 23) ; perversité (p. 193 ; l. 30) ; d’un
pas alerte (p. 194 ; l. 28) ; place d’honneur (p. 195; l. 12) ;
demandait grâce (p. 196 ; l. 30) ; dégoût (p. 64 ; l. 17) ;
hideux (p. 104 ; l. 7).
2. Tu emploie l’expression sans plus de cérémonie dans
une phrase puis tu identifies un synonyme et un
antonyme de laid dans le conte.
3. Tu repères la figure de style dans l’expression un
bond de géant.
4. Peux-tu relever quatre (4) mots ou expressions
relevant du champ lexical de la joie ?

xxxiv
Guide pédagogique

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. Que souligne l’emploi du passé simple de l’indicatif,
dans le 2ème paragraphe de la page 104 ?
2. Combien de phrases comporte ce paragraphe ?
3. Tu repères les phrases simples du paragraphe.
4. Tu réécris ce paragraphe en remplaçant elle par Je.
Quel effet ce paragraphe apporte-t-il au type de
narrateur ?
5. « Si vous me permettez d’emmener votre ravissante fille, d’ici
la fin de l’année, je ferai de vous l’homme le plus heureux de
la terre. » (p. 103). Peux-tu expliquer la concordance
de temps dans cette phrase ?
6. Comment peux-tu comprendre l’absence de l’article
pour déterminer « Singe » ? Est-un nom commun
d’animal ou un nom propre de personne ?
7. Tu fais l’analyse grammaticale de terre (p. 104, l. 1),
jungle (p. 105, l. 6). Puis tu précises ce que t’évoquent
ces espaces.

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Nadjo
1.1.1. Pourquoi le qualifie-t-on de cupide ?
1.1.2. Trouves-tu la sanction juste. Tu justifies.
1.1.3. Tu expliques l’expression « Nadjo perdit la
raison » (p. 105, l. 25).
1.1.4. Que lui arrive-t-il ensuite ?
1.1.5. Tu justifies qu’il regrette son comportement.
1.1.6. Il a vendu sa fille. Vrai ou faux.
1.1.7. Tu fais ressortir surtout ses défauts moraux.
1.1.8. Veux-tu lui ressembler ? Pourquoi ?

xxxv
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.2. Gbessi
1.2.1. Peux-tu trouver la signification de ce
prénom ?
1.2.2. Tu fais ressortir toutes ses qualités physiques
en deux phrases.
1.2.3. Pourquoi elle aime Singe ? Et pourquoi elle
fuit le singe ?
1.2.4. Quels sont les éléments végétaux et minéraux
qui s’opposent à sa course ?
1.2.5. « En fille obéissante, Gbessi rejeta toutes les
demandes en mariage qui lui furent faites. » (p.
101, l. 19-20) : crois-tu qu’elle soit la victime
de son père ?
1.2.6. N’est-elle pas aussi responsable de ce qui
lui arrive ?
1.2.7. Quelle est le féminin de singe ?
1.3. Les prétendants
1.3.1. « Et l’un après l’autre, les prétendants partirent,
humiliés, le cœur brisé.» (p. 101, l. 21-22) : ils ne
sont pas aussi intelligents que Singe ?
1.3.2. Comment expliques-tu leur échec et leur
abandon ?
2. Le monde animal
2.1. Singe
1.1.1 Tu fais la distinction entre singe et Singe.
1.1.2 Est-il vraiment ce qu’il prétend être ?
1.1.3 «… il se transforma en homme de belle apparence »
(p. 102, l. 13).Il a des pouvoirs magiques.
Vrai ou faux.
1.1.4 Comment Singe réagit-t-il aux exigences
démesurées de Nadjo ?

xxxvi
Guide pédagogique

1.1.5 Tu dis en 5 mots quels traits de caractère le


caractérisent habituellement.
1.1.6 Il n’aime pas travailler. Vrai ou faux.
1.1.7 Pourquoi a-t-il décidé de reprendre sa forme
animale ?
1.1.8 Tu complètes le proverbe suivant : « Chasser
le naturel, … »
1.1.9 Ce proverbe se prête-t-il à la situation dans
ce conte ?
2.2. Les autres animaux
2.2.1. Tu fais la liste de tous les animaux qui l’ont
aidé et soutenu en les classant selon leur
groupe (fauves, rapaces, rongeurs, gallinacés,
insectes, etc.).
2.2.2. Penses-tu qu’ils sont au courant des projets
de Singe ?
2.2.3. Ils sont des adjuvants de Singe. Vrai ou faux.
2.2.4. Peux-tu imaginer où certains comment
l’aigle, l’écureuil, le lièvre ont pu lui procurer
ces trésors ?

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Comment comprends-tu l’absence de chants dans
ce conte ?
2. Tu imagines une chanson qui décrit la mésaventure
Gbessi.
3. La leçon de ce conte te convient-elle ? Pourquoi ?
Tu justifies.
4. Tu recherches le texte de l’écrivain dont parle
l’auteur de ce livre et tu compares.

xxxvii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Aimes-tu les passages que Laudamus Sègbo a
représentés ?
2. Quel passage aurais-tu préféré qu’il reproduise ?
3. Peux-tu proposer une illustration à ton goût ?
4. Tu apprécies le costume des personnages du
premier tableau de ce conte et tu identifies leur
origine culturelle.

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu relèves le passage le plus fantastique de ce conte.
2. Tu produis en cent mots un texte narratif dans
lequel tu racontes un fait insolite dont tu as été le
seul témoin.
3. Que penses-tu de la dot ? Tu écris un texte injonctif
à tes parents pour les avertir contre les dangers
d’exiger une dot exorbitante.
4. Tu rédiges un texte argumentatif de 200 mots pour
sensibiliser tes camarades sur l’amour de l’argent.

xxxviii
Guide pédagogique

PARCOURS N°9
Conte 9 : pp 107-113
Quand la rivière devient « Le Grand Trou »

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Tu cites les personnages du conte et leurs noms.
2. Que signifie « Le Grand Trou » ?
3. Tu donnes la structure du conte en distinguant les
quatre phases d’un récit narratif.
4. Ce conte est-il ascendant ? en sablier ?

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
fantômes (p. 109 ; l. 7) ; allègrement (p. 109 ; l. 14) ; un
bref échange(p. 110 ; l. 9) ; lumière crépusculaire (p. 110 ;
l. 21) ; une tenace envie (p. 110 ; l. 28) ; perversité (p. 193 ;
l. 30) ; rauque (p. 219 ; l. 23) ; démasquée (p. 112 ; l. 5) ;
toutes griffes dehors (p. 112 ; l. 18) ; s’empaler (p. 113 ;
l. 6) ; volupté (p. 114 ; l. 6) ; virevoltant (p. 198 ; l. 10).
2. Tu trouves un adjectif qualificatif, un nom et deux
adverbes de la même famille que solitaire ?
3. Tu donnes le sens de l’expression à toutes jambes et tu
trouves une autre expression ou un mot composé
contenant le mot jambes.
4. Peux-tu relever quatre (4) mots ou expressions
relevant du champ lexical de la méchanceté ?

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. « Adononsi ! Adononsi ! Lève-toi et partons ! Le soleil est
sur le point de se lever, et il nous faut nous hâter. ». A quels
temps sont conjugués les verbes de cette phrase.

xxxix
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

2. Tu trouves le type de cette phrase. Tu la mets au


présent de l’indicatif.
3. Tu recherches dans le conte un passage construit
sur le modèle : « A peine Yogbo eut-il mangé tout son
content qu’une grande peur l’envahit » (p. 165, l. 18) que tu
réécris ainsi : « Quand Yogbo eut mangé tout son content,
une grande peur l’envahit ».
4. Combien de phrases comporte le 2ème paragraphe de
la page 198 ? Tu dis le type et la forme de ses phrases
puis tu distingues ce passage en groupe nominal et
en groupe verbal : « Yogbo leva la gourde ». (p. 198, l. 13)
5. A quoi concourt l’ordre des mots dans la supplica-
tion de Yogbo (p. 198, l. 3) ? Quel nom donne-t-on
à cette construction grammaticale ?
6. Quel est l’adjectif indéfini qui détermine la
fréquence du sacrifice de taureau ? Tu relèves des
adjectifs indéfinis qui déterminent un complément
circonstanciel de lieu ou de temps.
7. Tu fais l’analyse grammaticale de forêt (p. 215,
l.7), baobab (p. 195, l. 24). Puis tu précises ce que
t’évoquent ces espaces.
8. Tu réécris les quatre premières phrases du 2ème
paragraphe du conte au présent de l’indicatif en
remplaçant Yogbo par Je. Quel effet cette réécriture
apporte-t-elle au type de narrateur ?
J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES
1. Les hommes
1.1. Adononsi
1.1.1. « Quoi ? C’est déjà l’aube ? » : que traduit
cette phrase de Adononsi ? Tu dis le type de
cette phrase.

xl
Guide pédagogique

1.1.2. Elle aime dormir. Vrai ou faux ?


1.1.3. Comment échappe-t-elle à la hyène ?
1.1.4. « C’est étrange, le ciel s’assombrit au lieu de
s’éclaircir, et aucun coq n’a chanté jusqu’à présent »
(p.111) : elle est observatrice ? intelligente ?
prudente ?
1.1.5. Elle est brave et chanceuse, n’est-ce pas ?
1.1.6. Comment aurais-tu réagi à sa place ?
1.2. Adjoua
1.2.1. Que dit-elle à Adononsi au moment de se
séparer ?
1.2.2. Elle s’est rendue chez Adononsi le lendemain
comme convenu. Vrai ou faux.
1.2.3. C’est une femme ponctuelle. Vrai ou faux.
2. Le monde animal
2.1. Hyène
2.1.1. Laquelle des deux femmes a-t-elle voulu
dévorer ?
2.1.2. Tu apprécies sa stratégie.
2.1.3. Tu montres qu’elle est impatiente.
2.1.4. Quels défauts lui attribue-t-on en général ?
2.1.5. Son échec était prévisible. Vrai ou faux ?
2.1.6. Tu recherches dans le recueil des contes avec
des personnages qui ont subi le même sort.
2.2. Les coqs
2.2.1. À quel moment du jour chantent-ils ?
2.2.2. Comment ont-ils aidé Adononsi à déjoué le
piège de Hyène ?
3. Le monde végétal
3.1. Le morceau de bois a été fatale à l’hyène. Vrai
ou faux ?

xli
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

3.2. La forêt, dans ce conte, est un lieu hostile pour


le taureau. Vrai ou faux.
3.3. Le baobab a été un espace adjuvant pour Yogbo
le glouton. Vrai ou faux.
4. Le monde minéral
4.1. La température de l’air a donné des soupçons à
Adononsi. Vrai ou faux.
4.2. Le feu est un adjuvant pour la hyène. Vrai ou
faux ?

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Tu relèves le registre comique des dialogues de ce
conte.
2. Tu apprécies la parodie de Adjoua par Hyène.
3. Peux-tu adapter ce conte en pièce de théâtre ? Quel
nom donne-t-on au résultat de cette transforma-
tion ?
4. Qu’est-ce que ce conte t’apporte comme leçon ?
5. Tu commentes la prudence dans les contes fon.

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu dégages les différents éléments des illustrations
de Laudamus Sègbo et tu leur associes un plan
(premier plan, second plan, arrière-plan).
2. Tu identifies les étapes du schéma narratif
représentées dans cette illustration.
3. Tu étudies le contraste des couleurs dans le premier
tableau et leur harmonie dans le second.
4. Quelles sont les couleurs utilisées ? Peux-tu leur
donner une valeur ?

xlii
Guide pédagogique

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu expliques pourquoi ce conte n’est ni fantastique
ni merveilleux.
2. Tu imites ce conte pour produire un récit d’un
paragraphe de 100 mots sur une situation que tu as
retournée en ta faveur.
3. Tu écris un portrait dans lequel tu ridiculises un de
tes adversaires lors d’une compétition.
4. Tu t’inspires de l’illustration de Laudamus Sègbo
pour produire un chant sur la bêtise.

xliii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

PARCOURS N°10
Conte 10 : pp 115-124
Qui peut dénouer la situation ?

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Quel est le nombre et le sexe des amis de Adononsi ?
2. Qui a capturé Adononsi ?
3. Quelle phase du schéma narratif fait défaut dans ce
conte : situation initiale ? série d’actions ? situation
finale ?
4. C’est un conte inachevé. Vrai ou faux ?

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
intrépide (p. 118 ; l. 4) ; déterminée (p. 118 ; l. 12) ; une
voix hystérique (p. 118 ; l. 15) ; méridionale (p. 118 ; l.
26-27) ; contre son gré (p. 119 ; l. 8) ; posture (p. 119 ;
l. 13) ; à vive allure (p. 119 ; l. 18) ; engourdis (p. 119 ;
l. 22) ; imminent (p. 119 ; l. 29) ; agilité (p. 120 ; l. 1) ;
colossale (p. 120 ; l. 14) ; un accueil enthousiaste (p. 120 ;
l. 30).
2. Tu décomposes surhumaine (p. 120, l. 2).
3. Tu utilises lancinante dans une phrase. Comment
peux-tu comprendre l’opposition entre belle et
lancinante dans « sa belle voix lancinante » (p. 122, l. 14) ?
4. Tu trouves un paronyme de foison (p. 122, l. 25).

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE


ET LE TEMPS
1. « C’est moi, et non toi, qui ai mérité de la prendre
pour épouse.» (p. 121). Tu analyses la proposition
subordonnée dans cette phrase.

xliv
Guide pédagogique

2. Quel est le temps verbal de n’aurait servi, serait,


n’eût été ? (p. 121, l. 21-23) ? Les concordances de
temps sont-elles exactes ?
3. « Les trois amis en seraient venus aux mains, si on
n’avait porté leur querelle auprès du conseil des
anciens. » (p. 122). Tu dis le type et la forme de
cette phrase puis tu la transformes en une phrase
interronégative.
4. Tu relèves 5 adjectifs verbaux dans le texte et tu
donnes leur fonction et leur infinitif.
5. Tu trouves dans le conte les compléments
circonstanciels liés au sauvetage de Adononsi.
6. Tu identifies dans le premier paragraphe de la page
120 une locution conjonctive et tu donnes sa valeur
dans la phrase. Quel type de proposition introduit-
elle dans l’enchaînement des actions ?

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Adononsi
1.1.1. Tu résumes son portrait en trois phrases.
1.1.2. Tu relèves trois adjectifs qualificatifs qui
déterminent son caractère.
1.1.3. Elle aime ses amis. Vrai ou faux.
1.1.4. Elle n’aime pas le serpent arc-en-ciel. Tu
justifies.
1.1.5. Pourquoi ne peut-elle les épouser tous les
trois ?
1.1.6. Elle est triste. Vrai ou faux.
1.1.7. Elle a peur. Tu justifies.

xlv
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.2. Les trois jeunes gens


1.2.1. Tu trouves à chacun d’eux un nom qui
résume son pouvoir magique.
1.2.2. Ils sont prêts à tout pour sauver leur amie.
Vrai ou faux.
1.2.3. Quelle est leur stratégie ?
1.2.4. Pourquoi veulent-ils l’épouser après l’avoir
libérée ?
1.2.5. Qui est le plus méritant selon toi ?
1.2.6. Pourquoi se battent-ils ?
1.2.7. « …l’âme de leur amitié blessée à mort sanglotait sur
sa grande infortune ». Tu expliques cette phrase.
1.3. Les parents de Adononsi
1.3.1. Après combien de jours ont-ils signalé la
disparition de leur fille ?
1.3.2. Pourquoi ne lui choisissent-ils pas un époux ?
1.3.3. Tu les compares à Nadjo (« Un père cupide »).
1.4. Le conseil des sages
1.4.1. Il est efficace. Vrai ou faux.
1.4.2. « Jusqu’à ce jour, le conseil des anciens attend. » (p.
123,1. 20-21). Quand est-ce qu’il donnera
sa décision ?
2. Le monde animal
2.1. Le serpent arc-en-ciel
2.1.1. Pourquoi a-t-il capturé Adononsi ?
2.1.2. Comment comprends-tu s’il est un dieu que
des humains aient pu le vaincre ?
2.1.3. « Sois ma bien-aimée », m’a-t-il dit. « ou
ton dernier soupir tu rendras ! ». Est-ce de
l’amour ?

xlvi
Guide pédagogique

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Quels sentiments provoquent en toi la chanson
d’Adononsi ?
2. Tu dis le registre littéraire de cette chanson et son
type.
3. Connais-tu un conte où une pareille situation a été
dénouée ?
4. As-tu quelque chose à ajouter à la leçon donnée par
l’auteur dans sa critique, à la fin du conte ?

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Quel passage du conte Laudamus Sègbo a-t-il
cherché à immobiliser ?
2. Tu dis le personnage du conte qui est figuré dans
cette illustration. Est-ce qu’il correspond à la
description qu’en donne le conte ?
3. Est-il vraiment effrayant ? Quelles couleurs
manquent-elles pour en faire le serpent arc-en-ciel
dont parle le conte ? Tu colories le serpent.
4. Quels sont les autres personnages absents de cette
illustration.

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Qu’est-ce qui trahit la présence du narrateur dans
ce conte ? Est-il un personnage du conte ?
2. Tu imagines une lettre dans laquelle Adononsi
informe ses trois amis de sa captivité et demande
leur aide.
3. Tu prépares un texte argumentatif de 120 mots
dans lequel tu proposes ta solution au conseil des
Sages.

xlvii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

4. Tu réalises un acrostiche avec le mot AMITIE.


5. Tu choisis deux de tes meilleurs amis (une fille et
un garçon). Tu fais leurs portraits (8 lignes pour
chacun) les caractères et facultés que tu apprécies
chez eux.

xlviii
Guide pédagogique

PARCOURS N°11
Conte 11 : pp 125-135
La fillette qui fut à l’origine de la saison des pluies
et de la saison sèche

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Quel est le nom de la fillette qui fut à l’origine des
saisons ?
2. Combien de temps dura le voyage de la fillette et
sa mère ?
3. Tu relèves les différentes épreuves que la fillette et
sa mère affrontent et tu identifies l’étape du schéma
narratif à laquelle appartiennent ses événements.
4. Tu précises le type de ce conte.

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants : un
teint resplendissant(p. 127 ; l. 5) ; mises en garde (p. 127 ;
l. 9) ; peine perdue(p. 128, l. 4) ; préparatifs (p. 128 ; l.
7) ; bruits familiers (p. 129 ; l. 6) ; lugubre (p. 129 ; l.
10) ; minuscules (p. 129 ; l. 16) ; émouvante (p. 129 ; l.
30) ; une blancheur étincelante(p. 130 ; l. 3) ; amont (p.
130, l. 4) ; vagues laiteuses (p. 130 ; l. 13) ; bagatelles !
(p. 131, l. 8).
2. Tu trouves le sens de l’expression tenir sa langue. Tu
repères d’autres expressions avec le mot langue.
3. Quel est le mot dérivé de apitoyer ?
4. Peux-tu identifier quatre (4) mots du champ lexical
de la mort ?

xlix
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. « Je veux aller avec toi » (p. 128, l. 8). Tu mets cette
phrase au style indirect et le verbe au conditionnel
présent.
2. Quel effet produit cette réécriture ?
3. Tu relèves trois phrases exclamatives dans le conte
et tu précises le sentiment qu’il détermine.
4. « Quoi que sa fille vît, aussitôt, un flot de paroles se
déversait de sa bouche, et Agossinon n’y pouvait mais. »(p.
128, l. 5-6). Tu donnes les temps auxquels les
verbes sont conjugués et leur mode.
5. Tu fais l’analyse grammaticale des mots soulignés.
6. Par quel autre élément de même nature peux-tu le
remplacer sans modifier la structure de la phrase.
7. « Elles marchèrent longtemps, longtemps » (p. 129, l. 5). Tu
trouves la nature et la fonction de l’élément répété.
Quel renseignement t’apporte-t-il sur la durée du
voyage et les espaces parcourus.

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Agossi
1.1.1. Elle est mal élevée. Vrai ou faux.
1.1.2. C’est une petite fille curieuse. Est-ce un
défaut ?
1.1.3. Tu relèves tous ses défauts.
1.1.4. Le séjour auprès des morts l’a éduquée. Tu
justifies.
1.1.5. Combien de fois a-t-elle été sauvée ?

l
Guide pédagogique

1.1.6. N’a-t-elle pas le droit de manifester son


étonnement face à l’étrangeté des situations ?
1.1.7. Tu cites toutes manifestations qui ont
provoqué son étonnement.
1.1.8. Sa mère ne l’a-t-elle pas prévenue ?
1.1.9. Que symbolisent ses allers et retours au pays
des morts ?
1.2. Agossinon
1.2.1. C’est une mauvaise mère. Vrai ou faux.
1.2.2. Tu fais son portrait en 2 phrases.
1.2.3. Quel est le but de son voyage ?
1.2.4. Comment réussit-elle à sauver sa fille chaque
fois ?
1.2.5. Est-elle satisfaite du compromis que lui
propose la Mort ?
1.3. La Mort
1.3.1. Sous quelle forme apparaît-elle ? Est-ce un
être humain ?
1.3.2. Pourquoi a-t-elle accepté de rendre Agossi
à sa mère ?
1.3.3. Elle est adjuvante et opposante. Tu justifies.
2. Le monde animal
2.1. La puce
2.1.1. Dans quel embranchement du règne animal
peut-on le classer ?
2.1.2. Agossi s’est moquée d’elle. Vrai ou faux.
2.1.3. Tu précises son rôle dans le déroulement
du conte.
2.2. Le crocodile
2.2.1. Il est ému par les lamentations de Agossinon.
Vrai ou faux.

li
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

2.2.2. Est-ce un animal habituellement compatis-


sant ? Tu repères un conte dans lequel il tient
le mauvais rôle.

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Combien de chansons peux-tu énumérer dans ce
conte ?
2. Tu précises leur fonction.
3. Qu’est-ce qu’un mythe ?
4. Tu recherches l’histoire de Perséphone dans la
mythologie grecque et tu en fais un résumé.
5. Combien de leçons retiens-tu de ce conte en lisant
attentivement la critique de l’auteur.

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Quelles sont les étapes du schéma narratif illustrées
par Laudamus Sègbo ?
2. Tu identifies les personnages de l’illustration ?
3. Qui est l’enfant dans le dos de la femme ?
4. Cette illustration n’est pas fidèle au conte. Tu dis
pourquoi.

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Ce conte relève plus du merveilleux que du
fantastique. Vrai ou faux.
2. Peux-tu y repérer des passages comiques ou
pathétiques ?
3. Tu compares la vie et la mort dans un texte
argumentatif de 100 mots.
4. Tu proposes un texte injonctif dans lequel tu invites
ton petit-frère à développer sa curiosité.

lii
Guide pédagogique

PARCOURS N°12
Conte 12 : pp 137-151
Le Roi qui voulait être Dieu

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Tu relèves les divers surnoms du roi.
2. Pourquoi veut-il être Dieu ?
3. Tu donnes la structure du conte en distinguant les
quatre phases d’un récit narratif.
4. Tu justifies que ce conte est en spirale.

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
colosse(p. 139; l. 1) ; iroko (p. 139 ; l.2) ; déplaisir(p.
139 ; l.10) arrogant (p. 139 ; l.12) ; brocart (p. 139 ;
l.14) ; une mer houleuse (p. 140 ; l.17-18) ; prompti-
tude (p. 140 ; l.25) ; révérences (p. 140 ; l. 27) ; la pompe
habituelle (p. 141; l. 3) ; un fol espoir (p. 145 ; l.10)  ;
fanfaronnes (p. 141 ; l.22), au pas de charge (p. 143, l. 1).
2. Tu emploies dans une phrase divagations, rodomon-
tades.
3. Tu retrouves dans le conte un mot de la même
famille que risée.
4. Peux-tu relever dix (10) mots ou expressions rele-
vant du champ lexical de la foi ?

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. Les deux premiers paragraphes de ce conte mobi-
lisent les caractéristiques d’un texte descriptif. Tu
le justifies.

liii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

2. Comment le portrait physique du roi trahit-il son


portrait moral ?
3. « La pauvreté, la faim et la maladie avaient disparu du
royaume. » (p. ; l.) Comment le plus-que-parfait de
l’indicatif range-t-il ces maux dans le passé ?
1.1.1. Les verbes tonna (p. 140, l. 13), gronda (p. 140,
l. 14) rendent-ils le roi aimable ? Tu recenses
à la même page 140 d’autres temps verbaux
qui traduisent sa méchanceté.
4. Tu relèves et classes, selon leur fonction, tous les
adjectifs qualificatifs relatifs au roi.
5. Combien de phrases comporte le 1er paragraphe de
la page 147 ? Tu distingues sa 2ème phrase en groupe
nominal sujet et en groupe verbal.
6. Tu fais l’analyse grammaticale de l’église (p. 139, l.
14), pièce (p. 143, l. 15) et tu dis dans quel état le roi
se trouve en ces différents lieux.
7. Soit la phrase : « J’ai dépouillé les pauvres, refusé de la
nourriture aux affamés »
Tu la réécris aux quatre temps simples de l’indi-
catif en remplaçant Je par Le roi. Quel effet cette
réécriture apporte-t-elle au type de narrateur ?

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Le roi
1.1.1. Tu résumes en 3 mots son portrait phy-
sique.
1.1.2. Tu formes le champ lexical de ses divers
défauts.

liv
Guide pédagogique

1.1.3. Il est croyant, n’est-ce pas ?


1.1.4. C’est un dictateur. Vrai ou faux. Tu justifies.
1.1.5. Que lui arrive-t-il ?
1.2. Le fou du roi
1.2.1. Qui est-il ?
1.2.1. Pourquoi personne ne veut le croire ?
1.2.1. Tu dis les sentiments qui l’animent ?
1.3. La famille du roi
1.3.1. Elle est méchante et ingrate ?
1.3.1. Mais est-ce sa faute ?
1.4. Les gardes, le sacristain
1.4.1. Pouvaient-ils reconnaître leur Roi ?
1.4.1. Ont-ils failli à leur mission ?
2. L’ange
1.2. Est-ce un envoyé de Dieu ?
1.2. Sa mission est-elle de punir le roi ou de lui
apprendre la justice, l’humilité et la sagesse ?
1.2. Pourquoi a-t-il redonné le trône au Roi ?
1.2. Si tu étais l’ange, vas-tu pardonner au Roi ?

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Les lamentations du Roi devenu fou ressemblent à
un psaume de rémission des péchés (pp.147-148).
Peux-tu y relever sa beauté ?
2. Dans quel autre ouvrage peux-tu repérer ce type
de chant ?
3. Que retiens-tu de ce conte ? Es-tu croyant ?
4. Quelle information la critique de l’auteur t’apporte-
t-il sur ce conte ?

lv
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu dis à quels passages du conte correspondent les
dessins de Laudamus Sègbo.
2. Tu compares le personnage dans les deux illustra-
tions.
3. Tu analyses les différents plans de la première illus-
tration.
4. Tu proposes une illustration du passage que tu
aurais préféré voir représenter.

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu expliques en quoi ce conte fantastique et mer-
veilleux. Tu rédiges une autre fin à ce conte.
2. Que penses-tu de la foi ? Tu produis en cent mots
un texte injonctif dans lequel tu exhortes (ou non)
à la foi.
3. Tu transcris en 100 mots un rêve que tu as fait.
4. Tu t’inspires des illustrations de Laudamus Sègbo
pour produire un conte sur l’humilité.

lvi
Contes explicatifs
et sagesse des bêtes
Comment caméléon devint
source de sagesse ?
I I y a de cela bien longtemps, Crocodile et Camé-
léon étaient amis. Crocodile aimait beaucoup se
chauffer au soleil. Rien ne lui procurait plus de plaisir que
de sortir de l’eau en pataugeant et de s’allonger sur le sable
au grand soleil. Et toutes les fois que Crocodile sortait de
l’eau. Caméléon sortait de la brousse et grimpait sur un
arbre à proximité. Bientôt, on les entendait bavarder gaie-
ment à grand renfort d’éclats de rire qui s’élevaient vers le
ciel comme s’ils n’avaient pas le moindre souci au monde.
Parfois, on les voyait étendus non loin l’un de l’autre, chu-
chotant, secouant ou hochant la tête, comme si le destin du
monde entier dépendait du résultat de leurs conciliabules.
Crocodile et Caméléon étaient de très bons amis.
Un jour, alors qu’ils allaient reprendre chacun leur
chemin. Crocodile invita Caméléon à dîner. « Viens chez
moi, au fond du lac », dit-il, « et toute ma famille t’offrira
un délicieux repas, et ensuite, nous passerons un agréable
moment ensemble. Dès que tu me verras remonter à la sur-
face, tu sauteras dans le lac, et je t’emmènerai chez moi. » Ils
convinrent du jour et de l’heure. Caméléon remercia Cro-
codile de sa gentillesse, et ils prirent congé l’un de l’autre.
Au jour fixé, Caméléon se rendit au bord du lac avec
un bâton. Pendant que Caméléon attendait, Crocodile ras-
sembla sa femme et ses enfants dans leur salle de séjour au

157
Raouf MAMA

fond du lac et leur dit : « Réjouissez-vous ! Réjouissez-vous !


Caméléon, dont je suis devenu l’ami, va venir nous voir ! Il
va nous régaler d’un plat particulièrement délicieux ! Je ne
peux pas vous dire quel mets raffiné il va faire ! La chair de
Caméléon est si savoureuse ! » Conclut-il, et, roulant des
yeux, il fit claquer ses mâchoires.

Sur ces mots, Crocodile partit à la rencontre de son


ami. Il y eut de violents remous à la surface du lac lorsqu’il
apparut et s’approcha du rivage à grand bruit, ses mâchoires
gigantesques grand ouvertes. Comme pour mettre son ami
à l’épreuve, Caméléon jeta son bâton dans l’eau. Croyant
que Caméléon lui-même avait plongé dans le lac, Croco-
dile s’élança et, avec un craquement à vous glacer le sang,
referma ses énormes mâchoires sur le bâton.
Tremblant de terreur, le cœur battant à tout rompre,
Caméléon s’enfuit du rivage et grimpa dans l’arbre le plus

158
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

proche. Puis il se mit à l’abri, et se fondant dans le feuil-


lage, il s’écria : « Que serais-je devenu si je n’avais pas jeté
mon bâton dans le lac pour mettre mon ami à l’épreuve !
Dieu merci ! Je ne suis pas entré dans l’eau pour aller à la
rencontre de Crocodile comme il m’avait dit de le faire,
car ce n’est pas en tant que son hôte mais au fond de son
ventre que j’aurais fini. Notez bien ! Notez bien ! Vous qui
m’écoutez ! Prudence est mère de sûreté ! »
Et ce fut ainsi que Caméléon se mit à enseigner la pru-
dence et la sagesse. Sauf lorsqu’il se trouve en danger, il
marche avec grande précaution, réfléchit longuement, pro-
fondément avant d’avancer un pied et, prend la couleur de
l’endroit où il se trouve.
Dans le folklore fon, on considère Caméléon comme le repré-
sentant de Sègbo Lissa, créateur du monde, distributeur de richesses
et source de sagesse. Dans ce conte explicatif, le conteur se sert de la
sagesse de Caméléon pour expliquer pourquoi il se déplace lentement
et change de couleur. Mais ce conte est avant tout un conte moral qui
met en garde les gens contre le fait d’accorder leur confiance à un « ami »
sans l’avoir mis à l’épreuve au préalable.

159
La colère du faucon
U n jour, il y a de cela bien longtemps, un bébé faucon
tomba malade. Pendant des jours et des jours,
il resta couché dans son nid, tout frissonnant, refusant
de prendre toute nourriture ou boisson. Maman Faucon
connaissait beaucoup de plantes, et jamais auparavant elles
n’avaient manqué de la satisfaire. Avec des feuilles d’acacia
et d’autres herbes médicinales, ainsi que des racines, elle
prépara diverses potions, mais le petit continuait à fris-
sonner, s’affaiblissait et maigrissait de jour en jour. Tel un
incendie qui se propage dans l’herbe sèche, la maladie qui
consumait Bébé Faucon semblait inextinguible.
Ce fut alors que maman Faucon décida d’emmener le
petit chez Lézard, le plus grand guérisseur du pays. Lézard
vivait loin, très loin, dans un petit village à l’autre bout du
royaume, mais, pour son bébé. Maman Faucon serait allée
n’importe où. Elle l’attacha sur son dos à l’aide d’un bout
de tissu, et s’envola, tout en chantant :
« Je volerai jusqu’au bout de la terre,
Tant que tes souffrances je n’aurai calmées,
Et ne t’aurai rendu vigueur et santé,
De repos je ne prendrai. »
Maman Faucon vola longtemps, très longtemps, elle
survola des collines et des vallons, des rivières au cours
rapide et des forêts aux arbres imposants. Elle vola comme

163
Raouf MAMA

elle n’avait jamais volé de sa vie, au milieu des tourbillons


de vent, et par une chaleur accablante, en direction de la
demeure du plus grand guérisseur du pays.
Lézard fut quelque peu étonné lorsque maman Faucon,
son bébé attaché au dos, descendit en tournoyant au-des-
sus de sa concession. « Que me vaut cette visite surprise ? »
demanda Lézard en regardant le visiteur inattendu avec
étonnement.
« Bébé Faucon est gravement malade », haleta maman
Faucon. « Aide-moi, je t’en prie ! »
Lézard prit le petit oiseau, et le tenant serré dans ses
mains, écouta les battements de son cœur et sa respiration.
Hochant la tête à plusieurs reprises, il posa le petit faucon
sur une natte et soupira : « Ce petit est vraiment malade »,
dit-il, « mais il n’est pas trop tard pour le sauver. »
Lézard appela vite son premier-né : « Cours jusqu’à la
place du marché », lui dit-il, « achète un pot de terre et sept
noix de cola. Bébé Faucon est gravement malade, et il faut
que nous le sauvions. Le fils aîné de Lézard sortit en toute
hâte de la maison pendant que Lézard s’affairait à ramasser
des racines et des feuilles pour préparer une potion qui
guérirait petit Faucon de sa maladie.
Lézard eut tôt fait de rassembler les racines et les feuilles
dont il avait besoin. Il ne manquait que le pot de terre et les
noix de cola. Lézard guettait le bruit de pas de son premier-
né, s’attendant à ce qu’il franchisse la porte à tout moment.
Et pendant qu’il attendait, Bébé Faucon était couché sur la
natte, tout frissonnant, et refusait toute nourriture ou bois-
son. Pour s’occuper, Lézard vérifia les racines et les feuilles
qu’il avait ramassées, s’assurant que rien ne manquait. Puis,

164
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

à nouveau, il prêta l’oreille, guettant le pas de son pre-


mier-né, mais il n’entendait rien d’autre que la respiration
haletante de Bébé Faucon et les sanglots de désespoir de
maman Faucon. Exprimant l’inquiétude grandissante qu’il
ressentait, il dit :
« Pourquoi mon premier-né n’est pas de retour, je ne
sais vraiment pas !
Le marché n’est qu’à deux pas ! »
Et sur ces mots, Lézard sortit à la recherche de son pre-
mier-né. Il alla droit à la place du marché, et courant de-ci,
de-là, demanda aux potières et aux marchandes de cola, et
à toutes les personnes présentes si quelqu’un avait vu son
premier-né. Mais nul ne l’avait vu. Il le chercha dans la
brousse à l’entour, parcourut d’innombrables sentiers, mais
ses recherches furent vaines. Comme Lézard revenait sur
ses pas, il pensait aux ravisseurs d’enfants et aux bêtes qui
rôdent, réputées pour être prêtes à fondre sur l’imprudent.
Une grande peur l’envahit, et il s’écria :
« Où, où donc le petit est-il allé ?
Je crains qu’un malheur ne lui soit arrivé ! »
Ce fut alors qu’au loin, il vit dame Poule et une couvée de
poussins qui, à coups de bec, s’attaquaient à quelque chose
qui se trouvait par terre. Il s’approcha, et là, à la merci de
dame Poule et de ses poussins voraces, gisait le corps déchi-
queté de son premier-né. Lézard poussa un cri déchirant.
Brusquement saisi d’une rage folle, il eut envie de tomber
sur dame Poule et ses poussins et de leur tordre le cou,
mais il savait qu’il n’était pas de force à lutter contre eux. Il
resta là un moment, incapable de dire mot, tout tremblant,
le visage inondé de larmes. Puis, il s’écria :

165
Raouf MAMA

« Vous avez osé tuer mon enfant chéri, mon premier-né !


De par votre cruauté, nous voici à jamais ennemis jurés ! »
Dame Poule et les poussins levèrent les yeux un moment
et puis se remirent à picorer leur proie.
Quand Lézard rentra chez lui, il trouva maman Faucon
également en pleurs, et qui s’arrachait les plumes, car Bébé
Faucon n’était plus. Comme maman Faucon écoutait la
tragique histoire de Lézard, son chagrin se mua en une rage
folle contre dame Poule et ses poussins.
« En tuant ton premier-né, ils ont tué mon petit aussi »,
s’écria maman Faucon. « Que je souffre mille morts si
je ne fais pas subir à dame Poule l’atroce douleur qu’elle
nous a causée à toi et à moi. » A peine eut-elle prononcé
ces mots qu’elle déploya ses ailes, prit son essor et s’éleva
de plus en plus haut pour disparaître complètement. Un
moment plus tard, on put voir un point qui bien haut dans
le ciel, planait au-dessus de l’endroit où dame Poule et ses
poussins restaient à donner des coups de bec à la carcasse
du premier-né de Lézard. Puis, telle la foudre qu’on aurait
lancée du haut du ciel, maman Faucon fondit vers la terre.
Il y eut un déchaînement de cris et de pépiements comme
dame Poule et ses petits, affolés, couraient se mettre à l’abri,
puis, maman Faucon s’éleva rapidement dans les airs, un
poussin emprisonné dans ses serres. Dame Poule essaya
de voler à la poursuite de maman Faucon, mais elle n’était
pas faite pour voler. Comme elle retombait à terre, hurlant
et maudissant maman Faucon, la voix de cette dernière
retentit, vindicative et triomphante :
« Le petit de Lézard et le mien tu as tués,

166
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

167
Raouf MAMA

Maintenant tu dois récolter la douleur que tu as semée.


Mes descendants et les tiens ne cesseront d’être en
conflit !
Mort à tous les poussins : tel est le prix du crime que tu
as commis ! »
Et depuis lors, conflit il y a toujours eu entre la pos-
térité de maman Faucon et celle de dame Poule. Il ne se
passe guère de jour sans qu’un faucon ne fonde sur la terre
et n’emporte un poussin. Et il en sera ainsi jusqu’à la fin
des temps, à moins que maman Faucon et dame Poule
qui depuis longtemps ont quitté ce monde, ne trouvent le
moyen de se réconcilier dans l’Au-delà.
Ce conte explicatif nous apprend pourquoi les faucons fondent
sur les poussins, phénomène familier aux gens qui vivent dans les zones
rurales. Comme les fables d’Esope et de La Fontaine ou les contes
amérindiens par exemple, les contes folkloriques fon prêtent souvent des
caractéristiques humaines aux animaux. Une étroite Interaction entre
les êtres humains et les animaux ou entre les êtres humains et les esprits,
est un trait important du folklore fon.
A ma connaissance, c’est le seul conte fon où Lézard apparaît en
tant que guérisseur. Traditionnellement, c’est Tortue qui joue le rôle de
guérisseur et de devin, et c’est ainsi qu’on la présente dans le conte :
« Comment Lièvre but de l’eau bouillante et épousa la belle princesse. »

168
Comment Lièvre but de l’eau
bouillante et épousa
la belle princesse ?
M on histoire prend son essor, survole contrées et
royaumes d’antan et vient se poser sur une prin-
cesse. Elle était célèbre dans tout le royaume de son père
pour ses yeux pétillants, l’éclat et la douceur de sa peau, ses
cheveux abondants d’un noir de jais et sa voix apaisante.
Tous ceux qui la voyaient étaient fascinés par sa beauté, et
beaucoup rêvaient de l’épouser. Quand fut enfin venu pour
elle le moment de se marier, une grande foule se rassembla :
hommes, bêtes et oiseaux vinrent tous demander sa main.
Tous firent serment de la rendre la femme la plus heureuse
du monde, et une grande clameur monta de la foule comme
chacun prétendait être le plus brave, le plus fort et le plus
beau. Le roi et la princesse firent de leur mieux pour écouter
chacun d’entre eux, mais c’était très déconcertant et ni l’un
ni l’autre ne savait qui choisir.
Aussi, le roi finit-il par décider qu’il mettrait les préten-
dants à l’épreuve. Il réfléchit longuement, profondément,
puis il fit savoir qu’il accorderait la main de sa fille à celui qui
serait assez brave pour boire dans une jarre d’eau bouillante.
On envoya des messagers parcourir tout le royaume pour
propager la nouvelle, et le jour fixé pour l’épreuve finit par
arriver. On remplit d’eau une jarre et on la posa sur un grand
feu de bois en plein milieu de la cour d’entrée du palais

171
Raouf MAMA

royal. Puis, on fit asseoir aux places d’honneur la princesse


et le roi, vêtus de leurs plus beaux atours, et ils attendirent.
L’eau ne tarda pas à arriver à ébullition, et un nuage de
vapeur s’éleva dans le ciel. Bientôt une grande foule se ras-
sembla, et le héraut proclama que tous ceux qui voulaient
tenter leur chance pour obtenir la main de la princesse
devaient se présenter. Un prince, habillé de beaux vêtements
de soie magnifique, se détacha de la foule, et s’avança hardi-
ment vers le feu. Il était grand, fort et de bonne apparence.
Un silence s’abattit sur la foule, lorsque, prenant un rouleau
de tissu pour se protéger les mains, il s’empara de la jarre
qui était sur le feu et la porta directement à ses lèvres. Un
instant, on crut qu’il allait réussir, mais une violente bouffée
de chaleur le frappa en plein visage, et il reposa rapidement
la jarre sur le feu et s’éloigna, tête basse. A tour de rôle,
d’autres princes, des nobles, des guerriers et des chasseurs
s’avancèrent, faisant grand étalage de leur bravoure, mais
malheureusement ils échouèrent tous, l’un après l’autre, et
honteux, ils s’esquivèrent furtivement.
Ce fut alors que le roi de la jungle, le puissant Lion,
sortit brusquement de la foule, sa crinière rutilant au soleil
et rugissant de toute la force de ses poumons. Il souleva la
jarre de ses pattes recouvertes d’un grossier coussinet et
l’approcha progressivement de sa bouche, mais la chaleur
de la vapeur qui s’échappait de la jarre était telle que même
lui ne put la supporter. Grimaçant de douleur, la mine ren-
frognée, lui aussi s’éloigna. Ce fut à ce moment qu’Aigle
arriva. Il descendit en tournoyant pour tenter sa chance,
s’approcha autant qu’il le put et pointa le bec vers l’eau, mais
la chaleur était telle que, vaincu, il dut repartir dans les airs.

172
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Puis suivirent Léopard, Eléphant, Singe, Hibou, Vautour


et bien d’autres princes, chefs et guerriers, mais aucun n’eut
assez de courage pour relever le défi.
Au fur et à mesure que le feu baissait, on rajoutait du
bois, et on versait à nouveau de l’eau dans la jarre de sorte
qu’elle était toujours remplie d’eau bouillante jusqu’au bord.
L’excitation fut grande quand Tortue sortit de la foule.
Tortue avait la réputation dans tout le pays d’être un grand
devin, et selon la rumeur, elle pouvait rendre l’eau bouillante
fraîche et agréable au goût. Tournant la tête à gauche, puis à
droite, elle se dirigea droit sur le feu qui brûlait avec ardeur
tout en chantant :
« Le feu brûle et dans la jarre,
L’eau fume, elle est bouillante,
Pour relever le défi je nie présente,
Que par la puissance de mes vénérables aînés,
L’éminente fraternité des devins,
Je puisse, pour changer, sur les autres l’emporter ! »
Se dressant sur ses pattes de derrière, Tortue souleva la
jarre et la porta à la bouche. Mais, même elle, avec tous ses
pouvoirs magiques, ne put surmonter cette épreuve.
Le roi ne pouvait revenir sur sa proclamation et comme
le jour tirait à sa fin, on commença à croire que la prin-
cesse devrait se passer de mari. Ce fut alors que Lièvre
sortit brusquement de la foule et s’approcha du feu en
trottinant, l’oreille au vent, un petit sourire malicieux vol-
tigeant sur ses lèvres. Il fit un petit salut à la foule, puis se
retourna et regarda pensivement la jarre. Le feu brûlait avec
ardeur. L’eau bouillait à gros bouillons, envoyant un nuage
de vapeur jusque dans le ciel. Lièvre prit un rouleau de

173
Raouf MAMA

tissu pour se protéger les pattes et puis, avec précaution, il


souleva la jarre fumante, la tint bien haut et se mit... à parler.
D’abord, il se tourna vers Lion et lui dit :
« Je viens tenter ce que personne de mémoire d’homme
n’a fait.
Je viens commettre la folie de boire de l’eau bouillante
et mourir de ce fait.
Mais derrière chaque acte de folie se trouve une raison,
Et pour moi, cette raison, c’est la force de l’amour et de
la passion.
Je t’en supplie, O Roi de la jungle – Lorsque je serai parti,
raconte mon histoire.
Qu’elle reste à jamais gravée dans toutes les mémoires. »
Lion acquiesça, puis Lièvre demanda successivement à
Aigle, Tortue, Singe, Éléphant et à tous les autres animaux de
raconter son histoire s’il venait à mourir après avoir bu l’eau
bouillante. Tous les animaux acquiescèrent silencieusement,
mais cela ne suffisait pas à Lièvre. Il se tourna vers les nobles
princes, les guerriers, et tous les puissants qui étaient rassem-
blés là, et les supplia de ne pas laisser son sacrifice sombrer
dans l’oubli. Il parla même au roi et à la princesse, et l’un et
l’autre acquiescèrent.
Puis s’adressant à toute la foule, il conclut :
« Racontez mon histoire à vos enfants
Et aux enfants de vos enfants,
Pour qu’en vain je ne meure.
Car quand nous partons,
Seule notre histoire demeure. »
La foule écoutait, sous le charme des paroles de Lièvre,
sans se rendre compte que l’eau bouillante s’était lentement
refroidie.

174
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Tenant toujours la jarre bien haut, Lièvre salua le roi, la


princesse, et finalement la foule. Puis, il abaissa lentement
la jarre à ses lèvres, et simulant une expression de grande
douleur, il but l’eau jusqu’à la dernière goutte. Une grande
acclamation monta de la foule comme tous se précipitaient
pour saluer le héros. Lièvre avait affronté la terrible épreuve
et il avait survécu !
On conduisit Lièvre au palais en grande pompe, et la
belle princesse et lui se marièrent. Ils vécurent heureux
ensemble, et le moment venu, il devint un grand roi, et ils
eurent beaucoup d’enfants, de petits-enfants et d’arrière-
petits-enfants.
Jusqu’à ce jour, les habitants de ce royaume ne se sont
toujours pas rendu compte que pendant tout le temps que
Lièvre les suppliait de raconter son histoire pour immortali-
ser son exploit, il attendait simplement que l’eau refroidisse !

Ce conte, qui repose sur une supercherie, sort quelque


peu de l’ordinaire dans la mesure où c’est Lièvre, et non pas Yogbo le
glouton, qui utilise la ruse. Mais Yogbo le glouton lui-même n’aurait
pas fait mieux. Cette histoire met en évidence la puissance de l’art
du conteur.
Ici, comme dans beaucoup d’autres contes du folklore fon, les bêtes
et les êtres humains s’unissent dans le mariage. En général, il n’en
est pas ainsi dans les contes folkloriques de l’Europe occidentale. On
peut soutenir que cela montre une croyance selon laquelle, au-delà de
toutes les différences, il y a une affinité fondamentale entre les êtres
humains et les animaux.

175
L’Origine des crocodiles,
poissons
et autres bêtes aquatiques
I I était une fois dans un village, sur la rive d’un fleuve
puissant, un homme très malade qui, au seuil de la
mort, convoqua ses deux fils et leur dit :
« O mes enfants, ma fin approche :
Voici mes instructions, je vous en prie, prêtez l’oreille.
En toutes choses, l’un envers l’autre soyez fidèles.
Un cœur bon et affectueux, telle est la marque d’un
frère. »
Après sa mort, les deux frères s’installèrent ensemble.
Tous les deux cultivaient la terre, mais le plus jeune était
de santé plutôt fragile et souffrait souvent de divers maux,
tandis que l’aîné était fort et vigoureux. Bien qu’ils fussent
de force inégale et que l’un tirât plus de profit de la terre
que l’autre, ils vivaient en parfaite harmonie, partageant
les fruits de leur labeur en toute équité. L’esprit du père,
en contemplant ses enfants de l’au-delà devait sourire en
voyant avec quelle fidélité ils s’étaient conformés à ses
volontés.
Mais voilà que l’aîné ressentit le besoin de prendre femme
et il épousa une belle jeune fille d’un village voisin. Dès le
début, la femme prit le frère de son mari en aversion, car elle
le considérait comme un fardeau. Aussi dit-elle à son mari :
« Mon bien-aimé, tu es fort, économe et travailleur.
Que ton frère soit plus faible est vraiment regrettable.
Aussi sot que toi, je n’ai jamais vu ailleurs.

179
Raouf MAMA

Tu as laissé ton frère prendre plus qu’il ne lui revient. »


A cela, le frère répondit :
« Ma bien-aimée, je suis fort, économe et travailleur.
Que mon frère soit plus faible est sûrement regrettable.
Mais un cœur bon et affectueux, telle est la marque d’un
frère.
Rien ne peut rompre ce lien de la fraternité. »
Voyant que ses paroles ne trouvaient pas grâce aux yeux
de son mari, la femme se tut, mais au fond de son cœur gran-
dit une haine de plus en plus forte pour le frère de son mari.
Une autre année s’écoula, et les frères étaient toujours
aussi proches l’un de l’autre. La mauvaise santé cloua le
cadet à sa natte pendant de nombreux jours. Cependant, il
ne connut ni la faim ni le besoin, car son frère aîné prenait
bien soin de lui.
Mais la femme du frère aîné ne l’entendait pas ainsi. Un
soir, après avoir servi son repas à son mari, elle lui dit :
« Mon bien-aimé, tu es fort, économe et travailleur.
Que ton frère ne puisse travailler autant est regrettable.
Mais pourquoi, pourquoi faut-il donc que tu le gâtes et
le dorlotes ainsi ?
Que celui qui n’a pas semé ne récolte pas le fruit du
labeur d’autrui. »
A cela, le frère aîné répondit :
« Ma bien-aimée, je suis fort, économe et travailleur.
Que mon frère ne puisse travailler autant est regrettable,
Mais par les liens de la fraternité nous sommes unis.
Restons fidèles l’un à l’autre, dans la santé comme dans
la maladie. »
Cette fois encore, voyant que ses paroles ne trouvaient
pas grâce aux yeux de son mari, la femme se tut, mais au

180
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

fond de son cœur la haine qu’elle éprouvait pour le jeune


frère de son mari ne cessa de grandir.
Une autre année passa, et les deux frères vivaient exacte-
ment comme le leur avait ordonné leur père, mais la plupart
du temps, la mauvaise santé du plus jeune l’empêchait de
travailler. L’aîné dut travailler deux fois plus que l’année pré-
cédente, mais il prenait bien soin de son frère, et s’assurait
qu’il ne connaissait ni la faim ni le besoin.
Mais la femme du frère aîné ne l’entendait pas ainsi. Un
soir, alors qu’ils s’apprêtaient à se coucher pour dormir, la
femme dit à son mari :
« Voici venu le moment de te décider,
Ou tu gardes ton frère et demeures le plus grand sot de
la terre,
Ou tu viens avec moi et deviens le plus riche parmi tes
pairs,
Mais tu ne peux conserver et ton frère et ta bien-aimée. »
A cela, le frère aîné ne fit pas de réponse. Toute la nuit,
il tourna et se retourna sur sa natte, déchiré qu’il était entre
l’amour qu’il portait à sa femme et la loyauté qui le liait à
son jeune frère. Lorsqu’un coq vint percer de son cocorico
l’air serein qui précède l’aube, les paroles de sa femme ne
cessaient de retentir à ses oreilles :
« Voici venu le moment de te décider,
Ou tu gardes ton frère et demeures le plus grand sot de
la terre,
Ou tu viens avec moi et deviens le plus riche parmi tes
pairs,
Mais tu ne peux garder et ton frère et ta bien-aimée. »
Ce fut alors qu’il lui vint une vision de sa bien-aimée lui
prodiguant toute son affection dans une nouvelle demeure

181
Raouf MAMA

ainsi que la promesse d’immenses richesses. Il fut tellement


séduit par cette vision qu’il frémit en pensant aux longues
années de dur labeur sans repos, et à toutes les privations
qu’il lui faudrait endurer au cas où, par égard pour son frère,
il laisserait partir sa bien-aimée.
Et c’est ainsi que lorsque sa femme le secoua pour le
réveiller et lui dit qu’elle avait emballé toutes leurs provi-
sions et leurs effets et que la pirogue était prête, il chassa
son frère de son cœur et la suivit. Tout le village dormait
encore quand le frère aîné et sa femme entreprirent le long
périple qui devait les mener en amont du fleuve.
La lune brillait d’un vif éclat, transformant la surface du
fleuve en une vaste nappe argentée qui ondoyait doucement
au gré du vent. Il n’y avait pas âme qui vive en vue, hormis
les deux pagayeurs qui remontaient le fleuve en pirogue en
direction d’une nouvelle demeure et une nouvelle vie. Mais
ce fut alors que les nuages qui, au départ, ne formaient
que quelques taches d’un bleu pastel, disséminées dans le
ciel qu’éclairait la lune, devinrent de plus en plus grands, et
prirent la sombre teinte de nuages d’orage. Bientôt l’éclat de
la lune, le scintillement des étoiles s’estompèrent progres-
sivement pour faire place aux ténèbres, le vent augmenta
de force, et le fleuve se transforma en une redoutable
masse d’eau houleuse. L’homme et la femme pagayaient
avec acharnement, désespérément, se guidant à la lueur des
éclairs qui sillonnaient le sombre ciel en tous sens.
Aucun des deux ne disait mot à l’autre, mais le péril qui
s’annonçait à l’horizon leur donnait à tous deux le désir de
retourner au foyer qu’ils avaient déserté, vers ce frère qu’ils

182
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

avaient abandonné. Cependant, ils continuèrent leur route,


espérant, à force de volonté, venir à bout de l’adversité.
Soudain, un coup de tonnerre assourdissant fit trembler
le ciel, et la pluie se déversa en trombes. La pirogue se rem-
plit rapidement d’eau en dépit des efforts frénétiques des
voyageurs pour écoper. Voyant l’inutilité de leurs efforts, ils
jetèrent leurs calebasses, dans une ultime et folle tentative
pour reprendre de la vitesse, espérant envers et contre tout
arriver à bon port. A ce moment-là, la pirogue qui, rem-
plie d’eau à ras bords, était le jouet des vagues, s’enfonça
lentement vers le fond du fleuve. Pendant un moment, on
entendit deux voix hurler au secours, et puis ce fut le silence.
Plus tard dans la journée, deux bêtes recouvertes d’écail-
lés avec de gros naseaux, des yeux globuleux et une énorme
queue, sortirent en nageant des profondeurs du fleuve et, en
rampant, traversèrent le village jusqu’à la maison où avaient
habité le frère aîné et sa femme.

183
Raouf MAMA

Frappés d’horreur, les villageois se saisirent de pierres et


de bâtons et refoulèrent les deux crocodiles jusqu’au fleuve.
Le jeune frère, ainsi que tous les villageois, s’étonna de la
disparition de son frère et de sa femme et de l’apparition
des deux monstres. Mais ce qui liait les deux événements
restait un mystère pour tous.
Ce ne fut que lorsque le chef du village envoya chercher
le bokonon, et qu’on eut consulté l’oracle que le voile du
mystère fut levé. Voici ce que dit le devin :
« Un mari et sa femme qui traversaient le fleuve en
pirogue ont provoqué la colère du dieu du fleuve en aban-
donnant un proche parent alors qu’il avait besoin d’eux.
Leur pirogue a coulé par temps d’orage et lorsqu’ils se
sont noyés, l’homme et la femme se sont transformés en
d’horribles et méchantes bêtes aquatiques qui, jusqu’à la
fin des temps, serviront à rappeler leur cruauté. Mais dans
sa bonté infinie, le dieu du fleuve a changé la nourriture et
les provisions qu’ils transportaient en poissons, crabes et
nombreuses autres bêtes, source de vie, afin de procurer
toute l’année de la nourriture aux villageois et à tous les
habitants de la terre ainsi qu’aux crocodiles. »
Et il en a été ainsi jusqu’à ce jour.

Cette histoire, de même que le conte : « La danse de la


misère » souligne l’importance de l’amour et de la compassion et les
dangers de l’égoïsme et du manque de bonté. La métamorphose du
frère aîné et de sa femme en crocodiles d’un côté, et la transformation
de leurs provisions en source de nourriture pour toute l’humanité ainsi
que pour les crocodiles, est une puissante leçon morale empreinte d’une

184
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

grande ironie. Cette histoire illustre aussi l’idée que l’on se fait dans la
société fon traditionnelle de la femme en tant que tentatrice. La société
fon traditionnelle est une société patriarcale où dans de nombreux
cas on rejette le tort sur la femme. Par exemple, on raconte souvent
l’histoire d’une femme qui, de son pilon, frappant continuellement le
ciel, l’envoya occuper la position élevée qu’il a aujourd’hui.

185
PARCOURS N°13
Conte 13 : 155-159
Comment caméléon devint source de sagesse

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Comment Crocodile compromet-il son amitié avec
Caméléon ?
2. Pourquoi Caméléon est sorti sain et sauf de son piège ?
3. Tu donnes la structure du conte en distinguant les
quatre phases d’un récit narratif.
4. Ce conte est-il ascendant ou descendant ?

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants : se
chauffer au soleil (p. 157 ; l. 2-3) ; à grand renfort (p. 157 ;
l. 7) ; non loin (p. 157 ; l. 9) conciliabules (p. 157; l. 12) ;
nous régaler (p. 158 ; l. 3) ; de violents remous (p. 158 ; l.
8) ; mettre son ami à l’épreuve (p. 158 ; l. 10-11) ; le cœur
battant à tout rompre (p. 158 ; l. 15) ; se mit à l’abri (p.
159 ; l. 1) ; hôte (p. 159 ; l. 6) ; prudence (p. 159; l. 8) ;
avec grande précaution (p. 159 ; l. 11).
2. Tu apportes le paronyme et l’antonyme de rivage.
3. Tu décomposes le mot raffiné et tu donnes deux
verbes de même famille.
4. Peux-tu relever quatre (4) mots ou expressions
relevant du champ lexical de plat (p. 158; l.3) ?

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE


ET LE TEMPS
1. Tu relèves le 1er emploi du passé simple de l’indicatif
dans le texte. Comment marque-t-il une autre phase
du récit ?

lv
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

2. Quel est le temps verbal de viens (p.157, l.15) et à


quel type de texte répond-il ?
3. Comment le futur simple de l’indicatif traduit-il le
souhait du Crocodile ?
4. Combien de paragraphes ce conte comporte-t-il ?
Peux-tu y relever tous les types et toutes les formes
relatifs à la phrase ?
5. « Parfois, on les voyait étendus non loin l’un de l’autre » (p.
157 ; l. 10) ? Comment peux-tu justifier l’accord
du participe passé étendus ? Peux-tu construire une
phrase suivant ce modèle ? Comment peux-tu
réécrire la phrase si tu dois mettre étendus à l’infinitif ?
6. Quels sont, dans le 1er paragraphe, les adjectifs
indéfinis qui traduisent la complicité des amis ?
7. Tu relèves les différents déterminants se rapportant
au mot arbre ? Pourquoi passe-t-on de l’indéfini au
défini ?
8. Tu réécris le 4ème paragraphe du conte au présent de
l’indicatif en remplaçant Crocodile par tu et Caméléon
par je.

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les amis
1.1. Caméléon
1.1.1. Il est un être rusé. Vrai ou faux ? Tu justifies.
1.1.2. Pourquoi se méfie-t-il de Crocodile ?
1.1.3. A sa place, te méfierais-tu ?
1.1.4. Il symbolise la sagesse et la prudence. Quel
trait te plaît-il chez lui ?

lvi
Guide pédagogique

1.2. Crocodile
1.2.1. Il n’est pas un homme de parole. Vrai ou
faux.
1.2.2. L’amitié a-t-elle une valeur pour lui ?.
1.2.3. Sa famille est-elle différente de lui ?
1.2.4. Est-ce un exemple à suivre ?
2. Leur domicile et leur intérêt commun
2.1. L’arbre
2.1.1. Que représente-t-il dans la croyance
populaire ?
2.1.2. Comment comprends-tu son choix comme
domicile de Caméléon ?
2.1.3. A-t-il sauvé Caméléon ?
2.1.4. Pouvait-il s’en sortir sans le bâton ?
2.2. Le lac
2.2.1. Le lac héberge la famille de Crocodile. Vrai
ou faux ?
2.2.2. C’est un opposant à Caméléon ?
2.2. Le soleil
2.2.1. Il constitue l’intérêt commun aux deux amis.
Vrai ou faux ?
2.2.2. Il représente le Feu. Est-ce exact ?

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Avant la leçon du conteur, le personnage Caméléon
en propose une. Peux-tu la relever ?
2. Tu cherches la leçon de Jean de la Fontaine dans la
fable « Le Chat et le Vieux Rat » puis tu la compares
à la leçon de Caméléon.

lvii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

3. L’italique à la fin du conte indique la leçon de


l’auteur. Quelle est-elle ?
4. Peux-tu fabriquer une chanson de quatre vers pour
formuler la tienne ?

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu cites tous les éléments de l’illustration de
Laudamus Sègbo.
2. La 1ère illustration de ce conte répond-elle à un
passage du conte ?
3. La 2ème illustration propose la fuite de Caméléon.
Tu le justifies ?
4. Quelles sont les couleurs utilisées ? Peux-tu leur
donner une valeur ?

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu rédiges une autre fin à ce conte en indiquant
que Caméléon a manifesté une grande confiance
en son ami.
2. Tu produis, en cent mots, un texte descriptif dans
lequel tu fais le portrait de ton animal favori.
3. Tu écris un texte injonctif pour décourager la
trahison.
4. Tu t’inspires de l’illustration de Laudamus Sègbo
pour produire un conte sur la sagesse.

lviii
Guide pédagogique

PARCOURS N°14
Conte 14 : 161-168
La colère du faucon

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Qui est malade ?
2. Où se rend Maman Faucon pour résoudre son
problème ?
3. Tu donnes l’élément perturbateur dans ce conte.
4. Tu justifies le registre pathétique dans ce conte.

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
herbes médicinales(p. 163 ; l. 7) ; potions (p. 163; l. 8) ;
vallons(p. 163 ; l .23) ; une chaleur accablante (p. 164; l.
2) ; respiration haletante (p. 165 ; l. 2-3) ; ravisseurs (p.
165; l. 16) ; le corps déchiqueté (p. 165 ; l. 24-25) ;ennemis
jurés (p. 166 ; l. 2) ; carcasse (p. 166 ; l. 18) ; serres(p.
166 ; l. 24) ; vindicative (p. 166 ; l. 28) ; être en
conflit (p. 168 ; l. 2-3).
2. Tu décomposes inextinguible (p.163, l.11) et tu en
donnes le verbe dérivé et les mots de même famille
que lui.
3. Tu donnes le féminin de premier-né (p.164, l.16) et
tu retrouves un mot composé avec « né » dont tu
donnes aussi le féminin. Tu compares.
4. Tu repères son synonyme dans le même passage et
tu trouves 4 homonymes de serres que tu emploies
dans des phrases.

lix
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE


ET LE TEMPS
1. Quel est le temps employé dans la chanson de
Maman Faucon ? Quelle valeur donnes-tu à ce
temps ?
2. Quel effet produit l’ordre des mots dans les
lamentations et les menaces de Maman Faucon ?
3. Quel type d’accord verbal est employé dans ces
phrases ? Tu justifies les terminaisons des participes
passés.
4. Tu relèves toutes les phrases exclamatives du conte.
Quelle est la valeur des exclamations dans ses
phrases ? Ont-elles les mêmes valeurs ?
5. Tu fais l’analyse logique de « En tuant ton premier-né,
ils ont tué mon petit aussi » (p.166, l.10).
6. Tu donnes la nature et la fonction des mots suivants :
que (p.168, l.1) ; celle (p.168, l.7) ; monde (p.168,
l.11).
7. Tu réécris le premier paragraphe de la page 166 au
futur antérieur. Quel effet cette réécriture apporte-
t-elle au mode de narration ?

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les animaux
1.1. Maman Faucon
1.1.1. A quelle famille d’oiseaux appartient-elle ?
1.1.2. C’est une bonne mère. Tu justifies.
1.1.3. « Elle l’attacha sur son dos à l’aide d’un bout de
tissu ». Tu justifies l’idée de faire porter Bébé
faucon sur le dos de sa mère alors que celle-ci
est un oiseau ?

lx
Guide pédagogique

1.1.4. Tu relèves les mots et les expressions qui


ont rapport avec son état d’âme et tu en
détermines le champ lexical.
1.1.5. Comment manifeste-t-elle son chagrin suite
à la perte de son fils ?
1.1.6. Comment expliques-tu que ce ne soit pas
elle qui mange le fils de Lézard ou Lézard
lui-même ?
1.1.7. Tu apprécies sa réaction. Aurais-tu réagi
différemment à sa place ?
1.2. Lézard
1.2.1. A quelle classe d’animaux appartient-il ?
1.2.2. Pourquoi est-il surpris de voir Maman
Faucon dans sa concession ? Tu formes le
champ lexical de la surprise.
1.2.3. Est-ce un bon guérisseur ? Comment le
décrit-on dans le conte ?
1.2.4. A-t-il pu sauver Bébé Faucon ?
1.2.5. Il est adjuvant. Vrai ou faux ?
1.2.6. Tu relèves le champ lexical de la douleur et
du chagrin en ce qui le concerne.
1.3. Premier-né de Lézard
1.3.1. C’est un fils obéissant. Vrai ou faux ?
1.3.2. Pourquoi n’est-il pas revenu ?
1.4. Dame Poule
1.4.1. Est-elle adjuvant ou opposant ?
1.4.2. Elle est cruelle et stupide. Vrai ou faux ?
1.4.3. Peux-tu savoir pourquoi elle a picoré le
premier-né de Lézard ?
1.4.4. Combien de temps durera la vengeance de
Maman Faucon sur les poussins de Dame
Poule.

lxi
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.4.5. Dame Poule et Maman Faucon appartiennent-


elles au même ordre ?
1.4.6. Tu repères le nom du cri des poussins.

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Quel sentiment t’anime à la lecture des paroles du
chant de Maman Faucon (p.163) ?
2. A quel autre genre l’auteur assimile ce conte ?
3. Tu cites une fable que tu connais ainsi que l’auteur
de cette fable.
4. Pourquoi l’auteur affirme-t-il que le conte est de
type explicatif ?
5. La tortue et le lézard appartiennent à la même
classe. Vrai ou faux ?

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu cites tous les éléments du décor de Laudamus
Sègbo.
2. Quel passage du conte a-t-il cherché à immobiliser ?
3. Tu interprètes la scène.

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu dis pourquoi ce conte est merveilleux.
2. Tu réécris le conte de sorte que Bébé Faucon soit
sauvé.
3. Tu rédiges un texte injonctif de 10 phrases dans
lequel tu énonces les qualités d’une bonne mère.
4. La vengeance de Maman Faucon a-t-elle ressuscité
son fils ? Tu montres dans un texte argumentatif de
20 lignes l’absurdité de toute vengeance.

lxii
Guide pédagogique

PARCOURS N°15
Conte 15 : 169-175
Comment Lièvre but de l’eau bouillante
et épousa la belle princesse ?

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Qui a épousé la princesse ?
2. Tu cites tous les prétendants de la princesse.
3. Tu donnes la structure du conte en distinguant les
quatre phases d’un récit narratif.
4. Ce conte est-il ascendant ? descendant ?

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
fascinés (p. 171; l.6) ; clameur (p.171 ; l.10) ; atours
(p.172 ; l.2) ; ébullition (p.172, l.3) ; hardiment (p.172 ;
l.8-9) ; avec ardeur (p.173 ; l.11) ; sombrer dans
l’oubli (p.174, l.20-21) ; sous le charme (p.174, l.29) ;
simulant (p.175 ; l.3) ; en grande pompe (p.175 ; l.8) ;
supercherie (p.175 ; l.17).
2. Tu repères les mots de la même famille que clameur
dans le conte.
3. Tu donnes un homonyme de héraut (p.172, l.5).
4. Peux-tu relever quatre (4) mots ou expressions
relevant du champ lexical de la chaleur ?

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE


ET LE TEMPS
1. Quel est le temps verbal de refroidisse ? (p.175, l.16).
Tu expliques la concordance de temps dans cette
phrase.

lxiii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

2. Combien de phrases compte le 3ème paragraphe de la


page 173 ? Tu dis le type et la forme de ces phrases.
Tu repères les groupes verbaux.
3. Tu retrouves dans le conte une phrase négative que
tu transformes en phrase affirmative. Quel effet
cette réécriture apporte-t-elle dans l’évolution du
conte ?
4. Tu fais l’analyse logique de la 3ème phrase du 1er
paragraphe. (p. 171, l. 8-9)
5. Tu fais l’analyse grammaticale d’airs (p. 172, l. 30),
ciel (p. 173, l. 30). Puis tu précises ce que représentent
ces espaces.
6. Tu réécris le 3ème paragraphe de la page 174 au
conditionnel passé première forme en remplaçant
la foule par Nous et le lièvre par Tu.

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Le roi
1.1.1. « Le roi et la princesse firent de leur mieux pour écouter
chacun d’entre eux, mais c’était très déconcertant et
ni l’un ni l’autre ne savait qui choisir. » (p.171,
l.13-15). Pourquoi veut-il marier sa fille ?
1.1.2. Quelle épreuve a-t-il proposé aux préten-
dants ?
1.2. La princesse
1.2.1. Tu relèves ses qualités physiques et morales.
1.2.2. Tu formes le champ lexical de la beauté.
1.2.3. Aime-t-elle le lièvre ?

lxiv
Guide pédagogique

1.3. Le prince
1.3.1. «Un prince, habillé de beaux vêtements de soie
magnifique, se détacha de la foule, et s’avança
hardiment vers le feu. Il était grand, fort et de bonne
apparence. » (p.172, l.7-9). Ce prince aurait-il
pu remporter l’épreuve ?
1.3.2. Est-il intelligent ? brave ? idiot ?
1.3.3. « d’autres princes, des nobles, des guerriers et des
chasseurs ». Ont-ils fait mieux que lui ?
2. Le monde animal
2.1. Le lion
2.1.1. Par quelle expression le désigne-t-on ?
2.1.2. Il est plus fort que le lièvre. Vrai ou faux ?
2.1.3. A-t-il remporté l’épreuve ?
2.2. L’aigle
2.2.1. Que représente parmi les oiseaux ?
2.2.2. Comment comprends-tu son choix comme
animal sacrificiel ?
2.2.3. Pourquoi ne lui a-t-on pas donné la parole
dans le conte ?
2.3. La tortue
2.3.1. Comment est-elle décrite dans le conte ?
2.3.2. Sur quoi reposait-elle pour vaincre les autres
prétendants ?
2.3.3. Elle est la dernière prétendante. Vrai ou faux.
2.4. Le lièvre
2.4.1. « …Lièvre demanda successivement à Aigle, Tortue,
Singe, Éléphant et à tous les autres animaux de
raconter son histoire s’il venait à mourir après
avoir bu l’eau bouillante. » (p. 174, l. 14-17).
Qu’essaie-t-il de faire ?

lxv
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

2.4.2. Il est très intelligent. Vrai ou faux.


2.4.3. Peux-tu dire qu’il est le héros de ce conte ?
2.4.4. Comment a-t-il réussi à remporter l’épreuve
et épouser la princesse ?
2.4.5. Est-il fou ?
2.4.6. « Je viens commettre la folie de boire de l’eau
bouillante et mourir de ce fait. » (p.174, l.6-
7). Es-tu de son avis ?
3. Le monde minéral
3.1. L’air est un adjuvant et un opposant dans le
conte. Vrai ou faux.
3.2. Le feu et le feu se sont opposés à tous les
autres prétendants. Vrai ou faux.
3.3. Le lièvre a vaincu l’opposition de l’eau et du
feu. Comment ?
3.4. L’air y a-t-il concouru ?

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. A quoi a servi les chants de Lièvre dans le conte ?
2. Pourquoi l’auteur compare le lièvre à Yogbo le
glouton ?
3. Quelle est la leçon que tu tires de ce conte ?

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu cites tous les éléments de l’illustration de
Laudamus Sègbo.
2. Quels sont les éléments qui manquent dans cette
illustration ?
3. Trouves-tu que cette illustration est conforme au
récit ? Tu justifies.

lxvi
Guide pédagogique

4. Quelles sont les couleurs utilisées ? Peux-tu leur


donner une valeur ?

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu expliques en quoi ce conte est fantastique et
merveilleux. Tu rédiges une autre fin à ce conte.
2. Que penses-tu de la force, de l’intelligence ? Tu
produis en deux cents mots un texte descriptif dans
lequel tu fais le portrait d’un camarade de classe fort
et un autre très intelligent.
3. Tu écris un texte injonctif à tes petits-enfants
imaginaires pour les encourager à cultiver
l’intelligence.

lxvii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

PARCOURS N°16
Conte 16 : 177-185
L’Origine des crocodiles, poissons
et autres bêtes aquatiques

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


4. Quelles étaient les volontés du père en mourant ?
5. Quelle est l’origine des crocodiles ?
6. Tu donnes la structure du conte en distinguant les
quatre phases d’un récit narratif.
7. Ce conte est-il descendant ? Tu justifies.

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
en parfaite harmonie (p. 179; l.14) ; équité (p.179 ;
l.15) ; aversion (p.179 ; l.21) économe (p.179 ; l.23) ;
dorlotes (p.180 ; l.21) ; pairs (p.181 ; l.16) ; loyauté (p.181 ;
l.20) ; ondoyait (p.182 ; l.13) ; bleu pastel (p.182 ; l.18) ;
s’estompèrent (p.182 ; l.21) ; en trombes (p.183 ; l.4) ;
efforts (p.183 ; l.5).
2. Tu emploies écoper (p.183 ; l.6) dans une phrase où
il prendra un autre sens. Pourquoi ?
3. Tu trouves deux (2) synonymes de bien-aimé
(p.219 ; l.7) et tu dis le registre de langue auquel ils
appartiennent. .
4. Peux-tu rechercher trois (3) homonymes de sot
(p.225; l.26) ?

lxviii
Guide pédagogique

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE


ET LE TEMPS
1. « Frappés d’horreur, les villageois se saisirent de pierres et
de bâtons et refoulèrent les deux crocodiles jusqu’au fleuve. »
(p. 184 ; 1.2). Quelle est la nature des verbes dans
cette phrases ?
2. A quel temps sont-ils conjugués ?
3. Combien de propositions comporte-t-elle ?
4. Tu donnes la nature et la fonction de frappés d’horreur.
5. « L’homme et la femme pagayaient avec acharnement,
désespérément, se guidant à la lueur des éclairs qui sillonnaient
le sombre ciel en tous sens. » (p. 182 ; 1. 25-26). Tu
distingues les groupes nominaux dans cette phrase.

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Le père
1.1.1. Il aime ses fils. Vrai ou faux.
1.1.2. Quelle est selon lui la marque d’un bon
frère ?
1.1.3. Il est content de ses fils. Vrai ou faux.
1.1.4. Est-il vraiment décédé ?
1.2. Le fils aîné
1.2.1. Tu relèves les adjectifs qualificatifs qui le
décrivent.
1.2.2. Il aime son petit frère. Vrai ou faux.
1.2.3. Pourquoi abandonne-t-il son frère ?
1.2.4. Est-ce juste de sa part ?
1.2.5. Il regrette son acte. Vrai ou faux.

lxix
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.3. Le cadet
1.3.1. Pourquoi ne peut-il travailler autant que son
frère ?
1.3.2. Tu identifies les mots et expressions relatifs
au champ lexical de la maladie.
1.3.3. « Le jeune frère, ainsi que tous les villageois, s’étonna
de la disparition de son frère et de sa femme et de
l’apparition des deux monstres. » (p.184, l.3-5).
Est-ce qu’il reconnaît les crocodiles ?
1.4. La femme du fils aîné
1.4.1. Que pense-t-elle de son mari ?
1.4.2. « Dès le début, la femme prit le frère de son mari en
aversion, car elle le considérait comme un fardeau. »
(p.179 ;1.20-22). Elle est jalouse de son beau-
frère. Vrai ou faux.
1.4.3. Elle est une mauvaise conseillère. Vrai ou faux.
1.4.4. C’est une bonne femme. Vrai ou faux. Tu
justifies.
1.4.5. Est-elle heureuse de ce qui lui arrive par la
suite ?
1.5. Les villageois
1.5.1. Ils sont effrayés. Vrai ou faux.
1.5.2. Ils auraient pu tuer les crocodiles et les
manger, n’est-ce pas ton avis ?
1.5.3. Quel est le rôle du Bokonon ?
1.5.4. Son explication rassure-t-elle les villageois ?
1.5.5. Peux-tu affirmer que la métamorphose est
bénéfique pour le village ?
2. Le monde animal
2.1. Les crocodiles
2.1.1. Qui sont-ils ?

lxx
Guide pédagogique

2.1.2. Tu retrouves le sens figuré de crocodile dans


le langage courant.
2.1.3. Tu dis si la métamorphose des personnages
en cet animal est judicieuse.
2.1.4. Pourquoi retournent-ils chez le frère cadet ?
2.1.5. Dans quel groupe d’animaux les classe-
t-on ? Sont-ils seulement aquatiques ?
3. Le monde minéral
3.1. L’eau est un espace hostile dans ce conte. Vrai
ou faux.
3.2. Quel élément symbolise le feu dans ce conte ?
3.3. Peux-tu savoir si l’eau est un instrument de la
punition divine ?
3.4. Tu identifies les autres phénomènes
atmosphériques opposants dans le conte.

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Tu expliques l’absence de chanson dans le conte.
2. Les dialogues jouent-ils dans ce conte un rôle
précis ?
3. Es-tu d’accord avec l’idée que se font les sociétés
fon de la femme ? Est-ce seulement chez les fon
que la femme est présentée sous un jour négatif ?
4. As-tu quelque chose à ajouter à la leçon donnée par
l’auteur dans sa critique, à la fin du conte ?

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Combien d’illustrations Laudamus Sègbo pro-
posent pour de ce conte ?
2. Quelles étapes du conte Laudamus Sègbo a-t-il
cherché à immobiliser ?

lxxi
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

3. Tu donnes un titre aux illustrations de ce conte.


4. Tu observes attentivement le premier tableau. Tu
en étudies la perspective et tu interprètes la position
et l’expression de chaque personnage les uns par
rapport aux autres.

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Peux-tu repérer dans le recueil un autre conte où
intervient la métamorphose. Tu dis si cela relève du
merveilleux ou du fantastique.
2. Tu réécris le conte de façon à modifier la fin du
récit. Le frère aîné refuse par exemple d’écouter sa
femme qui part seule.
3. Tu donnes ton opinion sur la fraternité dans un
texte argumentatif de 150.
4. Tu écris une lettre de 20 lignes à un ami qui vit à
l’étranger dans laquelle tu fais le portrait de ta sœur
et décris ton affection pour elle.
5. Tu t’inspires de l’illustration de Laudamus Sègbo
pour produire un reportage sur la vindicte populaire.

lxxii
Fourberies
de Yogbo le glouton
Pourquoi le bouc
sent mauvais ?
I I y a bien longtemps, du temps de nos ancêtres,
il était de coutume de donner une fête en action de
grâce lorsqu’on avait rentré toutes les récoltes. Chaque
année, lorsque les cultures commençaient à mûrir, on choi-
sissait dans le troupeau du roi un taureau pour l’offrir en
sacrifice, et on en confiait la garde à un membre honorable
de la communauté. Yogbo le glouton aurait donné n’im-
porte quoi pour qu’on lui demandât de garder le taureau
sacrificiel, ne fût-ce que pour une journée, mais tout le
monde savait qu’il ne fallait pas lui faire confiance.
Yogbo était un enjôleur. Il pouvait persuader un chien
féroce d’abandonner un os plein de moelle, aussi décida-t-il
de faire bon usage de sa langue. Passant d’une maison à
l’autre, Yogbo le glouton soutenait qu’il n’était plus le même
et que personne ne pouvait prendre soin du taureau sacri-
ficiel mieux que lui. Suppliant qu’on lui donne une chance
de faire ses preuves, il concluait :
« Hormis mon nom, en tout j’ai changé.
Mais semblables à vous-mêmes vous êtes restés,
Autrefois, mon nom était synonyme de gourmand,
Mais aujourd’hui, pas plus qu’il n’en faut je ne prends. »
A maintes reprises, on se moqua de lui et on le chassa,
mais il ne s’avoua pas vaincu. Chaque plaidoyer infructueux

191
Raouf MAMA

n’avait d’autre effet, semblait-il, que de tirer un flot de


paroles mielleuses de sa bouche et d’appliquer encore plus
étroitement le masque de la sincérité sur son visage. Peu à
peu, les gens commencèrent à prêter l’oreille à ses paroles,
et bientôt, même le roi fut disposé à donner une chance à
Yogbo le glouton.
C’est ainsi que, lorsqu’une autre année se fut écoulée, à
l’approche de la fête d’action de grâce, on prit un taureau
dans le troupeau du roi et on en confia la garde à Yogbo.
Pendant quelques jours, Yogbo ostensiblement s’occupa
du taureau, lui donnant à manger des bottes d’herbe verte
fraîchement coupée, le lavant régulièrement pour qu’il reste
propre. Ceux qui avaient quelque peu douté de ses inten-
tions envoyèrent leurs soupçons au diable, et tout le monde
s’accorda pour dire que Yogbo était effectivement le meil-
leur gardien jamais choisi.
Alors même qu’on louait Yogbo le glouton pour la façon
dont il prenait si bien soin du taureau sacrificiel, il lui vint,
cependant une grande envie de bœuf rôti assaisonné de sel,
poivre, oignon et crevette en poudre.
« Eh bien ! », pensa-t-il en se frottant le ventre quelque
peu rêveusement, tout en poussant un soupir de lassitude :
« Ne remets jamais à demain
Le repas qui aujourd’hui peut être tien.
Un excès de louanges nuit à la pensée,
Mon estomac vais-je donc écouter. »
En proie à de telles réflexions, trois jours avant cette fête
d’action de grâce, Yogbo ne cessait de se tourner et de se
retourner sur sa natte. Debout à la première lueur de l’aube,

192
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

il s’enfonça dans la forêt avec le taureau sacrificiel. Et là,


loin de tout regard humain, il le tua, le fit rôtir et le mangea
à lui tout seul. Il n’en laissa pas le moindre morceau, pas
même pour sa femme.
Mais à peine Yogbo eut-il mangé tout son content
qu’une grande peur l’envahit, car il entendit venir une voix,
qui, portée par la brise, criait :
« Le taureau sacrificiel tu as mangé
Et maintenant tout son prix tu dois payer.
Peut-être sa chair vaut-elle plus que toute louange
Mais comment au courroux du roi pourras-tu échap-
per ? »
« Vraiment, comment échapperai-je au courroux du roi ?
» répétait Yogbo le glouton, le front plissé par le souci. Le
menton dans le creux de sa main, longtemps il resta plongé
dans ses pensées. Puis son visage s’éclaira d’un sourire mali-
cieux. Il se leva et partit à la recherche d’un hibou qu’il avait
entendu ululer au loin. Quand Yogbo le trouva perché au
sommet d’un arbre, il l’implora :
« Je suis un homme en proie à de graves ennuis,
Un homme qui doit affronter le courroux du roi de ce
pays !
Entonne un chant à pareille heure demain,
Pour du bourreau arrêter la main,
Et tout le mil de mon grenier
Sera pour toi et les tiens. »
Cependant, le hibou ne voulait pas avoir à faire avec
Yogbo le glouton, et marmonnant à voix basse quelque
chose au sujet d’un homme pervers pris au piège de sa
propre perversité, le hibou s’envola, laissant Yogbo affron-

193
Raouf MAMA

ter seul ses ennuis. Ce fut alors que rasant les cimes des
arbres passa un faucon. Une fois de plus, Yogbo le glouton
éleva la voix en une prière :
« Je suis un homme en proie à de graves ennuis,
Un homme qui doit affronter le courroux du roi de ce
pays !
Entonne un chant à pareille heure demain
Pour du bourreau arrêter la main,
Et tous les poussins de ma ferme
Seront pour toi et les tiens. »
Mais Yogbo n’eut pas plus de chance avec le faucon
qu’il n’en avait eu avec le hibou, cependant, il ne voulait
pas s’avouer vaincu. S’enfonçant plus loin dans la forêt, il
tomba sur un canari qui chantait gaiement dans un buisson.
Une fois de plus, Yogbo supplia qu’on lui vienne en aide :
« Je suis un homme en proie à de graves ennuis,
Un homme qui doit affronter dans toute sa force la loi
de ce pays !
Entonne un chant à pareille heure demain
Pour du bourreau arrêter la main,
Et tous les grains de mon grenier,
Je te les offrirai à toi et aux tiens. »
Le canari s’arrêta de chanter, et Yogbo s’approcha,
implorant, suppliant le chanteur de lui accorder son aide.
Longtemps, ils parlèrent à voix basse. Et quand Yogbo le
glouton prit finalement congé de l’oiseau chanteur, il rentra
chez lui, non pas comme un criminel qui craint pour sa vie,
mais d’un pas alerte, tel un guerrier qui vient annoncer la
victoire.
La nouvelle de ce que Yogbo avait fait au taureau sacri-
ficiel l’avait précédé et les membres de la garde royale

194
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

s’emparèrent de lui au moment où il rentrait au village. Plus


tard ce soir-là, réuni en une session extraordinaire, le conseil
du roi condamna Yogbo à mort. Le lendemain, en dépit des
supplications de sa femme, on conduisit Yogbo, enchaîné,
les yeux bandés, au pied du vieux baobab où on procé-
dait aux cérémonies rituelles et aux exécutions. Hommes,
femmes et enfants s’étaient rassemblés pour regarder le
châtiment de l’homme qui avait abusé le roi et tous ses sujets
et mangé à lui tout seul un taureau assez gros pour nourrir
toute la communauté.
Bientôt, le roi et les membres de son conseil s’assirent à
la place d’honneur. Un silence tomba sur la foule comme le
bourreau du roi, brandissant son épée, s’avançait à grands
pas vers le baobab pour attendre l’ordre qui scellerait le
destin de Yogbo. A peine eut-il pris position qu’un canari
qui volait dans le ciel, d’un rapide coup d’aile, vint se poser
sur le baobab et se mit à chanter :
« Pas une goutte du sang de cet homme tu ne verseras,
Pas un seul cheveu de sa tête tu ne toucheras,
Car quiconque donnera cet ordre
Quiconque l’exécutera,
Que dis-je, quiconque de près ou de loin regardera,
Les plus terribles malheurs devra affronter.
La mort et la maladie seront son lot.
Voilà le prix terrifiant qu’il lui faudra payer. »
Le bourreau fut pris d’une sueur froide, et ses yeux
s’agrandirent. Une ombre passa sur le visage du roi et il
sentit des frissons lui parcourir le dos. Et tandis que la

195
Raouf MAMA

foule restait pétrifiée de stupeur, il annonça après avoir


consulté rapidement ses conseillers qu’il avait décidé de
libérer Yogbo le glouton.
Plus tard, dans la soirée, Yogbo invita à festoyer dans
sa maison le canari qui l’avait sauvé du fil tranchant de
l’épée du bourreau. Il lui servit du riz et du mil, et comme
le fond de l’air était frais, il l’invita à venir se réchauffer au
coin du feu. Mais tandis que Yogbo le glouton divertissait
l’oiseau chanteur de ses réflexions insolentes au sujet du
roi, du bourreau et de ceux qui étaient venus assister à son
exécution, il eut soudain envie d’un bon rôti d’oiseau. Il
contempla avidement son invité qui ne se doutait de rien.
Puis, marmonnant à voix basse qu’il était stupide de repor-
ter à un autre jour le repas qu’il pouvait faire sur-le-champ,
il saisit le canari et le jeta dans le feu.
Cette nuit-là, alors que Yogbo le glouton était couché sur
sa natte, il fut pris d’un terrible mal de ventre. A sa grande
horreur, il vit son ventre se gonfler, se gonfler au point de
toucher le toit ! On envoya immédiatement chercher le Boko-
non qui, après avoir consulté l’oracle, demanda une gourde
et une aiguille. Tandis que Yogbo gisait, gémissant et se
tordant de douleur, le guérisseur perça son ventre distendu à
l’aide de l’aiguille. Un gaz nauséabond s’en échappa avec un
sifflement et le Bokonon apposa rapidement le goulot de la
gourde sur la blessure pour le recueillir. Lorsque tout le gaz
fut rentré dans la gourde et que le guérisseur l’eut herméti-
quement fermée, une volée de canaris s’échappa du ventre
de Yogbo, dans un grand bruissement d’ailes. En sortant,
chaque oiseau piqua de son bec le ventre du glouton, qui
hurlait de douleur et demandait grâce.

196
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Lorsque le dernier canari se fut envolé et que le ventre de


Yogbo eut repris des dimensions raisonnables, le Bokonon,
d’un geste brusque, mit la gourde fermée dans les mains de
Yogbo et lui dit : « Emporte cette gourde au bord du fleuve
et brise-la sur la tête du premier animal que tu rencontreras.
Tu as été frappé d’une terrible malédiction. C’est seulement
en faisant ce que je t’ai dit que l’effet de cette malédiction
sera conjuré. »
De grand matin, Yogbo le glouton se rendit au bord du
fleuve, tenant délicatement la gourde de gaz nauséabond
dans ses mains avec autant de précaution que s’il s’était agi
du joyau le plus précieux qui ait jamais orné la couronne
d’un empereur. Bientôt Lièvre sortit de la brousse pour
étancher sa soif. Yogbo, un sourire fendu jusqu’aux oreilles,
s’approcha de lui en dansant et en chantant et l’invita à se
joindre à la danse de la victoire. Mais Lièvre se douta qu’il
y avait de la perversité dans l’air et déclina l’invitation.
Puis Lion vint à passer et Yogbo l’invita à danser, mais
Lion n’était pas d’humeur à danser. Puis suivirent Singe,
Cerf, Buffle, Hyène, Serpent, Vautour et un grand nombre
d’autres oiseaux et d’autres animaux, mais tous se doutèrent
d’un piège et refusèrent de danser.
A mesure que le jour tirait à sa fin, Yogbo perdait de
plus en plus espoir, car il semblait qu’aucun animal sur
terre n’allait se laisser prendre à son stratagème et le déli-
vrer de sa malédiction. Ce fut alors que Bouc descendit le
sentier. Yogbo s’approcha de lui en chantant et en dansant,
le complimenta et lui demanda de se joindre à la danse de
la victoire.

197
Raouf MAMA

Or, Bouc était doué pour la danse, et le son de la musique


l’émoustillait toujours. « Quelle victoire célèbre-t-on ? »
demanda Bouc, quelque peu surpris de voir Yogbo le glou-
ton chanter et danser tout seul au bord du fleuve. En guise
de réponse, Yogbo se mit à chanter encore plus mélodieu-
sement et à danser avec volupté, agitant la gourde comme
s’il s’agissait d’un précieux trophée. Bouc ne put se contenir
plus longtemps et bientôt le voilà en train de danser comme
il n’avait jamais dansé auparavant, dressé sur ses pattes de
derrière, virevoltant, les yeux mi-clos, un sourire béat au
coin des lèvres.
Tout en chantant à pleins poumons et en l’encourageant
de ses applaudissements, Yogbo leva la gourde bien haut et
de toutes ses forces la fracassa sur la tête de Bouc. Comme
Yogbo le glouton prenait ses jambes à son cou. Bouc se
sentit enveloppé d’une puanteur suffocante. Haletant, cra-
chotant, il se jeta dans le fleuve et se lava énergiquement,
mais l’odeur persistait. Bouc plongea plus profondément
dans le fleuve et se frotta contre les rochers, mais impos-
sible de se débarrasser de cette odeur nauséabonde. Il sortit
vivement de l’eau et se roula dans l’herbe et dans le sable de
la rive, jusqu’à ce qu’il fût recru de fatigue et d’énervement.
Il avait perdu un peu de cette mauvaise odeur mais la plus
grande partie était restée.
Voilà pourquoi, jusqu’à présent, le bouc dégage une très
mauvaise odeur.

Ce conte explicatif montre Yogbo le glouton sous son plus


mauvais jour : payant de retour les bonnes actions par une cruelle ingra-
titude et s’attaquant aux êtres trop confiants – mais ceci fait partie

198
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

de la nature de l’homme rusé. Ce conte passe du taureau au courroux


du roi, puis au canari et enfin au bouc. A la différence du folklore
occidental, les contes populaires fon ont parfois tendance à sauter d’un
sujet à l’autre, mais cela n’obscurcit en rien le but du narrateur. A
cet égard, ce qui est arrivé au bouc est très intéressant. Il n’aurait pas
été victime du stratagème de Yogbo s’il s’était mieux contrôlé et n’avait
pas dansé les yeux mi-clos ou avec un tel abandon. Danser avec grâce
et élégance est très apprécié chez les Fon et le chant et la danse font
partie intégrante de nombreux contes populaires. Il est intéressant de
noter que la danse de Bouc dans le conte : « Pourquoi le bouc sent
mauvais », et la danse d’Atchanminanguey dans « La danse de la
misère » ont toutes deux des effets négatifs. Bouc est puni pour sa sottise
et sa vanité et Atchanminanguey n’arrive pas à reprendre à l’esprit
ses richesses et sa couronne parce qu’il est ingrat et cruel.

199
Qui devinera le nom
des princesses ?
M on Histoire prend son essor, survole contrées
et royaumes d’antan et vient se poser sur quatre
princesses, des quadruplées aux grands yeux brillants, qui
avaient un teint cuivré resplendissant et un port majestueux.
Elles ne ressemblaient à nulle autre princesse sur terre, car
personne ne savait leur nom, pas même leur mère ou le roi,
leur père. A leur naissance, selon la tradition, on leur avait
donné un nom, mais dès qu’elles purent parler, elles dirent
à leurs parents :
« Le nom qu’à la naissance vous nous avez donné
Nous est étranger.
Et nous n’y répondrons pas.
Avant de naître, dans l’Au-delà,
Un nom nous a été donné,
Mais pour tous ce nom doit rester un secret.
Quoique vous fassiez pour savoir comment nous nous
appelons.
Aucun pouvoir sur terre ne pourra nous faire révéler
ce nom. »
Leurs parents savaient que ce qu’elles avaient dit n’étaient
pas des paroles en l’air, mais c’était quelque chose qu’ils
trouvaient difficile à accepter. Tout homme, toute femme et
tout ce qui vit sur terre répond à un nom donné, mais leurs
quadruplées ne répondaient à aucun ! Comment allaient-ils

203
Raouf MAMA

les présenter à la foule de gens qui venait tous les jours au


palais ? Que diraient-ils lorsque quelqu’un leur demanderait :
« Comment s’appelle votre fille ? » Allaient-ils dire : « Je ne sais
pas » ? Qui a jamais entendu parler d’un homme incapable de
dire comment s’appelle un enfant qui est la chair de sa chair,
le sang de son sang ? Tout cela était bien gênant, mais que
pouvaient-ils faire ?
Le roi et la reine tentèrent d’écouter aux portes mais sans
succès. Ils donnèrent l’ordre aux servantes d’espionner les
princesses, mais cela, non plus, ne donna rien. Ils payèrent
diverses jeunes filles pour qu’elles se lient d’amitié avec
elles et qu’à force de cajoleries elles arrivent à leur soutirer
leur nom, mais ces efforts furent vains. Et plus les quatre
princesses grandissaient, plus le roi se sentait profondément
embarrassé de ne pas savoir le nom de ses filles.
Quand elles furent en âge de se marier, tous les hommes
du royaume rêvèrent de prendre l’une ou l’autre pour
épouse, car elles étaient d’une grande beauté, mais le roi ne
pouvait supporter de se séparer de ses filles sans savoir leur
nom. Une nuit, alors qu’il était couché, se creusant la tête
pour trouver la clé du mystère qui entourait le nom de ses
filles, il lui vint une idée. Il y réfléchit un moment, fronçant
les sourcils de concentration. Puis, un sourire se profila sur
son visage. Cette nuit-là, pour la première fois depuis bien
des années, il dormit d’un sommeil profond.
Le lendemain le roi fit proclamer jusqu’aux quatre coins
du royaume que le moment était venu pour ses quatre filles
de se marier. Immédiatement après les festivités données
en action de grâce, les prétendants, pendant une période
de sept jours, s’efforceraient de deviner le nom des quatre

204
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

filles du roi. Celui qui y parviendrait les épouserait. Aucune


dot ne serait exigée.
Au jour fixé, une grande foule se rassembla dans l’en-
ceinte du palais. Au centre, on avait disposé quatre tabourets
en demi-cercle pour les quatre princesses. En face des sièges
se trouvait une jarre remplie jusqu’au bord de vin de palme,
et à côté de la jarre, on avait posé une calebasse sur une
natte.
Bientôt, le roi, la mère et les membres du conseil royal
sortirent du palais en une procession majestueuse et prirent
siège à la place d’honneur. On conduisit alors les quatre
princesses à leurs tabourets et le porte-parole du roi expli-
qua les règles de cette épreuve. Chaque candidat devait
s’approcher de la jarre, prendre un peu de vin de palme
avec la calebasse et, tout en appelant le nom de chaque
princesse, lui offrir une petite gorgée. En entendant son
vrai nom, chaque princesse se lèverait et boirait cette petite
gorgée dans la calebasse.
Il se fit un silence de mort lorsqu’un prince d’un royaume
voisin s’avança, puis prenant du vin de palme dans la pre-
mière jarre, s’écria : « Dossa ! Ceci est pour toi. Viens goûter
de ce vin ! »
Cependant, aucune princesse ne se leva et le prince,
devant son échec, s’en revint sur ses pas. Puis suivit une
foule de concurrents – guerriers, chefs, chasseurs, paysans,
forgerons, orfèvres, marchands et bien d’autres encore.
Mais tous les noms insolites qu’ils appelèrent pour s’adres-
ser aux princesses tombèrent dans l’oreille d’un sourd. Trois
jours passèrent, et personne n’avait réussi à deviner le nom

205
Raouf MAMA

des quatre princesses. Ce fut alors que Yogbo le glouton


décida de passer à l’action.
Ce jour-là, le meilleur ami de Yogbo, Yai, en guise de
plaisanterie, lui avait promis, s’il l’aidait à découvrir le nom
des princesses, de lui donner pour le récompenser suffisam-
ment de nourriture pour remplir le gouffre sans fond qui
lui servait d’estomac. Or Yogbo avait la réputation de ne
jamais laisser passer l’occasion de faire un bon repas, aussi
prit-il Yai au mot.
Tout le monde savait que les quatre princesses avaient
l’habitude de descendre à la rivière tous les matins à la pre-
mière lueur de l’aube pour aller chercher de l’eau et Yogbo
décida de mettre ceci à profit. Le lendemain, lorsque les
quatre princesses partirent pour la rivière, Yogbo les suivit
discrètement. Elles arrivèrent bientôt à un manguier chargé
de fruits. Les quatre sœurs se bousculèrent pour ramasser
les mangues mûres qui jonchaient le sol et s’en régalèrent.
Avant même qu’elles n’aient repris leur chemin, Yogbo avait
conçu un plan pour élucider le mystère de leurs noms.
Le cinquième jour de cette période de tests, Yogbo se
réveilla de bonne heure. Chargé d’un énorme sac, il se rendit
en toute hâte au manguier. Il voulait faire main basse sur tous
les fruits mûrs, ceux qui étaient tombés et ceux qui étaient
restés sur l’arbre, mais il ne trouva pas une seule mangue. Les
quatre princesses avaient tout pris.
Le sixième jour, Yogbo se réveilla avant le premier chant
du coq et se précipita vers le manguier. Il eut plus de chance
ce jour-là, car le sol était jonché de mangues mûres. Il les
ramassa vite et les fourra dans son sac. Puis il grimpa dans
l’arbre, cueillit les mangues qui mûrissaient et les enfourna

206
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

aussi dans son sac. Enfin, il monta jusqu’au sommet de


l’arbre et se cacha au milieu du feuillage.
Bientôt, il vit les quatre princesses descendre le long du
sentier, tout en se chamaillant gaiement pour savoir qui
allait trouver le plus de mangues.
« Aujourd’hui, je vais ramasser plus de mangues que vous
toutes », dit l’une.
« Non, je vais prendre tant de mangues que vous vous
pâmerez d’envie », dit une autre.
« Aucune de vous ne peut rivaliser avec moi quand il
s’agit de cueillir des fruits sur un arbre. Vous toutes le savez
bien », dit la troisième princesse.
« Verbiage que tout cela », dit la quatrième princesse.
« Attendez de voir la honte que je vais vous infliger. »
Toutefois, quand elles arrivèrent au manguier, il leur fut
impossible de trouver une seule mangue.
« Quelqu’un a dû venir en pleine nuit et a emporté toutes
les mangues », s’écrièrent-elles. « Si seulement nous pou-
vons attraper ce maudit voleur, nous allons le houspiller de
telle façon que plus jamais il ne touchera à une mangue. »
Ce fut alors que Yogbo plongea le bras dans son énorme
sac, s’empara d’une mangue, visa soigneusement et la laissa
tomber près d’une princesse. Elle l’attrapa à deux mains
avant que les autres n’aient pu se précipiter pour la ramasser.
« Avodahossihoué a une mangue ! » s’écrièrent-elles.
Le visage de Yogbo s’éclaira d’un large sourire tandis
qu’il notait ce nom dans sa tête, puis il attrapa vite une autre
mangue, visa à nouveau, et la laissa tomber. Une deuxième
princesse s’agenouilla pour la saisir.
« Vovohoungbènan en aune aussi ! » s’écrièrent ses
sœurs. Yogbo mémorisa aussi ce nom et laissa vite tomber

207
Raouf MAMA

un autre fruit. « Noumèdonkpèvi a une mangue à son


tour ! » s’écrièrent ses sœurs. Yogbo confia ce nom aussi à
sa mémoire et laissa tomber une quatrième mangue.
« Voilà que Minklinmandi en aune aussi ! » s’excla-
mèrent ses sœurs. Les quatre princesses s’attardèrent un
moment sous l’arbre, mais plus aucune mangue ne tomba.
Et pendant qu’elles fouillaient les branches, Yogbo, un large
sourire fendu jusqu’aux oreilles, se répétait silencieusement
les quatre noms :
« Vovohougbènan,
Minklinmandi,
Avodahossihoué,
Noumèdonkpèvi. »
Quand enfin les princesses reprirent leur chemin, Yogbo
se laissa glisser furtivement le long de l’arbre et disparut
rapidement dans la brousse. Bientôt, tremblant d’excitation,
il arriva chez son meilleur ami. « J’ai un cadeau merveilleux
pour toi si tu veux bien tenir ta promesse », chuchota-t-il,
hors d’haleine, à l’oreille de Yai. Je vais te dire le nom des
quatre princesses si tu veux bien me préparer quarante et
un plats délicieux. Maintenant hâte-toi à moins que tu ne
veuilles que je porte ce cadeau à quelqu’un d’autre.
Yai serra les mains de Yogbo comme s’il avait peur
qu’elles ne partent en fumée. Son cœur battait à tout rompre,
et dans sa tête se pressaient mille et une visions de tout le
pays célébrant son mariage avec les quatre princesses. Mais
soudain, tenaillé par un grand doute, il fouilla du regard le
visage de Yogbo et lui dit :
« Si c’est un tour que tu es venu me jouer, je te tuerai, c’est
sûr ! car il s’agit de quelque chose de très sérieux ! »

208
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

« Donne-moi de la nourriture en abondance, sot que tu


es, et les quatre princesses seront à toi ! » répondit Yogbo
le glouton.
Rapidement, Yai, à voix basse, donna des instructions
à sa mère et à ses sœurs et bientôt, quarante et un plats,
tout chauds, furent disposés sur une natte pour Yogbo le
glouton.
Quand il eut mangé toute la nourriture, arrosée d’innom-
brables calebasses de vin de palme, Yogbo fit signe à son
ami de venir et il lui dit le nom des quatre princesses. « L’une
des princesses répond au nom de Vovohoungbènan ; la
deuxième s’appelle Minklinmandi ; la troisième, Avodahos-
sihoué ; et la quatrième, Noumindonkpèvi. Voilà les noms
que tu devras appeler le moment venu. »
Sitôt Yogbo parti, Yai composa un chant pour fixer les
quatre noms dans sa mémoire. Et le lendemain, il se mit
en route pour le palais du roi fredonnant pour lui-même :
« Ce que m’a dit Yogbo le rusé,
Les noms que sur le manguier il a entendus,
Yogbo, le rusé, celui qui déchiffre les énigmes,
Ces noms, je les ai enregistrés.
L’une des princesses s’appelle Vovohoungbènan,
Une autre répond au nom de Minklinmandi,
La troisième s’appelle Avodahossihoué
Et la quatrième Noumindonkpèvi.
Voilà les noms qu’il m’a dits,
Les noms que, perché sur un manguier, il a saisis,
Yogbo le rusé, celui qui déchiffre les énigmes.
Ces noms, je les ai enregistrés. »

209
Raouf MAMA

Quand Yai parvint à l’arène, elle était bondée. C’était le


dernier jour où les prétendants pouvaient deviner le nom
des princesses et une grande foule s’était rassemblée pour
voir si l’un des quelques concurrents qui restaient en lice
allait réussir là où tant d’autres avaient échoué.
Ce fut bientôt le tour de Yai. Marchant d’un pas décidé,
il s’approcha de la jarre de vin de palme. Puis, il saisit la
calebasse, prit un peu de vin de palme et fixant du regard
les quatre princesses, il s’écria d’une voix forte :
« Vovohoungbènan ! Viens goûter de ce vin ! »
L’une des princesses se leva et bouche bée se dirigea
lentement vers l’ami de Yogbo. Un murmure d’incrédulité
parcourut la foule comme Yai enchaînait rapidement :
« Minklinmandi ! Viens goûter de ce vin ! »
« Avodahossihoué ! Viens goûter de ce vin ! »
« Noumindonkpèvi ! Viens goûter de ce vin ! »
Un moment, la foule resta figée, comme pétrifiée. Mais
quand le roi, en reconnaissance de sa victoire, fit signe à Yai
de s’approcher, la foule se précipita vers eux, déchirant l’air
d’exclamations d’étonnement et d’envie.
Peu de temps après, Yai et les quatre princesses se
marièrent au cours d’une somptueuse cérémonie. Et, le
moment venu, Yai devint roi, et lui et ses quatre épouses
eurent de nombreux enfants et vécurent en harmonie
jusqu’à un âge avancé. Mais il ne se passait guère de jours
sans que les quatre sœurs ne lui demandent : « Comment
es-tu parvenu à savoir notre nom ? »
Et Yai souriait intérieurement et disait d’un ton solennel :
« Qui, d’amour et de volonté est animé,
Parviendra à saisir toute vérité

210
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Et de tous les mystères trouvera la clé,


Tout comme la terre sait pourquoi
Les mangues tombent du manguier. »

C’est le seul conte fon, à ma connaissance, où Yogbo le


glouton fait une bonne action, bien que celle-ci soit intéressée. Ce conte
nous montre que Yogbo, l’archétype du méchant dans le folklore fon,
n’est pas sans quelques bons côtés. En ce qui concerne les quatre prin-
cesses, cette histoire nous rappelle que les jumeaux, triplés, quadruplés
et autres personnes issues d’une naissance multiple ne sont pas des
êtres humains ordinaires. On les vénère comme des dieux secondaires
du panthéon fon. C’est pourquoi, dans cette histoire, lorsque les qua-
druplées affirment qu’on leur a donné un nom dans l’Au-delà, on les
prend au sérieux. Ce conte souligne aussi l’importance du nom chez
les Fon. Dans la culture fon, on croit que celui qui connaît votre vrai
nom vous tient en son pouvoir. C’est pourquoi les Fon ne disent pas
leur vrai nom aux inconnus ou aux personnes malveillantes.
L’épilogue de cette histoire où les princesses continuent à se deman-
der comment leur mari est parvenu à connaître leurs noms est ma
propre contribution. A l’origine, le conte finit sur le mariage de Yai
avec les quatre princesses après qu’il a réussi à deviner leurs noms.
En ma qualité de conteur, j’ai pensé que si les quatre sœurs posaient
ouvertement la question qui les préoccupait et si leur mari y répondait
par une boutade qui lui redonnerait l’avantage, l’histoire serait plus
intéressante.

211
Comment Yogbo le glouton
a été dupé ?
I I était une fois une fillette du nom d’Alougba. C’était
une petite fille travailleuse, aux yeux vifs et intelligents,
qui faisait la joie de ses parents et de sa famille. Aucune tâche
n’était trop difficile pour elle et il était bien connu qu’elle ne
se reposait jamais tant que son travail n’était pas terminé.
La tâche préférée d’Alougba, c’était d’aller chercher du bois
de chauffage dans la forêt en compagnie d’autres fillettes
des villages voisins.
Un jour, étourdiment, elle ramassa trop de bois, si bien
qu’elle ne put marcher aussi vite que les autres qui la dis-
tancèrent. La campagne se couvrait du sombre manteau de
la nuit et dans les grands arbres qui se dressaient, pareils à
des spectres, les oiseaux sorciers déchiraient l’air de leurs
cris. Le fardeau que portait Alougba était lourd, la distance
longue et il n’y avait pas âme qui vive en vue. Mais il n’était
pas question pour Alougba d’abandonner. Péniblement,
elle continua son chemin dans l’obscurité grandissante, son
fardeau sur la tête, le cou rentré dans les épaules, le corps
trempé de sueur.
Pour ne pas perdre courage, elle chantonnait douce-
ment. Elle eut bientôt la gorge sèche et, plus elle allait,
plus elle avait désespérément envie de boire quelques gor-
gées d’eau fraîche. Elle regarda autour d’elle et aperçut un
énorme baobab dans le tronc duquel il y avait un trou béant.

215
Raouf MAMA

« J’espère qu’il y a de l’eau dans ce trou », pensa Alougba,


« car je meurs de soif. »
Jetant à terre son fardeau, elle se précipita vers l’arbre, et
à sa grande joie et son immense soulagement, elle trouva le
trou rempli presque à ras bord d’eau scintillante. Alougba
tendit le bras et plongea la main droite dans le trou pour
prendre un peu de cette eau fraîche et apaisante, mais quand
elle essaya de retirer sa main, voilà que ce fut impossible ! Elle
plongea sa main gauche pour libérer sa main droite, mais
elle aussi resta coincée. Impuissante, privée de l’usage de ses
mains. Alougba fondit en larmes et ses cris s’envolèrent au
loin portés par l’air calme du soir.
Ce fut alors que Yogbo, ce fourbe, bien connu pour sa
gloutonnerie, sortit de derrière un massif d’arbres, un large
sourire aux lèvres à la vue de la réussite de son piège. Il fit
signe à Alougba de se calmer. « Oh ! qu’y a-t-il, fillette ? »
dit-il d’une voix mielleuse.
« Je vous en prie, aidez-moi », sanglota Alougba.
« J’allais prendre un peu d’eau pour boire et, voilà que mes
deux mains sont coincées. »
« Tu t’es pris les mains dans une sorte de colle, à ce que je
vois ... Je me demande d’où cette colle a pu venir », dit-il en
riant, se frottant les mains avec une jubilation mal dissimu-
lée, les yeux brillants de ruse.
Marmonnant quelques paroles magiques, Yogbo tira sur
les mains d’Alougba et les dégagea, mais au lieu de la laisser
partir, il apporta un tam-tam qui était caché derrière l’arbre
et il la fourra à l’intérieur. Puis, pendant des jours et des
jours, tandis que les parents d’Alougba, sa famille et tous

216
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

les gens du village recherchaient la fillette disparue, Yogbo


allait de village en village en battant son tam-tam.
Chaque fois que Yogbo arrivait dans une concession, il
battait son tam-tam jusqu’à ce que les gens se rassemblent
autour de lui. Alors, il leur demandait, la voix brisée par
l’excitation : « Voulez-vous entendre un tam-tam qui chante
comme un être humain ? »
Et les gens de dire : « Un tam-tam qui chante comme un
être humain ! Oui... fais-nous entendre cela ! »
« Apportez beaucoup de nourriture et beaucoup de
vin de palme ! » répondait Yogbo le glouton, « car vous ne
pouvez pas entendre mon tam-tam chanteur sans payer ! »
Une fois ses exigences satisfaites, Yogbo posait le tam-
tam par terre devant lui, le battait un bref instant, tout en
ordonnant : « Tam-tam, toi, mon tam-tam chanteur, chante
une chanson. » Et le tam-tam se mettait à chanter :

« Adjai, mon père, Sèyi. ma mère,


Je suis à l’intérieur du tam-tam de Yogbo,
Je chante sur l’ordre de Yogbo,
C’est de moi que vient cette chanson.
L’aube refuse de venir,
Et cependant le soleil s’est levé.
La nuit n’en finit pas.
Bien que la lune touche l’horizon.
Je chante sur l’ordre de Yogbo,
C’est moi qui chante dans ce tam-tam.
C’est de votre fille disparue
Que vient cette chanson. »

217
Raouf MAMA

Si seulement Yogbo avait eu un grain de bon sens, il


n’aurait jamais laissé sa captive entonner cette chanson, car
elle chantait pour appeler à l’aide. Mais Yogbo manquait
totalement de bon sens, sauf lorsqu’il s’agissait des conseils
donnés par le gouffre sans fond qui lui servait d’estomac.
Tant que la disparition d’Alougba ne fut que peu ou
point connue, les gens s’émerveillaient devant le tam-tam
chanteur de Yogbo, et les enfants le suivaient partout, car
personne n’avait compris le sens des paroles d’Alougba.
Et partout où il allait, on lui donnait de l’argent et de la
nourriture en abondance, car c’était la contrepartie qu’il
exigeait pour faire chanter son tam-tam. Et Yogbo refusait
de toucher à son tam-tam tant qu’il n’avait pas reçu son dû.
Cependant, comme la nouvelle de la disparition
d’Alougba se propageait, les gens échangeaient des regards
entendus lorsqu’ils écoutaient les sons plaintifs du tam-tam.
Un jour, sans s’en rendre compte, Yogbo arriva au village
d’Alougba. Les parents d’Alougba s’étaient préparés à ceci
avec grand soin. Ils réservèrent astucieusement un accueil
chaleureux à ce fourbe de Yogbo et lui cuisinèrent des plats
délicieux : rôti de bœuf assaisonné de poivre, d’oignons,
d’ail et de crevettes en poudre ; manioc pilé, servi avec de
la viande de cabri en sauce, et bien d’autres plats de choix.
Ils avaient également prévu du vin de palme en quantité. A
la vue de la nourriture que ses hôtes disposaient devant lui,
Yogbo se lécha les babines.
Comme ils s’y attendaient, Yogbo mangea voracement,
gloutonnement. Il mangea comme s’il avait été privé de
nourriture depuis le jour de sa naissance. Claquant la langue
à grand bruit, il envoyait d’énormes morceaux de viande

218
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

et d’innombrables assiettées au fond de son estomac volu-


mineux. Il mangea et but à en avoir mal au ventre. Puis il
éructa et s’endormit.
C’était le moment qu’attendaient les parents d’Alougba.
Pendant que Yogbo ronflait et rêvait de montagnes de nour-
riture et de flots de vin de palme, Adjai, le père d’Alougba,
éventra le tam-tam de Yogbo et délivra sa fille bien-aimée.
Puis il remplit le tam-tam de cailloux et le rafistola. Sèyi,
tout à la joie de retrouver son enfant, baigna Alougba et la
massa avec un onguent calmant et parfumé. Elle lui donna
à manger et à boire et la cacha dans sa chambre.
Quand Yogbo enfin se réveilla, il prit son tam-tam et
continua sa route. Il arriva au prochain village et exigea de
nouveau de la nourriture et du vin de palme comme rému-
nération pour divertir les gens avec son tam-tam chanteur,
et ses exigences furent satisfaites. Mais quand il posa les
mains sur le tam-tam tout en ordonnant : « Tam-tam, toi,
mon tam-tam chanteur, chante une chanson », il y eut un
lourd silence. Yogbo secoua le tam-tam avec une détermi-
nation désespérée, car il savait qu’il lui faudrait dire au revoir
aux plaisirs de la gloutonnerie s’il ne faisait pas chanter son
tam-tam. « Tam-tam, toi, mon tam-tam chanteur, chante
une chanson », ordonna Yogbo d’une voix rauque.
Mais ce qu’il obtint en réponse ne fut pas une chanson,
mais le bruit sec de pierres qui s’entrechoquaient.
Sous les huées et les cris de colère de la foule à ses
trousses, Yogbo s’enfuit, honteux, vers le village d’Alougba.
Lorsqu’il se trouva devant la case de ses parents, il leur fit de
violents reproches et les accusa d’avoir usé de supercherie.

219
Raouf MAMA

Adjai et Sèyi prirent d’abord un air innocent, puis cour-


roucé, et nièrent avoir fait quoique ce fût à son tam-tam
chanteur. Et c’est ainsi que Yogbo le glouton, dont la gour-
mandise et la fourberie n’avaient pas leurs pareilles, finit par
rencontrer son maître et dut se taire.

Ce conte montre comment on peut tenir Yogbo en échec, en


étant encore plus rusé que lui. Il est intéressant de voir que les parents
d’Alougba se servent de nourriture pour appâter ce personnage rusé.
La nourriture joue un rôle très important dans la vie des Fon. Et en
donnant à Yogbo de grandes quantités de nourriture et de boisson, les
parents d’Alougba ont touché le point le plus vulnérable de Yogbo.
C’est l’une des conventions du folklore fon qu’on ne peut atteindre
Yogbo par la violence. Et chaque fois qu’il est menacé par la violence
il en réchappe à la onzième heure, comme cela lui arriva dans le
conte : « Pourquoi Le Bouc Sent Mauvais. »

220
Comment Yogbo le glouton
trouva la mort ?
M on histoire prend son essor, survole contrées
et royaumes d’antan et vient se poser sur Yogbo
le glouton qui parcourt la forêt en quête de nourriture.
Les maigres provisions qu’il avait dans son grenier étaient
épuisées depuis longtemps, et personne n’était disposé à le
tirer d’embarras. Il était allé voir le chef du village pour qué-
mander de la nourriture, mais le chef avait dit qu’il n’avait
pas de nourriture à prêter à un homme méchant. Il était allé
trouver tous les paysans du village et tous ceux qui avaient
plus de nourriture qu’il ne leur en fallait, mais partout où il
allait, on lui fermait la porte au nez. On entendait couram-
ment dire dans le village :
« Lion et Léopard diront adieu à la viande crue
Avant que Yogbo ne renonce à sa gourmandise et à sa
ruse. »
A maintes reprises. Yogbo le glouton avait déclaré qu’il
s’était complètement débarrassé de toute ruse et méchan-
ceté.
« Ma méchanceté et ma gourmandise - Ce sont là des
choses du passé !
Aujourd’hui Yogbo, enfin, est un homme franc comme
l’or, un homme digne de confiance ! »
Cependant personne ne le croyait. En désespoir de
cause, Yogbo avait promis de rendre lors des prochaines

223
Raouf MAMA

moissons dix fois la quantité de grains que quiconque aurait


la gentillesse de lui prêter. Mais ses paroles ne lui rappor-
tèrent que des rires méprisants. Aussi décida-t-il de tenter
sa chance dans la forêt.
Le soleil s’était à peine montré au-dessus de l’horizon
que Yogbo se mit en route, et maintenant le jour déclinait,
mais Yogbo le glouton n’avait rien trouvé à manger. Son
visage, marqué par le souci, s’était creusé, et son ventre
volumineux était plissé comme une outre vide qui s’est
ratatinée. Les écureuils, les rats des champs et autres ani-
maux étaient restés à bonne distance des pièges qu’il leur
avait tendus. Aucun oiseau ne s’était approché à portée de
sa fronde, et tous les fruits sauvages semblaient s’être mis à
couvert au loin. Se pouvait-il que l’esprit gardien de la forêt
eût décidé de prêter main forte à ceux qui essayaient de le
faire mourir de faim ? Yogbo se le demandait.
A cette pensée, le cœur de Yogbo se mit à battre à tout
rompre, et sur son front perlèrent des gouttes de sueur
froide comme il lui vint une vision : l’esprit gardien de la
forêt lui barrait la route alors qu’il se rendait à un festin
auquel tous les autres avaient été conviés.
« Si tu me tues maintenant, tu vas perdre ta réputation
d’impartialité », implora-t-il, d’un ton geignard.
« Ma méchanceté, ma gourmandise - Ce sont là des
choses du passé !
Aujourd’hui Yogbo est un homme franc comme l’or, un
homme enfin digne de confiance ! »
Yogbo ne cessait de répéter sa prière comme il errait ça
et là, en quête de nourriture.

224
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Soudain, dans une clairière de la forêt, il tomba sur un


champignon gigantesque qui jetait un sombre reflet dans
la lumière pâlissante du jour. C’était houto, un mets raffiné
traditionnellement réservé pour les occasions spéciales.
Yogbo s’arrêta net, la bouche grande ouverte, pris de vertige
devant la vision d’une montagne de plats cuisinés avec des
morceaux de ce délicieux houto.
Ne fût-ce que par sa taille et sa couleur, ce champignon
aurait dû faire réfléchir Yogbo le glouton, car ce n’était
point là un champignon ordinaire. On racontait souvent
l’histoire d’un houto gigantesque d’un noir peu commun,
qui apparaissait parfois aux gloutons pour les tenter et les
conduire à leur perte. L’appeler par son nom, alors qu’il était
à portée de voix, c’était se condamner à mort. En faisant
montre d’un peu de prudence, Yogbo n’aurait couru aucun
danger, mais Yogbo obéissait à son ventre et non à sa tête.
Il bondit vers le champignon, les bras tendus et s’exclama :
« Dire qu’en ces temps de disette je tombe sur toi !
O ! merveilleux houto, c’est vraiment le ciel qui t’envoie ! »
Mais à peine Yogbo le glouton eut-il appelé le champi-
gnon par son nom qu’il tomba à terre, inanimé ! Cependant,
comme il gisait là, dans la poussière, le champignon eut pitié
de lui et le ramena à la vie. Puis, l’appelant par son nom, il
lui dit :
« Tu ne sais pas ce que tu viens de faire !
Tu es le plus grand sot de la terre ! Que ceci te serve de
leçon, de jour comme de nuit !
Celui que j’entends appeler mon nom perdra la vie ! »
La peur cloua Yogbo au sol. Il fit une prière en silence
pour supplier la terre de s’ouvrir et de le cacher dans ses

225
Raouf MAMA

entrailles, mais sa prière ne fut pas exaucée. Craignant que


l’esprit-champignon ne change d’avis et ne le renvoie dans
le monde des morts, Yogbo le glouton, chancelant se remit
debout. Marchant à reculons pour augmenter la distance
entre l’esprit et lui, il dit d’une voix tremblante :
« Je te remercie, esprit très miséricordieux de m’avoir
laissé en vie !
Pour moi, ton nom restera sacré, de jour comme de
nuit ! »
Quand Yogbo le glouton fut à une distance suffisante,
il se retourna et s’enfuit à toutes jambes. Bientôt il fut hors
d’haleine et s’assit sous un arbre pour réfléchir sur l’expé-
rience terrifiante qu’il venait de traverser. Les paroles de
l’esprit-champignon ne cessaient de retentir à ses oreilles :
« Que ceci te serve de leçon, de jour comme de nuit !
Celui que j’entends appeler mon nom perdra la vie ! »
« J’aurais pu mourir, l’estomac vide ! » s’écria Yogbo avec
un frisson. Il vaut mille fois mieux chercher de la nourriture,
l’estomac vide, que de mourir, l’estomac vide. »

Ce fut alors que Yogbo aperçut au loin un buffle. Les


sourcils froncés de concentration, il observa un moment
l’animal avec avidité, puis, d’un bond il se leva et se précipita
vers le buffle, les yeux brillants de malice.
Quand Yogbo le glouton se fut suffisamment approché,
il défia le buffle à la lutte, en lui disant : « Je sais que tu es
un des animaux les plus forts de la forêt, mais je te le dis,
de mon petit doigt, je vais te jeter à terre. »
Or le buffle était une bête fougueuse, qui cherchait tou-
jours la bagarre. « Qu’est-ce qui t’a mis cette idée stupide

226
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

en tête ? » répondit-il d’un air méprisant, tout en regardant


avec stupéfaction ce maigrichon de Yogbo. « Allons-y,
alors », dit-il en s’ébrouant, et il prit position devant celui
qui lui avait lancé le défi.
« Attends », dit Yogbo en souriant. Écoute-moi jusqu’au
bout. »
« Là-bas derrière ce massif d’arbres géants,
Se trouve un champ de lutte où souffle une douce brise.
Quand nous y arriverons, je lèverai un doigt en l’air,
Et il faudra que tu cries : « Houto ! » d’une voix forte et
claire.
Alors seulement, notre lutte commencera.
Telle est la règle du jeu, simple et claire comme le jour. »
Buffle trouva la règle qu’énonçait Yogbo très étrange,
mais il le suivit jusqu’à l’arène que celui-ci avait indiquée,
à quelques pas de l’endroit où se trouvait l’esprit-cham-
pignon. Yogbo le glouton leva le doigt et le buffle se mit
en position de combat et beugla : « Houto ! », le nom qui
donne la mort. Ce fut le dernier beuglement qu’il poussa.
Rayonnant de joie, Yogbo le glouton traîna le buffle mort
loin de là, le fit rôtir et le mangea à lui seul.
Pendant de nombreux jours, Yogbo fut amplement
approvisionné en viande. Coup sur coup, il défia un léo-
pard, un boa, un lion, un éléphant et beaucoup d’autres
animaux en combat singulier et, l’un après l’autre, les envoya
à la mort. Bientôt la forêt bourdonna d’une rumeur selon
laquelle un redoutable chasseur était résolu à exterminer
tous les animaux de la forêt. Ceux-ci tinrent une réunion
et un avertissement fut envoyé à tous les animaux pour
qu’ils se méfient des chasseurs. En conséquence, à maintes

227
Raouf MAMA

et maintes reprises de nombreux chasseurs revinrent bre-


douilles de la chasse. Mais Yogbo, lui, ne manquait jamais
de viande, car ce n’étaient point les armes habituelles, arc
ou flèches, qu’il utilisait, mais la ruse.
Un jour, cependant, un singe qui avait espionné Yogbo
le glouton découvrit son secret. Caché dans un arbre, il vit
Yogbo jouer ce tour, fatal à un sanglier et décida d’appliquer
au glouton un échantillon de sa propre ruse. A l’exception
du sanglier, la journée avait été fort peu fructueuse. Dès
que Yogbo vit le singe qui se balançait à un arbre, l’eau lui
vint à la bouche et son ventre réclama de la viande de singe
bien rôtie.
« Je sais que tu es un grand lutteur, mais je te le dis, je vais
te jeter à terre seulement avec mon petit doigt », lança-t-il
au singe, bombant le torse et se frappant la poitrine d’un
air fanfaron.
« Tu n’es qu’une feuille morte qui lance un défi au vent
pour se battre avec lui, et je vais te montrer tout de suite ce
que je veux dire », répliqua le singe qui sauta de l’arbre et
se mit en position de combat devant lui.
« Attends », dit Yogbo, un sourire rusé aux lèvres devant
la réussite de son stratagème.
« Là-bas, derrière ce massif d’arbres géants,
II y a un champ de lutte où souffle une douce brise.
Quand nous y arriverons, je lèverai un doigt en l’air.
Et il faudra que tu cries : « Houto », d’une voix forte et
claire.
Alors seulement la lutte commencera.
Voilà la règle du jeu, simple et claire comme le jour. »

228
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Le singe suivit Yogbo, mais quand ils atteignirent l’en-


droit fixé et que Yogbo leva le doigt en l’air, le singe resta
muet. Yogbo n’arrivait pas à comprendre. « Souviens-toi
de la règle du jeu », grogna Yogbo en levant une deuxième
fois le doigt en l’air.
« Mais j’ai oublié », bégaya le singe en faisant mine de se
creuser la tête pour trouver le mot qu’il était censé appeler.
« Non », dit-il en secouant la tête, « je n’arrive pas à m’en
souvenir. »
Yogbo saisit la main du singe et l’entraîna assez loin pour
que l’esprit champignon ne puisse l’entendre et lui dit :
« Quand je lèverai le petit doigt en l’air.
Il faudra que tu cries « Houto » d’une voix bien forte et
claire.
Alors seulement la lutte commencera.
Voilà la règle du jeu, simple et claire comme le jour. »
Mais quand ils revinrent à l’arène et que Yogbo leva le
doigt en l’air, le singe une fois de plus resta muet. Yogbo
était irrité. « Qu’y a-t-il maintenant ? » cria-t-il au singe, ayant
peine à se maîtriser. « Ne me dis pas que tu as oublié ce que
je viens de te répéter. »
« Je suis vraiment désolé », dit le singe, se prenant la
tête à deux mains comme s’il essayait de se concentrer. « Je
n’arrive absolument pas à me rappeler ce que je suis censé
dire. C’est complètement parti de ma tête. »
« Quel idiot ! », marmonna Yogbo le glouton, à voix
basse, comme il entraînait le singe à distance, pour lui répé-
ter une fois de plus le mot qu’il devait crier pour que la lutte
puisse débuter.
« Quand je lèverai le petit doigt en l’air,

229
Raouf MAMA

II faudra que tu cries : « Houlo ! » d’une voix forte et claire.


Alors seulement la lutte commencera.
Voilà la règle du jeu, simple et claire.

230
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Maintenant fais ce que je te dis ! »


Mais quand ils revinrent et que Yogbo leva le petit doigt
en l’air, il y eut un silence de mort. Puis le singe leva les
bras en un simulacre de désespoir : « Je ne sais pas ce qui
lui arrive aujourd’hui... » gémit-il, « voilà que tout d’un coup
j’ai perdu la mémoire. »
Yogbo était hors de lui. « Quel idiot ! » cria-t-il en tapant
du pied. « Qu’est-ce qui peut bien t’empêcher de dire «
Houto ! »
« Ahhhhhhhh », s’écria-t-il dès qu’il eut prononcé le
mot fatal.
« Je me suis donné la mort ! »
Yogbo agita les mains désespérément pour essayer de
rattraper ce mot et l’avaler, mais ce fut en vain. Un mot est
comme un œuf. Une fois qu’on l’a laissé tomber par terre,
on ne peut pas le ramasser et le remettre dans sa coquille.
Comme Yogbo s’écroulait inerte, le singe, sautant, bondis-
sant, partit raconter aux autres animaux l’histoire de la mort
de Yogbo, et comment cela avait fini par arriver.

C’est la seule histoire fon où Yogho, l’archétype du fourbe


dans le folklore fon, meurt, car Yogho est considéré comme immortel.
Rien, si ce n’est la ruse, ne peut avoir raison de lui. Peut-être est-ce
principalement parce que c’est un personnage plein d’esprit et de res-
sources, animé d’une joie de vivre irrépressible qu’on ne peut le tuer.
Il est important qu’il vive, car en dépit de ses défauts, ce personnage
représente l’essence même de la vie. S’il meurt, le répertoire du conteur
s’appauvrira considérablement. Cependant, comme les Fon croient
fermement que rien ne dure pour toujours, même Yogbo doit mourir.
II est intéressant de constater que c’est un singe qui a raison de Yogbo.

231
Raouf MAMA

Dans le folklore fon on considère le singe comme une créature très


intelligente, qui, dans ce domaine, ne le cède qu’à l’homme. On raconte
souvent comment Dieu avait eu l’intention de mettre Singe à la place
de l’Homme, mais changea d’avis parce que Singe se vantait trop.

232
PARCOURS N°17
Conte 17 : 189-199
Pourquoi le bouc sent mauvais ?

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Comment Yogbo le glouton a-t-il acquis la confiance
du Roi et de son peuple ?
2. Pourquoi le bouc sent-il mauvais ?
3. Tu donnes la structure du conte en distinguant les
quatre phases d’un récit narratif.
4. Ce conte est-il ascendant ? descendant ? en miroir ?
ou en spirale ?

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
enjôleur (p. 191; l. 11) ; à maintes reprises (p. 191 ; l. 22) ;
plaidoyer infructueux (p. 191 ; l. 23) ostensiblement (p.
192 ; l. 10) ; malicieux (p. 193; l. 16-17) ; perversité (p.
193 ; l. 30) ; d’un pas alerte (p. 194 ; l. 28) ; place
d’honneur (p. 195 ; l. 12) ; demandait grâce (p. 196 ; l.
30) ; stratagème (p. 197 ; l. 25) ; volupté (p. 198 ; l. 6) ;
virevoltant (p. 198 ; l. 10).
2. Tu apportes la différence entre gourmand et gourmet.
Lequel préfères-tu ? Pourquoi ?
3. Tu donnes le sens de l’expression bouc émissaire et tu
trouves une autre expression ou un mot composé
contenant le mot bouc.
4. Peux-tu relever quatre (4) mots ou expressions
relevant du champ lexical de la gourmandise ?

lxxiii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS


1. L’imparfait de l’indicatif, dans le premier paragraphe
du conte, a-t-il une valeur répétitive ou ponctuelle ?
2. Quel est le temps verbal de demandât (p. 191 ; l. 8) et
de fût (p. 191 ; l. 9) ? Comment peux-tu comprendre
ces concordances de temps ?
3. Tu recherches dans le conte un passage construit
sur le modèle : « A peine Yogbo eut-il mangé tout son
content qu’une grande peur l’envahit » (p. 193 ; l. 5-6)
que tu réécris ainsi : « Quand Yogbo eut mangé tout son
content, une grande peur l’envahit ».
4. Combien de phrases comporte le 2ème paragraphe
de la page 198 ? Tu dis le type et la forme de ses
phrases puis tu distingues ce passage en groupe
nominal et en groupe verbal : « Yogbo leva la gourde ».
(p. 198 ; l. 13)
5. A quoi concourt l’ordre des mots dans la supplica-
tion de Yogbo (p. 191 ; l. 7) ? Quel nom donne-t-on
à cette construction grammaticale ?
6. Quel est l’adjectif indéfini qui détermine la
fréquence du sacrifice de taureau ? Tu relèves des
adjectifs indéfinis qui déterminent un complément
circonstanciel de lieu ou de temps.
7. Tu fais l’analyse grammaticale de forêt (p.215 ; l.
7), baobab (p. 195 ; l. 17). Puis tu précises ce que
t’évoquent ces espaces.
8. Tu réécris les quatre premières phrases du 2ème
paragraphe du conte au présent de l’indicatif en
remplaçant Yogbo par Je. Quel effet cette réécriture
apporte-t-elle au type de narrateur ?

lxxiv
Guide pédagogique

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Yogbo le glouton
1.1.1. Yogbo est un être de confiance. Vrai ou
faux ? Tu justifies.
1.1.2. Pourquoi le qualifie-t-on d’enjôleur (p. 191 ;
l. 11) ?
1.1.3. Pendant combien de temps a-t-il supplié de
lui laisser la garde du taureau ?
1.1.4. « Il n’en laissa pas le moindre morceau, pas même
pour sa femme. » (p. 193 ; l. 3-4). Comment
expliques-tu l’emploi de la négation dans
cette phrase ?
1.1.5. Yogbo a mangé le repas destiné aux dieux.
Peux-tu dire qu’il les respecte ?
1.1.6. Tu précises les différentes phases de sa
gloutonnerie dans le déroulement du conte.
1.1.7. Yogbo est un ingrat. Vrai ou faux.
1.1.8. La ruse, pour lui, est une arme. Tu le justifies.
1.1.9. Tu fais son portrait en trois phrases et tu fais
ressortir surtout ses défauts moraux.
1.1.10. Veux-tu lui ressembler ? Pourquoi ?
1.2. La femme de Yogbo
1.2.1. Elle aime son mari. Vrai ou faux ?
1.2.2. Est-elle aussi gloutonne ?
1.3. Le roi et le conseil royal
1.3.1. « Et là, loin de tout regard humain, il le tua, le fit
rôtir et le mangea à lui tout seul. » (p. 193, l. 1-3)
Le roi (ou son conseil) aurait-il pu se méfier
de Yogbo ?

lxxv
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.3.2. Comment expliques-tu leur confiance ?


1.3.3. « Une ombre passa sur le visage du roi et il sentit des
frissons lui parcourir le dos. Et tandis que la foule
restait pétrifiée de stupeur, il annonça après avoir
consulté rapidement ses conseillers qu’il avait décidé
de libérer Yogbo le glouton. » (pp. 195-196). Le
roi est-il un peureux ? Un courageux ? Un
miséricordieux ? Pourquoi ?
1.4. Le bokonon
1.4.1. Est-il efficace dans ses travaux ?
1.4.2. A sa place, sauverais-tu Yogbo ? Pourquoi ?
1. Le monde animal
1.1. Le taureau
1.1.1. Que représente-t-il dans la croyance
populaire ?
1.1.2. Comment comprends-tu son choix comme
animal sacrificiel ?
1.1.3. Pourquoi ne lui a-t-on pas donné la parole
dans le conte ?
1.2. Le canari
1.2.1. Le canari a sauvé Yogbo. Vrai ou faux ?
1.2.2. Quel sort Yogbo lui a-t-il réservé ?
1.2.3. Crois-tu que le mal de ventre de Yogbo soit
une punition divine ?
1.3. Le bouc
1.3.1. Lièvre, Lion, Singe, Cerf, Buffle, Hyène,
Serpent, Vautour et un grand nombre
d’autres oiseaux et d’autres animaux ont
refusé l’invitation de Yogbo. Pourquoi le
bouc a-t-il accepté ?
1.3.2. Le bouc aime la flatterie. Vrai ou faux ?

lxxvi
Guide pédagogique

1.3.3. Quel défaut humain le bouc porte-t-il dans


ce conte ?
1.4. Les rapaces
1.4.1. Pourquoi le hibou, le faucon n’ont-ils pas
voulu aider Yogbo le glouton ?
1.4.2. Que symbolisent les rapaces, de manière
générale ?
1.4.3. Le canari, le hibou et le faucon appar-
tiennent-ils au même groupe d’oiseaux ?
2. Le monde végétal
2.1. Les herbes dont Yogbo a nourri le taureau ont
voilé sa gourmandise. Vrai ou faux.
2.2. La forêt, dans ce conte, est un lieu hostile pour
le taureau. Vrai ou faux.
2.3. Le baobab a été un espace adjuvant pour Yogbo
le glouton. Vrai ou faux.
3. Le monde minéral
3.1. L’air a empêché la mort du canari. Vrai ou faux.
3.2. Le feu s’est opposé à Yogbo dans sa quête de
satisfaire sa gourmandise. Vrai ou faux.
3.3. L’eau est un adjuvant au bouc dans sa volonté
de se purifier. Vrai ou faux. Tu justifies.

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Quel rôle l’usage des guillemets joue-t-il dans ce
conte ?
2. Les chants jouent-ils dans ce conte un rôle précis ?
3. Pourquoi a-t-on employé l’italique à la fin du texte ?
4. As-tu quelque chose à ajouter à la leçon donnée par
l’auteur dans sa critique, à la fin du conte ?

lxxvii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu cites tous les éléments de l’illustration de
Laudamus Sègbo.
2. Quel passage du conte a-t-il cherché à immobiliser ?
3. La position de Yogbo par rapport au bouc a-t-elle
un sens ? Y verrais-tu un autre sens s’ils se faisaient
face ?
4. Quelles sont les couleurs utilisées ? Peux-tu leur
donner une valeur ?

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu expliques en quoi ce conte est fantastique et
merveilleux. Tu rédiges une autre fin à ce conte.
2. Que penses-tu de la gourmandise ? Tu produis en
cent mots un texte descriptif dans lequel tu fais le
portrait d’un camarade de classe gourmand.
3. Tu écris un texte injonctif à tes petits-enfants
imaginaires pour leur interdire de cultiver certains
défauts.
4. Tu t’inspires de l’illustration de Laudamus Sègbo
pour produire un conte sur la méchanceté.

lxxviii
Guide pédagogique

PARCOURS N°18
Conte 18 : 201-211
Qui devinera le nom des princesses ?

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Qui est le meilleur ami de Yogbo le glouton ?
2. En échange de quoi accepte-t-il de l’aider ?
3. Tu donnes la série des actions dans ce conte.
4. Ce conte est ascendant ? Tu justifies.

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
quadruplées (p. 203 ; l. 3) ; Au-delà (p. 203; l. 13) ; des
paroles en l’air (p. 203 ; l. 21) d’espionner (p. 204; l. 9) ;
cajoleries (p. 204 ; l. 12) ; la clé du mystère (p. 204; l. 21) ;
orfèvres (p. 205 ; l. 26) ; noms insolites (p. 205 ; l. 27) ;
discrètement (p. 206 ; l. 15) ; verbiage (p. 207 ; l. 13) ;
houspiller (p. 207 ; l. 19) ; furtivement (p. 208 ; l. 15).
2. Tu trouves 3 homonymes de port et tu formes des
mots de la même famille que lui.
3. Tu donnes le sens de l’expression tombèrent dans les
oreilles d’un sourd et tu trouves une autre expression
ou un mot composé contenant le mot sourd.
4. Peux-tu relever quatre (4) mots ou expressions
relevant du champ lexical de la compétition ?

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE


ET LE TEMPS
1. L’imparfait de l’indicatif, dans le dernier paragraphe
du conte, a-t-il une valeur répétitive ou ponctuelle ?

lxxix
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

2. Quel est le mode et le temps verbaux de Viens (p.


210 ; l. 10) ? Comment peux-tu expliquer son
emploi dans cette partie du conte ?
3. Tu donnes la classe grammaticale des mots de cette
phrase : « Avant même qu’elles n’aient repris leur chemin,
Yogbo avait conçu un plan pour élucider le mystère de leurs
noms. » (p. 206, l. 18-19).
4. Tu relèves deux phrases simples dans le conte et tu
dis le type et la forme de la phrase du 2ème paragraphe
de la page 207 ?
5. A quoi concourt l’ordre des mots dans la supplica-
tion de Yogbo (p. 206 ; l. 1) ? Quel nom donne-t-on
à cette construction grammaticale ?
6. Tu relèves tous les adjectifs numéraux du texte. Tu
dis ceux qui déterminent les tentatives de Yogbo
pour connaître le nom des princesses ? Combien de
temps au total a duré les épreuves pour connaître
les noms des princesses.
7. Tu fais l’analyse grammaticale de feuillage (p. 207, l.
2), mangue (p. 207 ; l. 5).
8. Tu réécris la quatrième phrase du 2ème paragraphe
de la page 207 à l’imparfait de l’indicatif. Quel
effet cette réécriture apporte-t-elle au mode de
narration ?

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Yogbo le glouton
1.1.1. En échange de quoi promet-il d’aider son
ami Yaï ?
1.1.2. Pendant combien de temps a-t-il espionné
les princesses ?

lxxx
Guide pédagogique

1.1.3. A quel moment réussit-il à découvrir le


secret de leurs noms ?
1.1.4. « Yogbo avait la réputation de ne jamais laisser
passer l’occasion de faire un bon repas. » (p. 206,
l. 7-8). Comment expliques-tu l’emploi de la
négation dans cette phrase ? Que révèle-t-
elle du caractère de Yogbo ?
1.1.5. Yogbo est un adjuvant dans ce conte. Tu
justifies.
1.1.6. Yogbo est-il un bon ami ?
1.1.7. Tu fais son portrait moral en faisant ressortir
ses qualités en trois phrases.
1.1.8. Tu compares son comportement dans
ce conte avec ses agissements dans le
conte précédent (« Pourquoi le bouc sent
mauvais ? »)
1.1.9. Es-tu surpris ? Peux-tu penser qu’il a changé ?
1.2. Yaï
1.2.1. « Si c’est un tour que tu es venu me jouer, je te
tuerai, c’est sûr ! car il s’agit de quelque chose de très
sérieux ! ». (p. 208). Il se méfie de Yogbo ?
1.2.2. Est-ce qu’il mérite vraiment les princesses ?
1.2.3. N’a-t-il pas triché ?
1.3. Les autres prétendants
1.3.1. Tu relèves leurs professions.
1.3.2. Tu montres que le prince (p. 205) est
ridicule ? prétentieux ?
1.3.3. Comment tu expliques qu’aucun d’eux n’a
pu deviner le vrai nom des princesses ?
1.4. Le roi et la reine
1.4.1. Ils sont désespérés. Vrai ou faux ?

lxxxi
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.4.2. Est-il normal qu’ils ne connaissent pas les


noms de leurs filles ?
1.4.3. Ils aiment leurs filles. Vrai ou faux ?
1.4.4. Le roi n’accepte pas l’attitude des princesses.
N’a-t-il bravé ainsi la volonté des dieux ?
1.5. Les princesses
1.5.1. Combien sont-elles ?
1.5.2. Pourquoi refusent-elles de révéler leurs
noms ?
1.5.3. Tu donnes l’emploi du temps matinal des
princesses.
1.5.4. Leur gourmandise a permis à Yogbo de
découvrir leurs noms, n’est-ce pas ?
1.5.5. Elles sont naïves. Vrai ou faux.
2. Le monde végétal
2.1. Le manguier et ses fruits sont un adjuvant pour
Yogbo dans ce conte. Vrai ou faux.
2.2. La forêt, dans ce conte, est un lieu hostile pour
le taureau. Vrai ou faux.
2.3. Le baobab a été un adjuvant pour Yogbo le
glouton. Vrai ou faux.

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Quel rôle l’usage des guillemets joue-t-il dans ce
conte ?
2. Le chant de Yogbo a un rôle mnémotechnique dans
ce conte. Vrai ou faux ?
3. L’auteur affirme qu’il a modifié la fin du conte pour
donner l’avantage à l’homme. Es-tu de son avis ?
4. Le chant final de Yaï permet-il à ses épouses de
savoir sa stratégie de conquête ?

lxxxii
Guide pédagogique

5. Tu identifies dans le recueil les autres contes qui


s’intéressent aux jumeaux.

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. Tu cites tous les éléments de l’illustration de
Laudamus Sègbo.
2. Quel passage du conte a-t-il cherché à immobiliser ?
3. La position de Yogbo par rapport au bouc a-t-elle
un sens ? Y verrais-tu un autre sens s’ils se faisaient
face ?
4. Quelles sont les couleurs utilisées ? Peux-tu leur
donner une valeur ?

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. A partir de tes connaissances de la langue fongbé
tu proposes une interprétation des noms des
personnages de ce conte.
2. Tu t’inspires ce conte pour produire un conte sur
l’amitié.
3. Tu rédiges une lettre dans laquelle tu racontes à un
ami comment tu as réussi à une compétition.
4. Tu présentes en dix mots le portrait de ton meilleur
ami.

lxxxiii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

PARCOURS N°19
Conte 19 : 213-220
Comment Yogbo le glouton a été dupé ?

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Qui a dupé Yogbo le glouton ?
2. Pourquoi Yogbo a-t-il kidnappé Alougba ?
3. Tu retrouves l’élément modificateur de ce conte.
4. Peux-tu dire que c’est un conte en miroir ?

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants :
étourdiment (p. 215 ; l. 9) ; un trou béant (p. 215 ; l.
25) ; à ras bord (p. 216 ; l. 5) ; fourbe (p. 216 ; l. 13) ;
jubilation (p. 216 ; l. 23) ; un grain de bon sens (p. 217 ;
l.1) ; contrepartie (p. 217 ; l. 11) ; regards entendus (p.
217 ; l. 15-16) ; astucieusement (p. 217 ; l. 19) ; onguent
(p. 219, l. 10) ; rémunération (p. 219 ; l. 14-15).
2. Tu trouves des mots formés de la même manière
que assiettées (p. 219, l. 1).
3. Tu formes des mots composés en faisant précéder
d’un préfixe les mots suivants : chercher, jetant,
libérer, fondit, tira.
4. Peux-tu donner deux antonymes de plaintifs (p. 218,
l. 16) ?

J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE


ET LE TEMPS
1. Tu dis la valeur de l’imparfait de l’indicatif dans le
premier paragraphe du conte.

lxxxiv
Guide pédagogique

2. Quel est le temps verbal employé dans le 4ème


paragraphe du conte ? Quel aspect de ce temps
est-il mis en évidence ?
3. Tu identifies dans le conte 5 adjectifs qualificatifs
épithètes.
4. Tu trouves dans le conte 4 adverbes de manière et
tu donnes leur fonction.
5. « Les oiseaux sorciers déchiraient l’air de leurs cris » (p.
215, l. 13-14). Tu distingues le groupe nominal et
le groupe verbal.
6. Tu fais l’analyse grammaticale de bois (p. 215, l. 6),
forêt (p. 215, l. 7). Tu dis ce que te suggèrent ces mots.
7. Tu réécris le 4ème paragraphe (p. 216) au présent de
l’indicatif en remplaçant Alougba par Je.

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Yogbo le glouton
1.1.1. Quel moyen utilise-t-il pour capturer
Alougba ?
1.1.2. Tu montres que son tam-tam n’a rien de
magique.
1.1.3. Tu relèves tous les adjectifs qualificatifs qui
peignent ses défauts.
1.1.4. C’est un être violent. Vrai ou faux ?
1.1.5. « Lorsqu’il se trouva devant la case de ses parents, il
leur fit de violents reproches et les accusa d’avoir usé
de supercherie. » (p. 219). Comment peux-tu
expliquer ce comportement de Yogbo ?
1.1.6. Où garde-t-il sa prisonnière ?

lxxxv
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.2. Alougba
1.2.1. Tu relèves ses différentes qualités dans le
texte.
1.2.2. Comment s’est-elle alors perdue dans la
forêt ?
1.2.3. A-t-elle eu raison de faire confiance à Yogbo
le glouton ?
1.2.4. Qu’aurais-tu fait à la place de Alougba ?
1.2.5. Elle est contente d’être dans le tam-tam.
Vrai ou faux ?
1.3. Les parents de Alougba
1.3.1. Comment s’appellent-ils ?
1.3.2. Ils ont été plus malins que Yogbo, n’est-ce
pas ? Comment ?
1.3.3. Ils sont heureux de retrouver leur fille. Vrai
ou faux ?
1.4. Les villageois
1.4.1. Ils détestent Yogbo. Vrai ou faux ?
1.4.2. Comment réagissent-ils à la supercherie de
Yogbo le glouton ?
1.4.3. Ils ont aidé à la libération de Alougba,
n’est-ce pas ?
2. Le monde végétal
2.1. La forêt est un espace hostile pour Alougba
dans ce conte. Vrai ou faux ?
2.2. Que représente alors le baobab pour Yogbo le
glouton dans ce conte ?

lxxxvi
Guide pédagogique

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Tu recherches le rôle du tam-tam dans la tradition
africaine.
2. Tu retrouves dans le recueil un conte avec un vrai
tam-tam magique.
3. Le chant de Alougba est un chant de dénonciation.
Vrai ou faux ?
4. Les conclusions de l’auteur sur ce conte te
paraissent-elles justes ?

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. La scène illustrée par Laudamus Sègbo est-elle
explicite ? Tu délimites ce passage dans le conte.
2. Que manque-t-il à cette illustration à ton avis ?
3. Tu cites tous les éléments de l’illustration de
Laudamus Sègbo.
4. Quelles sont les couleurs utilisées ? Peux-tu leur
donner une valeur ?

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Peux-tu dire que ce conte est fantastique ? Tu réécris
le conte en modifiant la fin.
2. Tu t’inspires de ce conte pour produire un texte
argumentatif de 50 mots pour faire part de ton
opinion sur les enlèvements d’enfants.
3. Tu proposes un texte injonctif en 6 points qui
sanctionne les kidnappeurs.

lxxxvii
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

PARCOURS 20
Conte 20 : 221-232
Comment Yogbo le glouton trouva la mort ?

JE COMPRENDS LE CONTE ET SA STRUCTURE


1. Que pense le chef du village de Yogbo le glouton ?
2. Pourquoi Yogbo est-il en quête de nourriture ?
3. Tu relèves la morale de ce conte et tu dis s’il obéit
à un schéma en spirale ou en sablier.
4. Peux-tu proposer le schéma narratif du conte ?

J’EXPLIQUE LES MOTS OU EXPRESSIONS


1. Tu expliques les mots ou expressions suivants : en
désespoir de cause (p. 223 ; l. 23- 24) ; moissons (p. 224 ;
l. 1) ; rires méprisants(p. 224 ; l. 3) ; à couvert (p. 224 ;
l. 13-14) ; prêter main forte (p. 224 ; l. 15) ; réputation
d’impartialité (p. 224 ; l. 22-23) ; pâlissante (p. 225 ;
l. 3) ; terrifiante (p. 226 ; l. 13) ; amplement (p. 227, l.
22) ; combat singulier (p. 227 ; l. 25) ; bredouille (p. 228,
l. 1-2) ; inerte (p. 231 ; l. 17).
2. Tu trouves le radical qui a servi à former nourriture,
épuisées, paysans, gigantesque.
3. Tu construis une phrase avec retentir à son oreille, au
loin, une idée stupide, à reculons.
4. Peux-tu identifier dans le conte un cri d’animal et le
verbe dont il est dérivé ?
J’ANALYSE LA SYNTAXE, L’ESPACE ET LE TEMPS
1. Tu dis la valeur de l’imparfait de l’indicatif dans le
premier paragraphe du conte.
2. Tu retrouves dans le conte des verbes conjugués au
futur simple de l’indicatif.

lxxxviii
Guide pédagogique

3. Tu identifies dans le conte des adverbes de lieu et


de temps.
4. Tu donnes la fonction des prépositions suivantes :
dans (p. 223, l. 9) ; de (p. 223, l. 22) ; en (p. 224, l. 6).
5. « Aussi décida-t-il de tenter sa chance dans la forêt.» (p. 215,
l. 13-14). Tu reconstruis cette phrase en rétablissant
l’ordre des groupes (groupe nominal et groupe
verbal).
6. Quelle est la nature de quiconque (p. 224 ; l. 1)
7. Tu réécris le dernier paragraphe du conte (p. 261)
au présent de l’indicatif.

J’ÉTUDIE LES PERSONNAGES


1. Les hommes
1.1. Yogbo le glouton
1.1.1. A quel métal précieux se compare-t-il pour
prouver qu’il a changé ? Tu relèves ses propos
dans le conte.
1.1.2. Est-ce vrai ?
1.1.3. C’est un homme irresponsable et opportu-
niste. Vrai ou faux.
1.1.4. Il est victime de sa propre méchanceté,
n’est-ce pas ?
1.1.5. Peut-on dire que Yogbo a les yeux plus gros
que le ventre ?
1.1.6. A-t-il réussi à tuer le singe ? Pourquoi ?
1.1.7. Yogbo dupe les hommes aussi bien que les
animaux. Tu repères d’autres contes où ils
les affrontent.
1.1.8. Quel mot magique utilise-t-il pour tuer les
animaux ?

lxxxix
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

1.1.9. Il a peur de mourir. Vrai ou faux ?


1.2. Le chef et les villageois
1.2.1. Pourquoi refusent-ils de croire Yogbo
lorsqu’il dit avoir changé ?
1.2.2. Ils sont contents de ce qui lui arrive. Vrai
ou faux ?
1.2.3. Que leur promet-il en échange de la
nourriture ?
2. Le monde végétal
2.1. La forêt
2.1.1. Pourquoi Yogbo le glouton s’est-il rendu
dans la forêt ?
2.1.2. La forêt est à la fois un espace hostile puis
un lieu adjuvant pour Yogbo le glouton dans
ce conte. Vrai ou faux ?
2.2. L’esprit-champignon
2.2.1. Quel est son nom ?
2.2.2. C’est un champignon vénéneux. Vrai ou
faux ?
2.2.3. L’esprit champignon a été clément envers
Yogbo. Comment ?
2.2.4. Yogbo est mort parce qu’il a abusé de la
bienveillance de l’esprit-champignon. Vrai
ou faux ?
3. Le monde animal
3.1. Les animaux
3.1.1. Tu cites tous les animaux qu’il a défiés dans
la forêt.
3.1.2. Sont-ils tous de la même espèce ? Tu les
classes.

xc
Guide pédagogique

3.1.3. Pourquoi ont-ils tenu une réunion ?


3.2. Le buffle
3.2.1. Comment est-il décrit dans le conte ?
3.2.2. Il est naïf, n’est-ce pas ? Quel autre trait de
son caractère est mis en évidence ?
3.2.3. Comment trouve-t-il Yogbo par rapport à
lui ?
3.2.4. Tu le compares au bouc (« Pourquoi le bouc
sent mauvais ? »).
3.3. Le singe
3.3.1. Le singe est un animal malin. Vrai ou faux ?
3.3.2. Comment a-t-il découvert le stratagème de
Yogbo ?
3.3.3. Peux-tu comparer le singe aux autres
animaux de ce conte et au bouc (« Pourquoi
le bouc sent mauvais ? »).
3.3.4. Tu dis le nombre de fois que le singe a refusé
de prononcer le mot magique.

JE CHERCHE LES AUTRES GENRES


1. Peux-tu identifier un chant dans ce conte ?
2. Quelles paroles reviennent souvent au cours de ce
conte ?
3. Tu identifies deux proverbes dans le conte.
4. Pourquoi Yogbo le glouton doit-il mourir selon
l’auteur ?

J’ASSOCIE LE CONTE À L’ILLUSTRATION


1. A quelle étape du schéma narratif correspond le
passage illustré par Laudamus Sègbo ?

xci
Pourquoi le Bouc Sent Mauvais et Autres Contes du Bénin

2. Tu étudies l’expression des personnages de ce


tableau.
3. Tu analyses le costume de Yogbo le glouton.
Pourquoi son habit est-il déchiré au niveau du
ventre ?
4. Peux-tu donner la valeur des couleurs dont
l’illustrateur a habillé Yogbo le glouton ?

J’APPROFONDIS ET J’ÉCRIS
1. Tu relèves les éléments merveilleux dans ce conte.
2. Tu t’inspires de ce conte pour produire un texte
argumentatif de 80 mots pour montrer les
comportements qu’il faut avoir pour mériter la
confiance dans la société.
3. Tu proposes en dix vers une chanson pour louanger
l’intelligence du singe et sa victoire sur Yogbo le
glouton.

xcii
I

ÉTUDE THÉMATIQUE
DE POURQUOI LE BOUC SENT MAUVAIS
ET AUTRES CONTES DU BÉNIN.

La thématique dans l’œuvre est variée et suit généralement


les normes des contes telles que l’a indiqué Vladimir Propp
dans sa morphologie des contes.

1-1 L’ÉDUCATION
La maltraitance des enfants
L’enfance reste une thématique récurrente dans les
contes et pour cause, la double fonction ludique et didactique
qu’elle a, mais surtout le fait que son public, bien que varié,
est quelques fois essentiellement infantile. Et généralement,
dans les contes d’orphelin, à spirale ou en miroir, l’on
observe chez les adultes, notamment chez certaines femmes,
coépouses ou marâtres, cette tendance à voir en l’orphelin,
un être fragile, si fragile que son destin, dans leur main,
peut être manipulé à coup de fouet, de privation, et de
travaux complètement irréalistes. Cependant, le vœu secret,
souvent malheureux de ces tuteurs, ne se réalise jamais, car
si la première des trente et une fonctions des contes selon la
classification de Vladimir Propp est l’éloignement, la dernière
est que le héros épouse la princesse et monte sur le trône.
Ce schéma classique est clairement observé dans le
recueil lorsque nous nous reportons au conte « Le prince
et l’orpheline ». Ici, telle cendrillon, l’orpheline-héroïne
Hobami a souffert sous le toit de sa marâtre. Le narrateur
indique :

233
Raouf MAMA

« Sa marâtre, qui avait trois filles, la faisait travailler sans cesse


depuis les premières lueurs de l’aube jusqu’à l’heure où, les sorcières,
se drapant des couleurs de la nuit, emplissent l’air de cris à vous glacer
le sang. »
Ce passage, illustratif de la maltraitance, fait apparaître,
une double souffrance. La souffrance physique pour les
travaux illimités (« sans cesse »), mais surtout la souffrance
morale car, la précision de la fin seule, est traumatisante. Elle
est soumise à toutes sortes d’épreuves, car adolescente, elle
ne saurait faire face seule aux cris terrifiants des sorcières,
souvent incarnées par les oiseaux nocturnes, la chouette
ou le hibou.
C’est endurant cette torture de la part de sa marâtre et
aussi de ses trois demi-sœurs que Hobami sera soumise
à l’épreuve de la devinette du nom du prince, devinette
qui donne accès à toute jeune fille de devenir princesse et
habiter le palais. Ainsi, bien qu’ayant subi les railleries et la
trahison de ses sœurs, malgré le soin qu’elles mettent dans
leur toilette et les haillons que la marâtre va mettre sur son
corps pour aller subir l’épreuve du roi, Hobami remportera
la victoire grâce à son adjuvante, une vieille femme qui sut
lui fournir l’information sésame.
« L’orphelin et le lépreux » reste également dans ce schéma
de la maltraitance des enfants. En effet, ce quatrième conte
du recueil voit le personnage Sèhou, malheureux orphelin
de père et de mère souffrir tellement chez sa marâtre
qu’il dut fuguer dans la jungle pour ressembler aux bêtes
sauvages avec lesquelles, l’on faisait comparer sa vie. Cette
marâtre, comme dans Le pagne noir, demandait à Sèhou, ce
petit enfant de devenir magicien et de transformer un pagne

234
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

noir en blanc, sous le simple effet de la lessive. Juste pour


son plaisir de la voir souffrir, juste parce qu’il n’est pas de
sa progéniture, de ses données génétiques, juste parce que
l’enfant a connu le tort de perdre ses parents à la naissance.
Mais cette maltraitance, à l’instar des autres dans les
contes, constitue toujours une épreuve à vaincre par le
héros. Car, la vingt-sixième fonction qui est la réussite du
héros ne vient qu’après de dures étapes. Ainsi, au bord du
gouffre et du désespoir, Sèhou qui voulait se donner la
mort, va se ressaisir grâce à la joie de vivre de ce lépreux
qu’il aperçut.
« Le tam-tam magique » va fonctionner aussi dans
ce schéma avec Sagbo, maltraité par sa marâtre. Tout à
l’opposé de son demi-frère qui dormait douillettement
pendant que lui, arpentait, monts et vallées pour faire les
travaux domestiques et d’autres courses, il connaîtra même
le renvoi du domicile familial, après une disette. Mais ce sera
lui, son épreuve. C’est grâce à cet acte qu’il reviendra d’un
pays étrange sous l’eau, nourrir tout le village.
Si pour les trois contes évoqués ici, il s’agit d’un héros
orphelin, maltraité par une marâtre, l’on sera surpris de
constater qu’il n’y a pas que les marâtres qui se retrouvent
dans cette méchante fonction d’opposantes. Des géniteurs
directs aussi se retrouvent pour une raison ou une autre
dans ce schéma. C’est le cas de ce conte inaugural du recueil
au titre évocateur : « L’enfant dont on n’avait pas voulu ».
Hangnan-Hangnan-Gba « Vilain pataud » est en effet
cet enfant dont la laideur repoussante, obligea son propre
géniteur, qui, en sa qualité de roi, estima qu’il n’en était pas
digne. Et comme un malpropre, un pestiféré, on l’écarta de

235
Raouf MAMA

la société humaine pour lui trouver place en jungle. De la part


d’un roi, protecteur de tout le peuple, cela devrait étonner,
car si un enfant, qui qu’il soit, ne peut trouver refuge et
grâce auprès du roi, le souverain dans ce cas, manquerait à sa
fonction. Mais les rois des contes qui ressemblent beaucoup
aux rois des anciens royaumes sont polygames affichés avec
un harem immense et une progéniture au sein de laquelle,
eux-mêmes se perdent ; tellement elle est abondante. Pour
lui, se débarrasser d’un enfant serait donc aisé. Sauf que,
si le conte insiste là-dessus, c’est qu’il y a mal-être à ce
niveau. Un enfant ne saurait subir un sort pareil de la part
de qui que ce soit. L’enfant qui devrait rester un projet
de vie, non seulement pour les géniteurs mais aussi pour
l’enfant lui-même, devrait recevoir de la part des parents,
compréhension, amour et communion. Et c’est la leçon
donnée par cet enfant rejeté qui devrait édifier.
C’est lui en effet, devenu roi d’un royaume voisin à
la suite de son épreuve qu’est l’assassinat de ce serpent
amateur de jeunes filles vierges, qui viendra sauver son père
de la destruction de son royaume par l’ennemi.
Ainsi, les enfants savent rendre l’ascenseur lorsqu’on
s’occupe bien d’eux pendant qu’ils en ont le plus besoin.
Mais, le recueil n’a pas présenté que des enfants
maltraités. Leur éducation a pris aussi l’autre sens de l’excès
où contrairement à la privation qu’ont subie les premiers,
eux sont restés dans l’abondance où tout leur est permis.

L’étourdissement
Deux contes vont présenter ce schéma d’enfant gâté qui
causeront le malheur de leur parent.

236
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

D’abord « Le chant de l’enfant gâté », avec le petit


Hingnon, dont la grand-mère a une gentillesse à nulle
autre pareille, avec notamment une surprotection et une
acceptation de tous les désirs. Le faible pour les caprices de
Hingnon, vient de ce qu’elle ne voit en lui que l’image de
sa fille partie sur la table d’accouchement. Mais cette pitié,
aussi légitime soit-elle, peut-elle justifier cet aveuglément
dont ce personnage a fait preuve ? C’est, semble-t-il, la
grande interrogation de ce conte. Et la fin malheureuse
de cette vieille dame doit conduire à conclure qu’il y a
une limite en toute chose. L’amour pour l’enfant ou la
transposition de cet amour ne devrait nullement conduire
à tout accepter.
Comment peut-elle tomber dans cet excès aussi grave ?
Un petit enfant qui exige de manger la viande d’un mouton
royal qu’il voit passer. Et malgré les promesses de lui en
acheter un autre, il persiste dans le caprice et la vieille y
accède. Cette attitude qui relève du laxisme né de son
éducation consiste une sérieuse leçon donnée à tous les
parents gâteux qui ne savent pas la limite entre le tolérable et
le refus. Cette vieille l’aura appris à ses dépens en finissant en
détention. L’enfant qui n’est pas entièrement responsable de
ce comportement aussi, avec une condamnation à devenir
berger, surveillant des moutons royaux.
Même si la mise en garde est permanente, Agossinon
dans « La fillette qui fut à l’origine de la saison des pluies et
de la saison sèche » est restée dans ce schéma de la grand-
mère de Hingnon. Agossi, sa fille, est une mauvaise langue,
et elle le sait. Son rôle d’éducatrice aurait été de la canaliser,
alors qu’elle est encore petite fille, au lieu de lui concéder

237
Raouf MAMA

tout caprice. Car, si son cœur de mère ne s’était pas laissé


attendrir par les pleurs de sa fille avant ce voyage, elle aurait
pu s’éviter à elle-même des litres de larmes coulés, des
gesticulations à supplier puce et mort de lui rendre sa fille.
Son rôle de mère serait de rester ferme. D’aller même
prendre conseil pour lui retirer ce caractère peu social et
l’amener à se contenter de voir sans réagir. Agossinon elle-
même savait dès le départ que le voyage qu’elle entreprenait
pourrait être dangereux avec des êtres de tout acabit agissant
bizarrement. Un monde fantastique auquel sa fille n’est pas
habituée et qui ne peut ne pas l’étonner. La connaissant déjà
avec ce caractère, c’était à elle de prévenir le danger.
Au total, les contes, s’ils condamnent le manque d’amour
et d’éducation à l’endroit des êtres fragiles que sont les
enfants, mettent aussi les parents en garde contre l’excès
d’amour qui conduit de toute façon à un manque d’éducation
puisque socialement, l’enfant fera passer ses désirs avant
ceux des autres. Comportement reconnu, complètement
antisocial, notamment par le contrat social proposé par Jean-
Jacques Rousseau.
Mais si, les contes sont axés sur l’éducation des enfants,
ils n’ont pas manqué de parler des adultes, surtout en ce qui
concerne ces caractères qu’ils développent.

238
II

LES CARACTÈRES HUMAINS

2.1 La ruse et L’intelligence


S’il y a un caractère humain récurrent dans les contes, c’est
bien celui de la ruse qui, d’un côté démontre l’intelligence
de l’actant qui en use, et de l’autre, révèle la sottise de son
interlocuteur. Or bien souvent, il arrive que l’interlocuteur
averti se prévienne du danger, évite le piège et/ou prenne
sa revanche.
Les contes de ruse se présentent ainsi sous plusieurs
aspects et selon Thierry Prieur, Psychopédagogue français,
quatre motifs se distinguent dans la ruse : l’éloge de
l’anticipation, la maîtrise du détour et du déguisement, la
psychologie appliquée et la maîtrise de la logique.

2.1.1 La maîtrise du détour et du déguisement


La maîtrise du détour et du déguisement est ce motif de
ruse qui permet à un personnage de prendre tous les autres
pour des cons, de les duper à travers un déguisement. Il se
fait prendre pour ce qu’il n’est pas et n’a jamais été.
En la matière ici, Yogbo se fait roi. Roi de la ruse par
détour ou déguisement. En effet, à l’exception d’un seul
conte dans lequel, il a semblé être un bon personnage,
encore que même là, il s’est servi de sa ruse pour découvrir
les noms des quatre princesses jumelles, partout, il s’est
servi du déguisement de sa personnalité, de ses qualités
pour arriver à bout des autres.

239
Raouf MAMA

Déjà à partir du conte éponyme du recueil « Pourquoi le


bouc sent mauvais ? », le narrateur le présente comme un
être désormais honnête. En effet connu pour sa fourberie,
sa gloutonnerie et duperie, Yogbo, pour avoir la confiance
de ses pairs, notamment du roi, a dû se faire passer pour
un repenti franc. Un homme tout à fait digne de confiance.
Alors que lui-même n’est pas arrivé à se convaincre du fait.
C’est ainsi que le mouton sacrificiel lui sera confié. La suite
se passe de commentaire car, chasser le naturel, il revient
au galop.
C’est cette même technique qu’il utilisera dans le dernier
conte du recueil, « Comment Yogbo trouva la mort ». « Ma
méchanceté, ma gourmandise, ce sont là des choses du
passé », ne cesse-t-il de marteler à tout venant. Sauf qu’en
réalité, il n’en est rien. Il dupera ainsi buffle, léopard, boa,
lion, éléphant…
Aussi, lorsqu’il réussit à apprivoiser Alougba, la petite
très courageuse et travailleuse dans « Comment Yogbo
le glouton a été dupé », réussit-il à détourner l’attention
des villageois chez qui il passait. Se faisant passer pour
un magicien, capable de faire chanter, à voix d’homme un
tam-tam, il gagnait auprès de tous une rémunération en
nourriture suffisante pour apaiser sa grande faim.
D’autres personnages cependant vont l’imiter dans le
déguisement physique ou psychologique. Il s’agit de ce
singe dans « Le père cupide » qui se joua du père cupide
pour épouser sa fille. En effet, ayant appris les exigences
hors normes de ce père qui vendait sa fille au plus offrant,
restant sur sa soif depuis, Singe se déguisa, grâce à l’aide
de ses compères de la forêt en un homme immensément
riche. Si ce n’est que la condition d’être ne peut changer à

240
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

sa simple volonté personnelle, le Singe serait resté mari de


Gbessi pour toujours. Nadjo aura appris au détriment du
singe que la cupidité est un caractère très grave qui conduit
à la perte de celui qui en use.
Aussi l’hyène dans « Quand la rivière devient Le
grand trou » profita-t-elle d’une conversation volée entre
Adononsi et Adjoua pour se transformer en jeune fille, se
prenant pour Adjoua. Dans la démarche, dans la voix et
dans l’habillement, l’hyène prendra cette forme humaine
parfaite, trompant ainsi Adononsi qui n’eut la vie sauve
qu’en découvrant juste à temps le stratagème de l’hyène
pour la dévorer.

2.1.2 L’éloge de l’anticipation


L’éloge de l’anticipation consiste à penser une ruse avant
de la mettre en pratique. Le récit fonctionne alors comme
par analepse pour faire découvrir ce pourquoi le personnage
agissait ainsi.
C’est le cas concret ici même du lièvre dans « Comment
le lièvre but de l’eau bouillante et épousa la belle princesse ».
Le lièvre savait très bien le but de sa stratégie. En s’arrêtant
devant chaque personnage, faisant son éloge, évoquant
le sort malheureux qui l’attendait au bout de l’épreuve,
insistant qu’on lui fasse honneur en mentionnant son don
de soi au nom de l’amour, il laissait passer le temps ; surtout
celui au bout duquel l’eau changerait d’état. Elle deviendrait
bien plus fraîche et raisonnablement consommable. Mais
cette raison, c’est bien plus tard que le narrataire le découvre.
Seul l’averti sait aussitôt le but de sa ruse.

241
Raouf MAMA

2.1.3 La psychologie appliquée


Le motif de la psychologie appliquée relève d’un
machiavélisme patent. Le héros a la maîtrise de l’autre.
Dans le recueil, nous avons cette stratégie de Caméléon
qui, connaissant son ami crocodile n’a jamais voulu lui
faire confiance. Ainsi dans « Comment Caméléon devient
source de sagesse » l’on découvre cette ruse de Caméléon,
maîtrisant tellement son ami, qu’il voit déjà de loin le piège
dans son invitation. Ce geste de faire jeter un bois au lieu
de se jeter lui-même est une anticipation intelligente qui
relève de la connaissance qu’il a de l’autre. La preuve, le bois
jeté, loin d’être doucement accueilli, a été broyé avec force,
avec des dégâts au niveau d’une mâchoire certainement
traumatisée après avoir subi un choc si inattendu.
La stratégie du Singe dans « Le père cupide » est également
de la psychologie appliquée, puisqu’il ne se serait jamais
déguisé si les exigences de Nadjo ne dépassaient pas les
bornes. C’est donc, étudiant la psychologie de ce vieux qu’il
a eu cette idée sournoise de devenir humain et riche.
Toutes les fois aussi que Yogbo a été dupé, c’est parce
que ses interlocuteurs ont compris ce qu’il est réellement.
C’est en se servant de sa gourmandise que les parents
d’Alougba ont pu récupérer leur fille servant d’appât facile
dans le tam-tam de Yogbo.
Aussi, c’est connaissant son caractère fourbe que le singe
a réussi à l’envoyer à la mort.

2.1.4 La maîtrise de la logique


La maîtrise de la logique, c’est ce motif de ruse qui
consiste à arrêter un conte en faisant réfléchir notamment

242
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

les apprenants sur une énigme ou comment résoudre le


problème du héros ou de l’héroïne.
Ici, nous nous retrouvons avec pratiquement un seul
conte justement titré « Qui peut dénouer la situation » où
l’héroïne se trouve face à un dilemme. En effet, avec ses
trois amis qui l’ont aidée chacun dans sa compétence donnée
pour la sortir des griffes d’un serpent géant qui l’a capturée,
elle se retrouve incapable de choisir. La ruse ici consiste à
prendre chez le narrataire son sens de logique, appliquée
au contenu concret du récit afin d’en indiquer une issue
scientifique. Sauf qu’ici, l’on aura beau réfléchir, il serait
logiquement impossible de désigner qui véritablement a fait
sortir Adononsi du danger. Sans les trois mots magiques
du premier, ses yeux ne sauraient localiser la jeune fille.
C’est grâce aux chaussures magiques du deuxième qu’ils
ont pu tous traverser en un éclair la rivière derrière laquelle
le serpent cachait Adononsi et le petit doigt expert du
troisième qui soule tout put extirper la jeune fille des griffes
du serpent. Chacun d’eux ainsi, dans son domaine précis
a pu apporter son expertise dans la libération de l’héroïne.
Mais, n’étant pas dans une société où règne la polyandrie,
l’on ne saurait demander à Adononsi de prendre les trois.
Le principe, ici, ne sera pas seulement de trouver le vrai
acteur, mais de voir la capacité de l’enfant à réfléchir. La
maîtrise de la logique est donc un motif de la ruse qui ne
fait pas voir forcément les personnages rusés, mais qui teste
l’intelligence et la ruse de celui qui écoute le conte.

Au total, la ruse est ce caractère plus répandu dans


les contes. Le conte est donc ce canal à travers lequel le
narrateur met en garde son public des pièges possibles dans

243
Raouf MAMA

lesquels, l’homme rusé pourrait le conduire, à la manière


de la Fontaine, reprenant les contes d’Ésope qui conclut le
corbeau et le renard par : « Mais on ne l’y prendrait plus. »

2.2. L’ingratitude
L’ingratitude est aussi récurrente dans les contes et pour
cause, ce caractère humain, de non reconnaissance du bien
fait, nuit dangereusement à la société. Car, les bienfaiteurs,
se servant de ce caractère observé chez certains, refusent
d’aider sciemment et laissent des nécessiteux dans le besoin.
Des personnages de ce recueil ont fait montre d’ingrati-
tude et la sanction comme tous les mauvais caractères dans
le conte en général ne tarde pas. Déjà avec ce personnage
dont le nom, véritable torture dans la prononciation ne
présageait de lui aucun caractère positif.
Atchanminanguey, pauvre miséreux reçut en effet d’un
génie alors qu’il gémissait dans la misère, le pouvoir multiple
d’avoir tout en un éclair. Richesse, pouvoir, serviteurs,
femmes et enfants. La seule condition à laquelle il était
astreint était de sacrifier un pigeon et un canard.
Et la condition du génie n’est pas anodine. En réalité, son
souhait est de le voir partager ses richesses avec les pauvres,
vu que lui-même pauvre, a reçu gratuitement tout. Ainsi,
ce geste de sacrifice devrait consister à se départir d’une
partie de ses richesses et en retour, il en aurait davantage.
Connaissant la vie de pauvre, normalement, même sans
cette condition du génie, l’humain devrait savoir qu’une
richesse est terrestre et que c’est bénédiction pour soi que
de partager aux nécessiteux ce qu’on a.
C’est une invite à tous les riches de savoir que tant
qu’autour d’eux, la misère grandiose ne s’amenuise, leur

244
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

richesse n’est aucunement en sécurité. Ici, par exemple,


le narrateur présente trois pauvres qui sont venus
successivement réclamer pigeon et canard. Et le conte de
dire que c’est le génie lui-même qui s’est déguisé. Mais en
réalité, c’est de vrais pauvres qui ne demandent qu’une
toute petite attention de sa part. Cette ingratitude qui lui
a coûté sa fortune et le retourna à ses propres origines
malheureuses donne le sens à la fonction didactique du
conte qui fait apprendre aux riches que si le partage ne se
fait pas d’eux-mêmes, le partage naturel sera plus terrifiant.
Atchanminanguey n’est pas cependant le seul personnage
ingrat du recueil. L’autre ingrat attitré est Yogbo dont la
gloutonnerie entraîne toujours dans une histoire louche.
Avec le pétrin dans lequel il s’est mis tout seul en tuant le
mouton sacrificiel et le recours in extremis qu’il a eu grâce
à sa ruse, au canari, le minimum qu’il pouvait faire était
non seulement de rendre la pareille en cas de difficultés en
le protégeant, mais aussi et surtout, en lui épargnant la vie.
Mais c’est paradoxalement lui qui le premier, et à la première
occasion, en a profité pour le rôtir. N’eût été ce pouvoir
magique du canari, il resterait broyé de tous ses os dans le
ventre de Yogbo.
La leçon reçue par l’ingrat, même si elle semble légère à
la taille se son acte, est adéquate.

2.3 L’amour et la jalousie


L’amour, cet état affectif positif et négatif à la fois, ne
se manifeste pas dans le recueil avec la passion qu’on lui
connaît dans les autres genres littéraires. Et pour cause, les
récits sont plantés dans un décor où il n’est pas question de
recueillir le consentement des deux amants. Il s’agit qu’un

245
Raouf MAMA

roi décide de marier sa fille et de proposer une épreuve.


Et cette épreuve n’a jamais consister à sélectionner le plus
amoureux, mais le plus pugnace, le plus intelligent… A
croire qu’il suffit d’être intelligent pour être compatible
avec n’importe qui. Mais l’on comprend que c’est l’esprit
chevaleresque qui, depuis l’origine du monde où se situent
parfois les contes, se célèbre.
Le premier qui évoqua ouvertement l’amour, même si
ce n’est en réalité pas le cas, est lièvre lorsqu’il se servit de
sa ruse pour faire refroidir l’eau bouillante avant de la boire.
« Derrière chaque acte de folie se trouve une raison
Et pour moi, cette raison, c’est la force de l’amour et de la passion »
Mais l’on pourrait se demander quel est cet amour qui
naît alors qu’au préalable, le lièvre n’a eu aucun entretien,
aucune possibilité d’échanger avec la princesse. La seule
idée qu’il a d’elle, c’est qu’elle est une princesse. Tous les
autres concurrents aussi.
L’amour passionnant se retrouve aussi au niveau des
« Princesses jumelles » où le roi d’Allada s’enticha de
Zinhoué. Là encore, aucun accord mutuel n’est signalé.
Mais ici apparaît un caractère nouveau, la jalousie. Car,
la première femme jalouse de la dernière qui captait plus
l’attention du roi, va profiter d’une cérémonie officielle
pour tenter de démasquer l’anomalie physique de Zinhoué.
Ayant découvert par un trou qu’elle fit discrètement dans le
mur de sa douche, qu’elle est manchote, la jalouse voulait
se venger que l’infirmité était un crime dans le royaume,
personne, pas même le roi, n’a ce droit de prendre comme
femme une handicapée, quelle qu’elle soit.
Même si l’on ne devrait pas parler de jalousie directe,
l’on pourra évoquer le cas du « tam-tam magique » où, la

246
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

marâtre sera jalouse de la renommée de sauveur du village


qu’a désormais Sagbo, l’orphelin qu’elle maltraitait. Elle
va adjoindre son fils Senan de faire le même parcours que
Sagbo afin d’avoir la même renommée. Hélas, « le tam-tam »
que Sènan rapporta, loin d’apporter à manger, fait sortir des
abeilles méchantes qui bourdonnent à en devenir sourd et
qui piquent dangereusement.
Une autre forme de jalousie se note chez la femme
du frère aîné dans « L’origine des Crocodiles, poissons et
autres aquatiques. » Une jalousie morbide où, elle ne tolère
pas que son mari robuste, partage équitablement les fruits
de ses labeurs avec son jeune frère frappé par la maladie
et impotent. Mal lui en a pris et la fin de l’histoire laisse
présager que la bête hideuse qu’elle est devenue avec son
mari est une véritable punition naturelle.
Pourtant il est aussi dans le recueil, un amour filial et
ou fraternel assez intéressant sur lesquels il ne serait pas
superflus de revenir.
Dans le texte inaugural déjà, même s’il commence par la
négation de l’amour envers son fils laid, le narrateur nous
a laissé voir une fin heureuse où l’amour a triomphé, avec
l’aide du fils, l’humilité et la reconnaissance de son tort. Cet
amour sans lequel, il est impossible pour Hangnan-Hagnan-
Gba de pardonner son père et de venir à sa rescousse.
Le même amour est noté chez les sœurs jumelles dans
les « Princesses jumelles » où pour sauver sa sœur de ses
pressentiments lugubres, Zinhoué a dû se départir de son
avant-bras.
Mais cela rentre dans un autre cadre, un mystère des
jumeaux, sur lequel il serait intéressant de s’attarder.

247
III

LE MYSTÈRE DES JUMEAUX

Les contes africains notamment béninois donnent à lire


ou entendre souvent d’histoires de jumeaux de diverses
sortes où merveilleux et fantastiques se mélangent. En effet,
la tradition béninoise ne conçoit pas les jumeaux comme
des êtres ordinaires. En effet, si à la place d’un seul être,
deux s’entendent pour sortir le même jour, il y a une force
spéciale qui les guide et cela ne saurait passer inaperçu.
Ainsi, l’on vénère les jumeaux comme des dieux (il y a à
Ouidah, la fête des jumeaux, mais aussi, en Guinée où l’on
va au-delà des jumeaux pour vénérer les puînées, celles qui
viennent après eux, Cf. L’enfant noir de Camara Laye).
Ce mystère ne manque pas dans ces contes notamment
dans deux où l’on observe le manque de concentration à
leur opinion observé par leurs parents, fussent-ils rois.
C’est ainsi que sous une menace de disparition pressentie
par Zinsa, Zinhoué a été obligée de se couper l’avant-bras
pour lui donner le bracelet. Et l’on suit l’histoire pour
découvrir comment de manière magique et mystérieuse,
elle a pu retrouver cette main, cette fois-ci en or pour clouer
le bec à la coépouse jalouse.
Cette fin heureuse fait appel à ce sens qu’on leur donne.
En réalité, étant dieux, les jumeaux ne sont pas à maltraiter.
Aussi, personne ne s’en sort-il jamais indemne après leur
avoir cherché noise.
C’est toujours au nom de ce caractère que dans « Qui
devinera les noms des princesses », le roi s’est tu lorsqu’elles
ont refusé de laisser leur nom à la portée de tout le monde
et de refuser celui de leur parent.

248
IV

LA RELIGION

Le thème de la religion retient particulièrement l’attention


pour sa singularité. L’univers du conte présente souvent un
monde merveilleux dans lequel, le roi, hyperpuissant règne
sans partage sur son peuple. Et cela se conçoit en Afrique
aisément vu que nos anciens royaumes sont restés dans
ce qu’Apollinaire Agbazahou appela « gnahounou » c’est-
à-dire, la loi du plus fort. Aussi, ayant reçu la colonisation
tardivement avec les missionnaires, on imagine très peu un
roi, s’adonnant à une autre religion que celle traditionnelle.
Pourtant ici, malgré ce pouvoir de vie et de mort sur
ces sujets, malgré le fait qu’il se fait appeler « La montagne
qu’on ne peut déplacer » incarnant la solidité de son pouvoir,
le roi se rend à l’église. Une église chrétienne. Un roi des
temps modernes, dirons-nous. Et la trame va être conduite
de façon à montrer la supériorité du christianisme sur le
traditionnel.
C’est cela même la particularité de ce conte. En effet, bien
qu’acceptant de mettre pied dans l’église où se prêche une
foi autre, le roi se mettait toujours dans ses attributs. Pour
lui, c’est une distraction, une simple curiosité de pouvoir
étendre son hégémonie partout. Montrer à ses fidèles que
ses pouvoirs n’ont pas de limites.
Aussi, c’est avec grande surprise qu’il perçoit ce chant
glorieux en faveur d’un Être Suprême. Un être Suprême
dont les pouvoirs et limites sont infinis et dépassent
l’entendement humain. Du moins, aucun humain, ne peut
l’approcher en la matière. Or voilà que ce roi revendiquait

249
Raouf MAMA

déjà les attributs d’un être pareil. Surprise générale et


réaction d’orgueil logique, la suspension d’une telle hérésie
à son égard.
Sauf que, justement, et c’est là que l’option du narrateur
parait étrange, malgré la volonté des fidèles, malgré cette
peur qui les immobilisa un instant, une force surhumaine, les
anima au moment de faire le chant, les faisant se surpasser
pour faire en sa présence des chants encore plus glorieux.
Et la métamorphose s’installa. L’ange de ce Très Puissant
va non seulement opérer sur les fidèles pour leur donner le
courage, mais aussi prendre possession du corps du roi qui
se croyait fort. Puis, devenant un simple quidam dans son
propre royaume, il aura le temps de découvrir l’humanité qui
est en lui, une humanité avec des limites et des contraintes,
ne pouvant que remercier cette Toute Puissance de l’avoir
créé et de lui laisser encore le souffle : Vanité des vanités,
tout est vanité, tente-t-on de conclure à ce niveau.
Cette histoire anodine paraît simple, mais il laisse
cependant perplexe. En réalité, il y a bien eu des histoires
pareilles où de simples citoyens croyant en un Être
Supérieur, défient le roi et finissent par l’emporter. Il y a
aussi cette conception du panthéon africain, où malgré les
nombreux dieux adorés ou vénérés, tous les rois mettent
au-dessus de tous, un Être Suprême. Peut-être pas avec les
mêmes attributs que celui Chrétien ici, mais ils connaissent
généralement leur limite.
Cette histoire ressemble fort à la récente histoire politique
du Bénin, avec un grand dictateur qui régna de main de fer
pendant dix-sept ans, mais qui a connu une période creuse
où il s’est ressourcé dans le christianisme, avant de retrouver

250
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

son fauteuil. Comme si celui qui l’a remplacé était cet ange
de Dieu, venu remettre les choses à l’endroit, afin de lui
montrer ses limites.
Ainsi, ce conte, loin de retrouver dans un décor lointain,
le narrataire se retrouve dans un monde proche de lui. On
peut noter d’ailleurs l’absence dans la formule introductive
de la situation de départ, l’absence d’un locatif précis. « Il
y avait une fois un roi. » C’est tout.
Mais ceci, nous l’étudierons amplement dans l’étude de
cet espace à travers lequel tous les personnages vivent et
évoluent.

251
V

L’ESPACE ET LE TEMPS : UN MONDE A LA


FOIS MERVEILLEUX ET FANTASTIQUE

L’une des caractéristiques du conte est qu’il fait évoluer


ses personnages dans un monde à la fois merveilleux et
fantastique. Le merveilleux parce que l’espace est celui
de tous les possibles, le fantastique pour l’imbrication du
possible et de l’impossible.
Mais une distinction s’impose au niveau de ces notions à
partir desquelles l’analyse est faite. En effet, la frontière est
franchement étanche lorsque l’on évoque le fantastique et
le merveilleux dans le conte. Les deux évoluant tous avec le
surnaturel. Sauf que dans le conte, si le merveilleux incarne
des faits acceptés, le fantastique relève de la surprise.
Et dans le recueil, nous sommes abondamment dans le
merveilleux du premier au vingtième conte mais avec deux
notamment qui font appel à un univers fantastique.
L’espace merveilleux qui se trouve grandement ouvert
dans certains récits et clos pour certains personnages dans
d’autres, offre à voir divers mondes imaginaires mais avec
trois connus du narrataire béninois, Le royaume d’Allada,
le royaume d’Adja et le fleuve zou.
C’est avec le conte « Les princesses jumelles » que le
narrateur installe le décor dans ce royaume d’Adja avec
lequel il fait évoluer un autre royaume, celui d’Allada. Si,
ici, l’espace semble ouvert avec la possibilité pour le roi
d’Allada d’aller jusqu’à Adja prendre comme épouse l’une
des princesses, tous les personnages n’ont pas bénéficié de

252
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

cette ouverture. Car, avec le handicap, la princesse Zinhoué


dut s’interner, avec un espace réduit. Cet espace qui n’est pas
une prison réduit quand même les activités de la princesse,
mais avec quelques possibilités de sortie nocturne, celle au
cours de laquelle elle rencontre le génie lui offrant le bras
en or.
Le fleuve zou, quant à lui, constitue un espace clos pour
Adononsi, retrouvée prise en otage par un énorme serpent
derrière ce fleuve, inaccessible presque. N’eussent été les
forces surnaturelles de ces amis, elle fût restée dans cet
enfermement éternellement, devenant l’épouse du serpent.
Les autres espaces imaginaires, dont les spécifications
ne permettent de les situer dans un espace connu, sont tout
aussi à la fois ouverts et/ou clos.
Ces espaces largement merveilleux font voir un
prince, Hangnan-Hangnan-Gba qui peut séjourner toute
l’adolescence dans une jungle en compagnie de tous les
animaux même sauvages et revenir aisément dans le monde
des humains, et continuer à éprouver des sentiments
humains, sans passer par des psychologues. Ce merveilleux
se retrouve roi d’Allada qui ne se surprend même pas de la
main en or de sa femme. Le peuple reçoit ce qui en réalité
est une métamorphose comme normale car il est possible
d’avoir une main magique.
Le merveilleux, c’est surtout tous ces contes d’animaux
où hommes et animaux se parlent et se côtoient aisément.
Caméléon et crocodile se parlent, faucon, poule et lézard
pour se faire des reproches et éprouver des sentiments,
le lièvre peut venir dans un monde humain et prendre
et concourir ; cherchant à prendre femme. L’hyène peut

253
Raouf MAMA

opérer un déguisement, et avoir la faculté d’entendre des


conversations humaines, les comprendre et imiter une voix
d’homme. Un homme peut avoir une vision perçante, un
autre peut transformer une chaussure en pirogue sans que
cela n’émeuve guère les autres personnages. L’orpheline à
l’instar de Cendrillon peut quitter sa maison en guenilles
et apparaître totalement métamorphosée à la réception du
Prince.
Le pauvre homme peut rencontrer un génie qui
transformera sa vie à coup de jet de calebasse. Chaque
calebasse fait apparaître une merveille.
Aussi dans cet espace merveilleux, pouvons-nous
inclure tous les récits de Yogbo qui peut parler avec autant
d’animaux qu’il veut, faire des pactes avec certains, défier
d’autres ou même en piéger. Même avec Alougba qu’il
emprisonna dans son tam-tam, si, a priori, le doute pourrait
planer sur le merveilleux à cause du chant du tam-tam, on
peut comprendre aisément que ce tam-tam de Yogbo n’a
jamais été magique.
Ce monde merveilleux n’exclut cependant pas le
fantastique avec les mêmes caractéristiques : ouvert et ou
clos.
Avec le tam-tam magique, nous rentrons dans le
fantastique. Déjà avec un espace sous-aquatique clos, mais
qui fait manger avec un seul grain de maïs toute une famille
composée des objets de tous genres. Si Sagbo, l’orphelin
s’est tu, avec face à ce spectacle fantastique, son demi-frère
n’a pas eu le même comportement. Le tam-tam fantastique
fait apparaître la possibilité de nourrir tout un peuple à

254
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

la demande ou de ligoter et faire apparaître des abeilles


bourdonneuses et piquantes.
Le fantastique c’est aussi cet univers dans lequel un singe
peut opérer sa métamorphose, devenir humain et reprendre
sa forme sismique dès que l’envie lui en prend.
Dans « La fillette qui fut à l’origine de la saison des pluies
et de la saison sèche », tout apparaît fantastique. La puce qui
laboure, le squelette qui se lave, la mort qui a un entretien
en bonne et due forme avec des humains, qui garde par
devers elle un humain dans son monde et le ramener sur
terre à sa guise ; mais surtout des larmes d’une dame qui
peuvent attirer la saison pluvieuse.
Avec « Le roi qui voulait être Dieu », l’espace au départ
ouvert pour le roi devient clos, puis semi-clos, avant d’être
encore ouvert. Avec le défi qu’il a lancé à Dieu, la trame
narrative le conduit enfermé à l’intérieur de l’église dans
un premier temps, puis avec un peu plus de liberté chez
lui, mais avec un statut différent. Le fantastique ici se note
avec un deus ex machina au propre du terme, avec une
intervention mystérieuse de Dieu. Une intervention où
l’Ange de Dieu intègre le corps du roi et agit comme lui,
faisant du vrai roi, un fou du roi parce que délirant presque.
Le merveilleux et le fantastique évoluent dans ce recueil.
Mais l’on ne saurait évoquer ici, cet univers sans parler du
temps.
Le temps s’observe dans un récit sous deux angles. Le
temps historique c’est-à-dire l’époque et le temps de l’action.
Le conte se situe difficilement dans une époque lointaine
imprécise avec l’incipit de la situation initiale « il était une
fois » « il avait une fois ». L’époque des contes installe donc
les personnages dans un univers presque primitif. Le seul

255
Raouf MAMA

conte du recueil à situer dans un temps moderne se trouve


être « Le roi qui voulait devenir Dieu » avec un christianisme
qui s’invite dans un espace de totalitarisme incarné par un
humain.
A l’intérieur des récits, le temps d’action importe peu au
conteur. Quelques fois évoqués, le temps apparaît comme
réparateur d’injustice. En effet, à la fin, tous les personnages
méprisés, d’une manière d’une autre, se retrouvent comblés
et ceux qui méprisent, se retrouvent méprisés. Le temps
est donc catharsis et cela dans l’étude du style du narrateur,
nous pouvons correctement l’observer.

256
VI

LE STYLE

4-1 L’ORALITÉ

Amadou Hampâté Bâ disait : « Lorsque j’écris, c’est la


parole couchée sur le papier1 ». Cette vérité incarnée se vérifie
dans tout texte de genre oral parce que d’abord inspiré de
l’oralité. Le présent recueil ne se dérobe pas à la règle avec
des caractéristiques de l’oralité visibles.

Un niveau de langue à accent hypoculturel.


L’énoncé oral, de manière générale, porte les accents de
la culture endogène auxquels se trouvent combinés les
traits de modernité de l’écriture. Raouf Mama en use à
bon escient et son écrit en dégage bien des caractéristiques
à commencer par le niveau de langue.
Un niveau de langue courant que le narrataire observe
dès qu’il entre dans le texte avec des formules introductives
typiques à la culture des langues « gbe » du sud Bénin. En
effet, les situations initiales commencent par des mots qui
ne se comprennent que dans le langage fon, un peu comme
le fait Birago Diop dans Les contes d’Amadou Koumba.
« Mon histoire prend son essor, survole contrées et
royaumes d’antan »… Si la formule est classique, elle prend
des variantes et l’image qu’elle contient distingue nettement
1 Amadou Hampâté BÂ, Griffon, décembre 1994 http :jm . saliege.
com/hampâté.htm consulté le 9/12/2016

257
Raouf MAMA

les peuples. Ici, c’est au conte que le narrateur porte des ailes,
avec cette mobilité facile, plus que l’éclair qui le transporte,
l’assistance avec, pour une localité imaginaire dont lui seul
détient les caractéristiques.
Ce zoomorphisme indique clairement le monde
merveilleux vers lequel le conteur mène son public et
prédispose à toutes sortes d’actions fantastiques.

Des dialogues versifiés.


L’autre marque de l’oralité est cette option faite par
l’auteur de proposer les répliques des textes occultant les
règles de typologie en la matière, tout en vers et surtout
rimé :
« Hangnan-Hangnan-Gba, mon fils ! Mon fils Hangnan-
Hangnan-Gba !
Que Dieu et les esprits des morts te bénissent pour
avoir sauvé
De la conquête et de la destruction la terre de nos aïeux !
Quand tu étais petit, je t’ai trouvé laid et t’ai abandonné !
Aveuglé par ton apparence, je n’ai pas vu la beauté qui
était en toi,
Que Dieu me pardonne le crime que j’ai commis contre
mon enfant ! » (« L’enfant dont on n’avait pas voulu »)

« Suis-je ton père pour qu’ainsi, tu me harcèles ?


De canard ou de pigeon tu n’auras point. De rien, je ne
me départirai !
Là où, tu n’as pas semé, tu ne peux récolter !
Va sur la place du marché et vois ce que tu peux acheter ! »
(« La danse de la misère »)

258
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

« Je volerai jusqu’au bout de la terre,


Tant que tes souffrances je n’aurai calmées,
Et ne t’aurai rendu vigueur et santé,
De repos je ne prendrai. »

Ces répliques qui jalonnent les textes instaurent une


certaine musicalité, marque de l’oralité, avec les rimes
parfois fausses parfois vraies.

Une intertextualité patente


Les vers reprenant certaines répliques ne sont pas les
seuls textes avec cette disposition particulière au niveau des
contes. Le conte, à l’oral, à l’instar du roman à l’écrit, est ce
genre qui accepte en son sein, la plupart des genres oraux.
Ainsi, l’on conçoit très mal, un conte qui de la situation
initiale à la situation finale, ne propose pas une chanson de
joie quand le héros est en situation de manque comblé, ou
de détresse quand sa situation se détériore.
Presque tous les contes du texte sont donc pourvus de
chanson. En voici quelques échantillons :

Morceau choisi 1
« Les fils favoris de mon père, où sont-ils partis ?
Mon père m’a jeté dans la jungle à ma naissance
Les beaux enfants de mon père, ses enfants chéris,
Qu’ils sauvent ce royaume en si grande souffrance »
(« L’enfant dont on n’avait pas voulu »)

259
Raouf MAMA

Morceau choisi 2
« L’oiseau au sombre plumage, qui jamais ne se réjouit
du malheur d’autrui,
Qui a jamais entendu dire que cet oiseau pilait le mil ?
Voyez les oiseaux au sombre plumage sont venus piler
leur mil
L’un est venu du nord, l’autre du sud
Un autre venu de l’est, un autre de l’ouest… » (« Les
Princesses jumelles »),

Morceau choisi 3
« J’avais faim. Regardez, Dieu m’a apporté de la
nourriture.
Il y a un moment, je contemplais la mort, Maintenant je
me réjouis d’être en vie.
Même si la lèpre m’a privé de mes orteils et de mes
doigts,
Je m’accrocherai à la vie, car qui sait
Quelles bénédictions Dieu m’apportera »

Morceau choisi 4
« Le feu brûle et dans la jarre,
L’eau fume, elle est bouillonnante,
Pour relever le défi je me présente,
Que par la puissance de mes vénérables aînés,
L’éminente fraternité des devins,
Je puisse, pour changer, sur les autres l’emporter ! »
(« Comment le lièvre but l’eau bouillante et épousa la belle
princesse »)

260
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

En dehors des chansons nous avons des devinettes à


l’intérieur ou à la fin de certains textes. Ceux-ci, grande
marque de l’oralité, sont destinés à voir, non seulement
l’éveil de l’assistance, mais aussi et surtout le coefficient
intellectuel de celui-ci.
Nous avons ainsi le conte « Qui peut dénouer la situa-
tion » qui est en réalité entièrement une devinette. Le nar-
rataire est amené après écoute, à proposer celui des trois
amis de la héroïne à mériter son amour.
Il y a aussi le conte « Le prince et l’orpheline » où il était
question de deviner le nom du prince pour l’épouser.
Enfin, nous avons le texte au titre significatif « Qui
devinera le nom des princesses ». En effet, il est demandé aux
prétendants de proposer des noms que même les géniteurs
ne connaissent pas. Le but visé, ce n’est pas de devenir
devin, mais de mettre en œuvre une intelligence, capable
d’obtenir d’elles ce sésame précieux pour les épouser.

4-2 Une onomastique contextuelle et culturelle

Les noms des personnages des contes de Raouf quelles


que soient les fonctions qu’ils ont, sujet, destinateur,
destinataire, objet, adjuvant ou opposant se révèle presque
toujours adéquats. Ce sont des noms à propos et comme le
narrateur l’a indiqué dans l’appendice du texte « le prince
et l’orpheline », « le nom définit la personne et l’on croit
que quiconque connaît votre vrai nom vous tient en son
pouvoir. »
L’onomastique dans le recueil va ainsi de pair avec le
contenu narratif et le lecteur ou l’auditeur de l’aire culturelle
fon, se retrouve aisément.

261
Raouf MAMA

Hangnan-Hangnan-Gba qui est le premier nom de


personnage proposé se retrouve dans cette logique de nom
selon le rôle du personnage. En effet, Hangnan-Hangnan-
Gba reste une onomatopée qui désigne le désordre, la
divinité « Lêgba », qui, lorsque l’on ne lui reconnaît pas sa
place, se mêle à tout, casse tout sur son chemin. Les fon
l’ont tellement compris qu’aucune entreprise traditionnelle
ne se fait sans qu’au prime abord, l’on ne lui fasse des
louanges à l’instar du « panégyrique de Legba » proposé par
le Professeur Mahougnon Kakpo, dans son Introduction à une
poétique du Fa. Hangnan-Hangnan-Gba est donc le Lêgba du
royaume de son père, et tant que celui-ci ne lui reconnaît
pas la place qui est sienne, le royaume sera à la merci de tout
ennemi envieux. C’est ainsi que quand il a délivré le royaume
voisin de la méchanceté du royaume voisin, sa place lui a
été reconnue avec une intronisation. Le père, lui aussi, a dû,
toute honte avalée, reconnaître son tort de l’avoir rejeté,
pour bénéficier de ses services salvateurs.
Zinsa et Zinhoué aussi incarnent ces noms à résonnance
traditionnelle où ce sont des jumelles, culturellement
assimilée au singe, le « Zin » désignant le singe.
Le nom « Dénangan » attribué au prince dont les parents
ont perdu tous leurs enfants nés avant lui, relate ce désir de
voir celui-là vivre au moins. Et comme culturellement, celui
qui détient le nom détient la personne elle-même, celui-ci
sera gardé secret. L’un deux vivra.
C’est aussi dans cet esprit que s’inscrit le nom des quatre
jumelles qui elles, ont même caché leur nom jusqu’à leur
géniteur.

262
Pourquoi le bouc sent mauvais et autres contes du Bénin

Hobami, l’orpheline qui épousa finalement ce prince a


aussi un nom significatif. Littéralement « Hobami » c’est
« la parole m’a cherché ». On pourrait le comprendre par
« innocent, je me suis retrouvé dans un imbroglio, un guet-
apens ». Évidemment, avec la mort de sa mère, c’est un
véritable enfer qu’elle a vécu avec la marâtre et ses trois
demi-sœurs.
Ainsi en va-t-il des noms « Sèhou », « Atchanminaguey »
et autres.

4-3 De la construction des textes

Les contes du recueil suivent tous le schéma narratif


traditionnel des contes : situation initiale avec une formule
consacrée, un élément modificateur, une série d’actions
et une situation finale avec une leçon de morale et sont
renforcés par une structuration selon Denise Paulme, où le
héros peut évoluer suivant trois courbes différentes :
Une courbe ascendante : Manque- amélioration- manque
comblé
Une courbe descendant : Situation normale-détériora-
tion-manque
Une courbe en spirale : Le schéma ascendant +le schéma
descendant.
Avec les contes d’Orphelin, le schéma ascendant
est nettement déterminé avec par exemple « le prince
et l’orphelin » où Hobami, l’orpheline, en situation de
manque au départ avec une maltraitance criarde, a vu sa
vie s’améliorer avec la rencontre de la vieille dame qui lui
indique non seulement le chemin à emprunter, mais surtout

263
Raouf MAMA

le nom du prince. Elle a eu son manque comblé avec le


mariage avec le prince et la cessation de la maltraitance.
La courbe descendante c’est par exemple Yogbo dans
« Comment Yogbo le glouton a été dupé » avec une situation
normale où c’est lui qui a réussi à tromper la vigilance
d’Alougba, en l’apprivoisant dans son tam-tam. Mais au fil
du conte, il y a eu détérioration avec la ruse des parents de
la jeune fille, et le refus de chanter du tam-tam.
Le schéma en spirale s’observe avec « Le tam-tam
magique » où lorsque Sagbo a subi le schéma ascendant,
en sortant victorieusement des griffes de sa marâtre, Sènan
s’est retrouvé à faire la courbe descendante où il finira ligoté
puis dévoré par les abeilles, dans une situation de manque
total.
Au total, le style de Raouf Mama reste ancré dans la
culture fon d’où il a puisé son inspiration pour la plupart des
textes, avec une particularité qui le voit faire des révélations
sur sa méthode de travail ou sur les rapprochements à faire
entre les contes du texte ou entre ceux-ci et d’autres contes.
La morphologie des contes suggérée par Vladimir Propp et
repris par Bernardin Kpogodo qui a aussi travaillé sur les
contes du répertoire de l’aire culturelle « gbe », se retrouve
ainsi respectée avec toutes les caractéristiques possibles.

264
Table des matières

Préface.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. . 7
Remerciements.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Introduction.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 15

Orphelins, jumeaux et autres enfants.. .. .. .. .. .. .. . 23


L’enfant dont on n’avait pas voulu.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Les Princesses jumelles.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Le prince et l’orpheline.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
L’orphelin et le lépreux.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
Le tam-tam magique .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Le chant de l’enfant gâté.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
Parcours N°1.........................................................i
Contes Moraux et Histoires Fantastiques .. . . . . . . . . 87
La danse de la misère.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
Le père cupide .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 99
Quand la rivière devient « Le grand trou » .. .. .. .. .. 107
Qui peut dénouer la situation ? .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 115
La fillette qui fut à l’origine de la saison des pluies
et de la saison sèche.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
Le Roi qui voulait être dieu.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
Parcours 2............................................................ xv
Contes explicatifs et sagesse des bêtes.. .. .. .. .. .. .153
Comment caméléon devint source de sagesse ? .. .. 155
La colère du faucon.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
Comment Lièvre but de l’eau bouillante et épousa
la belle princesse ? .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 169

265
Raouf MAMA

L’Origine des crocodiles, poissons


et autres bêtes aquatiques .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 177
Parcours n°3.................................................... xxiii
Fourberies de Yogbo le glouton .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 187
Pourquoi le bouc sent mauvais ?.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
Qui devinera le nom des princesses ?.. . . . . . . . . . . . . . . 201
Comment Yogbo le glouton a été dupé ?.. . . . . . . . . . . 213
Comment Yogbo le glouton trouva la mort ?.. . . . . . . 221
Parcours N°4..................................................xxvii

266
ISBN : 978-99919-2-306-2
Édition pour l’Afrique
© LAHA Éditions, 2017
01 BP 5521 Cotonou
Tél. + 229 63 16 07 07 /+ 229 97 89 82 42
www.vasyvoir.com

Dépôt légal N° 8736 du 20 juin 2016


2e trimestre
Bibliothèque Nationale
Achevé d’imprimer en janvier 2017

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