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Lien social et Politiques

Les travaux majeurs de rénovation du parc immobilier HLM de


l’Office municipal d’habitation de Montréal : forces et limites
de cette forme de gouvernance partagée avec les locataires
Major Renovations of the Low-Income Housing Stock of the
Office municipal d’habitation de Montréal: Strengths and
Limitations of Shared Governance with Tenants
Paul Morin, Jeannette LeBlanc, Michel Dion et Dicko Baldé

Numéro 63, printemps 2010 Résumé de l'article


L’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) gère le parc immobilier
Le logement et l’habitat : enjeux politiques et sociaux d’habitation à loyer modique de l’île de Montréal et est, à ce titre, la plus
importante entreprise publique de logements locatifs au Québec. Le « virage
URI : https://id.erudit.org/iderudit/044151ar locataire » de l’OMHM, ces dernières années, s’est notamment traduit par une
DOI : https://doi.org/10.7202/044151ar forme de gouvernance partagée qui vise l’engagement des locataires dans le
déroulement des travaux majeurs de rénovation en cours. Nous nous
appuyons sur les propos d’acteurs engagés (gestionnaires, locataires,
Aller au sommaire du numéro
administrateurs), afin d’analyser cette nouvelle forme de gouvernance et d’en
discerner les forces, les paradoxes et les limites. Peut-on mettre en place une
gestion locale habilitante alors que le service à la clientèle demeure la raison
Éditeur(s) d’être de l’entreprise ?
Lien social et Politiques

ISSN
1204-3206 (imprimé)
1703-9665 (numérique)

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Citer cet article


Morin, P., LeBlanc, J., Dion, M. & Baldé, D. (2010). Les travaux majeurs de
rénovation du parc immobilier HLM de l’Office municipal d’habitation de
Montréal : forces et limites de cette forme de gouvernance partagée avec les
locataires. Lien social et Politiques, (63), 81–91. https://doi.org/10.7202/044151ar

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Les travaux majeurs de rénovation du parc immobilier


HLM de l’Office municipal d’habitation de Montréal :
forces et limites de cette forme de gouvernance
partagée avec les locataires

Paul Morin, Jeannette LeBlanc, Michel Dion et Dicko Baldé

L’habitation à loyer modique est essentiel que les OMH s’ap- l’on reconnaît que les locataires
(HLM) est une forme de pro- puient sur les capacités d’action doivent avoir leur mot à dire sur
priété sociale, c’est-à-dire un collective des locataires. Le Plan les enjeux et les problèmes qui
moyen de faciliter aux non-pro- stratégique 2010-2014 de l’Office touchent leur milieu de vie, ce
priétaires l’accès à un bien essen- municipal d’habitation de Mont- processus s’est souvent accompa-
tiel (Castel, 2000 : 401-412). À ce
† réal (OMHM), le plus important gné d´un discours de type marke-
titre, les entreprises publiques qui du Québec, stipule d’ailleurs que ting qui fait du locataire un client
administrent ces HLM ont d’im- « La participation des locataires à

et met en avant les notions de
portantes responsabilités sociales la gouvernance est un axe majeur « qualité des services » et de
† †

et immobilières. Tout en gérant de de cette conciliation » (OMHM,†


« bonnes pratiques ». Bref, une
† †

façon efficace et efficiente leurs 2009 : 24). Cette gouvernance est



approche centrée sur le service à
ressources humaines et finan- définie par Bengtsson comme « la †
la clientèle qui se rapproche des
cières, comment peuvent-elles gestion collective et organisée des idées de la nouvelle gestion
produire des biens publics comme affaires locales au sein d’un com- publique (NGP) (Garshick Kleit
la socialité et la communication, plexe d’habitation » (Bengtsson,

et Page, 2008 : 34-44 ; Giauqe et
† †

et participer au discours public 1998 : 110 dans Foroughi, 2008 :


† †
coll., 2006 : 111-118). Dans ce

sur la définition des problèmes et 239). Une telle gestion locale texte, nous nous sommes spécifi-
la recherche de solutions (De habilitante au Québec s’inscrit quement intéressés à cette forme
Leonardis, 2002) ? Au Québec, les
† toutefois dans un contexte de de gouvernance négociée entre un
offices municipaux d’habitation réforme de l’administration publi- bailleur social et ses locataires, en
(OMH) ont, comme entreprises que peu facilitant puisque « … le †
étant attentifs à la tension percep-
publiques la gestion de ce parc citoyen est devenu surtout un tible entre la logique des services
immobilier. Ceux-ci ont donc la client » (Thibault, 2007 : 417) au
† †

à la clientèle et la perspective
responsabilité de réussir la conci- détriment, de plus en plus, d’une citoyenne.
liation entre les impératifs de la délégation de pouvoirs sur la ges-
gestion immobilière et ceux de la tion publique. De même, en Deux questions pratiques sou-
gestion sociale. Pour ce faire, il Grande-Bretagne et en France, si levées par Simmons et Birchall

Lien social et Politiques, 63, Le logement et l’habitat : enjeux politiques et sociaux. Printemps 2010, pages 81 à 91.
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LIEN SOCIAL ET POLITIQUES, 63 différents milieux dont des loca- Québec, les OMH sont des entre-
taires). Au Québec, ce domaine de prises publiques à vocation sociale
Les travaux majeurs de rénovation du parc
immobilier HLM de l’Office municipal recherche demeure embryonnaire et économique sans but lucratif
d’habitation de Montréal : forces et limites bien qu’il s’agisse du principal mandatées par la Société d’habi-
de cette forme de gouvernance parc de logement social. Notre tation du Québec (SHQ) pour
partagée avec les locataires
étude est d’ailleurs la première gérer les HLM construits dans
à analyser les enjeux de gestion une municipalité. Ces habitations
et de gouvernance en OMH. sociales ont été bâties en vertu du
L’approche par les capacités programme Habitations à loyer
(Deneulin et Shahani, 2009 ; Sen,
† modique (HLM) de la SHQ, qui a
2000) constitue le cadre théorique pour but premier « d’offrir princi-

général qui nous permet d’analy- palement des logements d’habita-


82 ser ce processus de gouvernance tion aux personnes ou familles à
négociée. faible revenu ou à revenu modi-
que » (Loi sur la Société d’habita-

(2007 : 573-595), mises en lien avec Les HLM et leur gestion tion du Québec, 2007, L.R.Q.,

le cadre théorique de même


chapitre S-8, art. 57). Les OMH
qu’avec les facteurs déjà identifiés Les HLM constituent un bien
gèrent le plus important parc
dans les écrits (Scottish Executive collectif précieux et un élément
d’habitations sociales du Québec,
Central Research Unit, 2002 ; important du filet canadien de
tant pour sa valeur marchande,

Kelly et Clarke, 1997) comme sécurité sociale au même titre que


évaluée à deux milliards de dol-
favorisant la participation des les écoles ou les hôpitaux. Ils visent
lars, que pour ses unités de loge-
locataires, nous serviront de fil à améliorer les conditions de vie
ments HLM qui sont au nombre
conducteur pour interroger la d’une population socioéconomi-
de 61 114 (Ducharme, 2006). De
congruence entre les intentions quement défavorisée, notamment
ce nombre, 56 % sont destinées

affirmées et les pratiques de en étant un moyen d’indépendance


aux personnes âgées, 43 % aux †

l’OMHM. Dans quelle mesure le économique pour les ménages


ménages familiaux (familles et
bailleur est-il enclin à engager les familiaux, ainsi qu’en favorisant
personnes seules) et 1 % aux per-

ressources nécessaires afin de sup- une plus grande égalité des


sonnes handicapées. On estime à
porter des processus et des struc- chances pour leurs enfants. En
100 000 le nombre de personnes
tures favorisant véritablement la 2008, en s’appuyant sur le Plan
habitant en HLM, dont plus de
participation des locataires ? d’action économique du gouverne-

38 000 sur l’île de Montréal. Les
ment canadien (Gouvernement du
L’expérience de consultation OMH sont présents dans toutes
Canada, 2008), le gouvernement
des locataires, et parfois même de les régions du Québec, autant
du Québec a intégré la remise en
coconstruction pour des projets dans les petites villes et les villages
état du parc des HLM dans son
imposants, réalisée par l’OMH de que dans les grands centres
Plan québécois des infrastructures
urbains comme Montréal qui
Montréal dans le contexte du (PQI) intitulé « Des fondations
compte 24 000 logements HLM.

plan quinquennal de rénovations pour réussir » (Vérificateur géné-


La très grande majorité des OH

majeures 2008-2013, nous servira ral du Québec, 2009). Ces investis-


au Québec sont cependant de très
de démonstration. Notre matériel sements de 1,8 milliard de dollars,
petite taille.
empirique est constitué de sources répartis sur une période de cinq
documentaires provenant princi- ans (2008-2013), sont très bien À l’opposé, 1,5 % des OH (8 sur

palement de l’OMHM ainsi que accueillis par les différents acteurs 544) regroupent à eux seuls 60 % †

des transcriptions et de l’analyse du milieu HLM puisqu’ils répon- de ces logements. Chaque OMH a
de 21 entrevues qui ont été réali- dent à des demandes pressantes son conseil d’administration où
sées en 2008 auprès de divers de tous les acteurs et qu’ils assu- siègent des conseillers munici-
acteurs1 (gestionnaires de diffé- rent ainsi la pérennité d’un parc paux, des représentants socioéco-
rents niveaux, membres du conseil immobilier aux prises avec un nomiques et des locataires. Deux
d’administration provenant de important déficit d’entretien. Au mille employés travaillent au sein
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de ce réseau d’entreprises, dont l’État québécois et de gestion de Québec étant de favoriser la dis-
plus de 400 directeurs à temps la pénurie en vertu duquel l’État sémination des communautés cul-
partiel. Ces chiffres mettent en met en avant la nouvelle gestion turelles hors de Montréal, les
lumière l’importance socioéco- publique et ses impératifs d’effica- réfugiés sont très présents dans les
nomique de ce secteur de l’ha- cité et d’efficience (Hamel et HLM pour ménages familiaux,
bitation, le nombre élevé de Jouve, 2006 : 167-172).
† notamment à Québec, Sherbrooke,
gestionnaires et d’administrateurs Gatineau et Drummondville) ; 3) †

qui voient à l’administration de Des défis sociaux importants la présence de ménages familiaux
ces entreprises publiques et la souvent hors du marché du travail
En vertu d’un système de pon-
diversité de celles-ci du point de pour une longue période et dont
dération (Leloup et Gysler, 2009 ;
vue de la taille. Quelle que soit la durée de résidence en HLM est

Gouvernement du Québec, 2007)


leur taille toutefois, ces entre- considérable et 4) l’ampleur des
favorisant systématiquement les
prises publiques doivent relever le problèmes de santé mentale reliée 83
personnes les plus démunies de la
défi de concilier gestion immobi- fréquemment à la désinstitutiona-
société depuis une vingtaine d’an-
lière et gestion du milieu de vie lisation. Cet impact de la régle-
nées, l’habitation à loyer modique
(Cheung, 2003 ; Clapham et coll.,
† mentation illustre clairement que
au Québec (Roy et Perry, 2009 :
2000). celle-ci « … en tant que type parti-

219-240 ; Makrous, 2007 : 131-153)


culier d’institutions produit des
† †

Ce type de gestion s’inscrit comme dans nombre de pays occi-


effets structurants sur les poli-
maintenant dans un cadre législa- dentaux (Bricocoli, 2008 : 281-303 ;
tiques publiques (Lascoumes et
† †

tif et normatif qui le favorise. En Allen, 2004) est devenue un


Le Galès, 2004 : 16) ». Cet apport
† †

vertu de l’article 57 de la Loi milieu de vie regroupant majori-


de l’approche par l’instrumenta-
constitutive de la Société d’habi- tairement de telles personnes. Le
tion nous semble fondamental, car
tation du Québec, un OMH peut règlement d’attribution, de par ses
elle montre bien que le règlement
« mettre en œuvre toute activité à critères, a contribué à faire en

d’attribution oblige les OMH à


caractère social et communautaire sorte que cette catégorie d’habita-
mettre en œuvre des outils de ges-
favorisant le mieux-être de sa tion sociale devienne souvent « … le
tion favorisant le regroupement

clientèle ». Il y a également une dernier filet social avant que la


de populations très défavorisées.


reconnaissance formelle du droit personne ne se retrouve à la rue »
Toutes les parties prenantes, y

d’association des locataires : « Tout (administrateur). L’OMHM gère


† †

compris la Fédération des loca-


locataire de logement d’habita- une liste de 22 000 demandeurs,
taires d’habitation à loyer modi-
tion administré par un office a le mais le règlement est ainsi rédigé
que du Québec, s’entendent
droit de faire partie d’une associa- que le ménage le plus démuni est
d’ailleurs sur les impacts négatifs
tion de locataires. Il a de plus le toujours priorisé sur cette liste.
de ce procédé. Le discours sur la
droit de participer à la formation L’ampleur des changements sur-
nécessité de la mixité sociale dans
de cette association, à ses activités venus au sein de la composition
les HLM est ainsi devenu très pré-
et à son administration (art. 58.1) ». sociodémographique des loca-

gnant et chargé d’effets béné-


Chaque OMH doit créer un comité taires représente, selon tous les
fiques « … ça inciterait ceux qui ne

consultatif de résidents (CCR) et acteurs du milieu, la donnée prin-


travaillent pas à vouloir aller tra-
tous les OMH qui administrent cipale permettant de percevoir
vailler » (administrateur locataire).

plus de 2 000 logements d’habita- distinctement la complexité de la


tion doivent créer des comités de gouvernance et de la gestion dans Des enjeux de gouvernance
secteur. Le droit des habitants de ce milieu. Parmi ces changements, démocratique et de gestion
participer « … à la conception et à
† citons 1) le vieillissement de la
la gestion de leur habitat » † population (la moyenne d’âge est En matière de gouvernance
(Warrin, 1995 : 171) est donc for-
† de 75 ans dans les logements pour avec les locataires, un saut qualita-
mellement reconnu à ce moment- aînés) ; 2) l’arrivée massive de
† tif a été réalisé en 2002 lorsque le
là. Le développement de ce type nouveaux immigrants à Montréal, droit d’association des locataires a
de gestion survient toutefois dans mais aussi dans d’autres villes (la été reconnu formellement par le
un contexte de modernisation de volonté du gouvernement du législateur, et ce, après plus de
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LIEN SOCIAL ET POLITIQUES, 63 pective citoyenne) –« c’est un gros † propre développement » (Bryson

coup de barre qui a été donné, la et Merritt, 2007 : 35). Cette


Les travaux majeurs de rénovation du parc


immobilier HLM de l’Office municipal démocratie, le rapprochement du approche, constamment fertilisée
d’habitation de Montréal : forces et limites citoyen » (administrateur). Mais la
† et débattue par nombre de cher-
de cette forme de gouvernance satisfaction individuelle des ser- cheurs issus de plusieurs disci-
partagée avec les locataires
vices participe-t-elle vraiment plines, nous inspire, car elle nous
d’un « … renversement de perspec-
† semble répondre à la complexité
tive qui ancrerait les modes de de notre objet de recherche. Les
gestion dans le vécu et l’expres- OMH doivent ainsi être considé-
sion des populations » (Warrin, † rés comme un objet empirique
1995 : 172) ? Cette convergence de
† † crucial, puisqu’ils devraient être
points de vue quant à la participa- des structures favorisant conver-
84 tion des locataires illustre l’impor- sion effective des droits en réalisa-
tance pour les différents acteurs tions et en accomplissements,
de clarifier les valeurs communes visant notamment la démocratie
vingt-cinq années d’existence de
qui les unissent et l’ordre de hié- participative. (Reboud, 2006 : 221-

ces associations. Ces modifications


rarchisation des pratiques qui en 230). Il importe alors de regarder
majeures vont ainsi dans le sens
découlent (Flint, 2004 : 893-909 ; † † « … les cours de vie effectivement

d’une forme de gouvernance par-


Caincross, Clapham et Goodlad, accessibles aux personnes, c’est-à-
ticipative partagée. Il n’en reste
1997). Faute de quoi, comme nous dire en ne se limitant pas au cours
pas moins toutefois que la seule de vie effectivement mené, mais
chercherons à le démontrer par
instance décisionnelle d’un Office l’exemple de l’OMHM, ceci per- en intégrant également les possi-
municipal d’habitation est son met de questionner la congruence bilités à la disposition de la per-
conseil d’administration. Celui-ci entre les diverses intentions sonne (Bonvin et Farvaque, 2008 : †

est composé en majorité (sauf en déclarées de l’entreprise publique 31).


de rares exceptions) d’élus muni- et les pratiques discordantes en
cipaux, les locataires ayant seule- Les institutions et entreprises
découlant.
ment deux postes au conseil publiques doivent donc s’appuyer
d’administration. La municipalité L’approche par les capacités sur la mobilisation, la participa-
décide qui va la représenter au tion et le renforcement des capa-
conseil d’administration, et c’est le D’abord utilisé dans le domaine cités, ou « capabilities » et des
† †

ministre responsable de la SHQ du développement international, opportunités d’accomplissement


qui nomme les autres représen- ce cadre théorique est utilisé dans des personnes et des organismes
tants, à l’exception des locataires. de multiples domaines dont l’éva- de leur territoire. C’est le mouve-
Curieusement, même si les élus luation des politiques publiques ment introduit par la combinaison
municipaux ont ainsi un pouvoir (Deneulin et Shahani, 2009 ; † des facteurs de conversion qui
considérable au sein de ces orga- Dubois, 2009 : 85-99 ; Paugam,
† † détermine de manière synergique
nismes, au Québec comme en 2006 ; Farvaque et Oliveau, 2004 :
† † la capacité d’une personne, d’une
Grande-Bretagne et en France, 54 ; Bernard et al. 2002 : 217 ;
† † † entreprise ou d’une communauté
cet aspect de la gouvernance a fait Esping-Andersen, 2000) et l’orga- à accéder à un ensemble de réali-
l’objet de très peu de recherches. nisation des entreprises (Ferreras, sations. Selon cette approche, les
2007 : 281-296 ; Salais, 2007 : 2-6 ;
† † † † OMH doivent développer des
C’est dans ce contexte que les Browne et al. 2006 : 312-333). À † opportunités d’accomplissement
OMH juxtaposent qualité de servi- cet égard, selon Bryson et Merritt, des personnes en lien avec les
ces (perspective client) – « … selon† « les organisations et les institu-
† organismes et institutions locales,
nos sondages, les locataires sem- tions constituent le cadre dans afin de contribuer au bien-être de
blent de plus en plus satisfaits des lequel les individus fonctionnent : † la population locale, au niveau
services qu’ils reçoivent » (ges- † dès lors, elles déterminent la tant individuel que collectif. Cette
tionnaire) – avec l’enjeu d’une liberté de choix et d’actions des approche considère donc la per-
gouvernance démocratique (pers- individus par rapport à leur sonne, d’abord et avant tout,
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comme un citoyen qui, comme loppement social de ses locataires doit d’être une préoccupation
sujet, décide de s’inscrire dans un et de la collectivité. quotidienne pour l’ensemble du
processus de décisions publiques. Le Plan stratégique 2010-2014 personnel. Il s’agit d’un enjeu
L’OMHM en action, l’employé, majeur pour l’organisation… La
L’Office municipal d’habitation satisfaction du client représente la
pivot de notre réussite énonce clai-
de Montréal rement que la priorité accordée à première valeur » (OMHM, 2009 :
† †

13). L’Office s’appuie ainsi sur la


L’OMHM est issu, dans le cadre la gestion des ressources humai-
mise en valeur du service à la
du processus de transformation de nes constitue la grande nouveauté
clientèle où, en vertu du « virage
de ce deuxième plan stratégique.

l’univers municipal, de la fusion locataire », on cherche à savoir


Deux approches, le développe-

en 2002 des 15 OMH de l’île de « … où on était performant et où


ment durable et le développement

Montréal. Son parc d’habitation à on l’était moins » (gestionnaire).


social sont transversales aux cinq

loyer modique est composé de 85


20 832 logements répartis en 800 domaines d’intervention retenus :
Le parc immoblier

immeubles ; ce parc HLM repré-



les ressources humaines, les
sente à lui seul 4 % des unités

clients, l’action communautaire Selon les dires mêmes de ses
locatives de l’île de Montréal. À dans les milieux de vie, le patri- principaux responsables, le parc
cela, il faut ajouter quelque 1 600 moine bâti, la gestion de l’organi- immobilier de l’OMHM, construit
logements abordables destinés sation. Compte tenu de l’enjeu en grande majorité il y a trente à
principalement à des personnes voulant que le développement quarante ans, a grandement besoin
âgées de même que la gestion durable ne soit pas perçu comme de travaux majeurs puisque l’Office
d’environ 7 500 logements dans un « niveau hiérarchique supé-
† pouvait seulement gérer les
le cadre du programme de Supplé- rieur » (gestionnaire), l’OMHM
† urgences dans un contexte impor-
ment au loyer qui permet à des reconnaît que « … que le dévelop-
† tant de sous-investissement qui
personnes d’avoir accès à des pement social est un élément perdurait depuis nombre d’années.
logements privés, à but lucratif ou essentiel du développement dura- La construction de ces immeubles
non lucratif, et ne payer que 25 % †
ble. Les deux axes demeurent selon des « critères de modestie » –
† †

de leur revenu. toutefois traités distinctement vocable utilisé par la SCHL – n’est
compte tenu de l’importance du pas étrangère à cet état de fait.
La mission actuelle de l’OMHM développement social dans la mis- « … on voulait s’assurer que les

se lit comme suit : †


sion de l’organisation et dans son taxes et impôts des contribuables
L’OMHM a pour mission d’amélio-
histoire » (OMHM, 2010 : 8). Le
† † ne servent pas à construire du luxe
rer les conditions de vie de per- développement social fait réfé- pour les pauvres. Alors, on avait
sonnes et de familles à faible rence « … au renforcement des con-
† mis ces critères-là… Ça a fait
revenu ou à revenu modéré en leur ditions qui permettent à chaque qu’on a construit des boîtes à
procurant des logements subven- personne de développer pleine- savon… des édifices qui étaient
tionnés de qualité et en favorisant ment ses potentiels, de participer identifiables facilement parce qu’ils
leur pouvoir d’influence et d’action pleinement à l’activité sociale et étaient tous pareils… » (gestion-

dans leur milieu. de tirer sa juste part de l’enrichis- naire). Ces années de « vaches

Quant à sa vision, elle s’énonce sement collectif tout en y contri- maigres » ont fait en sorte que « …
† †

ainsi :

buant… » (OMHM, 2009 : 8). Le
† † des fois, on était rendu à attendre
soutien à la participation cito- que la toiture coule avant d’envi-
En tant que chef de file en matière yenne de ses locataires aurait pu sager de mettre une patch pour
d’administration publique, l’OMHM ainsi apparaître comme l’une des pouvoir la remplacer » (gestion-

gère avec efficacité, transparence


raisons d’être de l’OMHM, mais naire). Les éléments de sécurité
et créativité le parc résidentiel le
plus important au Québec. Il est
le Plan stratégique a plutôt choisi étaient évidemment à ce moment-
reconnu pour le dynamisme des d’affirmer que « le service à la
† là priorisés, compte tenu des obli-
collectivités, pour le partenariat clientèle demeure la raison d’être gations légales à respecter comme
tissé avec ses employés et le milieu de l’organisation. L’amélioration un toit qui coule ou des compo-
ainsi que pour son apport au déve- de la satisfaction de la clientèle se santes d’immeubles où il y a infil-
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LIEN SOCIAL ET POLITIQUES, 63 construits au début des années une visite thématique des lieux, de
1970 et « … qui ont connu une
† faire l’inventaire des désordres et
Les travaux majeurs de rénovation du parc
immobilier HLM de l’Office municipal détérioration accélérée, à cause de l’état des composantes des
d’habitation de Montréal : forces et limites d’une occupation intensive et, logements pour avoir un portrait
de cette forme de gouvernance dans bien des cas, de surpeuple- réel des besoins à la fois liés au
partagée avec les locataires
ment (OMHM, 2008 : 10) ». Ces
† † déficit d’entretien et à la fois liés à
situations difficiles mettent beau- la modernisation » (gestionnaire).

coup de pression sur les gestion- Deux logiciels, BETI (Bilan de


naires, d’autant plus que ce type l’état des terrains et des immeu-
de concentration « … génère des
† bles) et HIBOU (il voit tout de
problèmes qui sont de l’ordre du l’état des composantes), ont per-
propriétaire pur et dur comme le mis la réalisation de cet inven-
86 non-paiement des loyers et l’encom- taire. On a pu ainsi démontrer à
brement des logements » (admi- †
la SHQ, dans le cadre de ce pro-
nistratreur). jet-pilote, les besoins financiers
tration d’eau. Ces habitations
pour maintenir le parc immobi-
répondaient aux besoins spéci- Cette situation a entretenu une lier à un niveau acceptable. Au
fiques du temps avec des occu- grande contradiction entre une début du projet, il s’agissait
pants fort différents de ceux forte valeur proclamée, soit le ser- d’identifier le déficit d’entretien
d’aujourd’hui. Par exemple, ces vice à la clientèle, et la réalité et ce qui devait être réalisé de
immeubles n’étaient pas construits d’une décroissance budgétaire où manière obligatoire : « c’était vrai-
† †

pour la cuisson vapeur : « Dans le † †


l’on était toujours dans des pro- ment le minimum… avec le PQI,
temps, ce n’était pas rare que tu cessus de restrictions : « Tu gères
† †
ça nous permet de moderniser et
aies des immeubles fermés, qui une organisation qui est toujours même au moins de mettre aux
n’avaient aucune ventilation, en train de péricliter » (gestion-

besoins d’aujourd’hui les loge-
aucune hotte de poêle » (gestion- †
naire). Par exemple, lorsque ments (Cournoyer, 2009 : 9) ». † †

naire). D’où parfois des problèmes l’OMHM, à la suite des fusions


majeurs de moisissure comme à des 15 OMH, est devenue une Le développement social et
Place Lachine où 400 ménages grosse organisation avec ses 500 communautaire
ont dû être relogés il y a quelques employés. Ce processus de restric-
années, le temps que l’on recons- tions budgétaires a continué à être L’OMHM a été l’un des précur-
truise au complet les habitations. présent et s’était même accentué seurs au Québec de l’approche du
À lui seul, ce chantier a nécessité en 2003 et 2004 à la suite d’impor- développement communautaire
des ressources financières de tantes compressions lors de la en milieu HLM. Dès le milieu des
l’ordre de 30 millions. venue au pouvoir du Parti libéral. années 1980, un module des rela-
Il fallut attendre 2005 pour reve- tions avec la clientèle, l’ancêtre de
La gestion de la décroissance l’actuel module de développe-
nir au niveau de financement de
budgétaire, quant à l’entretien des ment social et communautaire,
2002, dans un contexte où à la
immeubles et à l’incapacité pen- établissait des liens étroits avec
suite du processus de fusion des
dant plusieurs années à répondre des organismes communautaires
municipalités, des immeubles très
aux demandes légitimes des loca- et favorisait la vie associative des
peu entretenus s’étaient ajoutés
taires, compte tenu du sous-finan- locataires. Ce module a notam-
au parc immobilier de l’OMHM.
cement de ce secteur d’activité, ment la responsabilité de susciter
« …[se] transférait dans toute la
† L’OMHM a toutefois déve- la participation des locataires
gestion », car « plus le bâtiment est
† † loppé, par suite du soutien finan- dans leur milieu. Près de 25 ans
vieillissant, plus les gens font des cier de la SHQ, un outil de gestion plus tard, cette volonté s’est ren-
plaintes » (gestionnaire). Bruits,
† qui lui a permis de compléter, sur forcée, et le conseil d’administra-
disputes et frustrations sont alors une période de quatre années tion est l’un de ses principaux
monnaie courante dans la ving- (2004-2008), le bilan de santé de vecteurs. « Toute la philosophie…

taine de grands ensembles, l’état du parc. Il s’agit « … suite à


† de participation, de consultation
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et tout ça, ça découle aussi de la demeure largement sous-financé ; † Une approche de proximité
volonté du conseil d’administra- le manque à gagner est estimé à
tion de donner cette place-là aux Au cœur du processus de
un million de dollars, et ce, dans
locataires au sein de l’organisme » consultation des locataires et

un contexte organisationnel diffi-
(administrateur locataire). À cha- financée à même les fonds réser-
cile où « … l’un des enjeux du
vés aux travaux majeurs, on

que assemblée du conseil, les deux développement communautaire :


représentants des locataires ont la

retrouve l’équipe de travail res-


c’est l’adhésion à l’interne. On a ponsable des relations avec les
responsabilité au « Point des

vraiment un nœud » (gestion-


représentants locataires » de faire

locataires. Il s’agit de trois agents
naire).

rapport des activités des différents de liaison et d’une agente de com-


comités, que ce soit les comités de munication, sous la responsabilité
D’après nos interlocuteurs, le
secteur, le comité consultatif des directe d’une cadre intermédiaire.
bilan de la vie associative semble
résidents, et de toute préoccupa- Son mandat est de « … faire le

87
toutefois mitigé puisque l’on
tion des locataires. pont entre les locataires et les
serait au même point qu’il y a 15 ingénieurs, les architectes et les
Le comité consultatif des rési- ans avec quelque 120 associa- techniciens qui bâtissent un pro-
dents, composé de 14 locataires, tions, dont la quasi-totalité (80 %)

jet » (gestionnaire). Cela signifie

dont les deux élus et les trois chez les aînés. L’OMHM constate que pour tous les travaux majeurs,
comités de secteur (deux ins- un essoufflement des associations l’Office informe, rencontre et
tances formelles prévues par la d’aînés, alors que les ménages consulte les locataires sur les tra-
loi) a été mis en place dès 2003. familiaux semblent réfractaires à vaux à venir. Une compréhension
Par le travail des organisateurs la formule associative. L’univers commune des situations problé-
communautaires du module de de plus en plus individualiste matiques et des actions à entre-
développement social et commu- dans lequel baigne la société qué- prendre découle de ce processus.
nautaire, l’OMHM soutient ces bécoise et l’hétérogénéité des L’on ne consultera pas toutefois
instances dans l’espoir que cela ménages sont aussi ciblés comme sur la toiture à remplacer, puisque
rejaillisse sur les associations des contraintes au développe- l’enjeu pour l’Office est alors « …

d’immeubles qui sont le cœur de ment de la vie associative comme d’être à l’écoute des gens, de leurs
la vie associative en milieu HLM. levier de changement et de res- préoccupations et d’entendre ce
Le mot d’ordre à l’Office est d’en- qui se passe au sujet de l’usage des
ponsabilisation.
courager cette participation des lieux » (gestionnaire). C’est nou-

locataires car « on attend beau-



Comme un OMH « … peut † veau pour l’Office de réaliser de
coup plus de la part des loca- mettre en œuvre toutes activités à tels travaux lorsque les logements
taires » puisque l’on souhaite :
† †
caractère social et communau- sont occupés, et l’on recherche des
« faire de nos locataires des parte-

taire favorisant le mieux-être de accommodements avec les occu-
naires de la gestion de l’immeuble sa clientèle (art. 57, Loi sur la pants, car « … on ne veut pas de

et améliorer les services… » (admi- †

SHQ) » et qu’il revient à chaque



requêtes à la régie pour perte de
nistrateur). Cette structure de ser- Office de décider du rôle des jouissance » (gestionnaire). Ce

vices est centralisée, et deux processus de consultation, qui


locataires dans le processus de
organisatrices communautaires tra- s’appuie sur le patrimoine d’expé-
mise en œuvre des travaux majeurs
vaillent dans chacun des trois sec- riences en développement social
de rénovation, l’OMHM a ainsi
teurs géographiques délimités par et communautaire, est considéré
l’OMHM dans sa structure organi- installé une structure de services, comme l’aspect le plus innovateur
sationnelle. Certains gestionnaires afin de rejoindre et de consulter par l’ensemble de nos interlocu-
auraient voulu que ceux-ci relè- les locataires concernés par les teurs. « L’Office a expérimenté

vent des secteurs, mais le choix a rénovations quant à leurs besoins différentes façons de faire pour
été fait de garder centralisée cette et à leurs priorités. L’Office veut arriver à rejoindre les locataires : †

équipe, afin qu’elle puisse conser- ainsi s’assurer de leur collabora- assemblée générale, 5 à 7, ren-
ver sa force et sa cohérence. tion dans la réalisation des chan- contre de paliers, sondages, ani-
Cependant, ce secteur d’activité tiers. mation avec les jeunes, porte-
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LIEN SOCIAL ET POLITIQUES, 63 une marche à enjamber ? Est-ce † il n’y a pas d’association, ce pro-
que vous pourriez vérifier la pos- cessus de consultation semble plus
Les travaux majeurs de rénovation du parc
immobilier HLM de l’Office municipal sibilité de l’abaisser ? »
† † difficile en l’absence de liens
d’habitation de Montréal : forces et limites stables avec ceux-ci : « pourquoi tu
† †

de cette forme de gouvernance S’approprier son habitation participerais à des consultations


partagée avec les locataires
du propriétaire si tu ne te sens pas
Tous ces travaux majeurs repré-
respecté ? » (administrateur loca-
† †

sentent également pour l’Office


taire). La Communauté métropo-
non seulement une occasion de
litaine de Montréal a d’ailleurs
remettre à neuf des logements,
souligné « … l’ampleur du défi

mais constituent aussi une façon


que représente l’établissement
d’avoir des locataires plus enga-
d’une relation de confiance entre
88 gés, plus investis dans leur milieu
les locataires et le gestionnaire
de vie ou de manière plus instru-
dans un contexte de fragilisation
mentale : « Maintenant on remet
† †

à-porte, etc. » (FLHLMQ, 2009 : de la clientèle et du manque de res-


† †
un logement qui est peinturé,
2). En date du 27 octobre 2009, sources des OMH (Communauté
remis à neuf, et c’est plus facile de
Nathalie Morin, la responsable de métropolitaine de Montréal, 2008 : †

dire à la personne qu’on a un


la consultation des locataires à 35) ». Tout ce processus, qui se

contrat : ce qu’on lui remet est


l’Office, lors d’une réunion où veut des plus transparents, néces-


propre et on s’attend qu’elle le
était regroupée une centaine de site donc que l’on informe non
maintienne en bon état » (gestion-

représentants des associations de seulement les locataires, mais


naire). Dans une perspective de
locataires de Montréal, pouvait aussi toutes les personnes qui
développement des communau-
faire état des 110 rencontres agissent sur le terrain, afin « …†

tés, on croit qu’un sentiment de


tenues en 2009 dans les immeu- que tout le monde donne le même
fierté et d’appartenance chez les
bles où des travaux ont eu lieu ou message » (gestionnaire). Transpa-

résidents ira de pair avec un nou-


vont avoir lieu (FLHLMQ, 2009). rence, qualité et accessibilité sont
veau cadre bâti, favorisant ainsi
Ces données indiquent clairement donc des composantes essentielles
une appropriation de l’habitat et
qu’une approche de proximité est de ce processus de communica-
une intégration des différentes
à l’œuvre puisque ces rencontres tion. Les locataires, par l’entre-
populations. L’OMHM estime
ciblent des espaces de vie bien pré- mise de groupes de discussion, ont
aussi que le processus de rénova-
cis. Ce nouvel espace de parole d’ailleurs été consultés sur les
tion constitue « un bon levier

pour des gens peu organisés, mais outils de communication.


pour changer la perception des
maintenant considérés par l’Office gens par rapport aux HLM » † À compter de janvier 2009, en
comme des experts de l’usage des (administrateur). L’enjeu de favo- s’appuyant sur un plan de commu-
lieux, représente en termes d’op- riser l’acceptabilité sociale avait nication qui va accompagner les
portunités, une augmentation réelle d’ailleurs été soulevé dans le pre- quatre prochaines années de
de la liberté de ces personnes. Elles mier plan d’action pour le loge- rénovations majeures, l’Office a
peuvent influencer le cours des ment social et abordable de la mis en place un comité de coordi-
travaux et ainsi être contributives Communauté métropolitaine de nation de la communication sur
à une mise en commun de leurs Montréal (CMM). Modifier le les travaux majeurs, afin de s’assu-
paroles. On nous a donné en stigma relié à l’HLM et faire en rer qu’il y aura une cohérence
exemple des modifications à sorte que le milieu de vie des loca- dans les messages.
l’embrasure des portes-fenêtres taires soit vraiment contributif à
d’une habitation de personnes leur mieux-être représentent donc Discussion
âgées à la suite de la consultation des résultats souhaités et attendus
des locataires. « …notre porte-

de la part de l’Office. L’approche par les capacités


patio, on est très heureux que telle que conceptualisée par
vous la changiez. Mais saviez- Dans les habitations où demeu- Amartya Sen envisage « … dans un

vous qu’elle est haute et qu’on a rent des ménages familiaux et où même mouvement le souci du
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développement des libertés indivi- ser le pouvoir d’influence et d’ac- constitue la participation des loca-
duelles et la volonté de promou- tion des locataires. Cependant, son taires au processus de rénovation,
voir la participation démocratique sous-financement chronique nuit à nous semble constituer un frein
(Bonvin et Farvaque, 2008 : 100). † son fonctionnement et à sa capa- majeur à la réalisation de la double
Un processus continu de délibéra- cité réelle d’action, tant auprès des mission de l’OMHM. D’après les
tion démocratique doit donc s’ins- milieux de vie qu’au sein de l’orga- propos de nos interlocuteurs, elle
crire au cœur de l’action publique, nisation. ne semble pas non plus à l’ordre du
afin que puissent se développer les
Notre recherche met donc en jour. Pourtant, dans la province
capacités et libertés réelles de cha-
lumière un bilan contrasté. On a pu voisine, la Toronto Community
cun.Ainsi à l’OMHM, les habitants
ainsi constater que l’OMHM a pré- Housing Corporation (TCHU), a
sont-ils valorisés comme citoyens
cisé ses intentions quant à la cen- mis en place un plan de gestion
ou comme clients ? Sont-ils déten-

tralité du développement social et communautaire de proximité en 89


teurs d’une expertise collective
communautaire au sein de l’orga- vertu duquel la gestion des loge-
pleinement appréciée ? La mise en

nisation. À cet égard, le PQI a ments est assurée par l’intermé-


scène formelle des locataires dans
représenté pour l’OMHM une diaire de districts décentralisés et
le processus des travaux majeurs
occasion inespérée de tenter de où les habitants ont effectivement
de rénovation constitue l’une des
mieux concilier la gestion immobi-
activités d’intégration et d’harmo- un pouvoir décisionnel (Foroughi,
lière avec la gestion sociale au sein
nisation reliée à la double mission 2008). Ceci témoigne d’un fait
de l’organisation. Toutefois, la rai-
de l’OMHM. L’énoncé de la mis- capital en regard de la participa-
son d’être de cette entreprise
sion de l’OMHM spécifie en effet tion des locataires : un mode de
publique demeure le service à la †

explicitement que l’Office doit non gestion centralisée ne va de pair


clientèle et sa satisfaction mesurée
seulement procurer des logements qu’avec celle-ci. Les trois comités
par des sondages. Faut-il alors se
subventionnés de qualité aux loca- de secteur, compte tenu de leur
surprendre que le droit des habi-
taires, mais aussi favoriser « … leur
caractère consultatif et de leur

tants à la conception et à la gestion


pouvoir d’influence et d’action
de leur habitat demeure nécessai- nombre très restreint, ne peuvent
dans leur milieu ». Cette harmoni-

rement restreint ? † être considérés comme ayant le


sation de la double mission,
comme le révèlent nos entrevues, potentiel d’établir un équilibre
À cet égard, l’expérience des
représente un enjeu majeur iden- avec la gestion centralisée de
associations de locataires en
tifié dans le cadre des travaux du Grande-Bretagne est instructive, l’OMHM.
Plan stratégique 2010-2014 de puisque depuis plus de 20 ans, « les †
Paul MORIN
l’OMHM. Ainsi, le soutien aux gouvernements considèrent de Professeur, Université de
associations de locataires n’est plus en plus les résidents comme
Sherbrooke
plus mis en lien avec le service à la des acteurs majeurs dans l’amélio-
Directeur de la recherche du
clientèle comme dans le premier ration de leur qualité de vie et dans
Plan stratégique 2005-2009, mais centre affilié universitaire
la rénovation urbaine de leur
bien avec la dimension de l’action milieu ». (Caincross et al., 1994 : 154,
† †
Jeannette LEBLANC
communautaire. Ceci témoigne traduction libre). Pour l’auteur, tou- Professeure et directrice
selon nous que l’OMHM, conscient tefois, cette demande d’implication Département de psychologie
de la tension locataire/ client et s’est effectuée dans un contexte
Université de Sherbrooke
locataire/citoyen, essaie de mieux général de « responsabilités sans

circonscrire ces deux logiques de pouvoir pour les résidents », ce qui


† Michel DION
travail et de les appareiller avec la est loin d’être un facteur favorable à Professeur
dimension pertinente. Le module du leur participation et au développe- Université de Sherbrooke
développement social et commu- ment du sentiment d’appartenance.
nautaire, dans la structure organisa- Cette hiérarchie des pratiques – la Dicko BALDÉ
tionnelle de l’Office, a cette logique clientèle avant la logique Coordonnateur de la recherche
responsabilité première de favori- citoyenne – malgré l’avancée que CSSS-IUGS
LSP 63-17 25/06/10 14:06 Page 90

LIEN SOCIAL ET POLITIQUES, 63 Italie », dans Paul MORIN et


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