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Actes du colloque FICEL, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, DILTEC

Formation et professionnalisation des enseignants de langues.


Évolution des contextes, des besoins et des dispositifs

Quelles tâches pour la construction des


compétences professionnelles dans la formation de
futurs enseignants aux méthodologies de
l’enseignement des langues étrangères ?

Rana KANDEEL
Université du Yarmouk (Jordanie), Département des langues modernes

Dans le cadre d’une étude sur la mise en place des dispositifs développant le
professionnalisme de futurs enseignants dans la formation initiale (FI) en français langue
étrangère (FLE) à l’université du Yarmouk en Jordanie, nous nous sommes intéressée aux
tâches comme outils didactiques. Un cours de méthodologie de l’enseignement des langues
étrangères offre aux étudiants en troisième année l’opportunité de mettre en œuvre un
processus de transformation des savoirs théoriques de ce module et des savoir-faire acquis
en activités pédagogiques spécifiques et préparatoires à cette profession. L’objectif est de
leur permettre d’adopter des compétences professionnelles de base d’une façon réfléchie et
consciente pour répondre aux évolutions des dispositifs d’apprentissage du FLE au niveau
de l’enseignement secondaire dans le contexte éducatif jordanien. Il s’agit des contextes
innovants intégrant les nouvelles technologies dans l’enseignement/apprentissage des
langues étrangères.

La présente étude trouve ses origines dans la continuité de nos travaux de recherche sur
l’utilisation des nouvelles technologies dans un cours de langue dans les écoles publiques
jordaniennes (Kandeel, 2009). L’analyse des pratiques des enseignants dans le secondaire,
dans une perspective systémique, a révélé la nécessité de repenser la FI des enseignants de

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français qui mettent en œuvre l’utilisation des technologies de l’information et de la


communication (TIC) selon des paradigmes théoriques de référence centrés sur une
méthodologie traditionnelle.

Notre cadre théorique prend appui sur le rôle de la FI en ligne dans l’évolution des pratiques
et sur l’intérêt de la mise en place de tâches adoptant une orientation professionnalisante.
Nous nous intéressons à la formation axée sur l’acquisition des compétences nécessaires à
l’intégration des ressources numériques en classe de langue. Nous présentons ensuite le
contexte de l’étude et la collecte des données qui s’appuie sur une enquête de terrain réalisée
auprès de futurs enseignants à travers des entretiens directifs. L’objectif des entretiens est de
connaître leur point de vue vis-à-vis des nouveaux outils proposés. Nous tentons de
comprendre s’ils perçoivent cette proposition comme élément de formation susceptible de
leur assurer une perspective pertinente de professionnalisation.

1. La formation initiale en ligne de futurs enseignants des


langues étrangères
La FI des futurs enseignants aux métiers de l’enseignement des langues constitue une
préoccupation essentielle pour la didactique des langues parce qu’elle est un processus
d’apprentissage offrant les moyens et les outils de construction des savoirs, des pratiques et
des identités professionnels (Causa, 2007 : 5). Considérée comme le lieu de l’évolution des
réflexions et des pratiques développées par les futurs enseignants (Causa & Vlad, 2008 :
115), la FI permet d’opérer un retour sur la contextualisation, un objectif essentiel de la
problématisation didactique.

L’introduction des TIC dans l’apprentissage des langues a contribué à la multiplication des
offres de formation en FLE en bouleversant les conditions de production et de transmission
(Weber, 2007 :16). Les formations des enseignants de langues comprennent aujourd’hui un
volet d’apprentissage de l’utilisation de ces technologies qui favorisent davantage le passage
de la formation à l’autoformation (Cuq & Gruca, 2005 : 148). Les chercheurs continuent à
concevoir de nouveaux dispositifs de FI des futurs enseignants en mettant en œuvre les

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savoirs et savoir-faire dans des environnements préparatoires à la carrière professionnelle.


La formation en ligne joue un rôle décisif dans l’instrumentalisation des activités de
formation. En effet, elle procure aux futurs enseignants un contexte de travail favorable pour
approfondir leurs connaissances et commencer à construire leurs compétences dans une
optique didactique (Allaire, 2006 : 10 ; Arnold & Ducate, 2006). Grâce aux pratiques mises
en œuvre, les étudiants peuvent vivre une articulation entre théorie et pratique en
transgressant les modules de formation universitaire théorique et classique. Ils apprennent
les savoirs et les compétences dans des contextes d’éloignement du pays natal de la langue
cible et se mettent dans des situations suscitant la réflexion sur ce qu’est l’apprentissage
d’une langue étrangère (Duveau-Patureau, 2006 : 38 ; Rinaudo, 2006 : 174) et sur
l’opérationnalité des moyens théoriques mis à leur disposition. En matière de
développement de la formation ouverte et/ou à distance, les contenus, les compétences des
acteurs et les pratiques pédagogiques constituent de nouvelles exigences sur lesquelles
s’interroge ce type de formation (Guichon, 2009 ; Mangenot, 2005).

2. Les tâches dans la formation initiale en ligne


Les tâches, préconisées par le Cadre européen commun de référence pour les langues
(CECRL), sont une question importante à laquelle la didactique des langues et les nouvelles
technologies accordent une place primordiale. Elles sont considérées comme des activités
d’apprentissage des langues en ligne susceptibles de renforcer les compétences
communicatives (Abrams, 2003 ; Lee, 2002), interculturelles (Audras & Chanier, 2007 ;
Belz, 2002) des apprenants et de mettre l’accent sur la dimension sociale et la collaboration
des pairs ou des groupes (Bourdet & Teutsch, 2006 ; Dejean-Thircuir & Mangenot, 2006).

Dans la formation didactique à l’enseignement des langues, l’accompagnement des


étudiants-futurs enseignants par le biais d’outils de communication en ligne se généralise.
L’émergence des dispositifs de formation se donne pour objectif la mise à disposition des
étudiants d’un espace d’expression et de collaboration où ils s’entraident, échangent,
élaborent leur identité professionnelle naissante et contribuent au questionnement des
savoirs théoriques de référence. Les tâches sont souvent de nature non langagière, c’est-à-

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dire, des faits courants de la vie quotidienne dans le domaine professionnel supposant la
mise en œuvre stratégique de compétences données, afin de mener à bien un ensemble
d’actions finalisées dans un certain domaine avec un but défini et un produit particulier
(CECRL, 2005 : 121). Le but n’est plus de renforcer le niveau linguistique pour le futur
enseignant non-natif mais aussi de développer des pratiques professionnelles et selon
Soubrié (2008) :

d’encourager les étudiants à adopter des comportements considérés


comme étant constitutifs du métier d’enseignant : faire preuve d’un
engagement cognitif, recourir aux savoirs de référence, tirer parti des
situations problèmes, adopter un lexique spécialisé, etc. Ou encore, sur
un plan collectif, être à l’écoute de ses collègues, s’encourager
mutuellement, venir en aide aux autres, mutualiser ses connaissances,
délibérer collégialement, prendre position, argumenter, etc.

Dans le cadre de la préparation au professionnalisme, il ne s’agit pas d’orienter uniquement


les activités de formation vers le savoir théorique, généralement qualifié comme peu
efficient et insuffisamment opératoire par les acteurs dans une situation didactique. Les
productions, dans une telle formation, sauraient correspondre aux compétences dont les
étudiants pourraient faire preuve hors formation.

L’émergence croissante des dispositifs en ligne témoigne du développement des pratiques de


formation centrées sur les tâches. Nous citons à titre d’exemple le projet le français en
première ligne qui fournit un élément digne d’intérêt parce qu’il vise à former des étudiants
en master de FLE à l’enseignement d’une langue via Internet (Mangenot & Zourou, 2007 :
50). Le projet met en avant le concept des tâches « langagières » et « non langagières ».
L’enseignant demande aux futurs enseignants de réaliser une action non langagière comme
par exemple, la conception des tâches langagières multimédias pour des apprenants
étrangers et de vivre l’expérience de l’enseignement en tant que tuteurs.

3. Contexte de l’étude et problématique


Dans le programme d’enseignement du français langue étrangère actuellement mis à l’œuvre
à l’université du Yarmouk, il est admis que la sensibilisation au questionnement didactique

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est intégrée. Mais, l’enseignement ne présente pas suffisamment de matières spécialisées en


didactique du FLE durant les quatre ans de la FI. Dans un cours portant sur les nouvelles
méthodologies de l’enseignement des langues étrangères (LM 349), la description de la
maquette propose de faire connaitre aux étudiants les développements dans l’enseignement
des langues étrangères pour renforcer leur savoir dans cette discipline, notamment pour ceux
qui désirent travailler dans l’enseignement après leurs études. La FI est caractérisée, en
général, par la prédominance des connaissances théoriques et l’absence de construction des
compétences professionnelles (CP). La valorisation de la formation se fait essentiellement
en termes de contenus informatifs sans poser la question de l’opérationnalité des moyens
théoriques sur le terrain. L’application de ce type de formation prépare de futurs enseignants
incapables de transférer les savoirs théoriques acquis à l’université en actions
opérationnelles dans leur pratique dans le cadre de l’enseignement secondaire. Les processus
d’enseignement sont empruntés aux méthodologies traditionnelles mises en œuvre par les
professeurs à l’université ; ils caractérisent principalement les dispositifs innovants
d’apprentissage médiatisé par les TIC (Kandeel, 2010). Préparer les étudiants au métier
implique que les professeurs formateurs aient en tout premier lieu eux-mêmes ces capacités
comme partie intégrante de leurs CP pour pouvoir répondre aux besoins de la situation
pédagogique, comme le souligne Aden :

S’ils ne sont pas formés à reconnaitre et adapter leurs réflexes


communicationnels, les enseignants se replient le plus souvent sur le
modèle de leurs anciens professeurs. Dans la formation en langue des
professeurs non spécialistes (professeurs des écoles ou des disciplines
non linguistiques), nous constatons que les enseignants réutilisent les
stratégies dont ils se souviennent de leur scolarité et qui sont
intériorisées comme les seules possibles car les seules connues
(2006 : 49).

Tous ces éléments ont conduit à une remise en cause de la FI et à la réflexion sur des
dispositifs innovants inscrivant le futur enseignant dans un processus complexe lui
permettant de se remettre lui-même en question et de construire des compétences à partir
d’une réflexion critique sur sa pratique professionnelle (Perez-Roux, 2006 : 35). La
centration sur le processus de la formation qui est constitué des démarches et outils de

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recherche que les enseignants peuvent utiliser eux-mêmes, favorise la compréhension de


leurs propres pratiques (Galisson & Puren, 1999 : 5).

3.1. Nouveau dispositif de formation initiale en ligne

La mise en place d’un dispositif consacré à l’accompagnement des futurs enseignants dans
la formation aux méthodologies d’enseignement des langues étrangères s’avère essentielle
pour faire acquérir les compétences nécessaires à l’enseignement du FLE par le biais des
nouvelles technologies. L’efficacité de la formation consiste à les former dans le lieu de
travail et à les accompagner avant, pendant et après l’utilisation des nouvelles technologies
(Mangenot, 2005 : 164). Un futur enseignant qui n’a pas la capacité de sélectionner,
concevoir, évaluer les activités d’apprentissage ou les ressources numériques indispensables
à une classe de langue étrangère est très loin d’être un acteur impliqué dans ses activités
pédagogiques. Chini évoque ce risque en expliquant que :

L’expérience reste alors celle de l’autre, une action par procuration,


qui lui est donc étrangère. S’il est indéniable que le travail accompli à
partir des dossiers permet d’introduire et d’expliciter un certain
nombre de concepts de base et de mettre en place une connaissance
didactique minimale, il n’en reste pas moins que la pratique
pédagogique peut demeurer pour les étudiants un simple objet d’étude,
et ne jamais devenir un champ d’action (2003 : 15).

La plateforme pédagogique « Clarolina » disponible sur le site de l’université du Yarmouk


par le biais du système e-learning 1 constitue le support informatique du dispositif.
Cependant, ce dispositif ne pourrait être considéré comme une simple organisation des
ressources humaines, matérielles et pédagogiques. L’accent est mis sur les tâches en tant
qu’activités cognitives à réaliser par les futurs enseignants :

Il serait sans doute plus juste de considérer les ressources, non comme
des supports matériels, mais comme des déclencheurs des activités
(cognitives, mais aussi langagières) organisées, donc comme des
déclencheurs de processus qui permettront de réaliser des actes sociaux
en interaction avec d’autres et d’enclencher ainsi le passage d’une

1
Voir le site http://elearning.yu.edu.jo/online/ [consulté le 15-06-12].

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étape de l’acquisition langagière (de l’interlangue) à une autre (Narcy-


Combes, 2005 : 128).

3.2. Quelles tâches pour la construction des compétences


professionnelles ?

La question sur les types de tâches à proposer, qui est le point central de notre
problématique, repose essentiellement sur la définition des compétences de base définies par
Mangenot comme indispensables à tout enseignement enrichi par les nouvelles technologies.
Cet auteur énumère quatre compétences qui seraient des pré-requis pour la majorité des
autres fonctions liées à l’utilisation des TIC et repérées sur le terrain de l’enseignement des
langues. Les compétences sont :

- savoir repérer des ressources existantes, notamment à partir


d’Internet
- savoir évaluer une ressource multimédia : pertinence thématique,
langagière, sémiologique, ergonomique et pédagogique, fiabilité,
intérêt pour les apprenants
- savoir intégrer une ressource multimédia
- savoir créer une tâche ou un scénario multimédia sur papier
(2005 : 163).

Les tâches sont considérées comme des outils didactiques tels qu’ils sont définis par Cuq et
Gruca : « un ensemble de techniques (de pratiques) à mettre en œuvre dans des situations
préalablement objectivées en vue d’obtenir un certain résultat » (2005 : 443). Nous les
dénommons « tâches pour des objectifs professionnels » (TOP) puisqu’elles ne donnent pas
la priorité aux compétences linguistiques, communicatives ou socioculturelles d’un
enseignant non-natif mais aux savoir-faire privilégiant des actions pour la maîtrise des
pratiques pédagogiques et des stratégies nécessaires à remplir les fonctions d’un enseignant
de langue.

Selon les contextes et les circonstances, les tâches seront bien entendu
différentes, mais, si l’on se place dans la logique du CECR, l’objectif
est constant : accomplir différentes tâches en vue de s’intégrer à terme
dans une communauté autre pour y devenir, autant que faire se peut, un
acteur social à part entière (Rosen, 2009 : 7).

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Le choix est centré sur deux tâches constructives des CP chez les futurs enseignants. La
première tâche concerne l’analyse des ressources multimédias ; elle vise à mettre en lien les
différentes méthodologies (audio-orale, audiovisuelle, approche communicative, perspective
actionnelle) et les ressources disponibles pour l’enseignement du FLE. Les étudiants
analysent ces ressources en utilisant une grille d’analyse conçue pour les langues. Les sites à
analyser sont fournis aux étudiants par l’enseignant. L’objectif est de développer leur
capacité d’analyse et de pouvoir classifier les ressources selon les méthodologies qu’elles
adoptent. Le futur enseignant est supposé donc être capable, après la réalisation de cette
mission, de distinguer les ressources ayant la fonction d’entraînement faisant appel à la
mémorisation et à l’automatisation de celles visant à la conceptualisation ou à la découverte-
exploration. En fonction de cette distinction, il est possible de varier les activités ou de créer
de nouveaux outils plus adaptés à chaque situation de classe.

La deuxième tâche amène l’étudiant dans une autre activité concrète de son futur métier. Il
s’agit de concevoir un exercice, une activité, une tâche à l’aide d’un logiciel ou des supports
informatiques. L’objectif est de l’orienter vers l’action et ne pas se contenter d’avoir une
représentation mentale de ces activités. Dans l’enseignement du français, on explique les
activités selon les paradigmes méthodologiques de référence sans impliquer l’étudiant dans
une phase de production. Le résultat est que les néo-enseignants rencontrent des difficultés
dans la préparation de ces activités. Parmi ces obstacles, nous trouvons les erreurs
linguistiques, la non-adaptation des types d’activités par rapport aux méthodologies mises en
œuvre et la fréquence des activités invariables notamment grammaticales.

4. Les données
La production des discours sur la perception des tâches par 16 futurs enseignants
interviewés a permis de collecter des données à la fin des quatre mois de cours durant le
deuxième semestre en 2010. Les étudiants ont des niveaux allant de A2 à B1 correspondant
au CECRL. La majorité des étudiants ont la même durée d’apprentissage du français à
l’université et trois étudiants ont fait un an de plus en français hors du cadre universitaire. En
d’autres termes, les étudiants ont effectué 3 ou 4 ans d’études de cette langue, mais les

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étudiants inscrits dans ce cours sont en troisième et quatrième années de la licence. Les
profils des étudiants interrogés sont représentés selon le sexe, l’âge, les années
d’apprentissage du français à l’université et les années d’apprentissage du français en
général. Le tableau suivant résume les profils de l’échantillon-sujet :

Profils Étudiants
3 étudiants (E12, 15, 16)
Sexe 13 étudiantes (E1-11, E13, 14)
20 ans: 1 étudiant (E12)
Âge 21 ans: 9 étudiants (E1, 5, 6, 7, 9, 11, 13, 14, 16)
22 ans: 5 étudiants (E2, 3, 8, 10, 15)
23 ans: 1 étudiante (E4)
2 ans (E7)
Années d’apprentissage du français à 3 ans (E1, 2, 5, 6, 8, 12, 13, 14, 16)
l’université 4 ans (E3, 9, 10, 11, 15)
6 ans (E4)
Années d’apprentissage du français en Un an en plus (E1, 2, 8)
général
Tableau 1. Profils des sujets

L’entretien directif est l’instrument de l’enquête. Les questions des entretiens sont posées
sur les tâches. Elles sont structurées autour de ce que les étudiants pensent de
l’accomplissement des tâches, de leurs apports à l’agir professoral et de l’évaluation
générale de l’expérience, par exemple :

1. Dans le cadre de ce cours, le professeur vous a demandé de faire les


tâches suivantes : analyser un site d’apprentissage du français langue
étrangère (FLE) et préparer quelques activités linguistiques pour les
futurs apprenants de cette langue. Êtes-vous satisfait de la réalisation
de ces tâches ? Lesquelles ? Pourquoi ?
2. Pensez-vous que ces tâches vous seront utiles dans votre futur travail
comme professeur de FLE ? Comment ?
3. Durant votre étude du cours L.M 349 vous avez utilisé le e-Learning.
Que pensez- vous de cette expérience en général ? Justifiez votre
réponse.

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L’analyse des données est de type qualitatif privilégiant une analyse thématique du contenu.
La grille reposant sur les tâches correspondant aux compétences citées par Mangenot (ibid.)
a constitué l’outil d’analyse.

5. Principaux résultats
L’analyse des données a permis d’identifier la perception des futurs enseignants quant à
l’utilité de ce nouveau dispositif et des tâches proposées.

5.1. L’évaluation de l’expérience

Tous les sujets sont unanimement satisfaits de ce dispositif de formation. Les raisons de leur
satisfaction sont la nouveauté de l’expérience, son importance et son utilité. Les TIC
représentent, pour eux, un apport à l’apprentissage de ce cours parce qu’elles dépassent les
méthodes traditionnelles et leur permettent une réflexion et un apprentissage de type
différent. L’utilisation d’Internet et du système du e-learning favorisent la découverte des
ressources et aident à l’apprentissage des langues. Au niveau didactique, l’intérêt porté à ce
cours concerne l’articulation entre la théorie et la pratique, le rôle actif que jouent les futurs
enseignants et la prise de conscience d’une dimension prospective de la formation préparant
au futur travail d’enseignant de langue :

c’est une expérience enrichissante qui nous a ouvert des nouvelles


portes pour l’avenir, en effet on peut rêver de voir des choses qu’il nous
était impossible de voir (E. 7. 2.).

5.2. Les tâches : accomplissements et apports

5.2.1. L’analyse des ressources multimédia

L’analyse des sites Internet était perçue comme une compétence professionnelle à acquérir
afin de s’en servir dans le métier d’enseignant. Les sujets interrogés sont satisfaits de la

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réalisation de l’analyse et semblent avoir conscience des attentes pédagogiques de la


profession dans l’avenir et de l’intérêt d’acquérir ces savoir-faire durant leurs études :

…mais j’ai trouvé que j’ai bien fait une meilleure analyse pour les sites
car je vais m’en servir beaucoup plus que les autres méthodes dans les
cours prochains et au futur (E. 1. 4.).

C’est aussi la même conviction d’un étudiant qui a avoué ne pas pouvoir analyser des sites
éducatifs :

je n’ai pas la capacité entière d’analyser les sites éducatifs, et parce


que je n’ai aucune expérience, mais ça me donne les moyens et les
qualités de faire de mon mieux pour ma vie professionnelle future (E.
16. 4.).

Toutefois, la réflexion sur l’intérêt didactique des ressources numériques et les discussions
sont présentes dans les discours des sujets en tant que points forts.

5.2.2. La conception d’une activité linguistique

La préparation et la conception d’une activité linguistique à l’aide du logiciel "Hot potatoes"


ont attiré les étudiants. L’attrait de l’informatique figurait moins dans leurs discours et un
seul étudiant a parlé d’amusement dans ce travail. L’ensemble des discours des sujets qui
privilégient cette tâche contient une réflexion sur son intérêt pour leurs démarches
professionnelles. Selon Mangenot, la réflexivité approfondie sur les apports et les limites des
TIC dans l’apprentissage des langues est le travail le plus important à mener dans la
formation initiale et continue (2005 : 164). Certains sujets ont apprécié le fait d’être
responsables d’une activité pédagogique ou d’une transmission des connaissances ainsi que
le développement de leurs compétences linguistiques. D’autres ont souligné l’importance de
leur participation à la création des activités destinées aux futurs apprenants car c’est la tâche
qui leur permet le plus d’exprimer leur façon de réfléchir et leurs méthodologies
d’enseignement en devenir :

mais j’avais grande envie d’exécuter la dernière tâche qui était la


préparation d’une activité linguistique aux futurs apprenants de cette
langue car c’est l’activité qui m’a permis le plus d’exprimer ma façon
de réflexion et d’enseignement (E. 5. 4.).

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5.2.3. Apports des tâches à la professionnalisation et au niveau linguistique

Les apports de la réalisation des tâches sont manifestes à deux niveaux : linguistique et
professionnel. Bien que nous ayons centré l’analyse sur la professionnalisation, l’apport
linguistique était présent dans le discours de la majorité des étudiants. L’exécution des
tâches a un rôle dans le développement de leur niveau linguistique en ce qui concerne
l’acquisition et l’apprentissage d’un lexique nouveau notamment le vocabulaire scientifique
et les mots techniques de l’informatique. Certains étudiants n’ont pas pu profiter de cette
expérience à cause des difficultés qu’ils ont rencontrées dans la pratique de la
communication écrite ou en raison de la contrainte de temps du cours à laquelle ils se sont
heurtés. L’accent est mis aussi sur l’apport au niveau de l’expression écrite et les fautes
d’orthographe. Les sujets interrogés indiquent que la correction et la révision de leur travail
écrit ainsi que l’attention portée à la forme les ont aidés tant à éviter les erreurs qu’à s’auto-
évaluer :

l’exécution des tâches m’a aidé… au cours de mes tentatives pour


écrire les tâches dans ma propre langue, ce qui me fait porter plus
d’attention aux erreurs de langue et d’orthographe (E. 5. 6.).

L’apport des tâches à la professionnalisation des futurs enseignants est remarquable dans le
discours des étudiants. Ils perçoivent évidemment les tâches comme des outils pratiques qui
les aident à concevoir des activités de langue simples, faciles et ludiques pour de futurs
apprenants. La réflexion sur l’intérêt de motiver les apprenants dans leur apprentissage du
FLE et de rendre ces activités convenables par rapport aux niveaux effectifs des apprenants
est manifeste chez plusieurs sujets :

j’ai fait un devoir et une préparation d’une activité linguistique pour les
apprenants de l’avenir, c’est un petit et simple devoir mais je crois qu’il
me sera d’un bon intérêt (E. 1. 8.).

La prise en compte des aspects socioculturels dans la préparation des activités est un
élément essentiel dans le discours d’un étudiant :

et aussi elles (les tâches) vont m’aider à faire certaines activités


linguistiques qui sont en rapport avec notre culture et notre civilisation
(E. 5. 8.).

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Un autre aspect important est d’avoir à la fois la confiance et l’assurance de pouvoir


concevoir une partie du matériel pédagogique pour les futurs apprenants :

oui bien sûr, car ces tâches m’ont aidé à construire un bagage sur la
nature des matières éducatives, comment je pourrais faire des exercices
pour les futurs apprenants et comment s’occuper des sites Internet et
les juger ? (E. 12. 8.).

Le discours de certains sujets a révélé que la mise en œuvre de nouvelles méthodologies


d’enseignement du français a permis d’engager une réflexion sur les méthodes
d’enseignement. Ils ont fait la distinction entre les différentes méthodologies à travers la
pratique de l’analyse du site et les démarches adoptées par l’enseignant dans le cours. Il y a
une volonté de transmission des méthodes mises en œuvre dans cette expérience dans leurs
futures pratiques :

D’autre part, j’ai appris avec Mme x (la professeure de cette matière)
une nouvelle et très différente façon d’enseignement (E. 6. 8.).

6. Conclusion
La question de la FI s’impose comme une priorité pour les chercheurs et les spécialistes en
langues avec la diffusion des TIC dans les cours de langues étrangères tout particulièrement
en FLE. Il apparaît impératif pour les professeurs de l’enseignement supérieur de pouvoir
répondre aux besoins de futurs enseignants et apprenants en développant des perspectives
participant largement à doter l’enseignant novice des CP. Pour réussir dans ce travail
compliqué, l’action et la réflexion à d’autres outils peuvent améliorer les pratiques sur le
terrain. Les résultats que nous avons dégagés nous amènent à quelques conclusions
intéressantes qui demandent à être développées dans des expériences ultérieures. Nous
avons vu que la perception des tâches proposées était favorable au niveau de la
compréhension de l’évolution des méthodologies et des moyens de l’enseignement des
langues. Nos analyses ont aussi montré l’intérêt de la mise en œuvre des tâches favorisant
l’acquisition des compétences nécessaires pour remplir la fonction d’enseignant dans des

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contextes intégrant les TIC. Pourtant, il n’est pas toujours facile de travailler sur les
compétences dans un contexte universitaire où le savoir théorique reste le seul moyen de
valorisation du profil d’enseignant de langue.

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Actes du colloque FICEL, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, DILTEC
Formation et professionnalisation des enseignants de langues.
Évolution des contextes, des besoins et des dispositifs

L’analyse des techniques d’enseignement de


l’enseignant novice : un moyen d’observer
l’apport de la formation à la méthodologie en
didactique des langues étrangères ?

Véronique LAURENS
Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 ; DILTEC EA 2288, Paris 3

La question de la réflexivité a pris une place importante ces dernières années dans les
travaux de recherche consacrés à la formation des enseignants de langues étrangères. Elle
met l’accent sur la nécessité de travailler sur les représentations des enseignants dans leurs
rapports aux langues et à l’apprentissage des langues, afin de ne pas limiter leur formation à
la manipulation d’un ensemble d’outils (par exemple, Borg, 2006 ; Cambra Giné, 2003 ;
Causa, 2007 ; Causa & Cadet, 2006). Tout en prenant acte de cette orientation pertinente des
travaux sur la formation des enseignants de langues étrangères, notre contribution reviendra
sur l’importance de la formation à la méthodologie dans ce qu’elle recouvre de technicité au
service de la réflexivité sur le plan méthodique. Il s’agit ici d’envisager la technicité et la
réflexivité dans ce qu’elles ont de complémentaire dans tout processus de formation
professionnalisant. Une formation à la méthodologie de l’enseignement des langues
étrangères dans le cadre des programmes de masters de didactique des langues comporte
généralement un travail de découverte et d’appropriation de techniques d’enseignement que
les futurs enseignants pourront être amenés à utiliser dans leur métier. Une fois le temps de
la formation passée, qu’advient-il des techniques préconisées en formation ? En quoi
contribuent-elles au développement du répertoire didactique (Bigot & alii, 2004 ; Cadet &

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